Le pillage technologique des pays développés mythes et réalités

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Auteur : Guillaume Payre Publié sur : www.payre.com/ie/ 1/15 Rédigé le 05 février 2006 mis à jour le 16 octobre 2006 pour COURS IE www.coursie.fr Le pillage technologique des pays développés Mythes et Réalités TECHNOLOGIE La technologie fait référence à une activité de conception et de production en réponse à des besoins 1 . Toutes les technologies ne sont ni sensibles 2 ni "stratégiques" 3 mais il faut faire attention aux technologies duales 4 . PILLAGE Le "pillage" englobe au figuré tous les moyens légaux et illégaux dont la finalité est ici le transfert de technologies : achat, licence, service de renseignement 5 entre Etats alliés 6 ou ennemis 7 , espionnage privé, vol, rétro-ingénierie 8 , pillage de guerre 9 ... 1 de marché à partir d'expériences pratiques et de connaissances scientifiques au service de finalités économiques explicites. En cela, la technologie a vocation à être gérée alors même que, par nature, elle relève pour partie de savoir-faire tacites 2 le Ministère français de l'Industrie les recense tous les 5 ans : - en 1995 : Les 100 technologies clés de l'industrie française à l'horizon 2000 - en 2000 : Rapport Technologies clés 2005 http://www.industrie.gouv.fr/agora/pdf/000352.pdf - en 2006 : Etude Technologies clés 2010 http://www.industrie.gouv.fr/liste_index/technocles2010.html 3 aucune définition stricte n'existe, tout industrie ayant tendance à se prétendre stratégique pour échapper à la loi du marché et bénéficier d'aides publiques. 4 surtout dans les groupes militaro-industriels : technologies civiles et militaires, ces dernières sont soumises à un contrôle qui restreint les exportations. 5 L'espionnage micro-économique n'est pas le renseignement macro-économique - Le renseignement macro-économique des pays développés sur les pays émergents étudie leurs capacités pour voir venir leur rattrapage Cf. BAUD Jacques, Encyclopédie du renseignement et des services secrets, Lavauzelle, Paris, 2002 p. 560 – 561 - L'espionnage micro-économique ou "intelligence économique" [le mot n'existant qu'en français (Competive Intelligence in English) et étant un pléonasme, il ne sera pas employé ici] ou INTRODUCTION DEFINITIONS

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Rédigé le 05 février 2006 mis à jour le 16 octobre 2006 pour COURS IE www.coursie.fr

Le pillage technologique des pays développés Mythes et Réalités

TECHNOLOGIE La technologie fait référence à une activité de conception et de production en réponse à des besoins1. Toutes les technologies ne sont ni sensibles2 ni "stratégiques"3 mais il faut faire attention aux technologies duales4. PILLAGE Le "pillage" englobe au figuré tous les moyens légaux et illégaux dont la finalité est ici le transfert de technologies : achat, licence, service de renseignement5 entre Etats alliés6 ou ennemis7, espionnage privé, vol, rétro-ingénierie8, pillage de guerre9...

1 de marché à partir d'expériences pratiques et de connaissances scientifiques au service de finalités économiques explicites. En cela, la technologie a vocation à être gérée alors même que, par nature, elle relève pour partie de savoir-faire tacites 2 le Ministère français de l'Industrie les recense tous les 5 ans : - en 1995 : Les 100 technologies clés de l'industrie française à l'horizon 2000 - en 2000 : Rapport Technologies clés 2005 http://www.industrie.gouv.fr/agora/pdf/000352.pdf - en 2006 : Etude Technologies clés 2010 http://www.industrie.gouv.fr/liste_index/technocles2010.html 3 aucune définition stricte n'existe, tout industrie ayant tendance à se prétendre stratégique pour échapper à la loi du marché et bénéficier d'aides publiques. 4 surtout dans les groupes militaro-industriels : technologies civiles et militaires, ces dernières sont soumises à un contrôle qui restreint les exportations. 5 L'espionnage micro-économique n'est pas le renseignement macro-économique

- Le renseignement macro-économique des pays développés sur les pays émergents étudie leurs capacités pour voir venir leur rattrapage Cf. BAUD Jacques, Encyclopédie du renseignement et des services secrets, Lavauzelle, Paris, 2002 p. 560 – 561

- L'espionnage micro-économique ou "intelligence économique" [le mot n'existant qu'en français (Competive Intelligence in English) et étant un pléonasme, il ne sera pas employé ici] ou

INTRODUCTION

DEFINITIONS

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On distingue 3 catégories d'acteurs aux intérêts divergents : - les Etats : les PAYS DEVELOPPES10 sont victimes de transferts de technologies à leur dépend. Cependant, la position de chaque pays (pilleur ou pillé) est changeante et les transferts de technologies sont un mouvement naturel et inarrêtable. - les entreprises : dont la vocation première est la rentabilité. - les acteurs économiques étudiés comme . consommateurs11 . producteurs12 Le "patriotisme économique" n'existe que du côté des producteurs et des Etats mais pas du côté des consommateurs et des entreprises.

renseignement technologique a pour but l'acquisition de technologies par les moyens habituels (légaux et surtout illégaux) du renseignement Cf. BAUD Jacques, Encyclopédie du renseignement et des services secrets, Lavauzelle, Paris, 2002 p. 579 – 584 6 1er pillage technologique d'ampleur par des moyens illégaux (espionnage pour raisons idéologiques au profit de l'URSS par des scientifiques) : projet Manhattan (construction de la bombe A par les Etats-Unis) à Los Alamos http://en.wikipedia.org/wiki/Manhattan_Project 7 voir à cet égard les programmes d'espionnage technologiques en Europe de l'ouest mis à jour par la taupe Farewell 8 http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9tro-ing%C3%A9nierie 9 c'est le seul mode d'acquisition qui soit entièrement gratuit. Le dernier pillage technologique massif au sens propre du terme date de 1945 dans l'Allemagne vaincue : vol de prototypes (d'avions à réaction, de fusées, de bombes volantes…), "enlèvements" de savants (Werner von Braun…) par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne la France et l'URSS qui a même déplacé des usines.entières. 10 Economiquement : ceux qui ont un fort Produit Intérieur Brut (moins en valaur absolue que par habitant). Soit arbitrairement aujoud'hui: les pays de l'OCDE, de l'Europe centrale et orientale et dans une moindre mesure de la CEI 11 les Etats lorsqu'ils font des acquisitions pour la défense ou autres, les individus comme acheteurs… 12 outre les entreprises déjà citées, les individus lorsqu'ils sont en position de travailleur…

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© Guillaume Payre 13 Le sujet s'inscrit dans un marché globalisé ou les échanges économiques entre agents produisent de la richesse. Et non la guerre totale14, c'est-à-dire la destruction des agents dans une lutte à mort qui mobiliserait tous les moyens.15

13 Pour preuves, en 2005, la Nouvelle-Zélande a expulsé des israéliens, la Norvège des Russes et l'Australie des Chinois, à chaque fois après flagrant délit d'espionnage illégal. 14 Guerre où la décision ne se fait plus sur le champ de bataille mais dans les laboratoires (qualité) et dans les usines (nombre) 15 dont au premier rang les facteurs de production. La notion trompeuse et non-pertinente de "guerre économique", est à rejeter car fausse dans ses termes Cf : http://econo.free.fr/scripts/faq2.php3?codefaq=19 Qu'est-ce que la GUERRE ECONOMIQUE ?

Concept éminemment foireux. La guerre, c'est la continuation de la politique d'Etat par des moyens violents (d'après Clausewitz). Le concept de guerre économique suppose que les conflits armés entre Etats sont aujourd'hui remplacés par des conflits de nature économique. La guerre pour les territoires à coups de canon aurait été remplacée par la guerre pour les parts de marché mondial à coups de multinationales et de champions nationaux. L'objectif étant d'avoir la plus grosse part du marché mondial, donc d'exporter massivement, et de n'importer qu'un minimum, tout en attirant au maximum l'investissement des multinationales. Ce qui est doublement grotesque : premièrement, ce que l'économie sait depuis 1701, c'est qu'on ne s'enrichit pas en exportant, mais en important. Les exportations ne sont là que parce que les autres pays souhaitent qu'on les paie. deuxièmement, parce qu'il est impossible à la fois d'attirer les capitaux et d'exporter plus qu'on importe. C'est comptablement impossible : à toute sortie de bien correspond une sortie de capitaux équivalente.

Si ce concept a tant de succès, c'est qu'il sert de justification à tout et n'importe quoi. Nous sommes incapables de réduire le chômage? Mais c'est la guerre économique, […] Nous favorisons

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Les préjudices (financiers et militaires) étant impossibles à mesurer, quelle est la réalité du péril ? Est-ce un faux problème qui cache de vraies questions économiques ? Pourquoi les logiques de la protection de secrets technologiques et les impératifs économiques sont-elles irréconciliables ? Contrairement à la démarche inductive16 trop souvent utilisée dans le domaine de l'intelligence économique, ici sera adoptée une méthode inverse17 : - première partie théorique : les transferts de technologies sont inévitables car dans l'intérêt de presque tous les acteurs; seuls les moyens légaux ou illégaux pour les acquérir varient - deuxième partie pratique : seul un modèle de recherche et développement ouverts avec seulement quelques technologies protégées temporairement est viable économiquement pour les pays développés.

Les intérêts des agents économiques dans la mondialisation des échanges technologiques sont irréconciliables

I-1. Les entreprises (privées) : la vente de technologies à tous prix Leurs intérêts : augmenter leurs profits en augmentant ses ventes en satisfaisant la demande18. La technologie peut donc être protégée19, vendue20 ou obtenue21. Dans tous les cas elle a vocation à être exploitée FINANCIEREMENT. D'où la volonté des entreprises d'exporter toujours plus de produits technologiquement stratégiques que leur Etat d'origine22 n'est prêt à accepter.

l'émergence de monopoles nationaux qui s'engraisseront sur le dos des consommateurs pour faire du dumping à l'export? Mais c'est la guerre économique, etc. Ce concept foireux a donc du succès en raison de son caractère justifiant : il permet de justifier la nullité des politiques [économiques et des chefs d'entreprises] […] vous licenciez du personnel à tour de bras, quémandez pour cela des aides publiques? Vous allez passer pour un patron nul. Mais dites que vous êtes le général en chef de la guerre économique mondiale, et tout de suite, vous gagnez en sex-appeal. 16 partir d'exemples pour échafauder une prétendue théorie de guerre économique 17 partir de principes économiques vérifiés pour comprendre les intérêts de chacun dans la compétition technologique 18 créée ou existante, dans ce cas en prenant des parts de marché sur ses concurrents ou en les affaiblissants 19 en déposant des brevets 20 en octroyant des licences de production 21 en général légalement, exceptionnellement illégalement 22 à quel Etat les entreprises font elles allégeance ? - historiquement loyauté à l'égard du pays des salariés et des implantations (souvent dans le pays du fondateur) - depuis l'ouverture des marchés aux capitaux étrangers en 1983 en France, allégeance à la nationalité des actionnaires ? - allégeance envers les fournisseurs (cas de technologies US non réexportables) ?

PROBLEMATIQUE

I- Les transferts de technologie dans une économie globale : quels acteurs ? quels intérêts ? quelles menaces ?

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Les menaces illégales (minoritaires) : - fréquemment des employés mécontent qui détournent des secrets industriels de leur entreprise pour leur propre bénéfice financier en les vendant ou simplement pour se venger - exceptionnellement une "taupe" à l'intérieur de l'entreprise - le vol23

Les menaces légales (majoritaires) : - publicité externe trop ouverte ou mauvaise gestion de la communication de crise qui conduit à une mauvaise image24 - concurrent qui prend le contrôle de l'actionnariat, OPA de la part d'un fond d'investissement d'un pays étranger, - brevets non déposés ou qui tombent dans le domaine public25 Exemples : d'entreprises se protégeant 26

- allégeance à l'égard des acheteurs (Etats, entreprises privées) Cette question est dans tous les cas importante puisque qu'en échange de l'obéissance aux intérêt d'un Etat les entreprises ont droit à une protection. 23 bien que le vol d'un pneu Michelin au Japon par Hankook ait fait beaucoup de bruits, les ordinateurs portables subtilisés font plus de dégats 24 l'exemple le plus fameux étant Perrier qui ne s'est jamais remis depuis 1990 du benzène qui n'avait pas été trouvé par hasard dans ses bouteilles. 25 20 ans après leur dépôt, une marque déposée doit quant à elle faire l’objet d’un renouvellement tous les 10 ans 26 Motorola

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d'entreprises actives27 d'entreprises victimes28 Ces 3 catégories se recoupent.

I-2. Les consommateurs et les producteurs : mêmes agents mais diamétralement opposés dans leurs intérêts !

Qu'il s'agisse des Etats (à la fois actionnaires d'entreprises publiques et passeurs de contrats pour se procurer des matériels de défenses ou autres), des entreprises (qui ont des fournisseurs et des clients) et des particuliers, leur intérêt est diamétralement opposé qu'ils soient en position de consommateur ou de producteur. Intérêts des consommateurs apatrides en général Leur intérêt étant d'acheter au moindre coût la meilleure technologie, peu importe le pays producteur29. ILS ONT DONC INTERET AU PILLAGE TECHNOLOGIQUE30, qu'ils en soient directement31 ou indirectement32 bénéficiaires !

Microsoft General Electric AT & T IBM 3M Eastman Kodak Intel Coca-Cola Hewlett-Packard Merck Ford Xerox 27 Exemples (limités au Japon) d'entreprises actives : Toyota Nissan Mitsubishi Toshiba Daiwa Nomura Canon NEC 28 Il est assez difficile de prouver que la perte d'un marché ou d'une technologie est due à une action d'espionnage économique Gemplus Giat Dassault (et les plans du Mirage III volé en Suisse par le Mossad) EADS (et le design de l'Eurofighter copié par le J-10 chinois) Thalès Microturbo (filiale de Turboméca et société du groupe SAFRAN-SNECMA) 29 Sauf quand l'Etat passe des marchés à ses groupes publics (DCN, GIAT…) ou privés (Dassault, "Buy American Act", clause du juste retour…) 30 même au détriment de leur pays et ils y contribuent, sans que cela soit immoral, en achetant des produits étrangers. 31 Outre les voleurs qui le mettent en pratique, les téléchargements illégaux sur internet sont un bon exemple. 32 En achetant à des entreprises qui ont copié des technologies (sans en subir les coûts de recherche et de développement) pour les produire là où la main d'oeuvre est la moins chère.

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Intérêts des individus producteurs en particulier Défendant leur emploi, les individus ont intérêt à garder leur savoir-faire et à ne pas le diffuser pour être gardés par leur employeur. Leur intérêt n'est donc celui de leur pays que parce que leur emploi est localisé dessus. ILS N'ONT PAS INTERET AU TRANSFERTS DE SAVOIR-FAIRE, ni vers d'autres entreprises que leur employeur, ni même vers d'autres salariés à l'intérieur de la même entreprise ! Dans les deux cas leur "patriotisme économique" des individus est en nette diminution avec la mondialisation croissante de l'offre.

I-3. Les Etats dont la tâche difficile est de tout concilier : intérêt national, balance commerciale, avance technologique et supériorité militaire

Historiquement les Etats ont été les premiers acteurs mais logiquement leur place est en dernier, leur rôle étant de transcender les intérêts particuliers33 pour faire émerger l'intérêt national. La défense de l'intérêt national se mesure à l'aune de plusieurs critères interdépendants ou contradictoires : - plein emploi sans inflation34… - et un solde positif de la balance commerciale et celle des paiements - …qui peut passer par le maintien des technologies dans le pays considéré35 ou non… - … tout en surveillant36 les autres pays37 pour connaître l'état d'avancement de leurs technologies38 - dernier point régalien : l'Etat se doit d'être prêt pour une guerre et surtout la gagner39 Les menaces posées par les services de renseignement étrangers Outre les activités d'espionnage sur les entreprises stratégiques déjà considérées en I-1, les services de renseignements étrangers40 s'intéressent de près au décryptage des communications officielles, aux orientations de politique industrielles…

33 La manoeuvre des industriels est de faire passer grâce à une connivence politique leur intérêt propre pour l'intérêt national ("ce qui est bon pour Dassault est bon pour la France") même en affaiblissant des concurrents de même nationalité (cf la 'guerre' Thomson - Matra) alors que l'intérêt de l'Etat est de favoriser la concurrence sur son marché, non de créer des monopoles, sauf si les synergies sont supérieures. 34 Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment 35 par hypothèse dans cet exposé le point de vue est celui des pays développés. A cause des avantages comparatifs, ils ont intérêt à se spécialiser dans les technologies dans lesquelles ils sont doués (haute technologies requérant une main d'œuvre qualifiée, secteurs demandeurs en capitaux, services, finance…) Le cas des technologies militaires est très particulier. L'exportation de celles-ci est extrêmement contrôlée (par la CIEEMG Commission Interministérielle pour l’Étude des Exportations de Matériels de Guerre) et réservée aux pays non-hostiles (mais rien n'est moins durable que les alliances). 36 par du renseignement humain (HUMINT) ou du renseignement de signaux (SIGINT) 37 développés ou émergents 38 militaires mais aussi civiles 39 Les guerres ne se gagnent pas seulement par une supériorité technologique mais depuis la révolution industrielle mieux vaut l'avoir de son côté. Exemples : guerres coloniales asymétriques du XIXe, Guerre de Crimée (1853-1856), Pologne 1939, Irak 1991, Afghanistan 2001… 40 de pays ennemis comme amis, n'est pas considéré ici le renseignement stratégique, politique et diplomatique

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I-4- relativiser non la réalité des menaces mais leur dangerosité

Il est scientifiquement impossible de quantifier économiquement par des chiffres le préjudice financier des entreprises victimes d'espionnage économique, encore moins pour les Etats. Même quand des chiffres sont donnés41 il ne faut pas les considérer en valeur absolue mais les comparer. Ainsi, les 200 Mds de $ prétendument perdus chaque année par les Etats-Unis ne représentent que 1,6 % de leur PIB42. Sans compter que ce qui est peut-être perdu à cause de l'information en libre accès est sûrement gagné par les avantages induits par une recherche ouverte et contradictoire.

Pour conclure provisoirement, Les logiques économiques des acteurs et les principes de protection des technologies stratégiques ne sont jamais réconciliables43 à l'avantage de ces derniers. Il est donc dans l'ordre des choses, quelque soit le domaine, que les technologies soient toujours transférées des agents développés aux agents les moins avancés. Plutôt que de crier au pillage, d'envisager un retour au protectionnisme néfaste ou la conception de fausses bonnes idées, d'autres solutions sont à explorer44.

41 par le FBI 42 12 370 Mds de $ en 2005 43 Rules of the spy game Economic laws of international trade Jeu à somme nulle Jeu à somme positive Someone has what you want so spy it to steal it someone produces what you want, so trade it There is no "good guy" (States) and no "evil guys"

There is no "good guy" (companies) and no "evil guys"

Everybody is defending its national interest, no immorality behind that

Everybody defends its economic interests, it’s not immoral

you have neither mortal enemies and nor immortal allies

you have competitors

The best way to win time and money is illegally The best way to win money is lawfully Hi Tech States and Companies are pillaged / plundered legally and illegally

Hi Tech States and Companies are pillaged legally

Emerging countries are spied by developed nations as well (to check where their development is)

Emerging countries are economically savages by developed nations and unfair terms of the trade

You have to trust no one You have to trust everybody Joker : SIGINT Joker : change the law At the end of the game, the winner is the State with the best technology and that managed to contain the most favourable peace43

At the end of the game, the winner is the one with the best technology -> the biggest GDP/sales

Outcomes : still alive (USA, Israel) or † (USSR, )

Outcomes : monopoly (GE) buyout or liquidation |MD)

44 typiquement françaises : comme le concept d' "Intelligence économique" dont le député Bernard Carayon s'est fait le thuriféraire, une Ecole de Guerre Economique

II- L'intelligence en économie au service de la suprématie technologique calculs coûts/bénéfices du bon usage des lois : les respecter, les contourner, les changer protection efficace et veille éclairée

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Les faits démontent plusieurs mythes de l' "intelligence économique". Ce qui ne rassure pas forcément puisqu'en se trompant de menaces, les pays développés passent à côté des bonnes parades. Si les vraies menaces sont financières et légales plus que secrètes et conspiratrices, quelles est le bon comportement à adopter de la part des entreprises et des Etats ?

II-1. Eviter qu'une réussite ponctuelle du renseignement ne soit un échec économique majeur

L'espionnage économique permet plus de gagner du temps45 que d'économiser de l'argent46. Il coûte aussi cher à mettre en œuvre, sans compter les risques d'être découvert47. De plus, le renseignement comme la veille technologique ne sont pas des fins en soit48 mais doivent répondre aux besoins fondamentaux et ciblés des entreprises et des Etats49. Car au final le renseignement permet de rattraper un retard technologique, pas de prendre de l'avance50. Plusieurs conditions sont à remplir pour qu'un Etat et/ou une entreprise profitent pleinement du renseignement : - seuls les succès technologiques rentables doivent être copiés51 - un bon pilleur ne doit pas se laisser intoxiquer52 - un bon pilleur doit être un bon copieur53 - le niveau de développement d'un bon pilleur54 doit lui permettre de soutenir une course technologique55 autrement que sous perfusion externe56 - paradoxalement, le meilleur copieur est un pays déjà développé avec de bons techniciens57 - un bon pilleur doit toujours être un acteur économique rationnel58

45 en ayant connaissance des impasses techniques avant de les avoir explorées 46 les frais de recherche et développement 47 même si seules quelques affaires d'espionnages industrielles réussies à 100 % (ou ratées à 100 %) sont connues, pas les autres. C'est la métaphore de l'iceberg. 48 Ce qu'ils étaient devenus dans l'URSS des années 70 et 80…Le "tout-pillage" est une impasse industrielle et stratégique 49 outre l'espionnage technologique débouchant sur une copie domestique, le renseignement peut simplement avoir pour but la connaissance des capacités de l'adversaire (exemple du MiG 21 soviétique transféré d'Irak à Israël par un pilote chrétien retourné par le Mossad). Ces cas ne seront pas traités ici. 50 D'où l'impasse industrielle et stratégique que constitue le "tout-pillage" 51 contre-exemples : Tupolev 144 : copie du Concorde qui était un concept non rentable Idem pour la navette spatiale Bourane copie conforme des space shuttle 52 théorie du complot et désinformation : les plans passés étaient des faux (cas pour le Harrier -> Yakovlev 38 Forger ?) 53 Exemple : Mirage III copié par Israël pour produire le Kfir à partir de plans volés en Suisse ou le produit à doit être facile à copier Ex : missile sidewinder US = Atoll russo-chinois (récupéré à Taïwan) 54 Candidat à ce titre : la Chine depuis 1991 (une preuve en est sa signature du CTBT en 1996, la maîtrise des ogives MIRVées…) Pays ayant échoué : l'URSS, l'Iran du Shah, l'Irak de Saddam de 1979 à 1991 incapable de maintenir en état de vol ses avions et ses missiles… 55 Aux armements 56 importation ou espionnage à grande échelle de pays plus ouverts 57 à cause de l'importance des capacités d'exploitation par rétro-ingénierie et d'assimilation par effet d'égouttement. Exemples : Israël, Afrique du Sud avant 1989, Japon, Corée du Sud, Taïwan, Chine, Inde mais pas le Pakistan 58 Calcul économique coût du pillage / gain (temps, argent)

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L'enseignement à tirer est que la performance globale du système économique est plus importante59 que des réussites tactiques.

II-2. La concurrence technologique60 mondiale à l’ère de la mondialisation : Contrairement aux idées reçues, la mondialisation n'est pas sauvage et les normes tiennent une place importante. Les moyens légaux pour faire pencher les termes de l'échange en faveur de l'agent considéré sont plus importants que les moyens illégaux. Une manière habile et détournée61 de voler des technologies est de le faire légalement62. Par exemple lors des rounds de l'OMC en forçant la libéralisation d'un secteur dans lequel le pays considéré a un retard technologique. Autres moyens de mettre la main sur des technologies63 ou de brider un concurrent étranger gênant64 : prendre le contrôle de son capital65 ou de celui de ses sous-traitants.

II-3. Protection efficace et veille éclairée font plus que fermeture et coups tordus66 Protection passive efficace contre : - ses propres employés67 et résidents68 - les services étatiques étrangers ou les entreprises concurrentes, en connaissant leur culture du renseignement69 Calcul économique coût de la RDTE / gain (auto suffisance, maintien de compétences). Quel est le plus rentable ? 59 surtout dans les domaines extérieurs au "complexe militaro-industriel" 60 la technologie ou progrès technique est simplement ici, dans le modèle de la croissance de Solow, un facteur de production comme le sont le travail et le capital. 61 Les moyens de SIGINT redeviennent utilisables. 62 La meilleure qui soit car légale, elle n'est pas dangereuse pour les personnes impliquées, le rêve de tout service de renseignement. 63 Mais ce n'est pas le but final de la manœuvre, celui-ci étant toujours la rentabilité 64 Même si la raison derrière ce "pseudo-complot" n'est pas la main d'un Etat mais simplement l'attraction pour une technologie rentable à court terme (exemple : Gemplus). 65 Par une OPA (Offre Publique d'Achat), OPE (Offre Publique d'Echange), la prise d'une participation majoritaire via un fond d'investissement, l'achat de licence, de brevets… 66 la menace d'espionnage technologique qui pèse sur les entreprises et les Etats ne doit pas service à justifier comme c'est trop souvent le cas les budgets des agences de renseignement (CIA, NSA, MI6, DGSE, BND) devenues hypertrophiées avec l'effondrement du bloc soviétique. Dans une moindre mesure ceci était valable pour les services de contre-espionnage (FBI, MI5, DST, RG, BfV) avant que le terrorisme ne leur redonne leur raison d'être http://www.payre.com/renseignementetterrorisme/agencesrens/ cf 67 contre leur possible malveillance mais en respectant toujours le code du travail 68 en respectant la loi (cf. affaire des écoute de la NSA) 69 Méthode particulière des - Chinois : renseignement de masse, effet de nombre, profitent des lois locales indulgentes (USA, Australie) - Japonais (par les employés du MITI en poste à l'étranger) - Israéliens aidés par la diaspora juive Dans tous les cas ci-dessus se pose le problème de la double allégeance des communautés expatriées - Français qui comme les Israéliens et les Russes sont meilleurs dans le renseignement humain, ce malgré le réseau "Frenchelon" - Anglo-saxons (UK-USA) qui profitent de la supériorité de leur SIGINT (réseau Echelon) et de la vulnérabilité des communications des autres pour conduire une diplomatie et des négociations en

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Attitude offensive en faisant attention à ne pas être découvert selon le principe "pas vu pas pris". Tous les moyens, même illégaux sont bons si ils ne sont pas mis à jour. Gare alors à la chute. Cependant, la veille technologique à partir de sources ouvertes70 suffit généralement à couvrir l'essentiel des besoins. Au final, la bonne connaissance des positions d'un adversaire ou concurrent aboutit à un cercle vertueux : information obtenue -> marché gagné -> budget de recherche, développement, test et évaluation71 maintenu -> écart technologique creusé -> marché gagné… Le rôle des Etats auprès des entreprises reste aussi important pour remplir ces fonctions nécessaire à la réussite économique et donc technologique : - sécurité juridique72 - attractivité économique - défense des intérêts de leurs "champions" économiques nationaux à l'extérieur - synergie entre le renseignement étatique et les informations du secteur privé73

CONCLUSIONs et RECOMMENDATIONs 74 - Tous les agents doivent se comporter façon économiquement rationnelle en n'oubliant pas leur intérêt - Les transferts étant inévitables et la nécessité de rentabiliser financièrement les technologies indispensable, faire appliquer le mécanisme suivant :

. secret absolu et classification lorsque le produit en est à la phase de recherche et développement . déclassification relative du secret lorsque l'étape de la production est en marche . commercialisation à outrance et révélation de tout ou partie des secrets de fabrication après l'entrée en service du produit75

- l'intelligence en économie plus utile pour résoudre les vrais défis que "l'intelligence économique" qui en crée de chimériques.

connaissant le jeu des autres. L'utilité directe n'est alors pas la copie mais la connaissance des positions en face pour arriver à un compromis avantageux. 70 Qui représentent quand même 99 % des informations. Les 1 % restant sont classifiés et inaccessibles par des moyens autres qu'illégaux. Exemples de sources ouvertes : internet, médias, registre des dépôts de brevet, salons professionnels… 71 RDTE 72 par le respect d'un Etat de droit de la part des nationaux et des étrangers mais surtout de toutes les entreprises sur le même sol, quelque soit leur nationalité. D'où aussi les punitions sévères à l'égard de toute "intelligence avec l'ennemi" 73 cette synthèse est particulièrement bien réussie en Grande-Bretagne 74 cf exposé "l'intelligence économique est elle un outil de défense ?" 75 sauf pour les matériels militaires, le cas des technologies duales étant plus complexe

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L'espionnage technologique en fonction des sources, des moyens et des fins Sources ouvertes

(produits commerciaux) Sources classifiées (armes)

Cibles (BUTS) Entreprises privées - Etats - entreprises d'Etat - entreprises privées du complexe militaro-industriel

Commanditaire - Entreprises étrangères - Services de renseignement

- Etats amis et ennemis - entreprises d'Etat étrangers - entreprises privées du complexe militaro-industriel

MOYENS "légaux" - Non protégées et livres de droit : OSINT (1) - traités de coopération technologique - clauses de transfert de technologie dans contrats d'armement ou de matériel sensible

SIGINTErreur ! Source du renvoi introuvable. ou TECHINT

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Page 14: Le pillage technologique des pays développés mythes et réalités

Auteur : Guillaume Payre Publié sur : www.payre.com/ie/

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© Guillaume Payre76

Probabilité de pillage technologique en fonction des pays dans lesquels il se passe

produit ou technologie

dans le pays producteur dans un autre pays TOTAL probabilité

produit acheté au pays producteur sur étagère (neuf)

à un autre pays producteur sur étagère (neuf)

inconvénients négociations souvent longues, coût financier acquisition élévé (partage coûts de développement + marge (surplus) producteur sans maîtriser la technologie)

délai de livraison

gain (avantages) technologie fiable bénéfice nul / coût Exemple exportation de ALCM

Black Shaheen aux EAU achat technologie américaine par Vénézuela via Espagne

Probabilité (approximation)

50% 50% 100%

Probabilité 17,50% 17,50% 35% produit acheté au pays producteur

d'occasion à un autre pays producteur sous licence (neuf ou d'occasion) ou à un pays utilisateur (d'occasion)

coût acquisition (achat ou espionnage)

en retard par rapport aux dernières technologies

avantages aquérir technologie ennemie

aquérir technologie ennemie

inconvénients risqué, difficile, long risqué, difficile, long bénéfice très élevé très élevé bénéfice prix beaucoup moins

élevé

Exemple Vente Mirage 2000 au Brésil par la France

Probabilité (approximation)

80% 20% 100%

Probabilité 4,00% 1,00% 5% produit volé dans le pays producteur dans un pays importateur

(malgré contrôle des exportations mais d'où leur intérêt)

coût acquisition (achat ou espionnage)

très faible

avantages aquérir technologie

ennemie aquérir technologie ennemie

inconvénients risqué, difficile, long risqué, difficile, long bénéfice très élevé très élevé Exemple Israël MiG 21 Irakien Israël et Etats-Unis : MiG 21

Irakien

76 Cf http://www.payre.com/renseignementetterrorisme/typesrens/

Page 15: Le pillage technologique des pays développés mythes et réalités

Auteur : Guillaume Payre Publié sur : www.payre.com/ie/

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Probabilité (approximation)

10% 90% 100%

Probabilité 1% 5% 5% Plans volés dans le pays producteur dans un pays qui produit sous

licence

avantages gain de temps moins risqué (pas d'atteinte à la sûreté de l'Etat P)

inconvénients doit avoir programmes

équivalents et ingénieurs + techniciens

doit avoir programmes équivalents et ingénieurs + techniciens

bénéfice variable variable mais plus élevé que

4PP

Exemple Concorde Franco-

britannique en France par URSS (Tu-144)

Mirage III français en Suisse par Israël (Kfir)

Probabilité (approximation)

50,00% 50,00% 100%

Probabilité 5,00% 5,00% 10% produit perdu lors d'une utilisation (guerre, opération…)

par le pays producteur par un pays à qui le produit a été vendu

inconvénients aléatoire et chances faibles (doit être retrouvé intact et doit avoir compétences rétro-ingénierie)

aléatoire et chances faibles (doit être retrouvé intact et doit avoir compétences rétro-ingénierie)

avantages énormes énormes bénéfice énorme Exemple Tomahawk américain lors

utilisation en Afghanistan par Pakistan (récupéré par Chine ?)

Sidewinder américain par Chine et transmis à URSS

Probabilité (approximation)

50,00% 50,00% 100%

Probabilité 10,00% 10,00% 20% produit observé de prêt ou de loin

dans le pays producteur dans un pays dans lequel le produit est utilisé et/ou montré

avantages faibles faibles inconvénients pas de risque encore moins de risques bénéfice faible à court terme,

moyen à long terme faible à court terme, moyen à long terme

Exemple Salon du Bourget, Farnborough

Salon du Bourget, Farnborough

Probabilité (approximation)

60,00% 40,00% 100%

Probabilité 18,00% 12,00% 30% TOTAL 51,00% 49,00% 100%

© Guillaume Payre Bibiographie et sources complètes citées dans l'exposé http://www.payre.com/ie/sources/html/