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URBAIN Le potager Josée Landry et Michel Beauchamp Version pré-Lancement 2 chapitres disponibles

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CHERS LECTEURS, la copie que vous consultez est le pré-lancement d’un livre qui sortira sous peu. Nous travaillons présentement à compléter la mise en page des autres chapitres. Compte tenu que la saison de jardinage avance à grands pas, et que c’est maintenant le temps de faire les semis, nous rendons disponibles les deux chapitres s’y rattachant. Nous avons fait ce livre avec la collaboration d’experts qui ont bénévolement donné de leur temps et qui ont voulu partager leurs connaissances. Nous ne saurions vous dire combien nous sommes heureux de leur participation à cet ouvrage collectif. Puissiez-vous en profiter pleinement et bonne saison de jardinage!

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Guide de l’agriculture urbaine sous la direction de Josée Landry et Michel Beauchamp

Collaborateurs : Roger Doiron, Michel Richard, Véronique Lemonde, Lili Michaud, Nicholas Chiasson, Jasmine Kabuya-Racine, Ismael Hautecoeur, Edith Smeesters, Gaëlle Janvier, Manon Lépine, Anne Fournier,

Mélanie Grégoire, Nicolas Cadilhac, Lina Racine, Anne Villeneuve, Mance Lanctôt, Claude Rioux

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À L’ÉTÉ 2003, à la suite de l’achat d’une maison de plus de 130 ans, Michel Richard décide de restaurer le grand potager laissé à l’abandon. Pendant ses longs moments de désherbage, l’idée d’y semer uniquement des fruits et des légumes du Québec de cette époque, germe dans son esprit. Mais où dénicher ces spécimens introuvables dans l’océan d’hybrides modernes qui sont proposés dans les magasins à grande surface? Que s’était-il passé pour qu’après des centaines d’années d’agriculture, presque tout le patrimoine végétal d’autrefois semblait s’être envolé sans qu’on s’en rende compte? Muni d’un diplôme universitaire de 2e cycle en éducation l’ayant bien préparé à fouiller et documenter ses propos, Michel Richard ne se doutait pas qu’une simple curiosité allait se transformer en véritable passion. En 2010, lui et sa conjointe Véronique Lemonde, historienne et journaliste, créent le blogue «  Potagers d’antan » pour partager leurs découvertes. Leur objectif : raconter les histoires de ces fruits et légumes d’autrefois pour qu’ils reprennent à la fois leur place dans nos mémoires ainsi que dans nos jardins potagers. Attendez-vous à lire dans cette œuvre collective quelques extraits d’un monde oublié fantastique!

Remerciements :

Nous profitons de cette occasion pour remercier infiniment Josée Landry et Michel Beauchamp pour leur ouverture d’esprit,

leur folie communicative et l’inspiration qu’ils ont suscité en nous à travers les déboires qu’ils ont vécu. Être hors-norme

apporte souvent son lot de résistance chez nos pairs mais Josée et Michel ont su transformer ces épreuves en possibilités

d’épanouissement, de création et de partage. Un tel exemple de résilience ne peut être passé sous silence!

Chapitre1 MichelLes semences

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LORS DE NOS PREMIERS MAGASINAGES de semences en tout débutants du jardinage que nous étions, nous croyions que les principales et quasi uniques variétés étaient celles que nous trouvions dans les quincailleries ou aux centres jardin de nos environs. Tomates, concombres, fèves : les semences étaient toutes là : en deux, trois ou parfois même quatre sortes. Inutile de vous dire notre joie de voir apparaître les présentoirs de semences en février! Enfin, nous pouvions toucher, voir et choisir ces graines de légumes, de fines herbes et de fleurs à travers les enveloppes, et qui allaient garnir notre potager. Nous avons mis du temps à les choisir et nous avons dû faire des choix faute de pouvoir tout faire pousser par manque d’espace. Toutefois, il nous est arrivé d’être allés acheter en cachette des sachets de semence sur lesquels nous avions hésité, de revenir à la maison et de se faire les beaux yeux pour tenter de convaincre l’autre de nous laisser essayer notre choix de légumes...! Nous avons bien dû gagner une fois ou deux à ce jeu! Comme jardinier, j’ai souvenance que lors d’un magasinage, nous étions tombés sur des enveloppes de semences identifiées « Heirloom ». En lisant vite, du premier coup d’œil – la dyslexie n’aidant pas

Pendant ce temps chez Josée et michel

Chapitre 1 Les semences

les choses –, je me demandais si ce n’était pas de quelconques semences d’origine allemande... Par la suite, j’ai appris et compris qu’il s’agissait de semences du patrimoine. Toutefois, par je ne sais trop quelle gymnastique du cerveau, j’avais idée à ce moment-là que les semences du patrimoine que l’on retrouvait ça et là ne produiraient sans nul doute que des légumes de moins bonne qualité ou plus fades. Le mot «patrimoine» résonnait comme « vieux légumes ». Après tout, me disais-je inconsciemment, la science actuelle a certainement donné un coup de pouce à Dame Nature et, pour notre grand bénéfice, aura mise au monde de nouveaux légumes plus performants et plus savoureux. Dans le fond, nous étions si habitués à n’avoir accès qu’à des versions « meilleures et améliorées» d’à-peu-près tout, comme un machin qui lave plus blanc, qui va plus vite, qui consomme moins, etc., alors, pourquoi pas des « versions améliorées » de légumes? C’était ce que nous pensions jusqu’à ce que nous tombions sur le blogue du Potager d’antan!

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Avant l’envie de faire pousser ses propres fruits et légumes, les magasins d’alimentation ont été, pour la majorité d’entre nous, les seuls endroits où nous pouvions acheter nos aliments. Avec une moyenne de trente minutes par

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VOUS ENVISAGEZ DE CRÉER UN POTAGER? Eh bien, un jour, surviendra la fameuse question : «Qu’est-ce que je vais planter?».De manière naturelle, vous vous dirigerez vers les grandes surfaces ou les centres jardins pour vous inspirer... Qui eût cru qu’il y avait tant de sortes de tomates! Des carottes rondes... ça existe! Qu’est-ce qu’un potiron? Ces questions nous font prendre conscience d’une réalité bien loin de notre quotidien : la biodiversité alimentaire.

Une assiette uniformisée

Avant l’envie de faire pousser ses propres fruits et légumes, les magasins d’alimentation ont été, pour la majorité d’entre nous, les seuls endroits où nous pouvions acheter nos aliments. Avec une moyenne de trente minutes par semaine consacrée aux achats à l’épicerie1, se soucier de la variété alimentaire passe en dernier dans les priorités des gens. Ainsi, évoquer en plus le concept de biodiversité ancestrale amène une dimension insoupçonnée, voire hippie pour plusieurs consommateurs. C’est si pratique de tout

1 Équiterre (www.equiterre.org)

avoir au même endroit... Et c’est justement là un des arguments de vente des supermarchés : sous cette impression d’abondance, les gens se retrouvent bien malgré eux, et sans s’en rendre compte, devant un choix proposé et imposé par l’industrie agroalimentaire. En effet, il est important de souligner que, pour répondre à des considérations économiques et de distribution, les fruits et légumes doivent aujourd’hui répondre à des standards très précis comme, entre autres :

• leur résistance aux meurtrissures durant le transport;

• la durée de leur conservation;• l’uniformité;• les coûts de production;• leur capacité à supporter de longues

distances. Les choix effectués en fonction de ces aspects techniques sont faits au détriment des goûts, des textures, des formes et évidemment, de l’accessibilité à la diversité alimentaire. Malheureusement, ces normes modernes déclassent maints fruits et légumes d’antan et ne leur laissent aucune chance d’être cultivés par un producteur qui privilégiera un produit rentable.

Les semences du patrimoine

Chapitre 1 Les semences

Par Véronique Lemonde et Michel Richard

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Qui plus est, en prenant comme base de référence ces aliments familiers, on a tendance à se diriger vers le connu et mettre de côté les fruits et légumes aux allures suspectes. Ceci explique souvent leur absence des tablettes... Ces fruits et légumes d’autrefois tombent alors dans l’oubli, voire même disparaissent. Le plus bel exemple est celui du melon de Montréal.

Diversité perdue : Le cas du melon de Montréal

Originaire du secteur de Côte-des-Neiges à Montréal, le melon de Montréal était le plus gros melon musqué au monde et pouvait peser jusqu’à 30 livres. Son goût exquis lui valait une renommée outre frontière et les melons de Montréal étaient même exportés vers les hôtels et restaurants luxueux des États-Unis. Pour donner un ordre d’idée de sa réputation, une seule tranche de ce fameux melon valait jusqu’à 1,50 $ en 1922, le prix d’un steak. Le melon de Montréal a disparu dans les années 1960 à cause des deux facteurs majeurs :

1. Les changements dans les habitudes alimentaires des gens, qui lui préférèrent alors le petit cantaloup et;

2. L’abandon progressif de sa production exigeant beaucoup trop de main-d’œuvre et de soins.

De plus, le melon se Montréal se conservait très mal et il fallait le jeter moins d’une semaine après sa récolte. Sa fragilité forçait les fermiers à recourir à des entreprises spécialisées dédiées à son transport exclusif. Par manque de rentabilité, personne ne reprit le flambeau et la souche du melon de Montréal s’éteignit après plus de 150 ans de culture. Il existe ainsi une foule de ces trésors de notre terroir québécois qui, pour toutes sortes de raisons, n’ont plus la chance de se tailler une place sur le marché de l’alimentation faute de débouchés mais surtout, parce qu’ils ne bénéficient pas d’une «machine marketing» derrière eux. L’industrie productrice de semences l’a très bien compris elle aussi, car elle met sous les yeux des consommateurs des centaines de sachets de semences aguichants illustrant sous leur plus beau jour des aliments mûrs à point, parfaits, avec une quasi promesse de résultats similaires. Sous l’impulsion, plusieurs achèteront d’abord avec leurs yeux, répondant aux stimuli publicitaires. D’autres y résisteront et feront leur choix en fonction de la surface

le melon de Montréal

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cultivable de leur potager, de leur niveau d’expérience ou ils s’en tiendront à des valeurs sûres, c’est-à-dire les aliments qu’ils connaissent déjà. Peu importe l’option, encore une fois, les compagnies dirigent vos achats vers «leurs» options déjà déterminées.

Un vide comblé par les géants de la semence

Lorsque vous regardez votre sachet de semences, prêtez attention aux mentions inscrites F1 et F2. Qu’est-ce qu’elles signifient? Eh bien, si vous optez pour un tel produit, sachez qu’il contiendra des graines dont le résultat est le croisement entre deux variétés différentes, chacune sélectionnée pour un attribut spécifique (grosseur, saveur, productivité, résistance aux insectes ou aux maladies, esthétique, couleur, etc.). Le résultat engendrera un hybride presque impossible à perpétuer. Ce subterfuge permet aux compagnies de vous empêcher de reproduire leurs plantes en vous forçant du même coup à leur acheter de manière continue des marchandises dont ils possèdent les droits exclusifs. Si par curiosité vous tentiez de replanter une graine de cet hybride, vous verriez apparaître l’une des caractéristiques d’origine d’un des deux parents sans retrouver le plant original. Ces entreprises s’assurent ainsi de vous maintenir dépendant en comblant un vide laissé par la perte de savoir-faire relatif à la manière de préserver ses propres graines. De fait, depuis les débuts de l’agriculture, nos ancêtres ont transmis ces compétences de conservation des semences aux générations suivantes. Ces derniers misaient sur l’importance de récolter et de ressemer des semences de qualité, à partir des meilleurs spécimens observés, et ce, selon les particularités géographiques de leur région (rusticité, type de sol, vent, dénivellation des terrains, nombre d’heures d’ensoleillement, microclimat, etc.). Nos ancêtres effectuaient eux-mêmes la sélection des semences, un processus s’échelonnant sur des dizaines voire des centaines d’années. On dit de ces plantes

qu’elles sont « fixées », car elles conservent leurs propriétés uniques dans le temps. Autrement dit, en récoltant des graines d’un concombre «fixé» dans de bonnes conditions, vous pourrez les ressemer la saison suivante avec la quasi certitude d’obtenir une copie du plant-mère et ainsi de suite. Elles s’adapteront graduellement à leur terroir. Jadis, à la suite de leur arrivée sur le nouveau continent, les colons français ont importé leurs semences d’Europe pour les acclimater à leur nouvel environnement nord-américain. Contrairement à la croyance populaire, ils n’ont pas commencé à couper des arbres, à essoucher et à labourer leurs champs. Ils construisirent d’abord un potager. Ce lopin, situé juste à côté de la maison, plein soleil et à l’abri des vents, s’avérait la principale source de subsistance pendant les premiers temps. Et il devait produire vite et en abondance pour passer à travers les hivers rigoureux du Québec. Maintes variétés moururent à cause du climat rude, très peu similaire à leur patrie d’origine. Ces ajustements apportèrent leurs périodes de famine. C’est pourquoi le savoir agricole des Amérindiens s’est avéré crucial pour la survie des communautés de colons.

Les trois soeurs, association gagnante de l’agriculture autochtone

Les Français n’appréciaient guère la cuisine autochtone mais pour survivre, ils se sont vite rabattus sur la courge, le haricot et le maïs. Ce trio surnommé «les trois sœurs» se cultivait ensemble. Sur une butte, les femmes semaient quelques graines de maïs. Une fois levées de plusieurs dizaines de centimètres, on plantait autour des tiges plusieurs semences de courges et de haricots grimpants. Les haricots s’enroulaient autour des tiges des maïs. Ils produisaient du même coup l’azote essentiel à l’essor de leurs tuteurs.

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Finalement, le feuillage des courges protégeait la base des deux autres en empêchant l’humidité de trop s’évaporer et aux mauvaises herbes de pousser. En comparaison à nos techniques modernes de monoculture en champs, cette méthode multipliait par trois la capacité de production avec une même surface. Adaptés depuis des milliers d’années, le maïs a pu, de cette manière, se tailler une place enviable dans la culture autochtone et devenir au fil du temps une plante phare. En provenance de l’Amérique du Sud, le maïs a parcouru des milliers de kilomètres vers le nord, jusqu’en Gaspésie où les Micmacs créèrent le maïs le plus précoce au monde: le «maïs de Gaspé». Ce cultivar en voie d’extinction, haut de 60 à 90 centimètres, était très prisé pour la fabrication de la farine. Il parvenait à maturité entre 50 et 60 jours; un réel prodige pour cette espèce. Toutefois, dès que les Français eurent reproduit des copies endurcies de leurs propres aliments, ils ne tardèrent pas à abandonner l’art culinaire des Premières Nations. Il aura fallu la conquête des Anglais pour les réintroduire sinon, eux aussi, auraient possiblement disparus de nos tables. Quoi qu’il en soit, ce désir d’améliorer sans cesse la génétique de ces plantes en sélectionnant de manière tranquille les meilleurs sujets s’est perpétué jusqu’au début du XXe siècle où, par la suite, de profondes transformations se sont opérées au sein de la société.

Le XXe siècle, début du déclin

Des découvertes technologiques (réfrigérateur, automobile, moyens de communication, biotechnologie), la mécanisation agricole, les engrais de synthèse, les changements dans les habitudes de vie de la société (l’ouverture sur le monde), l’augmentation de la population urbaine et l’industrialisation ont eu pour effet de freiner ces pratiques et traditions ancestrales. Il y a quelques générations, on comptait environ 35 000 variétés de plantes comestibles au Canada2.

2 Semencier du Patrimoine Canada (www.semences.ca) et Développement durable de l’Université de Montréal (http://durable.umontreal.ca)

Maïs de Gaspé (image: livre Renewing America’s food traditions)

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Tomate Petit moineau, très sucrée, de la taille d’un gros bleuet

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Au cours du XXe siècle, 75 % de tout cet héritage s’est éteint. Pire encore, du 25 % (8 750) restant, seulement 10 % (875) des semences sont encore vendues par l’intermédiaire des grandes entreprises de semences. Pour compléter le tout, si l’épicerie est votre seule source d’approvisionnement alimentaire, vous diminuerez ce pourcentage encore davantage, car comme mentionné antérieurement, ces denrées sont présélectionnées selon des considérations pratiques et économiques pour répondre à des exigences liées à la chaîne de production. Aux États-Unis, seulement huit espèces différentes occupent à elles seules 75 % des terres cultivables. «Actuellement, à peine 17 plantes nourrissent 90 % de la population mondiale»3

Pour illustrer ces propos, l’un des meilleurs exemples concerne la banane Cavendish. Elle représente à elle seule 50 % de toutes les bananes consommées dans le monde et sa popularité ne cesse de croître depuis 1900, année où cette «banane dessert» a fait son apparition sur les marchés. Malgré l’existence de 1 200 variétés comestibles sur la planète (incluant le type banane plantain), elle est de loin celle qu’on mange le plus. Chaque année, le Québec en importe 525 millions4. Le monopole d’une seule représentante d’une espèce nous expose à une grande vulnérabilité génétique, car en cas d’infestation, de maladies ou de catastrophes naturelles, tout risque d’y passer. Songez à la famine d’Irlande (1845-1851) ayant décimé près d’un million d’habitants. Cette famine fut causée par un parasite, le mildiou, qui détruisit 40 % de toutes les réserves de pommes de terre, la nourriture de base des Irlandais. Pour assurer notre protection alimentaire, nous aurions tout intérêt à diversifier le nombre de variétés qu’on consomme. Et ce n’est pourtant pas le choix qui manque. La tomate est un cas tout indiqué.

3 La banane sucrée risque de disparaître des supermarchés, Cyberpresse, 18 avril 2010.4 Le Devoir, 21 novembre 2009

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La tomate, un parcours de plus de 500 ans

En 2012, on estime à 15 000 le nombre de sortes de tomates différentes à travers le monde. Wow! Et tout ça à partir d’une seule source. Pour remonter un peu dans le temps, la plante fût importée du Mexique vers l’Espagne durant la conquête espagnole (1523-1547). Au fil du temps, elle progressa vers d’autres pays européens, notamment l’Italie, où sa couleur jaune dorée lui valu le surnom de «pomo doro» et l’apparition des premières usines de pâte de tomate. Après une série de transformations, la tomate retraverse l’océan Atlantique pour revenir en territoire nord-américain et c’est vers 1850 qu’on commence à voir apparaître au Québec les premiers gros fruits tels qu’on les connaît aujourd’hui. Rouges, roses ou jaunes, ils sont plutôt mous et côtelés et ne se conservent pas très longtemps. Les nombreux croisements réalisés depuis ce temps nous amènent loin de la plante originale, c’est-à-dire grimpante comme la vigne, avec un fruit jaune gros comme une tomate cerise, et très acidulée. Les Adelin Morin, Savignac, MacPink, Petit moineau, Plourde, Montreal Tasty, Mémé de Beauce et Maskabec sont quelques-unes de ces dignes descendantes québécoises. Même s’il en existe beaucoup d’autres issues de patients hybrideurs de chez-nous, il est intéressant de constater qu’il y a un réel engouement chez les Québécois pour la tomate de couleur rose, préférence absente chez les autres canadiens. Avec l’expansion d’internet et des médias sociaux, les populations prennent davantage conscience de cette richesse en perdition. Voyant une tendance des clients à réclamer de plus en plus d’anciennes variétés et soucieux de conserver leurs parts de marché, les multinationales s’adaptent en présentant des choix inscrits sous les appellations «héritage», «heirloom» ou «paysanne». Il est curieux d’observer ce retour aux sources, d’autant plus que ces compagnies sont en partie responsables de ce phénomène d’érosion génétique.

Tomate Adelin Morin cultivée à la fin du XIXe siècle. Un seul fruit pèse facilement au-delà de 1kg.

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Regroupement des entreprises de semences

Durant le siècle passé, plusieurs petites entreprises de semences furent achetées par de gros joueurs. Pour ne nommer que celle-là, certains se souviendront peut-être de W.H. Perron avec son fameux slogan «Chez Perron, tout est bon». Plus importante compagnie francophone nord-américaine de vente de semences par correspondance, elle acquiert les Semences Laval en 1989. Elle-même fût rachetée à son tour par la compagnie torontoise White Rose Crafts & Nursery, en 1994. Toutefois, le destin voulut que cette dernière déclare faillite cinq ans plus tard, fermant ses huit succursales et mettant fin à soixante-dix ans de présence au Québec. Tous ces bouleversements discrets bousculèrent l’offre de semences, car en s’accaparant le contenu des catalogues de produits de leurs compétiteurs, ces compagnies et leurs nouvelles acquisitions misèrent sur la rentabilité en abandonnant des centaines de variétés tout aussi bonnes, mais moins performantes financièrement. Bien entendu, si demain vous vous retrouvez devant leurs présentoirs commerciaux, n’hésitez pas à choisir les variétés anciennes ayant fait leurs preuves. Mais au fait, qu’est-ce qu’une variété ancienne?

Selon nos recherches et interviews informelles auprès de jardiniers amateurs, il y aurait une norme implicite se dégageant où toutes plantes comestibles cultivées avant 1960 seraient considérées comme faisant partie de cette catégorie.

Même si voilà une excellente option pratique pour les néophytes du jardinage ne sachant sur quoi jeter leur dévolu, n’oubliez pas : vous serez quand même contraints par le choix. Quand bien même vous

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feuilletterez tous les catalogues, magasinerez dans toutes les grandes chaînes, surferez sur tous les sites de grandes compagnies canadiennes de semences en ligne, vous n’aurez accès qu’à 10 % de toutes les plantes ancestrales. Incroyable, n’est-ce pas? Mais où se cachent-elles donc, ces fameuses plantes?

Où trouver des semences anciennes

Avant la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), l’usage voulait qu’on se transmettre des semences de père en fils. Au début 1900, la population habitait massivement dans des fermes. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée, avec 21,5 % des gens vivant en région rurale5. On se doit donc de modifier les moyens pour se procurer des graines ancestrales. Une de ces stratégies consiste simplement à demander comme autrefois à votre entourage immédiat (parenté, voisinage, collègues de travail, amis ou connaissances) en privilégiant les personnes âgées. Les gens d’un certain âge ont souvent des graines reçues de parenté possédant des fermes si ce n’est de leurs parents eux-mêmes. Les chances qu’ils possèdent encore entre leurs mains des variétés d’antan se voient augmentées. À travers leurs expériences et leur degré d’expertise, plusieurs auront depuis longtemps poussé l’intérêt jusqu’à récolter leurs propres graines. Demandez-leur l’historique. Vous serez encore plus surpris d’en connaître le parcours. Est-ce un legs familial? Une trouvaille d’un autre pays? Un échange avec une tierce personne? Un achat compulsif fructueux il y a très longtemps? Leurs propres créations? Il y a tellement d’histoires entourant ces petites choses.

5 Partenariat rural Canada (www.rural.gc.ca)

Pois Saint-Hubert, en voie d’extinction

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Nous ne pouvons nous empêcher de vous raconter l’histoire du pois Saint-Hubert, une variété d’Europe débarquée en Nouvelle-France au XVIIe siècle.

Au VIIe siècle, après s’être éloigné de Dieu et avoir chassé un vendredi Saint, Hubert, un fervent chasseur, rencontre un cerf portant entre ses bois une croix scintillante l’enjoignant de propager la parole du divin. Acceptant, il amène l’évangile dans les contrées lointaines et construit de multiples lieux de prières dédiés au Seigneur. Il meurt le 30 mai 727 et ses maints miracles le consacrèrent Saint le 3 novembre 743. Les colons ont perpétué son nom à travers un pois qu’on ajoute à une «soupe de chasse» en l’honneur de cet homme, patron des chasseurs.

Évidemment, c’est une légende, mais combien inspirante... Et il en existe des centaines comme celle-là. L’avantage de faire des échanges avec des gens âgés est de vous mettre en contact direct avec le meilleur spécialiste qui soit : quelqu’un ayant une connaissance mais aussi une expérience directe sachant mieux que quiconque vous renseigner sur l’historique de la plante, la manière de la cultiver (propriétés, forces, caprices, moments propices de cueillette et surtout des trucs de cuisine pour l’apprêter). Il est toutefois désolant de constater qu’il n’y a aucune relève pour prendre en charge cet héritage et que ces trésors meurent souvent avec leurs propriétaires. Il y a donc urgence d’agir. Par ailleurs, les fleurs anciennes vous intéressent davantage? Il existe certainement dans votre localité des soirées d’échange de plants, de bulbes et de semences par le biais d’associations horticoles. Visitez le site de la Fédération des sociétés d’horticulture et d’écologie du

Québec sous le thème «calendrier des activités». Vous y retrouverez des événements, conférences, ateliers et activités spéciales de leurs membres, notamment des soirées d’échanges. Les coûts pour y assister sont minimes et vous rencontrerez d’autres individus ayant eux aussi à cœur la sauvegarde du patrimoine horticole, voire des collectionneurs de plantes rares et inusitées6. Si ces options demeurent inaccessibles, internet recèle de véritables trouvailles : il suffit de savoir où chercher. Avant arrivée de la Toile, outre les échanges entre individus, la seule manière de mettre la main sur du nouveau matériel était de commander par catalogue. Il existait une foule de ces compagnies, malheureusement toutes fermées aujourd’hui (Hector L. Déry, Rennie’s, Dupuy & Ferguson, les pépinières Guilbault, Morisset, Pépinières Bédard, William Evans, etc.). D’autres petits grainetiers spécialisés ont vu le jour et repris le flambeau. Pour en obtenir une liste complète sans vous astreindre à de longues recherches, référez-vous à l’organisme sans but lucratif Semences du patrimoine7. Vous y découvrirez un répertoire de petites entreprises canadiennes dédiées à ces plantes étonnantes. Ce réseau coordonne aussi des projets auprès de jardiniers amateurs et chevronnés désireux de partager avec d’autres passionnés à travers le Canada. Maintenant, la planète entière attend de vous transmettre cette belle abondance! Vous pouvez télécharger d’un simple clic de grandes quantités de catalogues ou commander directement en ligne. Évidemment, l’un des critères sera de déterminer votre zone de rusticité.

6 Fédération des sociétés d’horticulture et d’écologie du Québec (www.fsheq.com)7 Semences du patrimoine (www.semences.ca)

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Oignon vivace très rare « red catawissa »

Zone de rusticité

Si vous choisissez des graines d’oranger, croyez-vous qu’elles résisteront à un hiver de -30 degrés Celsius? Vous saisissez maintenant l’importance de la rusticité d’une plante. Pour connaître celle de votre région, consultez n’importe quel moteur de recherche en inscrivant «zone de rusticité au Québec». Par exemple, Montréal correspond à la zone 5b. Plus vous montez vers le nord, plus ce chiffre s’approchera du zéro; zéro étant, bien entendu, très froid. Il sera primordial, si vous achetez une vivace, qu’elle égalise ou soit plus résistante que le chiffre de votre région. Une des croyances veut qu’il n’existe aucune plante comestible vivace pour les régions froides. Détrompez-vous : il y en a beaucoup.

Les fruits et légumes vivaces oubliés

L’oignon «red catawissa» est un des moult choix avisés. D’anciens écrits font mention de son introduction aux États-Unis par le Canada en 1820. Arrivé en Nouvelle-France comme oignon vivace, on le retrouverait aujourd’hui, semble-il, jusqu’en Alaska (zone 0a). Plus vigoureux que son cousin l’oignon égyptien, on peut en planter en toute sécurité dans notre potager et le laisser là tout l’hiver sans craindre le gel puisqu’il est rustique jusqu’à 30 degrés sous zéro. Il peut mesurer au-delà de 2 pieds et demi, soit plus de 76 centimètres. C’est le plus grand de sa famille et il développe un pied massif pour supporter tout ce poids. C’est pourquoi on le surnomme souvent « perennial tree onion » en anglais ou  « arbre-oignon vivace » (traduction libre). De plus, il se reproduit par étages en créant de petits bulbes aux extrémités de sa tige; la deuxième série poussant par-dessus la première. Il arrive même, à l’occasion, qu’une troisième série pousse sur la deuxième. Et, comme son cousin l’oignon égyptien, il se replantera

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lui-même un peu plus loin, d’où l’appellation typique anglaise walking onion » (oignon qui marche). Si vous laissez quelques divisions ou bulbes au potager chaque année, espacés d’environ six pouces, ils se reproduiront allègrement et vous en aurez à vie. Pas de maladies ni d’insectes connus. Merveilleux pour les jardiniers paresseux. Scorzonère, crosne du Japon, raifort, oseille, cerfeuil musqué, chervis, topinambour, aronia, oignon de Sainte-Anne, paw paw, patate en chapelet, livèche-épinard, poireau perpétuel... sont autant de vivaces comestibles oubliées qui mériteraient de revivre dans nos jardins potagers contemporains. Il vous faudra toutefois considérer un autre aspect essentiel si vous misez cette fois-ci sur les annuelles : la précocité.

Maturité des annuelles

Si une plante annuelle doit produire, elle devra le faire à l’intérieur du nombre de jours sans gel au sol de votre région. Pour connaître ce renseignement pour votre localité, consultez «Agrométéo Québec» à l’adresse Internet suivante : http://agrometeo.org. Ainsi, si votre région indique environ 145 jours sans risque de gel au sol (par exemple à Drummondville), un petit chiffre (30 jours pour un radis) indiquera une plante très précoce et elle produira rapidement. Plus ce nombre sera élevé (85 jours pour une tomate), plus vos chances d’avoir un fruit mûr à temps diminuera. Ces informations devraient être accessibles sur les sachets ou le site internet des fournisseurs de semences. Sinon, exigez-les auprès des commerçants. Au début, pour faciliter votre choix, limitez-vous aux grainetiers de votre région ou des provinces limitrophes. Si elles offrent des semences ancestrales, elles seront adaptées, la majeure partie du temps, à votre climat.

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Conclusion

Auriez-vous cru qu’une si petite question telle que «Qu’est-ce que je vais planter?» portait en elle un si lourd sens historique, et ô combien déterminant aujourd’hui pour le futur de nos enfants? Sans cette précieuse transmission par nos ancêtres, ce patrimoine immatériel existerait-il encore? Qu’en serait-il de nos fameuses épluchettes de blé d’Inde? La soupe aux pois aurait-elle cette même signification dans nos «partys des sucres»? La gourgane serait-elle si intimement associée au Saguenay et au Lac-Saint-Jean? Comme l’a déjà mentionné Laure Waridel, pionnière du commerce équitable et de la consommation responsable au Québec, «acheter, c’est voter». Nous pourrions nous aussi soutenir que «semer, c’est s’exprimer». S’exprimer pour la biodiversité, la sécurité alimentaire, la perpétuité de notre identité culturelle, l’amélioration génétique gratuite accessible pour tous. Le reste demeure entre nos mains. Même à échelle humaine, nous pouvons tous faire une différence en sauvant une petite partie de ce legs collectif, de ce patrimoine végétal si précieux.

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LILI MICHAUD est agronome spécialiste des pratiques écologiques urbaines et du développement durable. Elle possède une solide expertise sur des sujets tels que l’agriculture urbaine, les aménagements comestibles, la culture écologique des légumes et des fines herbes, la gestion rationnelle de l’eau potable, le compostage domestique, etc. Depuis une vingtaine d’années, Lili Michaud transmet ses connaissances par la présentation de conférences, de cours ainsi que la rédaction de livres, d’articles et de chroniques. Elle est reconnue pour son professionnalisme, son objectivité et ses qualités de vulgarisatrice. Plusieurs municipalités, des organismes et des maisons d’enseignement font régulièrement appel aux services de Lili Michaud. Parmi ceux-ci, citons la Ville de Québec, l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) de Saint-Hyacinthe, l’Université Laval, le magazine Fleurs Plantes Jardins, sans compter plus de vingt Sociétés d’horticulture, autant de bibliothèques et d’organismes voués à l’environnement. Lili Michaud est également membre fondateur du RAUQ (Réseau d’agriculture urbaine de Québec), qui organise chaque année la Fête des semences et de l’agriculture urbaine de Québec. Lili Michaud est l’auteure de quatre livres, tous publiés aux Éditions MultiMondes: Mon potager santé (2013, 2e édition), Guide de l’eau au jardin (2011), Tout sur le compost (2008) et Le jardinage éconologique (2004). Pour en savoir davantage au sujet de Lili Michaud, visitez le site : www.lilimichaud.com

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UNE FOIS toutes ces graines achetées, viens le temps de les semer. Pour un jardinier débutant, c’est un sapré défi de savoir attendre le moment propice et nécessaire avant de partir à l’intérieur ce qu’on appelle les semis. On a beau lire les consignes se trouvant sur les enveloppes, l’appel du semeur-débutant-empressé est plus fort que tous les calendriers de semis du monde. On veut tout essayer de faire pousser et tout de suite. Radis, fèves grimpantes, concombres…Bah! Au diable l’attente, on essaye tout, ou presque! Et puis après, on se dit, qu’il y a tellement de petites graines dans ces sachets qu’il nous en restera certainement pour en planter dans le potager à l’extérieur. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, notre salon ressemble à un décor des aventures de Tarzan. Le clou du spectacle est les fèves grimpantes : ça porte bien son nom cette plante là! Ce n’est pas peu dire qu’on est en avance, on a même le temps de faire une mini récolte de fèves à l’intérieur avant de pouvoir transplanter nos plants dehors (parce qu’on fini tout de même par les déménager dehors malgré leur taille vénérable).

Pendant ce temps chez Josée et michel

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Habituellement, on consacre plutôt cette pratique aux cultures qui n’ont pas suffisamment de temps pour atteindre leur maturité lorsqu’elles sont semées directement en pleine terre. Mais je dois avouer que cela peut être excitant de manger des

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J’AI BIEN RIGOLÉ lorsque j’ai pris connaissance des expériences de semis de Tarzan et Jane, euh… de Michel et Josée plutôt! Personnellement, il ne me serait jamais venu à l’idée de démarrer des haricots dans la maison. Habituellement, on consacre plutôt cette pratique aux cultures qui n’ont pas suffisamment de temps pour atteindre leur maturité lorsqu’elles sont semées directement en pleine terre. Mais je dois avouer que cela peut être excitant de manger des haricots avant tout le monde. . Et puis, le résultat final que ces deux jardiniers débutants ont réussi à obtenir, soit un potager luxuriant, me porte à croire que ces derniers ont carrément un don pour le jardinage. Malgré tout, je crois que les recommandations qui suivent pourront vous aider à faire de vos expériences de semis un succès toujours plus grand d’année en année. De surcroît, vous économisez temps et argent et vous ne serez pas obligé d’utiliser une machette pour atteindre votre porte patio.

1. Pourquoi faire ses semis?

Au Québec, la saison de croissance est relativement courte. C’est pourquoi certaines

plantes légumières qui demandent plusieurs jours de croissance avant d’atteindre leur maturité doivent d’abord être semées bien au chaud à l’intérieur puis transplantées à l’extérieur lorsque le temps le permet. C’est le cas des tomates, des poivrons, des aubergines et de bien d’autres. Bien sûr, il est possible d’acheter de jeunes plants dans les jardineries, et c’est d’ailleurs ce que je recommande aux jardiniers débutants. Mais parallèlement, je vous suggère de commencer à vous familiariser avec le semis intérieur en commençant avec une variété de tomates, par exemple. Puis l’expérience aidant, si vous avez l’espace nécessaire, vous pourrez augmenter progressivement le nombre et la diversité des semis d’année en année. Dans quelques années, vous en viendrez peut-être à l’autonomie totale et vous n’aurez plus besoin d’acheter un seul plant. Attention : le fait de faire ses propres semis peut devenir une véritable passion et j’oserais dire que le danger croît avec l’usage! Rien d’étonnant lorsque l’on considère les nombreux avantages qu’offre cette pratique. Réaliser ses propres semis permet d’avoir accès à une diversité de plantes quasi illimitée. C’est loin d’être le cas si vous achetez vos plants puisque l’on retrouve presque toujours les mêmes variétés sur le

Les semis intérieurs en culture écologique

Chapitre 2 Les semis

Par Lili Michaud

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marché (en passant, une variété cultivée est aussi appelée un cultivar). En achetant des semences plutôt que des plants, vous accéderez à un choix incommensurable de cultivars. Savez-vous qu’il existe plusieurs milliers de cultivars de tomates? De plus, vous aurez accès à des semences ancestrales et des semences biologiques. Enfin, si tout comme moi vous adoptez des pratiques écologiques, vos plants se compareront à des plants bio, une autre rareté sur le marché. Une autre bonne raison pour faire ses propres semis concerne l’aspect économique. Pour le prix d’un seul plant acheté en jardinerie, vous pourrez en produire des dizaines… à condition toutefois de ne pas gaspiller vos semences. Une fois celles-ci utilisées, refermez bien le sachet à l’aide d’un trombone, et placez ce dernier dans un contenant hermétique en verre ou en plastique. Entreposez le contenant dans un endroit frais si possible (réfrigérateur ou chambre froide), ou à défaut dans une armoire où il y aura le moins de variation de température possible. Évitez d’entreposer vos semences dans le garage ou le cabanon. Dans de bonnes conditions et selon les variétés, les semences de plantes légumières se conservent de deux à dix ans et même plus. Enfin, la dernière motivation, et non la moindre, c’est que faire ses propres semis offre le plaisir de jouer dans la terre bien avant qu’il ne soit possible de le faire à l’extérieur. Alors que plusieurs jardiniers pestent contre l’hiver et n’attendent que la belle saison pour s’adonner à leur activité préférée, moi j’ai déjà de la terre sous les ongles dès le mois de février… ce qui me permet d’être beaucoup plus patiente.

2. Les semences

Lorsque vient le temps d’acheter des semences, je ne lésine pas sur la qualité. Pas question de me procurer des semences dans les magasins de grande surface. La plupart de ces semences ont été produites selon des pratiques qui ne correspondent pas à mes valeurs,

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le plus souvent à l’aide de pesticides et d’engrais de synthèse. De plus, ces semences sont la plupart du temps traitées avec un fongicide (non, ce n’est pas naturel des semences roses ou bleues fluo!) et elles ne sont pas toujours conservées dans les règles de l’art. Autant que possible, j’achète mes semences directement du producteur ou du distributeur sur internet, par la poste ou, mieux encore, lors des fêtes des semences. Je privilégie les semences bio et les semences ancestrales. Enfin, lorsque le temps presse, je me procure des semences dans une jardinerie locale. En cherchant bien, on peut parfois y trouver des semences bio produites par des producteurs québécois.

3. Le calendrier de semis La période pour effectuer les semis de plantes légumières s’étale de la mi-février à la fin mai. Les dates proposées sont basées sur la date du dernier gel prévu. Dans le tableau suivant, le 7 juin a été utilisé comme date de dernier gel. Évidemment, il faudra adapter ce tableau selon la date du dernier gel prévu pour votre région : par exemple pour le poivron, la période suggérée pour le semis intérieur s’étale du 15 au 31 mars, soit 10 à 12 semaines avant le 7 juin. Si la date du dernier gel se situe plutôt autour du 25 mai, la période de semis de poivron sera plutôt du 1er au 15 mars. Lorsqu’un système de transition telle une petite serre ou une couche froide est disponible entre la maison et le jardin, vous pourrez effectuer les semis au début de la période suggérée (15 mars pour le poivron). Autrement, il sera souhaitable de faire le semis à la fin de la période suggérée (30 mars pour le poivron). Dans tous les cas, évitez d’effectuer les semis trop tôt. Autrement les plants risquent de s’étioler (ils seront grêles, allongés et décolorés), avant que la température extérieure ne soit suffisamment clémente pour qu’ils soient plantés au jardin.

Le calendrier de semis de la plupart des plantes légumières, mais également quelques fines herbes et quelques fleurs annuelles, est présenté dans le tableau suivant. Le calendrier des semis intérieurs

Période de semis PlantesNombre de semaines avant la date du dernier gel prévu (7 juin comme dernier gel)14 à 16 semaines (15 au 28 février)

Artichaut, bégonia des plates-bandes, impatiente, romarin

12 à 14 semaines (1er au 15 mars)

Oignon, poireau

10 à 12 semaines (15 au 31 mars)

Aubergine, basilic, célosie, céleri, céleri-rave, cerise de terre, mélisse, piment, poivron, sarriette, sauge, souci, thym, tomate indéterminée, tomatillo

8 à 10 semaines (1er au15 avril)

Alysse, brocoli, chou-fleur, coriandre, lobélie, persil, pourpier, tagète, tomate déterminée

6 à 8 semaines (15 au 30 avril)

Amarante, chou pommé, chou de Brux-elles, chou kale, ciboulette, laitue*, marjo-laine, origan

4 à 6 semaines (1er au 15 mai)

Capucine, cléome, coléus gloire du matin, melon, tétragone

3 à 4 semaines (15 au 31 mai)

Concombre*, courge*, citrouille*

* Ces plantes légumières peuvent aussi être semées directement au jardin.

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4. Le matériel Avant de commencer vos semis intérieurs, vous aurez absolument besoin de vous procurer des semences, mais aussi des contenants et du terreau. Progressivement, vous pourrez ajouter différents objets. Certains sont très utiles, d’autres sont facultatifs.

4.1 Les contenants Vous trouverez sur le marché toute une panoplie de contenants pour démarrer les semis. Mais avant d’acheter de nouveaux contenants, regardez autour de vous : il y a sans doute plusieurs contenants que vous pourriez réutiliser. Faites d’abord l’inventaire des contenants dans lesquels vous avez acheté vos plants les années passées. Qu’il s’agisse de pots individuels ou de multicellules, si ce n’est pas déjà fait, lavez-les soigneusement avant de les utiliser. Puis regardez dans votre bac de récupération : les petits pots de yogourt ou de fromage ou encore les cartons de lait ou de jus pourront vous être utiles. Ceux que je préfère sont les caissettes de champignons, d’autant que ces contenants ne sont pas recyclables dans plusieurs municipalités. Dans tous les cas, assurez-vous que vos contenants sont propres et percez-en le fond à l’aide de la pointe d’un couteau ou d’un ciseau pour permettre l’évacuation de l’eau. Je recommande d’éviter l’achat des pastilles de tourbe : ces dernières comportent un terreau très pauvre et leur enveloppe met des années à se décomposer dans le sol ou le compost. Dans le même ordre d’idée, évitez les contenants de tourbe qu’on dit « biodégradables ». Le problème avec ces contenants est qu’ils ne se décomposent pas assez rapidement, ainsi les racines tardent à en sortir pour explorer le sol. De plus, cela vous oblige à racheter des contenants chaque année.

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Pour certaines plantes qui craignent la transplantation comme les concombres, les courges et les gloires du matin, confectionnez vos propres contenants biodégradables à l’aide de papier journal et d’un « PotMaker ». Vous pourrez également utiliser des rouleaux de papier hygiénique. Dans les deux cas, vos plants pourront séjourner dans ces contenants au maximum trois à quatre semaines avant d’être transplantés au jardin.

4.2 Les terreaux Pour démarrer vos semis, vous aurez le choix entre faire l’achat de terreaux commerciaux ou préparer vos propres terreaux. Si vous débutez et que vous prévoyez démarrer quelques plants de tomates, l’achat d’un terreau sera pratique. Par contre, si comme moi vous visez l’autonomie, et que vous démarrez près d’une centaine de plants chaque année, vous avez tout avantage à faire vos propres terreaux. Ça sera un geste « éconologique » comme je les aime, soit à la fois économique et écologique!

4.2.1 Les terreaux commerciaux Vous aurez idéalement besoin de deux types de terreaux, soit un terreau à semis et un terreau à transplantation. Dans les deux cas, optez pour

un terreau qui ne contient que des ingrédients naturels ou mieux un terreau accepté pour la culture biologique. Dans le doute, consultez l’étiquette et assurez-vous qu’il ne contient que des ingrédients naturels : tourbe de sphaigne, perlite, vermiculite, sable, chaux, engrais naturel, compost. Évitez les terreaux qui contiennent les ingrédients de synthèse suivants : engrais chimiques, cristaux de rétention d’eau et agents mouillants. Si vous préférez acheter un seul terreau, il faudra amender celui-ci en conséquence. Par exemple, si vous achetez un terreau à semis, vous devrez l’enrichir avec du compost pour le transformer en terreau de transplantation. Par contre, si vous achetez un terreau à transplantation, vous pourrez alléger celui-ci en lui ajoutant de la vermiculite pour le transformer en terreau de semis.

4.2.2 Les terreaux de fabrication maison Il existe de nombreuses recettes de terreaux de fabrication maison. Je vous propose ici trois recettes de terreaux à semis et trois autres de transplantation. Personnellement, j’utilise les terreaux A et D depuis de nombreuses années et j’obtiens de bons résultats. De plus, je n’ai jamais de fonte des semis, une maladie dont je traiterai plus loin.

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4.2.2.1 Les terreaux à semis Terreau A : 3 parties de compost, 6 parties de vermiculite, 1 partie de sable Terreau B : 2 parties de compost, 4 parties vermiculite, 4 parties de perlite Terreau C : 3 parties de compost, 7 parties de vermiculite ou de perlite

4.2.2.2 Les terreaux de transplantation

Terreau D : 5 parties de compost, 4 parties de vermiculite, 1 partie de sable Terreau E : 6  parties de compost, 2 parties de perlite, 2 parties de vermiculite Terreau F : 5 parties de compost, 5 parties de vermiculite ou de perlite Pour la fabrication de vos propres terreaux ou pour amender vos terreaux commerciaux, utilisez un compost commercial de qualité ou du vermicompost. Si vous utilisez votre compost domestique, assurez-vous que celui-ci soit bien mûr. Idéalement, traitez-le à la chaleur de la façon suivante : après avoir humidifié votre compost, mettez-le au four à 95 C (200 F) durant une heure. Cela pourrait éviter d’introduire des maladies qui risquent d’être fatales pour vos jeunes semis.

4.3 Le matériel utile Pour faciliter le travail, vous aurez besoin de:- un arrosoir muni d’un long manche et d’une buse à jet fin;- un vaporisateur manuel;- des plateaux de culture;- une ou plusieurs mini serres. Les mini serres que l’on retrouve sur le

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marché comprennent habituellement un plateau de culture, un couvercle transparent et des multi cellules. Mais vous pourrez aussi fabriquer vos propres mini serres en utilisant des contenants transparents récupérés (comme ceux dans lesquels on vend des laitues ou encore des boîtes d’œufs en plastique transparent) ou des sacs de plastique transparents;- des étiquettes de plastique ou de bois (pensez à récupérer les stores en plastique, les contenants de plastique blanc ou les bâtonnets de bois des sucettes glacées);- un crayon de plomb ou un marqueur à l’encre indélébile et résistante aux rayons UV;- des petits outils : cuillère, couteau, fourchette, ciseaux;- un engrais d’algues.

4.4 Le matériel facultatif Si après en avoir fait l’expérience au moins une fois, vous ne vous contentez plus de démarrer quelques plants de tomates sur le rebord d’une fenêtre, vous pourrez ajouter progressivement le matériel suivant : · Un système de fluorescents (j’y reviendrai);· Un ventilateur (pour imiter le vent et ainsi fortifier les plants quelques semaines avant leur sortie à l’extérieur);· Un ou plusieurs tapis chauffants (pour la germination des semences);· Des pièges collants jaunes (pour contrôler les problèmes de petites mouches);· Un thermomètre/hygromètre d’intérieur.

5. Les conditions environnementales Tout comme nous, les jeunes semis se développeront adéquatement dans des conditions environnementales adéquates : il faudra donc porter une attention spéciale à l’éclairage, à l’humidité, à la température et à l’aération.

5.1 L’éclairage naturel ou artificiel Vous avez au moins une grande fenêtre qui est orientée au sud ou à l’ouest et vous ne craignez pas de l’encombrer? Bravo! Vous pourrez y installer vos petits protégés et ainsi bénéficier de l’éclairage naturel gratuit. Pour améliorer la luminosité, vous pouvez placer un panneau blanc du côté opposé à la lumière. Et pensez à tourner régulièrement vos semis, autrement ceux-ci auront un fort penchant vers la fenêtre. Toutefois, vous devriez oublier les semis d’oignons et de poireaux et ne démarrer que les plantes qui peuvent être semées à compter de la mi-mars telles que les tomates. Avant cette date, l’ensoleillement n’est pas suffisant. Vous manquez d’espace devant vos fenêtres pour y installer vos semis de plus en plus nombreux? Qu’à cela ne tienne, vous pourrez installer un système d’éclairage artificiel à peu près n’importe où dans la maison, et ce, à peu de frais. Il y a de nombreuses années, lorsque j’ai pensé à me convertir sérieusement à l’éclairage artificiel, je regardais avec envie les étagères à semis vendues dans les commerces. Je ne me décidais pas à débourser plus de 500 $ pour ce système qui ne servirait que quelques semaines par année. C’était avant que je ne comprenne qu’il me suffisait de me procurer en quincaillerie les éléments pour fabriquer mon propre système… pour une fraction du prix d’une étagère vendue en magasin.

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Pour aménager votre système vous aurez besoin de : · un ballast pour tubes fluorescents de 48 pouces;· deux tubes fluorescents de 48 pouces, dont un blanc froid (cool white) et un blanc chaud (warm white). Inutile d’acheter les tubes fluorescents spécialement conçus pour les plantes dont le coût est exorbitant;· deux chaînes et deux crochets solides pour accrocher votre système au plafond;· une minuterie. Vous pourrez installer le tout au plafond, au-dessus d’une grande table ou d’un comptoir. Si vous êtes bricoleur, vous pourrez aussi fabriquer une jolie étagère à plusieurs étages en bois. Dans tous les cas, assurez-vous que la hauteur des fluorescents puisse s’ajuster. Selon les besoins, elle pourra varier de 15 à 30 centimètres au-dessus des plants. Enfin, il ne vous restera qu’à programmer le nombre d’heures d’éclairage à l’aide de la minuterie, l’idéal étant de 14 heures par jour.

5.2 L’humidité Le taux d’humidité doit demeurer élevé, soit entre 80 et 90 %, et ce particulièrement lors de la germination. Pour ce faire, plusieurs options sont possibles :· couvrez les jeunes semis avec un plastique transparent ou une vitre;· vaporisez régulièrement les jeunes plants avec de l’eau;· placez un humidificateur dans la pièce.

5.3 La température Pour la germination, une température de 21 à 25 degrés Celsius est souhaitable. Puisque la température de nos intérieurs est habituellement plus basse, l’idée est de trouver un endroit chaud. Le dessus du

réfrigérateur, du congélateur ou d’un radiateur peut parfois faire l’affaire. Pendant de nombreuses années, j’ai utilisé le dessus du réfrigérateur qui était relativement chaud pour démarrer mes semis. Tout allait bien jusqu’à ce que je change mon vieux réfrigérateur pour un plus récent… heureusement moins énergivore. Après l’avoir mis de côté durant la première année, je me suis finalement rabattue sur un tapis chauffant qu’une bonne amie m’a offert. Moi qui ne suis pas trop attirée par ce genre de gadget, je dois avouer que je suis maintenant accro. Une fois que la germination est amorcée, la température idéale pour les semis se rapproche de la température intérieure normale pour le jour, soit 21° C. Durant la nuit, si vous le pouvez, abaissez la température à 15° C.

5.4 L’aération Pour éviter les maladies fongiques, assurez à vos jeunes semis une bonne aération en tout temps. Une fois qu’ils auront atteint une taille respectable (soit approximativement 4 centimètres), vous pourrez installer un ventilateur à proximité. Ce dernier imitera la présence du vent et, de ce fait, augmentera la robustesse des plants.

6. Le semis… enfin, on passe à l’action! Avant toute chose, préparez vos étiquettes d’identification (il n’y a rien qui ressemble le plus à un petit plant de tomate qu’un autre petit plant de tomates d’un cultivar différent). Puis, humidifiez légèrement le terreau et placez-le dans les contenants. Égalisez et pressez légèrement (j’utilise à cet effet une petite planchette de bois dont la dimension correspond à une caissette de champignons, le contenant que j’utilise le plus souvent). Enfin, effectuez le semis en procédant selon l’une ou l’autre des techniques suivantes selon qu’il s’agit de petites semences

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qu’il est pratiquement impossible de semer une à une, ou de plus grosses semences. Pour les très petites graines, effectuez un semis à la volée et recouvrez les graines d’une très mince couche de terreau, puis pressez légèrement sur le tout. Pour les graines de taille moyenne, tracez un sillon ou faites des petits trous à l’aide d’un crayon ou du manche d’une cuillère à la profondeur requise. De façon générale, la profondeur devrait correspondre à deux fois la grosseur de la graine. Déposez les graines une à une dans le sillon ou une à deux graines par trou, et couvrez de terreau. À noter que certaines graines de fleurs germent en présence de lumière. Elles ne doivent donc pas être recouvertes de terreau. C’est le cas des bégonias et des impatientes. Humidifiez à l’aide d’un vaporisateur. Recouvrez d’un plastique transparent, d’une vitre ou d’un dôme (mini serre). Placez le tout dans un endroit chaud. Par exemple, sur le dessus du réfrigérateur ou sur un tapis chauffant. À cette étape, l’éclairage n’est pas nécessaire pour la plupart des plantes légumières. Aussitôt que vous observez les premières pousses, placez les contenants à la lumière. Surveillez les besoins en eau. Attention aux excès! S’il se forme des gouttelettes d’eau à l’intérieur du couvercle, entrouvrez celui-ci. Lorsque les plants touchent le couvercle, enlevez-le.

7. L’entretien 7.1 L’éclaircissage et le repiquage Il est temps de procéder au repiquage ou à l’éclaircissage lorsque les plants commencent à se toucher. Le principe est de s’assurer que les plants ont l’espace nécessaire pour se développer. L’éclaircissage sera requis dans les cas où le semis a été fait à la volée ou encore lorsque les jeunes plantules demeurent dans le même contenant jusqu’à la transplantation au jardin. Il pourra également être pratiqué lorsque l’on a semé plus d’une graine par alvéole ou deux graines dans un même trou parce que l’on doutait du pouvoir germinatif de nos graines. L’éclaircissage consiste à couper les jeunes plantules au sol, de façon à ne garder qu’un seul plant par alvéole ou encore un plant à tous les 2 à 5 cm. Font

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exception le poireau et l’oignon, qui pourront être beaucoup plus tassés (approximativement un plant à tous les centimètres). Le repiquage s’effectue à partir du moment où les jeunes plants possèdent au moins deux vraies feuilles. On doit effectuer le repiquage dans un terreau de transplantation, plus riche que le terreau de semis. Avant toute chose, assurez-vous de bien humidifier le terreau des plants à repiquer. Manipulez les jeunes plants avec soin en les tenant par une feuille (jamais par la tige) et en supportant les racines à l’aide d’une cuillère ou d’un crayon. Enfoncez le jeune plant jusqu’aux cotylédons. À noter qu’il faut parfois faire deux repiquages comme dans le cas des tomates, si elles ont été semées tôt. Le repiquage permet d’utiliser toutes les graines qui ont germé. Les jeunes plants qui ne nécessitent pas de repiquage comme l’oignon et le poireau peuvent être taillées du tiers, au besoin. Certaines plantes ne doivent pas être repiquées, car elles ont des racines fragiles. C’est le cas des courges, des melons, de la gloire du matin et de la capucine. Il est préférable que le semis de ces plantes soit effectué dans un contenant biodégradable qui sera planté directement au jardin.

7.2  L’arrosage Dans tous les cas, utilisez de l’eau tiède qui a reposé durant au moins 24 heures afin que le chlore se soit évaporé. Les premiers jours suivant le semis, assurez-vous que la surface du terreau demeure constamment humide en l’arrosant à l’aide d’un vaporisateur manuel. Puis, lorsque les jeunes plants commencent à s’enraciner, humidifiez le terreau par la base en ajoutant 1 à 2 cm d’eau dans le plateau. Après une heure, enlevez le surplus d’eau du plateau (j’utilise une poire à jus). Enfin, lorsque les plants sont plus robustes, il est possible de les arroser par le dessus à l’aide d’un arrosoir à jet fin.

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7.3  La fertilisation Durant les deux ou trois premières semaines suivant le semis, il n’est pas nécessaire de fertiliser les jeunes semis. Par la suite, on peut effectuer une fertilisation d’appoint à l’aide d’un engrais naturel d’algues. La fréquence de fertilisation dépendra de la qualité du terreau (plus il est riche, moins la fertilisation est importante) et de l’exigence des plantes (les tomates sont beaucoup plus exigeantes que les oignons). Je fertilise habituellement mes tomates aux deux semaines et à deux reprises avant leur transplantation définitive au jardin.

8. La fonte des semis La fonte des semis est une maladie qui affecte les jeunes plants. Elle est causée par un champignon qui prolifère en surface du terreau. Les symptômes qui apparaissent soudainement sont très souvent fatals. Les jeunes pousses se couchent d’abord sur le côté, comme si la base de la tige avait été pincée, puis elles meurent.

Pour éviter le problème :· utilisez un terreau de qualité;· utilisez des contenants propres;· faites attention aux excès d’arrosage;· procurez aux semis une température adéquate et une bonne aération.

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9. La transition vers l’extérieur Avant leur installation définitive au jardin ou dans de gros pots sur le balcon, les jeunes plants ont avantage à être acclimatés progressivement aux conditions environnementales extérieures. Autrement, ils risquent d’importants dommages causés par le soleil, le froid ou le vent. Une semaine avant leur transplantation, sortez les jeunes plants le jour et rentrez-les le soir. Pour commencer, placez-les dans un endroit où ils seront à l’abri des grands vents et à l’ombre. Déplacez-les progressivement au soleil. Laissez-les enfin près de leur emplacement définitif durant les deux ou trois dernières nuits avant leur transplantation. Si un système de transition telle une petite serre ou une couche froide est disponible, les plantes pourront être transférées dans ces installations de trois à six semaines avant leur transplantation au jardin. Si c’est le cas, installez une ombrière (j’utilise une toile flottante) sur les jeunes plants durant les premiers jours. Et surveillez la météo quotidiennement, car un gel pourrait leur être fatal. Au besoin, prévoyez un système de chauffage d’appoint ou, si nécessaire, entrez vos petits protégés dans la maison.

10. L’ambition du débutant Vous l’aurez deviné, faire mes semis est devenu une vraie passion pour moi. Même que j’oserais dire que « potager » rime avec « semis ». Malgré cela, je ne saurais trop appuyer sur l’importance d’y aller progressivement dans votre apprentissage des semis. Commencez par quelques plants de tomates, il sera toujours temps de grossir la famille dans les années à venir. Même si ça n’a pas été le cas pour Michel et Josée, je connais trop de jardiniers qui ont été déçus de leurs premières expériences de semis et qui ont malheureusement recommencé à acheter tous leurs plants, soit parce qu’ils n’avaient pas obtenu une qualité de plants intéressante ou au contraire, parce qu’ils ont été carrément envahis. Apprendre à faire ses propres semis, c’est un peu comme apprendre à être parent. C’est à la fois fascinant et effrayant. On est un peu gauche et stressé au début, puis progressivement on prend de l’assurance. Tout devient plus facile, du changement de couche à la discipline. Et puis on s’attache tellement à « ces petites bêtes-là ». En terminant, je vous souhaite beaucoup de plaisir avec vos futurs bébés!