Le Poiscaille #2

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mensuel 1 ère année mars 2010 n°2 http://lepoiscaille.blogspot.com ÉDITO C hers lecteurs, une information on ne peut plus précieuse est tombée en ce début de mois. Forbes, le magazine préféré des friqués de la planète, a publié la liste des milliardaires du monde pour l’année 2010. En tête de classement trône le Mexicain Carlos Slim. Ce gros magnat des télécommunications est assis sur 53,5 milliards de dollars (39,3 milliards d’euros) et talonne Bill Gates de quelque 500 millions de dollars. Au Poiscaille, une question taraude les esprits. Qu’est-ce que des richards comme eux foutent avec un tel pognon dans les poches ? Ils se mouchent dans leurs biftons ? Évidemment, pour les Slim, Gates, Buffet et autres Arnault, ce fric est recapitalisé, circule, paie le Pétrus des dîners et sert à asseoir une position dominante dans un domaine d’activités. À l’heure où Haïti, le Chili ou la Turquie subissent de plein fouet les soubresauts de la planète, le pognon restera irrémédiablement dans la poche des grandes fortunes mondiales. Alors que faire ? Cracher sur la toute puissance du pèze. Attendre nerveuse- ment que ces crapules pleines aux as, égoïstes, se retrouvent Gros-Jean comme devant après avoir reçu une bonne tarte dans la gueule. Car c’est sans doute la seule façon de les faire descendre de ce foutu piédestal dressé par l’accumulation crasse du capital. Vive l’entartage ! Gloire à la tarte ! Chers marins d’eau douce, Noël Godin squatte ce deuxième Pois- caille. Dévorez l’entretien que l’un des plus célèbres gibiers de potence belges a eu la gentillesse d’accorder. Zyeutez aussi la vidéo disponible sur notre site Web. Bon amusement. séba le barracuda Je m’empresse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. beaumarchais « Du sexe, du sang , et un café ! » D u sexe, du sang, et un café ! ». Voilà ce que m’a dit mon poiscaille de rédac’ chef une belle matinée d’hiver. Et de continuer, d’une verve digne de l’inspec- teur Harry : « On va hacher La DH, noyer La Meuse et décapiter Le Canard enchaîné ». Du sexe, du sang, et un café. Il faut prendre le lec- teur aux tripes, l’appâter avec du nu et lui faire cracher ses deniers. « Si le lecteur de La DH ne vient pas à nous, c’est nous qu’on va aller à lui », me glissa-t-il entre deux pintes d’eau de mer. Mon bon sens m’ayant malheureusement empêché de faire un stage à La DH durant mes années d’études, j’ai dû me procurer ur- gemment l’excellent ouvrage Analyses et ré- flexions étymologiques des conceptions populistes de la presse de masse : l’angoisse agoraphobique du lectorat xénophobe de La Dernière Heure, de l’éminent Pascal Durand. Du sexe, du sang, et une aspirine. Les ressorts d’une presse de bas étage sont simples : du foot, des filles fa- ciles et d’antipathiques étrangers mangeurs de kebabs. N’ayant pas assez d’énergie que pour vous commenter le match FC Silicone – RSC Djihad (0 – 1 pour les intégristes à barbe lon- gue, pour information), j’ai préféré tenter de comprendre les rouages d’une feuille de chou à sensations comme La Dernière Heure. Pour faire un bon papier pour La DH, il vous faut : un Belge bien sous tous les rapports (supporter du Standard ou d’Anderlecht), un Arabe mangeur de kebabs (ou, à défaut, une personne de type maghrébin), une arme du crime insolite (un téléphone hallal, un fer à repasser hallal, une DeLorean hallal, une tondeuse à gazon autoportée hallal ...), une agression aussi sauvage qu’inutile et le plus de détails sordides possible. Exemple : « sensa- tionnel : Les photos sanglantes et macabres de la mort de Kévin, 18 ans, joueur au FC Tartempion sur Meuse, tué à coups de crayon par Hassan, clandestin d’origine turque man- geur de kebabs ». Sans commentaire. On en rit plus qu’on en pleure. Mais si vous, merveilleux lecteurs de notre mer- veilleux Poiscaille, avez l’intelligence nécessaire pour faire usage de vos deux hémisphères cé- rébraux en même temps, sachez que ce luxe est hors d’atteinte de nombreux lecteurs de journaux populaires tels La DH. Et que ceux- ci se terrent chez eux, lumières éteintes, volets fermés, arme à la main, terrifiés par la barbarie de l’extérieur, par toute cette violence apportée chez nous par ces islamistes mangeurs de ke- APPEL AUX TALENTS LIÉGEOIS ! Pour illustrer ses pages, Le Poiscaille recherche activement des dessinateurs et des caricaturistes liégeois désireux de participer, sporadiquement ou de façon plus régulière, à la réalisation des numéros prochains. Que les férus des Idées noires de Franquin, les émules de Cabu, Reiser, Siné, Kroll, Vadot et des autres se manifestent au plus vite ! Envoyez vos œuvres à [email protected]. Promis, on dépouillera tout ça et on vous recontactera. BABEL FISH babs ! Et puisque le lectorat est là, puisque ces gens veulent savoir qui a été tué récemment et être confortés dans leurs idées xénophobes, la presse suit. La presse ajoute. La presse raf- fole. La peur du noir remplace la peur de la page blanche. La presse s’affole. C’est lorsque le journaliste oublie qu’il doit élever les esprits plutôt que de conforter les idées reçues que le monde devient fou. Du sexe, du sang, et un Prozac. mélon le diodon séba le barracuda mélon le diodon

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Webzine satirique aux dents dures

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mensuel ● 1ère année ● mars 2010 ● n°2http://lepoiscaille.blogspot.com

ÉDITO

C hers lecteurs, une information on ne peut plus précieuse est tombée

en ce début de mois. Forbes, le magazine préféré des friqués de la planète, a publié la liste des milliardaires du monde pour l’année 2010. En tête de classement trône le Mexicain Carlos Slim. Ce gros magnat des télécommunications est assis sur 53,5 milliards de dollars (39,3 milliards d’euros) et talonne Bill Gates de quelque 500 millions de dollars.Au Poiscaille, une question taraude les esprits. Qu’est-ce que des richards comme eux foutent avec un tel pognon dans les poches ? Ils se mouchent dans leurs biftons ?Évidemment, pour les Slim, Gates, Buffet et autres Arnault, ce fric est recapitalisé, circule, paie le Pétrus des dîners et sert à asseoir une position dominante dans un domaine d’activités. À l’heure où Haïti, le Chili ou la Turquie subissent de plein fouet les soubresauts de la planète, le pognon restera irrémédiablement dans la poche des grandes fortunes mondiales.Alors que faire ? Cracher sur la toute puissance du pèze. Attendre nerveuse-ment que ces crapules pleines aux as, égoïstes, se retrouvent Gros-Jean comme devant après avoir reçu une bonne tarte dans la gueule. Car c’est sans doute la seule façon de les faire descendre de ce foutu piédestal dressé par l’accumulation crasse du capital. Vive l’entartage ! Gloire à la tarte ! Chers marins d’eau douce, Noël Godin squatte ce deuxième Pois-caille. Dévorez l’entretien que l’un des plus célèbres gibiers de potence belges a eu la gentillesse d’accorder. Zyeutez aussi la vidéo disponible sur notre site Web.Bon amusement.

séba le barracuda

Je m’empresse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. beaumarchais

« Du sexe, du sang, et un café ! »D u sexe, du sang, et un café ! ». Voilà ce

que m’a dit mon poiscaille de rédac’ chef une belle matinée d’hiver. Et

de continuer, d’une verve digne de l’inspec-teur Harry : « On va hacher La DH, noyer La Meuse et décapiter Le Canard enchaîné ». Du sexe, du sang, et un café. Il faut prendre le lec-teur aux tripes, l’appâter avec du nu et lui faire cracher ses deniers. « Si le lecteur de La DH ne vient pas à nous, c’est nous qu’on va aller à lui », me glissa-t-il entre deux pintes d’eau de mer.

Mon bon sens m’ayant malheureusement empêché de faire un stage à La DH durant mes années d’études, j’ai dû me procurer ur-gemment l’excellent ouvrage Analyses et ré-flexions étymologiques des conceptions populistes de la presse de masse : l’angoisse agoraphobique du lectorat xénophobe de La Dernière Heure, de l’éminent Pascal Durand. Du sexe, du sang, et une aspirine. Les ressorts d’une presse de bas étage sont simples : du foot, des filles fa-ciles et d’antipathiques étrangers mangeurs de kebabs. N’ayant pas assez d’énergie que pour vous commenter le match FC Silicone – RSC Djihad (0 – 1 pour les intégristes à barbe lon-gue, pour information), j’ai préféré tenter de comprendre les rouages d’une feuille de chou

à sensations comme La Dernière Heure.Pour faire un bon papier pour La DH, il

vous faut : un Belge bien sous tous les rapports (supporter du Standard ou d’Anderlecht), un Arabe mangeur de kebabs (ou, à défaut, une personne de type maghrébin), une arme du crime insolite (un téléphone hallal, un fer à repasser hallal, une DeLorean hallal, une tondeuse à gazon autoportée hallal ...), une agression aussi sauvage qu’inutile et le plus de détails sordides possible. Exemple : « sensa-tionnel : Les photos sanglantes et macabres de la mort de Kévin, 18 ans, joueur au FC Tartempion sur Meuse, tué à coups de crayon par Hassan, clandestin d’origine turque man-geur de kebabs ». Sans commentaire.

On en rit plus qu’on en pleure. Mais si vous, merveilleux lecteurs de notre mer-veilleux Poiscaille, avez l’intelligence nécessaire pour faire usage de vos deux hémisphères cé-rébraux en même temps, sachez que ce luxe est hors d’atteinte de nombreux lecteurs de journaux populaires tels La DH. Et que ceux-ci se terrent chez eux, lumières éteintes, volets fermés, arme à la main, terrifiés par la barbarie de l’extérieur, par toute cette violence apportée chez nous par ces islamistes mangeurs de ke-

APPEL AUX TALENTS LIÉGEOIS !Pour illustrer ses pages, Le Poiscaille recherche activement des dessinateurs et des caricaturistes liégeois désireux de participer, sporadiquement ou de façon plus régulière, à la réalisation des numéros prochains. Que les férus des Idées noires de Franquin, les émules de Cabu, Reiser, Siné, Kroll, Vadot et des autres se manifestent au plus vite ! Envoyez vos œuvres à [email protected]. Promis, on dépouillera tout ça et on vous recontactera.

BABEL FISH

babs ! Et puisque le lectorat est là, puisque ces gens veulent savoir qui a été tué récemment et être confortés dans leurs idées xénophobes, la presse suit. La presse ajoute. La presse raf-fole. La peur du noir remplace la peur de la page blanche. La presse s’affole. C’est lorsque le journaliste oublie qu’il doit élever les esprits plutôt que de conforter les idées reçues que le monde devient fou. Du sexe, du sang, et un Prozac. •mélon le diodon

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Et Homer Simpson se fit entarter

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le poiscaille ● mars 2010 ● n°2

L’ entartage, Noël Godin en a fait une spécialité maison. Cet art, motivé par la formule « Il n’est

question que de faire bobo à l’ego exa-cerbé de nos victimes », il l’exerce depuis 1968. Anarchiste et agitateur dans l’âme, Georges Le Gloupier (son surnom), 65 ans au compteur, continue d’envoyer ses douceurs aux plus crémeux de l’intelli-gentsia médiatique (Patrick Poivre d’Ar-vor, Jean-Pierre Elkabbach), aux tout-puissants (Bill Gates, Nicolas Sarkozy) et aux pompeux cornichons (BHL). Et toque.Le Poiscaille : Pourquoi, à notre époque, faut-il continuer à être subversif ?Noël Godin : Ou bien on est joyeusement subversifs, ou bien on est un paillasson, un sinistre esclave soumis face aux lois, aux dik-tats, aux absurdités et on n’a pas le choix. Ou alors, on s’aime suffisamment que pour se battre contre tout ce qui nous empêche d’être nous-mêmes : les espèces d’interdits, de ta-bous et de contraintes. Ou bien on joue le jeu crapoteusement du système, on accepte de s’investir dans des rôles qui n’ont aucun rapport avec nos véritables désirs. On ac-cepte de devenir un visqueux cancrelat. Tout ou rien, à l’attaque !Vous êtes bien évidemment célèbre pour vos multiples entartages. Dans quelle gueule avez-vous pris le plus de plaisir à foutre une bonne tarte ?Je ne regrette aucun de mes entartements. Bien sûr, mon préféré reste la victime per-pétuelle : Bernard Henri-Lévy. Les sept fois qu’il a été entarté, il a répondu par des coups de poing et par une colère énorme, qui nous fait pleurer de rire. C’est lui qui nous réjouit le plus, car il est une telle concentration de ridicule, de nombrilisme total et de narcis-sisme. Il incarne les pouvoirs proprement dits qui se mordent la queue. On ne peut pas rêver cible plus idyllique que BHL.Dans notre petit pays, quelles personnali-tés devraient ramasser ?En Belgique devraient bientôt y passer l’ar-chimillionnaire rapiat Albert Frère et surtout Mgr Léonard, qui incarne l’intégrisme le plus gélatineux. Il est anti-homo, anti-capotes, anti-avortement. Cet abominable étron se retrouve à la tête de l’Église belge. On va bien sûr lui réserver des tours ...L’entartage a-t-il fait des émules de par le monde ?Il s’est réellement répandu à travers le monde. C’était notre objectif. On sait qu’on entarte un peu partout, car on n’arrête pas d’être contactés. Ça vient de tous les continents. J’ai reçu un coup de fil l’autre jour : « Je viens d’entarter le Premier ministre en Pologne. Puis-je entrer dans l’Internationale Pâtissière  ?  » Une autre fois, c’était en pleine conférence des Nations unies : Michel Camdessus, le président de la Ligue internationale moné-

taire, s’est fait entarter et on l’a vu sur CNN. Ça se répand « inouiement » !Que risque un entarteur ?Ça se passe différemment selon chaque pays. La Belgique est l’un des rares pays où, jusqu’à présent, personne n’a été condamné. On peut procéder impunément. J’ai été plusieurs fois contacté par des commissaires de police pour me demander combien je voulais pour entar-ter le chef au bal de la police. Je leur ai dit que je n’étais pas un mercenaire de la tarte et que je n’entarte pas sur commande. En Belgique, plusieurs flics et juges sont amusés par nos facéties pâtissières.En France, on a été condamnés salement. Au Canada, les entartistes — qui en sont à leur 19ème ministre — ont été condamnés à des travaux d’utilité publique et aux États-Unis nos amis des BBB (Biotic Baking Brigade) ont été condamnés à six mois de prison ferme pour avoir entarter le maire de San Francisco, connu pour ses répressions anti-SDF.

Qu’est-ce qui vous répugne le plus dans le monde actuel ?C’est un monde aux mains des marchands, évidemment. L’autorité fait la loi et je suis pour qu’on en finisse avec toute forme d’autorité, de pouvoir hiérarchisé et de contraintes. Je ne crois qu’à la liberté absolue, totale et rigolote.De quoi êtes-vous le plus fier ?Je suis content d’avoir sorti mon Anthologie de la subversion carabinée, qui est une forme d’entartage littéraire et qui compile les textes les plus révoltés que j’ai pu trouver dans toutes les époques et dans tous les pays. Je suis très content que cette bombe existe. Je suis également très content qu’on ait pu en-tarter Bill Gates. On n’en revient toujours

pas qu’on ait pu arriver jusqu’à lui ! J’insiste également sur le fait que je ne suis pas seul pour entarter, mais qu’il existe tout un équi-page flibustier et qu’il n’y a pas de chef.Croyez-vous en une prochaine révolution ?Je pense que tout peut arriver, que tout est possible. Personne n’avait pronostiqué Mai 68. Aujourd’hui, les conditions sont beau-coup plus corsées. Ça dépend du peuple en colère : jusqu’où va-t-il aller ? On verra bien si une véritable révolution éclate bientôt.Nous tenons de plus en plus à nos acquis, à notre confort. Pensez-vous que l’on ar-rivera à quitter tout ça pour remettre le système en cause ?En même temps, il apparaît de plus en plus évident que nos acquis sont de faux acquis. À peu près personne n’arrive à réaliser ses vrais désirs dans le système. La plupart des gens autour de nous sont des gens malheureux, car ils n’ont pas su s’accomplir eux-mêmes d’une façon ou d’une autre. Peut-être que les mécontentements vont prendre forme et se transmuer en une authentique insurrection collective, qui fera tout péter pour tout réin-venter à la lumière des désirs explosés.Selon vous, qu’est-ce qu’une publication comme Le Poiscaille peut apporter ?Toute publication satirique peut apporter, car elle peut aider les gens à se tourner eux-mêmes en dérision, ainsi que les lois et les autorités qui les entourent. Le pouvoir ne subsiste que grâce à la peur qu’il entretient dans les gens. Les humoristes ont un rôle de détonateurs. Christophe Alévêque, Sté-phane Guillon ou mes amis Grolandais ont un rôle capital aujourd’hui, car ils nous aident à comprendre qu’on peut tout se permettre, qu’on peut faire la nique aux tout-puissants et se foutre totalement de leur gueule. Si nous sommes de plus en plus nombreux à le faire, ce que peuvent nous aider bougrement des magazines satiriques, les pouvoirs vont s’effondrer d’eux-mêmes.Quand vous reverra-t-on à l’écran ?Je suis un très médiocre acteur. J’accepte de tourner dans les films des potes ci et là. Benoît Poelvoorde a dit que j’étais le plus la-mentable acteur de la planète au point que c’en était fascinant.Dans Camping Cosmos de Jan Bucquoy, il se repassait en boucle les scènes de moi telle-ment il trouvait ça «  fascinant  ». D’ailleurs, mes amis Benoît Delépine et Gustave Ker-vern (Aaltra, Louise-Michel, Avida) ont ré-solu l’un de leurs grands problèmes. Comme on s’entend très bien, ils avaient envie de me faire jouer dans leur dernier film (Mammuth, ndlr), mais savaient que j’étais un risque total pour le film tellement je suis mauvais. Du coup, j’interprète une statue de l’entarteur dans le film.

propos recueillis par séba le barracuda

Noël Godin : « Je ne crois qu’à laliberté absolue, totale et rigolote »

À BÂTONS ROMPUS

Retrouvez l’intégralité decet entretien en vidéo surhttp://lepoiscaille.blogspot.com

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le poiscaille ● mars 2010 ● n°2

SANS FILET

LES DENTS DE L’AMER

Le prix de l’info pour l’info à tout prix

platitude

A aaah, les César ... La cérémonie qui ré-compense le cinéma chiant ! L’occasion de faire un bilan de l’année cinéma-

tographique française. Alors déjà nos voisins n’ont produit que cinq films ... Un Prophète, À l’origine, Le Concert, Welcome et Les Beaux Gosses. Que des films à se tordre la mâchoire, des films drôles, divertissants, la crème de la crème. Bon, Les Beaux Gosses fait un peu tache dans cette sélection de films à pleurer ... de rire.

Au début, j’ai eu un peu peur. Je dois bien l’avouer. J’ai cru que je m’étais trompé d’événe-ment. En entendant les noms des premiers ré-compensés, la vision que j’avais du bon Français en a pris un coup. Franchement, au lieu de faire une grande réflexion sur l’identité nationale, le brave Éric Besson aurait juste dû regarder les César ; c’est très révélateur.

Toute la soirée, j’ai eu une certaine tendresse pour Valérie Lemercier et Gad Elmaleh. Je me suis demandé ce qu’ils avaient bien pu faire de si horrible pour être punis de la sorte. Essayer de faire rire un parterre d’ego surdimensionnés tous venus avec leur balai, c’est clairement pas un cadeau.

Puis on a eu un joli défilé pour remettre les statuettes en or recyclé. Deux ont retenu mon attention. D’abord Laetitia Casta. C’était étrange cette espèce de bouée qu’elle avait à la

taille ... Non mais sérieusement je suis quand même impressionné. Tout le monde parle de la transparence de sa robe mais personne, même pas la SPA, ne semble scandalisé qu’elle ait tué ses caniches pour la faire ! Si elle avait tué un banc de thons rouges, tout le monde se serait indigné ; la rédaction du Poiscaille la première, bien entendu.

Et comment parler des César sans parler de la présidente de cette merveilleuse cérémonie : Marion Cotillard. Elle a été sublime, pleine de naturel, super sympa, non vraiment rien à redire. Elle avait pas du tout l’air dégoûtée en remettant le prix du meilleur film à Jacques Audiard. Bon, je veux bien que les statuettes soient moches, mais quand même. C’est simple elle avait la même tête qu’au JT de TF1 quand elle a vu débarquer Évelyne Dhéliat.

Pour finir, les remerciements étaient d’un ennui ... « Je remercie machin bazar », « Merci aussi à truc bidule. » Chaque lauréat racontait sa petite histoire. Moi, perso, quand je raconte un délire entre potes, je n’invite pas la télé, j’en fais pas tout un foin !

Par contre, grosse déception, personne n’a remercié Dieu. C’est pas aux États-Unis qu’on se serait permis une chose pareille.Une autre personne qui n’a pas été remerciée, c’est le doc-teur Delajoux. Pensez-vous qu’Isabelle Adjani aurait pensé à lui  ? Que nenni. Ah vraiment quelle ingratitude ces célébrités ! •ben le fishstick

V oici quelque temps, un reportage un peu particulier recevait un

grand prix journalistique aux États-Unis : le prix Georges Polk 2009. Celui-ci porte le nom d’un grand reporter de guerre américain, tombé pen-dant la guerre civile en Grèce. Il est remis dans la prestigieuse université de Long Island à Brooklyn. Bref c’est pas le Pu-litzer, mais on s’en approche ...

Ce prix a-t-il dès lors été remporté par un grand jour-naliste de guerre à la plume acerbe ? Par un reporter in-tègre doublé d’un cameraman hors pair ? Par un enquêteur talentueux ayant flairé un nouveau Watergate ?

En fait, pas tout à fait. De plume acerbe, il n’est pas vrai-ment question. De journaliste, de reporter ou d’enquêteur non plus, d’ailleurs. En fait on n’en sait rien. On ne connait

le lauréat que par quelques secondes filmées depuis un GSM, et postées anony-mement sur YouTube. Ces images montrent l’assassinat, en pleine rue, d’une jeune Ira-nienne de 26 ans, Neda Sol-tan, lors d’une manifestation contre le pouvoir politique de son pays. Elles ont suscité un véritable tollé d’opposition au sein du peuple iranien.

C’est ici qu’il faut cepen-dant distinguer « source » et « acteur ». De la même ma-nière que les citoyens ansois ne votent pas pour une bouteille de Bordeaux (quoique), que les électeurs français n’ont pas inscrit dans l’isoloir en 2008 le nom d’une marque de nettoyeur haute-pression qu’on ne citera pas (qui commen-cerait par « kar » et finirait par « sher » ...), ou qu’au bar, on commande rarement une aspirine-on-the-rocks ;

on ne cautionne pas l’élec-tion comme meilleur article journalistique de l’année d’une vidéo anonyme postée sur YouTube.

En effet, ce qui compte est le traitement que lui ont fait subir les journalistes de métier. Et c’est là que réside toute la superbe de l’histoire. Ces images, qui étaient accom-pagnées d’une photographie de la personne assassinée, ont rapidement fait le tour du monde. Le souci est que la jeune fille montrée sur les photos n’est pas celle qui a été assassinée. Selon Courrier International, c’est une copie de la photo du profil Facebook de Neda Soltani et non de la défunte Neda Soltan (les mauvais langues diront que la proximité des noms « Neda pas »). Cette photo s’est alors répandue en un clin d’œil dans l’ensemble des médias interna-

tionaux. La fausse morte qui voit les images à la télévision tante alors de joindre par mail une chaîne américaine a qui elle explique le quiproquo, lui en voyant même une seconde photo d’elle. Et là, surprise !, ces « grands » journalistes utilisent cette deuxième photo comme nouvelle illustration de la prétendue morte. Sous la pression du régime iranien, Neda Soltani a finalement fuit son pays et s’est réfugiée en Allemagne.

Aaah, finalement, c’est ça le grand journalisme. Le tout est d’être accordés façon ricaine, et de pas oublier un « i » par ci par là ... Dans le milieu, on appelle ça iTunes. On devrait peut-être réenvisa-ger la solution « aspirine-on-the-rocks ». •dimi le dollar argenté

SIPHONNÉS DU BOCALLe magazine online Slate.fr a publié ré-cemment une information confirmant le dépérissement progressif de la planète. Désormais, les conséquences de la sur-consommation atteignent des sommets inédits. Slate a relayé un article paru dans le quotidien britannique The Independent et dans lequel on apprend qu’une vaste « soupe plastique » s’étend à vitesse grand V entre les côtes californiennes et l’île d’Hawaii. Polluant l’océan Pacifique depuis plusieurs an-nées, cet immonde potage est constitué de déchets plastiques et est invisible des satellites puisqu’il flotte à fleur d’eau. Cette merde, résultant essentiellement de la surexploitation imbécile des emballages plastiques, est en train de ravager considérablement et de manière irréversible la faune et la flore de ces régions. Les mammifères marins et les poissons ingurgitent bien évidemment ces débris inhabituels (sacs plastiques, granules de plastique et morceaux de plastique arrachés d’objets plus importants), car ils les confondent avec des proies. L’ingestion de ces corps étrangers peut provoquer l’obstruction du tube digestif ou donner à l’animal la sensation qu’il est rassasié, avec pour conséquence la malnutrition, la faim, suivie de la mort par inanition. Pauvres bestioles ! Qu’est-ce qu’on va finir par bouffer, nous ?

Un Néo-Zélandais a vendu deux fioles contenant chacune un esprit pour la somme de 2830 dollars (2055 euros). L’homme explique que ces deux fantômes ont été capturés par des exorcistes. Le premier fantôme, Les Graham, hantait la maison depuis 1920, date de sa mort. Le second fantôme était, apparemment, celui d’une petite fille qui faisait bouger les objets, et qui serait apparue lors d’une séance de spiritisme effectuée par les exorcisites avec une planche d’Oujia. Depuis que les deux fantômes ont été enfermés dans les fioles, le 15 juillet 2009, plus aucune activité n’a été remarquée dans la maison.

Page 4: Le Poiscaille #2

ont collaboré à la rédaction sélim abdallaoui, dimitri brulmans, benoît fraikin, florian mélon, mi-chaël oliveira magalhães dessins aurore lefèvre, florian mélon, sébastien varveris mise en page sébastien varveris site internet http://lepoiscaille.blogspot.com

prochain numéro15 avril 2010

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le poiscaille ● mars 2010 ● n°2

BONNE PRISE ! strip pêché sur http://www.courrierinternational.com/

U n matin, je me suis réveillé dans un monde différent. La terre n’avait pas changé d’orbite et les poules n’avaient

toujours pas de dents. Rien de tout ça. Je l’ai simplement vu avec de nouveaux yeux, une nouvelle perspective. Il faut dire que la veille j’avais passé la nuit avec une fille peu ordinaire, et le mot est le plus fameux des euphémismes.

C’était une sorte de jeune beauté hippie, majeure bien sûr (ça c’est pour les mauvaises langues), que j’avais abordé dans le bus en ren-trant chez moi. Je n’ai passé qu’une journée et une nuit avec elle, et ... waw, quelles 24 heures ! J’ai voyagé avec elle sur les plaines verdoyantes de Woodstock. Telle une ménade, je l’ai suivie en dansant. Nous avons fumé des collines de notre sainte Marie-Jeanne, fait l’amour toute la nuit sous l’autel du Voodoo Chile. Une connexion et une transcendance de l’âme que seul un sha-man pourrait prétendre atteindre.

J’exagère un peu, je sais. Mais le temps semblait figé, sûrement par respect pour ce moment. Puis, aussi soudainement qu’elle est apparue, ma Foxey Lady est partie. Tel un ma-gnifique rêve gâché par le réveil, elle a disparu de ma vie. La muse d’un moment. Elle m’a malgré tout permis d’enfin voir que la vie telle que nous la menons n’est qu’aliénation. Telle-ment obsédés par nos statuts et nos achats. Identifiés par ce qui nous différencie des autres et non par ce qui nous relie. Nous tuons tous, même à notre échelle, ce qui fait la beauté de ce

monde : la diversité. Nos différences sont ce qui nous relie, finalement. Gaia n’est que l’agrégat de nos particularités culturelles, religieuses et naturelles. Qui explose en un feu d’artifice de couleurs et de beauté. Et à la fin de ce spectacle, que j’ai admiré pendant l’instant d’une seconde en divine compagnie, je me suis rendu compte que je faisais partie d’un tout cohérent.

À mon réveil, je n’étais plus Selim le ma-rocain « musulman ». J’étais au-dessus de tout ça. Ma nation était le monde et ma religion de faire le bien. C’est vrai que l’effet de tata « Gan-ja » est un peu en cause, je n’en doute pas une seule seconde. Mais à partir du moment où l’on se rend compte que la vie est éphémère, qu’elle n’est réduite qu’à un souffle et à quel point nous nous la compliquons trop pour l’apprécier, chaque inspiration devient une délectation. De l’ambroisie accompagnée d’un délicieux nectar. On se laisse guider par l’intelligence de nos sens et écoutons le faune en chacune de nos cellules. À apprécier le doux baiser de la pluie sur son visage. À savourer la beauté d’une femme, lui faire l’amour de toute son âme et même si cela ne dure que le temps d’un battement de cœur. Un doigt d’honneur à notre propre mortalité. Finalement, les hippies, sont-ils vraiment des fossiles ou sommes-nous des morts vivants ? Little Wing, Little Wing. Je vous laisse, j’ai des affaires sous mon cocotier. À bientôt. •selim le merlan frit

Le Poiscaille a découvert le travail du dessinateur néerlan-dais Peter De Wit. Profitant des réactions et des interrogations qui entourent le port de la burqa, De Wit décomplexe le débat et propose plusieurs strips, la plupart du temps délicieuse-ment corrosifs, mettant en scène des personnages voilés. Parues initialement dans les pages du Volkskrant, le troisième quoti-dien des Pays-Bas, ces « joyeuses burqas » sont actuellement disponbles sous la forme d’un recueil intitulé Burka Babes (Gaberbocchus Press, 2008). Un régal.

Stairway to Heaven

SIPHONNÉS DU BOCALSurtout ne dites pas qu’il arrive aux Américains d’inventer des journées mondiales qui ne servent à rien. La preuve par un triptyque de journées mondiales pas utiles (?) du tout, made in US.Très botanique, d’abord : la journée mondiale de la racine carrée. Inventée par un professeur ... américain, elle ne se fête que très rarement, car il faut que les chiffres du jour et du mois vaillent la racine carrée des deux derniers chiffres de l’année. La dernière se célébrait le 3 mars 2009 (3/3/09). La prochaine ? *Très « Patrick Sébastien », ensuite : la journée internationale de la serviette. Les participants sont invités à emporter avec eux, où qu’ils aillent, une serviette de bain. Inventée par de fervents admirateurs ... américains de Douglas Adams, auteur du Guide du voyageur galactique, saga de science-fiction humoristique, où la serviette est l’objet à usages multiples par excellence dans la galaxie. 25 mai.Enfin, de loin la meilleure, la journée mondiale du parler pirate. Où l’occa-sion est donnée aux participants de par-ler comme un pirate. Inventé en 1995 par deux ... Américains qui ont décidé que le 19 septembre serait chaque année une journée où chacun dans le monde devrait parler comme un pirate.* Oui, c’est ça, le 4 avril 2016.mika la morue portugaise

Dans le hall principal de la gare Centrale de Bruxelles, Le Poiscaille s’est étonne de découvrir un stand promotionnant le tourisme dans le département de la Vendée, l’une des régions de France (avec la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres et la Vienne) à avoir subi de plein fouet le passage de la tempête Xynthia. Alors, pour décon-ner, imaginons le programme d’un petit séjour. Le matin : petite traversée de La Roche-sur-Yon en canot pneumatique en compagnie des sapeurs-pompiers vendéens, suivie, l’après-midi, d’une plongée en apnée dans les rues de la ville afin de dénicher les derniers corps enfouis sous les eaux.

À Rome, l’heure, c’est l’heure : un or chestre jouant devant quelque 500 spectateurs a été mis à la porte quatre minutes avant la fin de son concert par des gardiens zélés. « Mesdames et messieurs, vous êtes priés de vous diriger vers la sortie, le concert est terminé : aujourd’hui le Panthéon ferme à 6 heures. The Pantheon is closed », a annoncé sur scène une pré-posée, réduisant au silence le quintette russe Bach Consort. « Le dimanche, le Panthéon ferme à 18 heures, vous donc priés de vous lever et de rega-gner la sortie », a réitéré la gardienne, imperturbable malgré les cris d’indigna-tion de l’assistance. La vidéo de la scène a fait le tour du Web, écrit le quotidien italien La Repubblica. Le ministre de la Culture s’est fendu d’une lettre aux musiciens russes, qui ont dû interrompre le concert en raison du « comportement inqualifiable de certains gardiens du Panthéon ». Ce geste « a offensé nos hôtes étran-gers » et offre « une image insuppor-table et odieuse », s’indigne Sandro Bondi, qui a ordonné une enquête.Siphonnés !

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