Le pavé dans la mare de shontayne hape
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SANTÉ DANS UN TÉMOIGNAGE ÉDIFIANT, L’ANCIEN CENTRE DEMONTPELLIER ET DU XV DE LA ROSE SHONTAYNE HAPE EXPLIQUE LECALVAIRE QU’IL A SUBI ET QU’IL SUBIT ENCORE EN RAISON DESCOMMOTIONS CÉRÉBRALES REÇUES PENDANT SA CARRIÈRE. ET ILN’ÉPARGNE PAS LE MHR.
UN PAVÉ DANS LA MAREPar Émilie DUDON (avec S. V.) [email protected]
Shontayne Hape aurait aujourd’hui « la capacité de concentration d’un enfant.
J’oublie tout. Mon fils peut s’installer à une table et bosser pendant des heures. Moi
je ne tiens qu’une demi-heure », confie l’ancien centre international anglais (33 ans,
13 sélections) dans un long témoignage paru ce week-end dans le New Zealand
Herald. Les conséquences d’une grosse vingtaine de commotions cérébrales subies
durant sa carrière, à XIII et à XV. « Je ne cherche pas la compassion, assure-t-il. Je
raconte cette histoire pour les jeunes joueurs, qui ont le droit de savoir. […]
Récemment, je regardais un match de phase finale de Top 14, Toulouse — Racing.
Florian Fritz a fait un K.-O. Il pissait le sang. Il est sorti, puis un membre du staff
médical l’a autorisé à retourner sur le terrain. Il l’a fait, mais il n’était pas en état.
Des trucs comme ça, j’en vois tout le temps. C’est ce que moi-même j’ai fait. Le
problème, c’est que les fans se disent « Wow, c’est un dur ! » Mais cette mentalité
doit changer. Les jeunes joueurs ne se rendent pas compte des risques des
commotions. »
« TERRIFIÉ À L’IDÉE D’ALLER DANS UN RUCK »Comme ce fut le cas pour l’ancien pilier biarrot Eduard Coetzee, son histoire fait froiddans le dos. Le joueur explique ses derniers mois de galère, alors qu’il venait designer à Montpellier, à l’été 2012. Victime de deux commotions coup sur coup avecles London Irish avant son arrivée au MHR, il s’est à nouveau blessé peu après,
contre Toulon. Et a continué à jouer malgré de nouveaux chocs subis en matchs ou à
l’entraînement. « Quand tu es international et que tu signes dans un club, tu es
censé impressionner tout le monde. C’était le plus gros contrat de ma carrière. La
pression était énorme. […] J’avais des migraines, des vertiges. Je n’arrivais plus à
me souvenir de mon code de carte bancaire. Je me suis fait avaler ma carte deux
fois. Pour atténuer les vertiges, je prenais des anti-douleurs, des boissons hyper
caféinées et des médicaments. C’est comme ça que j’arrivais à tenir en match et
aux entraînements. J’ai vécu comme ça pendant quatre ou cinq mois. Comme un
zombie. Avec le recul, je me dis que j’aurais dû insister auprès des médecins, et
les prévenir bien plus tôt. J’ai quand même joué onze matchs, avant de m’effondrer.
À la fin, j’étais terrifié à l’idée d’aller dans un ruck, de peur de prendre un autre
choc. J’étais nul, et on a fini par me sortir du groupe. Paradoxalement, j’étais
content, car j’allais enfin donner un peu de repos à ma tête. »
Victime d’un nouveau K.-O. sur un choc anodin, lors d’un entraînement quelquessemaines plus tard, Shontayne Hape s’est trouvé inconscient sur le premier plaquage
du match suivant. « Lors du débriefing vidéo, Fabien Galthié m’a allumé pour ne pas
être allé dans un ruck. C’était humiliant mais j’ai tenu ma langue. Plus tard, il est
venu me parler. Je lui ai enfin expliqué pourquoi je n’allais plus dans les rucks. Il ne
pouvait pas le croire. Le club m’a envoyé passer des examens à l’hôpital de
Montpellier. J’étais assis dans une salle noire, avec des électrodes. J’avais
l’impression d’être dans un hôpital psychiatrique. On m’a montré sept ou huit
images. Quelques secondes après, je ne me souvenais que d’une ou deux. Mon
score indiquait que j’étais juste au-dessus d’une personne retardée. Le spécialiste
m’a expliqué que mon cerveau était tellement traumatisé qu’une simple tape sur le
corps me mettrait K.-O. Il m’a envoyé vers un autre spécialiste, à Paris, qui m’a
confirmé que je devais arrêter immédiatement. Je suis rentré à Montpellier, et j’ai
tout dit à Fabien Galthié. J’ai éclaté en sanglots. […] C’est là que le club a voulu
outrepasser le verdict médical. Ils m’ont dit qu’ils allaient me mettre au repos deux
mois et voir ensuite. De mon côté, je n’arrivais pas à me dire que c’était terminé. Je
suis tombé dans le déni : je me disais qu’après un an de repos, je reprendrais. Mais
j’ai sombré dans la dépression. »
« DES MORCEAUX DE VIANDE »Le joueur, à qui il restait un an de contrat avec le MHR, a finalement mis un terme à
sa saison dès le mois de février 2013. Il a aujourd’hui tiré un trait définitif sur sa
carrière. Il déplore : « Les joueurs ne sont que des morceaux de viande. Et quand la
viande devient trop vieille, le club en achète une autre […] En France, on me disait :
« Dans une semaine, tu seras remis ». La pression des coachs était énorme. La
plupart d’entre eux se moquent de ce qu’il peut vous arriver après. Seul le présent
les intéresse. »
Le président et le directeur général du MHR n’ont pas souhaité répondre à cesdéclarations. Le président de la commission médicale de la FFR, Jean-Claude
Peyrin, non plus. « Je peux difficilement croire que le joueur ait vu deux
spécialistes sans que nous en ayons été informés », nous a-t-il simplementconcédé. Son homologue à la LNR, Bernard Dusfour, ne s’est pas exprimé en raisonde son devoir de réserve dans l’attente de la réunion de la commission médicaled’expertise, formée par le comité directeur de la Ligue après l’incident de FlorianFritz. La question des commotions reste toujours aussi délicate…