LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES...

22
Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques 18 avril au 2 mai 2014 Félix MÉLOU Antoine MEULEMAN Projet Build-Back-Better 15 février au 15 septembre 2014 1 DEUXIEME ARTICLE, REDIGE APRES NOTRE SEJOUR A LIMA DU 18 AVRIL AU 2 MAI 2014 LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES TELLURIQUES Suite à notre séjour au Chili et après un bref passage en Bolivie, nous avons rejoint le Pérou. Le Pérou est un pays riche et varié sur de nombreux aspects. D'abord de par son histoire : le Pays est le berceau historique des civilisations Nazca (-200 - 600 ap. J-C) et Inca (1200 - 1530 ap. J-C). Les premiers étaient de formidables ingénieurs hydrauliques. Leur réseau d’irrigation formé de puits et d'aqueducs souterrains est encore utilisé de nos jours et leurs mystérieux géoglyphes (les fameuses lignes Nazca) n’ont toujours pas révélés tous leurs secrets. Les seconds étaient incontestablement un peuple de bâtisseurs. Les temples et palais qu'ils ont construit en gros blocs de pierre encastrés ont résisté aux nombreux épisodes sismiques qui ont affecté le pays et sont encore visibles sur les sites archéologiques de Saqsaywaman ou du célèbre Machu Pichu. La multitude de paysages caractérise aussi le Pérou, 3ème plus grand pays du sous-continent. On y distingue trois grandes zones naturelles : la « costa » (côte) bordée par l'océan Pacifique, 60 % de la population, 10 % de la superficie la « sierra » (montagne), 30 % de population, 30 % de superficie la « selva » (forêt d'Amazonie péruvienne), 10 % de population, 60 % de superficie Enfin le pays possède aujourd'hui l'une des économies les plus vigoureuses d’Amérique latine avec une croissance moyenne de 6,3% sur les 10 dernières années. Cette économie forte a permis de forts investissements dans les infrastructures notamment d'eau potable, d’électricité, routières ou encore dans les domaines de l'éducation et de la santé. Comme pour de nombreux pays émergents, cette croissance a aussi renforcé les inégalités et provoqué un exode rural massif. Au-delà de ces problématiques sociales et urbaines auxquelles le pays fait face, ce dernier est aussi fortement exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements de terrain (amplifiés par le phénomène El Niño) ou encore l’activité volcanique et sismique rendent le pays particulièrement vulnérable. C'est sur les risques telluriques et principalement sismique que nous avons décidé de focaliser notre étude. Nous avons passé deux semaines à Lima afin d'interroger des chercheurs, architectes et ingénieurs civiles travaillant dans des grandes universités ou pour le gouvernement afin de comprendre les défis que le pays doit relever afin de mieux affronter la prochaine catastrophe sismique majeure. Notre travail s'est donc développé selon 3 axes. Nous avons déjà voulu connaître la culture constructive et la mentalité du pays sur ce sujet afin d'avoir une première idée du niveau de vulnérabilité du pays. Nous nous sommes ensuite intéressés aux différentes recherches réalisées dans le pays, à la fois dans le management des risques (évaluation et préparation) mais aussi concernant l'aspect technique (renforcement et nouvelles méthodes constructives). L'article suivant en donne plusieurs exemples et résume les idées qui nous ont été transmises lors de nos divers entretiens.

Transcript of LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES...

Page 1: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

1

DEUXIEME ARTICLE, REDIGE APRES NOTRE SEJOUR A LIMA DU 18 AVRIL AU 2 MAI 2014

LE PEROU ET SA CAPITALE FACEAUX RISQUES TELLURIQUES

Suite à notre séjour au Chili et après un bref passage en Bolivie, nous avons rejoint le Pérou.Le Pérou est un pays riche et varié sur de nombreux aspects. D'abord de par son histoire : le Pays est le

berceau historique des civilisations Nazca (-200 - 600 ap. J-C) et Inca (1200 - 1530 ap. J-C). Les premiers étaient deformidables ingénieurs hydrauliques. Leur réseau d’irrigation formé de puits et d'aqueducs souterrains est encoreutilisé de nos jours et leurs mystérieux géoglyphes (les fameuses lignes Nazca) n’ont toujours pas révélés tousleurs secrets. Les seconds étaient incontestablement un peuple de bâtisseurs. Les temples et palais qu'ils ontconstruit en gros blocs de pierre encastrés ont résisté aux nombreux épisodes sismiques qui ont affecté le pays etsont encore visibles sur les sites archéologiques de Saqsaywaman ou du célèbre Machu Pichu.

La multitude de paysages caractérise aussi le Pérou, 3ème plus grand pays du sous-continent. On y distinguetrois grandes zones naturelles :

la « costa » (côte) bordée par l'océan Pacifique, 60 % de la population, 10 % de la superficie la « sierra » (montagne), 30 % de population, 30 % de superficie la « selva » (forêt d'Amazonie péruvienne), 10 % de population, 60 % de superficie

Enfin le pays possède aujourd'hui l'une des économies les plus vigoureuses d’Amérique latine avec unecroissance moyenne de 6,3% sur les 10 dernières années. Cette économie forte a permis de forts investissementsdans les infrastructures notamment d'eau potable, d’électricité, routières ou encore dans les domaines del'éducation et de la santé. Comme pour de nombreux pays émergents, cette croissance a aussi renforcé lesinégalités et provoqué un exode rural massif.

Au-delà de ces problématiques sociales et urbaines auxquelles le pays fait face, ce dernier est aussi fortementexposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements de terrain (amplifiés par le phénomèneEl Niño) ou encore l’activité volcanique et sismique rendent le pays particulièrement vulnérable.

C'est sur les risques telluriques et principalement sismique que nous avons décidé de focaliser notre étude.Nous avons passé deux semaines à Lima afin d'interroger des chercheurs, architectes et ingénieurs civilestravaillant dans des grandes universités ou pour le gouvernement afin de comprendre les défis que le pays doitrelever afin de mieux affronter la prochaine catastrophe sismique majeure. Notre travail s'est donc développéselon 3 axes. Nous avons déjà voulu connaître la culture constructive et la mentalité du pays sur ce sujet afind'avoir une première idée du niveau de vulnérabilité du pays. Nous nous sommes ensuite intéressés auxdifférentes recherches réalisées dans le pays, à la fois dans le management des risques (évaluation etpréparation) mais aussi concernant l'aspect technique (renforcement et nouvelles méthodes constructives).L'article suivant en donne plusieurs exemples et résume les idées qui nous ont été transmises lors de nos diversentretiens.

Page 2: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

2

I) GENERALITESLe Pérou, est situé sur une zone de subduction entre la plaque tectonique de Nazca et la plaque Sud-

Américaine, les secousses de magnitude 4 à 5, voire 6, y sont fréquentes. On dénombre même une dizaine deséismes de magnitude supérieure à 6,5 depuis l’année 2000, notamment celui du 15 aout 2007 dans la ville dePisco, de magnitude 8 qui fit plus de 500 morts et détruisit une grande partie de la ville et celui du 23 juin 2001près d'Arequipa (138 morts, de magnitude 8,4). Au XXème siècle, le séisme le plus meurtrier se produisit le 31 mai1970 faisant 75 000 morts, 25 000 disparus et 200 000 blessés. Le séisme a affecté les régions d'Ancash et deLibertad. La secousse créa des glissements de terrains (fréquent au Pérou) augmentant le nombre de victimes : ils'agit de l'une des plus grandes catastrophes naturelles jamais enregistrée au Pérou.

Zone de subduction entre la plaque de Nazca et laplaque sud-américaine

Plus particulièrement la ville de Lima, poumon économique et financier du pays, représentant 47 % du PIB (en2012), est particulièrement vulnérable face au risque sismique. Elle concentre près du tiers de la populationpéruvienne dans un désert de sable et de sols meubles. Ces 50 dernières années, deux séismes d'une magnitudesupérieure à 7,5 se sont produits à Lima, respectivement en 1966 (200 morts) et 1974 (252 morts). On parletoujours à Lima du séisme de 1746 qui marqua la fin de l’Age d’or de la ville de Lima. Ce séisme suivit d’untsunami détruisit complètement la ville de Lima : seules 25 maisons restèrent debout et on dénombra entre15000 et 20000 morts.

A) Aspect général du bâtiment et de l'urbanisme auPérou face aux risques naturels

En tant qu’étudiants ingénieurs, notre regard s'est rapidement porté sur l’état et le type de constructionsprésents au Pérou. Nous avons voulu en savoir plus sur la culture du bâtiment dans le pays ainsi que surle fonctionnement actuel de ce secteur.

Tous d'abord il existe deux formes de constructions : Les constructions dites formelles; elles représentantes environs 30 % de l'ensemble des bâtiments. Ce

sont des constructions officielles et légales, qui ont été étudiées par des ingénieurs et mise en œuvrepar des entreprises de construction agrées. Celles-ci sont surtout présentes dans les grandes villescomme Lima.

Les constructions informelles qui constituent la majorité des bâtiments (environ 70%). Ce sont deshabitations construites par les habitants eux-mêmes illégalement et qui ne sont soumises à aucuncontrôle.

Page 3: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

3

Les constructions formelles sont supposées résister à un grand séisme.Ceci dépend néanmoins du respect des normes établies par le ministère del'habitat et de la construction (calcul de structure, résistance desmatériaux, procédés de construction). Concernant les auto-constructions, ilest très peu probable qu'elles résistent à un séisme de forte magnitude.

Au-delà du risque sismique, les risques liés à la nature du terrain sonttrès important, notamment à Lima. La ville a connu un développement etune croissance démographique très forte ces dernières années. Ellereprésente aujourd'hui 30% de la population du pays. En 60 ans sapopulation a été multipliée par 11 et sa taille par 15. Cette expansionmassive a entraîné un urbanisme anarchique et une mauvaise gestion dessols et de l’aménagement urbain. Les habitants ont donc installé leurmaison où ils le pouvaient sans aucune prise en compte du terrain. Ontrouve donc de nombreuses habitations sur des terrains sableux, dans deszones à risques d’éboulement et de glissement de terrains, où encore enbas des vallées au bord des rivières où l'accumulation des déchets entraîneune liquéfaction des sols.

Lima n'est pas la seule ville affectée par l’inexistence d'une politiqued'urbanisme et d’aménagement du territoire cohérente. 60% descommunes ne posséderaient pas de plan de développement urbain. Cettelacune pose un problème évident de gestion de la construction face auxrisques naturels. Elle entraîne aussi des problèmes lors de la reconstructionpost-catastrophe. Après le séisme de Pisco en 2007, le bonus de 6000 N.S(2000 $) donné par l’État, pour la reconstruction de chaque maison, n'a pasréellementbénéficié à lapopulation. Eneffet, commebeaucoup deconstructionsaffectéesétaientinformelles, leshabitants nepossédaientaucun titre depropriété etn’étaientinscrits suraucun registremunicipal.

Croissance Urbaine de Lima de 1940 à 2005

ZONA DE SECURIDADSISMICA

A l'intérieur de la plupart desbâtiments, on peut observer desaffiches vertes marquées d'un Scorrespondant à une "zone desécurité en cas de séisme". Celles-ci sont déposées généralement auniveau des poutres et des poteauxpar des représentants officiels dela municipalité. Depuis 10 ans, lesnouveaux projets doiventinclurent ces zones dans lesplans dès la conception dubâtiment pour pouvoir obtenirun permis deconstruire. Pourles constructionsantérieuresnéanmoins desdoutes subsistentquand à la

véritable sécuritéde ces zones.

En plus de ces "zones desécurité", on peut observer descercles jaunes peints sur le soldans la rue et les coursde certains bâtiments. Ilsconstituent des zones derassemblement en cas de séisme.Plusieurs exercices d'évacuationsont réalisés chaque année par lasécurité civile Péruvienne. Si cesexercices permettent de rappelerà la population qu'elle vit dansune zone sismique, on peuts’interroger sur leur réalisme(annoncés un mois à l'avance, pasd'obstacle et peu pris au sérieux).Le rôle de ces zones derassemblement reste aussi flou:que se passera-t-il une fois quetout le monde sera dans les rondsjaunes (si la population suitvraiment les consignes) ?

Page 4: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

4

Pourtant, au Pérou, il y a énormément de normes. La réglementation concernant la construction est bonne etprend en compte le risque d'un important séisme ou la nature du terrain. Mais le manque de contrôle del'application de ces normes (notamment concernant les auto-constructions) pose un sérieux problème devulnérabilité des habitations. Légalement, c'est aux municipalités et non à l’État de réaliser ces contrôles. L’Étatn'a pas non plus le pouvoir de forcer les municipalités à les réaliser et celles-ci n'ont ni les moyens financiers ni lesmoyens techniques pour les réaliser. Les normes de constructions ou les cartes de risques indiquant les zonesinconstructibles ne restent donc que du papier et les mauvaises pratiques continuent. Plusieurs exemplespeuvent être cités concernant les 2 principales méthodes de constructions au Pérou :

Les maisons en maçonnerie confinée : ce sont les habitationsque nous avons le plus observé. Quasiment la totalité desbâtiments de moins de 5 étages situés dans les villes utilisentcette technique de briques encadrées par une structure bétonpoteaux/poutres classique. Mais le plus souvent, la qualité desbriques ne correspondent pas aux demandes du code demaçonnerie confinée. La structure en béton armé peutégalement être concernée par l'utilisation de mauvaismatériaux. Beaucoup de bâtiments de ce type sont aussi sujet auproblème architectural de poteau raccourci ("short columneffect"). C'est un poteau qui n'est pas entouré par la maçonnerie sur toute sa hauteur, créant un petitpoteau en partie haute très fragile, qui rompt facilement lors des déplacements imposés par un séisme(cisaillement).

Rupture d'un poteau raccourci après un séisme

Illustrations du "short column effect" : Restriction du déplacement latéral et fissuration typique

Page 5: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

5

Les maisons en adobe : ce sont des constructions traditionnelles faites en briques d'argile séchées ausoleil et mélangés avec de la paille. Ce matériau peu coûteux et facile à mettre en œuvre jouit d'une trèsgrande popularité dans les zones rurales (et pauvres) du pays. On estime que 30% des habitations auPérou sont encore réalisées en adobe. Or si ces constructions ne sont pas renforcées, elles ne résistentpas aux secousses telluriques. Lors d'un séisme, les murs des maisons d'adobe s'effondrent versl'extérieur et le plafond de boue séchée, pouvant peser jusqu'à 10 tonnes, s'écroule sur les occupants. Lagravité des dégâts et des pertes suite au séisme de 1970 (60 000 maisons détruites et plus de 50 000morts) est largement attribuable à ce mode de construction des maisons

En plus des normes techniques (code de la construction), des normes administratives définissent les règles deconstruction. Le principal problème de ces dernières est qu'elles entraînent une lenteur importante pour obtenirun permis de construire. Le prix de ce permis est aussi élevé. Ces normes administratives poussent donc d'unecertaine manière les constructions informelles à se développer.

Il existe pourtant des solutions que le ministère du logement et de la construction (MVCS) envisage. L’Étatpourrait par exemple proposer une assistance technique aux personnes dépourvues de moyen afin d’améliorer laqualité des constructions. Les normes techniques et administratives peuvent aussi évoluer dans un sens plusadapté au pays. Concernant l'adobe par exemple, le bureau de normalisation réfléchit à des méthodes de test derésistance de la terre pouvant être réalisés sur place et facilement. En effet, il existe peu de laboratoires dans lepays, de plus les constructions traditionnelles en adobe sont construites de façon artisanale et souvent situéesdans des zones reculées. Faciliter l’accès au permis de construire permettrait aussi une meilleure gestion del'urbanisme et faciliterait le contrôle sur les auto-constructions.

B) Mentalité et aspect culturelLors de nos différents entretiens nous avons essayé de connaître la mentalité des habitants face aux risques

naturels. La réponse a été unanime. Les citoyens ne sont pas préoccupés par ces questions. Malgré les nombreuxépisodes catastrophiques, la population préfère ignorer les problèmes. Plusieurs exemples peuvent être évoqués.Après le séisme de 2007 dans la région d’Ica et Pisco, seulement 5 maisons d'adobe ont été reconstruites avec destechniques de renforcement métallique pourtant peu coûteuses, alors même que ces techniques ont fait leurspreuves. De même, chaque année, des habitations sont emportées par des glissements de terrain après les fortespluies saisonnières qui s'abattent sur les hauteurs de Lima. Pourtant les habitants reconstruisent aux mêmesendroits. Ces pratiques peuvent s'expliquer par les préoccupations prioritaires de la population telles que se

Page 6: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

6

nourrir, l'accès à l'eau, la sécurité ou encore l'éducation. Pour certains, comme pour l’ingénieur Jose Mesa Quadracertaines personnes ne veulent tout simplement pas entendre la réalité du problème : les catastrophes naturellesne sont que l’œuvre de Dieu. La plupart de nos interlocuteurs sont donc restés très pessimistes sur l’évolution dela mentalité des populations.

Néanmoins, selon Roberto Prieto (architecte au bureau d’étude et de normalisation du ministère del'habitation et du logement) la croissance économique et le développement du pays entraînent progressivementun changement de mentalité car la population se préoccupe de plus en plus de la qualité de vie et donc de leurlogement. Mais un problème culturel concernant le respect des règles existe au Pérou. Les gens n'ontsimplement pas l'habitude de respecter les règles que ce soit pour la circulation routière ou dans laconstruction. Il y a un gros problème d'informalité à tous les niveaux (permis de construire, mise en œuvre, etc.)et ce problème n'affecte pas seulement la construction. Par exemple 40% de l'eau à Lima est prélevéeclandestinement sur le réseau.

Dans ce contexte, il est difficile de mobiliser les pouvoirs politiques sur les problèmes d'urbanisme etd'habitat face aux risques naturels. Mêmes si les enjeux sont connus, la question est ignorée. Les municipalitésne veulent pas non plus s'opposer aux populations pauvres qui peuplent les zones à risques car ces populationsconstituent leur principal support électoral.

II) ANALYSE ET GESTION DES RISQUESDeux exemples d'études

Face à l’importance du risque sismique qui existe dans la ville de Lima et à la catastrophe qu'un tremblementde terre pourrait engendrer, différents programmes ont été réalisés ou bien sont en cours de réalisation afind’aider la ville de Lima à se préparer à un tel événement. Il s’agit de déterminer les raisons de la vulnérabilité de laville de Lima, de les analyser et dans la mesure du possible de proposer des solutions pour les endiguer.

A) Le SIRADOn peut notamment mentionner la réalisation de “el Sistema de Información sobre Recursos para la Atención

de Desastres” : SIRAD (le Système d’information sur les ressources pour les secours en cas de catastrophe). Ceprogramme a été en grande partie mené par une équipe de chercheurs de l'Institut de Recherche pour leDéveloppement (IRD) et de l'Institut Français d'Etudes Andines (IFEA), avec divers soutiens logistiques,administratifs, techniques et institutionnels. Ce travail a été réalisé entre Avril 2010 et Février 2011 (10 mois autotal). Il a été réalisé à l’échelle des agglomérations de Lima et Callao ce qui représente environ 8,5 millionsd’habitants, soit 30% de la population péruvienne.

Un SIRAD renforce les capacités et les performances de coordination entre les différents niveaux degouvernement (national, régional et local). L'objectif principal du SIRAD est d'avoir un système d'informationgéographique et d'analyse des ressources essentielles afin de prendre les décisions adéquates suite à la survenued'un tremblement de terre et/ou d’un tsunami dans un territoire donné.

Page 7: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

7

HISTORIQUE

La mise en place d’un SIRAD à Lima, fait suite à une recherche scientifique menée entre 1999 et 2004 parl'Institut de recherche pour le développement (IRD) en Equateur, en coordination avec le département de laplanification urbaine et du logement de la métropole de Quito. Le but de cette étude était d'améliorer laprévention des risques de catastrophes naturelles ou causées par l'homme dans la ville de Quito. Pour cela uneétude géo-référencée des éléments essentiels qui permettent le fonctionnement et le développement de la ville aété faite. À la suite de cette enquête, le "système d’information des risques concernant les éléments essentiels etla mobilité dans la métropole de Quito" a été conçu.

Cet instrument a particulièrement intéressé la métropole de Lima qui a désiré développer un outil de gestionde l'information, avec une orientation plus opérationnelle pour l'intervention d'urgence.

Ainsi, le SIRAD adapte le cadre de l'étude réalisée à Quito. L'étude ajoute à l'identification des élémentsessentiels au fonctionnement normal du territoire pour la prévention des risques (ce qui a été réalisé à Quito),l'identification des ressources essentielles pour la gestion d'une situation de crise, afin de se préparer en cas decatastrophe à Lima.

Cette approche de la définition du risque, en insistant sur les éléments essentiels d'un territoire, plutôt quesur les menaces, était et reste encore aujourd'hui, entièrement nouvelle. Ce que le territoire est susceptible deperdre en cas de catastrophe constitue la réelle vulnérabilité de celui-ci face aux risques. Il faut, pour optimiser laprévention des risques, d'abord identifier les éléments et ressources essentielles du territoire, afin de protéger enpriorité le fonctionnement et l'intégrité d’une zone. Ainsi, le risque d'un territoire est défini par la possibilité deperdre des ressources vitales, plutôt que par les risques externes potentiels. Cela confère à l'étude un caractèreplus pratique que les investigations précédentes car elle est principalement fondée sur l'étude des éléments duterritoire.

ELABORATION

A Lima le SIRAD a été conçu comme un instrument pouranalyser les différentes ressources et biens essentiels pourl'intervention d'urgence et le relèvement précoce liés aux dixdomaines clés suivant :

1. Les centres de décision et d'intervention.2. L'approvisionnement en eau.3. La nourriture.4. Les soins d'urgence.5. L'approvisionnement en énergie.6. Les transports et les routes.7. Les télécommunications.8. Les zones potentielles de refuge.9. Les domaines potentiels de résidus.10. Les zones de concentration des activités économiques.

Page 8: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

8

Après une étude des ressources disponibles dans ces dix secteurs, SIRAD a créé une base de données géo-référencées qui permet une analyse de la disponibilité, de la fonctionnalité, de la vulnérabilité et de l'accessibilitéde ces ressources, dans le but d'améliorer la préparation aux catastrophes et la gestion de l'urgence. Un serveurde cartes facile à utiliser permet de visualiser l'ensemble des informations concernant les ressources stratégiques.La recherche peut être adaptée aux besoins particuliers de chaque situation d'urgence.

L’une des nouveautés de ce système d’information est de partir de l’existant et non pas d’une hypothèseconcernant la catastrophe (magnitude du séisme et/ou hauteur du tsunami). Il présente donc l’avantage d’avoirtoutes les données nécessaires pour sa réalisation. Ce système repose également sur la capacité de la populationà s’organiser seule lorsqu’elle est privée de contact avec l’administration. Il est donc primordial de lui fournir leséléments clés pouvant lui permettre de survivre et de s’organiser juste après la catastrophe : il s’agit desdix thèmes qui ont été cités ci-dessus.

On peut identifier plusieurs étapes nécessaires pour le plein développement du SIRAD :

1. Construction d'une base de données géo-référencées des ressources essentielles existantesavant l’arrivée d’un sinistre majeur.

2. Identification des ressources essentielles dans une situation d'urgence. Huit ateliers sur les ressourcesnécessaires à la réponse et au relèvement précoce ont été réalisés. Le but de ces ateliers était deréunir des spécialistes de chaque secteur afin de réfléchir sur l'identification des ressourcesessentielles, à la fois dans une situation normale et dans une situation d'urgence.

3. Analyse de la vulnérabilité des ressources essentielles et système de réponse d’urgence. Les formes devulnérabilité considérée sont les suivantes :

o L'exposition des ressources essentielles aux risques envisagés (par exemple, sismiques etrisques de tsunamis)

o Les difficultés potentielles de l'accessibilité de ces ressources.o La vulnérabilité structurelle de certaines ressources.o Les problèmes d'accès de la population, en particulier les plus vulnérables, à ces ressources.

4. Préparation d'un serveur de cartes accessible via Internet, permettant aux utilisateurs non spécialisésen SIG d’interroger la base de données et de pouvoir produire des cartes en fonction de leurs besoins.

5. Formation aux individus et aux institutions liées à la prévention des catastrophes, afin qu'ils sachentutiliser les informations dans la base de données SIRAD de façon efficace.

6. Préparation du document de synthèse des ressources pour une réponse immédiate et une repriserapide suite à la survenance d'un tremblement de terre et/ou d’un tsunami dans la régionmétropolitaine de Lima et Callao.

Prenons différents exemples de travaux réalisés :

LES SOINS D’URGENCES :

Il s’agit tout d’abord de recenser l’ensemble des entités pouvant contribuer aux soins d’urgences : hôpitaux,cliniques, etc. Puis pour chacun de ces éléments, on détermine leur degré d’importance. Plusieurs critèresrentrent en compte :

o la capacité à accueillir un grand nombre de personnes,o la situation géographique (plus un hôpital est esseulé dans sa zone urbaine plus il est important),

Page 9: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

9

o les spécificités médicales (si par exemple une clinique est la seule à présenter un service pour lesgrands brûlés, elle sera incontournable)

o l’accessibilité (il est préférable de favoriser les lieux facilement accessible)

Une fois déterminée l’importance de chaque lieu de soins, il revient aux autorités de faire des plus importants,« des places fortes à défendre » en cas de catastrophe.

L’APPROVISIONNEMENT EN EAU POTABLE :

Là aussi le premier travail est un travail de recensement. On comptabilise tous les éléments dufonctionnement en temps normal de l’approvisionnement en eau. C’est-à-dire : l’usine de production d’eaupotable, le réseau de distribution, les sorties d’eau, les réserves, puits... Puis pour chacun de ces éléments ondétermine son importance et son degré de vulnérabilité. Plus un élément est clé plus il sera important de leprotéger et de diminuer sa vulnérabilité.

Dans un deuxième temps on recense toutes les solutions qui pourraient être utilisées en cas de crise. C’est-à-dire par exemple les entreprises privées pouvant mettre à disposition des camions citerne pour distribuer de l’eauainsi que les emplacements permettant le remplissage de ces citernes, les réserves d’eau de secours, etc.

La connaissance de ces données, géo localisées, permettra d’organiser une réaction plus rapide et plus efficaceface à la perte d’une partie du réseau de distribution d’eau en cas de catastrophe.

TRANSPORT ET ROUTES :

Les données d’accessibilité sont une nouveauté dans l’étude menée à Lima. Il s’agit de déterminer les axesimportants à maintenir ou bien à rétablir rapidement suite à un séisme et/ou tsunami. En effet il est parexemple important de pouvoir assurer le lien entre Callao (où se situe le port, l’aéroport et les combustibles) avecLima (où se situe tout le reste : ressources, administration, équipements civils) qui sont séparées par le Rio Rimac.De même les voies d’entrées et de sorties de la ville de Lima (peu nombreuses : 3 au total) présentent un enjeuprimordial pour l’acheminement des secours, des denrées, vers la ville de Lima. Enfin au sein même de la villecertaines voies de circulations présentes la même importance stratégique.

Un travail de recensement a donc été réalisé pour déterminer les voies à rétablir en priorité en fonction deleur capacité à desservir et à relier les emplacements stratégiques mais aussi en fonction de la rapidité et de lafacilité avec laquelle ces axes pourront être remis en service. Par exemple un axe majeur ayant recours à destunnels ou bien surplombé par de nombreux ponts ne sera pas retenu.

Au-delà de la prévention aux risques naturels, la gestion du trafic urbain est un réel enjeupour la ville de Lima

Page 10: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

10

UTILISATION

Actuellement, les principaux utilisateurs des ressources du système d'information pour les secours en cas decatastrophe (SIRAD) sont l'Institut National de la Défense Civile (INDECI), la municipalité métropolitaine de Lima(MML), le gouvernement régional de Callao, et les municipalités des districts qui composent les provinces de Limaet de Callao.

Alors que, de par sa nature, l'utilisation de SIRAD est particulièrement axée sur la réponse à une situationd'urgence (en particulier les urgences liées aux tremblements de terre et/ou tsunami), il convient de noter que leSIRAD est utile dans le domaine de la préparation, pour le développement, la rénovation ou l'amélioration desinstruments et des actions de gestion publique suivantes :

o Simulations à l'échelle nationale, dont le personnel a reçu une formation préalable à l'utilisation duSIRAD afin d'utiliser l'outil pour la préparation et le développement de ces simulations.

o Préparation du protocole de première réponse de la MML (72 premières heures après l'apparition dela situation d'urgence)

o Mise à jour du plan d’opération d'urgence de la MML.o Organisation de simulations de séisme et/ou tsunami menées par la MML. Notamment pour

coordonner la riposte du secteur de la santé.

En conclusion si une catastrophe majeure venait à toucher le Pérou, les soins d'urgence impliqueront laparticipation d'un grand nombre d’entités internationales, nationales, régionales et locales. L’accès àl'information sur les ressources disponibles, le fonctionnement, la vulnérabilité et l'accessibilité sera certainementune priorité pour prendre des décisions rapidement, de façon efficace et opportune. En ce sens, le SIRAD seprésente comme un outil fondamental, pour guider le personnel technique et faciliter la gestion des différentsacteurs, dédié aux décisionnaires.

NEANMOINS

Malgré sa volonté de mettre en place ce système d’information sur les ressources pour les secours en cas decatastrophe, les conclusions sont peu souvent prises en compte par la municipalité de Lima qui peine à investir del’argent dans la rénovation des édifices jugés essentiels.

Par ailleurs les organisations de « simulacres » de séismes ou de tsunamis sont trop souvent éloignées de laréalité : la population est prévenue des semaines à l’avance, les rues sont bouclées, l’effet de panique n’est paspris en compte, et le « simulacre » prend fin à la simple évacuation de la population hors des bâtiments : dans larue.

De même les simulations de coordinations, de prises de décisions entre les différents acteurs aux niveauxnational, régional et municipal dans les premières heures suivant la catastrophe sont rarement réalistes. Lesacteurs parlent au conditionnel, se plaignent de coupure téléphonique ou bien d'internet…

Finalement, la mairie de Lima a entre ses mains un outil de grande valeur dans la gestion des risques. Il luiappartient maintenant d'en faire le meilleur usage possible afin de se préparer à l'éventualité d'une catastrophe.

Page 11: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

11

B) Etude de l'exposition des écoles de Lima face aurisque sismique

Lors de notre visite à La Pontificia Universidad Católica del Perú (PUCP) nous avons pu nous entretenir avec leDr Sandra Santa Cruz, spécialiste des risques à la faculté d'ingénierie civil. Elle nous a présenté une étude en coursde réalisation portant sur l'exposition au risque sismique des collèges et écoles publics de Lima.

L’étude porte sur 1512 collèges et écoles publics de la municipalité et a bénéficié de l'aide de la banquemondial (utilisation du logiciel CAPRA) et d'une trentaine d’élèves de l’université.

Le but de l’étude est d’évaluer l'exposition aux risques des collèges et écoles publics de la capitale grâce à desindices quantitatifs (dommages en cas de séisme, nombre d’élèves affectés, coût du renforcement, etc). Pourpouvoir réaliser cette évaluation, il a d'abord fallu obtenir des informations descriptives sur chacun desbâtiments. La collecte de ces informations fait forcement appel à des hypothèses qualitatives et reste donc dansune certaine mesure incertaine.

L’évaluation des bâtiments prend en compte les éventuelles dommages en cas de séisme (de la simple fissureà la destruction), en fonction du type et de l’âge de la construction (construction récente en béton d’après 1970,maçonnerie, bâtiment historique, etc.), de l’état de sa structure, de son architecture, etc. L’étude définit donc unniveau de destruction pour chaque écoles en fonction de l’accélération (faible/moyenne/forte) en décrivant lenombre d’éléments du bâtiment affectés pour cette accélération (X1% poteaux, X2% poutres, X3% fenêtres,...). Elleestime aussi le coût de la réparation de chacun de ses éléments (poteau = Y1N.S., poutre= Y2N.S., fenêtre=Y3N.S.).On peut ainsi estimer le coût de réparation en fonction de l'accélération (Coût=X1xY1+X2xY2+X3xY3+...).

A partir d'une étude définissant 3000 scénarios de séisme éventuel pouvant affecter Lima, on établit unecourbe de la fréquence (occurrence) en fonction de l'accélération (c'est à dire de l'intensité sismique). Puismultiplie l'accélération (a) par un facteur F dépendant du sol (mais indépendant de a) afin de prendre en comptela localisation des écoles (axF).

On obtient de cette façon des données probabilistes sur le risque d'affectation des écoles et collèges de Limadans le temps.

On peut aussi extraire de cette étude plusieurs informations intéressantes :

Le premier résultat marquant est qu'en cas de fort séisme 69% des écoles publiques seraient très fortementaffectées (détruites ou à détruire).

D'autres informations sont instructives. On remarque par exemple que les constructions datant d’après 1970sont peu affectées et sont présentes partout sur le territoire de Lima. Inversement, d'autres types de constructioncomme celle en maçonnerie ancienne, aussi répartie sur l'ensemble de Lima seraient durement touchées par un

Page 12: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

12

séisme important. En fait la nature du sol et donc l'emplacement de l'école n'influe presque pas alors que le bâtisjoue beaucoup.

Cela permet de conclure que le renforcement des bâtiments est une solution efficace et même nécessaire.

L’étude détermine aussi une évaluation des coûts du renforcement des bâtiments le nécessitant. Il apparaîtclairement que le ratio (dépense probable en réparation/reconstruction sur 50 ans par exemple) /(coût de lamitigation) est largement supérieur à un. Pour le docteur Santa Cruz, il faut donc désormais bâtir une stratégie demitigation.

Graphique représentant une évaluation des coûts probables et réelle en fonction du temps

Définir une stratégie de mitigation signifie définir le processus de renforcement à établir dans le temps. Celle-ci ne doit pas seulement se baser sur des critères d'efficacités financières comme par exemple :

M1=M2=M3=M4=...=M et (Dp1-Dp2) > (Dp2-Dp3) > (Dp3-Dp4) > ...

Ce schéma consisterait à dépenser régulièrement une somme d'argent constante M, en privilégiant d'abord lesdépenses les plus efficaces en termes de mitigation, c'est-à-dire qui font économiser le plus d'argent en cas deséisme.

En effet, il faut aussi prendre en compte des critères d'urbanismes, des critères sociaux, ou des critères liés àla politique d’investissement. Il peut être par exemple plus judicieux d'investir en priorité l'argent dans lescollèges des quartiers pauvres où il y a beaucoup moins de zones de refuge car les constructions sont de faiblequalités, ou de porter son attention sur le nombre d’élèves, l’éloignement de l’école, etc... C'est à l'ensemble desdécisionnaires politiques (ministère de l’éducation, des finances, de la construction, municipalité de Lima,...)d’établir la meilleur stratégie de mitigation possible.

Page 13: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

13

Conclusion

Bien que la méthodologie, l'échelle et le but de ses 2 études soit différents, elles mettent en évidencel'importance de prendre des mesures permettant de limiter l'impact d'une catastrophe naturelle (en particulierun séisme) sur la population de Lima. Lors de nos deux entretiens, la vulnérabilité de la ville a été évoquée. Pources spécialistes, se préparer à un tremblement de terre reste un défi majeur que la municipalité doit s'empresserde relever.

III) DEVELLOPEMENT DES TECHNIQUES DECONSTRUCION

Comme nous l'avons vu précédemment, en cas de séisme majeur, une grande partie de la population risqued’être affectée. Nous avons aussi constaté qu'il était possible de mieux se préparer à une situation d'urgence etde limiter l'ampleur d'une catastrophe. Mais il est aussi possible d'envisager des solutions techniques pour agiravant la catastrophe.

Selon l’ingénieur José Mesa Quadra, il y a deux sujets distincts :

o Les nouvelles constructions : elles sont sujettes à de bonnes normes et il existe un code parasismiquerécent (2007). Néanmoins la politique d'habitation n’intègre pas assez la réalité du pays et les normestechniques ou administratives devraient mieux s'adapter à la culture constructive du pays (cf.paragraphe I)

o les constructions existantes : elles devraient être renforcées. Beaucoup de solutions sontenvisageables. Les évolutions technologiques dans le secteur du bâtiment devraient servir aurenforcement parasismique.

A) Recherche sur le renforcement des constructionsen Adobe à l’université pontificale du Pérou

Au Pérou, les populations les plus pauvres, comme souvent, sont les plus exposées aux risques, notammentsismique. Les peuples Andins qui construisent leur habitation en adobe lourd et peu résistant risquent d’être trèsfortement touchés en cas de secousses. Pourtant ce type de construction représente encore 30% desconstructions péruviennes.

Pour ces raisons, suite au tremblement de terre dévastateur du 31 mai 1970, l'Université Pontifical du Pérou(PUCP) situé à Lima s'est intéressée au renforcement des constructions en adobe.

RENFORCEMENT INTERNE (CONSTRUCTION NEUVES)

L’analyse de la réponse de bâtiments de terre à des essais statiques est compliquée. En raison de leur grandemasse, de leur faible résistance à la tension et leur fragilité, il est difficile d’appliquer des charges concentrées auxmodèles de terre. Les premiers tests réalisés à l’université catholique utilisaient donc une table à bascule.

Page 14: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

14

L’inclinaison générée par la table crée une composante horizontale du poids propre qui modélise la force d’inertiedu séisme.

Grâce à cette technique de test, plusieurs méthodes de renforcement utilisant du bois, du bambou ou dutreillis soudé ont pu être testées sur des modèles à grande échelle. A ce stade des recherches, la procédure derenforcement la plus efficace consistait à appliquer des cannes de bambou verticale sur la face intérieure desmurs avec un espacement d’une demi fois la largeur du mur. L’ensemble était liaisonné par cannes fendueshorizontales placées toutes les quatre couches de briques d’adobe. Les tests de ce renforcement ont en effetmontré une importante augmentation de ductilité du mur.

Dès 1984, des essais de simulation sismique sur desmodèles en adobe grandeur nature sans toit ont pu êtreréalisés grâce à une table de vibrations unidirectionnelle. Ensoumettant ces modèles à plusieurs mouvements sismiquesd'amplitude croissante (dérivés de la composantelongitudinale du séisme du 31 Mai 1970) avec ou sanscannes de bambou en guise de renforcement, les recherchesont pu se développer. Il a été démontré que l'ajout d'unepoutre en bois permettrait d’empêcher la séparation desmurs et donc l'effondrement hors plan de ceux-ci. Lanécessité des renforcements en bambou horizontaux a aussiété confirmée.

Table de simulation sismique

Modèle de construction avec une armature en bambou encours de réalisation

RENFORCEMENT DE L'EXISTANT : 1990-2003

Le travail de recherche expérimental s'est ensuite concentré sur les constructionsexistantes, avec comme objectif de réduire la vulnérabilité sismique des bâtiments enterre. Plusieurs matériaux comme les cordes de fibres naturelles, le bois, des grillages, etdes treillis en acier soudés (voir photo) ont été placés à des points critiques de lastructure afin de réaliser le renforcement. La meilleure solution trouvée a été l'utilisationde treillis soudés légers appliqués sur les deux faces de la paroi, verticalement dans lesangles et horizontalement au niveau de la partie supérieure des parois à la manière depoutres et de poteaux. Les tests ont été réalisés sur des murs en U afin d'augmenter lenombre d'effets directionnels testés à chaque simulation sismique. Comme complémentpratique au programme de recherche expérimentale, certaines maisons traditionnelles

Page 15: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

15

situées dans plusieurs parties du Pérou ont été renforcées grâce à cette technique. Après le puissanttremblement de terre de 2003 qui a frappé le sud de Pérou, alors que des milliers de maisons de terre dans lelittoral et dans les régions andines étaient touchées, ces maisons rénovées grâce à des mailles d’acier enduites desable et de ciment ont résisté. Cette technique devenait donc un modèle pour la reconstruction de plusieurscentaines de maison dans la région. Pour corroborer l'efficacité de ce renfort, trois maisons modèles avec unedisposition géométrique similaire à celles bâties lors de reconstruction ont été testées dynamiquement:

o le premier modèle (URM- 01) a été construit sans aucun renforcement afin de servir de base pour lesmodèles renforcés.

o le second modèle a été renforcé sur les deux côtés de la paroi avec des bandes horizontales etverticales de treillis soudés d'acier fin protégé par un mortier de ciment (RM- SM). Les bandesverticales ont été placées à tous les angles, et la bande horizontale a été placée sur la partiesupérieure des parois, simulant une poutre courante sur le pourtour du bâtiment.

o le troisième modèle (RM- RC) était similaire au précédent, mais une poutre filante en béton armé (enpartie haute de tous les murs) et ancrée aux murs par des connecteurs de cisaillement aux angles a étéajoutée.

Tous les modèles ont été soumis à plusieurs mouvements sismiques d'intensité croissante. La performancesismique du modèle non armé a été utilisée afin d'établir une relation entre le déplacement de la table et l'échelled'intensité modifiée de Mercalli (MMI). Les résultats ont montré que pour les mouvements importants,équivalent à une intensité MMI = X, l'effondrement partiel et l'instabilité globale de la structure ne sont pas évitésavec ce renfort. Les bandes de mortier armé sont beaucoup plus rigides que les murs en terre et ont tendance àabsorber la plupart des forces sismiques jusqu'à ce que la résistance élastique soit atteinte et qu'une rupture seproduise.

UTILISATION DE MAILLE POLYMERE COMME UN MATERIAU COMPATIBLE POUR LA RENFORCEMENT2003-2006

Depuis 2003, des matériaux polymères ont été utilisés dans le travail expérimental comme une alternativepour le renforcement des bâtiments en terre. L'avantage de ces matériaux vient de leur compatibilité avec ladéformation de la paroi de terre et de sa capacité à fournir une transmission adéquate de sa résistance à latraction aux murs.

Lors du premier programme expérimental, des murs d'adobe en I différemment renforcé ont été soumis à destests statiques cycliques. Parmi les méthodes de renforcement, des mailles de polymères appliquées sur la partieinterne et externe du mur ont été utilisées. Les résultats ont montré que les mailles de polymère confinent le muren adobe jusqu'à des niveaux élevés de déplacement horizontal, ce qui permet à une grande quantité d'énergiede se dissiper par rapport à la paroi non renforcée ou au renforcement de mailles d'acier rigides enduites demortier.

Durant les années suivantes plusieurs études comparatives ont été réalisées afin d'évaluer les qualitésdynamiques des différents types de renforcements externes en maillage naturel ou industriel. Deux maisonsgéométriquement identiques ont été construites. L'une d'elle (RM -NM) était renforcée avec à l'aide de cannes debambou faisant offices d'armatures verticales et de cordes en fibres naturelle comme brides horizontales. Lerenforcement a été placé des deux côtés de la paroi et relié par un petit fil de cabuya (fibre naturelle) passant àtravers un trou préalablement percé dans le mur. Le deuxième modèle (RM- PM100) a été renforcé par unemaille polymère (géogrille) recouvrant complètement les murs des deux côtés. Le maillage a été relié avec du fil

Page 16: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

16

plastique à travers des trous forés dans les parois espacées de 40 cm dans les deux directions orthogonales. Surles deux modèles, un mortier de boue a été appliqué jusqu'à la moitié de la structure dans le but d'étudier soneffet sur l'efficacité de la technique de maillage.

Les résultats ont montré que placer un maillage externe naturel ou industriel des deux côtés des murs et de lesliaisonnées à travers l’épaisseur du mur est efficaces pour éviter un effondrement partiel ou total du bâtiment enadobe. Si le maillage n'est pas couvert de stuc de boue, la résistance initiale est la même que le mur non armé, etle maillage devient effectif une fois que le mur est fissuré. Après la fissuration, le maillage confine les différentséléments de la paroi cassée, empêchant ainsi l'effondrement partiel ou total. Dans les deux cas, l'enduit de bouesur le maillage augmente considérablement la résistance au cisaillement initiale et la rigidité de la paroi. Ilcontrôle les déplacements latéraux et limite la fissuration de la paroi dans une large mesure. Ceci estparticulièrement notable dans le cas de la maille polymère. Sur la base de ces résultats, le maillage de polymèreplacé sur le mur entier peut être considéré comme la limite supérieure de la quantité de renforcement industrielexterne car la maille est déjà très resserrée. L'alternative naturelle, au contraire, peut presque être considéréecomme la limite inférieure de renforcement externe naturelle, du fait de la plus grande distance entre seséléments horizontaux et verticaux.

Après ce projet, des tests dynamiques supplémentaires ont été effectués sur des modèles de géométrieidentique mais possédant des quantités et des qualités variables de mailles de polymère, afin d'essayer de réduirel'ensemble du coût de la technique de confinement. Trois autres modèles ont été testés en utilisant les mêmescaractéristiques géométriques et les mêmes mouvements sismiques que dans les deux précédents projets. Lemodèle RM-PM75 a été renforcé en couvrant 75% de la paroi de la surface avec une maille de polymère, lemodèle RM-PM50 a été recouvert à 50% de sa surface du mur et le modèle RM-LCM a été renforcé à 100% surune paroi longitudinale et à 70% sur le mur parallèle mais avec une maille de polymère bon marché. Les résultatsde ce dernier groupe d'essais dynamiques ont montré que la quantité de mailles placée sur les parois est plusimportante que la résistance de la maille elle mêmes. En effet le mur entièrement renforcé avec une maille bonmarché avait une meilleure performance sismique que les modèles renforcé à 75% avec mailles plus résistante.Dans tous les cas, le test a également confirmé l'effet bénéfique d'avoir un enduit de boue couvrant la maille.Celui-ci doit avoir une épaisseur minimale pour assurer l'efficacité du maillage et la protection à l'environnement.

Page 17: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

17

BILAN ET UTILISATION

L'ensemble de ces tests a pu être résumé dans un tableau indiquant les dommages des différents modèles enfonction de l’intensité sismique. Plusieurs conclusions générales peuvent être tirées de ces travaux :

o pour éviter la destruction, le renforcement doit être compatible avec la déformation du mur en terre.Dans ce sens, le maillage de treillis métallique retient la fissuration jusqu’à une intensité importantemais ne travaille plus conjointement avec l'adobe à partir d'un certain niveau de déplacement.

o au contraire le maillage polymère recouvert de mortier de boue travail avec l'adobe jusqu’àd'importants niveaux d'intensité sismique. De plus elle s'adapte à tous types de configurationsarchitecturales. Le matériau est aussi plus durable car plus résistant aux agents biologiques etchimiques.

Page 18: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

18

Plusieurs études réalisées par l'Université Pontifical ont ainsi permis de faire évoluer le code de constructionconcernant l'adobe. Le renforcement interne en bambou est ainsi indiqué. Même l'utilisation de renforcementextérieur est évoquée. Les réquisitions concernant les dimensions, l'épaisseur des murs et l'emplacement desouvertures sont utiles pour les faibles intensités de vibration. D'un autre côté, il a été rapidement démontré queles matériaux souples et ductiles sont beaucoup plus performants que les matériaux plus rigides et plus solideslors d'un grand tremblement de terre. Dans ce cas les techniques de renforcement interne et externe sontnécessaires.

Malheureusement, comme nous l'a signifié le Dr Quiun, malgré le code de l'adobe, ces études restent destravaux de recherche et les pratiques n'ont pas réellement changées.

Page 19: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

19

B) El Instituto de Vivienda, Urbanismo etConstrucción

Au cours de notre séjour à Lima, afin de mieux comprendre la gestion des risques dans cette métropole, nousavons eu l’occasion de rencontrer deux architectes français : Yann Barnet et Faouzi Jabrane. Ces deux architectesinstallés depuis une dizaine d’années à Lima, ont eu l’occasion de participer à la reconstruction de la ville de Piscoen août 2007. Ils ont apporté un élément nouveau dans leurs travaux avec la participation de l'Instituto deVivienda, Urbanismo y Construcción (l’IVUC) : l’utilisation du bambou.

LE BAMBOU UNE REEL ALTERNATIVE ?

L’utilisation du bambou présente de nombreux avantages tout d’abord au niveau structurel :

Quelques éléments de comparaison des caractéristiques du bambou, avec d'autres matériaux deconstruction.

Caractéristiques Bambou Chêne Pin Béton Acier deconstruction Commentaires

Masse volumique(kg/m3) 580 à 700 700 530 ̴ 2400 7500 à

8100

Contrainteultime en Traction

axiale[MPa]

240 90 100 2 à 9 450

Sert à prévoir lecomportement deszones tendues quidevront supporter

des efforts

Contrainteultime en

Compression axiale[MPa]

80 58 50 20 à 90 450

Sert à prévoir lecomportement deszones comprimées

qui devrontsupporter des efforts

Energie deproduction (MJ/m3) 30 80 80 240 1600

Energie dépenséepour produire le

matériau

Coefficient deFail Safe Exprime la

capacité àsupporter descontraintes

accidentellesextérieures très

fortes

50 20 20 10

Cela se situe parexemple au niveaudes tremblements de

terre

Page 20: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

20

Les performances du bambou comme matériau de construction s’expliquent en partie par sa structurenaturelle. Des entre-nœuds pleins, une structure creuse (qui en fait profilé naturel), des fibres longitudinales,l’absence de nœuds, lui permettent d’avoir des performances mécaniques supérieures au bois, à masse et/ouvolume égaux.

En effet le bambou présente une bonne résistance à la traction (de façon unidirectionnelle, suivant le sens desfibres), de plus le faible poids du bambou, et sa relative élasticité, en font un excellent matériau de constructionen zone sismique.

Il présente tout de même une faiblesse lorsqu'il est utilisé en flexion (flèche importante) et ne peut être utilisétel quel pour de longues portées par exemple. Cependant un agencement particulier ou bien la combinaison dubambou avec d’autres matériaux peuvent combler cette faiblesse.

Par ailleurs le bambou est un matériau simple d’utilisation sur un chantier. La réalisation de panneaux peut sefaire rapidement en grande quantité : à la chaine. Il permet l’utilisation de grandes pièces jusqu’à six mètreslimitant le nombre de coupes, et enfin s’assemble rapidement.

Cependant les jonctions constituent les points faibles d’une construction en bambou et doivent être soumis àune attention particulière. En effet, il ne faut pas dissocier les fibres les une des autre afin de préserver les bonnescaractéristiques du bambou. Il faut donc éviter tout pincement ou encore de créer une fissure dans la longueur dubambou. Ainsi les jonctions qui permettent les transferts de forces demandent un assemblage particulierpermettant de conserver les qualités du bambou. Des compétences spécifiques (et du bon sens) sont doncrequises pour entreprendre une construction en bambou.

D’autres aspects font du bambou un matériau intéressant.

En effet, c’est un matériau dont l’emprunte énergétique est faible. De plus sa croissance rapide en font uneressource renouvelable, il faut environ trois ans pour l’obtention d’un bambou près à être utilisé pour laconstruction. Le bambou nécessite tout de même un traitement spécifique afin de résister dans le temps(notamment aux mites). Ce traitement consiste à saturer le bambou en sel, en le plongeant dans une piscined’eau salé. Puis il nécessite un entretien attentionné comme toutes constructions en bois.

De plus, d’un point de vue architectural, le bambou permet des constructions très diverses et bien plusagréables que les mornes constructions en adobe ou en maçonnerie chainée.

Page 21: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

21

Maison en bambou de deux étages Eglise Notre Dame de la Pauvreté en Colombie

Malheureusement, ce type de construction est actuellement difficilement généralisable à l'ensemble duPérou. Tout d’abord la réserve en bambou ne le permet pas, et les mentalités ne sont pas encore prêtes àaccepter une construction en bambou en tant que construction résistantes aux séismes.

D'AUTRES PISTES DE RECHERCHES

Après s’être intéressés aux constructions en bambou et conscient de l’importance de l’accès à un logementpeu onéreux, réalisable facilement par la population locale et résistant aux séismes ; ces deux architectes, encollaboration avec des élèves volontaires de l’Université San Martin de Porres, ont poursuivi leurs recherchesdans ce type d’habitations.

Ainsi est né le projet de réalisation d’une maison présentant toutes ces qualités. Ce projet est encore à l’étatd’étude.

En voici quelquescaractéristiques :

Page 22: LE PEROU ET SA CAPITALE FACE AUX RISQUES …build-back-better.e-monsite.com/medias/files/2-le-perou-et-sa... · exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements

Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques18 avril au 2 mai 2014

Félix MÉLOUAntoine MEULEMAN

Projet Build-Back-Better15 février au 15 septembre 2014

22

Finalement c’est avec beaucoup de plaisir que nous avons réalisé cette étape inattendue et un peu forcée àLima. Ce fut pour nous l’occasion d’aborder une nouvelle thématique : la gestion des risques. Un enjeu, commevous l’aurez compris à la lecture de cet article, qui est primordial pour la ville de Lima.

Au cours de nos rencontres et de nos échanges, nous avons pu constater que nous retrouvions un grandnombre de problématiques communes avec la première étude que nous avions réalisée à Concepción au Chili,telles que l’importance d’une ville correctement structurée, l’absence de cadastre, la centralisation du pouvoir.Cette étape fut aussi l’occasion de découvrir d’autres problématiques comme l’auto-construction ou encore lagestion des ressources essentielles pour faire face à une catastrophe. Par ailleurs nous avons pu élargir notreculture du bâtiment à d’autres modes constructifs : adobe, bambou.

Enfin nous tenons à remercier l’ensemble des personnes que nous avons pu rencontrer à Lima, ainsi que cellesqui nous ont aidées dans notre vie quotidienne.

- Daniel Quiun Wong, Professeur Principal, Coordinateur du Secteur Structure, départementd’ingénierie, section ingénierie civile, Université Pontifical Catholique du Pérou,

- Dr Sandra Santa Cruz Hidalgo, Professeur Associé, Département d’ingénierie, section ingénieriecivile, Université Pontifical catholique du Pérou,

- José Meza Cuadra Velásquez, Professeur d’ingénierie civile et d'architecture à l’Université SanMartin de Porres, Directeur de l'institut de recherche FIA, Fondateur du magazine Constructivo,

- Yann Barnet, Architecte, Instituto de Vivienda Urbanismo y Construcción,- Faouzi Jabrane, Architecte, Instituto de Vivienda Urbanismo y Construcción,- Pascale Metzger, Chercheuse à l'IRD de Lima, spécialiste du Management des risques,- Roberto Prieto Sanchez, Direction d’études et de Normalisation, Direction National de

Construction, Ministerio de Vivienda, Construcción y Saneamiento,- Francisco Obregon Gutierrez pour son accueil et son aide dans notre travail,- Daniel Coronel pour son hospitalité et sa générosité.