Le Pouvoir en Islam
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Le pouvoir en Islam mane thoriquement de Dieu. Muhammad, en tant quenvoy de Dieu et
prophte de sa Loi sacre, est le dtenteur dun pouvoir thocratique. Ce pouvoir est a priori spirituel et
religieux, mais du fait de la nature morale et juridique de nombreux versets coraniques et hadth, il est le
fondement de lautorit politique et militaire sur la communaut des croyants (lumma). Les pactes de
Aqaba et la constitution de Mdine contracts entre les Mdinois, les musulmans mecquois etMuhammad sont les actes crateurs de cette umma, et reconnaissent le prophte comme chef politique.
Muhammad lui-mme na pas rgl sa succession, et stant proclam sceau des prophtes , ilne pouvait pas tre remplac par un nouveau prophte. A sa mort, les principaux membres de la
communaut lisent donc son plus proche compagnon, Ab Bakr (632-634), comme chef politique des
musulmans, avec le titre de successeur de lenvoy de Dieu (khalfa rasl Allh), cest--dire calife . Umar, deuxime calife (634-644), y ajoute le titre de commandeur des croyants (amr al-muminn). Les quatre premiers califes sont ainsi lus par leurs pairs, et dirigent les musulmans depuis la
capitale, Mdine.
Ds cette poque apparat une opposition fondamentale entre deux conceptions du pouvoir.
Lune fonde lautorit sur lhrdit du prophte, et considre que seuls les descendants de Al, gendre
de Muhammad, ont la lgitimit pour diriger le dr al-Islm : ses partisans sont les chiites. Selon lautre,le dtenteur du pouvoir califal doit tre le plus digne des musulmans, et devrait, en principe, tre investi
par la communaut : cest la conception qui sera adopte par les sunnites.
A la suite dune guerre civile, les partisans de Al, quatrime calife (656-661), abandonnent le
pouvoir aux Omeyyades, favorables lide dun calife investi par la communaut pour sescomptences et sa dignit. Ceux-ci respectent donc thoriquement le principe lectif (valid par le
serment dinvestiture ou baya), mais imposent de fait le principe hrditaire en crant la premiredynastie musulmane (661-750). Damas, leur capitale, devient le centre du pouvoir dans lempire arabo-
musulman.
Lors de leur arrive au pouvoir, les califes abbassides (750-1258) maintiennent le principe
dynastique, mais le rattachent lappartenance la famille du prophte, tout en ntant pas chiites. Ilssont en effet membres de la famille de Muhammad, mais ne descendent pas de Al. Le souverain sige
alors Bagdad (ou Samarra au IXe
sicle), dans un palais (dr al-salm) o, assis sur un sofa cach
par un rideau, il arbore les attributs de lautorit califale : la baguette, le manteau du prophte, le sabre et
le Coran de Uthmn (Uthmn est le troisime calife de 644 656, qui a organis la rdaction du Coran
de rfrence pour les sunnites). Il porte un costume noir et un bonnet haut. Le palais est le centre du
pouvoir, et le faste de sa cour lexpression de sa puissance.
Fondamentalement, le calife est le protecteur de lislam en tant que religion et en tant quecommunaut, il est ce titre la source thorique de tous les pouvoirs. Pour les sunnites, le calife doit
prserver la Loi rvle au prophte, et son principal rle religieux, en tant quimm, consiste donc
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empcher les innovations oubida. Il na donc en principe aucun pouvoir lgislatif, puisque seul Dieurvle la loi. Selon les chiites, limm est en revanche auteur de la Loi du fait de son ascendance
prophtique. En tant que chef militaire, le calife doit dclarer la guerre sainte (jihd), et la diriger contreles infidles ou les mauvais musulmans. Il a aussi le devoir de dfendre la communaut contre les
agressions extrieures. Le calife est aussi le garant de la justice dans son empire ; il doit donc juger et
arbitrer entre ses sujets. Pour mener bien sa politique, le calife organise la justice, ladministration, et
peroit les taxes de tout lempire.
Pour cela, il dlgue ses pouvoirs, en envoyant des individus un diplme dinvestiture, une
robe dhonneur, et diffrents prsents. Il nomme ainsi les juges (qd), chargs de rendre la justice dans
les provinces de lempire. Il dsigne aussi des gouverneurs (wl ou amr) dans les provinces, chargs de
maintenir la scurit, qui sont seconds par des percepteurs de taxes ( mil). Dans la capitale,
ladministration est centralise autour de bureaux (dwn) commands par le vizir (wazr), et diffrentshauts fonctionnaires comme le chambellan (hjib).
Dans lensemble de lempire, lautorit du calife est valide par linscription de son nom sur les
pices de monnaies et les tirz ainsi que par laffirmation de sa souverainet dans le sermon du vendredi,
dans la grande mosque de chaque ville. Mais cette autorit nest parfois que nominale. Dans un aussi
vaste empire, la tendance lautonomie des gouverneurs provinciaux fut constante, et sestparticulirement dveloppe partir du IXe sicle. A ces forces centrifuges, sajouta alors lexplosion de
lunit de la communaut, lorsque deux nouvelles dynasties revendiqurent le califat : les Fatimides,chiites (909-1171), et les Omeyyades de Cordoue (929-1031). Dautres dynasties revendiqurent par lasuite le califat : les Almohades, les Mrinides et les Hafsides. Quoique les califes conservrent toujours
leur autorit religieuse et doctrinale, leur pouvoir fut encore plus affaibli par la dlgation de leurs autresfonctions des gnraux de diffrentes dynasties persanes et turques, appels grands mirs (amr al-
umar) partir de 932, puis sultans (titre pris par les Turcs seljoukides partir de 1058, puis par
plusieurs dynasties), ou des dynasties dautres hauts dignitaires (comme les Amirides dans le califat de
Cordoue). Cette priode des Xe-XIe sicle marque donc une rupture fondamentale avec le passage dupouvoir des mains de civils arabes appartenant la famille du Prophte, des non Arabes issus le plus
souvent de la caste militaire. Le sultanat devint alors la principale institution dtentrice du pouvoirpolitique, bien quelle mant thoriquement du calife. Ainsi, aprs la chute du califat de Bagdad en1258, sous le sultanat mamelouk (1250-1517), le calife abbasside du Caire ntait plus quun fantoche,alors que le sultan, dsign parmi ses pairs, cest--dire les officiers du corps desclaves soldats
mamelouks, dirigeait rellement lempire (quand lui-mme ntait pas un fantoche sous lautorit dun
grand mir). Ctait alors le sultan qui rgnait, et qui nommait ses reprsentants dans les provinces. Sousles Mamelouks, le pouvoir tait donc confi un groupe desclaves militaires affranchis (en gnralturcs ou circassiens), qui dominaient tout le Proche Orient. Les sultans ottomans, qui dominaient les
Balkans et lAnatolie, maintinrent en revanche le principe dynastique. Lorsquen 1517, ceux-ciprovoqurent labdication du calife abbasside du Caire, il semble quils ne revendiqurent pasimmdiatement son titre. Mais ils se prsentaient au XIXe sicle comme dtenteurs du califat, jusqu sa
suppression par Mustafa Kemal Atatrk en 1924.
Benayad Med