Le stalinisme banqueroutier livre l'URSS au capitalisme ... · de porter un double coup à Geronimo...

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LE Septembre 1991 N"' 113 5F LIGUE TROTSKYSTE DE FRANCE LIGUE COMMUNISTE INTERNATIONALE (QUATRIEME-INTERNATIONALISTE) Le stalinisme banqueroutier livre l'URSS au capitalisme Ouvriers soviétiques: Repoussez la contre-révolution de Bush-Eltsine 1 27 août - Les travailleurs d'Union soviétique et les travailleurs de tous les pays viennent de subir une catastrophe sans précédent, dont les conséquences dévastatrices sont en train de se déployer. Après la déconfiture du coup d'Etat organisé par d'ex-collaborateurs de Gor- batchev, l'ascension de Boris Eltsine, qui se met en avant comme l'homme des impérialistes, fait déferler une vague contre-révolutionnaire sur le pays de la révolution d'Octobre. Le premier Etat ouvrieT de l'Histoire, miné et iragilisé par des décennies de règne désastreux de la bureaucratie stalinienne, se désagrège. Le pouvoir d'Etat s'est fracturé, le Parti communiste, qui en constituait le noyau dur bureaucratique, éclate en morceaux et est interdit dans le KGB et les forces armées; l'union multinationale se dislo- que, république après république procla- mant sa sécession. Mais si Eltsine et Cie ont maintenant le champ libre pour une réintroduction à coups de trique du capitalisme, l'issue finale n'est pas encore acquise. Tandis que les impérialistes se réjouissent et que la petite-bourgeoisie procapitaliste exulte, les travailleurs soviétiques sont confrontés à un désastre aux proportions catastrophi- ques: tous les acquis pour lesquels eux- mêmes, leurs parents et leurs grands- parents se sont sacrifiés sont en passe d'être liquidés. Des conflits nationalistes, d'une ampleur plus grande que ceux auxquels on a assisté, menacent d'explo- ser. Sous le fouet de l'exploitation capita- liste introduite au milieu d'un chaos économique général, la famine et un chômage de masse se profilent pour cet hiver. Le prolétariat soviétique, dont la capacité de mener des actions combatives a été démontrée de façon spectaculaire par la grève des mineurs de l'été 1989, ne s'est pas manifesté. L'opposition venue des usines aux ravages de l'offensive capitaliste peut enrayer le processus, et empêcher la consolidation rapide de la contre-révolution. Le stalinisme soviétique a lancé son chant du cygne. Jusqu'au coup d'Etat, beaucoup parmi les ouvriers les plus M2651 - 1 'S'r 21 août - Les manifestants pro-Eltsine devant la «Maison Blanche» russe (ci-dessous). Il y a quelques mois, le président fraîchement élu de la Russie était reçu et congratulé par George Bush. avancés, qui s'opposent aux plans de Eltsine pour une privatisation totale ainsi qu'aux réformes promarché de Gorba- tchev, regardaient du côté de l'aile dure, dite «patriote », de la bureaucratie. Il n)' a plus place pour de telles illusions. L'échec du coup d'Etat et la montée de la contre-révolution en Union sovié- tique viennent pour le moment renforcer le« nouvel ordre mondial », proclamé par Bush et militairement dominé par les Etats-Unis. Après l'anéantissement de l'Irak, la classe dirigeante américaine, triomphante et ivre de vengeance, et qui n'est plus tenue en respect par la dissua- sion qu'exerçait une URSS puissante, menace de s'en prendre à une multitude de peuples, dans le monde entier. Cuba, en particulier, se trouve dans le collima- teur de Bush. Défendre Cuba est plus que jamais le devoir de tous les adver- saires de l'impérialisme. Depuis l'époque où Staline a bureau- cratiquement usurpé le pouvoir en 1924, Léon Trotsky et l'Opposition de gauche ont mené un combat sans relâche pour le programme internationaliste de la Révo- lution bo1chévique. Sous les coups meur- triers de la terreur et des calomnies staliniennes, les trotskystes sont restés les meilleurs défenseurs, en fait les seuls défenseurs conséquents de ce qui sub- sistait des acquis révolutionnaires. Aujourd'hui, la Ligue communiste inter- nationale (quatrième-internationaliste) continue ce combat. Le stalinisme était la domination politi- que d'une caste bureaucratique qui repo- sait de façon parasitaire sur les formes de propriété créées par la révolution d'Octo- bre 1917. Que ce soit pendant les purges sanglantes des années 1930 ou avec les multiples «réformes» qui se sont succédé depuis Khrouchtchev, ce système basé sur le mensonge et la répression de la classe ouvrière ne constituait pas seulement un obstacle à tout progrès vers le socialisme, mais obstruait tous les pores de la société soviétique. Après des dizaines d'années de sacrifices imposés au prolétariat au nom de la construction du «socialisme dans un seul pays», la perestroïka de Gorbatchev a été l'ultime tentative déses- pérée de la bureaucratie stalinienne de préserver sa position sociale en adoptant des mesures capitalistes. Mais la peres- troïka, tout comme 1'« Enrichissez-vous » lancé par Nikolai Boukharine aux paysans riches (koulaks) à la fm des années 1920, a encouragé les forces de la restauration capitaliste. Avec le contre-coup d'Etat de Eltsine, ces forces sont maintenant arri- vées à maturité. Boris Eltsine n'est pas un partisan de 1'« occidentalisation» - c'est un chauvin russe endurci qui est déterminé à brader l'Union soviétique à l'Ouest. Il est lié à une officine d'extrême droite raciste installée aux Etats-Unis, la «Free Con- gress Foundation », qui compte parmi ses agents en Europe de l'Est des collabora- teurs notoirement connus des nazis, et qui se targue d'avoir «formé» Eltsine et son équipe aux techniques de la prise du pouvoir. Ses décrets sont rédigés par des conseillers fournis par le gouvernement américain. L'un des premiers actes de Eltsine en tant que chef du parti à Mos- cou, au milieu des années 1980, avait été de donner une légitimité aux fascistes Suite page 6

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LE Septembre 1991

N"' 113 5F

LIGUE TROTSKYSTE DE FRANCE LIGUE COMMUNISTE INTERNATIONALE (QUATRIEME-INTERNATIONALISTE)

Le stalinisme banqueroutier livre l'URSS au capitalisme

Ouvriers soviétiques: Repoussez la contre-révolution

de Bush-Eltsine 1 27 août - Les travailleurs d'Union

soviétique et les travailleurs de tous les pays viennent de subir une catastrophe sans précédent, dont les conséquences dévastatrices sont en train de se déployer. Après la déconfiture du coup d'Etat organisé par d'ex-collaborateurs de Gor­batchev, l'ascension de Boris Eltsine, qui se met en avant comme l'homme des impérialistes, fait déferler une vague contre-révolutionnaire sur le pays de la révolution d'Octobre. Le premier Etat ouvrieT de l'Histoire, miné et iragilisé par des décennies de règne désastreux de la bureaucratie stalinienne, se désagrège. Le pouvoir d'Etat s'est fracturé, le Parti communiste, qui en constituait le noyau dur bureaucratique, éclate en morceaux et est interdit dans le KGB et les forces armées; l'union multinationale se dislo­que, république après république procla­mant sa sécession.

Mais si Eltsine et Cie ont maintenant le champ libre pour une réintroduction à coups de trique du capitalisme, l'issue finale n'est pas encore acquise. Tandis que les impérialistes se réjouissent et que la petite-bourgeoisie procapitaliste exulte, les travailleurs soviétiques sont confrontés à un désastre aux proportions catastrophi­ques: tous les acquis pour lesquels eux­mêmes, leurs parents et leurs grands­parents se sont sacrifiés sont en passe d'être liquidés. Des conflits nationalistes, d'une ampleur plus grande que ceux auxquels on a assisté, menacent d'explo­ser. Sous le fouet de l'exploitation capita­liste introduite au milieu d'un chaos économique général, la famine et un chômage de masse se profilent pour cet hiver. Le prolétariat soviétique, dont la capacité de mener des actions combatives a été démontrée de façon spectaculaire par la grève des mineurs de l'été 1989, ne s'est pas manifesté. L'opposition venue des usines aux ravages de l'offensive capitaliste peut enrayer le processus, et empêcher la consolidation rapide de la contre-révolution.

Le stalinisme soviétique a lancé son chant du cygne. Jusqu'au coup d'Etat, beaucoup parmi les ouvriers les plus

M2651 - 1 'S'r

21 août - Les manifestants pro-Eltsine devant la «Maison Blanche» russe (ci-dessous). Il y a quelques mois, le président fraîchement élu de la Russie était reçu et congratulé par George Bush.

avancés, qui s'opposent aux plans de Eltsine pour une privatisation totale ainsi qu'aux réformes promarché de Gorba­tchev, regardaient du côté de l'aile dure, dite «patriote », de la bureaucratie. Il n)' a plus place pour de telles illusions.

L'échec du coup d'Etat et la montée de la contre-révolution en Union sovié­tique viennent pour le moment renforcer le« nouvel ordre mondial », proclamé par Bush et militairement dominé par les Etats-Unis. Après l'anéantissement de l'Irak, la classe dirigeante américaine, triomphante et ivre de vengeance, et qui n'est plus tenue en respect par la dissua­sion qu'exerçait une URSS puissante, menace de s'en prendre à une multitude de peuples, dans le monde entier. Cuba, en particulier, se trouve dans le collima­teur de Bush. Défendre Cuba est plus que jamais le devoir de tous les adver­saires de l'impérialisme.

Depuis l'époque où Staline a bureau­cratiquement usurpé le pouvoir en 1924, Léon Trotsky et l'Opposition de gauche ont mené un combat sans relâche pour le programme internationaliste de la Révo-

lution bo1chévique. Sous les coups meur­triers de la terreur et des calomnies staliniennes, les trotskystes sont restés les meilleurs défenseurs, en fait les seuls défenseurs conséquents de ce qui sub­sistait des acquis révolutionnaires. Aujourd'hui, la Ligue communiste inter­nationale ( quatrième-internationaliste) continue ce combat.

Le stalinisme était la domination politi­que d'une caste bureaucratique qui repo­sait de façon parasitaire sur les formes de propriété créées par la révolution d'Octo­bre 1917. Que ce soit pendant les purges sanglantes des années 1930 ou avec les multiples «réformes» qui se sont succédé depuis Khrouchtchev, ce système basé sur le mensonge et la répression de la classe ouvrière ne constituait pas seulement un obstacle à tout progrès vers le socialisme, mais obstruait tous les pores de la société soviétique. Après des dizaines d'années de sacrifices imposés au prolétariat au nom de la construction du «socialisme dans un seul pays», la perestroïka de Gorbatchev a été l'ultime tentative déses­pérée de la bureaucratie stalinienne de

préserver sa position sociale en adoptant des mesures capitalistes. Mais la peres­troïka, tout comme 1'« Enrichissez-vous » lancé par Nikolai Boukharine aux paysans riches (koulaks) à la fm des années 1920, a encouragé les forces de la restauration capitaliste. Avec le contre-coup d'Etat de Eltsine, ces forces sont maintenant arri­vées à maturité.

Boris Eltsine n'est pas un partisan de 1'« occidentalisation» - c'est un chauvin russe endurci qui est déterminé à brader l'Union soviétique à l'Ouest. Il est lié à une officine d'extrême droite raciste installée aux Etats-Unis, la «Free Con­gress Foundation », qui compte parmi ses agents en Europe de l'Est des collabora­teurs notoirement connus des nazis, et qui se targue d'avoir «formé» Eltsine et son équipe aux techniques de la prise du pouvoir. Ses décrets sont rédigés par des conseillers fournis par le gouvernement américain. L'un des premiers actes de Eltsine en tant que chef du parti à Mos­cou, au milieu des années 1980, avait été de donner une légitimité aux fascistes

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Les tnbunaux de Californie viennent de porter un double coup à Geronimo ji Jaga (Pratt), le prisonnier de classe le plus connu d'Amérique. Le 15 août der­nier, le lendemain du jour où il avait reçu de Geronimo un mémoire de 284 pages à l'appui de sa demande d'un nouveau procès, le juge Gary Klausner rejetait les arguments présentés comme «non fon­dés ». Quelques jours avant, le juge fédé­ral Stanley Weigel avait refusé d'ordonner que Geronimo soit retiré du « mitard» de la prison de Tehachapi (dans lequel il est enfermé depuis le rr avril), alors qu'il préparait son mémoire pour un nouveau procès.

Geronimo, victime de la machination raciste du programme COINTELPRO du PBI (dont l'objectif était d'écraser le Black Panther Party), est elI).prisonné en Californie depuis plus de vingt ans pour un meurtre que le PBI, les flics et des millions de gens savent qu'il n'a pas commis. Le mémoire pour un nouveau procès présente de nouvelles preuves qui avaient été dissimulées à Geronimo lors de son procès et pendant presque vingt ans: les déclarations de six ex-membres du Black Panther Party qui affirment que Geronimo était avec eux à Oakland au moment du meurtre, commis à Santa Monica; les témoignages de deux enquê-

Geronimo ji Jaga (Pratt)

teurs qui ont vu les comptes-rendus d'écoutes téléphoniques du FBI prouvant que juste avant le meurtre Geronimo avait répondu au téléphone dans le local des Black Panthers d'Oakland; les décla­rations de l'ex-Black Panther Tyrone Hutchinson, qui affirme qu'en 1970 il avait entendu deux proches du mouchard du FBI Julius Butler reconnaître qu'ils avaient commis le meurtre, mais que les flics lui avaient dit de garder le silence. Butler, témoin de l'accusation sur qui

Le stalinisme, fossoyeur de la révolution d'Octobre

Il y a de cela plus d'un demi-siècle, Léon Trotsky avait compris que le stalinisme représentait un danger mortel pour la survie même de l'Union soviétique. La bureaucratie nationaliste dirigée par Staline, . après avoir. usurpé le pouvoir aux ouvriers soviétiques en vidant le Parti bolchévique de Lénine et Trotsky de son contenu physique et politique,

Trotsky a finalement miné les acquis de la révolution Lénine d'Octobre 1917 et saboté les luttes révolu-

tionnaires à l'échelle mondiale. Alors que les «antistaliniens » démoralisés tiraient un trait sur le premier Etat ouvrier de l'Histoire, l'Opposition de gauche de Trotsky luttait pour restaurer en URSS la démocratie des soviets. Comme l'a maintes et maintes fois souligné Trotsky, la seule altemative à la restauration capitaliste était une révolution politique prolétarienne pour défendre les acquis d'Octobre qui subsistaient en balayant la bureaucratie traître. Aujourd'hui, l'effondrement total de la bureaucratie soviétique ouvre grand les portes à la contre-révolution capitaliste. La clé pour défendre les travailleurs soviétiques face à l'assaut contre-révolutionnaire de Bush/Eltsine réside dans la construction d'un parti léniniste-trotskyste.

Dans les conditions de l'époque de transition, la superstructure politique joue un rôle décisif. La dictature du prolétariat développée et consolidée implique le rôle du parti en tant qu'avant-garde indépendante, le rassemblement du prolétariat à l'aide du système des syndicats, la liaison indissoluble des· travailleurs avec l'Etat au travers du système des soviets, enfm l'unité de lutte de l'Et~t ouvrier avec le prolétariat mondial au travers de l'Internationale. Cependant, la bureaucratie a étouffé le parti, les syndicats, les soviets et l'Internationale [ ... ].

Qu'est ce qui est le plus près: le danger de l'effondrement du pouvoir soviétique, miné par le bureaucratisme, ou l'heure du rassemblement du prolétariat autour du nouveau parti capable de sauver l'héritage d'Octobre? A une, telle question, il n'y a pas de réponse a priori; la lutte tranchera. Le rapport de forces se déterminera sur une grande épreuve historique qui pourra être aussi la guerre. Il est clair, en tout cas, qu'avec les seules forces intérieures, dans la situation de désagrégation ultérieure du mouvement prolétarien mondial et de domination fasciste, qui s'étend, il est impossible de maintenir longtemps le pouvoir soviétique. La condition fondamentale, à laquelle est seulement possible une réforme radicale de l'Etat soviétique, c'est le développement victorieux de la révolution mondiale [ ... ].

Toute tendance politique qui, sous le couvert du caractère «non prolétarien» de l'Union soviétique, se détourne d'elle sans espoir, risque de se trouver un instrument passif de l'impérialisme. Aussi, de notre point de vue, n'est évidemment pas exclue la possibilité tragique que le premier Etat ouvrier, affaibli par la bureaucratie, ne tombe sous les coups réunis des ennemis, intérieurs et extérieurs. Mais, même avec cette pire variante, c'est une immense importance pour la marche ultérieure de la lutte révolutionnaire qu'aurait la question de savoir où sont les auteurs de la catastrophe. Sur les révolutionnaires internationalistes ne doit pas tomber la moindre parcelle' de responsabilité. A l'heure du danger mortel, il doit rester sur la dernière barricade.

Aujourd'hui, l'ébranlement de l'équilibre bureaucratique en URSS tournerait presque à coup sûr à l'avantage des forces contre-révolutionnaires. Avec l'existence d'une Internationale véritablement révolutionnaire, la crise inévitable du régime stalinien ouvrira la possibilité de la régénération de l'URSS [ ... ].

Le problème de la révolution mondiale, comme le problème de l'Union soviétique, se résume en une seule et même brève formule: Quatrième Intemationale !

- Léon Trotsky, «La Quatrième Internationale et l'URSS -La nature de classe de l'Etat soviétique» (1er octobre 1933)

reposait la machination du gouvernement, était un informateur de la police de Los Angeles dès 1966 et un mouchard du PBI dès mai 1969.

L'avocat Robert Bloom, responsable de l'action entreprise pour obtenir un nouveau procès, dit à propos de la ma­nière cavalière dont la demande de Ge­ronimo a été rejetée qu'« en vingt-cinq ans de barreau, je n'ai jamais rien vu de semblable ».

Parce que Geronimo reste fidèle à ses convictions politiques, les autorités sont déterminées à lui rendre l'enfer de la prison encore plus infernal. Sa relégation au « mitard» lui a été infligée sur la base d'une accusation bidon de trafic de mari­juana, accusation qui repose sur le seul témoignage d'un mouchard de la prison. La décision du juge fédéral Weigel de rejeter l'appel de Geronimo contre cette accusation de trafic de marijuana montée de toutes pièces fait suite à une action judiciaire engagée en 1989 par Valerie West, avocate du Partisan Defense Com­mittee (organisation sœur du Comité de défense sociale - CDDS), contre les vexations subies par Geronimo et pour exiger le retrait des accusations menson­gères qui sont dans son dossier carcéral et'qui mettent sa vie en danger.

Depuis vingt ans, les autorités carcéra­les de Californie agissent en toute impu­nité, persuadées que puisque Geronimo a été un dirigeant du Black Panther Party, elles peuvent faire passer n'importe quel mensonge sur son compte et le traiter comme bon leur semble. En 1976, un jury avait estimé dénués de tout fondement des mensonges comme l'affirmation que Geronimo «avait prémédité d'assassiner des gardes de la prison de Folsom avec des fléchettes empoisonnées» et de «kid­napper des enfants de gardes de Folsom» (affaire Pratt contre Rees). Mais ces accu­sations figurent toujours dans son dossier

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carcéral, à côté d'accusations mensongè­res plus récentes qui exposent Geronimo à de nouvelles persécutions et qui com­promettent ses chances d'une libération conditionnelle. Le 18 juillet, le juge Weigel a pris la décision importante de donner à Geronimo et à ses avocats le droit de consulter les parties confiden­tielles de son dossier carcéral de 4 000 pages. Deux semaines plus tard, le même juge a commencé à examiner la demande présentée par Geronimo pour que soient retirés de son dossier les documents faux et préjudiciables.

Bien qu'il ait laissé Geronimo au « mi­tard», Weigel a reconnu que le traite­ment qui lui était infligé par l'Etat de Californie constituait une persécution. Il a également persuadé les responsables de la prison de ne plus le soumettre à des conditions d'emprisonnement qui aggra­vent les problèmes médicaux consécutifs à ses blessures reçues pendant la guerre du Vietnam. Enfin, tout en ne remettant pas en question l'accusation mensongère de trafic de marijuana, le juge a interdit aux autorités carcérales d' « imposer des punitions, des peines ou toute autre fonne de représailles au motif de l'exercice de ses droits par le plaignant». Sans donner la moindre explication, les responsables de la prison ont réduit la peine de « mitard » infligée à Geronimo, ce qui devrait le faire revenir parmi les autres détenus en octobre.

Le soutien à Geronimo ji J aga Pratt s'élargit. L'acteur Danny Glover, le pas­teur Ben Chavis et plusieurs personnalités religieuses se sont rassemblés le 26 juillet pour lui apporter leur soutien sur les marches du tribunal fédéral de San Fran­cisco. Le 30 juillet, le conseil syndical central d'Alameda County, qui représente 70 000 syndiqués, déclarait: « La position de ce conseil syndical central est que Pratt a été victime d'une machination pendant la tristement célèbre campagne COINTELPRO du FBI» - une prise de position qui reflète le soutien de plus en plus large que rencontre la cause de Geronimo dans le mouvement ouvrier. La prochaine audience consacrée à l'action judiciaire de Geronimo contre les persé­cutions subies en prison aura lieu le rr novembre.

Les batailles judiciaires de Geronimo sont très coûteuses. Nous sommes con­frontés aux immenses ressources financiè­res de l'Etat. Envoyez vos contributions financières à l'adresse suivante: Comité de défense sociale, BP 202, 75822 Paris Cedex 17. Chèques à l'ordre du CDDS, en mentionnant au dos « Défense de Geronimo Pratt». Rejoignez le combat pour la libération de Geronimo! •

LfBOLCHEVlK - - - - - _.- -- -

Organe de la Ugue trotskyste de France, section de la Ugue communiste internationale (quatrième­internationaliste), pour reforger la Quatrième Internationale. COMITE DE REDACTION: William Cazenave (rédacteur en chef), Suzanne Girard, Henri Riemann, Josie Thanner, Jean Thimbault. REALISATION: François Donau. REVISEUR-REDACfEUR: Carine Gance. DIFFUSION: Jean-Luc Etchart. DIRECfEUR DE PUBLICATION: William Saffores-Mondotte. Le Bo1chévik, BP 135-10 75463 Paris Cedex 10 Imprimerie: Routage de Paris 5, chemin des Fruitiers 93200 La Plaine-St-Denis Commission paritaire: n° 59267 Distribué par les NMPP Les opinions exprimées dans les lettres 011 articles signés ne reflètent pas nécessairement le point de vile de la rédaction.

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Le PCF et la contre-révolution en URSS 6 septembre - Bien des militants du'

PCF voient avec une profonde inquiétude la contre-révolution capitaliste passer, sous la houlette de Boris Eltsine, à l'offensive en URSS. La question est dramatiquement posée, non seulement de comment on en est arrivé .là, mais aussi de comment stopper la restauration capi­taliste en marche dans le pays qui reste, malgré la dégénérescence bureaucratique stalinienne qu'il a connue, la patrie de la révolution d'Octobre.

Mais ces camarades ne trouveront à cette question aucune réponse du côté du Colonel Fabien. Bien plus, une partie significative de la direction, derrière Fiterman, profite du coup d'Etat manqué pour se rendre totalement « respectable» aux yeux de ses maîtres bourgeois, quitte à abandonner le navire qui prenait déjà l'eau et qui est aujourd'hui en perdition. Il faut « refonder un mouvement progres­siste sur des bases entièrement nouvelles» (Libération, 27 août), annonce Le Pors ... et «proche du PS », précise son compère Rigout, cet autre nostalgique des strapon­tins ministériels du gouvernement anti­soviétique de 1981.

On ne va ni se saborder ni abandonner le communisme, proclame la direction Marchais - un langage ne pouvant que convenir aux militants qui se veulent toujours des communistes. Dans le rap­port qu'il vient de présenter devant le comité central, Lajoinie, s'adressant aux préoccupations légitimes de ces militants, s'inquiète de ce que « le putsch et ses conséquences ont placé en position de force les partisans de l'éclatement de

l'Union soviétique et du retour au capita­lisme» (l'Humanité, 4 septembre). Certes, mais une telle appréciation est difficile­ment compatible, par exemple, avec cet édito de l'Humtlllité du 24 août qui carac­térise la racaille réactionnaire qui s'est

Rencontre Gorbatchev­Marchais en

1985 en URSS

J

mobilisée autour de Eltsine le 19 août rien moins que de ... « mouvement popu­laire pour la démocratie et la liberté»! Georges Marchais ira même jusqu'à .déclarer que « Boris Eltsine a joué un rôle positif rI], qu'il faut saluer rI], dans l'échec du coup d'Etat », tout en expli­quant dans le même temps que « sur l'échiquier politique français, [Eltsine] serait classé à droite» (l'Humanité, 26

août). Une caractérisation pour le moins modérée du chef actuel de la contre­révolution en URSS! Il faut le dire tout net pour la énième fois: la direction du PCF a c;apitulé devant les réprimandes de la bourgeo~sie et de la social-démocratie.

Marchais joint donc lui aussi sa voix « démocratique» au chœur impérialiste, mais dans des termes jugés trop ambigus et trop mous par la bourgeoisie et la social-démocratie qui, excitées par l'effon­drement du stalinisme à l'Est, voudraient dans la foulée régler son compte au PCF ou au moins virer Marchais en espérant pouvoir conserver un parti réformiste qui, comme par le passé, pourrait faire

dérailler les luttes ouvrières. Et ce, sans la direction actuelle dans laquelle, malgré toutes les assurances qu'elle donne, ils n'ont pas confiance du fait de son origine stalinienne. Et, sous le fouet de l'offen­sive anticommuniste, la direction tire à hue et à dia. Pour tenter de concilier une « défense de l'URSS» (à laquelle ses militants les plus conscients sont attachés) et sa défense des intérêts de l'impéria­lisme français (qui est sa politique fonda­mentale), elle s'accroche désespérément à ... Gorbatchev. Une planche particulière­ment pour~ie !

Ainsi, à peine Marchais se rassurait-il que Gorbatchev «n'était "pas une girouette" et qu'il restait communiste» (Ibid.) que ledit Gorbatchev démission­nait de son poste de secrétaire général et appelait à dissoudre le PCUS et à confis­quer ses biens! (Depuis, les porte-parole et la presse du PCF se montrent d'ail­leurs étrangement discrets sur le soi­disant «rôle non négligeable» qu'ils avaient, un temps, voulu voir jouer au PCUS dans l'échec du coup d'Etat...)

C'est avec la même «lucidité» que Marchais s'enflammait il y a deux ans pour cette perestroïka, une soi-disant «seconde jeunesse du socialisme» (l'Hu­manité, 25 septembre 1989) ... qui, comme nous en avions mis en garde dès le début, a conduit l'URSS au bord du gouffre. Aujourd'hui encore, Leroy, le soi-disant « dur », félicite Gorbatchev pour ses «principes socialistes» (l'Humanité, 24 août). Mais son programme avoué, et mis en œuvre, est de transformer l'URSS en

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Une lettre à mes anciens camarades du PCF

Pourquoi je rejoins la Ligue trotskyste Nous reproduisons ci-dessous une lettre

d'une camarade qui a milité au PCF pendant près de trente années, au cours desquelles elle a été notamment élue au comité de section et élue municipale dans une commune d'Union de la gauche dans l'Essonne, puis responsable des ensei­gnants communistes à Montreuil de 1979 à 1981.

C'est le 18 octobre 1961, la guerre d'Algérie, les ratonnades à Paris ... Je suis pour la paix en Algérie, que le peuple algérien gagne son indépendance. Maintenant, l'idée qu'il faut transformer radicalement la société par une révolution s'est faite en moi clairement, et surtout que pour y parvenir, il fallait lutter et s'organiser. Donc ce jour-là, j'ai adhéré au PCF. Le parti bolchévique avait guidé la Révolution de 1917 en URSS; le PCF se réclamait du marxisme-léninisme, il avait l'adhésion de nombreux ouvriers; je croyais qu'il guiderait la révolution. Je n'avais d'autre aspiration que de voir se produire ce qui s'était produit en URSS où la classe ouvrière avait remporté la plus grande victoire de ce siècle. Cette idée m'enthousiasmait et, dès mon adhé­sion, les camarades que j'ai cotoyés ont ancré en moi l'idée que le socialisme était réalisé, qu'outre les acquis fondamentaux (nationalisation des moyens de produc­tion et de la terre, la planification écono­mique, la démocratie - je croyais que des conseils ouvriers fonctionnaient partout ! - le développement de l'éducation et de la santé), des progrès prodigieux avaient été réalisés dans tous les domaines, comme il n'en avait jamais été réalisés dans aucun pays au monde. Enfin, la classe ouvrière soviétique devait être un modèle de développement. Moi je pensais avec envie aux milliers de femmes soviéti­ques qui avaient abandonné à jamais leur évier et n'étaient plus courbées sur leur

bac à lessive ! Je les imaginais libres, pouvant s'épanouir, participant à la vie sociale en tant que travailleuses conscien­tes éduquées, en tant que femmes, .i?n tant que mères. Si les femmes soviétiql,JeS; étaient arrachées au rôle uniquement familial qu'elles avaient joué, c'est que la vie des autres travailleurs s'était aussi profondément transformée. J'étais impa­tiente et pour ne pas laisser fuir cette impatience et cet enthousiasme, je lisais des revues de propagande, jusqu'au mo­ment où des groupes de camarades ren­trànt de voyages m'ouvrirent les yeux sur les réalités de ce pays. Je cherchais des explications dans le parti, mais on cria à la calomnie petite-bourgeoise, réaction­naire! Mais je doutais un peu. Les années s'écoulent et les événements de Mai 68 débutent. J'assiste même en pro­vince à une vaste mobilisation ouvrière. La question du pouvoir me paraît claire­ment posée; les mots d'ordre sont poli­tiques, le mot d'ordre de « gouvernement populaire» est avancé, mais à ce moment-là, le PCF ne se bat pas pour ça. La stratégie du PCF jCGT a été de prendre la tête des luttes surtout pour les maintenir dans des revendications écono­miques. Séguy: « Les accords de la me de Grenelle vont apporter à des milliers de travailleurs un bien-être qu'ils n'avaient pas espéré.» Pour mieux faire éclater la grève, les directions PCF jCGT propose­ront aux ouvriers des négociations branche par branche, puisqu'il n'a pas été trouvé de solution au niveau central ! Le PCF « regrette» qu'à ce moment il man­quait l'Union de la gauche, et bien sûr déplore que les travailleurs n'aient pas eu un niveau de conscience qui les pousse à se mobiliser pour l'obtenir!

Après 68, on développe l'idée que les ennemis sont les gauchistes, et que c'est bien pour la France de ne pas s'être em­barquée dans une « aventure)) avec eux !

Ce qui a été le plus absent de 68, à mon avis, c'est un parti avec une direc­tion révolutionnaire! Ca, le PCF ne le reco~naîtra jamais, et il va s'engager dans une;stratégie de front populaire et d'anti­soviétisme dont je comprends la logique et la cohésion seulement aujourd'hui, et où toutes les trahisons et les renonce­ments sont des gages donnés aux réfor­mistes et à la bourgeoisie pour avoir l'image acceptable d'un «parti de gouvernement )).

Je ne vais choisir dans la longue liste que les faits qui me paraissent les plus difficiles à « avaler )) pour un communiste.

Lors de la préparation du XXII" con­grès du PCF, la direction du parti, crai­gnant la confrontation avec une partie de ses adhérents, installa un «écran de fumée)) en les laissant débattre sur des problèmes de morale (problème soulevé par Guy Poussy, secrétaire de la fédé 94) et ce n'est qu'au cours d'une interview sur AZ, le 7 janvier 1976, que Georges Marchais déclara: «Oui, nous sommes pour l'abandon de la dictature du proléta­riat.)) Déclaration qui provoqua des remous à l'intérieur du PC, quand on sait ce que ça représente comme principe jeté aux orties ! Mais ce fut bien accueilli par François Mitterrand et Gaston Deferre. Inquiétant, non?, cet abandon, parce que le prolétariat a changé, la classe ouvrière est en train de disparaître, et elle seule n'a pas intérêt au change­ment, il ne faut pas se couper des autres

travailleurs intellectuels, cadres, techni­ciens, employés ... Puis ce mot de «dicta­ture » effraie ! Il effraie encore au­jourd'hui Fiterman (Aubervilliers, le 2 septembre). Le PCF développe sa théorie du passage pacifique au socialisme! Un jour (proche), on confIsquera le pouvoir à la classe dirigeante avec les urnes! Personne ne croit à cette solutio.n. Le PCF s'engage encore plus sur la voie du réformisme et tant pis pour les cama­rades amers et récalcitrants ce n'est pas eux qu'il faut gagner mais les réformistes.

Pendant toute cette période, il déve­loppe son électoralisme, son démocra­tisme, son pacifisme et renforce son réformisme car c'est bien de cela qu'il s'agit. Ca ira jusqu'où? J'aurai une nouvelle surprise au cours de l'été 1977 -une surprise anticommuniste, antisovié­tique - j'apprends, à la radio, que le PCF est pour la force de frappe et que Georges Marchais déclare: «Nous sommes dans l'alliance At/antique et nous ne reviendrons pas sur cet engagement.» Ouf, doit se dire la bourgeoisie. Trahison, doivent penser les communistes. Les missiles sont sûrement pointés sur les grandes villes soviétiques! Peut -on accep­ter d'un parti dit communiste que mili­tairement il soutienne son propre impé­rialisme contre l'URSS? La réponse est facile.

Jusqu'où faudra-t-il aller pour donner satisfaction? Je n'oublie pas Vitry! Vitry

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4 Le Bolchévlk'

Les mal-logés du quai de la Gare: spéculation et ségrégation raciste

Le 13 juillet dernier, 37 familles, expul­sées de leur logement, se sont installées sous des tentes, sur un terrain vague au quai de la Gare - site destiné à la Très Grande Bibliothèque, dernier en date des grands monuments mitterrandiens. Mena­cés d'expulsion à deux reprises par la Ville de Paris (propriétaire du site), les sans-logis, maintenant quelque 100 famil­les, ne demandent rien d'autre que d'être logés dans des conditions décentes, et pas dans des hôtels meublés délabrés ou des foyers.lls ont le soutien d'associations et d'organisations politiques, mais ce qu'il leur faut c'est le soutien actif des batail­lons de la classe ouvrière.

D'origines principalement africaine ou maghrébine, et pour la plupart occupant des emplois sous-payés, ces familles, se sont installées dans ces conditions incon­fortables pour attirer l'attention sur leur sort et pour essayer de forcer les organis­mes sociaux et les « autorités» à agir. Ce ne sont pas les logements qui manquent. En Ile-de-France, plus de 200 000 loge­ments sont actuellement vacants d'après un rapport gouvernemental. Quelque 100 000 autres, d'après le même rapport, n'ont aucun confort: pas de WC, pas de sanitaire. Appartements laissés vacants, spéculation immobilière effrénée, immeu­bles détruits pour faire place à de nouvel­les constructions de luxe ou à des bureaux, familles ouvrières forcées d'habiter de plus en plus loin du centre, dans les cités­ghettos; la «gentrification» de Paris n'est qu'une des manifestations de ce sys­tème profondément raciste et irrationnel qu'est le capitalisme en crise. Le pro­blème ici n'est pas le manque de loge­ments « adéquats )). Comme pour les sans­abri à New York, qui survivent sur les trottoirs au pied de grands hôtels et im­meubles de luxe, nous disons: prenez les logements! La classe ouvrière organisée doit faire sien le mot d'ordre d'expropria­tion des grandes sociétés immobilières.

Depuis le siècle dernier, les marxistes ont compris: «Ce qui est certain, c'est qu'il Y a dans les grandes villes déjà suffi­samment d'immeubles à' usage d'habita­tion pour remédier sans délai par leur emploi rationnel à toute véritable "crise du logement". Ceci ne peut naturellement se faire que par l'expropriation des proprié-

Lettre ... Suite de la page 3

n'a pas été une « bavure» et Georges Marchais de déclarer, « le parti tout entier ne se laissera pas dévier d'un pouce sur sa politique en matière d'immigration )) (L'Humanité, 12 janvier 1981). Bien sûr, les municipalités dirigées par les maires PC sont pour les quotas. La direction est

Paris, 31 aoOt­Les sans-logis

qui occupent le terrain vague du quai de la Gare

(à droite) manifestent

pour leur droit à un logement

décent.

Photoe Le BoIch6vIk

taires actuels, par l'occupation de leurs immeubles par des travailleurs sans abri ou immodérément' entassés {Jans leur logis; et dès que le prolétariat aura conquis le pouvoir politique, cette mesure exigée par le bien public sera aussi facile à réaliser que le sont aujourd'hui les expro­priations et réquisitions de logements par l'Etat. »

Les mal-logés du quai de la Gare le sont aussi parce qu'ils sont noirs, maghré­bins ou turcs. Chassés des logements parisiens par la cherté des loyers, ils se voient refuser les logements sociaux sous des prétextes divers; ils se heurtent à l'infâme politique de ClIotél$.jlratiqfée par les communes, dont celles contrôlées par le PCF, et gageons que les «solutions» qu'on leur offrira seront des apparte­ments dans les cités-ghettos où l'on par-

contre les pleins droits de citoyenneté pour les travailleurs immigrés.

Pour moi, Vitry a ouvert la porte à une politique raciste, anti-immigrée, à la montée de Le Pen et a conduit à l'assas­sinat de dizaines de jeunes issus de l'im­migration. C'est un scandale qu'un parti ouvrier ne soit pas capable de défendre ses enfants et cela me fait sérieusement douter de ses ambitions à gagner d'autres conquêtes pour la classe ouvrière.

Vendredi 20 septembre à 20 h Bourse du travail de Montreuil

Métro Mairie de Montreuil

Pour tout renseignement téléphonez au 42 08 01 49

que volontairement, pour les isoler, les ségréguer, les familles maghrébines et africaines.

Le combat du mouvement ouvrier pour les sans-abri et les mal-logés passe aussi par la lutte acharnée contre la ségréga­tion et la terreur racistes. Pleins droits de citoyenneté pour les travailleurs immigrés et leur famille!

. Le campement au quai de la Gare n'est que le plus récent des campements de fortune érigés par des immigrés expul­sés de leur logement. En 1985-86, une vague d'incendies criminels racistes avait 1 tué une vingtaine d'immigrés, y compris des enfants, entassés dans de minuscules chambres d'hôtels meublés délabrés. Plusieurs d'entre eux s'étaient installés dans des immeubles inoccupés d'où, en

J'ai raison de douter (ce n'est plus un doute!) Le PC n'a pas pris les bonnes armes pour combattre Le Pen et son fascisme; Lajoinie est allé s'afficher à la télé avec lui.

Le mot d'ordre pour combattre Le Pen, c'est le SMIC à 6000 francs. Vous y croyez, vous? Moi c'est clair, un parti révolutionnaire a d'autres armes.

Je pourrais revenir sur la participation des ministres communistes au gouverne­ment Mitterrand. La thèse du PC est que s'il n'avait pas participé à ce gouverne­ment,les travailleurs n'auraient pas com­pris. Je crois qu'ils pnt compris comment le PCF volait au secours de sa bourgeoi­sie, comment le programme minimum était vite abandonné par Georges Marchais, comment la défense nationale a été rénovée avec la participation des quatre ministres!

Et la direction du PCF de prqclamer que les avantages acquis étaient plus importants que jamais! C'est une trom­perie, ce gouvernement n'a eu qu'une politique profondément antiouvrière, avec ou sans ministres communistes.

Alors aujourd'hui, je suis toujours communiste,j'ai rejoint la L TF; j'ai enfin compris que ce qu'il faut à la classe

mai dernier, plusieurs centaines de CRS les avaient brutalement expulsés. D'autres avaient passé des semaines sous des tentes installées place de la Réunion dans le XX· arrondissement de Paris en atten­dant que les organismes sociaux trouvent des « solutions ».

Le site choisi pour le campement, le futur emplacement de la Très Grande Bibliothèque, offre le spectacle grotesque du constraste entre le misérable sort réservé aux travailleurs immigrés et à leur famille et les grandioses travaux pharao­niques du règne mitterrandien. Après la Pyramide du Louvre, l'Opéra de la Bas­tille, l'Arche de La Défense, la Très Grande Bibliothèque a été conçue plus comme un monument que comme un immeuble apte à satisfaire les exigences d'une bibliothèque nationale importante.

Les mal-logés du quai de la Gare ont reçu le soutien de nombreuses associa­tions qui leur ont fourni aide légale et médicale, etc. Les organisations de la classe ouvrière ont le devoir de se battre non seulement pour ces familles mais pour le droit au logement pour tous. Mais comment? Ce n'est pas en deman­dant au maire de Paris de construire « 5 000 logements abordables », comme le fait le PCF, ni en demandant l'application d'une fumeuse loi de réquisition, comme le fait la LCR, que la crise de logement, qui est en fait la crise du capitalisme, sera résolue. Ce qu'il faut, c'est un parti de la classe ouvrière qui se batte en son propre nom pour renverser le système qui produit le racisme, la misère. Mais comme le disait Friedrich Engels en 1872 sur la question du logement, «les foyers d'épidémies, les caves les plus immondes, dans lesquelles nuit après nuit le mode de production capitaliste enferme nos travai/­leurs, ne sont pas éliminés, mais seule­ment ... déplacés! La même nécessité éco­nomique les fait naître ici comme là. Et aussi longtemps que subsistera le mode de production capitaliste, ce sera folie de vouloir résoudre isolément la question du logement ou toute autre question sociale concernant le sort de l'ouvrier. La solution ne réside que dans l'abolition de ce mode de production, dans l'appropriatioll par la­classe ouvrière elle-même de tous les moyens de production et d'existence.» •

ouvrière c'est un programme, un pro­gramme qui fasse jouer au prolétariat son rôle historique. Le PCF n'a pas ce pro­gramme, il n'a même pas un programme de formation pour ses militants. Je ne crois pas qu'on forme un communiste en une semaine; quand un esprit un peu curieux se manifeste, il s'entendra répondre que Lénine c'est dépassé. Trotsky n'a pas droit de cité. La forma­tion, c'est lire les documents de la direc­tion et s'imprégner des slogans! Avec ça, comprendre les faits et les analyser est difficile mais plus tranquille pour la direction.

Aujourd'hui, que tous ceux des adhé­rents du PCF qui sont ébranlés par les événements survenus en URSS se disent bien qu'ils n'y comprendront jamais rien s'ils ne lisent pas la Révolution trahie (Trotsky).

Que ce n'est pas la direction du PCF qui va leur fournir les explications, elle ne

, veut chercher qu'à se maintenir en place. Ils doivent quitter le PCF, se disant

que ce n'est pas là la place d'un militant communiste! Qu'ils rencontrent et discu­tent avec des militant$ de la LTF pour savoir.

Yvette F.

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Sept~mbre 1991 5

La LeR sur le char de Boris Eltsine 9 septembre - Nos lecteurs réguliers

ne seront pas surpris d'apprendre que la ' LCR de Krivine, au moment de la misé­rable tentative de coup d'Etat à Moscou, était «pleinement solidaire de celles et de ceux qui, sur les barricades, ont fait face à la menace des chars» (tract national, distribué à partir du mardi 3 septembre), tout cela au nom de la liberté!

Les dirigeants de la LCR proposaient donc de mêler leur drapeau fané aux bannières tsaristes, de se frotter aux icônes dorées, aux cheveux longs et cras­seux des nouveaux barbus de la Russie éternelle, et enfm, de marcher côte à côte avec les fascistes du NTS !

DerSpiegel

Rien d'étonnant, en fait, à cette nou­velle obscénité de la part d'une organisa­tion qui, poussée par les vents mauvais de la guerre froide, a soutenu le nationaliste polonais Walesa en lui collant une éti­quette « socialiste », en demandant que les restaurationnistes de SolidarnoSé constituent un gouvernement homogène.

Devant le parlement russe. La LCR appelait à rejoindre cette racaille 1

En Pologne, ils pouvaient justifier leur abandon de la défense des acquis ouvriers contre les forces procapitalistes en évo­quant la «dynamique» qu'ils ont égale­ment vue derrière l'archiréactionnaire Khomeiny; à Moscou, ils ne peuvent qu'invoquer la «liberté », c'est-à-dire en fait la contre-révolution capitaliste au nom de la démocratie bourgeoise. Quand les impérialistes parlent de « démocra­tie », ils veulent dire la liberté pour les forces contre-révolutionnaires de s'organiser.

dessus de la lutte de classe! Ils sont de fait l'aile démocratique des eltsiniens! Ces gens applaudissent sans vergogne devant l'indépendance restaurationniste des pays baltes, dont les dirigeants natio­nalistes, pour bien montrer leur amour de la « liberté retrouvée» et de la « démo­cratie », se sont empressés de réhabiliter 35 000 criminels de guerre fascistes, pogromistes ! Le Secrétariat « unifié» de Mandel n'avait-il pas, dans les pages de sa revue International Viewpoint, de facto réhabilité les « frères de la forêt» pro­nazis estoniens? Capitulant, tout en pleurnichant quelque peu, devant l'hysté-

The armed struggle against Stalinism in Estonia

HERBERT LlNDMAE

le bradage de l'économiè aux impérialis­tes, le renversement de ce qui subsiste des acquis arrachés par la Révolution de 1917 malgré le travail de sape des bu­reaucrates. La seule garantie qu'ont la classe ouvrière et les travailleurs des fermes collectives, c'est la lutte pour leur propre pouvoir, leur propre dictature de classe contre les forces proimpérialistes, les tsaristes et les pogromistes de Pamiat et autres fascistes. La démocratie ouvrière ne sera garantie que par la prise du pou­voir par leurs soviets, dirigés par un parti authentiquement communiste, trotskyste! La LCR, reprenant les antiennes réfor-

Les mandéliens ont publié un article défendant les ' cc Frères de la forêt» pro nazis.

;,

/-,

Ils cherchent également à invoquer une « mobilisation populaire », reprenant ainsi les mensonges des commentateurs bour­geois les plus stupides qui y ont vu les raisons de l'échec du dernier soubresaut dè brontosaures staliniens à l'agonie. Cent quarante mille manifestants au plus fort à Moscou, et quelques milliers au plus tournant autour de quelques chars et de barricades symboliques! Le mensonge est mesquin certes, mais nécessaire, car la LCR cherche à prendre, malgré tout, ses distances vis-à-vis du chauvin grand-russe et très réactionnaire Eltsine et de ses acolytes, qui, s~on elle, ne «représentent pas les intérêts réels des travailleurs» (souligné par nos soins, Ibid.) Ce qui, bien sûr, ne l'empêche pas de « lutter aux côtés d'Eltsine» (Inprecor, supplément au nO 335, 29 août).

18 September 1989

Catherine Veria, dans le numéro spé­cial URSS d'Inprecor, explique, pour s'opposer, à juste titre, à l'interdiction du PCUS que «le développement de l'auto­organisation, du pluralisme politique et la totale liberté d'expression sont les seules garanties d'une démocratie sur les choix essentiels à venir ». Elle ne voit dans Eltsine qu'un danger « potentiel », un « homme fort ». En effet, ces charlatans placent tous leurs espoirs dans la « démo­cratie », «pure », qui se placerait au-

ANY HISTORIe. AL stuuy of 1..- ,~ ... _ ....... , .. ~, ~"".~ ~,".., ~'''" "" 1940s lias 10 stan from !he fal-I formallon of the new ilovcrnmcnl of the !hat the Elloruan upwbllC wa.< E.~lOma.n RcpublJC undcr () T,cf on Sep occwpttd by lM fI .. -t A,,"}' '''' Icmbcr 11\, 1944, I.lntll the ~nn4llc~t of . '..,., .. ~- ----- ~'Army

rie anticommuniste de la bourgeoisie, les dirigeants de la LCR se réfugient dans la « voie démocratique »), chère aux réfor­mistes aux couleurs de la France du PCF, pour faire les «choix» qu'évoque Veria plus haut et qui sont en réalité entre contre-révolution capitaliste tout de suite ou un peu plus tard! La politique, c'est la reconnaissance du réel: le seul choix qu'offrent les «démocrates» russes, c'est l'imposition de la restauration capitaliste,

mistes, appelle à la « démocratie )) comme étape vers une « démocratie socialiste» renvoyée aux calendes grecques.

La communion démocratique fait des ravages au sein même de cette organisa­tion, déchirée par les forces centrifuges qu'y exercent différents «courants» du parti socialiste. Ainsi, si Veria proteste contre l'interdiction du PCUS au nom de la démocratie, le minoritaire éternel

Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste)

Adressez la correspondance à: Spartacist League or Australia ............................................. .

Spartacist League/Britain ................... ..

Trotskyist League or Canada ............................................... ..

Spartakist-Arbeiterpartei Deutschlands ......................................... ..

Ligue trotskySte de France .................. ..

Spartacist Group India/Lanka ........................................... .

Spartacist League GPO Box 3473 Sydney, NSW, 2001 Australie

Spartacist Publications PO Box 1041 London NW5 3EU Grande-Bretagne

Trotskyist League BOX 7198, Station A Toronto, Ontario M5W lX8, Canada

SpAD postrach 51 06 55 1000 Berlin 51 Allemagne

Le Bolchévik, BP 135-10 75463 Paris Cedex 10

Ecrire à Spartacist, New York

Dublin Spartacist Youth Group .................................. .

Legs Trotskista d'Italia ............... .

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Spartakusowska Grypa Polski .............................................. .

Spartacist League/US ................. .

Spartacist/URSS .......................... .

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PlatfoJJi Spartakusowc6w SKR 741 50-950 Wroclaw 2, Pologne

Spartacist League Box 1377 GPO New York, NY 10116, USA

URSS 121019 Moscou g-19 A/Ya 19

Matti, toujours au nom de la même dé­mocratie, appelle à un grand procès de Nuremberg des staliniens (( Champagne et Démocratie », in le Marxisme au­jourd'hui, mars). Il lui sera difficile d'ex­pliquer en quoi son mot d'ordre diffère de l'appel de Le Pen. Sans nul doute, Matti doit se régaler de la chasse aux sorcières lancée par les maîtres du nou­veau Reich de l'impérialisme allemand contre les bureaucrates déchus et les policiers de l'ex-RDA. Les militants éga­rés dans cette organisation à la recherche du programme trotskyste doivent la quit­ter rapidement s'ils ne veulent pas finir leur carrière chez les sociaux-démocrates français, frères de sang des assassins de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht!

Saoulé au champagne de la contre­révolution « démocratique », Matti en­fonce le clou et raconte que puisque la classe ouvrière serait «sociologiquement majoritaire» (?) dans les pays capitalistes avancés, il serait possible de «gagner ), par un «vrai)) suffrage universel, qui garantirait par avance et par principe le droit de vote à tous les éléments des classes hostiles! Puisque, voyez-vous, la classe ouvrière doit ne pas omettre d'émanciper la bourgeoisie! Dans sa fameuse polémique contre Kautsky, la Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, Lénine évoque la possibilité bien hypothétique, si la bourgeoisie acceptait sans résistance la révolution, de ne pas enlever la totalité de leurs droits aux

R. James Bender Publishing

représentants des classes déchues: « "Nous", marxistes-révolutionnaires, nous Il 'avons pas tenu au peuple des discours comme ceux qu'aimaient à prononcer les kautskystes de toutes les nations, qui s'a­platissent devant la bourgeoisie, s'accom­modent du parlementarisme bourgeois, dissimulent le caractère bourgeois de la démocratie actuelle et se contentent de demander qu'elle soit élargie, qu'elle soit réalisée jusqu'au bout.

« "Nous" disions à la bourgeoisie: Vous, exploiteurs et hypocrites, vous parlez de démocratie alors qu'à chaque pas vous dressez des milliers d'obstacles pour empê­cher les masses opprimées de participer à la vie politique. Nous vous prenons au mot et, afin de préparer les masses à la révo­lution, pour vous renverser, vous autres exploiteurs, nous exigeons dans l'intérêt de ces masses, que votre démocratie bour­geoise soit élargie. Et si vous, exploiteurs, tentez de résister à notre révolution proléta­rienne, nous vous réprimerons impitoyable­ment, nous vous enlèverons vos droits politiques; bien plus, nous VOltS reJUserons le pain car, dans notre république proléta­rienne, les exploiteurs n'auront pas de droits, ils seront privés d'eau et de feu, car nous sommes des socialistes pour de bon, et non des socialistes à la Scheidemann et à la Kautsky. » Et nous ajouterons Matti et autres Krivine qui, par cette nouvelle forfaiture, donnent des gages à leurs amis sociaux-démocrates de tout poil. •

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URSS ... Suite de la page 1

antisémites de Pamiat au moment où ils sortaient de leurs bouches d'égout. El­tsine promet aux travailleurs que le libre marché leur apportera la prospérité, mais en fait il aboutira à l'élimination de choses que récemment encore tout ou­vrier soviétique considérait comme des droits: un emploi stable, des soins médi­caux gratuits, une éducation pour ses enfants - des acquis qui reposent tous sur l'économie collectivisée.

Pour l'Etat ouvrierbureaucratiquement dégénéré d'Union soviétique, l'alternative a toujours été contre-révolution ou trots­kysme. Aujourd'hui, le stalinisme est mort. Pour faire échec aux plans meur­triers de Bush, de Eltsine et de leurs acolytes contre-révolutionnaires, il est crucial de forger le plus tôt possible un noyau trotskyste en Union soviétique, en regroupant ceux des éléments dans le mouvement ouvrier, l'armée et la société tout entière qui seront prats à se battre pour le programme d'Octobre.

Conférence de presse des organisateurs du coup d'Etat, le 19 août

Le fiasco du coup d'Etat de la perestroïka

Quand une foule de « yuppies », d'étu­diants et de nationalistes russes en tous genres, dont des fascistes et des prêtres, s'est rassemblée au début du coup d'Etat devant le Parlement russe, la «Maison blanche» de Eltsine, il était approprié d'appeler les ouvriers de Moscou à dis­perser cette racaille réactionnaire. Cepen­dant, les organisateurs du coup d'Etat n'ont non seulement pas mobilisé les ouvriers, mais ont ordonné à tout le monde de rester chez soi ou au travail. C'est ce qu'a fait la classe ouvrière, et l'appel à une grève de protestation lancé par Eltsine est tombé à l'eau. Mais les « coopérateurs» agents de la libre entre­prise et les soi-disant « démocrates » petits-bourgeois sont descendus dans les rues, intoxiqués par les promesses de dollars et de deutschemarks. Impuissant, le «Comité d'Etat pour l'état d'urgence» (GKChP) est resté sans rien faire. Tout ouvrier soviétique avec une conscience de classe, et qui a vu la nécessité urgente de stopper les forces capitalistes-restaura­tionnistes a certainement été contre El­tsine, tout en adoptant une attitude criti­que vis-à-vis du coup d'Etat - qui a été incapable de stopper Eltsine, et était de ce fait condamné à l'échec.

La nullité des organisateurs du coup d'Etat a étonné même les commentateurs impérialistes. Il a été dit que ceux-ci avaient commandé 250 000 paires de menottes à une usine de Pskov, ainsi que des piles de formulaires. de mandats d'arrêt, mais ils ont été incapables ne serait-ce que de s'assurer de la personne de l'homme qui allait à l'évidence consti­tuer l'épicentre d'un contre-coup d'Etat proimpérialiste. Cette incapacité à appli­quer la règle numéro un de la technique du coup d'Etat, l'arrestation de Eltsine, les porte-parole de Washington l'ont attribuée à un «miracle». Ils n'ont même

pas coupé son téléphone, et ont pris la décision incroyable d'autoriser la télévi­sion à diffuser les déclarations de Eltsine appelant les soldats à désobéir aux ordres reçus! Mais ce qui apparaît comme des bévues stupides n'était pas l'effet d'un simple manque de clairvoyance. Les auteurs du coup d'Etat avaient tout misé sur une acceptation neutre du coup de force par les impérialistes. Ils escomp­taient qu'ils pourraient rallier Gorbatchev et ont pris soin de ne pas toucher à El­tsine, le protégé de Washington. Dans ses déclarations, le GKChP s'engageait à soutenir «l'entreprise privée » et à respec­ter tous les engagements traîtres qu'avait pris Gorbatchev auprès des impérialistes. Son principal porte-parole pour l'écono­mie, Tiziakov, insistait que «la politique de réfonnes vers une économie de marché ne sera pas remise en cause ». Il n'a été fait aucune référence au « marxisme­léninisme », au« communisme» ou même au «socialisme ».

Car on avait affaire à un « coup d'Etat de la perestroïka ». Depuis des mois, on entendait des appels à un coup de force venant des «patriotes» staliniens durs/ nationalistes, comme les « colonels noirs» de Soyouz. Mais ce qui a décidé les chefs du coup d'Etat, qui tous avaient été nom­més par Gorbatchev, à passer à l'action, a été lfimmiïïêncc" dë la signature d'un nouveau traité de l'union qui aurait trans­féré des pouvoirs significatifs du centre vers les républiques. Le coup d'Etat n'a pas été tant le fait des militaires, restés largement en retrait, que de grosses légumes de l'administration et du parti dans l'appareil central, dont les fiefs bureaucratiques étaient menacés. Leur programme déclaré était la loi martiale pour empêcher l'éclatement de l'URSS, ce qu'on peut résumer par la perestroïka moins la glasnost: l'introduction du mar­ché, mais pas trop vite, et silence dans les rangs. Ainsi, un des membres de la «bande des huit », le premier ministre Pavlov, était le principal porte-parole du régime Gorbatchev pour la nouvelle loi autorisant une large privatisation de l'industrie, et son nom est associé au triplement des prix des produits alimen­taires au printemps dernier. A l'époque, il avait fait la déclaration suivante à un journaliste britannique: «Je dois être très fernle et dire que la privatisation a toujours été à l'ordre du jour de la réfonne écono­mique, et qu'elle a toujours, pour des

Spartacist

Sur la place Rouge, pendant le coup d'Etat, un char en position face au Kremlin

raisons évidentes, été liée à la libéralisation des prix [ ... ]. Nous voulons aboutir à la situation nonnale du capital, comme dans les autres pays » (Independent de Londres, 18 avril).

Ce n'est pas exactement un pro­gramme qui incite les ouvriers soviétiques à soutenir la tentative de prise du pouvoir des comploteurs! Ceux-ci ont soigneuse­ment évité toute référence à la révolution d'Octobre, ou d'ailleurs même à la « Grande guerre patriotique ». Au con­traire, ils se sont tournés vers les traljj­tions de l'empire tsariste - que Lénine qualifiait de «prison des peuples» -déclarant ainsi: « Notre peuple multinatio­nal vit depuis des siècles fier de sa patrie. »

Mais sur le terrain des appels au nationa­lisme russe, Eltsine a été le plus fort.

Les fascistes russes de

Pamiat, troupes de choc de la

contre­révolution capitaliste

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Les organisateurs du coup n'ont pas réussi non plus à amadouer Washington ct Wall Street. Aussitôt que Bush a eu adopté une ligne dure de soutien à El­tsine (et demandé au passage le retour de Gorbatchev), le coup d'Etat a commencé à se déliter. Rétrospectivement, on a fait grand cas de l'ampleur de manifestations de soutien populaire à la «démocratie». S'il est vrai qu'à un certain moment jusqu'à 150 000 personnes (dans une ville de dix millions d'habitants), dont sans doute de nombreux ouvriers, sont venues écouter Eltsine, les fameuses barricades devant la «Maison blanche» étaient purement symboliques, étant occupées en général par seulement quelques milliers de personnes. «C'étaient principalement des jeunes, comme moi, étudiants, intellec­tuels, professions libérales », raconte un participant. Outre quelques dizaines de membres de la police de la République de Russie, les gardes du corps de Eltsine étaient des vigiles d'une société privée de sécurité. Il y avait tout au plus devant le bâtiment une dizaine de chars, envoyés par des officiers pro-Eltsine. Parlant de l'éventualité d'une attaque, un « officier» de Eltsine déclarait: « Bien sûr, nous Ile poumons pas les arrêter plus de cinq minutes. » Mais il n'y eut aucune attaque sérieuse.

Enhardis par la paralysie des dirigeants du coup d'Etat, les émeutiers réaction-

Le Bolchévlk "

Der Spiegel

naires ont lancé des cocktails Molotov sur de jeunes conducteurs de chars. L'armée s'est ensuite retirée, deux jours et demi à peine après le début des événements. Des cltsiniens ivres de rage se sont alors répandus dans la ville. Un lieutenant­colonel raconte qu'il a été choqué par les manifestations auxquelles il a assisté: «Je suis surpris du grand nombre de jeunes qui veulent que le sang coule.» La première cible a été, face au siège du KGB, la statue de Feliks Dzerjinsky, communiste polonais et fondateur de la Tchéka, le bras armé des bolchéviks pour combattre la subversion des Gardes blancs. Le len­demain était déboulonnée la statue de lakov Sverdlov, communiste juif et pre­mier président de la république soviéti­que. Sur place, le groupe hitlérien NTS

distribuait un tract réclamant précisément les mesures que Eltsine devait décréter un jour plus tard. Le patriarche de l'Eglise orthodoxe russe présidait l'en­terrement des trois personnes tuées en attaquant les chars. La télévision bri­tannique raconte que «les il1tages vues aujourd'hui étaient celles de la vieille Russie prérévolutionnaire, celle d'un pays qui se renvoie lui-même 75 ans en amère ». '.

Après l'échec du coup d'Etat, Eltsine, l'ex-apparatchik devenu partisan de la restauration capitaliste, est passé rapide­ment et brutalement à l'offensive contre ses opposants. Dans la meilleure tradition de Staline, Eltsine a infligé à un « prési­dent » Gorbatchev politiquement diminué l'humiliation d'être traîné devant les députés du parlement russe, qui l'ont abreuvé de quolibets. Singeant le tsar, le président russe « démocraté» Eltsine a lancé un oukase interdisant toute activité du Parti communiste sur le sol de Russie, et a mis hors la loi la Pravda et les autres journaux du Pc. Le comité central du PCUS et ses bureaux de Moscou ont été mis sous scellés, ct encerclés par des bandes déterminées à faire couler le sang. Usant ostensiblement de son empire sur Gorbatchev, Eltsine a nommé les nou­veaux chefs de l'armée soviétique et du KGB et le nouveau ministre de l'Inté­rie.:ur, lequel a promptement interdit toute

Page 7: Le stalinisme banqueroutier livre l'URSS au capitalisme ... · de porter un double coup à Geronimo ji Jaga (Pratt), le prisonnier de classe le plus connu d'Amérique. Le 15 août

Septembre 1991

activité du Parti communiste au sein de ces piliers du pouvoir d'Etat. Le lende­main, Gorbatchev a non seulement dé­missionné de son poste de secrétaire général du PCUS, mais il a appelé à la dissolution du parti en pleine désagréga­tion, et à la confiscation de ses biens.

Même si c'est Eltsine qui tient le stylo et le micro, ses ordres lui arrivent en ligne directe, de la Maison Blanche de Washington à celle de Moscou. Moins de 24 heures après que Bush eut exprimé sa désapprobation concernant la nomination par Gorbatchev du général Moïsseev comme nouveau ministre de la Défense, Moïsseev était limogé. Le démagogue russe Eltsine est présenté comme un grand héros de la «démocratie». Ce « démocrate» réclame la formation d'une nouvelle armée russe, la « garde natio­nale », dont la première décoration serait l'ordre de Saint-Georges - emblème tsariste et étendard des fascistes russes. Un ancien responsable de la Maison Blanche dit de Eltsine qu'il est « une version slave de Bucy Long» (San Fran­cisco Chronicle, 22 août). Huey Long était un démagogue réactionnaire de Louisiane qui dans les années 1930 avait employé la rhétorique populiste pour établir un régime personnel autoritaire. En Union soviétique, y compris de nombreux intel­lectuels pro-occidentaux, partisans du « libre marché », voient dans Eltsine un dictateur en puissance qui les traitera sans ménagement. Comme en Pologne Lech Walesa, admirateur du dictateur nationaliste Pilsudski, Eltsine tentera d'utiliser sa popularité pour imposer aux travailleurs un « traitement de choc» capitaliste.

Les médias impérialistes jubilent et saluent «la deuxième révolution russe». Le New Yorlc Times écrit avec mépris que V.I. Lénine était «pas grand chose de plus qu'un démagogue zozotant». (Le Times est tellement désireux de montrer la contre-révolution victorieuse que ses longs reportages ne parlent jamais une seule fois des ouvriers soviétiques.) Mais en Union soviétique, même certains des eltsiniens les plus libéraux s'inquiètent de ce qu'après avoir semé le vent, ils pour­raient récolter la tempête. Le rédacteur en chef d'Ogoniok, Vitaly I<;orotitch, met maintenant en garde contre une « troi­sième force, qui pourrait être représentée par certains jeunes gens de convictiol/ fasciste». Les dirigeants de la « révolution démocratique» vont déjà répétant la formule tsariste « la Russie une et indivi­sible». Le maire de Leningrad, Anatoli Sobchak, s'en prend aux forces centri­fuges qui déchirent l'Union soviétique: « C'est de la folie. Nous sommes lllt pays nucléaire. » Les collaborateurs de Eltsine parlent de déstabilisation de l'économie, et mettent en garde les séparatistes ukrai­niens que « ces terres ont été peuplées par des Russes ».

Pendant ce temps, des milliers de Moscovites font la queue pour visiter le mausolée de Lénine, craignant que cela soit peut -être pour eux la dernière occa­sion de rendre hommage au fondateur de l'Etat soviétique.

Il faut combattre l'asservissement capitaliste!

Pendant des dizaines d'années, les staliniens et les impérialistes se sont trouvés d'accord pour tirer un trait d'éga­lité entre le léninisme et le système de pouvoir bureaucratique instauré par Staline et ses acolytes en 1924. Rien n'est plus contraire à la vérité. Sous la direc­tion de Unine et Trotsky, la révolution d'Octobre qu'ils accomplissaient était pour les bolchéviks la première étape de la révolution socialiste mondiale. La Russie arriérée, le « maillon faible» de la domination impérialiste, a été le théâtre de la première révolution ouvrière, mais celle-ci devait être parachevée par le prolétariat des pays impérialistes avancés. C'est à cette seule condition qu'elle pou­vait se maintenir et conduire au socia­lisme, une société d'égalité basée sm

l'abondance. Ce fut sur la base de la défaite des révolutions européennes dans la période 1918-23, principalement en Allemagne, que les usurpateurs Staline et Boukharine « découvrirent» la conception profondément antimarxiste qu'il était possible de construire le « socialisme dans un seul pays». Trotsky attaqua ce dogme nationaliste et expliqua que cela tirait un trait sur la révolution mondiale, et il prédit que le «socialisme dans un seul pays» causerait la ruine de l'Union sovié­tique si la bureaucratie n'était pas chas­sée par une classe ouvrière reprenant le flambeau de la lutte.

Dans la Révolution trahie (1937), sa pénétrante analyse du stalinisme, Trotsky posait cette question prémonitoire: « Le fonctionnaire finira-t-il par dévorer l'Etat ouvrier ou la classe ouvrière réduira-t-elle le fonctionnaire à l'incapacité de nuire?» Développant ce thème, il établissait le programme d'une révolution politique prolétarienne, dirigée par un parti bolché­vique, poUr restaurer la démocratie des soviets. L'économie planifiée serait subor­donnée aux décisions des ouvriers, et serait ainsi délivrée des zigzags arbitraires de bureaucrates anonymes et grisâtres. Et à la place de la politique antirévolution­naire conservatrice qui avait cours au Kremlin de Staline, l'Union soviétique redeviendrait le quartier général de la révolution socialiste internationale. Trots­ky décrivait aussi l'autre alternative, peu réjouissante: « Si, à l'inverse, IlIl pOltÎ bourgeois renversait la caste soviétique dirigeante, il trouverait pas mal de servi­teurs panni les bureaucrates d'aujourd'hui, les techniciens, les directeurs, les secrétaires du parti, les dirigeants en gén-éral. Une épuration des services de l'Etat s'impose­rait aussi dans ce cas; mais la restauration bourgeoise aurait vraisemblablement moins de monde à jeter dehors qu'un partirévo­lutionnaire. L'objectif principal du nOl/­veau pouvoir serait de rétablir la propriété privée des moyens de production. Il devrait avant tout donner aux kolkhozes faibles la possibilité de fonner de gros femliers et transfonner les kolkhozes riches en coopé­ratives de production du type bourgeois, ou en sociétés par actions. Dans l'industrie, la dénationalisation commencerait par les entreprises de l'industrie légère et de l'ali­mentation. Le plan se réduirait dans les premiers temps à des compromis entre le pouvoir et les "corporations", c'est-à-dire les capitaines de l'industrie soviétique, ses propriétaires potentiels, les anciens prop,ié­taires émigrés et les capitalistes étrangers. Bien que la bureaucratie soviétique ait beaucoup fait pour la restauration bour­geoise, le nouveau régime serait obligé d'accomplir sur le terrain de la propriété et du mode de gestion non une réfonne mais une véritable révolution. »

Tout ouvrier, employé d'une ferme collective, retraité ou soldat d'Union

A cette heure d'extrême péril,

les ouvriers soviétiques n'ont

pas encore fait leur entrée sur la scène politique.

La grève des mineurs de 1989

avait vu apparaître des

embryons de conseils ouvriers

(soviets), et montré la

puissance potentielle du

prolétariat multinational

d'URSS.

!

soviétique reconnaîtra immédiatement que ce processus de contre-révolution est déjà bien engagé. Le monopole d'Etat du commerce extérieur a été sabordé, l'éco­nomie planifiée abandonnée. A la place, de grandes entreprises capitalistes, de Pepsi-Cola jusqu'à Chevron Oil, ont commencé à prendre pied dans l'écono­mie soviétique. La nouvelle « réforme agraire» de la fédération de Russie jette les bases de la destruction des collectifs des kolkhozes, avec à la clé la pauvreté rurale pour les plus grandes masses et la richesse pour les nouveaux koulaks. Les profiteurs « coopérateurs» et les spécula­teurs du marché noir ont proliféré de façon explosive dans le vide laissé par l'effondrement du système de distribution. Mais ce n'est qu'un début. Eltsine veut maintenant faire passer en force une restauration du capitalisme à vitesse grand V. Iavlinsky, co-auteur du plan concocté à l'université américaine de Harvard pour un « grand marchandage» destiné à vendre à vil prix l'Union sovié­tique aux impérialistes, est maintenant responsable ~e l'économie. Mais pour les masses ouvrières soviétiques, la « magic du marché» ne promet que la famine et la multiplication du nombre des sans-abri. Dans une lettre d'information confiden­tielle, la grande société de courtage de Wall Street Merril Lynch laisse entrevoir la vérité qu'on cache aux masses sovié­tiques: « Bien qu'une bouffée d'optimisme soit probable dans la population soviétique avec l'émergence d'un nouvel ordre poli­tique, les espérances quant à la capacité de

. ce nouvel ordre à remettre l'économie sur les rails vont probablement dépasser ce qui est possible de façon réaliste. Si l'expé­rience de l'Europe de l'Est peut servir d'indication, les quelques prochaines années seront douloureuses pour l'écono­mie soviétique, avec des ouvriers qui per­dront un emploi à vie et la restmcturation

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Léon Trotsky au Mexique en 1940, peu de temps avant son assassinat par les agents de Staline. L'Opposition de gauche a défendu avec intransigeance l'URSS contre la menace de restauration capitaliste. A droite, l'article de Trotsky ccOù la bureaucratie stalinienne mène-t-elle l'URSS?», paru en 1935 dans le cc Bulletin de l'Opposition ».

7

des entreprises nationalisées» (Wednes­day's Global Report, 21 août).

Jusqu'à maintenant, Eltsine a réussi à rejeter la responsabilité du chaos éco­nomique et de la misère qui ont accom­pagné la perestroïka sur les « demi­mesures» de Gorbatchev et sur le sabotage du vieil appareil stalinien. Le démagogue russe Eltsine tient un double langage. Il rend visite à des grévistes un jour, et le lendemain approuve des lois anti-grève. Mais aujourd'hui Eltsine va chercher à mettre en pratique son vrai programme, à imposer une brutale austé­rité capitaliste à la classe ouvrière sovié­tique. Il sera tenu responsable de la fermeture des entreprises « non rentables », des millions d'ouvriers jetés à la rue, de l'augmentation des loyers et des prix des produits alimentaires, de la fermeture des crèches et des attaques tous azimuts contre les travailleurs sovié­tiques. En même temps, au cours des prochains mois il sera très difficile d'utili­ser l'armée, le KGB ou la police pour briser des grèves ou disperser des manifestations.

Malgré la montée en puissance ac­tuelle de Eltsine, et le climat d'hystérie anticommuniste qui règne dans la petite­bourgeoisie, il ne sera pas si facile que ça de réaliser une contre-révolution capita­liste en Union soviétique. En fait, on peut s'attendre à une multiplication des grèves par rapport à l'époque de la perestroïka de Gorbatchev. Pendant cette période, la classe ouvrière soviétique a été politique­ment désorientée et plongée dans la confusion par les manœuvres triangulaires entre Eltsine, Gorbatchev et les staliniens « durs ». Aujourd'hui, la ligne de front est tracée brutalement, au cordeau. Mais l'absence d'une direction authentiquement communiste représente le plus important des obstacles, et laisse la classe ouvrière à la merci de la confusion, des fausses polarisations et du défaitisme face à ses ennemis de classe.

Les eltsiniens et les « durs» sont en concurrence sur le terrain du nationa­lisme russe contre-révolutionnaire. Le chauvinisme grand-russe a toujours été un trait caractéristique de la bureaucratie, à commencer par Staline, et il a joué un rôle destructeur pour l'Etat multinational qu'est l'URSS. La montée des antisémites de Pamiat s'est faite sous la protection de certains secteurs de la bureaucratie gor­batchévienne, en particulier l'aile pro­Eltsine. De leur côté, les séparatistes nationalistes - qui se recrutent principa­lement dans les républiques les plus favorisées économiquement - ne désirent rien tant que de se faire aujourd'hui les instruments de l'impérialisme, ce que beaucoup de leurs prédécesseurs ont été pour les nazis. Dans le dernier combat dc son existence, Lénine maintenait, contre Staline, que l'Etat révolutionnaire sovié­tique devait être une union volontaire basée sur l'égalité des nations.

Il est d'une nécessité urgente, et même désespérément urgente, que la classe ouvrière établisse aujourd'hui les formes

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Page 8: Le stalinisme banqueroutier livre l'URSS au capitalisme ... · de porter un double coup à Geronimo ji Jaga (Pratt), le prisonnier de classe le plus connu d'Amérique. Le 15 août

8 Le Bolchévlk

URSS ... Suite de la page 7

organisationnelles qui lui permettront de mobiliser sa puissance sociale pour résis­ter aux forces de la contre-révolution capitaliste, et pour les renverser.

Restauration capitaliste et nationalismes • Alors que les trafiquants en tous

genres se précipitent pour tirer leur épin­gle du jeu, les travailleurs vont chercher à protéger leurs moyens d'existence, aujourd'hui menacés. Des comités ouvriers indépendants doivent être formés dans les usines, dans les mines, dans les centres ferroviaires et dans les autres entreprises, pour empêcher les licenciements et la privatisation en prenant les usines en main et en instaurant le contrôle de la production. De tels comités ouvriers pourront être la base de véritables soviets, qui intégreront dans leurs rangs les em­ployés des fermes collectives, les minori­tés opprimées, les travailleuses, les sol­dats et les officiers de l'Armée rouge, les retraités - tous ceux qui vont être les victimes du «nouvel ordre».

• Eltsine et Cie ont déjà engagé une purge du corps des officiers de l'armée. Ceci n'a rien à voir avec la démocratie. Eltsine veut transformer l'armée, qui a défendu les peuples soviétiques contre le fléau nazi, en instrument docile de la répression intérieure au service des inté­rêts des nouveaux maîtres capitalistes. Il faut former des comités de soldats et d'officiers pour s'opposer aux purges, et pour empêcher que l'armée soit utilisée pour s'attaquer aux intérêts des travailleurs.

• Les émeutiers anticommunistes sont les troupes de choc d'un mouvement fasciste en formation, les futurs briseurs de grèves, les futurs geôliers et tortion­naires des ouvriers en lutte et des mili­tants de gauche. Déjà, le NTS, les anciens collabos des envahisseurs hitlériens, appa­raît au grand jour dans les mobilisations pro-Eltsine. Les fascistes en chemise noire de Pamiat brûlent des drapeaux rouges. Leur prochaine étape sera d'orga­niser des pogromes antisémites. Il faut former des milices ouvrières, avec l'aide d'officiers et de soldats de l'Armée rouge loyaux au socialisme, pour se défendre contre les lyncheurs et les pogromistes, et pour les écraser.

• La mise hors la loi du Parti commu­niste sera utilisée comme précédent pour interdire tous les groupes se réclamant du socialisme ou du communisme. La purge sera utilisée pour s'attaquer aux militants ouvriers qui dirigeront les grèves contre les licenciements et la privatisation. A bas la chasse aux sorcières et l'interdiction du PC! Empêchez-les de venir s'emparer de vos collègues communistes ou juifs!

• Les mouvements séparatistes qui se développent à grande vitesse dans les différentes républiques incitent à des massacres fratricides entre des peuples

9 septembre - Après l'échec du coup d'Etat du 19 août, presque toutes les républiques ont proclamé leur «souve­raineté» ou leur «indépendance », et le pouvoir y est, ou en passe d'y être, entre les mains de directions qui mêlent, en proportions variables, les anciens « patrons» locaux de la bureau­cratie à une nouvelle couche de politi­ciens nationalistes violemment anticom­munistes ayant pour objectif proclamé de restaurer le plus vite possible le capitalisme à leur profit, c'est-à-dire aux dépens des autres peuples de l'URSS.

Mais avec l'accord de Bush, Gor­batchev et Eltsine ont réussi à mettre en place un «conseil d'Etat» regrou­pant les présidents des républiques autour de la présidence de Gorbatchev. Les attributs de cet organisme transi­toire sont loin d'être clairs, mais ce qui est évident c'est que les impérialistes, et surtout Washington, voient d'un œil inquiet une désagrégation totale de ce qui reste de l'Union. Ils préfèrent en effet l'ordre au chaos pour consQllder

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soviétiques qui vivent mêlés les uns aux autres. Il est nécessaire, de toute urgence, d'organiser des groupes de défense multi­nationaux pour prévenir les bains de sang intercommunautaires. En tant que léninis­tes, c'est-à-dire en tant que partisans de l'internationalisme prolétarien, nous nous prononçons pour l'égalité pleine et en­tière de toutes les nations et nationalités au sein d'une fédération authentiquement socialiste.

Les travailleuses, qui sont celles qui ont le plus souffert de la misère engen­drée par lape!'estroïka, doivent être en première ligne non seulement de la ba­taille pour stopper la fermeture des crèches, mais aussi du combat pour forger un authentique noyau communiste. En Pologne et dans l'ex-RDA, les femmes sont chassées de leur travai~ et l'avortement est considéré comme un acte criminel. Réveillées à l'activité politique, les travailleuses d'Union soviétique - qui ont le plus à perdre avec la contre-révolu­tion capitaliste - doivent jouer un rôle dirigeant, comme leurs grand-mères et leurs arrière-grand-mères l'ont fait pendant la Révolution bolchévique.

La jeunesse, dont une grande partie a été brutalement éveillée à la politique au cours de ces derniers jours, doit trouver sa voie vers le programme de l'internatio­nalisme révolutionnaire. La régression vers l'arriération slavophile de Eltsine et

Bulletin Spartacist n° 1

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Ce qu'est le trotskysme Retour à la voie de Lénine et de Trotsky !

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un marché capitaliste. Une fois «libres» de s'intégrer au

marché mondial capitaliste, la plupart des républiques seraient réduites à devenir des néo-colonies misérables de telle ou telle puissance impérialiste. La «nouvelle union» risque bien, si elle devait aboutir, de tourner autour d'une Russie elle-même dépendante des impérialistes. Déjà, il est question que la Banque centrale de la Russie ait le monopole de l'émission de la monnaie de 1'« Union ». Et Eltsine déclare qu'en cas de rupture des relations entre répu­bliques, «la fédération de Russie se réserve le droit de poser la question d'une révision des frontières» (le Monde, 28 août).

La majorité des républiques n'étant pas ethniquement ou nationalement ho­mogènes, la consolidation d'Etats capi­talistes indépendants - nécessairement basés sur la domination d'un groupe national/ethnique - risque fort de s'effectuer au moyen de guerres fron­talières, de transferts forcés de popula-

Cie est incompatible avec un climat intel­lectuel et artistique véritablement ouvert auquel aspirent tant de jeunes. Ne vous y trompez pas: la vie pour la jeunesse à l'Ouest ne ressemble pas à un vidéo-clip! La réalité, pour la jeunesse ouvrière sous le capitalisme, c'est un cauchemar d'ave­nir incertain, de chômage, de désespoir, avec la perspective bien réelle de servir de chair à canon dans la prochaine guerre impérialiste. A l'époque de Lénine et Trotsky, la jeune république soviétique luttait pour l'émancipation des femmes, pour l'émancipation sociale dans tous les domaines, contre fa censure, pour que les individus soient libérés de l'intervention de l'Etat dans leurs affaires personnelles.

Des soviets (conseils) d'ouvriers et de soldats devront s'orienter vers la défaite du régime contre-révolutionnaire de Eltsine, et vers l'établissement d'un gou­verrtêment basé sur la démocratie des soviets, comme celui qui avait été établi par la révolution d'Octobre 1917. Plus que jamais, en cette heure de besoin impérieux, la clé d'une défense victo­rieuse du prolétariat soviétique est de forger un nouveau parti d'avant-garde de la classe ouvrière, authentiquement com­muniste. Retour à la voie de Unine et Trotsky!

Pour des regrourements révolutionnaires.

Avec l'effondrement patent et complet du stalinisme, il y a un besoin criant d'un regroupement parmi les nombreux groupes qui se veulent communistes et qui se situent sur la frange gauche du PCUS. De nombreux ouvriers de convic­tion communiste ont eu des illusions dans les éléments« patriotes.» de la bureaucra­tie stalinienne, lesquels ont fréquemment joué la carte du chauvinisme grand-russe, et qui soit ont adopté une attitude conci­liante, soit ont carrément accueilli à bras ouverts des antisémites, des fascistes et des tsaristes déclarés. Par exemple, le colonel Viktor Alksnis, dirigeant de So­youz, dénonce Gorbatchev non pas parce que celui-ci introduit le marché, mais poUr avoir introduiJ la «démocratie»: «M()n modèle c'est le marché d'abord, la démocratie ensuite. » On appelle ça 1'« op­tion chilienne», inspirée du coup d'Etat sanglant de Pinochet, dont le «miracle économique» bidon dont on fait tant de cas a été édifié sur les cadavres de mil­liers d'ouvriers et de paysans de gauche.

A la fm juillet, des militants de la mouvance « patriote» ont été à l'initiative d'une conférence ouvrière dans la capi-

tions et de pogromes à côté desquels les massacres intercommunautaires en Yougoslavie apparaîtront comme d'in­nocentes querelles de clocher.

Les bolchéviks de Unine avaient fait de la liquidation de la «prison des peuples» tsariste un de leur mots d'ordre qui permit de rassembler les ouvriers sous un même étendard révo­lutionnaire et de gagner l'avant-garde des différentes nationalités. Après 1922, c'est contre les manifestations de chau­vinisme grand-russe à l'égard des natio­nalités que Unine, malade, devait mener sa dernière bataille contre la bureaucratie qui se consolidait et son chef Staline, le nouvel argousin grand­russe. Aujourd'hui, les travailleurs de toutes les nationalités qui refusent de voir la contre-révolution capitaliste balayer l'URSS doivent se rassembler pOyf forger le parti authentiquement communiste qui fait cruellement défaut, pour sauver et régénérer l'unité socia­liste des Russes et des non-Russes dans le premier Etat ouvrier de l'Histoire.

tale. Y participaient plus de 500 délégués venus de 400 grandes usines de la région de Moscou. Un représentant de la Ligue communiste internationale a pris la pa­roledevant cette conférence: «Au­jourd'hui, les impérialistes et les restaura­tionnistes autochtones cherchent à démem­brer l'URSS en divisant et en paralysant le prolétariat soviétique avec le nationalisme. C'est la plus fonnidable de leurs annes. Mais le prolétariat a SOIl anne à lui -l'intemationalisme. Nous avons besoin de forger un parti qui mobilise contre toutes les [omles de discrimination, de nationa­lisme et' d'antisémitisme!» CWorkers Vanguard nO 532, 2 août).

Pendant le coup d'Etat, le Conseil des ouvriers de Moscou constitué à l'issue de cette conférence a publié un appel qui déclarait: «Fonnez des milices ouvrières pour la préservation de la propriété sociali­sée, pour la préservation de l'ordre social dans les rues de nos villes, pour le contrôle de l'application des ordres et des instruc­tions du Comité d'Etat pour l'état d'ur­gence. » Il n'y avait pas Un seul mot pour critiquer le GKChP. Appeler à des mi­lices ouvrières pour écraser les manifesta­tions pro-Eltsine contre-révolutionnaires était certainement approprié. Mais si le Comité d'urgence avait consolidé son pouvoir, il aurait tenté de désarmer de telles milices ouvrières, qui autrement auraient inévitablement et rapidement échappé à son contrôle politique. La dernière chose que ces staliniens dégéné­rés voulaient voir, c'est la mobilisation indépendante de la classe ouvrière.

Ceux des militants de gauche de con­viction communiste qui regardaient du côté de l'aile «patriote» du Parti com­muniste et des forces armées se trouvent maintenant dans un état de choc politique bien compréhensible. Ils ne peuvent pas comprendre ce qui est arrivé. En fait, ils ne peuvent pas comprendre ce qui est arrivé depuis que Gorbatchev a pris la tête du PCUS en 1985. Le chaos écono­mique et la misère de la perestroïka, l'abandon de l'Europe de l'Est, le soutien à la destruction de l'Irak au nom du «nouvel ordre mondial» - tout cela n'est pas simplement le résultat de la mollesse, de la corruption ou de la stupi­dité de Gorbatchev et de ses collabora­teurs. C'est là l'héritage de plus de soixante ans de perversion stalinienne de la révolution d'Octobre: l'usurpation bureaucratique du pouvoir ouvrier, la mauvaise gestion bureaucratique de l'éco­nomie, le chauvinisme grand-russe aux dépens des minorités nationales, l'étouffe­ment de la libre expression et de la créa-

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»"l·l..t iL ~~ r· ,,", .:. f

Septembre 1991

tion, la démobilisation politique de la classe ouvrière.

Après la stagnation relative des der­nières années Brejnev, les secteurs domi­nants de la bureaucratie du Kremlin çn étaient venus à reconnaître, à leur ma­nière, qu'il ne pouvait pas y avoir de «so­cialisme dans un seul pays» et que l'Union soviétique devait être intégrée dans l'économie mondiale, dans le cadre d'une division internationale du travail. Puisque le noyau dur de la vision idéolo­gique stalinienne est le rejet de la révolu­tion socialiste dans les· pays capitalistes avancés, ceci signifiait l'intégration dans le système capitaliste mondial. La volonté de Eltsine et de Gorbatchev - qui avaient tous deux commencé leur carrière comme de jeunes apparatchiks ambitieux, typiques sous le régime Brejnev - de vendre l'Union soviétique à Wall Street et à Francfort est l'aboutissement logique de la doctrine stalinienne du «socialisme dans un seul pays». Le «socialisme de marché» néo-boukharinien de Gorba­tchev a été l'antichambre de la contre­révolution.

1 • Malgré l'hystérie anticommuniste qui

fait rage actuellement en Union soviéti­que, il existe de nombreux ouvriers et même quelques intellectuels qui veulent défendre le socialisme et le communisme. Ils doivent comprendre que le trotskysme est aujourd'hui l'expression authentique du bolchévisme, et qu'un parti trotskyste doit être construit pour diriger la lutte contre la contre-révolution. La première mesure prise par Staline pour consolider _ son régime, avec l'aide de Boukharine, avait été la purge et la persécution de l'Opposition de gauche et finalement le meurtre de tous les cadres bolchéviques survivants, ceux qui avaient dirigé Octobre.

Les effets désastreux du «socialisme dans un seul pays» pour la révolution mondiale et pour l'URSS ne tardèrent pas à se manifester. Staline et Boukha­rine collaborèrent avec la bureaucratie syndicale social-démocrate britannique, laquelle sabota ensuite la grève générale de 1926. Ils apportèrent leur soutien au général nationaliste chinois Tchiang Kai­Chek, qui noya ensuite dans le sang le prolétariat révolutionnaire. La «Plate­forme des bolcheviks-léninistes» de 1927 déclarait: «La défaite de la Révolution chinoise, ainsi que les précédentes défaites des grèves anglaises donnent confiance aux capitalistes dans leurs possibilités d'abat­tre l'URSS » (cité dans la Lutte antibu­reaucratique en URSS). Quelques In~ plus tard, le PC allemand, sur or ~ Staline, permettait à Hitler d'arriver au pouvoir sans rencontrer de résistance.

Quand l'Allemagne nazie devint une menace évidente pour l'URSS, Staline, qui précédemment avait rejeté l'appel de Trotsky à un front unique ouvrier princi­piel pour vaincre les fascistes, appela à un «front populaire» avec les impérialistes prétendument « démocratiques» de France et d'Angleterre. Au nom de ce «front populaire», les stalinienS sabo­tèrent une situation prérévolutionnaire en France et étranglèrent la classe ouvrière révolutionnaire en Espagne, pavant ainsi la voie à la victoire de Franco. Par la suite, Staline décapita l'état-major de l'Armée rouge dans les purges sanglantes de 1936-38, et misa sur son «pacte de non-agression» avec Hitler, et porte de ce fait une responsabilité directe pour les pertes catastrophiques subies dans la première partie de la Deuxième Guerre mondiale.

Plus de 20 millions de citoyens soviéti­ques sont morts en défendant la patrie d'Octobre et en libérant toute l'Europe du cauchemar nazi. Sur la base de la destruction du Troisième Reich par l'Ar­mée rouge, les menaces que faisait subir à l'URSS un impérialisme américain brandissant des armes nucléaires condui­sirent par la suite le Kremlin, comme mesure défensive, à réaliser des transfor­mations sociales (c'est-à-dire anticapita­listes) bureaucratiquement déformées en

Europe de l'Est. Mais aujourd'hui, l'Eu­rope de l'Est est livrée aux impérialistes.

Nous, trotskystes, avons défendu l'Union soviétique

Aujourd'hui, l'Union soviétique est menacée de dépeçage, les républiques devenant des néo-colonies de Washing­ton, Berlin, Paris et Tokyo. L'effondre­ment actuel de la bureaucratie stalinienne a pour origine immédiate l'offensive de guerre froide relancée par l'impérialisme américain après son ignominieuse défaite au Vietnam. Sur lous les champs de bataille clés de la deuxième guerre froide - Afghanistan, Pologne, République dé­mocratique allemande - la Ligue com­muniste internationale (LCI, auparavant tendance spartaciste internationale) a pris

contribué à bloquer une tentative des forces de droite eltsiniennes, conseillées par la fédération syndicale américaine «AFL-CIA », d'enrôler les mineurs sovié­tiques dans la campagne de chasse aux sorcières anticommuniste internationale contre le dirigeant des mineurs britan­niques Arthur Scargill. Les dirigeants impérialistes vouent à Scargill une haine féroce parce qu'il a dirigé la grève des mineurs britanniques de 1984-85 - à laquelle les ouvriers soviétiques avaient apporté une aide généreuse. Cette ba­taille de classe de première importance démontrait l'inanité du mythe colporté à fin d'auto justification par les staliniens, comme quoi les ouvriers des pays capita­listes avancés seraient incapables de mener des luttes de classe dures.

.. ' 9

[ ... ].Le sort de !,URS-S, en tant qu'Etat socialiste, dépend du régime politique, qui viendra remplacer le bonapartisme stali­nien. » Les impérialistes et leurs laquais, comme Eltsine, veulent accélérer la con­solidation d'un Etat capitaliste. Mais cela ne sera pas si facile que ça. Ce n'est pas l'Allemagne de l'Est, un pays compact, homogène, qui est passé sous le contrôle d'une bourgeoisie allemande qui existait déjà, et qui a simplement apporté son appareil d'Etat, mis en pièces l'économie de la RDA et fait subsister la moitié de la population par des allocations chô­mage. Le coût de l'opération s'est avéré plus important que prévu, mais Bonn continue à injecter massivement des deutschemarks.

En janvier 1990, à Berlin-Est, nos camarades du SpAD avaient été à l'initiative d'une manifestation qui devait réunir 250000 personnes à Treptower Park pour protester contre la profanation d'un monument à l'Armée rouge.

L'Union soviétique, au contraire, est un pays gigantesque, avec plus d'une centaine de nationalités, un formidable potentiel de chaos, et personne pour financer une OPA capitaliste. Les Etats­Unis pourraient probablement acheter le pays pour quelques dizaines ou quelques centaines de milliards de dollars, mais la classe dirigeante américaine est tout autant idéologiquement opposée à une telle opération qu'elle l'est à un système de sécurité sociale décent aux Etats-Unis mêmes. Les «yuppies» petits-bourgeois d'Union soviétique croient en un capita­lisme utopique, et rêvent qu'ils vont sou­dain bénéficier d'un niveau de vie équiva­lent à celui de la Scandinavie. En fait, économiquement et politiquement, ce que le capitalisme leur réserve ressemblera plutôt au Mexique ou pire encore, avec une paupérisation profonde des masses sous la coupe d'un Etat autoritaire. Les forces qui soutiennent Eltsine voudraient bien devenir une classe capitaliste, mais elles n'en constituent pas encore une. Même en Pologne, où l'Etat est capita­liste de la base au sommet, une classe capitaliste ne s'est pas encore cristallisée, parce qu'il lui manque ... le capital.

résolument position en défense de l'Union soviétique contre les capitulations de la bureaucratie du Kremlin.

Quand les staliniens soviétiques me­naient, bien mal, la guerre contre les réactionnaires islamiques armés par la CIA en Afghanistan, pour finalement tout brader et se retirer, nous disions «Salut à l'Amtée rouge en Afghanistan! Etendez les acquis sociaux de la révolution d'Octo­bre aux peuples afghans!» Quand, fin 1981 en Pologne, Solidarnosé, sous la houlette de Reagan et du pape Jean-Paul Wojtyla, tenta de s'emparer du pouvoir ~u nom de la «démocratie bourgeoise », nous avons dit: «Halte à la contre­révolution de Solidamosé!» Le contre­coup d'Etat du général Jaruzelski a tem­porairement tenu en échec ces hommes de paille cléricaux-nationalistes de Wall Street et de Washington. Mais les stali­niens n'avaient ni l'autorité morale ni le programme nécessaires pour faire reculer la contre-révolution, et huit ans plus tard le même Jaruzelski, avec l'approbation de Gorbatchev, abdiquait le pouvoir poli­tique au profit de Walesa et Cie.

Fm 1989, avec la chute du régime Honecker et l'ouverture du mur de Berlin en Allemagne de l'Est, la LCI jeta toutes ses forces dans la bataille pour la pers­pective d'une Allemagne rouge des con­seils ouvriers. Nous avons été à l'initiative de la gigantesque manifestation antifas­ciste de Treptow, le 3 janvier 1990, qui rassembla 250 ()()() personnes pour rendre hommage aux soldats soviétiques tombés en libérant l'Allemagne des nazis. Par la suite, alors que Gorbatchev donnait le feu vert à un Quatrième Reich réunifié de l'impérialisme allemand, le Spartakist­Arbeiterpartei Deutschlands de nos ca­marades allemands fut le seul parti à s'opposer clairement et sans ambiguïtés à la réunification capitaliste.

En Union soviétique même, des repré­sentants de la LeI ont engagé le combat pour une perspective révolutionnaire internationaliste. Ainsi, lors d'un congrès des mineurs de charbon qui s'est tenu en octobre dernier à Donetsk, nous avons

Nous cherchons à transmettre le pro­gramme du trotskysme au prolétariat et à l'intelligentsia prosocialiste d'Union sovié­tique, avec notre Bulletin Spartacist en russe qui contient, outre des documents clés de la LCI, le chapitre consacré à l'URSS dans le Programme de transition de Trotsky. Ces derniers mois, nous avons analysé la montée de la crise dans notre article «Où va l'Union sovié­tique?» (le Bolchévik n° 109 et n° 110, mars et avril), en avançant un programme de lutte pour un véritable pouvoir des soviets.

Il est désespérément nécessaire de se battre

En 1935, Trotsky écrivait dans « l'Etat ouvrier, Thermidor et bonapartisme»: «L'effondrement inévitable du bonapar­tisme stalinien ne mettra pas en question le caractère d'Etat ouvrier de l'URSS

Et il y a d'autres obstacles: pour com­mencer, l'économie soviétique est organi­sée sur la base de l'union, et le départ de composantes majeures, en particulier si l'Ukraine se retire, provoquera un vérita­ble cataclysme. De plus, beaucoup d'ou­vriers soviétiques pensent que le pays leur appartient, et ils ont un profond senti­ment égalitaire qui devra être éradiqué pour que le capitalisme s'implante. Ainsi, bien que la marche des événements ait pris un rythme effréné, ces facteurs peu­vent laisser au prolétariat la possibilité d'entrer en lutte avant la consolidation de la contre-ré.-olution. ~i cette éventualité devient réalité, les révolutionnaires de­vront chercher à intervenir pour fournir dans le feu de l'action une direction, en cherchant avant tout à forger un nouveau parti révolutionnaire d'avant-garde, l'ins­trument nécessaire pour la victoire!

- Traduit de Workers Vanguard n° 533, 30 août

Spartacist (édition française)

ISPARTACJSTI~ ~ NUMERO 2e EDmON FRANCAISE PRINTEMPS tte1

N° 26 (printemps 1991) 10 francs (56 pages)

Contient des documents et des textes de

. i discussion sur l'effondrement du stalini.rne., On trouvera égalemëni' dans ce numéro une critique du «Trotsky» de Pierre Broué.

10FF/$2

Textes de discussion et documents sur l'effondrement

du stalinisme

Ecrire au Bolchévik: B.P. 135-10

75463 Paris Cedex 10

Tamara Deutscher, 1913-1990 , ............ ,.2

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PCF ... Suite de la page 3

économie de marché - c'est-à-dire capi­taliste; les divergences qu'il peut avoir avec les Eltsine et autres anticommunis­tes déclarés portent sur les rythmes et les voies pour y parvenir. Il n'y aura d'issue socialiste à la crise que connaît l'URSS que si le prolétariat soviétique se mobilise pour repousser la contre-révolution et entre en lutte pour rétablir son pouvoir politique. Mais, comme tous les staliniens et les réformistes en général, les dirigeants du PCF n'ont jamais eu la moindre confiance dans les capacités révolutionnaires du prolétariat, qu'il soit soviétique ou français. Néanmoins, il n'est guère besoin d'être fin politique pour comprendre aujourd'hui que s'accrocher à Gorbatchev c'est le suicide assuré!

En vérité, ce qui préoccupe principale­ment aussi bien Marchais que Fiterman, c'est moins l'avenir de l'URSS en tant que telle que leur propre avenir. Quand, lors de la Fête de l'Humanité de 1989, Marchais claironnait qu'il étai( un gorbat­chévien avant l'heure,il révélait aussi la raison de sa conversion: «La perestroïka, le dynamisme de la politique de paix de l'URSS influent positivement sur le combat des partis communistes des pays capitalis­tes» (l'Humanité, 22 septembre 1989). Nager dans le courant de Gorbatchev (alors la coqueluche de l'Occident pour ses mesures économiques promarché, ses trahisons des peuples et son désarme­ment de l'URSS) était la condition néces­saire - mais pas suffisante - pour espé­rer s'attirer les grâces, de plus en plus rares, de quelques «alliés» antisoviéti­ques, sociaux-démocrates et bourgeois, et former une nouvelle alliance de collabo­ration de classes, du style Front populaire ou Union de la gauche.

C'est cette préoccupation qui guide toujours la direction réformiste du PCF quand elle rassure: «Nous continuerons de soutenir [Gorbatchev] très fermement» (l'Humanité, 23 août). Mais elle rate de nouveau le coche. Gorbatchev peut certes

Yougoslavie ... Suite de la page 12

mence nationaliste et d'illusions de gran­deur guerrière. Ils refusaient d'abandon­ner les postes frontières, bloquaient des unités de l'armée qui tentaient de rejoin­dre leur casernement, réclamant qu'elles abandonnent leurs armes, retenaient en otages des familles de militaires et même tendaient des embuscades aux troupes qui se retiraient du combat. Confronté à ces provocations, le commandement yougo­slave, passant outre les autorités civiles de Belgrade, répliqua par des bombarde­ments aériens, des tirs d'artillerie et l'envoi d'unités de chars supplémentaires. Le chef d'état-major de l'armée, Blagoje Adzic, dont toute la famille avait été massacrée par les Oustachis en 1942, déclarait: «Nous allons mener cette gue"e

être encore utile aux impérialistes, mais désormais ils se préparent pour la pro­chaine étape. Alors, Marchais (qui avait vu renaître un espoir avec la national­populiste Cresson) cherche encore et encore, et en vain, à donner des preuves de sa loyauté à l'impérialisme français; et, à sa façon, il participe à l'enterrement du PCUS : il n'y a «rien de commun entre le PCF et le PCUS », titre l'Humanité du 28 août. Comme dit le vieil adage stali­nien, plus gros est le mensonge, mieux il passe. Exit les «partis frères» ! Ils s'éva­nouissent dans les brumes d'un lointain passé stalinien ...

Certes, concède Lajoinie dans son rapport au comité central, «[ ... ] comme tous les partis communistes, notre parti a été affecté, profondément, par la déviation stalinienne». «Déviation »? Voilà une caractérisation bien euphémique pour un parti dont le secrétaire général d'alors, Maurice Thorez (toujours intouchable !), aimait se désigner comme «le premier stalinien de France» ! Lajoinie poursuit: «[Le PCF] s'en est dégagé avec un retard qui lui a porté un lourd préjudice. Il a commis des fautes, dont certaines furent graves» (l'Humanité, 4 septembre). Ces «fautes» dont est responsable la «dévia­tion stalinienne» se résument pour la direction, outre un manque de démocra­tie interne, à n'avoir pas adopté sufftsam­ment tôt le «socialisme à la française» -c'est-à-dire un programme social­chauvin!

Pour des communistes véritables, les «fautes» de la direction du PCF - en fait ses trahisons - sont précisément là: sa campagne chauvine antijaponaise, ses déclarations racistes sur l'immigration, son soutien à la force de frappe française (tournée contre l'URSS), sa participation au front populaire antiouvrier et antiso­viétique de 81... Comment un tel parti pourrait prétendre - si tant e&t qu'il veuille le faire! - défendre l'URSS après avoir osé siéger dans un tel gouverne­ment de guerre froide?

En fait, les dirigeants du PCF n'ont jamais vu la « défense de l'URSS» autre­ment qu'à travers les lunettes contre-

jllsqu'au bout.» Cependant, pendant le week-end des 6

et 7 juillet, un autre accord de cessez-Ie­feu était négocié par la CEE en termes plus favorables à la Slovénie. Il prévoyait que les régimes de Ljubljana et de Za­greb négocient les conditions de sécession avec les institutions centrales yougoslaves. Dans l'intérim les policiers slovènes étaient supposés garder les postes frontiè­res en tant qu'« agents» du gouvernement fédéral. Chacun proclame son soutien à une solution pacifique et tout le monde sait que le démembrement de la Yougos­lavie sera une affaire très shnglante. Les dirigeants occidentaux et les médias bour­geois déplorent maintenant la résurgence d'un nationalisme «primitif» dans les Balkans. Mais la contre-révolution en Yougoslavie et dans toute l'Europe de l'Est est orchestrée par ces messieurs ô combien civilisés de Wall Street et Wash-

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révolutionnaires de la bureaucratie du Kremlin: la «coexistence pacifique» -c'est-à-dire une tentative illusoire de se concilier durablement les impérialistes en désarmant l'URSS et en bradant les luttes des peuples et des travailleurs. Thorez et ses successeurs ont sacrifié sur l'autel du statu quo international les intérêts du prolétariat appelé à faire pression sur « sa» bourgeoisie et même à soutenir - dans le cadre d'alliances de front populaire - son ennemi de classe quand il est supposé être ou devenir «ami de l'URSS ». Et le sabotage de situations de nature révolutionnaire comme Juin 36, la «Libération» ou Mai 68 est un crime, non seulement contre le prolétariat français, mais aussi contre l'Etat ouvrier soviétique lui-même, tragi­quement isolé face à l'impérialisme re­vanchard. Pour Lénine, la défense de l'URSS était étroitement liée au dévelop­pement de la révolution socialiste mon­diale; les trotskystes ont continué ce combat internationaliste, accusant préci­sément Staline et les siens d'être devenus les fossoyeurs des révolutions et de con­duire ainsi l'URSS à sa perte. La catas­trophe menace aujourd'hui.

Marchais essaie, tant bien que mal, de se dédouaner aux yeux de la bourgeoisie; aux yeux des ouvriers révolutionnaires, il ne pourra jamais dédouaner les directions successives du PCF pour la responsabilité qu'elles ont, aux côtés des banqueroutiers staliniens du Kremlin, d'avoir jeté en pâture la patrie d'Octobre à la contre­révolution capitaliste.

Par ailleurs, loin d'être - comme le prétend Marchais - une «rupture» avec le stalinisme, le «socialisme à la fran­çaise» n'en est que le plus pur produit. Le stalinisme a été la domination d'une caste bureaucratique qui a usurpé le pouvoir politique du prolétariat dans l'Etat ouvrier, et elle a mené sa politique internationale de collaboration de classes au nom de la « théorie» de la « construc­tion du socialisme dans un seul pays ». Dans une critique de cette «théorie» antimarxiste (l'Internationale communiste après Lénine), le camarade Trotsky prédi-

in~on, de Bruxelles, Paris et Francfort. ··;îa présidence collégiale se trouvant

pa,alysée, le personnage clé de ce qui reste du gouvernement central est le premier ministre Ante Markovic. Depuis son entrée en fonction, début 1989, Mar­kovic a été le principal agent des ban­quiers occidentaux pour saigner la You­goslavie. La production industrielle a chuté de 30 % dans les derniers 18 mois, plus d'un quart des 20 000 entreprises du pays sont insolvables, nombre d'ouvriers n'ont pas été payés depuis des semaines et 20 % des travailleurs sont au chômage. S'adressant au parlement yougoslave en avril, Markovic pourfendait ceux qui parlaient de «justice sociale », en décla­rant: «Il n'existe pas de marché sans sa propre ''iustice'', basée sur la supériorité dll fort contre le faible, quelque soit la nation ou la république. Ceci doit être la base du programme économique, politique et national. »

Impérialisme occidental et contre-révolution en Yougoslavie

Manquant de tout soutien populaire en Yougoslavie, toute la stratégie politique de Markovic consiste à convaincre les puissances occidentales de transformer la Yougoslavie dans son ensemble en une néo-colonie du Marché commun. Il y a quelques mois, lors d'une réunion de dirigeants européens, à Londres, il argu­mentait qu'«i! n'est pas dans l'intérêt de l'Occident ou de l'Europe qu'une explosion arrive en Yougoslavie. Les pays européens veillent voir une Yougoslavie européani­sée, pas libanisée 011 balkanisée» (Guar­dian de Londres, 16 avril).

Jusqu'à la crise actuelle, la politique de Markovic avait rencontré un succès diplo-

Le Bolchévlk

sait, en 1928, le «socialisme à la fran­çaise », expliquant que «si le socialisme est réalisable dans le cadre national de l'URSS arriérée, il l'est à plus forte raison dans l'Allemagne avancée. Demain, les responsables du Parti communiste alle­mand développeront cette théorie [ .. ;]. Après-demain viendra le tour du Parti communiste français. Ce sera le début de la désagrégation de l'Internationale com­muniste suivant la ligne du social­patriotisme ».

Sept ans après, suivant les consignes de Staline (qui venait de signer son Pacte d'assistance mutuelle franco-soviétique avec Laval), la direction du PCF rallia la «défense nationale» et bascula du côté de la défense de 1'« ordre» bourgeois. Depuis, ce parti réformiste n'a cessé d'être écartelé entre son allégeance à son propre impérialisme et ses liens avec le Kremlin; et il n'a fait que distendre ces liens. Mais, après les «rénovateurs» et autres « reconstructeurs », les «refonda­teurs» pressent le PCF, non plus au­jourd'hui de rompre avec Moscou (Gor­batchev s'en est chargé !), mais de se débarrasser de tout ce qui de près ou de loin peut rappeler ces liens passés: le «centralisme démocratique », le «com­munisme », Marchais lui-même ... et de se transformer, comme le PC italien, en parti social-démocrate conséquent, totale­ment acceptable pour la bourgeoisie. Mais il n'y a pas de place pour deux partis sociaux-démocrates de masse. Pour le PCF confronté au PS, suivre la voie du PCI (qui était déjà le parti réformiste hégémonique en Italie) serait synonyme de liquidation à court terme. Mais Mar­chais ne peut simplement que retarder les échéances.

Les camarades du PCF qui veulent toujours combattre pour le communisme doivent tirer toutes les leçons de l'effon­drement du stalinisme. Il faut rompre avec le PCF et sa politique de collabora­tion de classes - une politique de défai­tes. L'alternative aux trahisons stalinien­nes, c'est le programme trotskyste pour lequel combat la Ligue communiste internationale. •

matique. Fin mars, Bush écrivait une lettre au prèmier ministre de Belgrade, exprimant son «admiration» pour sa politique et son soutien à une Y ougosla­vie «ullifiée et démocratique ». Des décla­rations similaires furent faites par plu­sieurs chefs d'Etat ouest-européens. Et aucune capitale étrangère ne reconnut la Slovénie ou la Croatie après leurs décla­rations d'indépendance.

Les nationalistes réactionnaires de Slovénie et de Croatie, et leurs sympathi­sants à l'étranger, étaient bien entendu furieux que les puissances occidentales préfèrent préserver la Yougoslavie, un Etat encore nominalement communiste. Mais Washington et les autres capitales occidentales ne considèrent plus que le gouvernement yougoslave soit encore communiste. Markovic est tout aussi engagé à restaurer le capitalisme que les sécessionnistes de Ljubljana et de Zagreb.

Il y a quelques mois, les généraux organisés dans la Ligue des communistes­Mouvement pour la Yougoslavie par­laient encore de préserver la Yougoslavie ~n tant que «société socialiste». Mais aujourd'hui, un secteur décisif de la direc­tion de l'armée semble d'accord pour transformer le pays en vassal de l'impé­rialisme, à la condition qu'il reste un Etat unitaire. Le ministre de la Défense, le général Vejko Kadijevic, bien qu'ancien combattant des partisans titistes, s'est spectaculairement associé à la position pro-occidentale de Markovic. Du point de vue de Washington et Bruxelles, la ques­tion n'est pas le démembrement ou non de la Yougoslavie communiste, mais si le capitalisme sera restauré dans le cadre de la Yougoslavie ou via sa dissolution en petits Etats rivaux.

Les financiers internationaux et les entreprises multinationales veulent opérer

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sur un grand marché sans trop d'entraves au commerce extérieur et avec une mon­naie convertible. Ils sont aujourd'hui confrontés dans les Balkans à la création de micro-économies fanatiquement natio­nalistes. Un responsable américain leur,a fait un sermon: «S'ils se balkanisent en petits Etats, ils vont reculer économique­ment. Et s'ils font cela, qu'ils ne viennent pas nous trouver pour les aider à sortir du marasme économique qu'ils auront créé avec leur nationalisme diviseur» (Washington Post, 17 mai).

La préoccupation des dirigeants occi­dentaux n'est pas uniquement que la balkanisation soit mauvaise pour le com­merce, mais que le démembrement de la Yougoslavie ouvrirait une vague de con­flits ethniques sanglants et de guerres de frontières nationalistes en Europe de l'Est. La Bulgarie et la Grèce ont de vieilles revendications territoriales sur la Macédoine. Le nouveau régime albanais réactionnaire pourrait bien intervenir au Kosovo, où la majorité albanaise est violemment opprimé par la Serbie. Une guerre de frontières entre la Serbie et la Croatie au sujet de la Krajina pourrait rallumer un conflit similaire ~ntre la Hongrie et la Roumanie à propos de la Transylvanie. Et la sécession de la Slové­nie et de la Croatie encouragerait puis­samment les séparatistes slovaques de Tchécoslovaquie. (La Slovaquie de Mon­seigneur Tiso, comme la Croatie des Oustashis, était un Etat fantoche clérical­fasciste de l'Allemagne nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale.)

Sur cette terre des Slaves du Sud, où les divers peuples sont loin d'être géogra­phiquement regroupés et sont plutôt fortement interpénétrés, la séparation nationale et la restauration capitaliste seront une affaire sanglante.

Financiers et industriels occidentaux aimeraient voir une restauration ordon­née du capitalisme en Europe de l'Est. Mais les forces de la contre-révolution en marche, de la Baltique à J'Adriatique, sont inséparables du nationalisme fratri­cide. La contre-révolution en Europe de l'Est, a également intensifié la rivalité interimpérialiste pour savoir qui dominera et exploitera cette moitié du continent.

Le Quatrième Reich allemand vise le contrôle des Balkans

Les bourgeoisies ouest -européennes se sont emparées de la crise yougoslave pour s'affirmer vis-à-vis de W'ashington. Le Luxembourgeois Jacques Poos, qui dirigeait la délégation de la CEE à Bel­grade, annonçait: «C'est l'heure de l'Eu­rope. Ce n'est pas l'heure des Améri­cains. » Quelle ironie de voir un ministre des Affaires étrangères du lilliputien Luxembourg déclarer une suprématie sur les Etats-Unis. Mais si J'attitude du Luxembourgeois est comique, la plus forte puissance européenne - l'Alle­magne réunifiée - est tout à fait sérieuse et veut obtenir l'hégémonie dans les Balkans et dans toute l'Europe de l'Est. Il y a aujourd'hui de facto à Bonn un front multiparti en faveur du démantèle­ment de la Yougoslavie.

Quelques jours après que la Slovénie et la Croatie eurent déclaré leur indépen­dance, le front uni diplomatique occiden­tal pour la préservation de la Yougoslavie était rompu par l'Allemagne. Le chance­lier Helmut Kohl déclarait que la pré­sence de l'armée fédérale yougoslave en Slovénie et en Croatie était «totalement inacceptable». Le ministre des Affaires étrangères de Bonn, Hans Dietrich Genscher, faisait savoir que si la décision ne tenait qu'à lui, le Marché commun reconnaîtrait l'indépendance de la Slové­nie et de la Croatie. Et le secrétaire général des chrétiens-démocrates au pou­voir, Volker Rühe, appelait à <<recon­naître le droit à l'autodétennination en Slovénie et en Croatie », une revendication reprise avec plus de force encore par le porte-parole de l'opposition ~Qcial-démocrate, Norbert Gansel. _

Le tout nouvel enthousiasme des diri-

geants allemands pour 1'« autodétermina­tion» en Europe de l'Est a naturellement contrarié ceux de leur partenaires ouest­européens dont d'importantes minorités nationales opprimées réclament l'indé­pendance, l'Espagne par exemple. Si les Croates peuvent l'obtenir, pourquoi pas les Basques ou les Corses ? Il y a quelque chose de répugnant à entendre les Kohl et Cie prêcher le «droit des minorités» quand, en Allemagne, les Gastarbeiter (<< travailleurs invités ») turcs et yougosla­ves surexploités sont traités comme des chiens et sont attaqués par les terroristes néo-nazis, portés par la fièvre nationaliste d'une Grande Allemagne. Dans la bouche de Kohl, de Genscher et des sociaux­démocrates 1'« autodétermination» n'est

Après la défaite de l'Allemagne" les puissances occidentales victorieuses ins­taurèrent la Yougoslavie, sous la domi­nation de la monarchie serbe. Dans l'entre-deux-guerres, la Yougoslavie du roi Alexandre était un Etat client de la France et de la Grande-Bretagne. En réaction, les nationalistes croates ousta­chis faisaient appel à l'Italie fasciste et ensuite à l'Allemagne nazie pour les soutenir, et quand Hitler envahit les Balkans en 1941 la Wehrmacht les instal­la au pouvoir.

La défaite de l'Allemagne nazie par l'Union soviétique et la lutte menée par les partisans communistes ont jeté les bases d'une reconstruction de la Yougos­lavie en tant qu'économie socialisée, sur

Photos Der

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Führer fasciste croate Ante Pavelic (ci-dessus avec Hitler et Goering) et ses Oustachis ont massacré des centaines de milliers de Serbes, de Juifs et de Tsiganes.

qu'une formule pour un. nouvel empire dominé par l'Allemagne en Europe de l'Est.

Les maîtres des banques de Francfort et des usines de la Ruhr pensent qu'avec la réunification de l'an dernier, ils ont effacé la défaite du Troisième Reich de 1945. En Yougoslavie, ils cherchent à effacer la défaite de l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale. Un des membres d'une récente mission «d'en­quête » chrétienne-démocrate à Ljubljana et Zagreb (que la presse allemande nomme Laibach et Agram) n'était autre qu'Otto von Habsbourg, 78 ans, fils du dernier souverain de l'Empire austro­hongrois!

Avant 1914, la Slovénie et la Croatie étaient des provinces de cet empire bran­lant, partenaire de son puissant voisin, le Deuxième Reich allemand. La Serbie, qui était alors une monarchie indépendante, revendiquait des territoires dans la partie des Balkans dominée par les Habsbourg et voyait la Russie tsariste comme sa grande puissance protectrice. L'assassinat. en Bosnie de l'héritier au trône d'Autri­che par un nationaliste serbe déclencha la Première Guerre impérialiste mondiale.

une base véritablement fédérale. Porté au pouvoir par une révolution populaire, Tito a pu rompre avec Staline en 1948 et gouverner la Yougoslavie comme un Etat «communiste-national», «indépen-. dant», en louvoyant entre Washington et Moscou.

Seul le communisme peut vaincre le nationalisme meurtrier

Il était impossible de construire le socialisme dans un seul pays relativement arriéré. Economiquement, l'Etat ouvrier yougoslave bureaucratiquement déformé devint de plus en plus étroitement dépen­dant de l'exportation de son surplus de main-d'œuvre vers l'Europe capitaliste, et en particulier vers l'Allemagne de l'Ouest. La dépression économique mon­diale de 1974-75 frappa très durement l'économie yougoslave. Tito, comme d'autres régimes staliniens est-européens, répliqua en hypothéquant son pays auprès des banquiers de Wall Street et de Franc­fort. Au fur et à mesure que l'économie yougoslave s'épuisait sous le joug de la dette, les forces du revanchisme nationa­liste croissaient.

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L'année dernière, dans une manifestation -Des ouvriers avec le portrait de Josip Broz Tito, fondateur de la République fédérale socialiste de

< Yougoslavie et chef des partisans communistes pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Ces dernières années en Yougoslavie, l'opposition la plus voyante aux sécession­nistes croates et slovènes a été celle de « Slobo » Milosevic, l'homme fort du nationalisme serbe, qui a bénéficié d'une sympathie réelle parmi les officiers de l'armée fédérale, elle-même largement serbe. Mais Milosevic est plus intéressé à construire une Grande Serbie qu'à pré­server la Yougoslavie. Dans cette pers­pective, il a évoqué la formation d'une armée serbe séparée. Et dans une volte­face spectaculaire, il a maintenant donné son feu vert à la sécession slovène. A sa manière, Milosevic réalise que la Yougos­lavie ne peut être préservée sur la base du nationalisme serbe, avec ou sans le verbiage «socialiste» de couverture.

Au-delà de sa déformation stalinienne, la base de la Révolution yougoslave de 1941-45 reposait sur toute la lutte anté­rieure des communistes contre le nationa­lisme, en particulier contre le nationa­lisme serbe dominant à l'époque. En 1929, quand le roi Alexandre organisa un coup d'Etat royaliste au nom de 1'« uni­té » yougoslave, le Parti communiste déclara que «la bourgeoisie grand-serbe, avec le soutien de la bourgeoisie des na­tions opprimées» visait à imposer « la division des nations opprimées, leurs plus grandes et plus brutales oppression et exploitation ».

Il Y a maintenant quinze ans, nous écrivions: «Aujourd'hui même, les im­menses acquis de la Révolution yougoslave - le renversement des relation~ capitalistes de propriété et le dépassement des conflits nationaux meurtriers qui déchiraient la Yougoslavie bourgeoise - sont eux-mêmes menacés par les forces centrifUges que la bureaucratie suscite (dans une grande mesure contre sa volonté). Les conditions d'une guerre civile s'accumulent 'en You­goslavie, une guerre civile qui pourrait revêtir la fonne d'une guerre de "libération nationale", .' étant donné les différences économiques régionales. C'est cela l'héli­tage du titisme, du stalinisme à ''visage humain". C'est l'héritage que les travail­leurs doivent sunnonter en constnlÏsant Wl

parti trotskyste d'avant-garde capable de diriger une révolution politique pour ba­layer la bureaucratie titiste et donc créer les conditions de l'extension intemationale de la révolution» (<< The National Question in Yugoslavia », Workers VangtlOrd n° 110, 21 mai 1975).

Aujourd'hui, les peuples de Yougosla­vie et de toute l'Europe de l'Est font face à une oppression et une exploitation brutales aux mains de forces nationalistes bourgeoises résurgentes, manipulées par les impérialismes américain et ouest­européens. Seul un retour à l'internatio­nalisme, aux principes de l'Internationale communiste de Lénine et Trotsky, peut sauver les ouvriers et paysans d'Europe de l'Est - des Balkans à la Baltique -d'une nouvelle vague de massacres intercommunautaires et de guerres nationalistes.

- Adapté de Workers Vanguard n° 531 19 juillet

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Conflits nationalistes et contre-révolution

19 juillet - Prévisible et préparé de longue date, le démembrement sanglant de la Yougoslavie a commencé.

Fin juin, les républiques de Slovénie et de Croatie, plus riches, plus occidentali­sées et traditionnellement catholiques déclaraient leur indépendance. Plusieurs jours de durs combats entre des milices slovènes et l'armée fédérale yougoslave s'ensuivirent. Le cessez-le-feu en vigueur ne peut que, dans le meilleur des cas, repousser l'épreuve de force de quelques mois. Par ailleurs, les communautés serbes de Croatie sont entrées en rébel­lion parce qu'elles craignent à juste titre pour leur existence sous le régime natio­naliste et réactionnaire de Zagreb. Le conflit armé qui oppose les. autorités croates et les communautés serbes en rébellion, soutenues par l'armée fédérale, s'amplifie de jour en jour.

Après avoir saigné économiquement la Yougoslavie tout au long des quinze dernières années, les impérialistes occi­dentaux exploitent et manipulent les forces des nationalismes locaux au service de la restauration capitaliste. Le Qua­trième Reich allemand en particulier vise à la domination des Balkans en prônant la sécession de la Slovénie et de la Croa­tie. Les journaux serbes accusent l'Alle­magne de rechercher l'hégémonie sur une « chaîne de nations catholiques» s'éten­dant «de la Baltique à l'Adriatique» et le Monde (4 juillet) écrit: «Ayant retrouvé son unité et sa souveraineté, l'Allemagne entend aujourd'hui jouer sans complexes

La nouvelle guerre entre les peuples des Balkans fait rage. En haut à gauche, des nationalistes croates. Au-dessous, des miliciens serbes. A droite, des chars de l'armée fédérale progressent vers Zagreb.

un rôle majeur dans une région avec laquelle elle a toujours entretenu d'étroits rapports.» De son côté, le Manchester Guardian Weekly (14 juillet) titre: «Le fantôme du Quatrième Reich. »

La République socialiste fédérative de Yougoslavie se voit aujourd'hui démem­brée par les mêmes forces que les parti­sans communistes de Tito ont vaincues pendant la Deuxième Guerre mondiale -les nationalistes fratricides croates et· serbes et leurs parrains impérialistes. Le libéral yougoslave pro-occidental, Aleksa Djilas (fils de l'ex-communiste dissident Milovan Djilas), écrivait récemment: « La campagne des ''partisans'' menée simulta­nément contre les OCCUpoots, les collabora­teurs et les extrémistes nationalistes croa­tes, serbes et autres a pennis qu'après la guerre les communistes se présentent comme la seule force unificatrice et reçoi­vent même le soutien de bon nombre de non-communistes. Leur système fédéral d'après-guerre était une étape irréversible vers l'égalité nationale entre les nations qui composent la Yougoslavie » (The Contes­ted Country: Yugoslav UlJity and Commu­nist Revolution -1919-1953). Malheureu­sement, ce n'était pas irréversible. La Révolution yougoslave était dès le début déformée par le stalinisme. Et au­jourd'hui, avec le trépas de la génération des partisans et la désintégration de la bureaucratie titiste, les forces nationa­listes fratricides opèrent un retour en force.

Le nouveau leader croate, Franjo

Tudjman, ex-général et professeur d'his­toire, est un apologiste notoire du régime fasciste croate oustachi, qui sous la pro­tection de la Wehrmacht nazie a assas­siné des centaines de milliers de Serbes, de Juifs et de Tziganes. Des francs-tireurs serbes qui font aujourd'hui le coup de feu contre les gendarmes de Tudjman se nomment eux-mêmes « Tchetniks », re­prenant le nom des bandes armées roya­listes serbes qui massacraient les paysans croates et s'attaquaient aux partisans communistes. Le ministre croate de l'In­formation, Hitrec, notait que « des batail­les sanglootes sont probables en Croatie, avec des milliers de morts» ; en comparai­son, «ce qui s'est passé en Slovénie sem­blera un conte de fées» (La Repubblica [Rome], 7-8 juillet).

Seule la construction d'un véritable parti communiste peut contrecarrer la nouvelle vague de massacres de masse qui menace à nouveau les peuples de Yougoslavie.

La Slovénie succombe à la démence nationaliste

Ces derniers mois, la Croatie a connue un état de guerre civile larvée entre les communautés serbes armées et le régime nationaliste de Zagreb. Les Serbes consti­tuent 10 % de la population de la républi­que et sont majoritaires en Krajina. L'homme fort de Serbie, Slobodan Milo­sevic - ex-patron du parti stalinien, deve­nu un démagogue nationaliste - réclamé

que cette région fasse partie d'une Grande Serbie si la Croatie scissionne de la Yougoslavie. Et Milosevic a secrète­ment marchandé avec le Führer croate Tudjman sur le redécoupage des frontiè­res, y compris le dépeçage de la Bosnie­Herzégovine, qui compte une population majoritairement musulmane.

Aussi le régime Tudjman de Zagreb a-t-il agi plus précautionneusement que les sécessionnistes slovènes pour mettre à exécution sa déclaration d'indépendance. Quand les milices slovènes ont pris le contrôle des postes frontaliers, déchiré le drapeau yougoslave et hissé le leur, l'ar­mée a envoyé ses tanks et transports de troupes blindés pour reprendre le con­trôle des frontières internationales.

Les bourgeoisies européennes sont alors intervenues pour agir comme arbi­tre du destin de la Yougoslavie. Le 30 juin, une délégation de la CEE annonçait un accord de cessez-le-feu. La Slovénie et la Croatie devaient suspendre la mise en application de leurs déclarations d'indé­pendance pendant trois mois, tandis que l'armée fédérale devait rentrer dans ses cantonnements. Un point clé de l'accord était que le nationaliste croate « modéré» Stipe Mesic prenne la présidence collé­giale de la Yougoslavie, suivant le prin­cipe de la rotation annuelle. Mesic aurait dû assumer ce poste en mai, mais en a été empêché par le veto de Milosevic.

C'est à ce moment que les dirigeants slovènes de Ljubljana se prirent de dé­

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