Le retour de l’antiquité

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Descriptif 20..-20.. Première ES, S

Transcript of Le retour de l’antiquité

Descriptif 20..-20.. Première ES, S

Séquence 1 : Ecrire pour témoigner,

écrire pour résister, les lumières de

l’intelligence contre l’obscurantisme

Objet d'étude : La question de l’homme, dans les

genres de l’argumentation du XVIème à nos jours

Problématique : En quoi l’écrivain a-t-il le pouvoir

de changer le monde ?

Textes étudiés :

1. Fontenelle « La Dent d’or »

(Histoire des oracles)

2. La Fontaine « Le Renard et le

bouc » (Fables)

3. Montesquieu « De l’esclavage

des nègres » (De L’Esprit des

Lois)

Une lecture personnelle au choix :

Voltaire Traité sur la tolérance

Primo Levi Si c’est un homme

Séquence 2 : « Parlez-moi d’amour »

Objet d'étude : Ecriture poétique et quête du

sens, du Moyen Age à nos jours.

Problématique : De détours en périphrases,

comment les poètes parlent-ils d’amour ?

Textes étudiés :

1. Ronsard, « Mignonne, allons voir si

la rose…»

2. Baudelaire, « A une passante »

3. Apollinaire « Le Pont Mirabeau »

Activité personnelle :

Un choix de trois chansons d’amour

Séquence 3 : Thérèse Desqueyroux,

Mauriac (œuvre intégrale)

Objet d'étude : Le personnage de roman, du

XVIIème à nos jours

Problématique : Comment le romancier passe-t-il

d'un fait divers à la création romanesque ?

Extraits étudiés :

1. Chapitre 1, « L’avocat… ne pas

attirer l’attention. » (incipit)

2. Chapitre 4, « Le jour étouffant…

si horrible… »

3. Chapitre 13, « Qu’il se

haïssait…d’en finir. »

Une lecture personnelle au choix :

Tahar Ben Jelloun Le Labyrinthe des sentiments

Gaudé Eldorado ou La Porte des Enfers

Lemaitre Au-Revoir là-haut

Visionnage de l’adaptation cinématographique de

Claude Miller Thérèse Desqueyroux (2012)

Séquence 4 : Le Mariage de Figaro,

Beaumarchais (œuvre intégrale)

Objet d'étude : Le texte théâtral et sa

représentation, du XVIIème siècle à nos jours.

Problématique : Comment Beaumarchais utilise-il

dans cette pièce le valet de la

comédie traditionnelle ?

Extraits étudiés :

Acte 1, scène 1 (en entier)

Acte II, scène 21 (en entier)

Acte V, scène 3 (fin du monologue)

Activité personnelle :

Visionnage :

1. Phèdre, II, 5

https://www.youtube.com/watch?v=tVojvGK7wHM

2. L’Ecole des Femmes (intégral)

https://www.youtube.com/watch?v=4qI844WI7m0

ou

Le Mariage de Figaro (Bluwal)

https://www.youtube.com/watch?v=QbowFI2HKPk

Séquence 5 : L’air de la jalousie sur la

scène

Objet d'étude : Le texte théâtral et sa

représentation, du XVIIème siècle à nos jours.

Problématique : en quoi le sentiment de la jalousie

peut-il servir l’action au théâtre ?

1. Racine, Phèdre IV, 6 (extrait)

2. Molière L’Ecole des Femmes II, 3

(extrait)

3. Beaumarchais Le Mariage de

Figaro V, 3 (début du

monologue)

SEQUENCE 1 : Ecrire pour témoigner, écrire pour résister, les lumières contre l’obscurantisme FONTENELLE, Histoire des oracles, Première dissertation, chapitre IV (1687).

Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour

la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait, mais enfin nous éviterons

le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.

Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d'Allemagne, que je ne puis

m'empêcher d'en parler ici.

En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venu une

d'or, à la place d'une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’Université de Helmstad, écrivit en 1595

l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elle avait été envoyée de

Dieu à cet enfant pour consoler les Chrétiens affligés par les Turcs. Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de

cette dent aux Chrétiens, ni aux Turcs. En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullandus

en écrit encore l'histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la

dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme nommé Libavius ramasse tout ce

qui avait été dit de la dent et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages,

sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or

appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse ; mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre.

Rien n'est plus naturel que d'en faire autant sur toutes sortes de matières. Je ne suis pas si convaincu de notre

ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous

trouvons la raison. Cela veut dire que non seulement nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en

avons d'autres qui s'accommodent très bien avec le faux.

MONTESQUIEU DE L’ESPRIT DES LOIS, V, 15, 1748

Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :

Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de

l'Afrique pour s'en servir à défricher tant de terres.

Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.

Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir.

Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples d'Asie qui font des eunuques, privent

toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une façon plus marquée.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Egyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d'une si

grande conséquence qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.

Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez des nations

policées, est d'une si grande conséquence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à

croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains.

Car, si elle était telle qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en

faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ?

LA FONTAINE Le Renard et le bouc

Capitaine Renard allait de compagnie

Avec son ami Bouc des plus haut encornés.

Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez ;

L'autre était passé maître en fait de tromperie.

La soif les obligea de descendre en un puits.

Là chacun d'eux se désaltère.

Après qu'abondamment tous deux en eurent pris,

Le Renard dit au Bouc : Que ferons-nous, compère ?

Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici.

Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi :

Mets-les contre le mur. Le long de ton échine

Je grimperai premièrement ;

Puis sur tes cornes m'élevant,

A l'aide de cette machine,

De ce lieu ci je sortirai,

Après quoi je t'en tirerai.

- Par ma barbe, dit l'autre, il est bon ; et je loue

Les gens bien sensés comme toi.

Je n'aurais jamais, quant à moi,

Trouvé ce secret, je l'avoue.

Le Renard sort du puits, laisse son compagnon,

Et vous lui fait un beau sermon

Pour l'exhorter à patience.

Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence

Autant de jugement que de barbe au menton,

Tu n'aurais pas, à la légère,

Descendu dans ce puits. Or, adieu, j'en suis hors.

Tâche de t'en tirer, et fais tous tes efforts :

Car pour moi, j'ai certaine affaire

Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin.

En toute chose il faut considérer la fin.

SEQUENCE 4, Beaumarchais, Le Mariage de Figaro Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, V, 3 (fin du Monologue)

Est-il rien de plus bizarre que ma destinée? Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs moeurs, je m'en dégoûte et veux courir une

carrière honnête; et partout je suis repoussé! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à

la main une lancette vétérinaire! - Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre: me fussé-je

mis une pierre au cou! Je broche une comédie dans les moeurs du sérail. Auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule: à l'instant un

envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Egypte, les royaumes

de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc: et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et

qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant: chiens de chrétiens! - Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. - Mes joues creusaient, mon

terme était échu: je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque: en frémissant je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature

des richesses; et, comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de l'argent et sur son produit

net: sitôt je vois du fond d'un fiacre baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je

voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil! Je lui dirais... que

les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours; que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; et qu'il n'y a que

les petits hommes qui redoutent les petits écrits. (Il se rassied.) Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue; et comme il faut

dîner, quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume et demande à chacun de quoi il est question: on me dit que, pendant ma retraite

économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse; et que, pourvu que je ne

parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni dé la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres

spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette

douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et, croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou! je vois s'élever contre moi

mille pauvres diables à la feuille, on me supprime, et me voilà derechef sans emploi! - Le désespoir m'allait saisir; on pense à moi pour une place, mais par

malheur j'y étais propre: il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler; je me fais banquier de pharaon: alors, bonnes

gens! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien

pu me remonter; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour

de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer, lorsqu'un

dieu bienfaisant m'appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais; puis, laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte

au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville; il me

reconnaît, je le marie; et pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne! Intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un

abîme, au moment d'épouser ma mère, mes parents m'arrivent à la file. (Il se lève en s'échauffant.) On se débat, c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi, non,

ce n'est pas nous; eh! mais qui donc? (Il retombe assis,) O bizarre suite d'événements! Comment cela m'est-il arrivé? Pourquoi ces choses et non pas

d'autres? Qui les a fixées sur ma tête? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant

de fleurs que ma gaieté me l'a permis: encore je dis ma gaieté sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce moi dont je m'occupe: un

assemblage informe de parties inconnues; puis un chétif être imbécile; un petit animal folâtre; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour

jouir, faisant tous les métiers pour vivre; maître ici, valet là, selon qu'il plaît à la fortune; ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux... avec

délices! orateur selon le danger; poète par délassement; musicien par occasion; amoureux par folles bouffées, j'ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l'illusion

s'est détruite et, trop désabusé... Désabusé...! Suzon, Suzon, Suzon! que tu me donnes de tourments!... J'entends marcher... on vient. Voici l'instant de la

crise. (Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)

SEQUENCE 5, L’air de la jalousie

Racine Phèdre, IV, 6 (extrait)

Phèdre

Ah ! douleur non encore éprouvée !

A quel nouveau tourment je me suis réservée !

Tout ce que j'ai souffert, mes craintes, mes transports,

La fureur de mes feux, l'horreur de mes remords,

Et d'un cruel refus l'insupportable injure,

N'était qu'un faible essai du tourment que j'endure.

Ils s'aiment ! Par quel charme ont-ils trompé mes yeux ?

Comment se sont-ils vus ? depuis quand ? dans quels lieux ?

Tu le savais. Pourquoi me laissais-tu séduire ?

De leur furtive ardeur ne pouvais-tu m'instruire ?

Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher ?

Dans le fond des forêts allaient-ils se cacher ?

Hélas ! ils se voyaient avec pleine licence

Le ciel de leurs soupirs approuvait l'innocence ;

Ils suivaient sans remords leur penchant amoureux ;

Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux.

Et moi, triste rebut de la nature entière,

Je me cachais au jour, je fuyais la lumière.

La mort est le seul dieu que j'osais implorer.

J'attendais le moment où j'allais expirer ;

Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée,

Encor dans mon malheur de trop près observée,

Je n'osais dans mes pleurs me noyer à loisir.

Je goûtais en tremblant ce funeste plaisir,

Et sous un front serein déguisant mes alarmes,

Il fallait bien souvent me priver de mes larmes.

Oenone

Quel fruit recevront-ils de leurs vaines amours ?

Ils ne se verront plus.

Phèdre

Ils s'aimeront toujours !

Au moment que je parle, ah ! mortelle pensée !

Ils bravent la fureur d'une amante insensée.

Malgré ce même exil qui va les écarter,

Ils font mille serments de ne se point quitter.

Non, je ne puis souffrir un bonheur qui m'outrage,

Oenone ; prends pitié de ma jalouse rage ;

Il faut perdre Aricie, il faut de mon époux

Contre un sang odieux réveiller le courroux.

Qu'il ne se borne pas à des peines légères :

Le crime de la sœur passe celui des frères.

Dans mes jaloux transports je le veux implorer.

Que fais-je ? Où ma raison se va-t-elle égarer ?

Moi jalouse ! Et Thésée est celui que j'implore !

Mon époux est vivant, et moi je brûle encore !

Pour qui ? Quel est le cœur où prétendent mes vœux ?

Chaque mot sur mon front fait dresser mes cheveux.

Mes crimes désormais ont comblé la mesure.

Je respire à la fois l'inceste et l'imposture

Molière L’Ecole des femmes, II, 3 (extrait)

Agnès raconte en toute ingénuité à Arnolphe comment elle a rencontré un jeune homme charmant…

AGNÈS

Voilà comme il me vit et reçut guérison.

Vous-même, à votre avis, n’ai-je pas eu raison ?

Et pouvais-je après tout avoir la conscience

540

De le laisser mourir faute d’une assistance ?

Moi qui compatis tant aux gens qu’on fait souffrir,

Et ne puis sans pleurer voir un poulet mourir.

ARNOLPHE, bas.

Tout cela n’est parti que d’une âme innocente :

Et j’en dois accuser mon absence imprudente,

545

Qui sans guide a laissé cette bonté de mœurs,

Exposée aux aguets des rusés séducteurs.

Je crains que le pendard, dans ses vœux téméraires,

Un peu plus fort que jeu n’ait poussé les affaires.

AGNÈS

Qu’avez-vous ? vous grondez, ce me semble, un petit.

550 Est-ce que c’est mal fait ce que je vous ai dit ?

ARNOLPHE

Non. Mais de cette vue apprenez-moi les suites,

Et comme le jeune homme a passé ses visites.

AGNÈS

Hélas ! si vous saviez, comme il était ravi,

Comme il perdit son mal, sitôt que je le vi ;

555

Le présent qu’il m’a fait d’une belle cassette,

Et l’argent qu’en ont eu notre Alain et Georgette.

Vous l’aimeriez sans doute, et diriez comme nous...

ARNOLPHE

Oui ; mais que faisait-il étant seul avec vous ?

AGNÈS

Il jurait qu’il m’aimait d’une amour sans seconde :

560

Et me disait des mots les plus gentils du monde :

Des choses que jamais rien ne peut égaler.

Et dont, toutes les fois que je l’entends parler,

La douceur me chatouille, et là-dedans remue

Certain je ne sais quoi, dont je suis toute émue.

ARNOLPHE, à part.

565

Ô fâcheux examen d’un mystère fatal,

Où l’examinateur souffre seul tout le mal !

(À Agnès)

Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,

Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses ?

AGNÈS

Oh tant ; il me prenait et les mains et les bras,

570 Et de me les baiser il n’était jamais las.

ARNOLPHE

Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?

(La voyant interdite.)

Ouf.

AGNÈS

Hé, il m’a...

ARNOLPHE

Quoi ?

AGNÈS

Pris...

ARNOLPHE

Euh !

AGNÈS

Le...

ARNOLPHE

Plaît-il ?

AGNÈS

Je n’ose,

Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.

ARNOLPHE

Non.

AGNÈS

Si fait.

ARNOLPHE

Mon Dieu ! non.

AGNÈS

Jurez donc votre foi.

ARNOLPHE

Ma foi, soit.

AGNÈS

575 Il m’a pris... vous serez en colère.

ARNOLPHE

Non.

AGNÈS

Si.

ARNOLPHE

Non, non, non, non ! Diantre ! que de mystère !

Qu’est-ce qu’il vous a pris ?

AGNÈS

Il...

ARNOLPHE, à part.

Je souffre en damné.

AGNÈS

Il m’a pris le ruban que vous m’aviez donné,

À vous dire le vrai, je n’ai pu m’en défendre.

ARNOLPHE, reprenant haleine.

580 Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre,

S’il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.

AGNÈS

Comment. Est-ce qu’on fait d’autres choses ?

ARNOLPHE

Non pas.

Mais pour guérir du mal qu’il dit qui le possède,

N’a-t-il point exigé de vous d’autre remède ?

AGNÈS

585 Non. Vous pouvez juger s’il en eût demandé,

Que pour le secourir j’aurais tout accordé.

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, V, 3 (début du monologue)

FIGARO, seul, se promenant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre :

Ô femme ! femme ! femme ! Créature faible et décevante !... Nul animal créé ne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ?... Après

m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse ; à l'instant qu'elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie... Il riait en

lisant, le perfide ! et moi comme un benêt... Non, Monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... vous ne l'aurez pas... Parce que vous êtes un grand Seigneur,

vous vous croyez un grand génie !... Noblesse, fortune, un rang, des places : tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes

donné la peine de naître, et rien de plus ; du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus

de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter. On vient... c'est

elle... ce n'est personne. - La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu'à moitié. (Il s'assied sur un banc.) Est-il

rien de plus bizarre que ma destinée ! Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs mœurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière

honnête ; et partout je suis repoussé ! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand Seigneur peut à peine me mettre à la main

une lancette vétérinaire ! - Las d'attrister des bêtes malades et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre ; me fussé-je mis une

pierre au cou ! Je broche une comédie dans les mœurs du sérail ; auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule ; à cet instant, un

envoyé... de je ne sais où, se plaint de ce que j'offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Égypte, les

royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc : et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne

sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant : Chiens de chrétiens ! - Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. - Mes joues

creusaient ; mon terme était échu ; je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque ; en frémissant, je m'évertue. Il s'élève une

question sur la nature des richesses, et, comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de

l'argent et sur son produit net ; sitôt je vois, du fond d'un fiacre, baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissais l'espérance et la

liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son

orgueil ! je lui dirais... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours ; que, sans la liberté de blâmer, il n'est point

d'éloge flatteur, et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. (Il se rassied).