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Histoire C’est le cépage rhénan par excellence ! Chacun s'accorde à reconnaître que la vallée du Rhin est son berceau. Pour certains, il s’agirait de l’Argitis minor des romains et sa culture remonterait à l’occupation romaine. D’après l’ampélographe Stoltz, le Riesling fut introduit au IXème siècle dans les vignobles du Rheinghau. En 843, au lendemain du partage de l’empire de Charlemagne, Louis II le Germain fit planter du gentil aromatique le long du Rhin. Ce cépage prit bientôt le nom de riesling, nom qui vient de riesen (couler en allemand) car avant qu’il ne se soit acclimaté à l’Alsace, il était sensible à la coulure (lors de conditions climatiques défavorables, comme des pluies au moment de la floraison, la fleur tombe par terre. Il n’y a donc pas de production de raisins). Différent de son cousin allemand, le riesling alsacien a été implanté dans notre région dès la fin du XVème siècle. Il est couramment cité le siècle suivant mais sa culture ne se développe que dans la seconde moitié du XIXème siècle. C’est après les années 1960 qu’il accèdera au premier rang des surfaces de production en Alsace. Dégustation Œil : la robe est d’un jaune pâle avec des reflets verts et brillants qui soulignent déjà sa fraîcheur caractéristique. Nez: son bouquet est d’une grande finesse, racé, avec de subtils arômes fruités (citron, citronnelle, pamplemousse, pêche, poire, fruits compotés…) et floraux (fleurs blanches, tilleul, ortie blanche…) ou encore d’anis, cumin, réglisse et graine de fenouil. Dans son évolution, le Riesling est unique car en fonction du sol sur lequel il est planté, il développe des arômes minéraux (pierre à fusil, silex, « pétrole »…). Ces arômes très particuliers se retrouvent dans les vins de terroir (Grands Crus, lieux-dits). Bouche : ce vin sec est « vertical ». Il est construit autour d’une grande fraîcheur que l’on apprécie du début jusqu’à la fin de la dégustation, le milieu de bouche étant marqué par de l’ampleur et du « gras ». Cette structure, racée et délicatement fruitée, fait de lui le partenaire idéal de la haute gastronomie. Le Riesling d’Alsace possède des arômes caractéristiques qui se développent intensément dans certains terroirs. C’est un vin de garde qui peut se bonifier en bouteille pendant des décennies. Vendangés tardivement, les Riesling dits de "vendanges tardives" ou de "sélection de grains nobles" donneront des vins d'une très grande classe, capiteux, plus ou moins moelleux et d'une merveilleuse harmonie. Le Riesling Le Riesling Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace – 2008 – www.vinsalsace.com - [email protected] - Tous droits réservés.

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Histoire C’est le cépage rhénan par excellence ! Chacun s'accorde à reconnaître que la vallée du Rhin est son berceau. Pour certains, il s’agirait de l’Argitis minor des romains et sa culture remonterait à l’occupation romaine. D’après l’ampélographe Stoltz, le Riesling fut introduit au IXème siècle dans les vignobles du Rheinghau. En 843, au lendemain du partage de l’empire de Charlemagne, Louis II le Germain fit planter du gentil aromatique le long du Rhin. Ce cépage prit bientôt le nom de riesling, nom qui vient de riesen (couler en allemand) car avant qu’il ne se soit acclimaté à l’Alsace, il était sensible à la coulure (lors de conditions climatiques défavorables, comme des pluies au moment de la floraison, la fleur tombe par terre. Il n’y a donc pas de production de raisins). Différent de son cousin allemand, le riesling alsacien a été implanté dans notre région dès la fin du XVème siècle. Il est couramment cité le siècle suivant mais sa culture ne se développe que dans la seconde moitié du XIXème siècle. C’est après les années 1960 qu’il accèdera au premier rang des surfaces de production en Alsace.

Dégustation Œil : la robe est d’un jaune pâle avec des reflets verts et brillants qui soulignent déjà sa fraîcheur caractéristique. Nez: son bouquet est d’une grande finesse, racé, avec de subtils arômes fruités (citron, citronnelle, pamplemousse, pêche, poire, fruits compotés…) et floraux (fleurs blanches, tilleul, ortie blanche…) ou encore d’anis, cumin, réglisse et graine de fenouil. Dans son évolution, le Riesling est unique car en fonction du sol sur lequel il est planté, il développe des arômes minéraux (pierre à fusil, silex, « pétrole »…). Ces arômes très particuliers se retrouvent dans les vins de terroir (Grands Crus, lieux-dits). Bouche : ce vin sec est « vertical ». Il est construit autour d’une grande fraîcheur que l’on apprécie du début jusqu’à la fin de la dégustation, le milieu de bouche étant marqué par de l’ampleur et du « gras ». Cette structure, racée et délicatement fruitée, fait de lui le partenaire idéal de la haute gastronomie. Le Riesling d’Alsace possède des arômes caractéristiques qui se développent intensément dans certains terroirs. C’est un vin de garde qui peut se bonifier en bouteille pendant des décennies. Vendangés tardivement, les Riesling dits de "vendanges tardives" ou de "sélection de grains nobles" donneront des vins d'une très grande classe, capiteux, plus ou moins moelleux et d'une merveilleuse harmonie.

Le RieslingLe Riesling

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Accords mets-vins Reconnu comme l’un des meilleurs cépages blancs au monde, le Riesling d’Alsace est un vin de gastro-nomie par excellence. Au-delà des accords qu’on lui connaît naturellement avec la cuisine alsacienne (choucroute, matelote, palette de porc fumée…), il excelle avec les poissons, les coquillages (St Jacques) et les crustacés. Il souligne avec grâce les saveurs iodées des produits de la mer. Il est tout autant admirable avec les volailles, les vian-des blanches ou encore les fromages de chèvre. Elaboré en Vendanges Tardives, il sera un partenaire idéal des desserts incluant des agrumes comme la tarte au citron.

Le RieslingLe Riesling

Ampélographie

Dans les vignes Le Riesling est, avec le Sylvaner, le cépage le plus tardif des variétés alsaciennes. Il a besoin de nuits fraîches pour achever sa maturité, de sorte que, tout à fait paradoxalement, les qualités organoleptiques de son vin arrivent à surpasser celles des variétés plus précoces en année moyenne. Ce cépage n’a pas son pareil pour faire parler le terroir. Il est bon de lui réserver des sols peu riches, voire même caillouteux, et une exposition favorable. Il affectionne particulièrement les terroirs légers et bien drainés.

Feuille : orbicu-laire, épaisse. Dents ogivales, moyennes.

Grappe : petite, cylindrique ou cylindro-conique, à pédoncule court et ligneux, compacte. Baie : sphérique, petite, vert clair à jaune doré, parsemée de tâches brun roux à complète maturité, peau épaisse, saveur fine et aromatique.

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La Route des VinsLes vignoblesLes Grands Crus

L E S G R A N D S C R U S D ’ A L S A C ELIEUX-DITS COMMUNES

Steinklotz Marlenheim Engelberg Dahlenheim, Scharrachbergheim Altenberg Bergbieten Altenberg Wolxheim

Bruderthal Molsheim Kirchberg Barr

Zotzenberg Mittelbergheim Kastelberg Andlau

Wiebelsberg Andlau Moenchberg Andlau, Eichhoffen Muenchberg Nothalten Winzenberg Blienschwiller Frankstein Dambach-la-ville

Praelatenberg Kintzheim Gloeckelberg Rodern, Saint-Hippolyte

Altenberg Bergheim Kanzlerberg Bergheim

Geisberg Ribeauvillé Kirchberg RibeauvilléOsterberg Ribeauvillé Rosacker Hunawihr

Froehn Zellenberg Schoenenbourg Riquewihr, Zellenberg

Sporen Riquewihr Sonnenglanz Beblenheim Mandelberg Mittelwihr, Beblenheim

Marckrain Bennwihr, Sigolsheim Mambourg Sigolsheim

Furstentum Kientzheim, Sigolsheim Schlossberg Kientzheim

kæfferkopf ammerschwihr Wineck-Schlossberg Katzenthal, Ammerschwihr

Sommerberg Niedermorschwihr, Katzenthal Florimont Ingersheim, katzenthal

Brand Turckheim Hengst Wintzenheim

Steingrubler Wettolsheim Eichberg Eguisheim

Pfersigberg Eguisheim, Wettolsheim Hatschbourg Hattstatt, Voegtlinshoffen

Goldert GueberschwihrSteinert Pfaffenheim, Westhalten

Vorbourg Rouffach, Westhalten Zinnkoepflé Soultzmatt, Westhalten Pfingstberg Orschwihr

Spiegel Bergholtz, Guebwiller Kessler Guebwiller Kitterlé Guebwiller Saering Guebwiller Ollwiller Wuenheim Rangen Thann, Vieux-Thann

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Vins d’Alsace 2008 :

Une belle typicité

Si 2008 semble difficile à classer, tous les professionnels sont extrêmement satisfaits de la qualité des vins élaborés. Fraîcheur, expression fruitée très marquée, état sanitaire plus que satisfaisant, toutes les conditions sont réunies pour qualifier 2008 de grand millésime ! Cependant au départ l’optimisme n’était pas de rigueur, car il faut reconnaître que les conditions climatiques et donc l’évolution des maturités ont été très particulières. En effet, le cycle de la vigne en 2008 a renoué avec celui des millésimes classiques, antérieurs à 2000. Les conditions perturbées et fraîches de l’hiver et d’avril ont provoqué un décalage important entre les secteurs précoces et tardifs, conduisant à un débourrement dans les derniers jours d’avril, soit une dizaine de jours après la date habituelle. Le mois de mai, particulièrement chaud, a favorisé le développement de la végétation, gommant une partie de ce retard. La floraison est intervenue aux alentours du 15 juin, mais en s’étalant sur 15 jours du fait des conditions humides et fraîches de ce mois. Cela a contribué à encore accentuer le décalage entre les zones précoces et tardives et à créer des foyers importants de mildiou. L’été a été marqué par des périodes humides et chaudes avec son lot d’orages très localisés et parfois violents. Les températures n’ont cependant jamais été caniculaires, conditions idéales pour préserver à la fois les arômes et l’acidité. Le Comité Régional d’Experts des Vins d’Alsace (CRINAO) a fixé les dates d’ouverture des vendanges 2008 suivantes :

• Pour l’AOC Crémant d’Alsace, le lundi 15 septembre. • Pour l’AOC Alsace et pour l’AOC Alsace Grand Cru, le jeudi 25 septembre. • Pour les mentions Vendanges Tardives et Sélections de Grains Nobles, le jeudi 9

octobre. Compte-tenu d’une certaine hétérogénéité, tant au niveau de la maturité que de celui de l’état sanitaire (il s’agissait de contenir la vigueur de la vigne en 2008), les professionnels ont rentré rapidement les raisins produits sur les terroirs les plus précoces. La première quinzaine du mois de septembre fut assez humide avec des précipitations particulièrement importantes le 13 septembre. Heureusement, dès le lendemain s’est installé un temps frais, ensoleillé et venteux qui a permis de sécher les grappes et d’éviter ainsi un développement important de la pourriture. Les vendanges ont été très étalées dans le temps afin de bénéficier des conditions climatiques optimales (temps sec et ensoleillé). Les Crémants d’Alsace font partie des très grandes réussites, associant finesse et netteté d’un niveau exceptionnel. Les Gewurztraminer sont également superbes en 2008. De petits rendements et le niveau de fraîcheur pour ce cépage ont permis d’élaborer des vins d’une pureté et d’une typicité aromatiques remarquables. Les Sylvaners et Pinots Blancs sont droits et nets. Les Muscats sont très croquants, mais les fortes coulures du Muscat Ottonel ont contribué à en limiter très fortement les rendements. Les Riesling ont eu des maturations très longues, mais on peut saluer la qualité exceptionnelle des vins produits dans les Grands Crus. Les Pinots Noirs ont largement bénéficié de l’arrière saison ensoleillée, ils associent couleur et fruité. L’état sanitaire des Pinots Gris était variable selon les zones. Mais contrairement à 2007, ils ne présentent pas de notes de surmaturation mais sont au contraire très fruités, fumés et parfaitement équilibrés. Les exceptionnelles conditions climatiques d’octobre ont permis l’élaboration de nombreux lots de Vendanges Tardives puis de Sélections de Grains Nobles. Nous sommes ainsi en présence d’un grand millésime de garde ! D’un point de vue quantitatif, la production globale est de 1 131 443HL, en baisse de 1,8% par rapport à 2007 (882 668 hl pour les AOC Alsace et Alsace Grand Cru et 248 775hl pour l’AOC Crémant d’Alsace). Au plan commercial, l’année 2008 s’est achevée avec un volume global commercialisé de 1 130 000 hl, en légère progression (+ 0,7 %) par rapport à 2007 (+ 1,4 % en France et – 1,5 % à l’export), dont 223 000 hl de Crémant d’Alsace (cette dernière AOC affichant une progression de 4,8 % en France et de 14,3 % à l’export !)

Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace Colmar – Avril 2009

HUNAWIHR

RIBEAUVILLÉ

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L'Altenbach

320 m

250 m

Sur le ban de Ribeauvillé, limité au sud par la ville,

le lieu-dit Geisberg expose, de façon très homogène,

son coteau au sud. Sa forte pente rend nécessaire

la culture en terrasse à une altitude de 250 à 320 m, bénéficiant

ainsi d’un excellent ensoleillement.

Son substrat est formé de terrains triasiques, essentiellement

de dolomies et marnes dolomitiques du Muschelkalk inférieur que surmontent

des marnes bariolées gréseuses avec gypse au sommet du lieu-dit.

les sols argileux et caillouteux, sont pourvusde nombreux débris de dolomies.

GeiSbeRG

Les 8,53 ha de ce lieu-dit sont la terre d’élection du cépage Riesling.

grâce à des usages commerciaux très anciens, le Geisberg est signalé pour la première fois en 1308 d’après l’historien barth et figure au rang des lieux-dits originaux cités par H. ehrhart dans son étude des terroirs alsaciens, datée de 1939.

Vin de garde, le Riesling AlsaceGrand Cru Geisberg développe au fil du temps un corps puissant, une grande finesse d’arôme,et ce célèbre caractère minéral si original et très recherché.

ribEAUViLLé

Lieu-dit

Commune

18

17 318 3

L e s Gr a n ds Crus d’a L s aC e

Localisation sur la carte du vignoble (rabat de couverture)

Pente forte

Pente moyenne

Pente modérée

Amont

Aval

GEISBERG

Situé entre le Kirchberg et l'Osterberg, le Geisberg complète la trilogie des grands crus de Ribeauvillé. Nous vous invitons à découvrir le troisième grand cru de la cité du "gai savoir " et de la muse bachique.

Le Geisberg est le plus petit des trois terroirs, moins de 9 hectares de superficie, c'est aussi le plus ensoleillé et celui dont la pente s'incline avec le plus de coquetterie vers la ville, ceignant des couleurs des pampres les toits des habitations en contrebas. Il partage avec ses voisins la même veine géologique, issue de l'ère secondaire moyenne, essentiellement composée de dépôts marins, qui ont donné naissance aux marnes du Muschelkalk. Les trois terroirs reposent sur la même roche mère, mais leur physionomie est distincte. Dans le Geisberg le relief est plus accidenté et son exposition plein sud. Ses sols, formés d'argile et de calcaire coquillier, renferment des marnes gréseuses ainsi que des sédiments de gypse, au sommet, qui lui donnent sa texture particulière et déterminent sa relation avec la vigne.

Le corps et l'esprit

Un ensemble de terrasses, soutenues par de murets en grès, apprivoisent la pente abrupte du terroir étagé entre 250 et 350 mètres d'altitude et dont le nom évoque la morphologie du terrain. Certains prétendent, en effet, que le nom Geisberg viendrait du fait que seules les chèvres pouvaient se tenir debout dans ces parages, Geis signifiant chèvre en allemand. Le même mot, dit-on, servait aussi autrefois en Allemagne à designer une pente pierreuse. Mais d'autres n'hésitent pas à voir dans ce mot l'évocation de l'esprit (Geist, en allemand), non pas l'esprit du malin qui s'incarne dans le mammifère caprin, mais celui qui se manifeste à la dégustation d'un bon vin et qui permet de dire aux gourmets d'Outre Rhin : dieser Wein hat Geist, pour signifier que le vin a du corps.

Le corps et l'esprit, sont de fait inséparables dans le Geisberg. Protégé des vents et adulé par le soleil, le terroir favorise la floraison précoce de la vigne et une longue maturité des raisins. Son microclimat et sa géologie se combinent pour donner des vins racés, remarquables par leur équilibre, leur puissance et finesse aromatique. Plus qu'ailleurs, le riesling, cépage qui demande une longue et délicate maturation, trouve ici son terroir idéal. Vendangés au moment adéquat, lorsque le raisin a synthétisé le sucre résiduel sans toutefois atteindre le stade du botrytis, les rieslings Geisberg acquièrent une harmonie exceptionnelle. Parés de lueurs cristallines, dans leur robe légèrement dorée, ils sont délicats au nez, denses et long en bouche, et exhalent avec le temps le goût typique de "vieux riesling ", dans lequel les amateurs de grands crus reconnaissent l'expression minérale des terroirs de Ribeauvillé.

Maîtriser le potentiel

La cité est une des rares communes d'Alsace à avoir trois grands crus sur son territoire et la mise en valeur de ce patrimoine requiert, de la part du vigneron, une réflexion constante sur la conduite a adopter pour maîtriser le potentiel entre ses mains. Les grands crus ont un rôle important dans la chaîne de la qualité, souligne à cet égard André Kientzler, vigneron-récoltant présent dans les trois grands crus. "A partir du moment où les grands vins s'affirment dans la région, cela ne peut être que bénéfique pour l'ensemble des vins d'Alsace ". Mais Il faut du temps pour saisir tous les facteurs qui concourent à l'élaboration d'un grand vin. " Une chose est certaine, ajoute-t-il, à mesure que l'on avance dans la compréhension, on découvre que les outils à notre disposition ne sont pas à la hauteur des exigences du terroir : les plants de vigne que l'on nous propose sont encore destinés à favoriser la production quantitative, en opposition avec la notion de grand cru. Notre demande de plants à faibles rendements est toujours insatisfaite. " En attendant que la recherche comble ce retard, les vignerons limitent la production par des méthodes empiriques. Certains privilégient les vieilles vignes, autour de 20 ans d'âge, et procèdent au tri sur pied pour ne retenir que les raisins en parfait état sanitaire ; d'autres suppriment des raisins en été ou laissent une partie de la récolte dehors, "ce qui n'est pas la solution idéale ", convient Jean Luc Baltenweck, responsable des vignes et de la vinification au Couvent de la Divine Providence, propriétaire-récoltant de sept hectares de vignoble dont deux sur le Geisberg.

Fil d'Ariane

"Le travail de l'homme dans l'élaboration d'un vin remarquable s'apparente à la peine qu'il se donne pour réussir son éducation, manifeste la supérieure du couvent, Sœur Monique, en citant un ami prêtre. Il suffit d'un faux pas dans son parcours pour que le résultat soit gâché. Aussi, il suffit d'une erreur de comportement dans la vigne ou à la cave pour que le vin soit raté. Tout le reste est entre les mains de la divine providence", conclut-elle avec humour.

Il y a dans le verre de vin que l'on déguste des millénaires de travail, de culture et de convivialité. L'histoire des grands crus retrace le fil d'Ariane qui relie notre époque moderne et scientifique à l'empirisme des temps anciens.

Les gradins du Geisberg, qu'aujourd'hui couronnent les toits de Ribeauvillé, ont été, sans doute, recouverts des pampres depuis l'époque romaine. Lorsque le nom du lieu-dit apparaît en 1308, la cité vit sous la tutelle des seigneurs de Ribeaupierre, protecteurs des ménétriers et de la qualité des vins. La ville impériale connut son apogée au XVI siècle et devint le principal centre de commerce du vin de la région. Une chanson allemande de l'époque louait "les voituriers grands et petits qui mènent leurs chariots en Alsace et rapportent le bon vin". Parfois ce bon vin suivait d'étranges pérégrinations, comme le rapporte une chronique de 1426 : Un noble de Wurtenberg chargé d'une mission diplomatique auprès du roi de Danemark par l'empereur Sigismond, acheta à Ribeauvillé 330 hl de vin qu'il transporta par bateau le long du Rhin. La descente du fleuve nécessita tout un mois, puis il prit la mer jusqu'à Hambourg, où la cargaison repartit vers Lubek (Pologne) par l'Elbe. Au terme du voyage, la majorité du vin avait été vendue, saufs deux tonneaux que l'on expédia au roi de Danemark, à titre de cadeau et deux autres envoyés à Marienburg (Basse Saxe), pour le grand maître des chevaliers teutoniques.

La voie à l'exportation, comme l'on dirait aujourd'hui, existe ainsi depuis le Moyen Age. Elle n'était pas fortuite, elle suit le canal tracé par la poursuite d'un rêve héroïque et bien souvent brutal, à une époque où l'on croyait à l'unité spirituelle et qui faisait du vin un facteur d'ouverture et de réconciliation. Aujourd'hui, à l'heure de notre Union européenne, quelque peu défaillante sur le plan culturel, les apôtres du tout économique feraient bien de s'inspirer de l'esprit du vin.

WINTZENHEIM

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WETTOLSHEIM

Sur le ban et au sud de Wintzenheim, le vignoble exposé sud, sud-est

s’étend à une altitude de 270 à 360 m, sur une pente assez prononcée.

Le sol, essentiellement constitué par des conglomérats oligocènes

et des marnes calcaires, confère au vin un caractère solide et très charpenté.

L’encépagement des 75,78 ha du Hengst est dominé actuellement

par le Gewurztraminer, mais les cépages Pinot Gris et Riesling

occupent également une place privilégiée.

Au iXe siècle, une donation de l’abbaye de Murbach mentionne ce terroir pour la première fois. lazare de Schwendi, seigneur du Haut landsbourg, et le bailli de Kaysersberg s’en partagent les droits féodaux jusqu’à la Révolution française. la grande réputation de ce terroir incite de nombreux nobles et bourgeois de Colmar ainsi que des abbayes à y exploiter d’importantes concessions.

Jeunes, les vins du Hengst présentent un caractère sauvage que ne dément pas l’origine de son terroir (Hengst veut dire étalon).la maturité en bouteille l’assouplit, l’affine, le dompte. Ce «cheval de race» étonnera les gourmets et les connaisseurs par son étonnante faculté à bien vieillir (10-20 ans, voire plus).

HenGStWintzEnhEiM

Lieu-dit

Commune

36

35 3

36 3

L e s Gr a n ds Crus d’a L s aC e

Localisation sur la carte du vignoble (rabat de couverture)

360 m

270 m

HENGST

A l'ouest de Colmar, le grand cru Hengst dresse sa croupe élancée sur la localité de Wintzenheim. D'aucuns racontent qu'au mois de septembre, la fraîcheur nocturne exhale un parfum de cheval sur le vignoble. Il émane les forces reproductrices de la nature enfouies dans le sous-sol du terroir et il annonce les prochaines vendanges capables d'enfanter des vins dont la fugue, la puissance et la vivacité peuvent se comparer à celle d'un étalon (Hengst signifie étalon en allemand). Situé dans le berceau de la viticulture alsacienne (c'est autour de Colmar que la vigne aurait pris son essor dès l'époque romaine) le Hengst émerge du champ de fractures de Rouffach-Guebwiller, qui accueille plusieurs autres grands crus de renom tels que le Kitterlé, le Hatschbourg ou le Vorbourg. Sa constitution géologique faite de conglomérats oligocènes et de marnes calcaires du tertiaire donne des sols très caillouteux, argileux, assez épais. Son exposition sud-sud-est, entre 270 et 360 mètres d'altitude, bénéficie du microclimat qui fait de Colmar la ville la moins arrosée de France. "La nature a réuni dans le Hengst ses meilleurs atouts pour faire les meilleurs vins", souligne Hubert Meyer, ancien directeur de l'Association de viticulteurs d'Alsace (AVA).

Origines lointaines

Les vins, qui aujourd'hui s'affirment par leur belle et solide charpente et leur étonnante longévité, essentiellement des gewurztraminers, mais aussi des rieslings et de tokays pinots gris, sont en quelque sorte l'aboutissement de la continuité dans la recherche par l'homme de ce que la nature renferme de plus précieux. Ici l'origine remonte à l'époque de Charlemagne.

"Wintzenheim a été depuis toujours une contrée de vin, le nom serait d'ailleurs une déclinaison du mot "winzer" (vigneron), raconte Hubert Meyer, la localité est mentionnée pour la première fois dans les textes dans une dotation de l'abbaye de Murbach en 786. La fameuse abbaye apparaît indissociable de toute transaction dans le vignoble tout au long du Moyen Age. En 953, le roi Otto Ier attribue ses droits sur le vignoble de la commune à l'évêché de Chur, en Suisse."

Au cours des siècles suivants, on y trouve diverses autres institutions religieuses comme le couvent d'Unterlinden de Colmar, l'abbaye de Munster ou l'évêché de Bâle. Puis ce sera le tour des seigneurs du Hohlandsbourg (forteresse qui s'élève sur la montagne au-dessus du village) : les Habsbourg, les belliqueux frères de Ribeaupierre, les Chevaliers de l'Ordre de Malte ou ceux de l'Ordre de Jérusalem jusqu'à Lazare Schwendi, fidèle lieutenant de Charles Quint et de Philippe II d'Espagne et messager supposé du Tokay en Alsace. Tout un petit monde qui se partage les meilleures vignes du pays. L'avantage certain de cette situation pour la viticulture est l'obligation pour la commune de se soumettre à une réglementation rigoureuse sur les cépages, leur culture et leur vinification imposée par les maîtres. On voit alors apparaître des cépages comme le muscat, le traminer ou le riesling ainsi que les premières appellations régionales et des lieux et sites de production. L'inconvénient est que la vigne agrémente en plaisir et richesses la vie de ceux qui ne la travaillaient pas, laissant pour compte ses véritables cultivateurs.

Structure, grâce, élégance...

Avec la Révolution française, les maîtres changent, les exclus sont les mêmes. Les bourgeois de Colmar deviennent les nouveaux propriétaires, mais, paradoxalement, l'intérêt de grands manufacturiers pour le jus de la treille permettra d'assurer la continuité du vignoble, affirme Hubert Meyer : "Lorsque les industriels du textile commencent à délaisser la vigne devenue peu rentable, ce sont les ouvriers vignerons qui prennent la relève." Aujourd'hui beaucoup de vignerons-récoltants présents sur le Hengst sont les descendants des tâcherons d'autrefois. Ils sont plus de 30 à cultiver les 76 ha du grand cru, pas seulement de Wintzenheim, mais aussi de villages voisins comme Wettolsheim, Eguisheim ou Turckheim.

Une idée maîtresse guide cette grande famille de vignerons-récoltants composée d'autant d'individualités que de membres : affirmer la spécificité du terroir, souligner sa différence dans la grande variété des vins d'Alsace. "Le Hengst permet de faire des vins formidables : des gewurztraminers élégants et puissants, des rieslings qui, sans avoir la virilité de ceux qui proviennent de terrains schisteux, ont une finesse et une complexité aromatique incomparables", indique Henri Buecher de Wettolsheim.

"Structure, grâce, élégance, arômes sont les caractéristiques des vins du Hengst", déclare son collègue Maurice Barthelmé de l'entreprise Albert Mann, en précisant que dans ces sols relativement lourds, où la sécheresse ne se fait jamais sentir, les cépages aromatiques tels que le gewurztraminer et le tokay pinot gris se sentent particulièrement à l'aise.

" Ces terrains affrontent les changements climatiques en douceur, par exemple en cas de pluie excessive lors de mauvaises années, les répercussions sur la vigne sont moindres sur la Hengst que sur de terrains légers", explique Joseph Shaffar, ancien président fondateur du Synvira, en ajoutant que " les vins de ce grand cru, et en

particulier les gewurztraminers, ont une force discrète qui s'affirme avec le temps, élégants et bien charpentés, ils demandent plusieurs années pour atteindre toute leur plénitude, ensuite, ils vieillissent admirablement".

Echange culturel

Lorsque le vigneron fait son travail avec passion, son vin ne peut être qu'un grand vin, affirme François Barmes-Buecher de Wettolsheim : " Dans le Hengst, l'enherbement des parcelles permet de réguler la fertilité du sol, la taille raccourcie concentre les substances dans le fruit et la longue maturation, favorisée par une floraison précoce et une arrière-saison relativement sèche, aboutit à un juste équilibre entre acidité et moelleux, garant de la belle longévité des gewurztraminers de ce grand cru."

Etre strict avec soi-même, sans jamais se laisser aller à l'autosatisfaction, est la devise du vigneron-récoltant :" Nos vins sont l'expression de nos terroirs, mais ils sont aussi notre propre image, déclare Joseph Shaffar. Je veux que quand un client ouvre une bouteille chez lui, il me voit, qu'il puisse raconter l'histoire de ce vin. C'est dans cet échange culturel et convivial que se trouve notre futur et non pas dans les supermarchés. Jusqu'à présent, ajoute-t-il, nous avons formé nos hommes, assaini notre vignoble et transformé nos entreprises, maintenant il nous faut apprendre à transmettre ce que nous sommes et ce que nous faisons". Message reçu par la jeune génération de vignerons pour laquelle les vins d'Alsace ne sont pas de simples produits de consommation, mais les ambassadeurs d'une région qui possède un vignoble unique au monde.

ANDLAU

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MITTELBERGHEIM

Sur le ban de la commune d’Andlau et au nord de celle-ci,

le Kastelberg se déroule sur un petit mont en forte pente exposé au sud-est,

à une altitude de 240 à 300 m.

il repose sur des schistes de Steige, uniques en Alsace, d’âge silurien,

transformés par le granite d’Andlau - tout proche dans la partie amont du

terroir - en une roche très dure et sombre constituée de quartz,

mica et chlorite et donnant des sols très caillouteux et bien drainés.

KAStelbeRG

D’une superficie de 5,82 ha, ce terroir conclut sa meilleure alliance avec le Riesling.

Planté de vignes sous l’occupation romaine, le Kastelberg d’Andlau est l’un des crus les plus anciens d’Alsace. et non des moindres : des documents de 1064 y signalent déjà la production de grands vins !les viticulteurs d’Andlau commerciali-sent dès 1850 du Riesling Kastelberg.

Le Riesling Alsace Grand Cru Kastelbergséduit, par sa race, sa virilité, son bouquet délicat et discret. il a hérité de son terroir unique toutes les qualités d’un très grand vin de garde.

AnDLAU

Lieu-dit

Commune

8

7 38 3

L e s Gr a n ds Crus d’a L s aC e

Localisation sur la carte du vignoble (rabat de couverture)

300 m

240 m

Pente forte

Pente moyenne

Pente modérée

Amont

Aval

KASTELBERG

L’étalon unique

Comme une sentinelle postée à la jonction de la vallée et de la plaine, le Kastelberg surveille l’Andlau et Andlau. Voici avec le Wiebelsberg et le Moenchberg l’un des trois grands crus qui encerclent la cité de Sainte Richarde. Ne cherchez aucun château sur le Kastelberg ! Pareil édifice n’y a jamais eu sa place. Et le kiosque qui le coiffe n’est que l’expression d’une initiative touristique voulant faire profiter le promeneur d’un point de vue rare sur le centre historique du bourg massé aux pieds de la colline. Pour saisir l’origine du nom de ce Grand Cru, il faut d’abord se rendre sur le Rebberg, de l’autre côté de la vallée, pour observer ce mont à la pente abrupte que les hommes n’ont dompté qu’en y installant des terrasses dont les plus étroites accueillent à peine un rang de vigne. La deuxième étape mène aux archives d’Andlau. L’ancien cadastre mentionne « Castelberg ». Le terme vient de l’alsacien « Caschte », c’est-à-dire la restanque ou la terrasse. Le mystère s’éclaircit : le Kastelberg, c’est le mont aux terrasses. Les murets de pierres sèches en granit parfois camouflés par un lierre envahissant y succèdent aux gros murs en rochers de grès. La vigne s’y déroule en un canevas qui emprunte plus souvent qu’il ne coupe le sens d’une pente marquée. La déclivité qui atteint par endroit jusqu'à 45 % rend très difficile l’exploitation de ce terroir. Les viticulteurs le travaillent pourtant sans se plaindre. Car le Kastelberg est un cas, un étalon unique parmi les Grands Crus d’Alsace.

Fusion entre le cépage et le sol

Voilà en effet un terroir exposé au sud, sud-est, qui présente une unité géologique quasi parfaite. Le Kastelberg est taillé d’un bloc dans des schistes de Steige. Aucun autre terroir alsacien ne peut prétendre à une filiation similaire. Le terroir constitue la pointe nord d’une veine qui, en passant sous Andlau, termine sa course au fond du val de Villé. Ces roches datant de l’ère primaire et plus précisément du silurien, ont été comprimées pour former un assemblage dur de grains de quartz, de lamelles de mica et de chlorite. Elles sont répertoriées parmi les plus vieilles formations géologiques. Marc Kreydenweiss, l’un des six vignerons qui vendangent ici est à l’unisson de ses collègues pour dire que le site bénéficie d’une certaine protection naturelle. Les forêts qui l’encadrent, et çà et là des îlots de ronces, hébergent des trichogrammes indigènes qui rendent superflu tout traitement insecticide. Le mildiou est rarement un souci, mais l’oïdium donne parfois du fil à retordre. Ramassé sur une altitude comprise entre 240 et 300 mètres, ce raide coteau devient, l’été venu, une machine à concentrer la chaleur grâce à un taux de cailloux frisant les 40 %. La vigne s’y montre précoce. Elle manifeste sa fleur avant les autres terroirs du secteur. Une rétention satisfaisante en eau du sol lui permet de tenir la distance. « La vigne travaille en permanence, sans aucun arrêt de végétation » précise Marc Kreydenweiss.

Avec un tel profil, le Kastelberg ne se donne qu’à un seul cépage, celui qui s’accommode le mieux de la structure du schiste : le Riesling. Personne ne se souvient que le terroir lui ait déjà fait des infidélités. « Quand un vigneron évoque le Kastelberg, il précise rarement Riesling. Cela va de soi » raconte Rémy Gresser, autre membre du cercle restreint de vignerons actifs dans ce Grand Cru. Ce mariage exclusif et fabuleux entre un sol et un cépage rallie les suffrages. La quintessence obtenue séduit. Elle se révèle le mieux avec les vieilles vignes dont le système racinaire s’est insinué dans les plus fines fractures du schiste. Marc Kreydenweiss n’hésite pas à parler de « fusion entre le cépage et le sol ». Les produits nés de cette union ne cèdent à aucune frivolité, mais montrent beaucoup de droiture et autant de tranchant que l’ardoise qui les porte. Les vins sont fins, racés, subtils. Fait rare pour des Riesling, ils se caractérisent par une énorme longueur en bouche. Mais ils restent « des étalons difficiles à maîtriser ». « Ce sont de grands vins pour de grands connaisseurs. Ils demandent un palais développé pour apprécier la subtilité de leurs arômes. Mais une fois qu’on s’est laissé convaincre par un Riesling Kastelberg, on le reste toute sa vie » résume Rémy Gresser. L’erreur consiste à vouloir les apprécier trop tôt. Jeunes, ces vins apparaissent sobres et austères. Un millésime ne devient accessible qu’à partir de trois-quatre ans d’âge. Les Kastelberg de grande garde demandent facilement dix, voire quinze ans de recul avant de se livrer totalement. En 1850 déjà, un courrier de Jean-Louis Stoltz, auteur de l’Ampélographie rhénane, reprochait vertement à un metteur en marché de Colmar d’avoir osé présenter de concert à un concours vinicole parisien un Brand 1849 et un Kastelberg du même millésime. Pour que les deux terroirs partent à égalité de chances devant le jury, il aurait fallu, selon lui, associer au Brand de 1849 un Kastelberg de 1839 !

Des grands vins dès 1064

En se contentant de 5,82 ha, le Kastelberg s’étend sur la deuxième plus petite aire délimitée pour un Grand Cru d’Alsace. Seul le Kanzlerberg de Bergheim le précède. Mais sa modeste taille ne l’a jamais fait passer inaperçu. Les Romains y avaient planté de la vigne. Un document mentionne l’élaboration de grands vins dans ce terroir dès 1064, sans doute parce que l’un de ses illustres consommateurs de l’époque n’était autre que le pape alsacien Léon IX approvisionné en direct par la production de l’abbaye d’Andlau qui était alors placée sous son autorité directe. En 1850, il est le premier terroir d’Andlau à figurer sur l’étiquette d’une bouteille. Jean-Louis Stoltz (1777-1869) n’a pas été le dernier à s’intéresser à ce cru si particulier par son unicité de sol et de cépage. Ex-officier de santé des armées de la République, il profite d’une retraite dorée à Andlau à partir de 1820. Sa passion pour le vin et le Kastelberg l’y verra expérimenter des collections de cépages d’où le Riesling sortira seul vainqueur. Elle le fera aussi investir dans le rachat de nombreuses parcelles de Kastelberg alors propriété de l’abbaye d’Andlau. Sur l’une d’elles, à mi-pente, il fera construire une petite maison à chapiteau et à colonnes dont ne subsistent aujourd’hui que les fondations. Le « chalet », comme le baptiseront les gens du cru, deviendra

un lieu de repos, d’observations scientifiques et d’écriture. C’est là que Jean-Louis Stoltz rédigera en grande partie son Ampélographie parue en 1852. L’ouvrage demeure à ce jour le seul et unique répertoriant les différents cépages et les variétés de plantes présentes dans la vallée du Rhin. Le vignoble alsacien doit à ce féru de viticulture la sélection de sa souche de Riesling, le recensement ainsi que la classification de ses meilleurs terroirs, un travail qui a servi de pièce maîtresse plus d’un siècle plus tard à la hiérarchisation des appellations Alsace et Alsace Grand Cru. A la suite de son père, Alexis Stoltz poursuivit l’œuvre familiale en continuant à racheter des pièces de vigne du Kastelberg grâce à sa fortune, amassée en étant l’obstétricien privilégié des plus grandes dames d’Europe. Sans héritier, il transmettait un peu plus d’un hectare du Kastelberg à la fondation caritative et humanitaire qui porte son nom et qui en reste toujours propriétaire de nos jours.

L’histoire plus récente des années soixante marquées par la démocratisation des sorties dominicales des citadins en voiture rappelle également que le Riesling du Kastelberg s’appréciait alors sans trop dire son nom, vendu au verre dans les restaurants d’Andlau. Ce temps où l’anonymat primait n’est plus de mise. Depuis le début des années quatre-vingt, sous l’impulsion des visites du vignoble organisées par la Confrérie des hospitaliers du Haut d’Andlau, les viticulteurs du Grand Cru ont redécouvert ce patrimoine. « Le Kastelberg fait partie des meilleurs coteaux à Riesling du monde. Son potentiel est impressionnant. Andlau pourrait en faire le Montrachet de l’Alsace » déclare Marc Kreydenweiss. « Pour ma part, il doit être le résultat de ce que je peux faire de mieux chaque année. C’est le terroir phare de la maison. Je le respecte, je le travaille comme mon plus grand vin ». Cette sentence en rejoint une autre, celle de la génération des viticulteurs du début du siècle qui recommandait déjà à ses successeurs: « il faudra toujours bien s’occuper du Kastelberg. C’est le vin qui vous gardera à flot car même dans la pire des crises, il sera toujours un vin demandé ».

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GUEBWILLER

Au nord du ban de Guebwiller, le vignoble court sur le flanc est

de la colline unterlinger, à une altitude variant de 300 à 390 m

et sur une pente assez forte et homogène.

comme son nom l’indique, le Kessler dessine en son centre un vallon,

globalement exposé au sud-est, qui l’abrite des vents du nord et des courants

d’air froids amenés par la vallée de Guebwiller.

il repose essentiellement sur un substrat de grès vosgien du buntsandstein,

donnant naissance à des sols sablo-argileux rougeâtres. À sa base, un affleu-

rement linéaire de calcaire du Muschelkalk recouvert de colluvions gréseuses se traduit

par des sols plus argileux, plus compacts et plus rubéfiés, ne modifiant pas

l’homogénéité du lieu-dit.

KeSSleR

Le Gewurztraminer occupe aujourd’hui la plus grande partie des 28,53 ha de ce lieu-dit, bien que le Pinot Gris et le Riesling y soient également représentés.

Mentionné dès l’an 1394, le Kessler a le double privilège d’une vinification séparée et d’une commercialisation sous son nom propre depuis 1830.

Le Gewurztraminer issu de ce lieu-dit offre au nez un caractère floral prononcé et à la dégustation développe pleinement ses arômes complexes persistants, mais jamais agressifs, dans un ensemble souple et harmonieux.

gUEbWiLLEr

Lieu-dit

Commune

47

390

m

300

m

KESSLER

Dans la Wanne à Guebwiller, comme dans le Rangen à Thann et dans le Brand à Turckheim naissent les meilleurs vins du pays disait un proverbe ancien. La Wanne, qui signifie cuvette, s'appelle aujourd'hui grand cru Kessler, la marmite. Les vertus du microclimat qui choit le terroir durant la belle saison se combinent à la physionomie du terrain pour enfanter des vins souples et harmonieux.Le Kessler, comme le Kitterlé, suit le flanc de la colline Unterlingen qui surplombe le cite de Guebwiller. Mais alors que son voisin impose sa fière silhouette vers le sud, le Kessler se tourne discrètement vers est, entre 300 et 390 mètres d'altitude, repliant son vignoble au cœur de la roche tendre pour mieux le protéger des courants froids venant du Florival. Le grès des Vosges constitue le socle du versant de la colline qui accueille les grands crus. Son effritement au cours des âges a donné naissance à des sols rougeâtres où s'entremêlent le sable et l'argile avec d'autres dépôts minéraux plus ou mois abondants selon les endroits. Souvent, ce sont ces débris d'origines diverses qui, liés à l'orientation du terrain, font la différence dans la personnalité des vins.

Gentlemen affables

"Le Kessler partage la même veine géologique que le Kitterlé, mais ses sols sont différents dans leur constitution et leur texture. Ils sont plus lourds et plus riches que ceux de son voisin. Peut-être parce que l'argile est plus présente par endroits et que, à la place des conglomérats de quartzite et des dépôts gréso-volcaniques que nous trouvons dans le Kitterlé, ici nous sommes en présence, surtout à la base du grand cru, d'affleurements de Muschelkalk recouverts de sédiments gréseux", explique Laurent Rohrbach, responsable des cultures du domaine Schlumberger. Ces éléments ont une influence considérable sur le caractère des vins, ajoute son collègue Alain Freyburger, responsable de la cave : "Les vins du Kitterlé sont des montagnards, ils sont généreux certes, mais aussi rudes et parfois caractériels, d'une approche difficile, alors que ceux du Kessler sont des gentlemen affables."

Les vins du Kessler possèdent à la fois la puissance et la finesse, affirme Jean Dirler de Bergholtz. "La nature du terroir et son exposition sud-est, engendrent un équilibre entre le sucre et l'acidité qui les rend incomparables. Ce sont des vins ronds, puissants, élégants et flatteurs qui développent des arômes persistants dans la souplesse et l'harmonie." Les gewurztraminers couvrent la plus grande partie des 28 hectares du grand cru, mais il y aussi des tokays pinots gris et des rieslings qui profitent des qualités exceptionnelles du terroir. La cuvette à l'abri des vents du nord agit comme un régulateur thermique assurant un rythme de maturation constant. Les raisins atteignent leur maturité plus tôt qu'ailleurs quel que soit le cépage, et la morphologie du terrain, en retenant les brumes matinales de l'arrière-saison, favorise le développement du botrytis dans des conditions idéales pour l'élaboration de vendanges tardives et de sélections de grains nobles parfaites. "Le paradoxe de ce terroir, est que, tout en étant très précoce, il permet de retarder les vendanges jusqu'au mois de décembre pour ne récolter que le sublime nectar", affirme Alain Freyburger.

Sous la main de l'homme

A cet ensemble de facultés, il faut ajouter la régularité dans les rendements et la persistance de la qualité d'une année sur l'autre, signalent les vignerons du Kessler. "Les récoltes se situent entre 30 et 40 hl/ha, sans que l'on ait besoin d'intervenir pour réduire la production de raisins, et la qualité ne fait jamais défaut, quel que soit le millésime. Le terroir s'équilibre de lui-même", affirment-ils. Sans doute ont-ils raison. Mais cette vision idyllique du terroir passe sous silence le labeur qu'ils accomplissent pour que l'œuvre de la nature donne toute sa signification à l'appellation grand cru. Les soins apportés à la vigne, aux parcelles et aux fruits de la vendange démontrent que, si terroir produit le vin, le grand cru, lui, se fait sous la main de l'homme. L'harmonie dans la bouteille traduit, en somme, la complicité de la vigne avec le terroir, l'adéquation du cépage et du porte-greffe aux énergies souterraines et aériennes de la nature sous l'impulsion raisonnée et volontariste du vigneron. Cette impulsion se manifeste différemment selon la personnalité de chacun, mais elle se cristallise dans la reconnaissance d'une nécessité impérieuse : le respect du sol que l'on cultive.

"Notre ligne de conduite obéit au souci d'assurer la pérennité du vignoble", déclare Alain Freyburger. Cela exige que l'on écoute les vibrations que les racines transmettent à la plante afin de comprendre l'état du sol et de répondre à ses besoins de façon douce et naturelle. "Un sol malmené par une culture intempestive ou agressé par des produits nocifs se détériore et empêche la plante de développer le système nerveux qui la relie en profondeur aux substances minérales. Dans ces conditions la vigne finit par ne donner que de piètres raisins qui peuvent, tout au plus, servir à l'élaboration des pauvres vins", conclut-il.

Influence cosmique

On dit souvent que la vigne doit souffrir pour donner le meilleur d'elle-même. Peut-être faut-il voir dans cette croyance une réminiscence du précepte biblique qui veut que l'accouchement se fasse dans la douleur ou un vestige de l'idée romanesque selon laquelle le véritable artiste ne s'exprime bien que dans le misère. C'est vrai que des nombreux créateurs sont morts dans la pauvreté, mais rien ne dit que s'ils avaient connu la gloire de leur vivant leurs œuvres auraient été moins parfaites. Le talent n'est pas inversement proportionnel à l'absence de moyens pour subsister, loin s'en faut. De même, déclare Jean Dirler, "ce dont la vigne a besoin, ce n'est pas de

souffrir mais d'être en harmonie avec le terroir. " Adepte de la culture bio-dynamique, il préconise la valorisation du sol et de la plante dans son environnement naturel par l'apport des matières minérales, végétales et animales qui respectent le cycle biologique de la vie. "C'est un travail minutieux qui suit le rythme des saisons et prend en compte l'influence cosmique sur le métabolisme de la plante. " Le résultat est une amélioration de la photosynthèse et un meilleur enracinement de la vigne, qui se traduit par des raisins plus riches et des vins de haute qualité, véritable expression du terroir qui les fait naître.

Source d'inspiration

Avec le Kessler, nous retrouvons un itinéraire dessiné, dès le VIIIe siècle, par les moines de l'abbaye de Murbach et que, plus tard, dans leur magnificence de princes-abbés, portèrent, de gré ou de force, au sommet de la viticulture alsacienne. La sauvegarde de ce patrimoine a toujours été le principal souci des vignerons que nous avons rencontré au cours de la décennie écoulée. Ils nous ont exprimé leurs inquiétudes et leurs espoirs suivant la conjoncture. Mais jamais ils n'ont doute des capacités de leurs terroirs. Avec le temps, nous les avons vus se rapprocher chaque fois davantage de leur terre, affiner leur travail et leurs méthodes pour que leurs vignes continuent à distiller une part de bonheur. Aujourd'hui, alors que la demande de grands crus confirme leur reconnaissance par un public de plus en plus large, les vignerons des versants ensoleillées du Florival poursuivent leur labeur pour que la qualité du vin soit la source d'inspiration de tout le vignoble alsacien. Dans cette démarche, le grand cru Kessler leur facilite la tâche.

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Vins

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BLIENSCHWILLER

NOTHALTEN

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BERNARDVILLÉ

Abrité des pluies et des vents d’ouest par l’ungersberg, une butte-témoin de grès

vosgien qui culmine à 901 m, le Muenchberg épouse les courbes d’un croissant

pour mieux accueillir et retenir le soleil. installé de part et d’autre d’un vallon

orienté au sud, il bénéficie sur ses 17,70 ha d’un microclimat unique.

Le sol et le sous-sol sont formés de sédiments vieux de 250 millions d’années,

remontant au Permien. Ce sont des poudin-gues, conglomérats et brèches aux éléments souvent altérés : dépôts volcano-détritiques, parfois riches en tufs et cendres volcaniques.

Ces terrains caillouteux et sableux fournis-sent un sol pauvre, mais où le drainage

est excellent et le réchauffement rapide.

MuenCHbeRG

Le Riesling est le cépage de prédilection du Muenchberg.

Dès le Xiie siècle, les moines cisterciens de l’abbaye de baumgarten, toute proche, cultivaient la vigne sur le Muenchberg. D’où son nom, qui signifie «montagne des moines» en alsacien.

Un cépage noble à maturité tardive tel que le Riesling atteint une rare plénitude dans ce terroir au climat privilégié. et comme la fertilité y est faible, la vigne produit peu de raisins : elle en concentre les qualités.

nothALtEn

Lieu-dit

Commune

11

310 m

250 m

MUENCHBERG

Le piémont vosgien qui s'étale au contact de l'effondrement du bassin de Villé abrite un des grands crus des plus énigmatiques d'Alsace. Niché, dans le finage de la commune de Nothalten, entre le massif granitique de Dambach-La-Ville et celui d'Andlau, le grand cru Muenchberg est une œuvre inclassable de par sa formation géologique et l'insondable personnalité de ses vins.A l'écart des affluences touristiques, le Muenchberg émerge dans un environnement sylvestre où le temps paraît se figer dans le murmure de la petite rivière qui serpente à sa base. Ses vignes épousent le flanc de la colline, en forme de croissant de lune, tournée vers le sud. Protégées à l'ouest par la montagne de l'Ungersberg, dont la crête s'élève à plus de 900 mètres, et à l'est par de reliefs boisés, elles prodiguent leurs raisins délicats dans une quiétude qui semble immuable depuis des siècles. Ce sont des moines cisterciens, installés dans l'abbaye de Baumgarten, derrière la colline, qui, au XIIe siècle, découvrirent les vertus du lieu et mirent à son service l'expérience vigneronne de leur congrégation. Un lien d'intimité s'établit entre le terroir et ces œnologues des temps anciens, créateurs de crus sublimes en Bourgogne, qui se manifeste encore aujourd'hui dans le nom du Muenchberg, la colline des moines, et la notoriété des ses vins.

Réservoir d'inspiration

Nothalten, qui était un fief de la seigneurie d'Andlau jusqu'à la Révolution de 1789, était aussi un territoire sur lequel la chevalerie impériale bas-rhinoise disputait ses droits à l'évêque et à la ville de Strasbourg, ainsi qu'au couvent d'Hohenbourg (l'actuel Sainte-Odile), où l'abbesse Herrade de Landsberg avait, au XIIe siècle, initié ses novices à l'illustration du Jardin des Délices. D'autres centres religieux, comme le monastère badois d'Ebersheimmünster se situaient aussi dans la mouvance des zélateurs des vins de Nothalten, entérinant une réputation dont le Muenchberg portait la bannière.

Aujourd'hui, alors que l'abbaye de Baumgarten est devenue une résidence privée, le grand cru, classé en 1992, continue à transmettre l'héritage idéalisé par les moines il y plus de huit siècles. Ses dix-huit hectares de vignoble, essentiellement complantées de riesling, sont un réservoir d'inspiration pour les artisans de vins de caractère. Ce qui rend le Muenchberg unique, c'est d'abord sa constitution géologique, raconte André Ostertag, vigneron-recoltant à Epfig, commune proche de Nothalten. " Dans ses sols, formés par des sédiments vieux de plus de 250 millions d'années, dominent les grès en décomposition, mais on y trouve aussi, à côté d'autres minéraux, des dépôts volcaniques dont on ignore la provenance. Aucun autre terroir de la région ne possède ce profil. Cette originalité s'exprime vigoureusement dans la personnalité des vins. Les grands crus Muenchberg procurent des sensations gustatives que l'on ne trouve pas ailleurs. Plus que le nez, ils sollicitent le palais. Au-delà de la classe et de l'élégance de leurs arômes, ce qui les rend incomparables, c'est la façon dont l'acidité s'exprime. Dans certains terroir comme le Fronholz (lieu-dit situé à Epfig), l'acidité transperce le palais, au Muenchberg, elle est gourmande et excitante. "

L'homme et le terroir

Les vins du Muenchberg s'édifient sur une colonne vertébrale autour de laquelle se distillent les arômes de fruits mûrs et de terroir, estime pour sa part Armand Landmann de Nothalten. " Au premier abord, la minéralité est discrète, fondue dans des notes d'anis, de réglisse, de gingembre, parfois de mangue, de mirabelle et de fraises de bois, selon le millésime. Mais très vite, l'ensemble s'articule autour d'une acidité enveloppante qui prolonge le plaisir en bouche. " Le secret de cette alchimie réside dans la nature du terroir et la relation que le vigneron entretient avec lui. " Le terroir est le climat et la géologie révélés par l'homme ", affirme André Ostertag.

D'une part, il y a le choix du cépage qui doit synthétiser les substances de l'air et de la terre et de l'autre l'expérience que le vigneron transmet à sa vigne. S'il plante un cépage inadapté au terroir, il n'y aura pas de communion et les fruits seront orphelins. Loin d'obéir à l'application des principes extrapolés par des techniciens du sol, le choix du riesling comme véhicule du Muenchberg traduit l'expérience accumulée de plusieurs générations, déclare Patrick Meyer, du domaine Julien Meyer de Nothalten. " Le riesling est le roi des terrains pauvres. C'est un cépage qui aime l'ascèse et l'ensoleillement tardif. Dans le Muenchnberg, les deux éléments coexistent : une faible teneur en matière organique, du fait du côté filtrant du terrain sablonneux et un emplacement où le moindre rayon de soleil réchauffe les sols à l'arrière saison, et permet au raisin d'achever admirablement son cycle de maturation."

Ces facteurs engendrent une acidité multidimensionnelle et complexe dans les vins, dans laquelle la marque du cépage s'efface pour laisser place au terroir. Mais pour que celle-ci se manifeste dans toute sa plénitude, il faut encore que deux autres exigences soient respectées, souligne Patrick Meyer : " D'abord que la vigne ne souffre pas de stress hydrique et ensuite qu'elle ne soit pas mise sous perfusion par le vigneron. Si l'année est trop sèche, l'acidité en sera affectée. Il préférable alors de ne pas faire de grand cru. De même, si l'on apporte des engrais chimiques au terroir, il sera dénaturé. "

Caractère fort

Chaque vigne a un potentiel qualitatif qui dépend de son âge et du terroir où elle s'enracine. Si on l'oblige à

donner plus, sa substance se dilue, disait un précurseur de la qualité des vins d'Alsace. Le vigneron qui veut faire du grand cru doit bien connaître son terroir, et " on ne le connaît bien qu'en le portant dans ses tripes ", remarque André Ostertag. Autrement dit, il faut l'aimer pour comprendre sa nature profonde et le respecter ; ne pas le torturer à coup de fertilisants, d'insecticides ou autres produits agresseurs et, par conséquent, savoir ignorer les conseils d'experts qui préconisent les mêmes normes de conduite pour l'ensemble du vignoble français. " Comment parler de terroir quand on institutionnalise les comportements? ", se demande Patrick Meyer. " Un grand cru est un caractère fort avec beaucoup de liberté autour ". Liberté du terroir de pouvoir exprimer sa vérité et liberté du vin de la confirmer dans la bouteille. " On oublie souvent une chose élémentaire, précise-t-il, c'est qu'un grand vin se fait dans la vigne et non pas dans la cave. Un grand cru n'accepte aucune intervention externe au niveau de la vinification ; ni acidification, ni désacidification, ni chaptalisation. "

Vin qui interpelle

Pourtant, beaucoup de vignerons semblent se promener encore dans leurs vignes avec une calculette dans la tête. " Ils ont intégré le concept de grand cru, mais uniquement du point de vue commercial et cela leur porte tort, car finalement le consommateur fait la différence. ", nous disait un sommelier parisien. Cela explique que, sous l'appellation grand cru, l'on trouve des vins formidablement gommés. Ils sont bons, avec du sucre résiduel, et une acidité corrigée, mais tellement complaisants qu'ils sont tristes. " Je préfère un vin de caractère quelque peu rustique, à un vin technologiquement parfait ", concluait le sommelier.

A l'abri des parfums d'apothicaire qui flottent sur le marché, le grand cru Muenchberg continue à favoriser l'émergence d'individualités qui croient aux grands vins blancs sans fioritures, des vins qui interpellent le consommateur et lui font découvrir l'intimé qui lie le vigneron à son terroir.

51

Localisation sur la carte du vignoble (rabat de couverture)

THANN

VIEUX-THANND�35

N�66

D�35

320 m

450 m

Le Rangen est le plus méridional des vignobles d’Alsace. il appartient

aux communes de thann et Vieux-thann.

La montagne du Rangen oriente plein sud ses flancs à pente très accentuée.

la thur qui coule à ses pieds la préserve des gelées de printemps.

Le Rangen est l’unique terroir à roche volcanique d’Alsace. Roches siliceuses

et laves basiques composent un sol assez riche en éléments fertilisants. De roches dures,

le terroir est pierreux et de couleur sombre, ce qui favorise l’accumulation thermique.

thann est l’unique commune en Alsace qui peut se flatter d’avoir la totalité

de son vignoble classé Grand Cru. les 22,13 ha du Rangen sont plantés de Riesling,

de Pinot Gris et de Gewurztraminer.

Dès le Xiiie siècle, les moines pèlerins qui fréquentaient la Collégiale St-thiébaut de thann firent l’éloge du Rangen. il inspirera ensuite toute une pléiade d’auteurs : Fischart, brand et Michel de Montaigne qui écrit en 1580 :«Vinsmes souper à Tane, quatre lieues, pre-mière ville d’Allemagne, sujette à l’empereur, très belle. Lendemain au matin, trouvâmes une belle et grande plene, flanquée à main gauche de coutaux pleins de vignes, les plus belles et les mieux cultivées, et en telle esten-due que les Guascons qui estoient la disoint n’en avoir jamais veu tant de suite».

Le Grand Cru Rangen est un vin de garde aux qualités typiques d’élégance et de grande finesse dans le fruité (Riesling), de puissance et de race (Pinot Gris et Gewurztraminer).

RAnGenthAnn& ViEUx-thAnn

Lieu-dit

Commune

51 3

Pente forte

Pente moyenne

Pente modérée

Amont

Aval

RANGEN

Une magie occulte. Les vins du Rangen ont fécondé l'esprit des poètes, écrivains ou philosophes des siècles passés, et exalté la ferveur spirituelle des hommes d'église et de pouvoir.

Enigmatique de part son histoire : ce terroir connaîtra la plus haute renommée depuis le Moyen Age jusqu'au début de l'ère industrielle, puis l'oubli total pendant plus d'un siècle, suivi d'une glorieuse renaissance à notre époque ; le Rangen est aussi un terroir unique de part sa nature géologique - seul terrain volcanique en Alsace – et la typicité de ses vins. Les trois cépages présents sur le Grand Cru : riesling, tokay pinot gris et gewurztraminer acquièrent au contact des roches siliceuses et des laves basiques, une vigueur et une richesse aromatique capables de séduire le palais le plus exigeant.

Sortilèges et miracles.

Orienté plein sud, le Rangen se dresse fièrement face à la ville de Thann sur la rive gauche de la rivière Thur. Surveillé par l'«œil de la sorcière», une ruine compacte, en forme de gastéropode géant, provenant du donjon de l'ancien château d'Engelsbourg, le Grand Cru établi un pont immatériel entre un glorieux et lointain passé et un présent rempli de promesses. Autour de lui des vestiges de grandeur surannée perpétuent la mémoire d'une époque où la vie quotidienne se tramait parmi les sortilèges, les miracles et les pénitences. Magie occulte et fanatisme religieux se livraient, en ces lieux, une lutte impitoyable. Au moment où Voltaire se faisait le chantre de l'esprit libre à la cour de France, à Thann et ses environs on continuait d'immoler sur la place publique «les fiancées de Belzébuth». Est-ce le vin du Rangen qui inspirait ces extravagances ?

Les chroniques d'antan soulignent les «effets troublants de ce vin capiteux». En le savourant avec trop de zéle toutes les apparitions devenaient possibles. Ainsi, si l'on en croit la légende, c'est à une de ces manifestations de l'esprit «divin» (ou du vin !) que la collégiale Saint Thiébault, véritable joyaux de l'art gothique, et la ville de Thann doivent leur existence. (Voir fin «Volonté divine»).

De façon plus prosaïque, il semblerait que l'une et l'autre aient vu le jour sous l'administration du comte Thiébault de Ferette, maître du château d'EngeIsbourg (détruit sous Louis XIV) et propriétaire de Vieux-Thann. Cette localité apparaît mentionnée pour la première fois dans un document de 1180, d'après lequel l'évêque de Strasbourg donne à l'abbaye d'Eschau «une mense avec quatre vignes dans la villa appelée Dann».

Vin délectable.

Thann, comme d'autres villes viticoles d'Alsace, tirait sa notoriété de la renommée de son vignoble. Elle était fameuse pour son «Enchenberg», son «Stauffenberg», mais surtout pour son «Rangenwein», le «plus chaud et le plus violent vin du pays», récolté par les moines de la localité et d'ailleurs, comme l'attestent les archives de la fin du XIIIe siècle. En 1291, le couvent des dominicains de Baie possède des vignes dans le lieu-dit et, en 1292, l'abbaye féminine de Masmunster, le couvent Saint Ursitz d'Einsiden ainsi que l'abbaye cistercienne de Haute Seille, en Meurthe et Moselle, deviennent propriétaires «in banno Villa Danne in monto disto Rangen».

L'élan spirituel de la fin du Moyen Age, et la soif de découvertes et de conquêtes qui caractérisent les siècles suivants, contribuent à répandre la renommée du «Regenwein» par delà les frontières. «Quand les Bourguignons de Charles le Téméraire vinrent à Thann, en 1468, raconte la chronique, ils trouvèrent dans le vin exquis du Rangen un vigoureux remontant de courage». A cette époque, Sébastien Brant, le père de la «Narrenschiff» (La Nef des fous), chante aussi la force extraordinaire de ce vin sublime dans sa légende sur les armoiries de Colmar, tandis que son contemporain, le théologien Munster vante dans sa «Cosmographie», les effets diaboliques de ce vin délectable qui s'insinue dans le corps aussi doucement que du lait (da er doch wie Milch einschleichet). Les franciscains de Thann savaient de quoi ils parlaient quand ils conseillaient dans leurs écrits «que celui qui abuse du Rangenwein, se garde bien de l'air et de la promenade». Allusion que le satirique Fischart traduit de façon plus expressive dans son «Gargantua», en 1607 : «Im Rangenweim, zu Dann, da steckt der heilig S. Rango, der mimpt den Rang un ringt so lang, bis er einen raengt und braengt unter die Baenk», ce qui (la poésie en moins) signifie à peu près : «Dans le vin du Rangen loge Saint Rango, il prend le rang et lutte sans trêve, jusqu'à ce qu'il roule sous le banc». Le peuple n'était pas en reste pour honorer à sa manière les bons crus : «A Thann dans le Rangen, à Guebwiller dans la Wanne, à Turckheim dans le Brand croissent les meilleurs vins du pays», disait un ancien dicton. (Zu Tann im Rangen, zu Gewiller in der Wannen, zu Turckheim im Brant, Wàchst der beste Wein im Land).

Fierté des vignerons.

A l'époque de l'Impératrice Marie-Thérèse (1740-1780), l'engouement pour le Rangenwein était tel, que Vienne en consommait six fois plus que le lieu-dit n'en produisait, rapportent certaines chroniques ! L'on comprend, dans ces conditions, la sévérité de la réglementation sur l'encépagement du Rangen et le respect de l'identité de son vin.

Des décrets de 1548 et 1581, interdisent formellement la plantation sur le lieu-dit de cépages non nobles tels que le «Reinelbe», et répudient les trafiquants de «Fraesch-wein», vin de grenouilles. Un florilège de louanges accompagne ainsi l'histoire des vins du Rangen, faisant la fierté des vignerons qui, par leur travail, permettent à la nature d'accroître le bonheur des humains. Pendant plus de huit siècles les viticulteurs de Thann accomplissent une œuvre de géants. Ils domptent, à la force de leurs bras, les rampes abruptes de la montagne, construisent des terrasses avec les fragments des roches volcaniques éclatées sur les pentes, transforment l'escarpement aux allures de précipice en un merveilleux jardin. Michel de Montaigne, en découvrant Thann en 1580, notait déjà dans son carnet de voyage : «Nous trouvâmes des coteaux pleins de vignes, les plus belles et les mieux cultivées». Fiers de cette appréciation, les vignerons du Rangen ont baptisé du nom du philosophe Bordelais, le chemin qui mène au sommet du vignoble. Un ensemble de circonstances malancontreuses viendra, pourtant, briser l'enthousiasme qui semblait éternel. Vers le milieu du XIXe siècle, la vigne occupe encore à Thann 190 hectares (contre une vingtaine aujourd'hui regroupée dans le GrandCru) ; mais déjà le paysage apparaît tellement morcellé que pas une famille ne peut vivre du seul revenu viticole. A cette situation viennent s'ajouter les épidémies qui déciment les cépages et l'arrivée d'une nouvelle caste de négociants qui spéculent sur le prix du vin. «Celui-ci tombera si bas, que les vignerons n'auront plus aucun intérêt à faire de la qualité, car elle leur était payée au même prix que l'ordinaire», raconte un habitant de Thann. Quelques courageux continueront à s'épuiser sur le lieu-dit. Ils mourront jeunes, bousillés par un travail harassant trop mal récompensé». Dans ces conditions l'identité viticole de la commune ne tardera pas longtemps à se dissoudre dans les vapeurs opaques des cheminées des usines qui, aujourd'hui encore, fument sur la rive droite de la Thur.

Renaissance.

II n'y a plus, aujourd'hui, un seul viticulteur à Thann. La résurrection du Rangen est venue d'ailleurs, du centre du vignoble alsacien. Mais il aura fallu attendre plus de cent ans pour qu'elle se produise. Léonard Humbrecht, l'un des pioniers des «Grands Crus d'Alsace», sera le premier, autour de 1980, à prendre conscience, depuis sa base de Turckheim, de la valeur du patrimoine enfoui dans le Rangen. «Ce terroir excitait ma curiosité, raconte-t-il, je me disait : si les vieux se sont donné tant de peine à travailler ces pentes hostiles, et que leurs vins étaient réputés, c'est qu'il y a un secret ! Le secret était simple : il fallait réapprendre à travailler. Au cours des décennies nous étions devenus des bêtes assoiffées de quantité…. il fallait traiter la vigne comme nos ancêtres l'avaient fait, sans la forcer, sans être pressé de vendanger». L'intuition de L. Humbrecht, sera récompensée par delà les espérances. «Le Rangen est devenu l'une des locomotives qui tirent les vins d'Alsace vers la plus haute qualité», opine Serge Dubs.

D'autres vignerons-récoltants ont pris leur bâton de pèlerin pour participer à la renaissance de «la montagne magique» : Bruno Hertz d'Eguisheim d'abord, puis Bernard et Robert Schoffit de Colmar ensuite. Les trois propriétaires-viticulteurs du Grand Cru contribuent, chacun à leur manière, à effacer les erreurs du passé, en restaurant la célébrité du «Rangenwein». Plusieurs fois classés «meilleurs vins», dans les dégustations internationales, les «Clos Saint Urbain» de Humbrecht et les «Clos Saint Thiébault» de Schoffit, tous deux situés dans le Rangen, regagnent un terrain que les vins de ce terroir n'auraient dû jamais perdre.

Plus modeste, Bruno Hertz, se limite, pour l'instant, à la clientèle de l'Hexagone, en espérant qu'un jour on parlera du vin d'Alsace comme l'on parle du Champagne. Même quand on boit du Crémant, on appelle cela du Champagne !». «Dans le Rangen, explique Serge Dubs, on n'a pas le choix : ou l'on fait du haut de gamme en tirant la quintessence de ce que le terroir peut donner, ou on l'oublie. Des rendements de l'ordre de 30 hl/ha n'autorisent pas la qualité intermédiaire. Si aujourd'hui les regards se tournent vers les vins du Rangen, c'est parce qu'ils ont atteint un degré de qualité surprenant, tant au niveau de la concentration des arômes, que de la vigueur, de la puissance (jamais encombrante...) et de la finesse». Pour faire un grand vin il faut trois choses essentielles : un terroir d'exception, les meilleurs cépages et une grande passion humaine. Dans le Rangen les trois sont réunies, conclut le sommelier de l'Auberge de l'Ill.

Volonté divine.

Selon la Chronique des Franciscains de Thann, la collégiale Saint Thiébault occupe l'emplacement où, le seigneur d'EngeIsbourg, aperçu une nuit, du haut de son château, trois lumières scintillant sur la cime d'un sapin. Accouru le lendemain sur les lieux, le seigneur découvrit au pied de l'arbre un pauvre pèlerin d'origine hollandaise qui ne parvenait pas à détacher son bâton du sol où il l'avait planté la veille. Le brave homme, raconta qu'il avait été le serviteur de l'évêque Ubald, ou Théobald lequel, avant de trépasser lui recommanda de prendre pour ses gages l'anneau pastoral. Mais lorsque le serviteur voulu récupérer son dû, le pouce de l'évêque parti avec le bijoux. Depuis il parcourait le monde avec la relique sur son bourdon, celui-là même qui semblait enraciné au pied du sapin. Voyant dans l'événement un acte de la volonté divine, le seigneur d'Engelsbourg, décida de faire

élever, à l'endroit où se trouvait le pélerin, une chapelle dédiée au culte de la relique épiscopale. Elle devint par la suite la superbe collégiale que nous connaissons aujourd'hui, autour de laquelle se développa la ville de Thann. Beaucoup de miracles s'accomplirent en ces lieux sous l'invocation de «Saint Thiébault». L'année même de la construction de la collégiale, il y eut une telle surabondance de vendanges que, par manque de tonneaux, les maçons utilisèrent le vin pour faire le mortier destiné à bâtir la maison de Dieu.

Nombre de pélerins y accourait des quatre coins de la chrétientée, même après que l'on ait constaté (par acte notarié de 1544), qu'à l'évêque Saint Ubald, enterré en Italie, il ne lui manquait aucun doigt, et que rien ne permettait d'affirmer que Ubald et Thiébault étaient un même et unique saint. La foi est belle en toute chose. Les pèlerins qui trouvaient auprès du Rangen «la source miraculeuse» capable d'apaiser les pires tourments, répendaient l'écho de ces vertus dans toute l'Europe. «Que le Rangen te heurte !», disait-on au XVIe siècle dans toute l'Allemagne, comme on dirait aujourd'hui : «Que le diable t'emporte !».

KIENTZHEIM

AMMERSCHWIHR

KAYSERSBERG

D 28

Route des Vins - N415

D 11

Le coteau du Schlossberg s’étend à une altitude de 230 à 350 m

sur les migmatites de Kaysersberg et le granite intrusif de thannenkirch,

dont les arènes constituent un terroir d’excellente fertilité minérale,

sableux grossier et argileux à la fois. la richesse et la diversité des minéraux

rencontrés (potassium, magnésium, fluor, phosphore) déterminent la finesse

et la multiplicité des arômes de ses crus. en forte pente, le Schlossberg nécessite

une culture en terrasse.

Les 80,28 ha du vignoble se partagent entre le Riesling, le Pinot Gris,

le Gewurztraminer et le Muscat. le Riesling occupe toutefois

une place prépondérante.

SCHloSSbeRG

Lieu-dit très réputé, le Schlossberg est cité dès le XVe siècle dans des documents concernant des rentes foncières. À partir de 1928, les viticulteurs de Kaysersberg et Kientzheim ont consigné toutes les contraintes de production naturelles de ce cru dans une convention écrite, unanimement respectée, qui a été depuis lors consacrée par les décrets de 1975 et 1992.

Le Schlossberg est caractérisé par des vins riches en arômes floraux d’une grande finesse.Délicats et racés, ils atteignent leur plénitude après quelques années.

KiEntzhEiM

Lieu-dit

Commune

30

29 330 3

L e s Gr a n ds Crus d’a L s aC e

Localisation sur la carte du vignoble (rabat de couverture)

350 m

230 m

SCHLOSSBERG

Une vision du futur

A huit kilomètres de Colmar, le Schlossberg surplombe la vallée de la Weiss, depuis les abords de la ville de Kientzheim jusqu'au château médiéval de Kaysersberg qui lui donne son nom. Ses terrasses tournées vers le soleil, soulignent la puissance d'un terroir où le monde minéral devient complice des prouesses des hommes. Premier Grand Cru classé d'Alsace, il symbolise à la fois l'audace des vignerons et le potentiel du vignoble de la région.

Selon la légende, le château de Kaysersberg cache dans ses entrailles un fabuleux trésor enfoui par l'empereur Barberousse. Mais les fouilles sauvages menées au siècle dernier par les bourgeois de la ville, se soldèrent par la frustration de leur cupidité. La forteresse, un peu plus dévastée, garda intact son secret. Peut-être se prolonge-t-il dans l'étoile à six branches qui orne une porte dérobée du mur d'enceinte du château. Le mythe du trésor caché, est une exaltation du désir terrestre de saisir la lumière de l'univers et, depuis le paléolithique, l'homme inscrit sur la pierre sa relation avec le monde qui l'entoure. Les mégalithes représentaient jadis la mémoire vivante des générations disparues. Là où ils s'élevaient, se manifestait l'esprit des ancêtres. Un de ces monuments millénaires a été trouvé sur les pentes de la colline aujourd'hui recouvertes de vignes, nous raconte Philippe Blanck de Kientzheim. Le trésor est toujours là, et sa lumière irradie le vignoble qui nous rappelle que la magie est profondément enracinée dans le terroir.

Emblème de qualité

Il est probable que cette magie ait inspiré les précurseurs des Grands Crus lorsque, dans les années 1930, ils partirent à la reconquête du vignoble alsacien. Leur démarche intégrait dans le réel les métaphores des contes. Le microclimat, l'unité géologique, et la persistance de témoignages du passé, ces trois éléments qui matérialisent les Grands Crus, incarnent le symbolisme des rapports de l'homme à la nature." Il fallait retrouver nos racines culturelles, raconte Marcel Blanck, enfouies sous des pratiques qui entravaient le potentiel de nos terroirs. Sous l'impulsion d'un groupe de viticulteurs intrépides, nous avons choisi le Schlossberg pour porter le flambeau". Depuis 1975 les vignerons du Grand Cru n'ont de cesse qu'il devienne l'emblème de la qualité.

Le long des pentes escarpées du Schlossberg, les sables granitiques réverbèrent les rayons du soleil sur les murs de soutien édifiés au cours des siècles. Plus de mille mètres de remparts contre l'érosion construits au Moyen Age par les bâtisseurs de la vallée d'Aoste, recrutés par les moines vignerons de l'époque, et patiemment restaurés depuis la délimitation du Grand Cru. Harmonieusement agencées, les parcelles se superposent dans une succession d'étages, que la vigne gravit à la recherche de sa plus haute expression. Le microclimat régulé par les eaux de la rivière Weiss, qui coule dans la vallée, favorise la précocité de la plante. Les substances minérales égrenées par le granit décomposé distillent dans les raisins la fragrance désaltérante que les amateurs de Grands Crus aiment trouver dans le vin.

Terroir de prédilection pour les Riesling, le Schlossberg accueille aussi des Gewurztraminer et des Tokay Pinot Gris. Ces derniers cépages sont une "originalité" estime Catherine Faller de Kientzheim. "Ils peuvent être très aériens. Les arènes granitiques leur apportent une pureté aromatique et une grande élégance sans le côté opulent que l'on retrouve dans les terrains marno-calcaires". Mais le maître incontesté des lieux est le Riesling. "Dans certains terroirs le Riesling est complémentaire, dit Frédéric Blanck de Kientzheim, ici, il est essentiel."

Pureté du fruit

La capacité du Schlossberg à conserver la chaleur et sa richesse minérale, imprègnent la personnalité des Riesling. Ce cépage à floraison tardive, trouve dans ce terroir les conditions d'une maturité idéale. "La maturité qui permet de faire des Riesling craquants, droits", ajoute Frédéric Blanck, en précisant qu'elle est atteinte lorsque les vignes parviennent à un épanouissement qui transparaît dans l'harmonie entre le feuillage et le fruit. "Il existe un moment où elles ne sont jamais aussi belles. C'est le moment adéquat pour la vendange."

Il y a dans cette relation intime entre l'homme et la plante une recherche de la pureté qui s'apparente à la création. Le vigneron savoure le raisin, contrôle sa teneur en sucre et acidité, mais tout cela ne suffit pas à saisir la quintessence du fruit, il faut encore observer la vigne et, en la regardant, imaginer le vin que l'on veut obtenir, sachant que le résultat n'est jamais identique d'une année à l'autre, puisque les arômes changent selon les conditions météorologiques, souligne Pierre Thomann de Kaysersberg. C'est précisément lors des années moyennes que les Schlossberg atteignent leur équilibre exemplaire, précise Pierre Thomann: "Droits, sveltes et

linaires ils expriment le musqué ou les arômes de fleur de vigne, avec ce caractère de jeunesse désaltérante, cette pointe d'acidité qui signe les pays du Rhin, ses rivières et ses légendes".

Substance du terroir

L'Alsace est un creuset de civilisations où l'Europe méridionale rencontre l'Europe septentrionale, cette conjonction de la nature et de l'histoire, doit permettre l'émergence d'une culture spécifique qui fasse la synthèse des autres cultures et les prolonge, estiment les vignerons du Schlossberg. Convaincus que la diversité géologique, qu'ils ont entre leurs mains, est un atout extraordinaire dans la définition de l'identité des vins de la région, ils considèrent comme une insulte toute pratique tendant à dénaturer la substance du terroir. Chaptaliser un Grand Cru ou lui apporter un complément de matière organique serait lui en faire injure. "Certains estiment que la vigne ne peut pas vivre sans azote, moi je pense qu'avec de l'azote ce n'est plus de la vigne", dit Frédéric Blanck. "Notre objectif, explique Albert Mann, de Wettolsheim, est de préserver l'authenticité du fruit qui, en vieillissant, laisse venir les notes minérales dans un mouvement rectiligne et pénétrant." Dans ce contexte la notion d'assemblage apparaît comme une hérésie. "Nous défendons la pluralité de cépages et la diversité des arômes qui marquent l'identité alsacienne", renchérit Catherine Faller.

Choc culturel

Pour ceux qui ignorent la réalité de l'Alsace, la découverte d'un Riesling Grand Cru doit être un choc culturel, considère Philippe Blanck. La différence entre un Grand Cru et une simple Appellation, observe-t-il " réside dans l'expression unique, incomparable qui distingue la haute couture du prêt à porter". Pour parvenir à cette création il faut que le terroir ait quelque chose à transmettre et que le vigneron sache le comprendre, en choisissant le cépage le mieux adapté et le niveau de rendement qui lui permettent d'imprimer sa marque. Au-delà de 45 hl à l'hectare on ne peut plus parler de Grand Cru.

"L'horizon des Grands Crus est une perpective qui me dépasse, souligne Philippe Blanck, aujourd'hui nous sommes encore au prélude du déroulement d'une œuvre dont on ignore si elle sera inspirée par le passé ou absorbée par le futur". Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans la capacité à transformer les richesses des terroirs en dynamique générale en faveur de la qualité. "Les Grands Crus, comme les Vendanges Tardives ou les Sélections de Grains Nobles, sont des produits étoiles, leur destinée n'est pas de devenir une niche, ni de se voir galvaudés, mais d'être les locomotives d'un train qui roule vers le futur. Si la qualité s'installe dans tous les wagons, personne ne pourra plus nous arrêter", argumente Albert Mann.

Chercher à prévoir l'avenir c'est se préparer à affronter des nouveaux défis. Dans le Schlossberg les vignerons sont conscients de travailler pour le prochain millénaire.

TZENTHAL

INGERSHEIM

D 5

D 10

D�10

D 11

Route�des�Vins

KA

Route�des�Vins

NIEDERMORSCHWIHR

Le Sommerberg s’étend au pied des trois-épis, au sud de Katzenthal

et au nord de niedermorschwihr.Situé sur un coteau en très forte pente

(45˚), ce lieu-dit est orienté plein sud et s’élève à près de 400 m d’altitude.

Le substrat granitique à deux micas, dit de turckheim, en état de

désagrégation très avancé, donne naissance à ces arènes granitiques,

riches en éléments minéraux,et si propices à la culture de la vigne.

Sur les 28,36 ha du lieu-dit, s’épanouissent à merveille tous les cépages alsaciens

et plus particulièrement le Riesling.

SoMMeRbeRG

niedermorschwihr donne sa place à la vigne dès 1214 et le nom de Sommerberg délimite déjà jalousement une partie du vignoble au XViie siècle.

Le Riesling Alsace Grand Cru Sommerberg, très typé, s’exprimera pleinement après une à trois années de garde.

niEDErMorSchWihr& KAtzEnthAL

Lieu-dit

Communes

33

400 m

260 m

Pente forte

Pente moyenne

Pente modérée

Amont

Aval

SOMMERBERG

Les vertus du microclimat

A quelques kilomètres de Colmar, entre Ammerschwihr et Turckheim, le grand cru Sommerberg, donne naissance à des vins de grande ligne.

La route départementale n°11 qui mène à la station climatique des Trois-Epis, serpente au milieu d'un paysage de vignes striées aux teintes cuivre et or. Elle épouse les contours irréguliers des parcelles adossées aux collines sous-vosgiennes jusqu'à l'entrée de Niedermorschwihr, petite localité accroupie auprès de son grand cru: le Sommerberg.L'imposante colline projette sa géométrie lyrique par delà le village, telle une trame servant à capter la lumière dans la nette précision de ses lignes. Le microclimat bénéfique qui règne dans la zone a fait de Trois-Epis un centre de villégiature privilégié, et du Sommerberg, une source de riesling incomparable. D'aucuns prétendent que le sous-sol émet des radiations salutaires depuis que la vierge serait apparue à un forgeron de Niedermorschwihr en l'an 1491. Selon le légende, la Sainte Mère s'est manifestée un glaçon dans une main et trois Épis de blé dans l'autre, symbolisant respectivement, le malheur qui allait fondre sur les villageois s'ils persistaient dans leur comportement impie, et la bénédiction que le ciel leur resservait s'ils parvenaient à s'amender.

Un site idéal

Il ne fait aucun doute que l'avertissement eu son effet. A l'endroit de l'apparition on construisit une chapelle pour recueillir les prières des pèlerins qui, jusqu'au milieu du XIXe siècle, accouraient des quatre coins du pays motivés par la quête de miracles et peut-être, aussi, par les bons vins des caves de Niedermorschwihr. D'autres visiteurs, moins pieux, mais bien plus illustres viendront par la suite jouir des bienfaits du climat local et de la vigne: comme la reine Wilhelmine de Hollande, ou le général Castelneau, l'une cherchant un site idéal de villégiature, l'autre le repos mérité du guerrier.

Là où il y a du bon vin, les miracles sont fréquents. "Mais toutes les fontaines miraculeuses ne distillent pas le breuvage de Bacchus", fait observer l'ancien directeur de l'École communale, Henri Schoeffer, soucieux d'éviter l'amalgame: "Il ne faut pas voir un lien de cause à effet, remarque-t-il, la légende des Trois-Epis fait partie de notre patrimoine culturel, au même titre que la qualité des vins de nos coteaux, ou que le clocher vrillé du XIIe siècle, unique en Alsace, qui surmonte l'église du village..." On ignore si les bâtisseurs de ce clocher avaient expressément cherché originalité en faisant tourner les arêtes de l'édifice comme sur une vrille, ou si leur travail fut le résultat de l'influence des effluves émanant des caves. Mais bien avant que la Vierge ne fasse son apparition dans la zone de Niedermorschwir, ses serviteurs sur terre avaient découvert les qualités du granit, éclaté au cours des aires géologiques sur les pentes du Sommerberg, et les vertus de son microclimat. Quand le nom de "Morswilre jouxta Turenckeim", apparaît pour la première fois, en 1148, le lieu appartient alors à l'abbaye de Moutiers-Granval. Les moines de l'époque, hommes de foi et de patiente, cherchaient la récompense suprême dans la simplicité des heures de labeur. Leur ardeur à vaincre la nature hostile était une façon de la rendre plus féconde.

Aujourd'hui, des mains de travailleurs silencieux et tenaces, continuent à tisser, sur les pentes abruptes du Sommerberg, les liens qui unissent la vigne à l'intimité de l'air et de la terre pour donner naissance à un vin d'exception. "Il n'y a de richesse que du terroir", déclare Claude Weinzorn, jeune vigneron-récoltant, fervent défenseur du grand cru. Certes, mais le terroir laissé à lui-même n'est qu'une montagne en friche. La grandeur de quelques propriétaires-viticulteurs de Niedermorschwihr a été de continuer à croire en ce que les autres ne croyaient plus. Alors que le vignoble s'étendaient vers la plaine sous l'effet de la production quantitative et de la recherche de la facilité, des hommes tels que Gérard Weinzorn, Albert Boexler ou Marcel Mullenbach, s'obstinaient à mettre en valeur les pentes délaissées du Sommerberg, luttant contre la déclivité du terrain, construisant des terrasses en remontant la terre à dos d'homme, adaptant les cépages aux sols secs, pauvres et caillouteux, mêlant leur sueur à celle des générations qui les avaient précédés sur le lieu-dit. Aujourd'hui, leurs fils poursuivent la tâche en y apportant une énergie nouvelle.

" La relation du vigneron avec son terroir est une guerre d'amour", dit à cet égard Claude Weinzorn, cherchant à exprimer l'inexprimable, cette "sensation de plénitude" Évoquée par son collègue, Jean Marc Mullenbach, président du syndicat viticole local, ressentie au contact de la terre endurcie sur laquelle il devient difficile de se tenir debout par temps de grande chaleur; cette "sensation de joie profonde de savoir que les peines seront récompensées par la récolte d'un vin inimitable".

Vins énergiques

"Des riesling, on peut en faire dans d'autres terroirs et dans d'autres endroits du monde, mais pas de Sommerberg ", explique Claude Groell, ancien sommelier "Aux Armes de France" à Ammerschwihr. Il y a une énigme dans de ce terroir. Alors que l'on s'attendrait à avoir des vins aimables, ronds, avec du gras, assez

explosifs au niveau des arômes, tels qu'on peut les trouver dans le Brand de Turckheim, ou le Schlossberg de Kientzheim et Kaysersberg, de même parenté géologique, les rieslings du Sommerberg se situent, plutôt dans la grande lignée de riesling vifs et énergiques produits dans la région de Ribeauvillé et Hunawihr. Dans leur prime jeunesse ils peuvent paraître agressifs, surtout s’ils sont vinifiés en sec. C'est en fait l'expression d'une forte personnalité qui demande 4 ou 5 ans pour dévoiler toute sa complexité. Sans sous-estimer l'importance des richesses minérales du terroir, je crois que, dans le Sommerberg, c'est le microclimat qui fait la différence", conclut Claude Groell.

La "colline de l'été" (Sommer: été, berg: colline), bien que méconnue par bon nombre de sommeliers, regagne peu à peu la réputation dont elle jouissait jadis, quand les nobles de Habsbourg et de Hohlandsberg se partageaient la propriété de Niedermorschwih. Au cours des siècles, elle a excité la convoitise de connaisseurs aussi émérites que l'abbaye de Paris, le chapitre de Saint Dié, l'Évêque de Bâle, le couvent de Marbach ou les Chevaliers de Malte. Ces derniers ont légué à la localité l'emblème de ses armoiries: une tête de mauresque, ornée de 26 perles sur fond pourpre, vestige insolite du temps des croisades, devenu le symbole de l'esprit de tolérance des habitants de Nidermorschwihr.

Transmettre la passion

Les vertus du Sommerberg sont aujourd'hui guettées par la voracité d'autres lions empressés de rentabiliser l'appellation "grand cru". Il ne reste plus dans la localité qu'une demi douzaine de vignerons récoltants. Beaucoup de gens possèdent des petites parcelles qu'ils conservent comme un coin de jardin sentimental, d'autres vendent leur récolte à la coopérative et sont loin des préoccupations de leurs collègues vignerons qui, malgré leur petit nombre, font de la qualité leur emblème. "Notre démarche consiste à faire des vins typiques, ayant le caractère du terroir qui les fait naître, le goût traditionnel des Alsaces, sans aucun des défauts que l'on pouvait trouver autrefois, dus aux rendements trop importants, ou a des pratiques de vinification mal adaptées, comme la fermentation en fûts de bois, l'excès de souffre, ou le non débourbage des cuves," souligne Etienne Stenz vigneron récoltant à Wetholsheim.

Occupés à enfanter une œuvre originale, les vignerons-récoltants redoutent parfois de devoir se transformer en vendeurs de leur créations, comme si, quelque part, il fallait rester humble pour pouvoir continuer à créer : "Rien ne se fait pour la vente, le vin part tout seul", remarque Isabelle Boexler, perplexe devant le comportement "du père si peu intéressé par l'aspect commercialisation". "C'est un éternel insatisfait, ajoute le jeune frère Jean. Son regard s'illumine, lorsqu'il ouvre une bouteille et qu'il découvre qu'elle est parfaite, étonné d'en être le créateur". Aucun artiste n'aime expliquer son œuvre, c'est pourquoi les vignerons préfèrent faire déguster leur vins que de parler d'eux: "Je ne vends pas du vin, je transmets de la passion", s'exclame Claude Weinzorn. Une passion que les vignerons récoltants de Niedermorschwir, aiment faire partager à tous ceux qui savent apprécier les vins de qualité.