Le sujet
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Le sujet
Problème : le sujet n’est-il qu’une convention linguistique ou est-il une
réalité ?
I- Un terme équivoque
1-sujet grammatical et sujet métaphysique
• le sujet grammatical : fonction grammaticale essentielle à la phrase verbale. Ce dont on parle et à propos de quoi on dit quelque chose, par l’intermédiaire d’un verbe.
1/ « Le troupeau broute paisiblement »
2/ « la grâce de cette femme m'a séduit » 3/ « Batman aime Robin »
• Pourtant, ce n’est pas parce qu’il y a un sujet grammatical qu’il y a un sujet réel qui lui correspond (de même pour les substantifs).
Certaines reformulations sont moins ambigûes et plus fidèles à la réalité. 3’/« dans la fiction de Bob Kane et Bill Finger, Batman aime Robin » 1’/« les moutons attroupés broutent paisiblement » 2’/« cette femme, parce qu’elle est gracieuse, m’a séduit »
L'univers ne semble pas être composéde choses telles que Batman, la beauté, les ensembles.
mais plutôt des objets physiques, êtres vivants, animaux, personnes, leurs propriétés et relations.(Aristote)
Métaphysique (ou ontologie) : partie de la philo qui s’occupe de déterminer les classes les plus générales d’êtres, ou les distinctions les plus générales (Aristote)
“A curious thing about the ontological problem is its simplicity. It can be put in three Anglo-Saxon monosyllables: ‘What is there?’ “ (Quine)
Aristote : on appelle sujet ou substance les êtres qui répondent aux conditions suivantes :
• ils sont "individués" (= que l'on peut désigner, et compter)
« ce français » ≠ « le français moyen »; « la ruralité »
→ on distingue ainsi les substances ≠ les abstractions
• ils sont « séparés » des autres choses auxquelles ils sont liés
« ce vêtement » ≠ « cette taille » (ce format, …) → on distingue les sujets ≠ les propriétés des sujets
• cohésion de ses éléments constituants → on distingue ainsi les sujets ≠ les ensembles, collections, …
La langue peut nous induire en erreur, en véhiculant certaines illusions
L’analyse logique et philosophique peut préserver des illusions, en nous montrant où sont les sujets réels, métaphysiques : les substances.
3- le sujet au sens de la subjectivité
a-la notion moderne
Depuis le 17ème s, un usage spécifique du mot sujet en philo (repris ensuite dans les sciences humaines) s'appliquant seulement aux personnes.
Le sujet désigne alors plus particulièrement un être- capable d’actions intentionnelles - capable de conscience, de conscience de soi, = conditions nécessaires et suffisantes pour être un sujet. - d'autres opérations et états mentaux (réflexion, désir…)
John Locke
b-traits grammaticaux
• La subjectivité est exprimée par l'emploi du pronom personnel en première personne : "je vais à paris », « c’est mon manteau »
→ marque la réflexivité (auto-désignation, renforcée par la forme « moi-même ») et la conscience de soi
• 2ème et 3ème personnes peuvent désigner le(s) sujet(s) dans la mesure où eux aussi peuvent s'exprimer à la première personne.
•Le pronom a été substantivé : le moi La personne humaine serait avant tout un moi ou un soi
la personne = le sujet = le moi = la conscience
Descartes Pascal hegel
Locke Kant
Husserl Freud
II- La querelle du sujet
1-le problème
1/« Le ciel tonne. - Qui tonne ? »
Question absurde pour nous.
≠ croyance populaire grecque : ZeusPhénomène proche d’une action humaine produite par un sujet puissant et immortel.
Aujourd’hui, nous savons que éclair = ensemble de réactions électriques produites dans l’atmosphère. → pas de sujet derrière le phénomène.
2/« Mina m’a rendu sa dissertation » - Qui m’a rendu cette dissertation ? - Mina »
actions humaines ≠ simple fait naturel, sans responsable : → quelqu’un agit un acteur un agent responsable de l’action accomplie en vue d’un but souvent conscient
→ un sujet : l’acteur/auteur conscient et responsable
Mais y a-t-il vraiment un sujet responsable des actions qu’on lui impute ? Ne sommes-nous pas dans la situation de ces grecs ?
Les anciens grecs (peuple)
Les occidentaux modernes (peuple)
Phénomène L’orage Les actions humaines
Cause supposée Zeus Un sujet humain : lui/elle/moi / toi?
Exemple contemporain de remise en cause de la notion de sujet : progrès en neurosciences. On découvre les processus neuronaux à l’œuvre dans la prise de décision (par ex).
Un nombre indéfini de réactions organiques et/ou physico-chimique est mobilisé dans une action humaine.
• Expressions quasi ordinaire : « c’est mon cerveau qui rêve » « Il y a des situations où votre cerveau sait que vous vous êtes trompé mais vous ne le savez pas » (Lucie Charles, doctorante en neurosciences)
Qui est responsable de mes actions ? L’ensemble de ces processus physico-chimiques ? Dans ce cas, en suis-je encore responsable ?
L’idée qu’il y a un sujet responsable de cette action est-elle une illusion ? Un préjugé utile à la vie pratique et au fonctionnement de la société , mais faux ? Si le sujet est bien acteur et auteur de ces actions, comment doit-on le concevoir ?
2-deux antithèses
2 thèses radicales, radicalement opposées :
Descartes Nietzsche
Les hommes sont des sujets. « Moi » = une entité réelle.
La notion de sujet est une illusion. Moi n’est qu’une illusion.
Il y a un esprit distinct du corps Il n’y a que des corps
Nous avons conscience de ce que nous sommes La conscience est superficielle et trompeuse
Nous sommes responsables de nos actions Nous ne sommes pas responsables de quoique ce soit
Il y a un libre-arbitre Il n’y a pas de libre-arbitre
Textes : Descartes / Nietzsche.
Qui a raison ?
Si aucun d’entre eux n’a raison, quelle conception plus pertinente du sujet pourrions-nous construire ?
Nous passerons à l’épreuve ces conceptions en traitant les sujets suivants :
- L’esprit est-il une entité immatérielle ou est-il matériel ? - Peut-on tout savoir de soi, par la conscience ? - (peut-on ne plus être soi ?) - Avons-nous un libre-arbitre ?