Le Monde Des Passions

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Le monde des passions Passion et action L’état de passion apparaît d’emblée comme équivoque : le mot « passion » en effet (du latin patior, pati :supporter, souffrir) désigne en premier lieu tous les phénomènes passifs de l’âme. Les cartésiens nommaient « passions » tous les états affectifs (plaisirs, douleurs, émotions), pensant qu’ils étaient subis par l’âme du fait de son union avec le corps. D’un autre côté, la passion est une inclination si ardente qu’elle envahit l’individualité tout entière, balayant tout sur son chemin : en ce sens la passion est de l’ordre de l’activité, elle constitue une des forces vives du comportement humain. Cette ambiguïté fondamentale du concept de passion s’explique par les péripéties de son histoire. Dans son sens ancien, la passion est l’accident consistant à subir une action ; chez les stoïciens notamment, elle est une déformation accidentelle, une exagération de la tendance fondamentale qui veut que chaque être veille à se conserver. Les passions, on le sait, sont donc nocives à leurs yeux et le sage doit s’en garder s’il veut atteindre la sereine impassibilité qui constitue le bonheur. La réhabilitation des passions commence avec Descartes pour qui « elles sont toujours bonnes de leur nature », étant donné qu’elles ont une fonction naturelle qui est de « disposer l’âme à vouloir les choses que la nature nous dicte utiles et à persister en cette volonté»(Traité des passions, article 42). Un véritable renversement n’intervient qu’avec les romantiques qui exaltent les passions, parce qu’elles élèvent et affermissent l’âme du vrai « sage », lequel, pas plus qu’un autre, n’est à l’abri de leur influence : « Il n’y a que des âmes de feu qui sachent combattre et vaincre, écrit Rousseau ; tous les grands efforts, toutes les actions sublimes sont leur ouvrage. »(La nouvelle Héloïse) Les passions ou la passion ? Le concept moderne de « passion » reste ambigu, et l’unité des passions problématique. Sans doute parlerait-on plus volontiers aujourd’hui de la passion que des passions : aussi longtemps

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Le monde des passionsPassion et action

L’état de passion apparaît d’emblée comme équivoque : le mot « passion » en effet (du latin patior, pati :supporter, souffrir) désigne en premier lieu tous les phénomènes passifs de l’âme. Les cartésiens nommaient « passions » tous les états affectifs (plaisirs, douleurs, émotions), pensant qu’ils étaient subis par l’âme du fait de son union avec le corps. D’un autre côté, la passion est une inclination si ardente qu’elle envahit l’individualité tout entière, balayant tout sur son chemin : en ce sens la passion est de l’ordre de l’activité, elle constitue une des forces vives du comportement humain. Cette ambiguïté fondamentale du concept de passion s’explique par les péripéties de son histoire. Dans son sens ancien, la passion est l’accident consistant à subir une action ; chez les stoïciens notamment, elle est une déformation accidentelle, une exagération de la tendance fondamentale qui veut que chaque être veille à se conserver. Les passions, on le sait, sont donc nocives à leurs yeux et le sage doit s’en garder s’il veut atteindre la sereine impassibilité qui constitue le bonheur.La réhabilitation des passions commence avec Descartes pour qui « elles sont toujours bonnes de leur nature », étant donné qu’elles ont une fonction naturelle qui est de « disposer l’âme à vouloir les choses que la nature nous dicte utiles et à persister en cette volonté»(Traité des passions, article 42). Un véritable renversement n’intervient qu’avec les romantiques qui exaltent les passions, parce qu’elles élèvent et affermissent l’âme du vrai « sage », lequel, pas plus qu’un autre, n’est à l’abri de leur influence : « Il n’y a que des âmes de feu qui sachent combattre et vaincre, écrit Rousseau ; tous les grands efforts, toutes les actions sublimes sont leur ouvrage. »(La nouvelle Héloïse)

 

Les passions ou la passion ?

Le concept moderne de « passion » reste ambigu, et l’unité des passions problématique. Sans doute parlerait-on plus volontiers aujourd’hui de la passion que des passions : aussi longtemps que les passions étaient des phénomènes passifs liés aux vicissitudes de notre existence corporelle, elles étaient multiples et s’opposaient, en tant que telles, à la raison qui est unique et seule apte à les gouverner(Platon, Phèdre, 246b). Par définition, aujourd’hui, seule une passion peut dominer la vie de l’esprit.Il faut toutefois insister sur le caractère hétéroclite du tableau des affections humaines. De la cupidité de l’avare à l’égarement du joueur, des transports de l’amoureux à la détermination implacable du méchant, de la rage meurtrière du fanatique à l’amour sublime d’une mère pour son fils, peut-on considérer qu’une même passion est à l’œuvre ? Une unique dénomination est-elle ici bien justifiée ? Elle peut l’être, d’après Hegel, à condition toutefois de préciser que la passion ne peut se définir par un contenu, puisque précisément un tel contenu particulier est « tellement un avec la volonté de l’homme qu’il en constitue toute la détermination et en est inséparable »(Hegel ; La raison dans l’histoire, Ed. U.G.E., p.108.)

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Passion et volonté

La passion est donc une forme : « Cette forme exprime seulement ceci qu’un sujet a placé tout l’intérêt vivant de son esprit, de son talent, de son caractère, de sa jouissance dans un seul contenu.»(Hegel, Précis de l’Encyclopédie des Sciences Humaines, Ed. Vrin, p.263.) Cependant, vidée ainsi de toute détermination particulière, la passion hégélienne, conçue comme tension spirituelle d’une conscience tout entière absorbée par sa fin, s’apparente de plus en plus à la « force d’âme ». N’y a-t-il pas, dès lors, un risque de confusion entre la passion et la vertu ? Volonté et passion impliquent l’une et l’autre une constance dans les desseins, une polarisation de la conscience sur un objet qui a été posé et valorisé librement (l’amour du savant pour la vérité, celui de l’homme d’action pour la liberté ne sont-ils pas des passions actives, volontaires ?). Cependant, tandis que le choix volontaire suppose un équilibre relatif de nos tendances, le choix passionnel traduit une rupture de cet équilibre. Même entretenue et favorisée comme un enfant chéri, la passion reste le signe de notre dépendance : quels que puissent être sa vigueur et ses effets, elle est toujours ignorance de soi-même, de son objet, de ses véritables fins. En d’autres termes, la passion, qui est une spécification du désir, se distingue de celui-ci tant par sa constance (le désir peut être intermittent) que par son ardeur (certains désirs sont tempérés). Aussi la passion se traduit-elle toujours par une sorte de délire, ou encore d’ensorcellement, dont saint Augustin nous fournit le plus vibrant des témoignages.Telle la colère ou la peur, la passion n’est-elle donc qu’une sorte d’exaltation ou d’émotion délibérément entretenue et prolongée ? Il semble pourtant qu’il y ait une différence fondamentale entre l’émotion et la passion. L’émotion est impétueuse mais passagère et capricieuse. La passion, au contraire, prend du temps pour s’enraciner ; de plus, elle réfléchit pour atteindre son but. C’est pourquoi les animaux en sont exempts.

Une liberté illusoire

A mesure qu’une passion grandit, l’imagination y prend plus de place. Le sujet associe à la possession de l’objet, plus ou moins transfiguré par le fameux processus de la « cristallisation »(ce terme désigne, par analogie avec la formation de cristaux plongés dans une mine de sel, le fait que l’imagination substitue à un objet réel un objet, Stendhal, De l’amour) des satisfactions infinies, créant ainsi une finalité illusoire : le joueur, par exemple, cherche-t-il l’argent, le plaisir ? « J’avais risqué ma vie et j’avais gagné. De nouveau j’étais un homme », s’écrie le héros de Dostoïevski dans son délire(Le joueur, traduction Lassienko, chapitre XVII). Tout comme l’ivrogne ou l’amoureux, le joueur recherche éperdument l’exaltation, l’égarement propres à son état. Ce qui n’empêche pas le passionné de se croire libre dans la mesure où il poursuit de toutes ses forces et de toute son âme un objectif que nul ne lui a imposé, et qu’il conçoit confusément. Mais cet objectif que le passionné poursuit avec tant d’ardeur, ne serait-ce pas finalement l’illusion en tant qu’elle constitue l’étoffe même de sa passion ?Il peut y avoir néanmoins une vérité de la passion, une signification dont Schopenhauer propose une interprétation originale. Dans la passion amoureuse, l’élection de tel ou tel individu est, d’après lui, loin d’être accessoire. L’objet est aimé avant même d’être connu, ou encore connu avant d’être aimé : tel est le paradoxe du coup de foudre. Pour comprendre un choix apparemment si obscur, il suffit de le rapporter à son but véritable, l’être à procréer, en qui « le type de l’espèce doit se perpétuer, aussi pur et authentique que possible ». La vérité prend ici la forme de l’illusion et curieusement

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celui qu’entraîne cette illusion a souvent horreur du but qui seul le mène (la procréation) et voudrait même faire obstacle à sa réalisation. La vérité de la passion, c’est donc la transcendance de sa fin : une fin inconnue et infinie. Ainsi pourraient s’expliquer aussi bien l’innocence que la grandeur tragique de ceux qu’elle anime.

Les passions sont-elles toujours mauvaises ?

Bien que sensiblement différent, le point de vue du moraliste sur les passions est également résolument critique. Sans doute faut-il admettre en premier lieu, en accord avec le sens commun, que certaines passions sont plutôt bonnes, tandis que d’autres (l’avarice, l’ivrognerie) sont plutôt mauvaises. Ou encore que certaines sont tantôt bonnes, tantôt mauvaises ; ainsi la haine est-elle pire, à certains égards, que l’amour (elle est toujours accompagnée de tristesse et de chagrin), tandis que l’amour est pire à d’autres égards. Descartes note, à juste titre, que l’amour d’un objet qui en est indigne peut être plus néfaste que la haine d’une personne aimable (Lettre à Chanut, 1 er février 1647).  Autant dire que la passion n’est pas mauvaise en soi, et que les jugements de valeur trop tranchés sont ici mal venus. Sans doute les fautes et les crimes commis en son nom sont-ils présents à tous les esprits. Cependant, certaines mœurs, et l’imagination, ne sont-elles pas les vraies causes de tant de ravages attribués aux passions ? L’amour sous la forme culturelle, observe Rousseau, n’est qu’un sentiment artificiel : il serait plus juste d’imputer les crimes passionnels et la débauche aux règles trop répressives du mariage, ou de l’honneur, qu’à l’ardeur de nos passions spontanées(Discours sur l’origine de l’inégalité, première partie). Celles-ci, dans le meilleur des cas, peuvent être soit canalisées, soit tempérées par les passions altruistes, comme la générosité ou même la vertu.

La sublimation

Grâce à la sublimation notamment, l’énergie vitale peut être détournée vers des buts idéaux, notamment esthétiques ou mystiques, car certaines pulsions ou sentiments « inférieurs » ont la capacité de changer de but sans perdre de leur intensité. La passion amoureuse peut ainsi s’émanciper complètement de sa source charnelle et se transformer en sentiment. Pour le croyant, la seule « passion » qui n’est pas mauvaise est l’amour d’une réalité parfaite et infinie, car l’amour qui a pour objet Dieu est un amour qui n’a plus rien d’accidentel. Mais un tel amour, purement spirituel, libre et généreux, n’est-il pas une passion sans passion ? Et le vrai but de toute passion est-il de s’abolir en se sublimant ?

Le fanatisme

Tandis que dans la sublimation le vital peut s’élever jusqu’à la spiritualité, dans le fanatisme, inversement, le spirituel peut s’aveugler dans le vital. « Fanatique » s’est dit primitivement des prêtres de certaines divinités « qui entraient dans une sorte de délire sacré, pendant lequel ils se blessaient et faisaient couler leur sang» (Lalande, Vocabulaire philosophique, article « Fanatisme »). Le fanatique se plaît à haïr et à craindre et ses souffrances — car la haine et la crainte sont violentes mais tristes — alimentent son délire. Il aime aussi, passionnément, le bien, la justice, la pureté, ou

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même la volonté de Dieu, mais son amour est inquisiteur et ténébreux : « Ceux qui marchent dans l’obscurité, se réjouissent à la vue de la lumière ; celui-ci ne peut la souffrir. Elle le blesse car elle résiste à sa passion. » (Malebranche, La recherche de la vérité, chapitre 12).  Dans sa passion, le fanatique s’abîme donc avec volupté. Les discours pondérés, les vœux pieux de la raison peuvent-ils lui être encore de quelque secours ?Traditionnellement, la raison est supposée devoir réprimer ou régler la passion. Tant comme faculté de connaissance pure et désintéressée que comme pouvoir de poser des valeurs en toute sérénité, la raison s’oppose en effet, par nature, aux passions. Refrénant les unes, maintenant les autres en équilibre, elle doit pouvoir prévenir, chez les « esprits forts », tout débordement affectif.Toutefois, cette opposition classique entre la raison et la passion, reprise et soulignée par Pascal, est récusée catégoriquement par Hume. La raison, précisément parce qu’elle est une faculté de connaissance, n’est pas susceptible de fonder des jugements de valeur. Ceux-ci relèvent d’un ordre et d’une échelle normative qui leur est propre ; entre les passions et la raison, la guerre ne saurait donc avoir lieu.

La passion dans l’histoire

Nous savions déjà que la passion pouvait « se conjuguer avec la réflexion la plus calme» Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique) ; ou encore, en d’autres termes, que la raison pouvait servir la passion. Mais la réciproque est également vraie : la raison se nourrit des passions. En poursuivant leurs passions et leurs intérêts, les hommes, d’après Hegel, font leur histoire ; car ils sont, inconsciemment, les outils de quelque chose de plus grand, et qui les dépasse. Les passions produisent un ordre qui se retourne contre elles : de même que « l’on construit de hautes murailles » avec des pierres et des poutres que leur poids entraîne vers le bas, de même les passions sont utilisées à bon escient par l’Esprit universel qui gouverne le monde. Passions et raison sont le fil et la trame de l’histoire. Une histoire dont l’homme passionné, toutefois, ne connaît pas le fin mot.Étant fini, l’homme ne peut échapper à toute passion. Mais l’espoir de connaître, ou même d’embrasser une fin infinie n’est-il pas l’illusion par excellence ? Et le désir d’éternité, qui peut expliquer l’illusion de la passion, n’explique-t-il pas, de façon tout aussi probante, l’aspiration à la béatitude ?

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BalzacLa Cousine Bette

Résumé

Trois parties distinctes composent La Cousine Bette. Après une assez longue introduction qui met en place les personnages et fait démarrer l’intrigue, le milieu du roman expose de façon précise les événements principaux dans quelques grandes scènes. Puis une troisième partie raconte, de façon assez rapide, le rétablissement de la situation des Hulot. Pour comprendre la construction du roman, il faut être attentif à l’alternance entre les scènes racontées en détail et les longues périodes temporelles résumées par le narrateur*.Sommaire1. L’exposition1.1 Chap. 1 à 31.2 Chap. 4 à 71.3 Chap. 8 à 91.4 Chap. 10 à 142. Les événements2.1 Chap. 15 à 172.2 Chap. 18 à 202.3 Chap. 21 à 252.4 Chap. 26 à 292.5 Chap. 30 à 313. Le dénouement3.1 Chap. 32 à 343.2 Chap. 35 à 373.3 Chap. 38

1. L’exposition

Chapitres 1 à 3 : grande scène chez les Hulot, exposition

Crevel, un parvenu en visite chez les Hulot, essaie de séduire la maîtresse de maison, Adeline, car il veut se venger du baron Hulot qui lui a « volé » la femme qu’il entretenait, Josépha. La famille est ruinée par les dépenses de Hulot pour entretenir des courtisanes : sa fille, Hortense, risque de ne pas pouvoir se marier car son père n’a pas de quoi lui constituer une dot.

Adeline vient d’une famille de paysans de Lorraine et elle a épousé Hulot, un militaire de l’Empire. Elle vit dans le souvenir de l’amour que lui a porté son mari pendant dix ans, avant de mener une vie dissolue.

Chapitres 4 à 7 : l’histoire de Bette et de Wenceslas

Hortense taquine Bette, une vieille cousine célibataire d’Adeline, qui prétend qu’elle a un amoureux et en montre  pour preuve à Hortense une jolie petite sculpture.

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En fait, Bette a sauvé trois ans auparavant un jeune Polonais, Wenceslas Steinbock, qui avait tenté de se suicider. Depuis, bien que ses sentiments pour lui soient ambigus, elle l’a traité comme son fils : elle l’a nourri, forcé à travailler et à développer ses talents artistiques ; en même temps, elle a cherché des garanties financières, car elle a dépensé toutes ses économies pour lui.

Chapitres 8 à 9 : début des deux intrigues amoureuses

Hortense, fascinée par le prétendu amoureux de sa cousine, va avec son père chez un antiquaire. Elle y achète une grande sculpture de Wenceslas et le rencontre : ils tombent amoureux l’un de l’autre. Hortense prévient ses parents qu’elle veut épouser le jeune sculpteur. Ce coup de foudre de leur fille les arrange car ce mariage résoudra le problème de la dot de la jeune fille. Wenceslas commence à aller régulièrement chez les Hulot, en le cachant à Bette. Grâce à l’influence dans le monde du baron Hulot, il connaît un certain succès.

Hulot est quitté par sa maîtresse Josépha. Il décide alors de séduire Valérie Marneffe, une bourgeoise mariée, voisine de Bette. La jeune femme, très rusée, exige de son amoureux transi de nombreux privilèges avant de lui accorder ses faveurs. En effet, Hulot est le supérieur hiérarchique de son mari et peut lui faire obtenir une promotion à la fois financière et professionnelle.

Chapitres 10 à 14 : vœu de vengeance de Bette et double union

 Mme Marneffe annonce à Bette le futur mariage d’Hortense et de Wenceslas, que la famille Hulot lui a caché, par peur de sa réaction. Bette, folle de rage, jure la ruine de sa cousine, et conclut un pacte d’amitié et de collaboration avec Mme Marneffe.

Bette va raconter à Crevel où en sont les amours de Hulot, pour attiser sa jalousie et le pousser à séduire lui aussi Valérie Marneffe. La vieille fille a ensuite une grande dispute avec Wenceslas (qui refuse de l’épouser), et elle le fait mettre en prison grâce aux garanties financières qu’elle avait prises plus tôt, afin de le discréditer auprès des Hulot. Mais sa manœuvre échoue, car Wenceslas est libéré par un de ses nouveaux amis artistes. Bette joue alors l’innocente, et toute la famille se réconcilie dans les larmes.

Comme Hulot a réussi à trouver de l’argent pour faire une dot convenable à sa fille, les jeunes gens peuvent se marier. Le mariage a lieu le jour où Valérie va devenir la maîtresse de Hulot. Il l’a installée dans un nouvel appartement luxueux, tout en demandant à sa femme de déménager dans un appartement plus petit ! Pour arranger sa situation financière, Hulot a envoyé un oncle de sa femme en Algérie pour y gagner de l’argent en faisant des razzias, c’est-à-dire en volant aux habitants leurs ressources agricoles pour les revendre à  prix d’or.

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2. Les événements : la décadence de la famille Hulot

 Chapitres 15 à 17 : bilan, trois ans après

Trois ans après, Valérie est la maîtresse de Hulot, mais aussi de Crevel, et elle a réussi à conserver des apparences de vertu. Bette, devenue sa complice, entretient sa maison et l’aide à s’enrichir aux dépens de ses amants. Pendant ce temps, Adeline, qui ne voit plus jamais son mari, vit dans des conditions de plus en plus déplorables et ne parvient plus à cacher sa situation à ses enfants. Bette intrigue  pour épouser le frère du baron Hulot, un vieux maréchal honorable.

Chapitres 18 à 20 : un nouvel amour pour Valérie

Cependant, un soir, le baron Montès de Montejanos arrive à l’improviste chez Valérie. Ce Brésilien est un ancien amant de Valérie qui éveille la jalousie de Crevel et de Hulot. Valérie parvient difficilement à les rassurer, et à se faire pardonner par son ancien amant sa situation de femme entretenue. Sur l’ordre de Valérie (qui veut se débarrasser de Hulot pendant un moment), Crevel apprend à Hulot qu’elle le trompe et il l’amène dans l’appartement qu’il a fait arranger pour elle. Les deux vieillards se disputent puis finissent par se réconcilier en se mettant d’accord sur la perversion de Valérie. Pourtant, le lendemain, ils essaient de la reconquérir chacun de son côté… Ils y parviennent, car Valérie a besoin d’eux financièrement.

Chapitres 21 à 25 : séduction de Wenceslas par Valérie, rupture de Wenceslas et d’Hortense

Le couple de Wenceslas et Hortense, de son côté, ne va pas très bien. Après avoir vécu un grand amour, ils manquent terriblement d’argent car Wenceslas s’est reposé sur ses lauriers et n’a plus travaillé depuis le succès qu’il a rencontré trois ans avant. Même Marneffe, qui rêve de séduire Wenceslas, lui fait dire par Bette qu’elle peut lui prêter de l’argent. Wenceslas se décide à aller la voir, en cachette d’Hortense. Valérie déploie tous ses attraits pour le séduire et y réussit. Mais le lendemain, Hortense apprend qu’il lui a menti et lui fait une grande scène de jalousie : Wenceslas cesse d’aller chez Valérie car il a beaucoup de mal à se faire pardonner par sa femme.

C’est alors que Valérie tombe enceinte et fait croire à Crevel, à Hulot, à Montès et à Wenceslas qu’ils sont le père, flattant leurs orgueils masculins ! Elle écrit à Wenceslas une lettre lui annonçant sa grossesse. Hortense Hulot la découvre et, folle de chagrin, elle part vivre chez sa mère avec son fils.

Chapitres 26 à 29 : la réputation de Hulot en danger

M. Marneffe faisait semblant, jusqu’alors, de tolérer difficilement la relation de  Hulot avec sa femme (alors qu’en fait, ils avaient décidé d’un commun accord qu’elle le séduirait pour en tirer le plus d’avantages possibles, dans les domaines financier et professionnel). Cependant le crédit politique de Hulot diminue et il ne parvient pas à

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organiser la promotion de Marneffe : il fait mine de se mettre dans une colère effroyable et interdit à Hulot de revenir voir Valérie.

Il revient donc vivre chez Adeline, qui est folle de bonheur, pendant quinze jours. En fait, il rencontre Valérie pendant la journée, en cachette, dans l’appartement de Crevel. Or un soir, alors qu’ils sont ensemble au lit, ils sont surpris en flagrant délit d’adultère par Marneffe, un juge de paix et un commissaire de police.

Hulot comprend grâce au commissaire que Valérie était la complice de son mari. Sa réputation est en péril, car il est obligé de promouvoir Marneffe pour que l’affaire ne s’ébruite pas, et cette promotion scandaleuse fait du bruit.

De plus, tout va mal pour l’oncle qu’il a envoyé en Algérie, qui demande à Hulot deux cent mille francs : ses manœuvres ont échoué et son honneur est en péril. Adeline, avertie par son mari, songe à se donner à Crevel, qui lui avait offert cette somme trois ans avant. Elle le fait venir, et essaie de le séduire avec une immense maladresse, mais celui-ci résiste et l’humilie : elle n’a pas l’habileté de Valérie. Pourtant son désespoir et sa piété finissent par émouvoir Crevel qui promet de lui procurer les deux cent mille francs. Mais il va chez Valérie avant d’aller à la banque. Celle-ci, en apprenant son projet, fait semblant d’avoir une crise de piété, puis lui dit qu’elle a joué la comédie, afin qu’il croie qu’Adeline aussi lui a menti.

Chapitres 30 à 31 : mort du maréchal Hulot, disparition du baron Hulot

De toute façon, il est trop tard pour sauver la réputation de la famille : le scandale en Algérie est ébruité. Une scène terrible a lieu entre Hulot et deux maréchaux : son frère, le maréchal Hulot, et le ministre de la guerre, le maréchal Cottin. Ceux-ci, qui sont des hommes d’honneur, montrent à Hulot tout leur mépris, car il a volé l’État et réduit sa femme à la misère. Hulot est contraint à démissionner. Son frère rassemble l’argent nécessaire à rembourser le vol et meurt de honte.

Après une longue maladie, pendant laquelle Adeline le soigne, Hulot quitte sa famille et disparaît. Il va chez Josépha, son ancienne maîtresse, qui le reçoit avec gentillesse, et qui lui propose de s’établir avec une de ses protégées, une jeune fille de seize ans.

3. Le dénouement

Chapitres 32 à 34 : la vie de la famille après la disparition de Hulot

Des amis politiques rendent à Victorin, le fils Hulot, les deux cent mille francs du maréchal pour lui permettre d’établir sa mère. Pendant près de trois ans, Adeline vit donc avec son fils, sa belle-fille, Célestine Crevel, sa fille Hortense et la cousine Bette. Celle-ci, qui est censée s’occuper de leur ménage, poursuit en fait sa vengeance et continue à mener double jeu en voyant Valérie. Elle est la seule à savoir où se cache le baron Hulot.

Adeline, qui le recherche toujours, va chez son ancienne maîtresse Josépha, pour lui demander où il peut être. Josépha a perdu sa trace depuis six mois, mais, émue par le

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désespoir et la vertu d’Adeline, elle promet d’essayer de le retrouver. Bette, apprenant la démarche de sa cousine, prévient Hulot et s’arrange pour le faire disparaître dans un autre quartier de Paris.

Pendant ce temps, Victorin Hulot reçoit la visite d’une femme très inquiétante, qui lui propose de le « débarrasser » de Valérie, c’est-à-dire de la tuer. En effet, celle-ci devenue veuve va épouser Crevel, ce qui lésera Céleste, sa femme, de son héritage. Ce sont apparemment des politiques haut placés qui ont envoyé la vieille femme à Victorin. Après des mots de Bette qui blessent Adeline, Victorin se décide à faire tuer Valérie par sa mystérieuse visiteuse, dite Mme Nourrisson.

Chapitres 35 à 37 : l’organisation de la mort de Valérie

Mme Nourrisson fait organiser chez une courtisane un dîner où se trouve le baron Montès, qui a caché au monde sa liaison avec Valérie. La courtisane fait en sorte que la conversation porte sur Valérie. Montès apprend ainsi qu’elle va épouser Crevel et qu’elle est la maîtresse de Wenceslas. La courtisane l’amène ensuite au lieu de rendez-vous de Wenceslas et de Valérie, et il les surprend dans une position compromettante. La colère du baron éveille les soupçons de Wenceslas, qui revient chez sa femme, après le mariage de Valérie avec Crevel. Montès se venge en contaminant Valérie par une maladie vénérienne du Brésil, inconnue en France.

Valérie et Crevel meurent alors dans d’atroces souffrances, après s’être lentement décomposés. Valérie à l’agonie se repent, tandis que Crevel joue le libre esprit jusqu’au dernier moment.

Chapitre 38 : épilogue

Adeline, qui est dame de charité, retrouve par hasard Hulot dans un quartier sordide de Paris. Il est installé avec une toute jeune fille, sous un faux nom comme écrivain public. Comme ses dettes sont réglées, il peut revenir au sein de sa famille. Bette, déjà malade, meurt de dépit après ce retour, mais entourée de l’amour de toute la famille Hulot.

Tout semble aller bien, jusqu’au jour où Adeline découvre la liaison de son mari avec une fille de cuisine : elle en meurt de chagrin. Trois jours après, Hulot disparaît à nouveau. Son fils apprend son remariage avec la fille de cuisine…

[*] : On ne doit pas confondre le narrateur avec l’auteur du roman. Le narrateur n’est pas un être réel mais seulement l’instance qui raconte l’histoire au narrataire. Le narrataire est l’ image du lecteur à l’intérieur du texte. Le narrateur fait un récit et l’acte de raconter dont il est responsable constitue la narration

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Andromaque

L’action de la pièce se déroule à Buthrote, ville d’Épire (une partie de l’actuelle Albanie) et capitale du royaume de Pyrrhus. Les événements se passent à la suite de la guerre qui a opposé Grecs et Troyens, un an après la chute de Troie (également appelée Ilion), vers 1200 avant notre ère. Selon Homère (poète grec du IXe siècle avant J.-C.) qui raconte cette guerre dans l’Iliade, l’enlèvement d’Hélène, épouse du Grec Ménélas, par le Troyen Pâris fut à l’origine du conflit. Les villes grecques se coalisèrent aussitôt ; elles préparèrent une expédition punitive, puis assiégèrent Troie (située dans l’actuelle Turquie, en Asie Mineure) durant dix ans avant de la prendre et de la saccager.

Sommaire

Acte I Scène 1 Scène 2 Scène 3 Scène 4

Acte II Scène 1 Scène 2 Scène 3 Scène 4

Acte III Scène 1 Scène 2 Scène 3 Scène 4 Scène 5 Scène 6 Scène 7 Scène 8

Acte IV Scène 1 Scène 2 Scène 3 Scène 4 Scène 5 Scène 6

Acte V Scène 1 Scène 2 Scène 3 Scène 4 Scène 5

ACTE I

Scène 1 : Andromaque, veuve du prince troyen Hector, et son très jeune fils Astyanax sont devenus à la chute de Troie les prisonniers de Pyrrhus, roi d’Épire. Pour perpétuer l’entente avec les Grecs, ses anciens alliés dans la guerre, Pyrrhus doit épouser Hermione, fille de Ménélas, roi de Sparte. Celle-ci est déjà à la cour de Pyrrhus, dans l’attente des solennités de son mariage. Mais Pyrrhus s’est depuis peu épris d’Andromaque. Aussi ne cesse-t-il de repousser la date de son mariage avec Hermione.Le Grec Oreste arrive sur ces entrefaites à Buthrote où il retrouve son fidèle ami Pylade, qui l’y a précédé. Les deux hommes, qui ne se sont pas vus depuis six mois, s’informent mutuellement des événements survenus depuis leur séparation. Ambassadeur des Grecs, Oreste vient officiellement réclamer Astyanax à Pyrrhus. Les Grecs ont appris par Hermione que l’enfant qu’ils croyaient mort est en vie ; et ils s’inquiètent du risque de le voir un jour rallumer la guerre en tentant de relever Troie de ses ruines. Ne vaut-il pas mieux le supprimer tout de suite pour éviter un futur conflit ? Cette mission n’est en réalité qu’un prétexte pour Oreste. Il vient surtout revoir Hermione qu’il aime en vain depuis toujours. Ni les voyages, ni la mort maintes fois cherchée sur divers champs de bataille ne l’ont guéri de l’amour absolu qu’il lui voue.

Pylade estime la situation favorable aux vœux d’Oreste. Par amour pour Andromaque, explique-t-il, Pyrrhus refusera sans doute de livrer Astyanax aux Grecs. Ainsi trahie par Pyrrhus, Hermione se laissera peut-être émouvoir par la longue fidélité d’Oreste. Rien n’est cependant sûr. Dans le trouble affectif qui est le sien, Pyrrhus peut épouser Andromaque et renvoyer Hermione. Tout est possible. Oreste décide alors de convaincre Hermione ou de l’enlever ou de mourir sous ses yeux.

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Scène 2 : Oreste s’acquitte de son ambassade. Il s’efforce de persuader Pyrrhus qu’Astyanax représente à terme un danger pour la Grèce. Fils d’Hector, l’enfant cristallise sur lui toute la haine que les Grecs ont portée à son père quand il commandait les armées troyennes : guerrier d’une bravoure exceptionnelle, Hector a tué trop de Grecs pour que son nom et sa famille ne soient pas maudits. Qui sait d’ailleurs si Astyanax ne deviendra pas, plus tard, un second Hector, désireux de prendre sa revanche et de reconstruire son royaume ?Pyrrhus repousse la demande d’Oreste. De quel droit, dit-il, les Grecs prétendent-ils lui dicter sa conduite ? Comme Andromaque, Astyanax appartient à son butin de guerre ; et lui, Pyrrhus, peut en disposer à sa guise. Astyanax est en outre un très jeune enfant. Qui peut prévoir son avenir ? Qui peut, de si loin, s’en inquiéter ?

Oreste laisse alors entendre à Pyrrhus que les Grecs sont prêts à entreprendre une guerre contre lui pour récupérer et tuer Astyanax. Pyrrhus ignore la menace. Si les Grecs veulent la guerre, ils l’auront. N’a-t-il triomphé de Troie que pour leur obéir et pour céder à leurs exigences ? L’entretien s’achève sur la permission que Pyrrhus accorde à Oreste de rencontrer Hermione.

Scène 3 : Phoenix, confident de Pyrrhus, s’en étonne. Son maître aurait-il oublié qu’Oreste a toujours aimé Hermione ? Pyrrhus lui avoue qu’il verrait avec joie Hermione s’en retourner à Sparte avec Oreste.

Scène 4 : Andromaque paraît. Pyrrhus lui fait part des exigences grecques, de son refus de s’y soumettre et de son désir de protéger Astyanax. Peut-il espérer en retour qu’elle se montre moins distante, qu’elle accepte de l’épouser ? Andromaque feint de ne pas comprendre. Comment Pyrrhus peut-il l’aimer, elle, une captive toujours triste, toujours pleurant son époux mort et sa ville détruite ? Et si sauver un enfant est généreux, réclamer de l’amour pour salaire d’une générosité n’a en revanche rien de glorieux.Pyrrhus insiste, s’offre non seulement à défendre Astyanax, mais encore à le rétablir sur le trône de Troie, même s’il lui faut combattre les Grecs. Ces perspectives de restauration politique laissent toutefois Andromaque indifférente. Renonçant à tout rêve de grandeur et de puissance, elle ne souhaite que vivre dans une obscure tranquillité où elle pourra élever son fils en paix. Que Pyrrhus épouse donc Hermione ! Irrité par tant de refus, Pyrrhus soudain menace et recourt au chantage : ou Andromaque l’épouse ou il fait exécuter Astyanax !

ACTE II

Scène 1 : Sur les conseils de Cléone, sa confidente, Hermione se résigne à recevoir Oreste. Quelle humiliation pour elle, en effet, de revoir Oreste qu’elle a si souvent dédaigné au moment précis où Pyrrhus la dédaigne pour Andromaque ! Sans doute, pense-t-elle, Oreste veut-il prendre plaisir à la voir souffrir. Cléone la rassure : Oreste l’aime toujours ; que compte-t-elle donc faire ? Hermione écarte d’emblée l’idée de regagner Sparte avec Oreste. Elle demeurera à Buthrote. L’inconstant Pyrrhus lui reviendra peut-être. Mais s’il ne revient pas vers elle, elle le haïra avec la même violence dont elle l’aime ; elle incitera les Grecs à le combattre et elle finira par se laisser séduire par Oreste.

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Scène 2 : Voici justement Oreste. Hermione s’enquiert du véritable motif de sa visite : est-ce le soupirant ou l’ambassadeur qu’elle accueille ? Oreste lui déclare aussitôt qu’il n’a jamais cessé de l’aimer, malgré tous ses efforts pour l’oublier. Hermione le rappelle à ses devoirs : quel est le résultat de son ambassade ? Oreste l’informe du refus de Pyrrhus de livrer Astyanax aux Grecs. Hermione comprend que Pyrrhus n’agit ainsi que par amour pour Andromaque. Sa déception ne parvient pourtant pas à étouffer sa passion pour lui. Mais, désireuse de laisser quelques illusions à Oreste, elle le charge d’une mission : qu’il aille dire à Pyrrhus qu’Hermione ne l’épousera jamais s’il persiste à ne pas rendre Astyanax aux Grecs. En cas d’un nouveau refus, elle partira avec Orete.

Scène 3 : Demeuré seul, Oreste estime que son bonheur est proche. Comme Pyrrhus n’acceptera jamais de se plier à l’ultimatum des Grecs, il est sûr de rentrer à Sparte avec Hermione. Oreste laisse éclater sa joie.

Scène 4 : Coup de théâtre : Pyrrhus annonce à Oreste qu’il a changé d’avis. Sa gloire et l’intérêt de son royaume lui commandent d’éviter toute guerre contre ses anciens alliés. Il va donc leur livrer Astyanax. Demain, il épousera Hermione. Pyrrhus prie Oreste d’assister, en sa qualité d’ambassadeur des Grecs, à la cérémonie religieuse.Scène 5 : Resté seul avec Phoenix, son confident, Pyrrhus explique son soudain revirement. Sa dernière entrevue avec Andromaque l’a convaincu que celle-ci resterait toujours attachée au souvenir d’Hector et qu’elle ne l’épouserait donc jamais. Phoenix doute malgré tout de la résolution de son roi : Pyrrhus parle encore trop d’Andromaque ; il s’inquiète trop de savoir si elle ne sera pas jalouse de son mariage avec Hermione pour qu’il ait vraiment cessé d’aimer Andromaque.

ACTE III

Scène 1 : Oreste, désespéré, projette d’enlever Hermione. Pylade, son ami, tente de l’en dissuader. Il est inconcevable, contraire au droit et à la morale, qu’un ambassadeur se fasse le ravisseur d’une princesse. Mais Oreste se moque de ce que diront et entreprendront Pyrrhus et la Grèce. Il ne peut supporter l’idée qu’Hermione épouse Pyrrhus. Par amitié pour Oreste, Pylade accepte de participer à l’enlèvement.

Scène 2 : Devant Oreste, Hermione dissimule mal sa joie d’épouser Pyrrhus. N’est-ce pas d’ailleurs son devoir ? Ménélas, son père, et la Grèce tout entière souhaitent ce mariage. Oreste contient sa souffrance ; il rompt brusquement l’entretien.

Scène 3 : Ce sang-froid d’Oreste surprend Hermione. Cléone le plaint, tandis qu’Hermione, oubliant les hésitations de Pyrrhus et la douleur d’Oreste, clame son bonheur.

Scène 4 : Survient Andromaque en pleurs. À genoux, elle supplie Hermione d’intercéder auprès de Pyrrhus en faveur de son fils Astyanax. Ne lui a-t-elle pas rendu naguère un service du même ordre ? C’est en effet sur son intervention qu’Hector a laissé la vie sauve à la mère d’Hermione. Ce que, elle, Andromaque a pu obtenir de son mari, Hermione peut aujourd’hui l’obtenir de Pyrrhus ! Un jour, Hermione connaîtra les inquiétudes d’une mère. Que craindre en effet d’un jeune enfant ? Hermione lui répond

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sur un ton sec et cinglant : qu’Andromaque aille directement fléchir Pyrrhus ! Elle, Hermione, obéira aux décisions du roi.

Scène 5 : Confidente d’Andromaque, Céphise pousse sa maîtresse à solliciter la pitié de Pyrrhus.

Scène 6 : Andromaque implore donc la clémence de Pyrrhus. Celui-ci se montre intransigeant. Torturée et accablée, Andromaque fait appel à sa générosité : comment serait-il assez lâche pour faire assassiner un enfant ? Pyrrhus hésite, congédie son confident Phoenix.

Scène 7 : Demeuré avec Andromaque, Pyrrhus, ému par sa présence et sa douleur, lui renouvelle son offre : qu’elle l’épouse, et il sauvera Astyanax.

Scène 8 : Céphise, sa confidente, encourage Andromaque à accepter. Après tout, qu’a de déshonorant un mariage avec Pyrrhus ? C’est un roi couvert de gloire et d’exploits. Une trop longue fidélité au souvenir d’Hector deviendrait vite criminelle en faisant courir un danger mortel à Astyanax. Malheureuse, Andromaque ne sait à quoi se résoudre. D’un côté, elle garde en mémoire l’atroce image de Pyrrhus pénétrant dans Troie en flammes, massacrant ses frères, excitant les Grecs au carnage. D’un autre côté, elle se remémore les adieux d’Hector, son mari, lui recommandant de veiller sur leur fils Astyanax. Andromaque est déchirée entre sa fidélité à Hector qui lui impose de ne pas épouser Pyrrhus, et son amour maternel qui, pour sauver Astyanax, l’oblige à s’unir à Pyrrhus. Elle décide d’aller sur son tombeau consulter son époux.

ACTE IV

Scène 1 : Andromaque consent à épouser Pyrrhus. Céphise, sa confidente, s’en réjouit − trop vite toutefois. Andromaque lui révèle en effet le stratagème qu’elle a imaginé. Aussitôt après la cérémonie nuptiale au temple, elle se suicidera. Comme elle aura légalement épousé Pyrrhus, celui-ci sera contraint de tenir sa promesse et de protéger Astyanax ; mais son suicide lui permettra de demeurer fidèle à Hector et de ne pas vivre avec un autre homme. Céphise affirme ne pas vouloir survivre à sa maîtresse. Andromaque l’incite au contraire à vivre pour s’occuper d’Astyanax.

Scène 2 : Hermione, qui a appris la nouvelle du mariage de Pyrrhus et d’Andromaque, se réfugie dans un lourd silence. Elle exige soudain de voir Oreste.

Scène 3 : Hermione lui demande de tuer Pyrrhus. Oreste hésite : le régicide est un crime abominable, sévèrement puni par les dieux et par les hommes. Hermione insiste. Si Pyrrhus ne meurt pas aujourd’hui, elle peut encore l’aimer demain. Oreste cède devant une menace. Il réclame toutefois un délai : un attentat s’organise, se prépare, et cela prend du temps. Hermione éclate alors de fureur. Tant d’hésitations prouvent à l’évidence qu’il ne l’a jamais aimée. Puisqu’il en est ainsi, elle assassinera elle-même Pyrrhus pour se suicider aussitôt après. Oreste accepte enfin.

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Scène 4 : Hermione savoure à l’avance sa vengeance quand survient Pyrrhus. Elle a tout juste le temps d’envoyer Cléone, sa confidente, auprès d’Oreste pour lui dire de ne rien entreprendre avant qu’il ait une nouvelle fois vu Hermione.

Scène 5 : Pyrrhus se justifie. Il avoue sans détour à Hermione qu’il aime Andromaque et qu’il va l’épouser dans quelques heures. Ce faisant, il reconnaît volontiers qu’il est volage. Mais Hermione sait, comme lui, que leur projet de mariage, établi par des ambassadeurs, n’obéissait qu’à des considérations politiques. Pyrrhus a d’ailleurs sincèrement crue que le devoir et la volonté lui tiendraient lieu d’amour. En vain. Les charmes d’Andromaque ont été les plus forts. Hermione lui répond ironiquement. Elle trouve la franchise de Pyrrhus remarquable… d’hypocrisie. Avec quel talent essaie-t-il en effet de masquer son inconstance sous des considérations politiques ! Il faut se croire aimé pour se croire infidèle, lui réplique durement Pyrrhus. L’argument est injuste et cruel, car Pyrrhus sait très bien qu’Hermione l’aime passionnément. Mais, dans son désir de rompre, tous les arguments lui sont bons, même les plus faux. Touchée à vif, Hermione lui crie qu’elle n’a jamais aimé que lui ; et elle le supplie de retarder son mariage avec Andromaque. Devant le silence de Pyrrhus, elle laisse entendre qu’elle se vengera.

Scène 6 : Phoenix, son confident, conseille à Pyrrhus de ne pas prendre la menace d’Hermione à la légère. Celui-ci ne l’écoute pas. Andromaque l’attend. Il demande à Phoenix de veiller sur Astyanax.

ACTE V

Scène 1 : Monologue d’Hermione. Partagée entre son amour pour Pyrrhus et son désir de vengeance, Hermione ne sait que faire. Tantôt elle souhaite faire assassiner Pyrrhus, tantôt elle veut qu’il vive. Pyrrhus mort, c’est certes se venger avec éclat, mais c’est aussi renoncer à jamais à se faire peut-être aimer de lui. Hermione s’apprête à révoquer l’ordre d’assassinat qu’elle a donné à Oreste quand arrive précipitamment Cléone.

Scène 2 : Cléone décrit la cérémonie du mariage qui vient de commencer au temple. Elle dépeint à Hermione le bonheur de Pyrrhus, les ultimes hésitations d’Oreste que le seul nom d’assassin épouvante. Hermione entre à ces mots dans une colère froide. Elle accuse Oreste de lâcheté puis elle se résout, quels que soient les risques, à aller tuer elle-même Pyrrhus.

Scène 3 : C’est inutile. Oreste accourt lui annoncer la mort de Pyrrhus. Hermione accueille d’abord la nouvelle avec un laconique étonnement. Croyant qu’elle doute de l’assassinat de Pyrrhus, Oreste lui explique par le détail les circonstances de l’attentat. À peine Pyrrhus avait-il prononcé les paroles sacramentelles du mariage et à peine avait-il reconnu Astyanax pour le roi des Troyens que les Grecs se sont précipités sur lui pour le poignarder. « Qu’ont-ils fait ? », s’exclame Hermione. Oreste s’excuse de ne pas avoir porté le premier coup de poignard, comme elle le lui avait demandé. Mais c’est bien lui qui a stimulé jusqu’au bout l’ardeur des Grecs. Qu’importe d’ailleurs de savoir qui a frappé le premier ? Tous n’ont fait qu’exécuter la sentence d’Hermione. Elle, et elle seule, est l’âme de la vengeance.

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Hermione éclate alors en violents reproches contre Oreste. Qui lui a dit d’assassiner Pyrrhus ? Oreste ne comprend plus. N’a-t-elle pas elle-même ordonné cet assassinat ? Hermione maudit Oreste. Comment n’a-t-il pas compris que cet ordre venait de sa jalousie et que sa jalousie venait de son amour, que son cœur démentait ses propos ? Hermione renvoie Oreste à sa solitude.

Scène 4 : Monologue d’Oreste. Celui-ci se rend compte de la monstruosité de son crime. Et pour quel résultat ? Pour s’entendre reprocher d’avoir trop bien et trop vite obéi ! Oreste commence à perdre la raison.

Scène 5 : Son ami Pylade le presse de fuir. Andromaque rend en effet à Pyrrhus les devoirs d’une veuve fidèle et elle a ordonné qu’on punisse les assassins de son mari. Des soldats pourchassent tous les Grecs. Mais Oreste ne bouge pas, préférant mourir aux pieds d’Hermione. Pylade lui apprend alors le suicide d’Hermione. Oreste sombre dans la folie ; partout il aperçoit Hermione et Pyrrhus. Pylade l’entraîne pour tenter de regagner Sparte avant que les gardes de Pyrrhus les arrêtent.