Le street art à la rue
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Le street art la rueLE MONDE CULTURE ET IDEES | 24.01.2013 15h25 Mis jour le 24.01.2013 18h06
Par Fanny Arlandis
A New York, au coeur de Long Island, 5 Pointz est la Mecque du graffiti
(http://www.youtube.com/watch?v=IQ1si7reBB0) (vido). Un vritable muse ciel ouvert o
les artistes peignent librement. Mais pour seulement quelques mois encore : il
devrait tre dtruit en septembre pour laisserplace deux tours de quarantetages la vue imprenable sur Manhattan. Piscine, salle de yoga, billard... Tout
le luxeau service de la gentrification.
"DISTINGUER LE TAG SAUVAGE DU GRAFF ARTISTIQUE"
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La liste des lieux mythiques du street art (mosaques, graffitis, pochoirs,
collages...) rays de la carte ne cesse de s'allonger. Le Tacheles, Berlin, une
ancienne galerie commerciale occupe par des artistes pendant plus de vingt
ans, a ferm l't dernier. Mme chose, en 2011, pour la piscine Molitor, Paris
, surnomme le "paquebot blanc". Et si l'ancien btiment des douanes de Pantin
survit encore, il fermera dans quelques annes. Tous disparaissent pour la
mme raison : ces espaces urbains offrent de belles oprations immobilires.
Le street art a toujours vcu au coeur d'une ambigut entretenue par les
Un mur de graffitis Saint-Pierre-des-Corps | Frdric Potet / Le Monde
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municipalits : d'un ct elles combattent une pratique "vandale", souvent
associe au tag ; de l'autre, elles encouragent une pratique "artistique". Pas
simple de fairela diffrence... Dans le 20 arrondissement de Paris, explique
Bruno Julliard, adjoint charg de la culture, "la mairie a cr une formation
spcifique pour les personnels en charge du nettoyage des murs afin de
distinguer
le tag sauvage du graff artistique".
1 500 EUROS D'AMENDE
Le plus souvent, sans fairele tri, les villes luttent contre cette appropriation
juge illgale de l'espace urbain. Le graffiti sauvage est d'ailleurs passible d'une
amende pouvant atteindre1 500 euros, majore si le dlit touche un difice
public (article 636 du code pnal). Inlassablement, les municipalits dpensent
des fortunes pour enlevertags et pices de street art - 4,5 millions d'euros
Paris chaque anne.
Tags et street art sont pourtant indissociables. Tous deux sont crs dans un
"espace trs codifi"o "l'interdit est un des moteurs", rsume Tarek Ben
Yakhlef, artiste et auteur d'un des premiers livressur le graffiti en France, paru
en 1991. Cet art vise mobiliserdes motions et des imaginaires pour
transmettredes messages qui parlent tous.
"Le street art doit interagiravec le public d'une manire naturelle, crative et
spontane", confirme Nicholas Riggle, doctorant en philosophie l'universit de
New York. Les formes que l'on connat du street art aujourd'hui sont les
hritages de diffrents courants, dont le graffiti, qui voit le jour dans les annes
1960 aux Etats-Unis.
D'abord marginalis, il s'importe dans le mtro amricain dans les annes 1970,
avant d'arriveren Europedix ans plus tard avec le dveloppement du hip-hop.
Des signatures mergent alors : "Jrme Mesnager, les Mosko et associs, les
Musulmans fumants, Miss Tic ou encore Blek le rat, (http://bleklerat.free.fr/)l'inspirateur
de Banksy, sont trs prsents bien que noys dans la masse de tags qui ont
envahi la ville", raconte Tarek Ben Yakhlef.
Mais, progressivement, la gentrification se gnralise et "brise le tissu social",
tmoigne le graffeur Da Cruz. Les immeubles luxueux se multiplient et font
grimperen flche les prix des loyers. L'arrive de populations riches provoque
l'exil des plus pauvres. Une partie du street art a alors dnonc ces
transformations urbaines. A Berlin, par exemple, les loyers de la zone est ont
augment de 90 % entre 2000 et 2012, selon le magazineDer Spiegel. La faute
revient en grande partie aux "logements vendus une clientle internationale",
dit Bastian Lange, consultant pour Multiplicities, centred'tudes Berlinois
oeuvrant pour le dveloppement urbain.
"LUTTER CONTRE LES PELLETEUSES"
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C'est l que le street art entre en jeu : "[Il] a aid rendreexplicite le fait que la
gentrification n'est pas toujours une bonne chose que le voisinage doit accepter
sans protester", affirme Winifred Curran, gographe l'universit de Chicago.
Mme sentiment pour le graffeur Da Cruz, fervent dfenseur de l'identit
populaire du 19 arrondissement de Paris, qu'il a d quitteril y a cinq ans.
"Quand je graffais, je cherchais veiller les consciences ou du moins accompagnerce changement. Qu'est-ce qui, mieux que la couleur, peut runir
les gens ? Tu ne peux pas luttercontre des pelleteuses, mais tu peux luttersur
ce qui se passe dans la tte des gens, avant, pendant et aprs."
Si le street art dnonce la gentrification, il y participe pourtant parfois. Les
artistes ont normment utilis les quartiers pauvres comme espace
d'expression. Mais lorsqu'un quartier attire les artistes, il devient cool et pris
car"il signale la prsence d'une avant-garde culturelle", explique Nicholas
Riggle. Qui ne voudrait rejoindreun tel lieu de crativit ? Contre leur volont,
par leur seule prsence, ces artistes ont transform ces quartiers... car les
riches ont afflu. On l'a vu Berlin, New York aussi avec les quartiers de Soho
ou de Chelsea. "Mais il y a aussi de nouveaux arrivants qui viennent avec un
tat d'esprit mixte et une bonne dynamique", nuance Da Cruz.
"ON BOSSE POUR LE SYSTME"
Aussi, dans un premier temps, les municipalits - et les promoteurs - ne
s'opposent pas l'appropriation de certains quartiers populaires par les artistes.
Quitte les aiderfinancirement "si cela permet d'attirerune certaine population
", affirme Winifred Curran. Pour, des annes plus tard, "vendre" le site. "Les
problmatiques sont les mmes aux quatre coins de la plante. On nous tolre
et on est content qu'on intervienne, dans l'entre-deux, dans cette priode o un
quartier frmit avant la reconstruction. On est en quelque sorte le pansement
color de la ville", explique Da Cruz. Le street art est en effet un outil efficace
pour apporter"un capital culturel dans des quartiers qui en sont dnus", dit
Winifred Curran, mais aussi la "gratuit", continue Tarek Ben Yakhlef.
C'est ensuite que les choses se gtent. Les lus prfrent en effet avoirun
Muse Guggenheim plutt qu'un Tacheles. Rticentes l'ide de financercet arturbain, les municipalits changent d'avis lorsque la lgitimit des artistes enfle.
L'ambigut est son comble quand des lois "punissent svrement le street art
ds lors que l'artiste excute une oeuvre sans autorisation"alors que "des villes
commandent des murs ces artistes, que des muses exposent des peintures
et des oeuvres brutes, des palissades par exemple, ou que des galeries
permettent certains d'accder au march de l'art", dnonce Tarek Ben
Yakhlef.
D'autres municipalits ont compris cependant ce qu'elles pouvaient gagneravec
le street art. Berlin, en premire ligne, est devenue une destination touristique
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Pour aller plus loinL'Original Festival
Concerts, films, performances autour de la culture urbaine, Lyon.
Du 28 mars au 1 avril. loriginal-festival.com
"Writers 1983-2003. 20 ans de graffiti Paris"
de Marc-Aurle Vecchione (2004)."Au-del du street art"
majeure en Europe. "On bosse aussi un peu pour le systme, faut pas se
mentir", concde Da Cruz, qui a "pris conscience au fil des annes de
l'importance d'expliquerles dmarches". C'est pour cette raison qu'il a organis
l't dernier, avec les graffeurs Marko 93 et Artof Popof, des balades autour du
street art dans la ville de Pantin.
DES OEUVRES TEMPORELLES ET INCERTAINES
Nanmoins, les financements pour le street art restent rares. "Il est minoritaire
dans l'accompagnement de l'art contemporain, admet Bruno Julliard. Partout,
cela demande un travail de mdiation important avec les habitants. Il n'est pas
toujours vident de faireadmettreaux riverains qu'il s'agit d'une oeuvre d'art. Le
regard est mme parfois hostile."Mais les mentalits changent. En 2009,
Hackney, dans le nord-est de Londres, grce une ptition populaire, un lapin
gant peint par Banksy n'a pas t effac d'un mur du quartier.
"Un autre regard se pose sur nous", constate Da Cruz, avant de poursuivre: "La
RATP a mis disposition, avec la mairie du 20 , un ancien dpt de bus [rue
des Pyrnes, dtruit en 2011],pour les graffeurs. Un dpt, c'est un lieu
mythique ! Ils l'ont mis disposition pendant presque deux ans, a, c'est dj un
changement !"C'est galement l'avis de Bruno Julliard, convaincu que "les
esprits sont mrs pour que l'on puisse amplifiernotre investissement et
augmenterle nombre d'espaces d'expression du street art". Un projet devrait
voirle jour en 2015 : au centre des Halles, un espace de 1 500 m sera
consacr au hip-hop et aux cultures urbaines (studios d'enregistrement,
peintures, battles de danse).
Mais le financement public de structures consacres au street art ne menace-t-il
pas son ct subversif et spontan ? "Une des drives des politiques
culturelles, et pas qu'en France, c'est l'encadrement. On a besoin d'un
financement, mais on a besoin aussi de laisserune libert d'organisation et une
libert artistique la plus importante possible", rpond Bruno Julliard.
"Le street art se rinvente une vitesse incroyable, mme si certains artistes
resteront sur le carreau", pense Da Cruz. Finalement, la gentrification des villes
ne fait qu'acclrer et confirmerle caractre intrinsquement temporel et
incertain du street art. Une oeuvre peut tre recouverte le jour suivant. C'est en
partie a qui fait son histoire.
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exposition au Muse de la poste, Paris 15 .
Entre : 6,50 .
Jusqu'au 30 mars.
"Hors du temps 2. LE Graffiti dans les lieux abandonns"d'Antonin Giverne (ditions Pyramyd, 256 p., 34,50 ).
Sur le Webwww. streetartutopia.com
www.lemur.asso.fr
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