Le paradoxe

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Yves Sintomer Membre senior de l’Institut Universitaire de France Professeur de science politique, CRESPPA-CSU (Université Paris 8-CNRS) Chercheur associé à l’Institut de sociologie, Université de Neuchâtel, professeur invité à l’Université de Lausanne Démocratie locale, démocratie participative: Quel futur pour la démocratie? Conseil de développement du Pays de Montbéliard et Agglomération Montbéliard, 26/09/2013

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Page 1: Le  paradoxe

Yves SintomerMembre senior de l’Institut Universitaire de France

Professeur de science politique, CRESPPA-CSU (Université Paris 8-CNRS)Chercheur associé à l’Institut de sociologie, Université de Neuchâtel, professeur

invité à l’Université de Lausanne

Démocratie locale, démocratie participative: Quel futur pour la démocratie?

Conseil de développement du Pays de Montbéliard et AgglomérationMontbéliard, 26/09/2013

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Le paradoxePlace Tahir, Le Caire

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La place Puerta del Sol, Madrid: Les indignés (le mouvement «15-M», source: El País, 15/05/2011)

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Baromètre de la confiance politique du Cevipof, octobre 2011

• Est-ce que vous vous intéressez à la politique ? Beaucoup/assez : 60% Peu/pas du tout 39%

• A votre avis, est-ce que les responsables politiques, en général, se préoccupent de ce que pensent les gens comme vous:

Peu/pas du tout 83% Beaucoup/assez : 13%

• Diriez-vous qu’en règle générale, les élus et responsables politiques français sont

Plutôt corrompus 69% Plutôt honnêtes 30%

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• Les hôpitaux 80%• La police 65%• Les grandes entreprises publiques

44%• L’Union européenne 39%• Les syndicats 35%• Les grandes entreprises privées

35%• L’Organisation mondiale du commerce

(OMC) 28%• Les banques25%• Les médias 23%• Les grandes conférences internationales

comme le G 20 22%• Les partis politiques 13%

Avez-vous très ou plutôt confiance dans confiance dans

(Baromètre de la confiance politique du

Cevipof, octobre2011)

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La participation électorale en Allemagne

2013 71,5

2009 70,8

2005 77,7

2002 79,1

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Le déclin de la confiance politiqueSondage BAT-Stiftung für Zukunftsfragen, novembre 2012, Allemagne

Pensez-vous que les responsables politiques sont en mesure de répondre aux défis du futur?

Oui

Les responsables politiques nationaux

10,4 %

Les responsables politiques régionaux

8,6 %

Les responsables politiques locaux

7,2 %

Les responsables politiques européens

6,0 %

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Une disposition à participer davantageEnquête de la fondation Bertelsmann, Allemagne

Disposition à plus de participation politique Oui Non

Souhaitez-vous que davantage de possibilités de partipation politique soient offertes aux citoyens?

81% 16%

Seriez-vous disposé à participer à des processus politiques au-delà du vote?

60% 39%

Pensez-vous que les responsables politiques soient prêts à davantage partager le pouvoir avec les citoyens?

22% 76%

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Une crise profonde• Crise du capitalisme financier• Crise du modèle de développement productiviste• Crise du modèle postcolonial: l’Europe provincialisée• Crise de la souveraineté• Enormes changements sociaux (Internet…), la politique fait

du sur-place, semble largement impuissante• Facteur interne au système politique: la fin des partis de

masse

→ Comment la participation peut-elle intervenir pour contribuer à résoudre ces crises, en particulier au niveau local?

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Plan

• 1. Retour sur la démocratie de proximité• 2. Autres développements, autres

paradigmes?• Conclusion: la participation et le futur de la

démocratie

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I Retour sur la démocratie de

proximité

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Le débat de 2001-2002 sur la démocratie de proximité (loi Vaillant)

Les plus réticents:• « on n’administre bien que de près », mais « on ne gouverne

bien que de loin », car « dans une bonne gestion démocratique, la distance permet d’éviter de confondre l’expression des intérêts particuliers avec l’intérêt général et de ne pas céder aux pressions conjoncturelles ». Jean Espilondo, député socialiste, CR de la 2° séance du 14/06/01.

• La démocratie de proximité est un pléonasme: « la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple ; pourquoi le peuple voudrait-il se rapprocher de lui-même ? » J.A. Léonetti (UDF),

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Le débat de 2001-2002 sur la démocratie de proximité

Les partisans majoritaires de la loi:• Seul le suffrage universel donne la légitimité

d’interpréter l’intérêt général, mais légitimité de l’expression d’intérêts particuliers que les représentants doivent prendre en compte

• Partage des tâches entre démocratie représentative et démarches participatives

• Une « écoute sélective »

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Le débat de 2001-2002 sur la démocratie de proximité

Les plus « participationnistes »: • démocratie participative vs. démocratie de proximité• Les Motivés: « il ne faut pas confondre la démocratie

de proximité – grâce à laquelle des élus prennent le pouls de la population […] – et la démocratie participative. Cette formule, plus active, vise à permettre à la population de s’impliquer dans les décisions »

• Pouvoir (co)décisionnel, et sujets au-delà du micro-local

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Où en est-on?

• Aujourd’hui, la « démocratie participative » est dans toutes les bouches

• Au-delà d’un changement sémantique?• Quels sont les apports, les enjeux?

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Retour sur les lois de 1999 et de 2002

• Les deux sens de la proximité: micro-local et écoute sélective

• Le parallèle avec la décentralisation• Les dispositifs phares : conseils de

développement, conseils de quartier et Commission nationale du débat public

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Les conseils de développement

Public visé: partenariat entre élus, milieux socioprofessionnels et associatifs

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Les conseils de quartier

• Le public visé: les habitants mobilisés• Au-delà de la loi: des procédures très

différentes, des résultats très contrastés, des effets réels

• La France championne d’Europe• Un enjeu important: un processus de

communication continue• Une constante: restent dans le cadre de la

proximité

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La CNDP• Le public visé: les habitants mobilisés, investi par des acteurs sociaux divers

• Un instrument qui a pris de l’ampleur, un modèle pour l’Europe mais des résultats difficiles à cerner

• Reste également dans le paradigme de la proximité (écoute sélective) → contesté

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Les jurys citoyens

• Tirage au sort: au-delà des volontaires, un échantillon divers/représentatif de la population

• Un espace de délibération tourné vers des problèmes d’intérêt général

• La plupart du temps, consultatifs – mais avis citoyen et, normalement, réponse officielle

• Une proximité du deuxième type?• Une expérience intéressante: les jurys berlinois

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II. Autres développements, autres paradigmes?

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Le développement de l’initiative populaire, du référendum, du référendum révocatoire: le

local et le nationalRéférendum sur l’eau

Italie, juin 2011Référendum sur l’eau, Berlin,

2011

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Vers une dévolution locale du pouvoir ?• « Nous pensons qu’il est temps de diffuser plus largement le pouvoir en

Grande Bretagne (…) Le gouvernement croit qu’il est nécessaire d’ouvrir les portes des pouvoirs publics pour permettre au public de contraindre les politiciens à rendre des comptes (…) Le gouvernement pense que le temps est venu d’effectuer un basculement fondamental dans les rapports de pouvoir. Nous allons promouvoir la décentralisation et l’engagement démocratique, et mettre fin à l’ère du gouvernement par en haut en donnant de nouveaux pouvoirs aux autorités locales, aux communautés, aux quartiers et aux individus » (Manifeste de la coalition Conservateurs/Libéraux démocrates, Grande Bretagne, 2010)

• “Donner aux gens le pouvoir de prendre des décisions sur les priorités et les orientations des services publics locaux; leur donner la propriété et une prise dans le fonctionnement des services publics; organiser une dévolution du pouvoir et des capacités d’action à l’intérieur des services publics aux communautés locales; en bref, prendre le pouvoir des mains des politiciens, des experts, des bureaucrates et des officiels, et le donner au peuple” (Hazel Blears, former Community Secretary of State for Communities and Local Government, Blair government)

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Développement communautaire et « empowerment »

Barack Obama, « community organizer »

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Les budgets participatifs dans le monde (2012)

Régions du monde Nombre de budgets participatifs

total 1269-2778Europe 474-1317

Amérique626-1138

Afrique 110-211Asie 58-109

Océanie 1-3

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Les budgets participatifs dans le monde (2012)

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Les budgets participatifs: une invention du Sud passée au Nord

Le budget participatif des lycées de la Région Poitou-

Charentes

Le budget participatif de Cologne, Allemagne

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Une construction coopérative de l’intérêt général: un nouveau paradigme?

Participation traditionnelle(conseils de quartier, politiques sectorielles)

Budget participatif

élus techniciens

citoyens citoyens citoyens

élus techniciens

citoyens citoyens citoyens

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Le Grenelle de l’environnement

• Des conseils de développement au Grenelle de l’environnement?

• Un "coup politique" ou un nouveau modèle?

• Les conférences nationales au Brésil: du local au national

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L’assemblée citoyenne de Colombie britannique tirée au sort (Canada), 2004

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De nouveaux types de représentants, y compris au niveau national?

• « Nous sommes […] en train d’introduire de nouveaux éléments aux côtés de la démocratie représentative et de la démocratie directe. Ces nouveaux éléments diffèrent dans le détail mais ils ont une chose en commun. Ils apportent à l’ensemble un nouveau type de représentants, différents de ceux que nous élisons. À l’heure actuelle, les deux voies permettant la prise de décision sont profondément influencées – voire sous la coupe – d’experts et d’intérêts particuliers. L’idée de démocratie délibérative est essentielle pour faire entrer en lice l’intérêt public, porté par des panels de citoyens tirés au sort. Les représentants traditionnels que nous élisons sont choisis à travers un consensus majoritaire, pour une période de temps longue, en tant que professionnels, avec une compétence légale illimitée pour agir en notre nom. Les représentants d’un nouveau type dont nous parlons sont choisis au hasard, pour une courte période, en tant que citoyens ordinaires et pour des tâches spécifiques et limitées »

• Gordon Gibson, conseiller du Premier ministre de Colombie britannique en 2004

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Conclusion: la participation et le futur de la

démocratie

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Au-delà de la "proximité"

• Le paradigme de la proximité a donné lieu à de nombreuses expérimentations positives

• Il n’a pas résolu la crise de la politique et menace de façon croissante de se transformer en piège → il faut aller au-delà

• La question n’est pas local vs. national: le local ne se réduit pas à la « proximité », ni la « proximité » au local. Le local comme tremplin du global

• Importance de développer d’autres paradigmes

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La participation: une mutation en cours

• Une mode, et au-delà: un développement impressionnant, basculement en cours

• La France « puissance moyenne »• Une manière de poser le problème, pas une solution

clef en main; des défis difficiles; donner libre cours aux expérimentations, avec volonté politique et sérieux dans la mise en œuvre

• Réponse à des facteurs durables. Une certaine urgence: la distance des citoyens par rapport à la politique devient structurelle

• A-t-on le choix? Oui et non

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4 scénarios irréalistes

• Le statu quo (le scénario de l’alternance tranquille)• Le retour de la «grande politique» du XX° siècle (le

scénario De Gaulle/Willy Brandt)• La domination durable de la technocratie (le scénario

Draghi-Monti) • La fin de la représentation politique (le scénario

écologiste radical)

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4 scénarios (plus) réalistes

• La post-démocratie (le scénario le plus probable)

• Une involution autoritaire (le scénario russe ou hongrois)

• L’écroulement (le scénario grec)• Une démocratisation de la démocratie (le

scénario islandais)

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La première assemblée citoyenne islandaise (majoritairement tirée au sort), 2009:

vers une diversification de la démocratie

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Vers un nouveau mixte démocratique

• Seconde moitié du XIX°, début XX°: diffusion du suffrage universel masculin, naissance des partis de masse

• Les exemples suisse dans la seconde moitié du XIX° siècle et de la côte Ouest des USA au début du XX°, la gestion paritaire de la sécurité sociale après 1945: une complexification de la démocratie

• Les élections sont centrales mais pas uniques dans les démocraties modernes (éléments institutionnels de démocratie directe/participative, tribunaux, comités d’experts…), leur rôle effectif décroît → la participation un enjeu central pour un scénario démocratique désirable