Le Monde - 09 12 2020
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MERCREDI 9 DĂCEMBRE 202076E ANNĂE â NO 23613
3,00 ⏠â FRANCE MĂTROPOLITAINEWWW.LEMONDE.FR â
FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MĂRYDIRECTEUR : JĂRĂME FENOGLIO
AlgĂ©rie 220 DA, Allemagne 3,70 âŹ, Andorre 3,50 âŹ, Autriche 3,80 âŹ, Belgique 3,20 âŹ, Canada 5,80 $ Can, Chypre 3,20 âŹ, Danemark 36 KRD, Espagne 3,50 âŹ, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,10 ÂŁ, GrĂšce 3,50 âŹ, Guadeloupe-Martinique 3,30 âŹ, Guyane 3,50 âŹ, Hongrie 1 440 HUF, Italie 3,50 âŹ, Luxembourg 3,30 âŹ, Malte 3,20 âŹ, Maroc 22 DH, Pays-Bas 3,80 âŹ, Portugal cont. 3,50 âŹ, La RĂ©union 3,30 âŹ, SĂ©nĂ©gal 2 400 F CFA, Suisse 4,40 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,10 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA
SCIENCE & MĂDECINE â 4 PAGES EN NORMANDIE, LA DĂCOUVERTE DâUNE TOMBE PRINCIĂRE NOUS ĂCLAIRE SUR LâĂGE DU BRONZE
DĂ©confinement : le risque dâun report du calendrierⶠAmorcĂ©e depuis la miÂnovembre en France, la dĂ©crue de la deuxiĂšme vague marque le pas, pour des raisons que les autoriÂtĂ©s sâexpliquent mal
ⶠLes cas dâinfection ont atteint un plateau, autour de 10 000 par jour, loin du seuil des 5 000 cas fixĂ© pour assouplir le confineÂment le 15 dĂ©cembre
ⶠCe seuil devait permetÂtre la rĂ©ouverture des cinĂ©mas et salles de specÂtacle, la fin de lâattestation de sortie et son remplaceÂment par un couvreÂfeu
ⶠLundi, devant les chefs de groupe parlementaire, Jean Castex a ouvert la porte Ă une rĂ©vision du calendrier de desserreÂment des contraintes
ⶠUne autre question reste en suspens : les fĂȘtes de fin dâannĂ©e. Le gouverneÂment juge « prĂ©maturĂ© » de sâinquiĂ©ter Ă ce stadePAGE 8
Les enquĂȘteurs Choi HanÂsul (Ă gauche) et Lim DongÂhyun regardent les images de surveillance dâun cafĂ© Ă©tudiant, oĂč un patient positif au CovidÂ19 sâest rendu quelques jours auparavant, le 20 novembre, Ă SĂ©oul. JUN MICHAEL PARK POUR « LE MONDE »
LE REGARD DE PLANTU
Le groupe Universal Music(UMG) a annoncĂ©, lundi 7 dĂ©cembre, le rachat de lâintĂ©gralitĂ© des droits du catalogue de lâauteurÂcompositeur amĂ©ricain, ĂągĂ© de 79 ans. Selon le « New York Times », UMG aurait dĂ©boursĂ© au moins 300 millions de dollars (247 millions dâeuros) pour acquĂ©rir ces droits portant sur plus de 600 titresPAGE 31
CultureUniversal Music sâoffre Bob Dylan
DES ASSUREURS EN MAL DE
PRĂVOYANCEPAGE 38
1Ă D I T O R I A L
JugĂ© Ă Paris pour trafic dâinfluence et corruption, lâancien prĂ©sident sâest longuement exprimĂ©, lundi 7 dĂ©cembre, sur ses conversations tĂ©lĂ©phoniÂques avec son ami et avocat Thierry HerzogPAGE 14
ProcĂšsLes explications de Sarkozy sur ledossier Bismuth
Matignon a repris le dosÂsier du projet de loi sĂ©paÂratismes, Ă la place du ministĂšre de lâintĂ©rieur. Avec pour objectif dâĂ©viter dâ« hystĂ©riser » le dĂ©bat et de renforcer le pilier « cohĂ©sion sociale »PAGES 10-11
« SĂ©paratismes »LâexĂ©cutiftoujours en quĂȘtedâĂ©quilibre
« Projet Cartel »Un arsenal de surveillance à portée des narcos au MexiquePAGE 24
EducationEn mathématiques, la France derniÚre élÚve des paysdéveloppésPAGE 15
PolitiqueAnne Hidalgo,candidate désiréedes socialistesPAGE 12
EnquĂȘte Pourquoi lâEurope dĂ©croche dans lâĂ©conomie mondialedepuis les annĂ©es 1980, lepoids Ă©conomique du Vieux ConÂtinent dans le monde diminue et la pandĂ©mie de CovidÂ19 pourrait bien accĂ©lĂ©rer le mouvement.
En 1981, les EtatsÂUnis et le blocdes 19 pays qui constituent aujourdâhui la zone euro pesaient21 % de lâĂ©conomie mondiale chaÂcun ; presque quarante ans plustard, leur part est passĂ©e respectiÂvement Ă 16 % et Ă 12 %. Pendant le mĂȘme temps, le poids de la
Chine a bondi de 2 % Ă 18 %. Le ratÂtrapage chinois est logique, maisle dĂ©clin europĂ©en a Ă©tĂ© bien plus rapide que celui des EtatsÂUnis.
Le Monde a dĂ©cidĂ© de se penÂcher pendant une semaine sur le sujet, pour tenter dâen analyser les causes profondes : dĂ©moÂgraphie faiblissante, innovation en berne, dĂ©fauts de constructionde la monnaie unique, dĂ©sinÂdustrialisationâŠ
PAGES 20-21
EN CORĂE DU SUD, LA TRAQUE INTRAITABLE DU VIRUSⶠSĂ©oul garde le contrĂŽle de lâĂ©pidĂ©mie, tout en maintenant la libertĂ© de circulationⶠCe rĂ©sultat est obtenu par un traçage systĂ©matique et intrusif des cas contacts PAGES 2-3
Un film de MaĂŻwennUn film de MaĂŻwenn
DE RETOUR EN SALLE LE 15 DĂCEMBRE
DRĂLE ETĂMOUVANT
LA CROIX
ENTRE RIRESET LARMES
ELLE
PLEIN DE GRĂCELE MONDE
UNIVERSELFRANCE INFO
UN GRAND FILMCANAL+
PUISSANTLE PARISIEN
GRANDIOSEJDD
BOULEVERSANTTĂLĂRAMA
2 | INTERNATIONAL MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
PA N D Ă M I E D E C O V I D Â 1 9
En CorĂ©e du Sud, la traque du virusCe pays de 52 millions dâhabitants est parvenuĂ limiter le bilan humain Ă 549 morts, tout en maintenant la libertĂ© de circulation
REPORTAGEséoul  envoyé spécial
L e van blanc franchit une Ă une lesavenues du district de Seochodans le sud de SĂ©oul, prend Ă droite puis sâengouffre dans uneruelle et sâarrĂȘte devant un resÂtaurant. Les deux enquĂȘteurs
descendent du vĂ©hicule, pĂ©nĂštrent dans la cantine populaire et prĂ©sentent discrĂšteÂment Ă la patronne leur mandat marquĂ©dâun tampon officiel. Ils lui demandent lâacÂcĂšs aux enregistrements des camĂ©ras desurveillance des derniers jours, sâassoient dans un coin, font dĂ©filer sur un Ă©cran de smartphone les images de lâheure du dĂ©jeuÂner du 16 novembre quâelle leur fournit. Ils passent en accĂ©lĂ©rĂ©, puis rembobinent et trouvent la scĂšne dâentrĂ©e dâun client, la peÂtite vingtaine, mĂšche sur le cĂŽtĂ©.
Ils comparent avec la photo quâils ont imÂprimĂ©e, confirment que lâheure affichĂ©e, 12 heures 58 minutes et 47 secondes, corresÂpond aux relevĂ©s de paiement par carte banÂcaire. « VoilĂ , câest lui, câest notre homme », afÂfirme enfin Lim DongÂhyun, responsable en temps normal de la gestion des camĂ©ras desurveillance de lâarrondissement, 46 ans, les cheveux grisonnants, en doudoune noire.
Son Ă©quipiĂšre, lâĂ©pidĂ©miologiste Choi HanÂsul, 26 ans, en pull gris, inspecte chaque mouÂvement de lâĂ©tudiant qui a mangĂ© avec une jeune femme et de ceux qui lâont frĂŽlĂ© : qui luitournait le dos, qui lui faisait face, Ă quelle disÂtance, qui portait quel type de masque. AprĂšs quelques minutes de visualisation, Lim DongÂhyun sâinterroge sur la proximitĂ© du couple qui dĂ©jeunait Ă cĂŽtĂ© : « Eux, ce pourrait ĂȘtre problĂ©matique. » Câest par ce traçage mĂ©Âthodique, intrusif, que la CorĂ©e du Sud est
parvenue jusquâĂ prĂ©sent Ă ne pas perdre le fildes cas dâinfection au CovidÂ19. Une traque, associĂ©e au dĂ©ploiement dâune stratĂ©gie de tests massifs, Ă un discours cohĂ©rent sur le port du masque et Ă une quatorzaine stricte Ă lâentrĂ©e sur le territoire, qui a permis de maintenir la libertĂ© de circulation, dâĂ©viter le recours au confinement dur et autres autoriÂsations de sortie qui ont cours en Occident, de maintenir les boutiques et restaurants ouverts, jusquâĂ 21 heures ces joursÂci. Et de liÂmiter le bilan humain Ă 549 morts depuis le dĂ©but de la crise sanitaire dans ce pays de 52 millions dâhabitants, malgrĂ© les nouvelles vagues de contamination successives.
NOTIFICATIONS ANXIOGĂNESCette fois, au restaurant de bouillon de porc ouvert vingtÂquatre heures sur vingtÂquaÂtre, les autres clients Ă©taient suffisamment Ă©loignĂ©s, les serveurs masquĂ©s. Choi et Limconcluent quâune dĂ©sinfection complĂšte du lieu est nĂ©cessaire â une Ă©quipe spĂ©cialisĂ©e interviendra au plus tĂŽt. Mais pas besoin dâaller jusquâĂ envoyer une de ces notificaÂtions anxiogĂšnes qui apparaissent avec une sonnerie dâalarme plusieurs fois par jour surles tĂ©lĂ©phones des rĂ©sidents de SĂ©oul. Du type : « Ce mardi entre midi et 12 h 30, si vous Ă©tiez au restaurant Jongrim, dans le quartier de Wonhyo, rue Baekbom, allĂ©e 87, nuÂmĂ©ro 32, si vous avez des symptĂŽmes, contacÂtez le centre mĂ©dical du district. » Cesmessages contribuent Ă maintenir la popuÂlation mobilisĂ©e mais ils ont aussi des conÂsĂ©quences pour la rĂ©putation des Ă©tablisseÂments. Les enquĂȘteurs cherchent donc un Ă©quilibre.
Choi et Lim poursuivent lâinvestigation. Ilspeuvent accĂ©der Ă la localisation rĂ©cente des malades, fournie sur demande par les opĂ©raÂteurs mobiles, aux camĂ©ras de surveillance de la police, aux relevĂ©s de carte bancaire. « Mais rien ne peut remplacer une enquĂȘte deterrain pour Ă©tablir sâil y a eu un contact rapÂprochĂ© », affirme Choi. Il faut Ă©valuer le plusprĂ©cisĂ©ment qui a pu ĂȘtre exposĂ©, pour endiÂguer la chaĂźne de contaminations potentielle.
Ils se dirigent maintenant vers un de cesespaces de rĂ©vision partagĂ©s oĂč les Ă©tudiants louent une table Ă lâheure ou Ă la semaine. Quand il a dĂ©taillĂ© son emploi du temps, le jeune homme contaminĂ© sâest souvenu sây ĂȘtre rendu une fois dans les deux jours qui ont prĂ©cĂ©dĂ© son dĂ©pistage, le 18 novembre, mais les seize camĂ©ras de surveillance vont rĂ©vĂ©ler quâil y est allĂ© une seconde fois. « LamĂ©moire peut jouer des tours, constate Choi HanÂsul. Il est trĂšs rare que les gens nous menÂtent, mais ils oublient. » Comme chacun a
laissĂ© son numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone sur une liste Ă lâentrĂ©e, ou scannĂ© un QR code transmetÂtant ses coordonnĂ©es, les cas contacts pourÂront ĂȘtre joints en quelques minutes.
AprĂšs plus de dix mois Ă vivre avec la pandĂ©Âmie, le systĂšme sâest affinĂ©. Les autoritĂ©s veulent Ă©viter les cas malheureux du prinÂtemps. A SĂ©oul, la rĂ©vĂ©lation de contaminaÂtions dans un club gay du quartier de la nuit dâItaewon avait placĂ© nombre dâhomosexuelsdans la peur dâĂȘtre victimes dâun « outing » dans une sociĂ©tĂ© conservatrice ; le gouverneÂment avait dĂ» insister sur la garantie dâanonyÂmat pour quâils puissent venir se faire tester.
A Gumi, une alerte avait annoncĂ©, le 18 fĂ©Âvrier, quâune femme de 27 ans, employĂ©e de Samsung, avait rendu visite Ă son « ami » Ă 23 h 30, qui lâavait contaminĂ©e. Elle avait Ă©tĂ© harcelĂ©e ensuite sur les rĂ©seaux sociaux. Le maire de la ville Ă©tait allĂ© jusquâĂ donner sonnom de famille, les internautes demandaient son adresse exacte. « Sâil vous plaĂźt, ne divulÂguez plus mes informations personnelles », avaitÂelle implorĂ©, ajoutant quâelle nâen pouÂvait plus psychologiquement. Dâautres alerÂtes ont identifiĂ© les passages au « love motel » de couples illĂ©gitimes. DĂ©sormais, les alertes ne donnent plus dâĂąge prĂ©cis, juste la dĂ©cenÂnie, et le nom de lâĂ©tablissement frĂ©quentĂ© plutĂŽt que le profil personnel du cas.
« Au dĂ©but, il y a eu des interrogations mais legouvernement a revu sa copie et limite les inÂformations divulguĂ©es. Jâai lâimpression quâil y a dĂ©sormais un consensus au sein de la sociĂ©tĂ©sur ces mesures, car le processus, Ă condition quâil soit mesurĂ©, permet de limiter le nombre de cas », dit Kim DukÂsun, une femme de 34 ans travaillant dans le BTP. En ce jour de noÂvembre, elle a Ă©tĂ© convoquĂ©e Ă un test : dans son parcours pour se rendre Ă la piscine, elle acroisĂ© une personne positive au CovidÂ19.
ADHĂSION POPULAIREEn corrigeant le tir, le gouvernement a conÂservĂ© la confiance de son peuple, qui,aujourdâhui, accepte toujours les gestes et contraintes qui lui sont imposĂ©s. A la diffĂ©Ârence de lâEurope et des EtatsÂUnis, oĂč un message officiel parfois brouillon a conduit Ă questionner la compĂ©tence des dirigeants, en CorĂ©e du Sud, la plupart des citoyens interÂrogĂ©s sont convaincus du bienÂfondĂ© des meÂsures adoptĂ©es. La preuve, Ă leurs yeux, en estle nombre de morts peu Ă©levĂ© malgrĂ© la liÂbertĂ© maintenue dâaller et venir des citoyens et lâouverture des commerces.
« Ces dix mois dâexpĂ©rience ont Ă©tĂ© un apÂprentissage aigu, mais les rĂšgles que nous nous sommes imposĂ©es nous ont permis de traverser la pandĂ©mie jusquâĂ prĂ©sent. Nous avons le sentiment que lâengagement de lapopulation reste Ă©levĂ© », dit Cho EunÂhee, la maire du district de Seocho.
Sa formule contre le CovidÂ19, la CorĂ©e duSud lâa tirĂ©e de lâexpĂ©rience douloureuse des Ă©pidĂ©mies passĂ©es : le syndrome respiratoire aigu sĂ©vĂšre (SRAS), la grippe H1N1, le synÂdrome respiratoire du MoyenÂOrient (MERSÂCoV)⊠« Il y a cinq endroits sur la planĂšte qui rĂ©ussissent le traçage Ă©pidĂ©miologique : HongÂkong, Singapour, TaĂŻwan, la CorĂ©e du Sud et la Chine, constate Son YoungÂrae, le porteÂpaÂ
role du ministĂšre de la santĂ© sudÂcorĂ©en. Leur point commun est dâavoir traversĂ© deux ou trois de ces Ă©pidĂ©mies. »
Le SRAS avait fait plus de 800 morts et 8 000contaminĂ©s en Asie du NordÂEst en 2003 et paralysĂ© les Ă©conomies de la rĂ©gion. Au lendeÂmain de cet Ă©pisode, les citoyens sudÂcorĂ©ens pouvaient sâattendre Ă ce que leur systĂšme desantĂ© soit prĂ©parĂ© aux menaces Ă©pidĂ©mioloÂgiques Ă venir. Mais le 11 mai 2015, un hommede 68 ans sâĂ©tait prĂ©sentĂ© Ă une clinique de sa commune, Asan, fiĂ©vreux et souffrant de douleurs musculaires. On ne lui trouva rien, malgrĂ© une nouvelle consultation trois joursplus tard, cette fois avec une toux grasse. Il eutbientĂŽt des difficultĂ©s Ă respirer et, Ă lâhĂŽpital SaintÂMary de la ville de Pyeongtaek, on lui diagnostiqua une pneumonie le 16 mai.
SCANDALE POLITIQUE DâAMPLEURSon Ă©tat sâaggravant, son Ă©pouse le conduisitle 17 mai dans un des hĂŽpitaux les plus rĂ©puÂtĂ©s du pays, le Centre mĂ©dical Samsung, Ă SĂ©oul. LĂ Âbas, ce nâest que deux jours plus tardquâon fit le lien avec son rĂ©cent voyage dâaffaiÂres : comme tous les deux mois, lâhomme sâĂ©tait rendu dans la succursale de son entreÂprise Ă BahreĂŻn, et avait visitĂ© des clients en Arabie saoudite et Ă DubaĂŻ. Le 20 mai, lâhĂŽpitalconfirma enfin quâil Ă©tait atteint du MERSÂCoV, un virus pourtant connu dans cette rĂ©Âgion du monde depuis alors trois ans.
Ces failles donnĂšrent lieu Ă un scandale poÂlitique dâampleur. Le « cas 14 » : un hommede 35 ans qui fut infectĂ© par le MERSÂCoV lorsdâune consultation Ă lâhĂŽpital de PyeongÂtaek, contamina Ă son tour 82 personnesdans son parcours hospitalier puisque le cas numĂ©ro 1 nâavait pas Ă©tĂ© identifiĂ©. MalgrĂ© cela, le gouvernement de lâĂ©poque, sous lemandat de la prĂ©sidente conservatrice Park GeunÂhye, refusa de divulguer les noms deshĂŽpitaux concernĂ©s par les 186 contaminaÂtions au MERSÂCoV, dont 38 dĂ©cĂšs, par peurde porter prĂ©judice Ă la rĂ©putation de ces Ă©tablissements privĂ©s.
Cela, un an aprĂšs le naufrage du ferry Sewol,qui avait fait 304 morts dont 250 lycĂ©ens.Outre la lenteur dĂ©sastreuse des gardesÂcĂŽtes sudÂcorĂ©ens et le refus de laisser les marines amĂ©ricaine et japonaise aider, câest lâabsence de la chef de lâEtat durant les sept heures les plus cruciales des opĂ©rations de sauvetage qui avait marquĂ© durablement lâopinion. Les deux Ă©pisodes allaient la poursuivre jusquâĂ sa destitution en dĂ©cembre 2016, et laissentles dirigeants du pays dans la crainte perpĂ©Âtuelle dâĂȘtre pris en dĂ©faut de rĂ©activitĂ©.
LâEtat rĂ©alisa alors un profond travail dâinÂtrospection et publia un livre blanc pour idenÂtifier ses erreurs et les rĂ©formes nĂ©cessaires, une Ă©tape qui se rĂ©vĂ©lera essentielle en 2020. « Les leçons tirĂ©es du MERSÂCoV ont beaucoup aidĂ© par la suite. En cas de nouvelle maladie inÂfectieuse inconnue, nous avons appris quâil falÂlait ĂȘtre aussi souple que possible. Sâil y a des diffĂ©rences avec les maladies auxquelles nous avons Ă©tĂ© confrontĂ©s auparavant, il faut aussiÂtĂŽt adapter ses standards de rĂ©action », dĂ©clareM. Son, le porteÂparole du ministĂšre.
« LâexpĂ©rience du passĂ©, câest dĂ©jĂ de se prĂ©paÂrer Ă lâincertitude », dit Park YoungÂjun, direcÂ
UNE ALERTE AVAIT ANNONCĂ QUâUNE FEMME DE 27 ANS
AVAIT RENDU VISITE à SON « AMI »,
QUI LâAVAIT CONTAMINĂE.
LE MAIRE AVAIT DONNĂ SON NOM
DE FAMILLE ETELLE AVAIT ĂTĂ
HARCELĂE SUR LES RĂSEAUX SOCIAUX
LE CONTEXTE
TROISIĂME VAGUELa CorĂ©e du Sud a enregistrĂ© 38 161 cas de Covid-19 depuis janvier et 549 dĂ©-cĂšs. Le pays a fait face Ă trois vaguesde contamination successives. Une en mars partie des membres dâune secte, une autre en aoĂ»t autour dâune Eglise et de manifestations antigouver-nementales et une troisiĂšme, actuelle-ment, qui inquiĂšte particuliĂšrement le pays, car il sâagit de petits foyers, appa-rus le plus souvent dans le cercle privĂ©. Dans 17,8 % des cas, les autoritĂ©s sani-taires ne parviennent pas Ă remonter la chaĂźne de transmission, contre 13,7 % un mois plus tĂŽt. Face Ă la nouvelle hausse des cas (615 contaminations lundi 7 dĂ©cembre), le gouvernement sud-corĂ©en a interdit les rassemble-ments de plus de cinquante personnes. Les restaurants doivent fermer leurs portes Ă 21 heures, sauf pour la venteĂ emporter, et les saunas, karaokĂ©set salles de sport ont Ă©tĂ© fermĂ©s.
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teur de la prĂ©paration aux urgences de santĂ© publique et des investigations Ă©pidĂ©miologiÂques au Centre corĂ©en de contrĂŽle des malaÂdies (KCDC). LâĂ©chec du MERSÂCoV avait enseiÂgnĂ© lâabsolue nĂ©cessitĂ© de pouvoir identifier rapidement les contaminĂ©s et de savoir comÂment utiliser Ă bon escient les informations sur leur parcours pour casser les chaĂźnes de transmission. « Nous ne savions pas tout du nouveau virus CovidÂ19 mais nous savions lâimportance dâun dĂ©ploiement rapide et masÂsif de tests et celle de savoir gĂ©rer un volume coÂlossal de big data », ajoute M. Park.
SORTIR EN TOUTE URGENCE UN TEST PCRLe 12 janvier 2020, la Chine partage avec lâOMSle sĂ©quençage gĂ©nĂ©tique du nouveau coronaÂvirus (le SARSÂCoVÂ2) qui fait rage Ă Wuhan.Deux semaines auparavant, un laboratoire deCanton avait Ă©tabli sa proximitĂ© avec le SRAS. Le 19, une Chinoise de 35 ans atterrit Ă lâaĂ©roÂport international dâIncheon, prĂšs de SĂ©oul.Elle a une forte fiĂšvre. InterrogĂ©e, elle dit avoirreçu une ordonnance pour un coup de froid dans un hĂŽpital de Wuhan, oĂč elle rĂ©side, avant de sâenvoler. Elle est placĂ©e en quaranÂtaine. Le 20 janvier, les autoritĂ©s Ă©tablissent quâil sâagit du nouveau coronavirus, tout comme, quatre jours plus tard, pour un SudÂCorĂ©en de 55 ans travaillant dans la capitale du Hubei, rentrĂ© pour un checkÂup.
Cette fois, pas de temps Ă perdre, malgrĂ© lescĂ©lĂ©brations du Nouvel An lunaire. Le 27 janÂvier au matin, les officiels du ministĂšre de la santĂ© convoquent les patrons des groupes sudÂcorĂ©ens commercialisant des tests bioloÂgiques Ă une rĂ©union dâurgence dans une salle de confĂ©rence directement rattachĂ©e Ă lagare de SĂ©oul, pour lâaccĂšs pratique. Ils ont identifiĂ© cinq entreprises ayant lâexpĂ©rience pour dĂ©velopper au plus vite des produits fiaÂbles. LâEtat leur demande de sortir en toute urgence un test PCR pour le nouveau coronaÂvirus puis de le produire massivement.
En Ă©change de leur efficacitĂ©, le rĂ©gulateurdonnera son aval en un temps record, sechargeant luiÂmĂȘme de la phase dâessais cliÂniques puisque câest lâEtat qui a accĂšs aux cas.Les ajustements, si nĂ©cessaire, intervienÂdront par la suite. Le gouvernement sâengageĂ des commandes massives, plusieurs milÂliers de kits de test par mois â il en faudra en rĂ©alitĂ© bientĂŽt plusieurs dizaines de millierspar jour. « Cela a considĂ©rablement rĂ©duit les dĂ©lais dâessais et dâapprobation, relate, dansses laboratoires du sud de SĂ©oul, le docteur Chun JongÂyoon, fondateur de Seegene, lâunedes deux entreprises qui, au 12 fĂ©vrier, avait reçu la bĂ©nĂ©diction des autoritĂ©s. Entre lâidenÂtification du premier patient dans le pays et le dĂ©ploiement en nombre des tests, il ne sâest Ă©coulĂ© quâun mois. »
Mais le pays nâidentifie plus aucun casdurant six jours consĂ©cutifs. Au point que le prĂ©sident, le progressiste Moon JaeÂin, qui,en campagne, avait rĂ©pĂ©tĂ© que le chef delâEtat devait ĂȘtre une « tour de contrĂŽle » en cas de catastrophe majeure, apparaĂźt Ă unerĂ©union le 13 fĂ©vrier pour dire que le retour Ă la normale est la prioritĂ©. Il assure que le viÂrus aura « disparu dâici peu » et refuse de susÂpendre les connexions avec la Chine pourprotĂ©ger les Ă©changes commerciaux.
Or, les contaminations reprennent aussitĂŽt,menaçant au passage la crĂ©dibilitĂ© du prĂ©siÂdent Moon, exÂavocat des droits humains, quia portĂ© Ă bout de bras le rapprochement avec la CorĂ©e du Nord et son dialogue avec le prĂ©siÂdent amĂ©ricain Donald Trump. Le nombre decas quotidien double pour atteindre 104 le
20 fĂ©vrier, jour oĂč est enregistrĂ© le premier mort aprĂšs la dĂ©couverte dâun foyer de contaÂmination dans le sud du pays, Ă Daegu, autour dâune secte, lâEglise du Nouveau monde de JĂ©sus, dont des membres tentent de fonder une congrĂ©gation Ă Wuhan.
Lâheure de la mise Ă lâĂ©preuve est venue, lepays passe en alerte rouge. Pour tester massiÂvement tout en limitant les contacts, le mĂ©Âdecin qui, en janvier, a traitĂ© le premier cas, Kim JinÂyong, suggĂšre de rĂ©aliser les prĂ©lĂšveÂments sur les patients qui resteraient dans leurs voitures. AussitĂŽt sont dĂ©ployĂ©es aux quatre coins du pays les premiĂšres stationsde tests en « driveÂin ». Le gouvernement ferme temporairement les Ă©coles. Il impose le port du masque dans la rue et les transÂports publics, un attribut auquel la sociĂ©tĂ© corĂ©enne sâest dĂ©jĂ habituĂ©e, tant avec lesĂ©pidĂ©mies prĂ©cĂ©dentes que du fait des Ă©pisoÂdes de « poussiĂšre jaune », les vents de sable des Ă©tendues dĂ©sertiques mongoles.
DĂ©but mars, lorsque la demande de masÂques se tend, lâEtat organise la distribution,afin dâĂ©viter les pĂ©nuries : un jour par seÂmaine dĂ©fini selon son annĂ©e de naissance,le citoyen peut acheter deux masques Ă lapharmacie, au bureau de poste ou dans unesupĂ©rette de quartier. Le gouvernement maintient un discours constant et des campagnes dâinformation sur la nĂ©cessitĂ© absolue du port du masque. « Ils ont portĂ© ce message sur le masque trĂšs tĂŽt, câest une aide considĂ©rable. Dâautres pays ne lâont fait que plus tardivement, certains deux mois plus tard, constate Chun JongÂyoon, le fondateur de Seegene. Maintenant ils ont compris, maiscâest bien tard. »
ISOLEMENT ET QUARANTAINEComme ses voisins, la CorĂ©e du Sud met enplace un isolement strict des malades. Dansles hĂŽpitaux si leur situation est grave ou quâils sont ĂągĂ©s, et dans des centres spĂ©cialiÂsĂ©s lorsque les symptĂŽmes sont faibles. Pasquestion de prendre le risque quâils contaÂminent leur voisinage. SollicitĂ©, Samsung prĂȘte un bĂątiment utilisĂ© dâordinaire commedortoir durant des sĂ©minaires de formationĂ Daegu. Le concurrent LG se doit bien dâenfaire autant, de mĂȘme que le constructeur Hyundai.
Les cas contacts rapprochĂ©s doivent quantĂ eux respecter un rigoureux isolement Ă domicile, suivi sur une application et pardes appels tĂ©lĂ©phoniques. Afin de bloquer les cas « importĂ©s », les personnes entrant sur le territoire se voient imposer une quaÂtorzaine stricte, Ă leur domicile ou dans unechambre dâun des hĂŽtels transformĂ©s en centres sanitaires, et doivent prĂ©senter chaÂque jour leur bulletin de santĂ©, notamment leur tempĂ©rature.
Dans un de ces hĂŽtels, dans le quartiercommerçant de MyeongÂdong Ă SĂ©oul, les voyageurs conduits depuis lâaĂ©roport sont accueillis par un personnel en combinaiÂsons bactĂ©riologiques intĂ©grales blanches. Un prĂ©lĂšvement PCR est rĂ©alisĂ©, puis ils sontenvoyĂ©s dans leur chambre, oĂč un plateauÂrepas est dĂ©posĂ© trois fois par jour devant leur porte. Ils doivent jeter leurs dĂ©tritus, pulvĂ©risĂ©s de dĂ©sinfectant, dans un sac conçu pour les dĂ©chets mĂ©dicaux.
Dans les couloirs menant aux chambres,sont collĂ©s des avis : « Ne quittez jamais votrechambre. Veuillez retourner immĂ©diatementdans votre chambre. » Les Ă©trangers se dĂ©roÂbant Ă ce contrĂŽle sont expulsĂ©s et risquentcinq ans dâinterdiction de territoire, les
CorĂ©ens risquent jusquâĂ un an de prison.Davantage que la peur de la sanction poliÂciĂšre toutefois, câest la crainte dâĂȘtre celui ou celle qui, par son relĂąchement, aura amenĂ© la contamination de sa communautĂ©, qui semble ĂȘtre le moteur principal.
Alors que les caractĂ©ristiques du virus seprĂ©cisent au fil des semaines, câest le nombrede personnes infectĂ©es â mais ne prĂ©sentantaucun symptĂŽme â qui met les Ă©pidĂ©mioloÂgistes sudÂcorĂ©ens au dĂ©fi, les plaçant face aurisque de perdre le fil des contaminations. Lepays continue de monter en puissance sur les tests. « Le rythme de test est une des clĂ©s, ildoit ĂȘtre plus rapide que la contamination », dit encore le patron de Seegene. Cet effort et la hausse de la demande mondiale ont mis les fournisseurs de tests sudÂcorĂ©ens sous pression. « Nos employĂ©s travaillaient jour et nuit, ils allaient dormir Ă lâhĂŽtel Ă cĂŽtĂ© sans reÂpasser chez eux », se souvient Chun.
DEMANDE APPROUVĂE EN UN CLICSurtout, le pays donne Ă son travail de traÂçage des airs dâenquĂȘte de police scientifique.Fin mars, il est devenu clair que la lourdeur administrative dans lâobtention des donnĂ©esfait perdre un temps prĂ©cieux pour remonÂter les chaĂźnes de contamination. Les autoriÂtĂ©s dĂ©cident de bidouiller un systĂšme alors Ă lâessai pour la gestion des « Smart cities », les villes intelligentes â qui permet de faire reÂmonter Ă partir de fichiers Excel des donnĂ©essur le trafic routier ou la pollution. Ce sysÂtĂšme devient la matrice du traçage, un souÂtien aux enquĂȘtes Ă©pidĂ©miologiques.
Les enquĂȘteurs de terrain peuvent ainsi deÂmander la localisation dâun individu par triangulation des antennes relais utilisĂ©es parson smartphone ou ses donnĂ©es de carte de crĂ©dit. Ces informations ne sont pas relevĂ©es automatiquement mais entrĂ©es par lâopĂ©raÂteur, la banque ou la sociĂ©tĂ© de crĂ©dit dans cetoutil commun. Les lenteurs ont disparu et, enun clic, un rĂ©fĂ©rent de la police approuve la deÂmande dâinformation des enquĂȘteurs Ă©pidĂ©Âmiologiques. Une loi adoptĂ©e en 2015, dans la foulĂ©e du scandale du MERSÂCoV, permet de rĂ©colter ces informations sans passer par un
juge en cas de crise sanitaire, mais elles doiÂvent ĂȘtre dĂ©truites dans les deux semaines.
AprĂšs une discussion tĂ©lĂ©phonique aveclâĂ©tudiant contaminĂ© qui a donnĂ© son approÂbation, câest sur la base de ces informations que les enquĂȘteurs Choi et Lim ont Ă©tabli son itinĂ©raire prĂ©cis, minutĂ©, quâils ont imprimĂ© sur une feuille et suivent Ă mesure quâavance lâaprĂšsÂmidi dĂ©jĂ froid de la capitale. Ils pĂ©nĂšÂtrent maintenant dans une supĂ©rette de coin de rue ouverte vingtÂquatre heures sur vingtÂquatre. Le jeune homme infectĂ© y est entrĂ© Ă 16 h 24, deux jours avant dâĂȘtre testĂ© positif, pour y acheter un yaourt. Les vidĂ©os de surÂveillance, que montre la propriĂ©taire dans lâarriĂšreÂboutique, permettent dâĂ©tablir quâil nâest restĂ© lĂ que quelques secondes et que lesgestes barriĂšres ont Ă©tĂ© respectĂ©s Ă la caisse. Retour au bureau, pour compiler les donnĂ©es,faire remonter les noms et contacts de ceux qui lâont croisĂ© de trop prĂšs.
Comme ce tandem, quinze Ă©quipes font letour du district, alors que le pays est conÂfrontĂ© Ă une nouvelle vague : 615 nouveauxcas ont Ă©tĂ© rĂ©pertoriĂ©s lundi 7 dĂ©cembre, rapprochant la CorĂ©e des pics enregistrĂ©slors du cluster de la secte de Daegu et durantla deuxiĂšme vague en aoĂ»t, liĂ©e Ă une Ă©gliseultraconservatrice du nord de SĂ©oul, dont les fidĂšles se sont montrĂ©s rĂ©ticents Ă sâidentifier et se faire diagnostiquer, et Ă desmanifestations dâopposition dans le centre de la capitale.
Câest une course qui semble nâavoir pas defin. Au printemps, la mĂ©thodologie Ă©tait enÂcore imprĂ©cise et Choi HanÂsul rentrait chez elle Ă©puisĂ©e Ă 4 heures du matin. Au mois dâaoĂ»t, câĂ©tait 1 heure du matin, mais plus tĂŽt ces joursÂci. La jeune Ă©pidĂ©miologiste ne compte de toute façon plus ses heures, bienconsciente que son travail et celui de ses collĂšÂgues sert de digue pour le reste de la sociĂ©tĂ©. Sâils venaient Ă se trouver dĂ©bordĂ©s, le pays seÂrait Ă la merci dâune crise comme en connaisÂsent lâEurope et les EtatsÂUnis. Son supĂ©rieur lui a dit que lâhorizon pour une vaccination gĂ©nĂ©ralisĂ©e serait le deuxiĂšme semestre de 2021. « Câest encore loin », ditÂelle.
harold thibault
A SĂ©oul,le 20 novembre,les enquĂȘteurs Choi HanÂsul et Lim DongÂhyun retracent le parcours dâun malade du CovidÂ19 en visionnant les vidĂ©os de son passage dans un restaurant du quartier de Seocho, dans le sud de la ville. Plus loin, un centre de santĂ© accueille les habitants voulant se faire tester. JUN MICHAEL PARK POUR « LE MONDE »
Photographieretouchée©
PatriceNormand
GRAND PRIXDU ROMANDE LâACADĂMIEFRANĂAISE2020
DâUNE GRANDEMAĂTRISE. Patrick Grainville, Le Figaro LittĂ©raire
CE LIVRE VOUS REND INTELLIGENT.Jean-Marie Rouart, de lâAcadĂ©mie française
UN SURCROĂT DE CLARTĂ ET DâĂMOTION.Bernard Pivot, Le Journal du Dimanche
LE TREMBLEMENT DE LA VĂRITĂ. François Sureau, LâExpress
UNE FRANCE EN RELIEF, AVEC SES VALLĂES SOURIANTESET SES PRĂCIPICES. Gilles Martin-Chauffier, Paris Match
LIMPIDE ET SOMBRE. Guillaume Goubert, La Croix
UNE FORCE RARE.Marie-Françoise LeclÚre, Le Point
LA FRAGILITĂ DE LA FOI FACE AUX FUREURSDE LâIDOLĂTRIE. Jean Birnbaum, Le Monde des livres
4 | international MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
DivisĂ©, le CongrĂšs argentin rouvre le dĂ©bat sur lâavortementElu en 2019, le prĂ©sident de centre gauche Alberto Fernandez avait promis la lĂ©galisation
buenos aires  correspondante
A quelques jours du votedes dĂ©putĂ©s sur la lĂ©galiÂsation de lâinterruption
volontaire de grossesse (IVG), lâenÂthousiasme des militantes fĂ©miÂnistes est Ă son comble. CovidÂ19 oblige, la ferveur dans les rues nâest cependant pas la mĂȘme quâen 2018, lorsque des centaines de milliers dâArgentines avaient dĂ©filĂ©, des mois durant, Ă Buenos Aires, pour soutenir une proposiÂtion de loi en faveur de la lĂ©galisaÂtion â un texte approuvĂ© par les dĂ©ÂputĂ©s en juin 2018, puis rejetĂ© deux mois plus tard au SĂ©nat.
Ces derniĂšres semaines, les moÂbilisations ont Ă©tĂ© plus timides et se concentrent davantage sur les rĂ©seaux sociaux ou Ă travers des campagnes dâaffichage sur la voie publique. La derniĂšre en date, visiÂble sur les murs et les panneaux dela capitale, reprend un motif dĂ©jĂ utilisĂ© depuis plusieurs annĂ©es par la Campagne pour le droit Ă lâavortement lĂ©gal, sans risques et gratuit (le collectif dâassociations qui se bat depuis quinze ans pour la lĂ©galisation) : un cintre blanc, symbole de lâavortement clandesÂtin, sur fond vert, avec pour lĂ©Âgende « Adieu ».
Le projet de loi du gouverneÂment doit ĂȘtre examinĂ© et votĂ© parles dĂ©putĂ©s jeudi 10 dĂ©cembre. Une date particuliĂšrement symÂbolique, puisquâelle correspond non seulement Ă la JournĂ©e interÂnationale des droits de lâhomme, mais aussi Ă lâanniversaire de lâarÂrivĂ©e au pouvoir du prĂ©sident pĂ©Âroniste de centre gauche Alberto Fernandez, qui avait fait de la lĂ©gaÂlisation de lâIVG lâune de ses proÂmesses de campagne.
« La mobilisation de 2018 a insÂtallĂ© le sujet de lâavortement dans ledĂ©bat public. Mais avoir un texte portĂ© par lâexĂ©cutif donne un tout autre poids Ă ce dĂ©bat », estime PaÂtricia Gomez, professeure de sciences politiques Ă lâuniversitĂ© de Buenos Aires, spĂ©cialiste du fĂ©Âminisme et des questions de genre. « Le gouvernement a fait de cette demande historique du mouÂvement fĂ©ministe une prioritĂ© », souligne Monica Macha, dĂ©putĂ©e du Frente de Todos, la coalition au pouvoir, qui se dit confiante sur le vote de cette semaine.
Selon les calculs de lâorganisaÂtion fĂ©ministe Economia FemiÂnista, le projet de loi devrait ĂȘtre approuvĂ© sans encombre Ă la Chambre des dĂ©putĂ©s : 127 dĂ©putĂ©sse sont dĂ©clarĂ©s pour, contre 110 opposĂ©s Ă la lĂ©galisation â il y a Ă©galement une vingtaine dâindĂ©Âcis. « Câest lâun des rares sujets sur lesquels il nây a pas de discipline departi », indique la politiste Patricia Gomez, « comme ce fut le cas de la loi sur le divorce [promulguĂ©e en 1987] ». En 2018, les femmes parÂlementaires de diffĂ©rents groupes politiques, surnommĂ©es les « soÂroras », sâĂ©taient unies autour de leur soutien au droit Ă lâavorteÂment, un fait rare dans un pays haÂbituellement divisĂ© par la grieta, lafracture politique entre pĂ©roÂnisme et antiÂpĂ©ronisme.
« Notre union ne sâest jamais fisÂsurĂ©e sur les thĂ©matiques liĂ©es au fĂ©minisme », affirme la dĂ©putĂ©e Monica Macha. En 2018, lâinterÂvention de Silvia Lospennato, dĂ©Â
putĂ©e du parti libĂ©ral PRO alors au pouvoir, avait Ă©mu jusquâaux larÂmes ses consĆurs dâautres partis : la dĂ©putĂ©e avait achevĂ© un vibrant discours en exigeant « Que sea ley ! » (« Que ce soit la loi ! »), fouÂlard vert, le symbole de la lutte pour le droit Ă lâavortement, nouĂ© au poignet. « Les divisions sur ce sujet sont bien plus notables entre les provinces argentines quâentre les partis », estime Patricia Gomez, qui Ă©tablit une frontiĂšre entre les rĂ©gions du centre et du sud et celÂles, plus conservatrices et catholiÂques, du nord de lâArgentine.
Soutenus par lâEglise catholique,et par les Eglises Ă©vangĂ©liques, qui gagnent du terrain en Argentine, les opposants Ă lâavortement sont, eux aussi, particuliĂšrement mobiÂlisĂ©s. Des militants qui ont Ă©tĂ© « pris par surprise devant lâampleur de la mobilisation en 2018, mais ont eu le temps de sâorganiser et de sâunir ces deux derniĂšres annĂ©es », estime Mme Gomez. Samedi 28 noÂvembre, des milliers dâentre eux ont dĂ©filĂ© devant le CongrĂšs, dans le centre de Buenos Aires, et dans 250 autres villes du pays, arborant un foulard bleu ciel et portant des pancartes avec pour slogans « Sauvons les deux vies » â celle de la femme enceinte et celle du fĆtus â ou « Nous luttons pour ceux qui nâont pas de voix ».
« Un risque politique trĂšs Ă©levĂ© »Câest ce camp qui domine au SĂ©Ânat, oĂč, si le projet de loi est adoptĂ©par les dĂ©putĂ©s, le vote devrait se tenir dĂ©but janvier au plus tard. Toujours selon les estimations de lâorganisation Economia FemiÂnista, Ă la Chambre haute du ConÂgrĂšs, 35 parlementaires devraient voter contre la lĂ©galisation et 33 pour. Deux sĂ©natrices et un sĂ©Ânateur encore indĂ©cis pourraient faire basculer le rĂ©sultat en faveurde la lĂ©galisation, mais le vote sâanÂnonce extrĂȘmement serrĂ©.
« Le gouvernement est convaincuque le texte peut passer et veut fairede cette loi la grande rĂ©ussite de son dĂ©but de mandat. Mais câest unrisque politique trĂšs Ă©levĂ© dans uncontexte si instable », pointe Mme Gomez. La premiĂšre annĂ©e dâAlberto Fernandez au pouvoir a Ă©tĂ© marquĂ©e par la pandĂ©mie et par lâaggravation de la crise Ă©conoÂmique et sociale. La gestion du CovidÂ19, dâabord saluĂ©e dans le pays et Ă lâĂ©tranger, est de plus en plus critiquĂ©e face au lourd bilan humain que dĂ©plore lâArgentine.
Jeudi 10 dĂ©cembre, les deuxcamps se feront face sur une place du CongrĂšs divisĂ©e en deux zones, une verte et une bleu ciel, comme en 2018. La session parlementaire extraordinaire â au cours de laÂquelle sera Ă©galement examinĂ© unprojet de loi sur un plan dâaide pour les femmes enceintes et les jeunes mĂšres vulnĂ©rables â pourÂrait durer prĂšs de trente heures.
aude villiersÂmoriamĂ©
En TchĂ©tchĂ©nie, lâassassin de Samuel Paty enterrĂ© « avec les honneurs »Des « Allahou Akbar » ont rĂ©sonnĂ© dans le cortĂšge lors des obsĂšques dâAbdouallakh Anzorov
moscou  correspondant
A rrivé sur le sol russe le5 décembre, le corps duterroriste Abdouallakh
Anzorov a Ă©tĂ© enterrĂ© le lendeÂmain en TchĂ©tchĂ©nie, dans le vilÂlage dont est originaire sa famille.Lâassassin du professeur dâhistoiÂreÂgĂ©ographie Samuel Paty a Ă©tĂ© transportĂ© par avion en toute discrĂ©tion, depuis la France oĂč il est mort le 16 octobre.
Lâinhumation a eu lieu dans levillage de Chalaji, 10 000 habiÂtants, situĂ© Ă une quarantaine de kilomĂštres de Grozny, la capitale de la RĂ©publique. Abdouallakh AnÂzorov, 18 ans, nĂ© Ă Moscou et de naÂtionalitĂ© russe, nây avait sĂ©journĂ© quâune seule fois dans sa vie.
Son enterrement aurait pu restertout aussi secret que son transfert,si des vidĂ©os montrant la cĂ©rĂ©moÂnie nâĂ©taient apparues sur InterÂnet. On y voit une foule dâenviron 200 personnes accompagner le cercueil vers le cimetiĂšre du vilÂlage, sous la neige. Selon le site dâinformation Baza, qui a diffusĂ© lâune de ces vidĂ©os, la police locale avait fermĂ© les accĂšs au village dĂšs la rĂ©ception du corps, pour Ă©viter quâune foule plus importante se joigne Ă la cĂ©rĂ©monie.
La chaĂźne Telegram 1ADAT, leseul mĂ©dia dâopposition implantĂ© en TchĂ©tchĂ©nie, a confirmĂ© cette information et relayĂ© des tĂ©moiÂ
gnages selon lesquels interdiction avait Ă©tĂ© donnĂ©e de filmer le corÂtĂšge. La police â une soixantaine dâagents prĂ©sents â aurait ainsi confisquĂ© plusieurs tĂ©lĂ©phones. Autant dâĂ©lĂ©ments qui semblent confirmer le caractĂšre non voulu de la diffusion de ces images, quand bien mĂȘme Abdouallakh Anzorov aura eu droit Ă un enterÂrement « avec les honneurs », selonles mots de Baza.
Les autoritĂ©s françaises essaienten gĂ©nĂ©ral dâĂ©viter que les tombes de terroristes puissent devenir deslieux de pĂšlerinage. Câest la logiÂque qui avait prĂ©valu lors de lâenÂterrement trĂšs discret des terrorisÂtes des attentats de 2015, avec des sĂ©pultures parfois anonymes. Sâagissant des Ă©trangers, les pratiÂques peuvent varier. En 2012, lâAlÂgĂ©rie avait refusĂ© la demande de lafamille de Mohammed Merah dây rapatrier son corps, invoquant des « raisons dâordre public ».
Dans le cas dâAbdouallakh AnzoÂrov, il est encore difficile de dire si la dĂ©cision de le transfĂ©rer a Ă©tĂ© prise Ă un niveau politique ou simÂplement administratif. LâorganisaÂtion et le financement du transÂport restent Ă©galement inconnus. Lundi soir, le ministĂšre des affaiÂres Ă©trangĂšres renvoyait vers le ministĂšre de lâintĂ©rieur, lequel inÂdiquait seulement que le renvoi du corps a Ă©tĂ© effectuĂ© Ă la deÂmande de la famille. « Cette deÂ
mande a fait lâobjet dâun traitementpar les procĂ©dures prĂ©vues Ă cet efÂfet de la part de la PrĂ©fecture de poÂlice de Paris et du magistrat instrucÂteur », indiqueÂtÂon Place Beauvau.
La cĂ©rĂ©monie sâest dĂ©roulĂ©e demaniĂšre traditionnelle, mais sâilest habituel dâentendre rĂ©citerdes sourates du Coran, les sonoÂres « Allahou Akbar » lancĂ©s dans le cortĂšge ne sont, eux, pas couÂtumiers. Vu la maniĂšre dont a Ă©tĂ©prĂ©sentĂ© lâattentat de ConflansÂSainteÂHonorine (Yvelines) dansla rĂ©gion, il est difficile de ne pasy voir un message plus politiqueque religieux.
« Provocations » françaisesLe quotidien NovaĂŻa Gazeta prĂ©Âcise de son cĂŽtĂ© que la famille AnÂzorov appartient Ă lâun des clansles plus importants â par sa popuÂlation â de TchĂ©tchĂ©nie, qui plusest majoritaire dans le village de Chalaji, ce qui explique la prĂ©Âsence dâune foule importante, lesproches ayant obligation de se rendre aux obsĂšques dâun dĂ©funt.
Le journal rappelle toutefoisque la dĂ©cision dâenterrer le jeuneAbdouallakh en TchĂ©tchĂ©nie nâa pu ĂȘtre prise sans lâapprobationde Ramzan Kadyrov, le dirigeantde la rĂ©publique. En Russie, uneloi fĂ©dĂ©rale interdit que les corps des terroristes soient rendus Ă leur famille et que soit dĂ©voilĂ© le lieu de leur inhumation.
Depuis lâassassinat de SamuelPaty, le prĂ©sident tchĂ©tchĂšne, quipromeut chez lui un islam rigoÂriste, nâa eu de cesse de minimiÂser lâaction du terroriste, la prĂ©Âsentant comme une rĂ©ponse Ă des « provocations » françaises. Ilavait aussi qualifiĂ© Emmanuel Macron de « chef de file et inspiraÂteur du terrorisme » en France.
Ces dĂ©clarations, accueillies faÂvorablement par une partie des musulmans de Russie, nâavaientsoulevĂ© quâune rĂ©probation tiÂmide du Kremlin, qui sâen est tenu dĂšs lâorigine Ă une positiondâ« Ă©quilibre », rĂ©sumĂ©e par les mots de son porteÂparole, DmiÂtri Peskov : « Il est inacceptabledâinsulter les sentiments des croyants et il est inacceptable detuer des gens. »
Dans les rĂ©actions sur les rĂ©Âseaux sociaux, câest aussi cetteligne qui a dominĂ©, quand AbÂdouallakh Anzorov nâĂ©tait pastout simplement qualifiĂ© de « hĂ©Âros ». Lâattribution Ă une rue de Chalaji du nom de ce dernier aaussi fait lâobjet de dĂ©bats surInternet ces derniers jours.
La tĂ©lĂ©vision rĂ©gionale, dâaborddiscrĂšte, a finalement fait Ă©tat de lâenterrement, lundi soir, prĂ©senÂtant Abdouallakh Anzorov, « un jeune homme Ă qui il restait tant Ă accomplir », comme « la victimedâune provocation ».
benoĂźt vitkine
Tapis rouge sans Ă©pines pour le prĂ©sident Ă©gyptien Sissi Ă ParisLes droits de lâhomme nâont Ă©tĂ© abordĂ©s quâĂ la marge par M. Macron
L a lutte antiterroriste, nĂ©ÂcessitĂ© des temps moderÂnes, est aussi un paraventderriĂšre lequel sâabritent
certains rĂ©gimes autoritairespour soumettre leur peuple. Enaccueillant Ă Paris le prĂ©sident Ă©gyptien Abdel Fattah AlÂSissi,lundi 7 dĂ©cembre, Emmanuel Macron savait que la question desdroits de lâhomme ne pouvait ĂȘtresimplement Ă©vacuĂ©e. La confĂ©Ârence de presse tenue par les deuxdirigeants a confirmĂ© le dilemme posĂ© par la nature mĂȘme du rĂ©Âgime Ă©gyptien, dont la stabilitĂ©est perçue comme un rare acquis au MoyenÂOrient, malgrĂ© son coĂ»t rĂ©pressif effroyable.
En insistant longuement sur lesconvergences entre Paris et Le Caire, en particulier sur la Libyeet la situation en MĂ©diterranĂ©e orientale, face aux coups de bouÂtoir de la Turquie, Emmanuel MaÂcron nâa pas laissĂ© de doute sur ses prioritĂ©s. InterrogĂ© sur lâidĂ©e de conditionner les ventes dâarÂmes Ă lâEgypte Ă la situation intĂ©Ârieure dans le pays, il a Ă©cartĂ© ce projet, « inefficace sur le sujet des droits de lâhomme et contreÂproÂductif dans la lutte contre le terroÂrisme ». Cet argument ne conÂvainc guĂšre Antoine Madelin, diÂrecteur du plaidoyer internatioÂnal Ă la FĂ©dĂ©ration internationale pour les droits humains (FIDH).
« Câest une erreur stratĂ©gique caraujourdâhui, le prĂ©sident Sissi orÂganise une rĂ©pression dâune amÂpleur jamais vue dans lâEgypte moderne, ditÂil. Il est dangereux dene rien faire. La fermeture de la sociĂ©tĂ© civile et la chape de plombsur une sociĂ©tĂ© vibrante crĂ©ent undanger majeur de rĂ©surgence terÂroriste. Câest aussi un faux pas juriÂdique, car la France est signatairede conventions internationalesqui lâenjoignent Ă ne pas vendre
dâarmements ou de matĂ©riels desurveillance sâil y a un risque quâils soient utilisĂ©s pour rĂ©primer. Or la pratique de la torture est systĂ©maÂtique dans le pays. »
Paris continue dâaborder cettequestion des libertĂ©s en Egypte sous lâangle des dossiers indiviÂduels, Ă lâinstar de sa pratique avecPĂ©kin ou Moscou. « Une sociĂ©tĂ© ciÂvile dynamique, inclusive, oĂč chaÂcun est reprĂ©sentĂ© dans les dĂ©sacÂcords qui peuvent exister, est plus protectrice contre tout risque de terrorisme (âŠ) que la rĂ©pression poÂlitique, a notĂ© le prĂ©sident français.Dans ce contexteÂlĂ , nous avons Ă©changĂ© sur des listes de noms et nous continuons de pousser, ce qui est, je crois, la maniĂšre la plus effiÂcace, Ă des libĂ©rations, et Ă suivre avec bienveillance certains cas. »
Le chef de lâEtat a citĂ© notamÂment celui de Ramy Shaath, lâunedes incarnations du mouvementpopulaire dĂ©mocratique sur laplace Tahrir, arrĂȘtĂ© en juillet2019. M. Macron sâest aussi fĂ©liÂcitĂ© de la libĂ©ration rĂ©cente desresponsables de lâEgyptian IniÂtiative for Personal Rights (Initiative Ă©gyptienne pour lesdroits personnels, EIPR), qui conÂtinuent pourtant dâĂȘtre visĂ©s pardes mesures financiĂšres. Face Ă cette approche trĂšs courtoise et dĂ©nuĂ©e de pression, le marĂ©chal Sissi a dĂ©roulĂ© un argumentaire
classique, sur les « 55 000 organiÂsations » qui Ćuvrent en Egypteet, Ă©videmment, sur la menaceterroriste qui justifie tout.
Puis il sâest aventurĂ© plus loin,lors dâun Ă©change final sur lescaricatures de Charlie Hebdo. LeprĂ©sident Sissi a invitĂ© Ă une « mĂ©ditation », en notant que « lesvaleurs humaines sont faites par lâhomme et peuvent ĂȘtre chanÂgĂ©es, alors que les valeurs religieuÂses sont dâorigine cĂ©leste et sont donc sacrĂ©es, elles ont la suprĂ©Âmatie sur tout ». DĂšs lors, il fauÂdrait naturellement rĂ©viser tout propos « blessant des millions depersonnes » dans leur foi.
« Le dictateur favori de Trump »Reprenant la parole, EmmanuelMacron a mis en garde contre un« risque de balbutiement de notrehistoire ». « Nous considĂ©rons quela valeur de lâhomme est supĂ©Ârieure Ă tout, aÂtÂil dit. Câest lâapÂport de la philosophie des LumiĂšÂres et câest ce qui fait lâuniversaÂlisme des droits de lâhomme, qui fonde dâailleurs la charte des NaÂtions unies. (âŠ) Dans lâordre dupolitique, le religieux nâentrepas. » Sinon, le rĂ©gime en quesÂtion est une thĂ©ocratie : « Il y en aeu dans lâhistoire. Je ne pense pasque ça amĂšne au meilleur. »
Cet Ă©change nâa guĂšre comproÂmis lâambiance entre les deux diÂrigeants, tant la visite sâinscritdans une continuitĂ©. Le prĂ©siÂdent français avait dĂ©jĂ reçu lemarĂ©chal en octobre 2017. « Jecrois Ă la souverainetĂ© des Etats »,dĂ©claraitÂil alors â expression rĂ©ÂpĂ©tĂ©e lundi mot pour mot â, enappelant à « ne pas donner des leÂçons », en raison du « contexte sĂ©Âcuritaire » sur place et dans la rĂ©Âgion. M. Macron avait Ă©voquĂ©, aucours de ses discussions avec sonhomologue, les cas dâune quinÂ
zaine de militants des droits de lâhomme emprisonnĂ©s.
Fin janvier 2019, lĂ©ger changeÂment de ton, lors de la visite de trois jours du prĂ©sident français en Egypte. M. Macron estimait alors que « les choses nâont pas Ă©tĂ© dans la bonne direction » depuis laderniĂšre rencontre entre les deux dirigeants. En rĂ©alitĂ©, Ă compterde lâaccession au pouvoir du maÂrĂ©chal en 2013, lâEgypte nâa cessĂ©de sâenfoncer dans une spirale rĂ©Âpressive (exĂ©cutions extrajudiÂciaires, tortures, disparitions forÂcĂ©es, etc.), tandis que le marasme Ă©conomique sâinstallait. Le payscompte 60 000 prisonniers dâopiÂnion, selon les ONG.
Pendant la prĂ©sidence Trump,Le Caire a bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune paix abÂsolue sur le plan international. LâarrivĂ©e prochaine de Joe Biden Ă la Maison Blanche pourrait touteÂfois changer lâambiance dans la relation avec les EtatsÂUnis. En juillet, lors de la libĂ©ration de Mohamed Amashah, Ă©tudiant en mĂ©decine Ă©gyptoÂamĂ©ricain dĂ©Âtenu pendant 486 jours pour avoir brandi une pancarte lors dâune manifestation au prinÂtemps sur la place Tahrir, Joe BiÂden avait prĂ©venu sur Twitter :« Plus de chĂšque en blanc pour le âdictateur favoriâ de Trump. »
Comme avec lâArabie saoudite,le prĂ©sident Ă©lu a affichĂ© son inÂtention de rĂ©Ă©quilibrer les relaÂtions bilatĂ©rales, dont les droits de lâhomme ont Ă©tĂ© entiĂšrementexclus par M. Trump. Paris est conscient de ce contexte. Face auxcoups de force turcs, Ă lâimporÂtance de la question migratoire etau calme prĂ©caire en Libye, lâElyÂsĂ©e voit plus que jamais le parteÂnariat avec lâEgypte comme un piÂlier de sa politique rĂ©gionale.
hélÚne sallonet piotr smolar
A propos des caricatures de
« Charlie Hebdo »,Macron a mis engarde contre un« balbutiement
de lâhistoire »
Trois sénateurspourraient faire
basculer le résultat en faveurde la légalisation,
mais le vote sâannonce serrĂ©
LE CONTEXTE
CLANDESTINITĂEn Argentine, lâavortement nâest autorisĂ© quâen cas de viol ou si la grossesse prĂ©sente un danger pour la santĂ© de la femmeenceinte. Les associations fĂ©ministes estiment que de 370 000 Ă 520 000 femmes avor-tement clandestinement chaque annĂ©e. Selon des chiffresofficiels, 38 000 personnes sont hospitalisĂ©es par an Ă la suite dâavortements rĂ©alisĂ©s dans de mauvaises conditions. En AmĂ©ri-que latine, lâIVG nâest lĂ©gale quâĂ Cuba, dans deux Etats du Mexi-que, au Guyana et en Uruguay.
6 | international MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
En Iran, les conservateurs du rĂ©gime haussent le tonAprĂšs lâassassinat dâune figure du programme nuclĂ©aire, les dĂ©putĂ©s ont adoptĂ© une loi contre les sanctions
P rofondĂ©ment prĂ©occuÂpante. » Ce 7 dĂ©cembre,câest ainsi que Londres,Paris et Berlin, les signaÂ
taires europĂ©ens de lâaccord sur le dossier nuclĂ©aire avec lâIran, ont qualifiĂ© lâinstallation par TĂ©hĂ©ran de trois nouvelles cascades de cenÂtrifugeuses Ă Natanz, principal sitedâenrichissement dâuranium situĂ©dans le centre du pays. Une vraie transgression par TĂ©hĂ©ran de ses engagements pris dans le cadre delâaccord de Vienne qui lui interdit dâutiliser les centrifugeuses perÂfectionnĂ©es, et aussi un dĂ©fi direct lancĂ© au nouveau prĂ©sident des EtatsÂUnis, Joe Biden.
Dans un communiquĂ© conjoint,les porteÂparole des ministĂšres des affaires Ă©trangĂšres français, alÂlemand et britannique ont deÂmandĂ© Ă TĂ©hĂ©ran de « ne pas metÂtre en pĂ©ril lâimportante opportuÂnitĂ© de revenir Ă la diplomatie que reprĂ©sente lâarrivĂ©e de la nouvelle administration amĂ©ricaine ». Le dĂ©mocrate Joe Biden ayant dâores et dĂ©jĂ fait part de son intention de revenir dans le « deal » dont il a luiÂmĂȘme Ă©tĂ© un acteur importanten tant que viceÂprĂ©sident sous la prĂ©sidence de Barack Obama.
Forte rĂ©cession En mai 2018, son successeur, le rĂ©publicain Donald Trump, a dĂ©ÂnoncĂ© unilatĂ©ralement lâaccordde Vienne, signĂ© trois ans aupaÂravant, et a rĂ©tabli des sanctions sĂ©vĂšres Ă lâencontre de TĂ©hĂ©ran, visant notamment la vente de son pĂ©trole et ses transactions bancaires Ă lâinternational, plonÂgeant lâĂ©conomie du pays dansune forte rĂ©cession. En rĂ©action, depuis 2019, TĂ©hĂ©ran a repris unnombre important de ses activiÂtĂ©s nuclĂ©aires, suspendues dans le cadre du « deal ». Selon le derÂnier rapport de lâAgence internaÂtionale de lâĂ©nergie atomique(lâAIEA), publiĂ© en novembre, le stock dâuranium enrichi de lâIranest douze fois supĂ©rieur Ă la limiteautorisĂ©e dans le cadre du comÂpromis de Vienne.
Lâautre point qui inquiĂšte proÂfondĂ©ment aujourdâhui les trois capitales europĂ©ennes est lâadopÂtion par le Parlement iranien, maÂjoritairement conservateur, dâune loi sur la reprise de certaines actiÂvitĂ©s nuclĂ©aires. « Cette loi, si elle
est mise en Ćuvre, se traduira par un dĂ©veloppement important du programme dâenrichissement de lâuranium par lâIran et par une caÂpacitĂ© dâaccĂšs rĂ©duite de lâAIEA », prĂ©viennentÂils.
Le 1er dĂ©cembre, les dĂ©putĂ©s iraÂniens ont votĂ©, Ă une majoritĂ© Ă©crasante, un projet de loi nommĂ© « action stratĂ©gique pour la levĂ©e des sanctions ». Si lâembargo amĂ©ricain est maintenu, cette loi donne deux mois au gouverneÂment dâHassan Rohani, lâarchiÂtecte iranien de lâaccord nuclĂ©aire, pour porter lâenrichissement de 120 kg dâuranium Ă 20 % par an, alors que, selon les termes du comÂpromis de Vienne, TĂ©hĂ©ran ne doitpas dĂ©passer le seuil de 3,67 %.
Le temps nĂ©cessaire Ă lâIranpour atteindre un enrichisseÂment de 20 % nâest pas tout Ă fait clair. Mais certains analystesparlent dâun dĂ©lai de six mois. LapuretĂ© de 20 % est dâautant plus
inquiĂ©tante que le niveau miliÂtaire, câestÂĂ Âdire 90 %, pourraitalors se faire encore plus rapideÂment. Un autre article de cette loi prĂ©voit la suspension par la RĂ©Âpublique islamique dâIran de sescollaborations avec lâAIEA dans le cadre du protocole additionnel autraitĂ© de nonÂprolifĂ©ration (TNP),notamment les visites des insÂpecteurs de lâagence onusienne, ce qui, jusquâĂ prĂ©sent, permetÂtait de suivre les activitĂ©s nuclĂ©aiÂres de TĂ©hĂ©ran.
Bien que cette nouvelle loi ait Ă©tĂ©Ă plusieurs reprises Ă©voquĂ©e au sein du Parlement, son adoption en seulement deux jours (par 251 dĂ©putĂ©s sur un total de 290) estclairement une rĂ©action Ă lâassasÂsinat, le 27 novembre, de Mohsen Fakhrizadeh, une figureÂclĂ© du programme nuclĂ©aire de TĂ©hĂ©ran, dans la ville dâAbsard. Son meurtreen pleine journĂ©e â pour lequel au moins trois versions ont Ă©tĂ© avanÂ
cĂ©es par TĂ©hĂ©ran â, lors dâune opĂ©Âration sophistiquĂ©e, a Ă©tĂ© attribuĂ© par les Iraniens Ă IsraĂ«l. Mohsen Fakhrizadeh a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© par le premier ministre israĂ©lien, BenyaÂmin NĂ©tanyahou, et certains serviÂces de renseignement iraniens comme le scientifique derriĂšre le programme de lâIran visant Ă concevoir une arme nuclĂ©aire.
Loi « nuisible »AprĂšs le vote de la loi « action straÂtĂ©gique pour la levĂ©e des sancÂtions », le chef du Parlement, le conservateur Mohammad Bagher Ghalibaf, a pointĂ© le lien entre la dĂ©marche des dĂ©putĂ©s et lâassassiÂnat de M. Fakhrizadeh : « Les OcciÂdentaux nâont pas respectĂ© leursengagements dans le cadre de lâaccord. Ils refusent mĂȘme de condamner lâassassinat du martyr Fakhrizadeh. Alors, avec cette loi, le Parlement a mis un terme Ă ce jeu Ă sens unique », a dĂ©clarĂ© M. GhaliÂ
baf, un ancien commandant des gardiens de la rĂ©volution, lâarmĂ©e idĂ©ologique du pays. Ses paroles ont Ă©tĂ© suivies des cris de « Mort Ă IsraĂ«l » et « Mort Ă lâAmĂ©rique » scandĂ©s par les parlementaires.
Voyant sa marge de manĆuvrede plus en plus rĂ©duite, le prĂ©siÂdent Rohani a dâemblĂ©e fait part de son mĂ©contentement de la nouvelle loi, quâil qualifie de « nuiÂsible pour les activitĂ©s diplomatiÂques du pays ». « Permettez aux gens qui ont une vingtaine dâanÂnĂ©es dâexpĂ©riences diplomatiques rĂ©ussies (âŠ) dâessayer de faire leverles sanctions », aÂtÂil dit au lendeÂmain du vote. Mais son opposiÂtion Ă cette loi, adressĂ©e au conseildes gardiens de la Constitution, chargĂ© dâexaminer les lois du ParÂlement, est restĂ©e lettre morte.
Cet organe, aux mains desconservateurs, a Ă©galement apÂprouvĂ© la loi avec une rapiditĂ© exÂceptionnelle. « Ces faits indiquent
que la patience stratĂ©gique de lâIranface Ă la politique de âpression maximaleâ des EtatsÂUnis sâĂ©puise et que le Guide suprĂȘme, Ali KhameÂnei, soutient le durcissement de la position de TĂ©hĂ©ran », analyse unofficiel de lâOrganisation des NaÂtions unies et spĂ©cialiste de lâIran,qui prĂ©fĂšre rester anonyme.
Les journaux conservateurs ontĂ©tĂ© unanimes Ă applaudir la dĂ©Âmarche des dĂ©putĂ©s. Les critiques contre le prĂ©sident Rohani se sontmĂȘme renforcĂ©es ces derniersjours. De fait, lâassassinat de MohÂsen Fakhrizadeh a donnĂ© une raiÂson supplĂ©mentaire aux adverÂsaires du prĂ©sident Rohani, qui le trouvent trop « naĂŻf » et « faible ».
Certaines figures conservatricesvont encore plus loin, en accusantle prĂ©sident dâavoir organisĂ© la rencontre entre Mohsen FakhriÂzadeh et Yukiya Amano, lâancien directeur gĂ©nĂ©ral de lâAIEA (2009Â2019), ce que rĂ©futent M. Rohani et son entourage. Lâentrevueaurait, selon les tenants de lâaile dure, non seulement dĂ©voilĂ© lâidentitĂ© du scientifique, maisaussi permis la divulgation dâinÂformations secrĂštes.
La position du prĂ©sident iraniensemble chaque jour un peu plus fragilisĂ©e, alors que les EuroÂpĂ©ens, ainsi que Joe Biden, font part de leur envie dâengager les pourparlers avec TĂ©hĂ©ran sur son programme balistique et sa prĂ©Âsence dans la rĂ©gion. Au terme de son deuxiĂšme mandat, M. Rohanine pourra pas se reprĂ©senter Ă laprĂ©sidentielle, en juin 2021. A ce scrutin sâest dĂ©jĂ portĂ© candidat un ancien gardien de la rĂ©voluÂtion, Hossein Dehghan. Un autre candidat pressenti serait le chef du Parlement, M. Ghalibaf, qui se distingue ces joursÂci par ses posiÂtions fermes contre lâOccident.
ghazal golshiri
Le Japon appelĂ© Ă sâĂ©veiller Ă lâantiracismeLa championne de tennis Naomi Osaka et son sponsor Nike cherchent Ă ouvrir un dĂ©bat sur les injustices raciales dans lâArchipel
L e Japon se veut une sociĂ©tĂ©homogĂšne. Il lâest moinsque ne le proclame la droite
politique et intellectuelle et que ne le pensent une bonne partie des Japonais. Une vidĂ©o publiÂcitaire de la marque amĂ©ricaine Nike, dĂ©nonçant les discriminaÂtions raciales dans lâArchipel, viÂsionnĂ©e plus de 20 millions de fois depuis sa diffusion le 1er dĂ©Âcembre, suscite sur les rĂ©seauxsociaux des rĂ©actions enthouÂsiastes ou outrĂ©es par cette « atÂteinte Ă la dignitĂ© du Japon ».
ConfrontĂ© depuis son ouvertureĂ lâĂ©tranger au milieu du XIXe siĂšÂcle Ă lâethnocentrisme occidental, le Japon nâignore pas les blessures dues Ă la discrimination raciale â quâil a luiÂmĂȘme pratiquĂ©e dans les annĂ©es 1930 avec lâidĂ©ologie de la suprĂ©matie de la « race » nipÂpone qui a accompagnĂ© son impĂ©Ârialisme colonial.
A la suite de la mort de GeorgeFloyd, en mai aux EtatsÂUnis, desmarches et des manifestations,de faible ampleur certes, ont eu lieu dans les grandes villes japoÂnaises. Mais pour beaucoup, le raÂcisme est un problĂšme qui se pose aux EtatsÂUnis et en Europe
mais pas au Japon. La situationnâest pas si simple : les discriÂminations des minoritĂ©s, « visiÂbles » ou non, ainsi que lâostraÂcisme Ă lâĂ©gard des Japonais mĂ©tissont des rĂ©alitĂ©s que la majoritĂ© tend Ă ignorer.
Surfant sur la vague de cĂ©lĂ©britĂ©de la jeune championne de tenÂnis, Naomi Osaka, qui dĂ©nonce les injustices raciales, Nike â lâunde ses sponsors â a cherchĂ© Ă Ă©pouser lâĂ©volution quâil croit disÂcerner chez les jeunes Japonais.« Naomi Osaka [nĂ©e au Japon dâune mĂšre japonaise et dâun pĂšrehaĂŻtien] est le visage dâun Japon qui change et quâelle appelle Ă sâĂ©veiller au problĂšme de la discriÂmination raciale », estime BayeMcNeil, professeur et auteur afroÂamĂ©ricain vivant au Japon.
Faible immigrationLes discriminations au Japon sont de plusieurs natures. Elles peuvent ĂȘtre rampantes ououvertes, tels les propos haineuxĂ lâencontre des CorĂ©ens sur lesrĂ©seaux sociaux. Le film vidĂ©o de Nike, intitulĂ© Continue Ă agir, sois toiÂmĂȘme, lâavenir nâattend pas, pointe de maniĂšre quelque peu
caricaturale des formes dâostraÂcisme plus sournoises : jeunefemme en costume national coÂrĂ©en dĂ©visagĂ©e par un passant ;adolescentes harcelĂ©es Ă lâĂ©cole Ă cause de leur origine⊠Fait dâune succession dâimages choc, le film perd sa portĂ©e informative, voiredidactique en homogĂ©nĂ©isant Ă outrance la sociĂ©tĂ© japonaise. Ces discriminations existent assurĂ©Âment, mais le phĂ©nomĂšne est plus complexe.
ElevĂ©e au EtatsÂUnis, la jeunefemme ĂągĂ©e de 23 ans ne veut pasĂȘtre quâune championne monÂdialement connue. Elle entendmettre sa cĂ©lĂ©britĂ© au service dâun message politique dontlâimpact est sans doute plus
fort au Japon quâaux EtatsÂUnisoĂč la mobilisation est infiÂniment plus large sur cette quesÂtion. ConsĂ©cration de sa popuÂlaritĂ© dans lâArchipel, NaomiOsaka va devenir lâhĂ©roĂŻnedâun manga intitulĂ© Naomi sansĂ©gale, qui sera publiĂ© fin dĂ©cemÂbre dans le magazine pour adoÂlescentes Nakayoshi (400 000 exemplaires).
DĂ©terminĂ©e, mais en rien agresÂsive â ce qui rend son message dâautant plus recevable au Japon âNaomi Osaka cherche Ă ouvrir undĂ©bat sur un sujet qui, dans lâArÂchipel, tient sans doute plus Ă la mĂ©connaissance quâĂ la xĂ©noÂphobie. « Il y a beaucoup dâignoÂrance et de mĂ©fiance Ă lâĂ©gard desĂ©trangers au Japon mais elles se sont rarement traduites en haineet en violence comme aux EtatsÂUnis. Il existe en revanche des disÂcriminations â dans le travail, larecherche dâun logement â ressenÂties par ceux qui en sont victimes comme de microÂagressions », poursuit Baye McNeil.
Câest en particulier le cas des JaÂponais et Japonaises mĂ©tis. LâimÂmigration reste au Japon la plusfaible des pays dĂ©veloppĂ©s mais
le nombre des mariages mixtesaugmente et les enfants nĂ©s deces unions reprĂ©sentent 2 % desnaissances. SurnommĂ©s « hafu » (de lâanglais half), ils sont souventlâobjet de discriminations lorsÂque lâun des parents est de couÂleur. Si les « hafu » accĂšdent Ă la cĂ©lĂ©britĂ© mĂ©diatique, elles etils deviennent « plus » japonais : leur hĂ©ritage multiracial tend Ă sâestomper.
Pas de double nationalitĂ©Fin aoĂ»t, pour protester contreles violences policiĂšres, Naomi Osaka a refusĂ© de jouer, Ă la date prĂ©vue, la demiÂfinale du tournoi de Cincinnati, retardant de vingtÂquatre heures la fin de la compĂ©tiÂtion. Un acte courageux, car ellerisquait dâĂȘtre Ă©liminĂ©e. « En tant que femme noire, je pense quâil y a des questions plus importantes que de me regarder jouer au tenÂnis », dĂ©claraitÂelle. En septembre, pour les matchs de lâUS Open Ă New York, elle arborait, Ă chaque entrĂ©e sur le court, un masque au nom dâun AfroÂAmĂ©ricain vicÂtime de violence de la police.
Un engagement modĂ©rĂ©mentapprĂ©ciĂ© par ses sponsors japoÂ
nais, frileusement repliĂ©s sur le principe olympique de dissociaÂtion du sport et de la politique. « Je dĂ©teste quâon me dise que lesathlĂštes ne doivent pas faire de poÂlitique. Câest un droit. Qui vous autorise Ă vous exprimer alors quemoi je ne peux pas ? », dĂ©claraitÂelle au Wall Street Journal MagaÂzine qui, en septembre, lui consaÂcrait sa couverture.
Afin de se conformer Ă la lĂ©gislaÂtion japonaise qui nâautorise pas ladouble nationalitĂ©, Naomi Osaka arenoncĂ© Ă la citoyennetĂ© amĂ©riÂcaine. Son message a dâautant plusde poids au Japon quâelle nâest plusune Ă©trangĂšre. LĂ©galement, du moins, car elle est lâobjet dâattaÂques racistes sur la couleur de sa peau et son « multiculturalisme » â par sa naissance et sa vie aux EtatsÂUnis â qui nâen feraient pasune Japonaise « authentique » selon les nostalgiques de la puretĂ© de la « race ». En septembre 2018, la jeune championne Ă©tait qualiÂfiĂ©e par le quotidien Yomiuri de « fiertĂ© du Japon ». Aujourdâhui, les grands mĂ©dias sâen tiennent Ă une couverture factuelle de ses prises de position.
philippe pons
« Il y a beaucoupdâignorance
et de mĂ©fianceĂ lâĂ©gard
des étrangers »BAYE MCNEIL
auteur afro-américain installé au Japon
Le chef du Parlement, Mohammad Bagher Ghalibaf, et le président Hassan Rohani, à Téhéran, le 24 novembre. AFP PHOTO/HO/KHAMENEI.IR
Le président Rohani, qui ne sereprésentera pasen juin 2021, est
jugé « naïf » et « faible » par ses
adversaires
ENSEMBLE,REMPLISSONSLE PANIER DE CEUXQUI NE PEUVENT PASLE FAIRE.LE 9 DĂCEMBRE
GALEC
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QuaiM
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8 | PLANĂTE MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
Lâ Ă©pidĂ©mie de CovidÂ19est dĂ©cidĂ©ment pleinede mauvaises surpriÂses. DerniĂšre en date ?
Depuis une semaine, pour des raiÂsons que les autoritĂ©s sâexpliÂquent mal, plusieurs indicateursmontrent que la dĂ©crue de la deuxiĂšme vague, amorcĂ©e depuis la miÂnovembre, marque un net ralentissement. Les cas quotiÂdiens dâinfection ont atteint un plateau, autour de 10 000 par jour. Lundi matin 7 dĂ©cembre, le premier ministre, Jean Castex, et le ministre de la santĂ©, Olivier VĂ©Âran, sont venus annoncer la mauÂvaise nouvelle aux chefs des grouÂpes parlementaires Ă lâAssemÂblĂ©e nationale : « La situation restedifficile », a dĂ©clarĂ© Jean Castex, prĂ©venant que, vu les courbes Ă©piÂdĂ©miques, il fallait rĂ©flĂ©chir à « comment dĂ©confiner ».
« Nous sommes sur un plateau,constate le premier ministre auprĂšs du Monde. Nous aviserons en fonction de lâĂ©volution de ces donnĂ©es. Je garderai toujours la mĂȘme ligne de conduite : prioritĂ© Ă la prĂ©vention et Ă la sĂ©curitĂ© saniÂtaire de nos concitoyens. » Selon plusieurs participants, le chef dugouvernement a ouvert la porte Ă une modification du prochaindesserrement des contraintes inscrit Ă lâagenda. Ce dernier deÂvait, si le seuil des 5 000 cas par jours Ă©tait atteint, permettre, le 15 dĂ©cembre, la rĂ©ouverture des
cinĂ©mas, thĂ©Ăątres et musĂ©es, la reprise des activitĂ©s extrascolaiÂres en salle, la fin de lâattestationde sortie et son remplacement par un couvreÂfeu Ă partir de 21 heures.
Pourquoi cette stagnation ? DestempĂ©ratures qui baissent ? « OuestÂce dĂ» Ă la rĂ©ouverture de comÂmerces, entraĂźnant plus de mouÂvement, de relĂąchement ? », sâinÂterroge Olivier Becht, invitĂ© decette rĂ©union de consultation.Pour le dĂ©putĂ© membre de la maÂjoritĂ©, « le gouvernement ne semÂblait pas avoir dâexplication raÂtionnelle arrĂȘtĂ©e pour expliquerce plafonnement ». Une autre question majeure reste en susÂpens : les fĂȘtes de fin dâannĂ©e. Le gouvernement juge « prĂ©maÂturĂ© » de sâinquiĂ©ter Ă ce stade pour les vacances de NoĂ«l. « Nousnâen sommes pas lĂ . Aucun pays europĂ©en nâa pris pour lâinstant demesures restrictives ou dâinterdicÂtions concernant les fĂȘtes », souliÂgneÂtÂon au sommet de lâEtat.
Selon M. Becht, Ă lâAssemblĂ©e
nationale, « tout le monde sâestentendu pour dire quâil fallait queles Français puissent fĂȘter NoĂ«l enfamille et se dĂ©placer ». ChristoÂphe Castaner, chef de file des dĂ©ÂputĂ©s LRM, semblait moins optiÂmiste. Au sortir de la rĂ©union, il sâest fait lâĂ©cho, sur Twitter, dâunministre canadien appelant ses concitoyens Ă ne pas se rĂ©unir le24 dĂ©cembre.
« Encore loin de lâobjectif »Au QuĂ©bec, les rassemblementsfamiliaux, autorisĂ©s dans un preÂmier temps en vue des fĂȘtes, ontfinalement Ă©tĂ© interdits face aurebond de lâĂ©pidĂ©mie sur le conÂtinent nordÂamĂ©ricain. Une exÂtrĂ©mitĂ© Ă laquelle lâexĂ©cutif esÂpĂšre ne pas ĂȘtre poussĂ©, compÂtant plutĂŽt sur le fait que ce « plaÂteau » joue en faveur dâune plusgrande prudence des Françaisdans les jours Ă venir. « Je pense que lâon va quand mĂȘme fĂȘter NoĂ«l », veut croire un cadre de lamajoritĂ©, qui estime que la popuÂlation ne respecterait de toute faÂçon pas des rĂšgles trop contraiÂgnantes.
Que NoĂ«l soit prĂ©servĂ© ou pas,au minimum, le doute est jetĂ©sur la rĂ©ouverture dâun secteur culturel dĂ©jĂ largement mis Ă mal par la pandĂ©mie. Ce qui proÂmet de relancer les dĂ©bats sur lesprioritĂ©s du gouvernement, maisaussi les lieux les plus propicesaux contaminations. Si ce diÂ
lemme reste entier, la communiÂcation gouvernementale sâestpoursuivie, lundi dans la soirĂ©e, cette fois Ă destination de la poÂpulation. Lors dâun rapide pointÂpresse, le directeur gĂ©nĂ©ral de lasantĂ©, JĂ©rĂŽme Salomon, a mis engarde contre « un risque Ă©levĂ© de rebond Ă©pidĂ©mique », alors que lâEurope est aujourdâhui lâun desĂ©picentres de la pandĂ©mie.
« Nous sommes encore loin delâobjectif de passer sous la barre des 5 000 cas par jour », a prĂ©venu M. Salomon, se refusant toutefoisĂ annoncer le moindre amĂ©nageÂment du calendrier de dĂ©confineÂment dĂ©crit par Emmanuel MaÂcron il y a deux semaines. Lundi soir, SantĂ© publique France compÂtabilisait, en vingtÂquatre heures, 9 179 nouveaux cas confirmĂ©s parRTÂPCR, ainsi que 1 843 par tests antigĂ©niques â ces derniers seÂront dĂ©sormais automatiqueÂment ajoutĂ©s au dĂ©compte global.En consĂ©quence, le taux de positiÂvitĂ© est en lĂ©gĂšre augmentation, Ă 10,7 %, notamment chez les10Â19 ans et les personnes de plus de 90 ans.
En revanche, le seuil de3 000 personnes atteintes du CoÂvidÂ19 en service de rĂ©animation,autre condition posĂ©e par lâexĂ©Âcutif pour engager un dĂ©confineÂment au 15 dĂ©cembre, semble enÂcore atteignable, sauf si les adÂmissions ne baissent plus,comme câest le cas depuis deux
jours. Quelque 3 188 personnesĂ©taient en rĂ©animation lundisoir. Selon les calculs du groupe de modĂ©lisation de lâĂ©quipe derecherche Evolution thĂ©orique etexpĂ©rimentale (ETE), Ă partir desdonnĂ©es du 6 dĂ©cembre, letemps de division par deux des hospitalisations de malades duCovidÂ19 est actuellement dâenviÂron cinquante jours. « Les hospiÂtalisations de la semaine derniĂšrepointent vers un moindre effet duconfinement depuis le 16 novemÂbre, voire une croissance Ă cerÂtains endroits », expliquent lesmodĂ©lisateurs sur Twitter.
En effet, des disparitĂ©s sont Ă obÂserver entre les rĂ©gions. Selon M. Salomon, on enregistre « une faible baisse » des contaminationsdans les HautsÂdeÂFrance, lâIleÂdeÂFrance, la NouvelleÂAquitaine, la Normandie et la ProvenceÂAlpesÂCĂŽte dâAzur, tandis que six rĂ©gions« ont une tendance en plateau » :
Que Noël soit préservé ou pas,au minimum, le
doute est jeté surla réouverture du
secteur culturel
lâAuvergneÂRhĂŽneÂAlpes, la BourÂgogneÂFrancheÂComtĂ©, la BretaÂgne, le CentreÂVal de Loire, les Pays de Loire et la Corse. Le GrandÂEst et lâOccitanie font, eux, face Ă une lĂ©gĂšre augmentation de lâinÂcidence.
Faible immunitĂ© de groupe« Ces chiffres sont inquiĂ©tants », a confirmĂ© M. Salomon, insistant sur le fait que lâimmunitĂ© en poÂpulation reste aujourdâhui faible. Selon les derniĂšres modĂ©lisationsde lâInstitut Pasteur, plus de 11 personnes sur 100 auraientdĂ©jĂ eu le CovidÂ19, sous uneforme symptomatique ou asympÂtomatique. Et la future campagne de vaccination, qui devrait Ă terme permettre lâimmunitĂ©, nâaura rien dâinstantanĂ©.
Dâici lĂ , un conseil de dĂ©fensesanitaire est prĂ©vu mercredi,avant la confĂ©rence de pressehebdomadaire du ministre de lasantĂ©, Olivier VĂ©ran, le lendeÂmain, censĂ©e ĂȘtre consacrĂ©e Ă laquestion des tests. Vu la situaÂtion, la question du dĂ©confineÂment du 15 dĂ©cembre ne devraitpas manquer de sâinviter Ă la taÂble des discussions. Une fois enÂcore, comme a Ă©tĂ© forcĂ© de le reÂconnaĂźtre Emmanuel Macron enoctobre, « il y a un maĂźtre des horÂloges qui sâappelle le Covid ».
julie carriat,olivier faye
et delphine roucaute
Martinique
Mayotte
La RĂ©union
Guadeloupe
Guyane
Petite couronne
4 586
33 466
418
26 333
1er septembre
2e conïżœnement(30 octobre)
7 décembre
du 28/11 au 4/12du 26/08 au 1/09
Personnes hospitaliséesPersonnes en réanimationet en soins intensifs
3 188
Nombre de personnes positivespour 100 000 habitantsdu 28 novembreau 4 décembre
pour 100 000 habitantsMoyennenationale
nouvelles personnes positivesau SARS-CoV-2 en vingt-quatreheures (tests antigéniques inclus)Cet indicateur dépend du nombrede personnes testées, variableselon les jours et les territoires.
+ 3 411de 150 Ă 198,4de 100 Ă 150de 50 Ă 100Moins de 50
HOSPITALISATIONS ET RĂANIMATION TAUX DâINCIDENCE PAR DĂPARTEMENTpour 100 000 habitants
TESTS POSITIFS
TAUX DâINCIDENCE
66,1
500,2
86,2
Sources : Santé publique France, Géodes, université Johns-HopkinsInfographie Le Monde
Epidémie de Covid-19 : situation au 7 décembre, 14 heuresDANS LE MONDE
Nombre de décÚs et rapport pour 100 000 habitants
Belgique
Suisse
Espagne
Royaume-Uni
Italie
France
Allemagne
Russie
Brésil
Etats-Unis
55 521 83
64
30
23
99
101
84
86
43 122
19 434
283 703
17 386 morts
5 495
46 646
177 317
61 531 92
60 606
151 décÚs / 100 000 hab.
Doutes sur le dĂ©confinement du 15 dĂ©cembreLes cas quotidiens de CovidÂ19 stagnent autour de 10 000, remettant en question le calendrier annoncĂ©
« VÂDay » pour lâutilisation du vaccin Pfizer au RoyaumeÂUniLe gouvernement britannique vante lâ« avance » du pays, oĂč la campagne vaccinale a commencĂ©, mardi 8 dĂ©cembre
londres  correspondante
E lle sâappelle MargaretKeenan, elle aura 91 ans lasemaine prochaine et elle
est la premiĂšre personne Ă avoir reçu une injection du vaccin PfizerÂBioNTech au RoyaumeÂUni,mardi 8 dĂ©cembre un peu avant 7 heures, Ă lâhĂŽpital universitaire de Coventry, dans le centre de lâAnÂgleterre. « Câest comme recevoir un cadeau dâanniversaire en avance »,aÂtÂelle dĂ©clarĂ©, selon la BBC.
Le RoyaumeÂUni est le premierpays au monde Ă avoir donnĂ© sonfeu vert au vaccin codĂ©veloppĂ© par la firme amĂ©ricaine et une startÂup allemande, et il est le preÂmier Ă lancer sa campagne vacciÂnale, mardi matin. A lâoccasion,les officiels britanniques onttenu Ă cĂ©lĂ©brer « le dĂ©but de la fin »de la pandĂ©mie, Ă en croire Stephen Powis, le directeur mĂ©diÂcal du NHS England (le service puÂblic de santĂ© anglais). Mais aussi un vrai « VÂDay », selon Matt HanÂcock, dans une rĂ©fĂ©rence au VEÂ
Day, qui commĂ©more la fin de laseconde guerre mondiale en EuÂrope, le 8 mai 1945 : le ministre dela santĂ© a multipliĂ© les dĂ©claraÂtions triomphales ces derniers jours, vantant lâ« avance » duRoyaumeÂUni, dont lâagence du mĂ©dicament, la MHRA, a donnĂ©son feu vert au vaccin Pfizer dĂšs le 2 dĂ©cembre.
Doses conservĂ©es Ă â 70 0CLes premiers cartons du vaccin PfizerÂBioNTech avaient quittĂ© lâusine de Puurs (Belgique), venÂdredi 4 dĂ©cembre, dans des semiÂremorques banalisĂ©s, puis ont emÂpruntĂ© discrĂštement le tunnel sous la Manche. Une fois sur le sol britannique, cette premiĂšre livraiÂson de 800 000 doses a Ă©tĂ© stockĂ©edans un entrepĂŽt secret, prĂ©cieuÂsement conservĂ©e Ă â 70 0C avant dâĂȘtre distribuĂ©e par lots de 975 doÂses dans environ soixanteÂdix hĂŽÂpitaux britanniques, sĂ©lectionnĂ©s pour organiser la premiĂšre camÂpagne vaccinale contre le coronaÂvirus du monde occidental.
Les premiĂšres injections sontadministrĂ©es Ă des personnes de plus de 80 ans, convoquĂ©es Ă lâhĂŽÂpital pour lâoccasion, ou dĂ©jĂ hosÂpitalisĂ©es et sur le point de quitterlâĂ©tablissement. Si un rendezÂvous nâest pas honorĂ©, câest un professionnel de santĂ© (personÂnel hospitalier ou de maison de retraite) qui recevra lâinjection. La chaĂźne ITV sâest attardĂ©e lundi7 dĂ©cembre sur le cas dâHari et de Ranjan Shukla, un couple dâoctoÂgĂ©naires rĂ©sidant Ă Newcastle (nord de lâAngleterre), se disant « trĂšs, trĂšs heureux » dâĂȘtre sur la liste pour le lendemain.
La campagne devrait commenÂcer modestement : 7 000 LondoÂniens pourraient ĂȘtre vaccinĂ©s cette semaine, selon le Evening Standard, dans sept hĂŽpitaux difÂfĂ©rents de la capitale. Deux injecÂtions Ă vingt et un jours dâinterÂvalle Ă©tant nĂ©cessaires pour que le vaccin soit efficace, 400 000 perÂsonnes au maximum seront conÂcernĂ©es pour tout le RoyaumeÂUni, en attendant la prochaine liÂ
vraison de Pfizer â le gouverneÂment espĂšre 4 millions de doses supplĂ©mentaires dâici Ă la fin 2020.
Etant donnĂ© que 6,7 millions deBritanniques sont considĂ©rĂ©s comme « trĂšs prioritaires » (les plus de 80 ans, les personnels des maisons de retraite et hospitaÂliers, les personnes avec des paÂthologies graves), « la majoritĂ© despersonnes Ă risque seront vacciÂnĂ©es entre janvier et fĂ©vrier proÂchain », a admis un porteÂparole de Downing Street lundi. « Cette campagne vaccinale est un maraÂthon, pas un sprint », a prĂ©venu Stephen Powis, du NHS. Les perÂsonnes inoculĂ©es recevront une « carte » vaccinale, sur laquelle seÂront inscrits, pour mĂ©moire, le nom du vaccin et la date dâinocuÂlation des deux doses. « Il ne sâagitabsolument pas dâun passeport », a prĂ©cisĂ© Downing Street lundi, coupant court aux spĂ©culations.
Les autoritĂ©s sont un peu inquiĂšÂtes que les Britanniques baissent lagarde, alors que le deuxiĂšme conÂfinement a Ă©tĂ© levĂ© le 2 dĂ©cembre
et que le nombre de nouvelles inÂfections au coronavirus a cessĂ© de refluer. Lundi, le nombre de nouÂveaux cas positifs sur sept jours (105 918) nâavait baissĂ© que de 0,6 %. Le gouvernement a aussi multipliĂ© les messages rassurants, conscient que le succĂšs de la camÂpagne dĂ©pendra de la confiance des Britanniques dans un vaccin gratuit et non obligatoire.
Agence « en platine massif »Le mouvement antivaccin restemarginal au RoyaumeÂUni (selonun sondage YouGov du 7 dĂ©cemÂbre, 68 % des personnes consiÂdĂšrent que le vaccin Pfizer est« sĂ»r »), mais des critiques interÂnationales sur la supposĂ©e prĂ©ciÂpitation de la MHRA Ă le valider ont fait le tour des mĂ©dias â noÂtamment celles du respectĂ© docÂteur Anthony Fauci, directeur de lâInstitut national des allergies etmaladies infectieuses amĂ©ricain,qui sâest excusĂ© depuis. « Notreagence du mĂ©dicament est enplatine massif ! », insistait Chris
Hopson, un des dirigeants duNHS, lundi sur la BBC.
Et si le Brexit faisait dĂ©railler lacampagne ? Londres nâĂ©tait touÂjours pas parvenu, lundi, Ă conÂclure un accord commercial « postÂdivorce » avec Bruxelles et les transporteurs routiers sâinÂquiĂštent de grosses perturbationsde trafic sur lâaxe vital CalaisÂDouÂvres Ă partir du 1er janvier 2021. Si câĂ©tait le cas, « le gouvernementbritannique acheminerait les vacÂcins par avion », a affirmĂ© VauÂghan Gething, le ministre de la santĂ© du Pays de Galles.
DerniĂšre interrogation : quandElizabeth II (94 ans) et le prince Philip (99 ans) recevrontÂils leur premiĂšre injection ? « Ils prenÂdront leur tour dans la file », a afÂfirmĂ© le Mail on Sunday, citant des « sources officielles ». Mais lâinÂformation devrait ĂȘtre rendue puÂblique dâune maniĂšre ou dâuneautre. Elle nâa rien dâanodin, Ă©tantdonnĂ© la considĂ©rable popularitĂ©de la reine.
cécile ducourtieux
Le seuil de 3 000 personnes
atteintes du Covid-19 en service
de réanimationsemble encore
atteignable
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 planĂšte | 9
Les contradictions du traitĂ© sur la charte de lâĂ©nergieCet accord international entrĂ© en vigueur en 1998 va Ă lâencontre des objectifs climatiques des VingtÂSept
bruxelles  bureau européen
Câ est un accord interÂnational dont peude gens, en dehorsdes spĂ©cialistes des
questions Ă©nergĂ©tiques, ont enÂtendu parler. EntrĂ© en vigueuren 1998, le traitĂ© sur la charte de lâĂ©nergie (TCE) â qui compteaujourdâhui 53 signataires, dont lâUnion europĂ©enne, mais aussitous ses pays membres (Ă lâexÂception de lâItalie), ainsi que le Japon, la Turquie, lâUkraine, laGĂ©orgie ou le Kazakhstan â constitue, en lâĂ©tat, un sĂ©rieuxfrein aux ambitions climatiquesdes VingtÂSept.
Depuis quelques mois, les ONGet les parlementaires europĂ©ens alertent sur son incomptabilitĂ© avec le « pacte vert » qui doit perÂmettre aux EuropĂ©ens dâatteinÂdre lâobjectif de neutralitĂ© carÂbone quâils se sont fixĂ© pour 2050. DerniĂšre initiative en date,mardi 8 dĂ©cembre, une lettre ouverte de personnalitĂ©s engaÂgĂ©es dans la lutte contre le chanÂgement climatique â parmi lesÂquelles la directrice de la FondaÂtion europĂ©enne pour le climat,Laurence Tubiana, les Ă©conomisÂtes Thomas Piketty, GaĂ«l Giraudet Tim Jackson, ou lâenvoyĂ©e spĂ©Âciale de la Banque mondiale pourle changement climatique, Rachel Kyte â qui demande aux signataires du TCE de sâen retirer.
A lâapproche du Conseil des 10et 11 dĂ©cembre, au cours duquel les chefs dâEtat et de gouverneÂment europĂ©ens vont tenter dese mettre dâaccord pour rĂ©duire dâau moins 55 % leurs Ă©missionsde CO2 dâici Ă 2030, la question est lĂ©gitime. Dâautant que lesnĂ©gociations en cours depuis novembre 2019 pour la « moderÂnisation » du TCE patinent.
ProtĂ©ger les investisseursAutres temps, autres mĆurs. Au dĂ©but des annĂ©es 1990, sur fond de guerre du Golfe et dâeffondreÂment de lâempire soviĂ©tique,lâEurope sâinquiĂšte pour son approvisionnement Ă©nergĂ©tique et imagine, afin de le sĂ©curiser,un grand accord internationalqui protĂ©gerait les investisÂseurs dans ce secteur, quâil sâagisse des Ă©nergies fossiles ou renouvelables.
Dans ce contexte, le TCE leurpermet de demander, devant untribunal arbitral, des dĂ©dommaÂgements Ă un Etat qui rĂ©orienteÂrait sa politique Ă©nergĂ©tique etaffecterait ainsi la rentabilitĂ© deleurs placements. A lâheure oĂč deplus en plus dâEtats veulent lutÂter contre le rĂ©chauffement cliÂmatique, le TCE, « câest lâassurancevie des Ă©nergies fossiles », jugelâeurodĂ©putĂ©e (Gauche unitaire europĂ©enne) Manon Aubry.
MĂȘme si on ne connaĂźt pas tousles contentieux â le TCE nâoblige
pas les Etats Ă les rendre publics â,on sait quâ« Ă ce jour, la confĂ©Ârence des Nations unies sur lecommerce et le dĂ©veloppement a recensĂ© 135 cas de litiges sous leTCE et que le montant des comÂpensations accordĂ©es sâĂ©lĂšve Ă 55 milliards dâeuros », dĂ©veloppelâexperte des politiques Ă©nergĂ©tiÂques et du TCE, Yamina Saheb.
Ainsi, le suĂ©dois Vattenfall sâestpourvu contre lâAllemagne, quand la chanceliĂšre AngelaMerkel a dĂ©cidĂ© de sortir du nuÂclĂ©aire en 2011. Quant Ă lâEspagne,elle cumule de nombreusesplaintes, aprĂšs avoir dĂ©cidĂ© en 2008 de ne plus soutenir le photovoltaĂŻque. On peut aussi ciÂter la Hongrie qui a Ă©tĂ© attaquĂ©epar le francoÂbelge Electrabelen 2007, aprĂšs avoir dĂ©cidĂ© debaisser le prix de lâĂ©lectricitĂ© pourles mĂ©nages les moins aisĂ©s.
Retour en 2020. Des nĂ©gociaÂtions se sont engagĂ©es entre les 53 signataires du TCE afin de le rĂ©former, alors que celuiÂci a perdu deux de ses membres, proÂbablement Ă©chaudĂ©s par des plaintes, lâItalie en 2015 et surÂtout la Russie en 2009, et quâil neparvient pas Ă attirer de nouÂveaux pays qui comptent sur la scĂšne Ă©nergĂ©tique. « Le dĂ©part dela Russie a portĂ© atteinte Ă laraison dâĂȘtre mĂȘme du TCE », commente Mathilde DuprĂ©, delâInstitut Veblen.
Officiellement, Moscou nâa pasexpliquĂ© les raisons de ce retrait,mais lâaffaire Ioukos nây est sansdoute pas Ă©trangĂšre, alors que la Russie â qui conteste ce jugeÂment â a Ă©tĂ© condamnĂ©e, en arbiÂtrage, Ă verser 50 milliards de dollars Ă cinq des anciens actionÂnaires du groupe pĂ©trolier, encompensation de lâexpropriationdont ils ont Ă©tĂ© victimes en 2003.
On le voit, le verdissement duTCE nâest pas au cĆur des discusÂsions sur son avenir, lesquelles par ailleurs se tiennent dans la plus grande opacitĂ©. La questionest plutĂŽt de lâadapter â revoir lesconditions des mĂ©canismes dâarÂbitrage, y intĂ©grer la biomasse oulâhydrogĂšne⊠â pour attirer denouveaux membres. MĂȘme laCommission europĂ©enne, qui apourtant fait du « pacte vert » lapierre angulaire de son action,reste timide sur le sujet, affirÂmant quâelle souhaite que le traitĂ© soit « alignĂ© avec lâaccord deParis » sur le climat, sans prĂ©ciserce que cela signifie. Or, comme le
souligne lâeurodĂ©putĂ©e (Verts)Saskia Bricmont, « le TCE prime sur tout autre accord internatioÂnal. Un tribunal ne peut pas invoÂquer lâaccord de Paris pour casserune plainte ».
ContradictionsDans ce contexte, le Parlement europĂ©en sâest saisi du sujet, pour le porter sur la place publiÂque et mettre la Commission face Ă ses contradictions. « QuelâUnion europĂ©enne continuedâaccorder sa protection Ă des inÂvestissements qui vont Ă lâenconÂtre de ses objectifs nâa pas desens », juge Pascal Canfin, le prĂ©Âsident (Renew Europe) de la comÂmission environnement de lâAsÂsemblĂ©e lĂ©gislative europĂ©enne.
Entre autres initiatives, le 7 ocÂtobre, les eurodĂ©putĂ©s ontadoptĂ© un amendement exiÂgeant que les investissementsdans les Ă©nergies fossiles cessentdâĂȘtre protĂ©gĂ©s par TCE. « Avec leCovidÂ19, des entreprises et des
cabinets dâavocats envisagent desrecours contre des mesures dâurÂgence, dans les pays oĂč il a pu yavoir des suspensions de factures dâĂ©lectricitĂ© », sâoffusque ManonAubry.
Trois rounds de nĂ©gociationspour rĂ©former le TCE (lâunaniÂmitĂ© est requise) ont eu lieu deÂpuis le dĂ©but de lâannĂ©e, le derÂnier dĂ©but novembre, sans que cela ait vĂ©ritablement permis dâavancer. Certains pays, commele Japon, sâopposent Ă tout chanÂgement. « Nous sommes coincĂ©sdans des textes qui datent des anÂnĂ©es 1990, qui nâintĂšgrent pas le risque climatique. Il faut cesser detergiverser et sortir du TCE », sâinÂsurge Saskia Bricmont. Pas sisimple en rĂ©alitĂ©. Car, quand bienmĂȘme un Etat se retirerait duTCE, il serait encore liĂ© par ses enÂgagements pendant vingt ans.
« Si les objectifs fondamentauxde lâUE, y compris lâalignementsur lâaccord de Paris, ne sont pas atteints dans un dĂ©lai raisonnaÂ
ble, la Commission peut envisagerde proposer (âŠ) le retrait du TCE »,a Ă©crit le commissaire europĂ©en au commerce, Valdis DombrovsÂkis, dans une lettre du 2 dĂ©cemÂbre, en rĂ©ponse Ă une questionĂ©crite de parlementaires.
La formulation est prudentemais câest la premiĂšre fois que lâexĂ©cutif europĂ©en Ă©voque la possibilitĂ© dâun retrait delâUnion, qui, sâil sâaccompagnaitde celui des vingtÂsix Etats memÂbres qui en font Ă©galement parÂ
La Commissioneuropéenne,
qui a pourtant faitdu « pacte vert »
la pierre angulairede son action, reste timide sur le sujet
ĂNERGIESArrĂȘt dâune centrale gĂ©othermique dans lâEstLa prĂ©fecture du BasÂRhina annoncĂ©, lundi 7 dĂ©cembre, lâ« arrĂȘt dĂ©finitif » dâun projet de centrale gĂ©othermiquedĂ©veloppĂ© par la sociĂ©tĂ© FonÂroche au nord de Strasbourg, aprĂšs une sĂ©rie de sĂ©ismes survenus depuis fin octobre. Le plus imporÂtant, de magnitude 3,5, a Ă©tĂ© enregistrĂ© vendredi 4 dĂ©cemÂbre. « Ce projet, implantĂ© dans une zone urbanisĂ©e, nâoffre plus les garanties de sĂ©curitĂ© indispensables et doit donc ĂȘtre stoppĂ© », a affirmĂ© la prĂ©fecture. Un comitĂ© dâexperts sera constiÂtuĂ© pour conseiller la prĂ©fecÂture, alors que dâautres projets sont Ă lâĂ©tude dans lâagglomĂ©ration. â (AFP.)
CLIMATEn 2020, le mois de novembre le plus chaud jamais enregistrĂ©Novembre 2020 a Ă©tĂ© le mois de novembre le plus chaud jaÂmais enregistrĂ© dans le monde, rapprochant encore un peu 2020 du record de 2016, explique le service euroÂpĂ©en Copernicus sur le chanÂgement climatique, dans son bilan mensuel, lundi 7 dĂ©cemÂbre. La pĂ©riode de douze mois allant de dĂ©cembre 2019 Ă noÂvembre 2020 se situe Ă 1,28 °C auÂdessus des tempĂ©ratures de lâĂšre prĂ©industrielle. Les tempĂ©ratures ont Ă©tĂ© particuÂliĂšrement Ă©levĂ©es en novemÂbre en SibĂ©rie, sur lâocĂ©an arcÂtique, une partie de lâEurope du Nord et des EtatsÂUnis, lâAmĂ©rique latine, lâouest de lâAntarctique. â (AFP.)
tie, signerait la fin du traitĂ©. RiennâempĂȘcherait ensuite les EuroÂpĂ©ens de se mettre dâaccord poursâabstraire de la clause des vingtans entre eux.
Pour lâheure, le mandat de nĂ©Âgociation de la Commission ne propose pas dâexclure du TCE laprotection de tous les investisseÂments en Ă©nergie fossile. Et pourcause : les Etats europĂ©ens sont divisĂ©s sur le sujet. La France, lâEspagne, le Luxembourg enviÂsagent sĂ©rieusement de sortir dutraitĂ© sur la charte de lâĂ©nergie sâil devait continuer Ă protĂ©gerles investissements fossiles, etauraient, selon une source bieninformĂ©e, « demandĂ© Ă la ComÂmission de prĂ©parer un plan desortie ». LâAutriche semble sur lamĂȘme ligne, quand dâautres, aupremier rang desquels la SuĂšde,suivie par la Finlande, la SlovĂ©nieou Malte, souhaitent quâune parÂtie des investissements dans le gaz continuent Ă ĂȘtre protĂ©gĂ©s.
virginie malingre
« Ce traitĂ©, câest lâassurance-vie des Ă©nergies
fossiles »MANON AUBRY
eurodéputée (Gauche unitaire européenne)
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10 | FRANCE MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
L A Ă C I T Ă
« SĂ©paratismes » : Macron toujoursen quĂȘte dâĂ©quilibre
Le premier ministre, Jean Castex, prĂ©sentera le projet de loi, mercredi, aprĂšs le conseil des ministres. Objectif : Ă©viter dâ« hystĂ©riser » le dĂ©bat et renforcer la « cohĂ©sion sociale »
C omme une malĂ©Âdiction. AprĂšs avoirmis prĂšs de troisans Ă mĂ»rir sonplan de lutte contreles sĂ©paratismes,
Emmanuel Macron a vu ses ambitions en la matiĂšre freinĂ©es par la crise due au coronavirus. Puis des divisions sont apparues Ă la rentrĂ©e au sein de son camp entre tenants dâune ligne laĂŻque dure et les autres. Le locataire delâElysĂ©e pensait avoir dĂ©passĂ© cesfractures en fixant un cadre, le2 octobre, dans son discours desMureaux (Yvelines), et comptaitsur un atterrissage en douceur dela loi « confortant les principes rĂ©publicains », qui est prĂ©sentĂ©een conseil des ministres mercredi 9 dĂ©cembre. Mais le climat est brĂ»lant.
En raison des attentats deConflansÂSainteÂHonorine (YveliÂnes) et de Nice ; en raison, Ă©galeÂment, des tensions provoquĂ©espar la proposition de loi « sĂ©cuÂ
ritĂ© globale ». Samedi 5 dĂ©cemÂbre, 95 personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘÂtĂ©es dans tout le pays lors de maÂnifestations contre ce texte, marÂquĂ©es par de violents incidents, qui ont fait 67 blessĂ©s parmi lesforces de lâordre.
« APPROCHE TRANSVERSALE »Le gouvernement avance donc avec un objectif en tĂȘte : apaiser. Un proche dâEmmanuel Macronvoit deux difficultĂ©s Ă surmonÂter : « Le contexte autour des vioÂlences policiĂšres et le ministre de lâintĂ©rieur. » Une maniĂšre franche de souligner que la ligne sĂ©curiÂtaire de GĂ©rald Darmanin « hystĂ©Ârise le dĂ©bat », selon lâexpression de lâeurodĂ©putĂ© macroniste Pascal Canfin. « Lâenjeu sur le textesĂ©paratisme, câest que ce ne soitpas juste une loi âdarmanienneâ,mais un sujet bien plus large », rĂ©sume un cadre de la majoritĂ©.
Câest la raison pour laquelle lelocataire de Beauvau a Ă©tĂ© dessaisi du dossier par MatiÂ
gnon. Le premier ministre, Jean Castex, prĂ©sentera le plan de lâexĂ©cutif lors dâune confĂ©rencede presse, mercredi, Ă lâissue du conseil des ministres, entourĂ© deplusieurs membres du gouverÂnement, parmi lesquels le minisÂtre de la justice, Eric DupondÂMoÂretti, celui de lâĂ©ducation natioÂnale, JeanÂMichel Blanquer, et⊠GĂ©rald Darmanin luiÂmĂȘme. « Lepremier ministre veut montrerune approche transversale », exÂplique un proche.
Selon nos informations, undĂźner de la majoritĂ© qui devait se tenir place Beauvau, lundi soir, amĂȘme Ă©tĂ© dĂ©localisĂ© Ă Matignon,sous lâĂ©gide de M. Castex. « Le porÂtage politique de la loi sĂ©paraÂtisme sera assurĂ© par le premierministre, qui sera en premiĂšre ligne », confirme une source au sein de lâexĂ©cutif. « Qui voulezÂvous qui prenne la main, autreque le premier ministre ? Personne. Ce nâest pas le texte de Darmanin, ni le texte de Blanquer,
câest le texte du gouvernement », abonde un proche du chef delâEtat, qui dĂ©crit un dĂźner de travail de la majoritĂ© « dĂ©tendu et constructif ». Un peu plus tĂŽt, lorsdâun bureau exĂ©cutif de La RĂ©puÂblique en marche (LRM), M. DarÂmanin, appuyĂ© notamment parles ministres JeanÂMichel BlanÂquer et Nadia Hai, ministre dĂ©lĂ©ÂguĂ©e chargĂ©e de la ville, sâest attaÂchĂ© Ă dĂ©fendre « une loi de libertĂ© et dâouverture ».
En face, le parti a surtout Ă©misdes propositions pour muscler la
jambe gauche du dossier : lutter contre les discriminations Ă lâemÂbauche, crĂ©er une « formation universelle Ă la laĂŻcitĂ© » pour les enseignants⊠La dĂ©putĂ©e Laetitia Avia (Paris) a mĂȘme proposĂ© que les agents publics, protĂ©gĂ©s Ă travers lâarticle 25 du projet de loi,soient en retour soumis Ă des sanctions plus sĂ©vĂšres sâils se rendaient coupables de dĂ©litsracistes. « Toutes les propositionsdu mouvement ont Ă©tĂ© reprises Ă leur compte par les ministres prĂ©sents », sâest fĂ©licitĂ© le dĂ©lĂ©guĂ©
UN PROCHE DE MACRON VOIT DEUX
DIFFICULTĂS Ă SURMONTER : « LE
CONTEXTE AUTOUR DES VIOLENCES
POLICIĂRES ET LE MINISTRE
DE LâINTĂRIEUR »
Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, à Bobigny, dans le cadre de la lutte contre les « séparatismes »,le 20 octobre. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
MalgrĂ© quelques rĂ©serves, le Conseil dâEtat donne son feu vertDans son avis rendu lundi, dont « Le Monde » a pris connaissance, la haute juridiction administrative approuve dans lâensemble le texte de loi
L e Conseil dâEtat a rendulundi 7 dĂ©cembre son avissur le projet de loi « conforÂ
tant les principes rĂ©publicains », qui doit ĂȘtre prĂ©sentĂ© mercredi en conseil des ministres. Dans cet avis de 58 pages dont Le Monde a pris connaissance, la haute juridicÂtion administrative approuve la volontĂ© du gouvernement, Ă la suite des discours dâEmmanuel Macron Ă lâoccasion du 150e anniÂversaire de la RĂ©publique, le 4 sepÂtembre, et aux Mureaux, le 2 octoÂbre, dâ« apporter une rĂ©ponse Ă des phĂ©nomĂšnes de repli communauÂtaire, de prosĂ©lytisme et dâaffirmaÂtions identitaires et fondamentalisÂtes, indiffĂ©rents ou hostiles aux principes qui fondent la RĂ©publiqueet aux valeurs qui les inspirent ».
Il constate que les mesures delâavantÂprojet, qui compte cinq tiÂtres et cinquanteÂsept articles, concernent pratiquement tous lesdroits et libertĂ©s publiques garanÂtis par la Constitution et les conÂventions europĂ©ennes. Sâil admet que certaines restrictions puisÂsent ĂȘtre apportĂ©es ponctuelleÂment, et dans une mesure limitĂ©e,Ă ces droits et libertĂ©s, le Conseil dit avoir « veillĂ© Ă ce que cellesÂci opĂšrent une conciliation qui ne soitpas dĂ©sĂ©quilibrĂ©e entre la prĂ©venÂtion des atteintes Ă lâordre public et le respect des droits et libertĂ©s reconnus par la Constitution », en sâassurant de « leur caractĂšre nĂ©Âcessaire, adaptĂ© et proportionnĂ© ».
Dans le climat politique et socialactuel, son avis Ă©tait particuliĂšreÂment attendu sur certaines de cesmesures. Il en va ainsi des disposiÂtions relatives Ă lâĂ©ducation et, en leur cĆur, Ă lâinstruction au sein de la famille. Le Conseil dâEtat propose, plutĂŽt que de supprimerla possibilitĂ© dâinstruction dans lafamille â reconnue depuis la loi Ferry du 28 mars 1882 â de retenir une rĂ©daction Ă©nonçant dans la loi les cas dans lesquels il sera posÂsible dây recourir. La liste quâil en dresse ne semble pas modifier substantiellement lâexistante.
Nombreuses obligations« Si la rĂ©forme prĂ©vue par le gouvernement ne paraĂźt pas renÂcontrer dâobstacle conventionnel, elle soulĂšve de dĂ©licates questions de conformitĂ© Ă la Constitution », Ă©critÂil. Il prend en compte la « rĂ©aÂlitĂ© trĂšs diverse » de cette pratiqueĂ©ducative : lâaugmentation rĂ©Â
cente du nombre dâenfants insÂtruits Ă domicile â passĂ© de 36 000 Ă 50 000 en trois ans â et les difficultĂ©s qui peuvent en rĂ©Âsulter ne sont pas de nature Ă justiÂfier, estimeÂtÂil, la suppression de cette libertĂ© octroyĂ©e aux parents.Ce choix dâinstruction serait souÂmis non plus Ă une simple dĂ©claÂration mais Ă une autorisation anÂnuelle de lâautoritĂ© acadĂ©mique.
Autre sujet sensible, aprĂšs letollĂ© suscitĂ© par lâarticle 24 de la proposition de loi « sĂ©curitĂ© gloÂbale », accusĂ© de porter atteinte Ă la libertĂ© de la presse, le dĂ©lit de« mise en danger par diffusiondâinformations relative Ă la vie priÂvĂ©e ». Il rĂ©prime « le fait de rĂ©vĂ©ler, diffuser ou transmettre, par quelÂque moyen que ce soit, des inforÂmations relatives Ă la vie privĂ©e,familiale ou professionnelle dâune personne permettant de lâidentiÂfier ou de la localiser, dans le but delâexposer, elle ou les membres de safamille, Ă un risque immĂ©diat dâatÂteinte Ă la vie ou Ă lâintĂ©gritĂ© physiÂque ou psychique, ou aux biens ».
Le Conseil observe que cettenouvelle infraction repose sur la rĂ©union dâĂ©lĂ©ments matĂ©riels etque le dĂ©lit ne pourra ĂȘtre caractĂ©ÂrisĂ© que sâils sont Ă©tablis « danstous ses Ă©lĂ©ments constitutifs ». EnconsĂ©quence, « il estime que lâinÂfraction ainsi dĂ©finie en des termessuffisamment clairs et prĂ©cis ne mĂ©connaĂźt pas le principe de lĂ©gaÂlitĂ© des dĂ©lits et des peines ».
Le chapitre le plus consistant, etpeutÂĂȘtre le plus dĂ©licat, de lâavantÂprojet de loi concerne lâexercice des cultes, avec lâimposition de nombreuses obligations. Il rapÂpelle que les libertĂ©s de religion et dâassociation, de conscience et de croyance sont particuliĂšrement protĂ©gĂ©es et constituent un prinÂcipe fondamental des lois de la RĂ©publique. « Le Conseil dâEtat observe que le projet de loi alourditles contraintes pesant sur les assoÂciations cultuelles et modifie lâĂ©quiÂlibre opĂ©rĂ© en 1905 par le lĂ©gislaÂteur entre le principe de la libertĂ© deconstitution de ces associations et leur nĂ©cessaire encadrement du fait quâelles bĂ©nĂ©ficient dâavantaÂges publics », noteÂtÂil. DĂšs lors, ilsâattache Ă vĂ©rifier si cellesÂci sont « justifiĂ©es et proportionnĂ©es ».
Il constate en outre que « le proÂjet conduit Ă imposer des contrainÂtes importantes Ă une majoritĂ©dâassociations cultuelles ou Ă objetmixte de toutes confessions dont les agissements, de mĂȘme que lecomportement des ministres du culte et des fidĂšles, sont dans leur grande majoritĂ© respectueux desrĂšgles communes » et sâinterrogesur la « capacitĂ© de la rĂ©forme Ă atteindre tous ses buts ».
Ainsi, concernant la modificaÂtion des rĂšgles statutaires des associations cultuelles, il consiÂdĂšre que « ces dispositions constiÂtuent une immixtion du lĂ©gislaÂteur » dans leur fonctionnement
mais quâelles obĂ©issent cepenÂdant à « un objectif dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©Âral qui est de protĂ©ger les associaÂtions contre dâĂ©ventuelles prises decontrĂŽle par une minoritĂ© ». Il nâĂ©met pas dâobjection sur lesnouvelles rĂšgles de contrĂŽle sur lefinancement des cultes et lâoriÂgine de leurs ressources.
« En mĂȘme temps »Mais, dispositionÂchoc, il suggĂšre ni plus ni moins que lâabrogation de lâarticle 35 de la loi du 9 dĂ©Âcembre 1905, concernant la sĂ©paÂration des Eglises et de lâEtat : ceÂluiÂci sanctionne un discours ou un Ă©crit dâun ministre du culte qui« contient une provocation directe Ă rĂ©sister Ă lâexĂ©cution des lois ou aux actes lĂ©gaux de lâautoritĂ© publique, ou sâil tend Ă soulever ou Ă armer une partie des citoyens contre les autres ». LâavantÂprojet de loi prĂ©voit dâalourdir les peinesquand ces provocations seraient commises dans un lieu de culte.
Ces faits, observe le Conseil, sontdĂ©jĂ lourdement sanctionnĂ©s par lâarticle 24 de la loi sur la libertĂ© de la presse. « Sâil est justifiĂ© que les miÂnistres du culte ne bĂ©nĂ©ficient plus (âŠ) dâun traitement plus favorable que les autres personnes ayant commis les mĂȘmes infractions, il est permis de se demander si, Ă lâinÂverse, le seul fait que lâinfraction soit commise dans un lieu de culte ou Ă ses abords justifie que son auteur, quel quâil soit, soit puni plus
sĂ©vĂšrement », note le Conseil, arriÂvant Ă la conclusion de lâabrogaÂtion dâun article de la sacroÂsainte loi de 1905. Enfin, le Conseil dâEtat soulĂšve de sĂ©rieuses rĂ©serves quant Ă la disposition introduite renforçant le contrĂŽle du prĂ©fet sur le respect du principe de neuÂtralitĂ© par les services publics loÂcaux, et notamment sur lâinstauÂration dâun dĂ©fĂ©rĂ© suspensif mis Ă disposition du reprĂ©sentant de lâEtat. Il considĂšre que le texte, en lâĂ©tat, « modifie de façon excessive lâĂ©quilibre du contrĂŽle administraÂtif et du reste des lois par les collectiÂvitĂ©s territoriales ». Cet article avait suscitĂ© de vives rĂ©criminations de la part des associations dâĂ©lus.
Dans lâensemble, malgrĂ© quelÂques rĂ©serves qui ne sont pas de pure forme et des propositions derĂ©Ă©criture dont le gouvernementpourra, ou non, tenir compte,lâavis du Conseil dâEtat, dans un « en mĂȘme temps » savammentĂ©quilibrĂ©, donne quitus au gouÂvernement de vouloir « conforterle respect par tous des principes dela RĂ©publique », comme il lui conÂseille de modifier le titre du projetde loi. Il lui recommande en outre« que lâexposĂ© des motifs du projet de loi explicite davantage lâinspiÂration politique dâensemble qui lesousÂtend ». Une sorte de discoursde la mĂ©thode avant lâĂ©preuve parlementaire.
mattea battagliaet patrick roger
LE CONSEIL DâĂTAT SUGGĂRE NI PLUS
NI MOINS QUE LâABROGATION
DE LâARTICLE 35 DE LA LOI DU
9 DĂCEMBRE 1905
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des mois que le texte « sĂ©paÂratismes » se prĂ©pare, et pourÂtant, Ă La RĂ©publique en marÂche (LRM), une certaine nervoÂsitĂ© est de mise Ă la veille de saprĂ©sentation. Pour le mouveÂment prĂ©sidentiel, nĂ© sur despromesses de libĂ©ration plutĂŽtque de sĂ©curitĂ©, câest toute uneidentitĂ© qui se joue dans ce dosÂsier. Aussi, LRM a sondĂ© Ă tour de bras, ses adhĂ©rents puis ses Ă©lecteurs, afin de trouver le faÂmeux « Ă©quilibre » du macroÂnisme, sa « ligne de crĂȘte », seÂlon une expression rebattueces tempsÂci. RĂ©sultat, parmiles quelque 7 000 adhĂ©rents dumouvement ayant rĂ©pondu Ă une consultation lancĂ©e en liÂgne, prĂšs des trois quarts sâacÂcordent Ă dire que la lutte conÂtre les sĂ©paratismes est un sujetde premiĂšre importance, etdeux tiers jugent adaptĂ©es les
mesures avancĂ©es par le chef delâEtat dans son discours desMureaux. Soit un large soutien.
Plus Ă gauche quâĂ droiteCâest du cĂŽtĂ© des sympathisantsde la majoritĂ© et de LRM que lâĂ©quation se complique : sâilsadmettent lâimportance du suÂjet de lâislam radical, ils sont loin de privilĂ©gier le levier rĂ©Âpressif, qui est pourtant le prinÂcipal activĂ© dans le projet de loi« confortant les principes rĂ©puÂblicains ». Selon un sondage ViaÂvoice commandĂ© par le mouveÂment, rĂ©alisĂ© en ligne en noÂvembre auprĂšs dâun millier de personnes, les sympathisantsLRM sont dâabord peu friands dâune des solutions prĂŽnĂ©es Ă droite du spectre politique : lier islamisme et immigration.
Pour « lutter contre lâislaÂmisme et promouvoir les vaÂ
leurs de la RĂ©publique », lâexpulÂsion des Ă©trangers en situationirrĂ©guliĂšre est plĂ©biscitĂ©e par 38 % des sympathisants LRM,mais une solution consistant à « ralentir lâimmigration » nâa lesfaveurs que de 27 % dâentre eux.A titre de comparaison, lessympathisants de gauche sont 24 % Ă plĂ©bisciter ces deux meÂsures, ceux de droite respectiÂvement 60 % et 52 %, ceux duRassemblement national 79 %et 72 %. MĂȘme si les rĂ©sultatsdoivent ĂȘtre relativisĂ©s danslâabsolu au vu de la taille delâĂ©chantillon, les sympathiÂsants LRM semblent pencherplus Ă gauche quâĂ droite sur ces questions.
Dâailleurs, ils privilĂ©gient lerenforcement de « lâĂ©ducation Ă la laĂŻcitĂ© et aux libertĂ©s rĂ©publiÂcaines Ă lâĂ©cole » (42 %, Ă quasiÂĂ©galitĂ© avec les sondĂ©s de
gauche), un sujet qui nâest pasabordĂ© dans le projet de loi. Par contraste, lâidĂ©e de rendreobligatoire lâĂ©cole dĂšs 3 ans nâest citĂ©e comme solution quepar 14 % des sympathisantsLRM. Lâinterdiction des imams dĂ©tachĂ©s afin que ces dernierssoient formĂ©s en France estquant Ă elle plĂ©biscitĂ©e par 46 %des sympathisants du mouveÂment prĂ©sidentiel. Le mouveÂment a Ă©galement Ă©prouvĂ© auprĂšs des sondĂ©s un concept cher au macronisme commecorollaire de son tournantrĂ©galien : lâĂ©galitĂ© des chances. Les rĂ©ponses ont de quoi interÂroger les cadres de la majoritĂ© :parmi les sondĂ©s, seulement10 % estiment quâelle sâest amĂ©ÂliorĂ©e ces derniĂšres annĂ©es, 21 % parmi les soutiens duprĂ©sident.
j. ca.
Face Ă lâislamisme, les partisans de LRM sur une ligne de crĂȘte
gĂ©nĂ©ral de LRM, Stanislas Guerini. M. Darmanin luiÂmĂȘmesâest montrĂ© « trĂšs Ă lâaise » avec les enjeux de formation et de mentorat, assure le porteÂparole du parti, Roland Lescure, quiprĂ©vient que nombre des propoÂsitions feront lâobjet dâun dĂ©bat au Parlement.
« PAS DE MALENTENDU »Sur le fond, plusieurs points ont Ă©tĂ© tranchĂ©s ces derniers jours par lâexĂ©cutif. Le controversĂ©article 24 de la loi « sĂ©curitĂ© globale », qui sanctionne la diffuÂsion dâimages des forces de lâorÂdre, ne sera pas refondu danslâarticle 25 du texte sur le sĂ©paraÂtisme, aux finalitĂ©s voisines. Autre point sensible : lâinterdicÂtion de lâinstruction Ă domiciledĂšs 3 ans, hors raisons de santĂ©. Face Ă la fronde de certainsparents, et aux risques de censure du Conseil constitutionÂnel, les exceptions seront finaleÂment plus larges.
Depuis plusieurs jours, lâexĂ©cuÂtif sâemploie par ailleurs Ă retrouÂver la position dâĂ©quilibre quâEmÂmanuel Macron jugeait avoir atteinte lors de son discours desMureaux, entre un volet rĂ©pressif et un social. Ce dernier aspect a Ă©tĂ© gommĂ© depuis deux mois au profit du discours sĂ©curitaire.« Entre les Mureaux et aujourdâhui,il y a eu Samuel Paty et Nice. Vous ne rĂ©agissez pas Ă lâassassinat deSamuel Paty en disant que le sujet Ă traiter, câest lâĂ©galitĂ© des chanÂces⊠», justifie un ministre. Mais, aprĂšs avoir pointĂ© du doigt le « sĂ©Âparatisme islamiste » et promis aux terroristes que « la peur va changer de camp », le chef de lâEtatne veut plus prĂȘter le flanc aux procĂšs en « illibĂ©ralisme » ou en« dĂ©rives liberticides ».
LâElysĂ©e vante donc aujourdâhui« lâĂ©quilibre » de ce projet de loi enÂtre ses « deux piliers, le rĂ©pressif et la cohĂ©sion sociale ». Dans son avis sur le projet de loi, que LeMonde a pu consulter, le Conseil dâEtat souligne toutefois que « les mesures concernant lâordre public â de police administrative, pĂ©nalesou financiĂšres â constituent » lacatĂ©gorie de mesures « la plusabondante » du texte.
« Il ne faut pas de malentendusur lâaction que lâon mĂšne, qui nâesten aucun cas contre une religion. Il
nây a rien dâislamophobe dansnotre action », dĂ©fendÂon Ă lâElyÂsĂ©e, oĂč lâon insiste par ailleurs surles mesures sociales mises en place depuis 2017 dans les « bas dâimmeubles » : « Ce projet de loi ne rĂ©sume pas toute la stratĂ©gie delutte contre le sĂ©paratisme. »
Lors de son entretien Ă Brut,vendredi, le chef de lâEtat a ainsireconnu que le « ressentiment Ă©conomique et social » peut alimenter la dĂ©fiance envers la RĂ©publique et permet dâ« expliÂquer » la mĂ©canique du terroÂrisme : « Le mal est en nous. Ce nâest pas vrai de dire quâon le chasÂsera par un coup de baguette, une action unique ou extrĂȘmementmusclĂ©e, aÂtÂil soulignĂ©. CetteidĂ©ologie [islamiste] prospĂšre sur nos Ă©checs, (âŠ) lâĂ©chec de lâintĂ©graÂtion Ă la française. »
CAMĂRAS-PIĂTONSDes propos similaires Ă ceux quâiltenait en tant que ministre de lâĂ©conomie, en 2015, Ă propos delâexistence dâun « terreau » au terÂrorisme. « Il ne faut pas laisser la sĂ©curitĂ© Ă la droite et lâimmigraÂtion Ă lâextrĂȘme droite, mais nous devons montrer aussi notre attaÂchement Ă la justice et Ă lalibertĂ© », plaide un ministre.
La lutte contre les discriminaÂtions refait donc surface. « Aujourdâhui, quand on a une couleur de peau qui nâest pas blanÂche, on est beaucoup plus contrĂŽlĂ©[par la police], a affirmĂ© M. MaÂcron, vendredi. On est identifiĂ© comme un facteur de problĂšme etcâest insoutenable. » Le chef de lâEtat a promis de lancer une plateÂforme nationale de signaleÂment des discriminations, ainsique de gĂ©nĂ©raliser les camĂ©rasÂpiĂ©tons lors des contrĂŽles, voire dây imposer la prĂ©sence de « ciÂtoyens tĂ©moins ».
OutrĂ©s dâĂȘtre accusĂ©s de pratiÂquer des contrĂŽles au faciĂšs, lesdeux principaux syndicats de gardiens de la paix, Alliance et UnitĂ© SGP, ont appelĂ© samedi Ă cesser les contrĂŽles dâidentitĂ©. Le dĂ©putĂ© Eric Ciotti (Les RĂ©publiÂcains) sâest engouffrĂ© dans la brĂšche, pour dĂ©noncer « une faute » dâEmmanuel Macron.LâĂ©quilibre est dĂ©cidĂ©ment un combat de tous les instants.
julie carriat, olivier fayeet alexandre lemarié
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Anne Hidalgo, la candidate dĂ©sirĂ©e des socialistesLe Parti socialiste observe avec de plus en plus dâintĂ©rĂȘt les ambitions prĂ©sidentielles de la maire de Paris
S e prĂ©parer Ă bas bruit.Anne Hidalgo distille sessouhaits pour 2022 deÂpuis quelques semaines
et semble de plus en plus prĂȘte Ă se lancer. Une allusion dans Le Point en septembre, une sĂ©rie dâapparitions dans les mĂ©dias depuis la rentrĂ©e et une interviewdans LibĂ©ration le 26 novembre, oĂč elle lĂąche un « je prendrai ma part » Ă propos de lâĂ©chĂ©ance prĂ©sidentielle⊠Son ambition sefait de plus en plus visible, au point que les socialistes regarÂdent cette Ă©ventualitĂ© avec unegourmandise grandissante. Si lâĂ©lue socialiste nâa pas encore pris la dĂ©cision de se lancer dans la bataille de 2022, ses proches ont commencĂ© Ă dĂ©rouler unplan de bataille.
Officiellement, Anne Hidalgonâavait guĂšre en tĂȘte de concurÂrencer Emmanuel Macron et Marine Le Pen, lorsque sâachĂšve lacampagne municipale en juin. La maire sortante, quâon disait en « mode survie » en 2019, sans aucune chance de se faire rĂ©Ă©lire aprĂšs les multiples couacs dans samajoritĂ© et les dĂ©convenuesautour des pistes cyclables sur les berges de la Seine, a depuis balayĂ©La RĂ©publique en marche (LRM)et rĂ©duit les Ă©cologistes auxseconds rĂŽles dans la capitale. Sa rĂ©Ă©lection haut la main a Ă©tĂ© undĂ©clic, raconte son entourage.
La premiĂšre dame parisienneaurait peu Ă peu pris conscience que son image avait changĂ© Ă la suite du premier confinement et des critiques quâelle a portĂ©escontre la gestion sanitaire dugouvernement. « AprĂšs le bashing quâelle a subi et la pĂ©riode oĂč on la disait au fond du seau, sa rĂ©Ă©lecÂtion a eu un effet libĂ©rateur. On estaujourdâhui dans un contexte favorable oĂč elle a envie dâouvrir toutes les possibilitĂ©s », constatePatrick Bloche, adjoint chargĂ© delâĂ©ducation.
« Anne est plus connue »Le lancement avec Eric Piolle, maire (EELV) de Grenoble, dâun rĂ©seau dâĂ©diles prĂȘts Ă accĂ©lĂ©rer latransition Ă©cologique de leurville, Ă Tours, le 21 juillet, avait dessinĂ© sa premiĂšre vraie tentaÂtive dâincursion sur lâĂ©chiquier politique national. La socialiste
avait installĂ© avec sa rĂ©Ă©lectionson image dâĂ©lue Ă©cologiste ; avec cette initiative, elle revendiquaitla mĂȘme crĂ©dibilitĂ© que tout autreĂ©lu vert. La maire de Paris sâest depuis persuadĂ©e quâelle avait un rĂŽle national Ă jouer, notamment Ă gauche. « Anne a envie de sâimpliÂquer. Beaucoup lui disent quâelleest attendue : ça lâinterpelle et elle se dit âpourquoi pasâ ? », continue Patrick Bloche.
Le spectacle des vaines discusÂsions sur une candidature comÂmune entre Parti socialiste (PS) et Europe EcologieÂLes Verts (EELV) cet Ă©tĂ©, suivi du lancement de la primaire des Ă©cologistes, a fait atÂterrir les socialistes, qui ont comÂmencĂ© Ă regarder dâun autre Ćil leur camarade parisienne. « Pouroccuper lâespace entre Macron et MĂ©lenchon, seules deux candidatuÂres peuvent rassembler sur un soclesocial et Ă©cologiste et rallier une partie des Ă©lecteurs de Macron : elleet [Yannick] Jadot, mais Anne est plus connue », remarque ainsi François Lamy, ancien ministre socialiste de la ville. « Les tĂ©nors duPS reconnaissent lâanimal politiquequi a pulvĂ©risĂ© lâappareil LRM sans bouger de sa ligne », sâamuse un connaisseur du premier cercle.
Depuis quelques semaines, lasexagĂ©naire, longtemps regardĂ©ede haut par ses camarades, appaÂraĂźt comme un recours possible. « Elle sait quâon est tous Ă regarder et Ă©couter ce quâelle peut dire etfaire », note StĂ©phane Troussel, prĂ©sident (PS) de la SeineÂSaintÂDenis. « Tout le monde a compris quâelle est une voix importante etque, si elle se dĂ©cidait, les militants la suivraient », assure aussi Luc
Carvounas, maire dâAlfortville (ValÂdeÂMarne). MĂȘme le prudent Olivier Faure semble sâĂȘtre dĂ©cidĂ©.« Anne est celle que je trouve la plus proche de ce que je dĂ©fends depuis des mois, et elle partage mafeuille de route pour une candidaÂture commune Ă gauche », expliÂque le premier secrĂ©taire du PS.
Plan de batailleLes pressions amicales ont donc commencĂ© Ă sâaccentuer ces derniĂšres semaines. Lâentretien Ă LibĂ©ration a Ă©tĂ© un signal pournombre dâĂ©lus. « Tout le monde lâa pris comme une entrĂ©e en campaÂgne », constate un cadre du siĂšge,Ă IvryÂsurÂSeine (ValÂdeÂMarne). Sa passe dâarmes avec les Ă©coloÂgistes parisiens sur la laĂŻcitĂ© ne serait pas fortuite. « Anne a fait le pari que, dans sa stratĂ©gie, LesVerts vont ĂȘtre gĂȘnants car elle estime que ce sont des partenaires peu stables. Les amoindrir, saper un peu leurs prĂ©tentions, ne peut
lui nuire car elle pense que lâĂ©coloÂgie, au regard des Ă©lecteurs, câest autant elle quâEELV », relate un Ă©lusocialiste parisien. Surtout, se dĂ©marquer sur les questions rĂ©Âpublicaines, sensibles dans lâĂ©lecÂtorat de gauche, peut sâavĂ©rerpayant dans un moment de trouÂble liĂ© aux attentats et aux interÂrogations sur le vivreÂensemble.
Un positionnement en totaleadĂ©quation avec la ligne du PS, quitente depuis un an de montrer sa singularitĂ© Ă gauche en appuyant sur les valeurs rĂ©publicaines et laĂŻques. « Je pense que les questionsrĂ©galiennes ou sur la laĂŻcitĂ© ne sontpas dans la matrice des Ă©cologisÂtes, qui ont plutĂŽt une culture miÂnoritaire et libertaire. Ils nous ont demandĂ© de clarifier nos positions sur le productivisme, nous faisons de mĂȘme », assume M. Faure, reprenant mot pour mot lâarguÂmentaire de Mme Hidalgo.
Si Anne Hidalgo hésite encore,ses troupes au cabinet de la Ville
de Paris ont prĂ©parĂ© un plan de bataille. Le dernier trimestre 2020est rĂ©servĂ© Ă la « rĂ©flexion » : mesuÂrer lâĂ©cho des propos et intervenÂtions de la maire de Paris ; obserÂver les courbes de popularitĂ© Ă gauche dans les sondages et les retours des Ă©lus ; sentir le terrainâŠÂ« Rien nâest anodin ni laissĂ© auhasard », raconte un membre deson cabinet. Les prochains mois,qui seront encore accaparĂ©s par lagestion de la crise sanitaire dansla capitale, devraient la voir Ă nouveau intervenir sur des thĂ©matiques nationales comme la transition Ă©cologique, lajeunesse sacrifiĂ©e, les libertĂ©spubliques, etc. « On va voir si cela rencontre un Ă©cho », rĂ©sume encore un de ses proches. Les sonÂdages resteront le juge de paix.
Pour lâheure, les proÂHidalgo obÂservent la popularitĂ© naissante de leur championne dans les Ă©tudes dâopinion, comme celle de lâIFOP, publiĂ©e le 29 novembre dans Le
Journal du dimanche, oĂč Mme HiÂdalgo est en deuxiĂšme position comme la personnalitĂ© qui « seraitune bonne candidate » pour les Ă©lecteurs de gauche. Du cĂŽtĂ© des Ă©cologistes, on tente de se dĂ©marquer sĂ©rieusement. « HiÂdalgo a cherchĂ© Ă disqualifier les Ă©cologistes. Ce nâest pas possible de travailler avec quelquâun dont le projet est de nous anĂ©antir », prĂ©Âvient David Cormand, dĂ©putĂ© europĂ©en. Encore moins de la ralÂlier. JeanÂLuc MĂ©lenchon a Ă©tĂ© plusradical : « Enfin quelquâun au PS. Quelquâun qui assume lâambiguĂŻtĂ© avec lâautoritarisme macronien et les connivences avec le monde des affaires », aÂtÂil assĂ©nĂ© dans un Tweet, assorti dâune photo metÂtant en scĂšne Anne Hidalgo cĂŽte Ă cĂŽte avec Eric Zemmour et Marine Le Pen. Une rĂ©action de « fĂ©brilitĂ© etdâinquiĂ©tude », a rĂ©agi le cabinet de la maire de Paris Ă lâintention du candidat « insoumis » pour 2022.
sylvia zappi
LâEtat refuse les hausses de taxe demandĂ©es par la Mairie de ParisFace Ă lâaugmentation des dĂ©penses liĂ©es Ă la crise sanitaire, la capitale se prĂ©pare Ă emprunter massivement et Ă alourdir sa dette
Lâ Ă©pisode ne va pas amĂ©lioÂrer les relations dĂ©jĂ dĂ©gradĂ©es entre Anne HiÂ
dalgo et Emmanuel Macron. DeÂpuis plusieurs mois, la maire de Paris rĂ©clamait que lâEtat lâautoÂrise Ă relever plusieurs taxes, afin de boucler plus facilement un budget rendu trĂšs compliquĂ© par lâĂ©pidĂ©mie de CovidÂ19. MalgrĂ© de multiples courriers, des rendezÂvous, des messages passĂ©s par diÂvers Ă©lus, elle nâa pas obtenu gain de cause. « A ce jour, les proposiÂtions portĂ©es par les associationsdâĂ©lus et la Ville nâont quasiment pas Ă©tĂ© entendues par le gouverneÂment », dĂ©ploreÂtÂon Ă lâHĂŽtel de ville. En pleine tentative de relance Ă©conomique, lâElysĂ©e et Matignon ne veulent visiblementpas accroĂźtre la pression fiscale. « Je reste raisonnablement optiÂmiste pour la suite du dĂ©bat parleÂmentaire », nuance le premier adÂjoint, Emmanuel GrĂ©goire.
En relevant les frais de notaire, lataxe dâhabitation sur les rĂ©sidenÂces secondaires et la taxe de sĂ©jour sur les locations Airbnb, la municipalitĂ© imaginait rĂ©cupĂ©rer 126 millions dâeuros en 2021. Dansle cadre du projet de loi de finanÂces, le gouvernement a bien
donnĂ© son feu vert Ă un amendeÂment visant Ă alourdir un peu la taxe sur les locations touristiques.Mais « il ne permet quâune recette supplĂ©mentaire estimĂ©e Ă 2,5 milÂlions dâeuros », et encore, « Ă compÂter de 2022 », note la Mairie dans leprojet de budget pour 2021, qui sera soumis au vote du Conseil deParis, lors de sa prochaine rĂ©union, du 15 au 17 dĂ©cembre.
« Câest effrayant ! »Pour les autres demandes dâAnne Hidalgo, câest non, Ă ce stade du dĂ©bat parlementaire. Une bonne nouvelle pour les acquĂ©reurs de logements, les propriĂ©taires derĂ©sidences secondaires et lestouristes, les trois catĂ©gories qui auraient Ă©tĂ© mises Ă contribution.Une plus rude pour la majoritĂ© degauche Ă la tĂȘte de la capitale, qui ne peut pas compter sur lesurcroĂźt de recettes envisagĂ©.
Faute du geste espĂ©rĂ© du gouverÂnement, Anne Hidalgo se retrouveconfrontĂ©e Ă la contrainte budgĂ©Âtaire du moment dans toute sa rigueur. Alors que les recettes diÂminuent du fait de lâĂ©pidĂ©mie, les dĂ©penses tendent au contraire Ă sâaccroĂźtre, notamment parce que la maire socialiste souhaite invesÂ
tir pour « faire face, collectivement, aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire ».
Le rĂ©sultat de ce dĂ©sĂ©quilibre estprĂ©visible. La ville se prĂ©pare Ă emprunter assez massivement. En un an, la dette devrait bondir de15 %, pour approcher 7,1 milliards dâeuros fin 2021. La durĂ©e thĂ©oriÂque de dĂ©sendettement passerait ainsi, dâun coup, de neuf Ă dixÂhuitannĂ©es. « Le problĂšme, câest que, cesderniĂšres annĂ©es, Mme Hidalgo avait dĂ©jĂ beaucoup accru la dette, et utilisĂ© quelques ruses pour rĂ©cuÂpĂ©rer des fonds, comme les loyers capitalisĂ©s obtenus des bailleurs sociaux, dĂ©nonce MarieÂClaire CarrĂšreÂGĂ©e, conseillĂšre (Les RĂ©publicains) de Paris. Si bien que la Ville nâa plus de marges de manĆuvre au moment oĂč il faut agir face Ă la crise. Câest effrayant ! »
En 2020, lâĂ©pidĂ©mie de CovidÂ19aura dĂ©jĂ coĂ»tĂ© environ 800 milÂlions dâeuros Ă la Mairie. Certainesrecettes ont diminuĂ©, comme la taxe de sĂ©jour acquittĂ©e par les touristes, ou les frais de notaire, amoindris par la baisse des tranÂsactions immobiliĂšres. A lâinverse,le Covid a obligĂ© la Ville Ă acheter des masques, Ă crĂ©er des pistes cyclables « spĂ©cial corona », Ă souÂtenir les entreprises en difficultĂ©.
Les effets financiers de la crisesanitaire « se prolongeront en 2021 », anticipe la Mairie. CĂŽtĂ© recettes, la baisse devrait se limiÂter Ă 0,9 %. Un reflux sans doutesousÂestimĂ©, selon lâopposition. Lâimmobilier risque de rester assez atone. Les touristes ne reviendront sans doute pas en masse. Quant aux bars et restauÂrants, ils demeureront exonĂ©rĂ©sde droits de terrasse au moins jusÂquâen juin 2021. Cependant, faute de pouvoir relever les taxes plaÂfonnĂ©es par la loi, lâĂ©quipe dâAnne Hidalgo compte au moins gagner 45 millions dâeuros en faisant dĂ©Âsormais payer le stationnement public des scooters et des motos. Elle a aussi prĂ©vu de vendre des acÂtifs fonciers, notamment porte deSaintÂOuen et porte de Montreuil.
CĂŽtĂ© dĂ©penses, une hausse de1,9 % est attendue, pour atteindre 9,9 milliards dâeuros. Le mouveÂment tient en partie Ă la crise sanitaire et dorĂ©navant Ă©conomiÂque. La Ville sâattend ainsi Ă deÂvoir consacrer 7 % de plus aux alÂlocataires du revenu de solidaritĂ© active (RSA), de plus en plus nomÂbreux. Mais la politique volontaÂriste des nouveaux Ă©lus se traduitaussi par des dĂ©penses supplĂ©Âmentaires, par exemple pour muscler la police municipale en voie de crĂ©ation ou pour vĂ©gĂ©taliÂser lâespace public. Au total, le budget prĂ©voit la crĂ©ation nette de 164 postes, et une nouvelle progression de 1 % de la masse saÂlariale. Dâautant que la ville « enÂtend prendre des mesures fortes enfaveur de ses agents », en accorÂdant davantage de promotions.
« Dette sociale »Compte tenu des difficultĂ©sfinanciĂšres, lâopposition deÂmande que lâensemble des dĂ©penÂses de fonctionnement soit passĂ© au crible, pour faire le tri. « On ne rĂ©clame pas des mesures dâaustĂ©ÂritĂ©, simplement que Paris soit gĂ©rĂ©sainement », explique Mme CarrĂšÂreÂGĂ©e. La droite prend en exemÂ
ple le budget de la rĂ©gion IleÂdeÂFrance, oĂč lâarrivĂ©e de ValĂ©rie PĂ©Âcresse, en 2015, a Ă©tĂ© lâoccasion de tailler dans les frais de structure, pour consacrer davantage dâarÂgent aux investissements.
LâĂ©quipe dâAnne Hidalgo nâestclairement pas dans cet Ă©tat dâesÂprit. Aucun plan dâĂ©conomiesnâest en vue. MalgrĂ© son Ă©chec au sujet des taxes, lâĂ©dile socialistemet plutĂŽt la pression sur le gouvernement. A ses yeux, lâEtatnâa cessĂ©, ces derniĂšres annĂ©es, detransfĂ©rer Ă la Ville des compĂ©tenÂces, comme le versement du RSA, sans fournir les financements adĂ©quats. « En dix ans, de 2012 Ă 2021, le montant des dotations versĂ©es par lâEtat a diminuĂ© de prĂšsde 60 % », critiquent les socialisÂtes. LâEtat a ainsi accumulĂ© une« dette sociale » de 882 millions dâeuros Ă lâĂ©gard de la capitale, calculentÂils. Son rembourseÂment viendrait aujourdâhui Ă point nommĂ©, pour renflouer les caisses. Mais, Ă un an et demi de lâĂ©lection prĂ©sidentielle, il paraĂźt peu probable quâEmmanuel MaÂcron souhaite faire un tel cadeau Ă une maire qui envisage de plus enplus de se prĂ©senter contre lui.
denis cosnard
En un an, la dettedevrait bondir
de 15 %, pour approcher 7,1 milliards
dâeuros fin 2021
Anne Hidalgo, Ă Paris, le 13 novembre. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/POOL/AFP
« Tout le monde a compris quâelle
est une voix importante
et que, si elle se décidait,
les militants la suivraient »
LUC CARVOUNASmaire socialiste dâAlfortville
(Val-de-Marne)
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 france | 13
LâexĂ©cutif lance un « Beauvaude la sĂ©curitĂ© »La consultation se tiendra avec des reprĂ©sentants des forces de lâordre, des Ă©lus et des citoyens
Câ est Ă la fois lâaboutisÂsement dâune sĂ©Âquence politique dĂ©ÂlĂ©tĂšre et la maturaÂ
tion plus longue dâune crise strucÂturelle et profonde que traverse la police nationale. Emmanuel MaÂcron a annoncĂ©, dans une lettre mardi 8 dĂ©cembre, la tenue Ă parÂtir de janvier dâun « Beauvau de la sĂ©curitĂ© », sur le modĂšle des GreÂnelle, destinĂ© à « amĂ©liorer lesconditions dâexercice » et « Ă accĂ©ÂlĂ©rer la transformation engagĂ©e » sur fond de multiplication des afÂfaires de violences policiĂšres et demanifestations houleuses contre la proposition de loi « sĂ©curitĂ© gloÂbale », qui restreint la possibilitĂ©de filmer les forces de lâordre.
Le courrier, rĂ©vĂ©lĂ© par lâAFP etque Le Monde a consultĂ©, sâadresseĂ Yves Lefebvre, lâancien patron dusyndicat UnitĂ© SGP PoliceÂFO, principale organisation du minisÂtĂšre de lâintĂ©rieur, qui avait luiÂmĂȘme pris la plume lundi pour faire part du malaise et de la colĂšrede lâinstitution au prĂ©sident. « LesĂ©vĂ©nements rĂ©cents, lâĂ©motion quâavec les Français vous avez parÂtagĂ©e, les alertes des diffĂ©rentes orÂganisations de dĂ©fense des droits, ont rendu cette transformation enÂcore plus nĂ©cessaire, Ă©crit EmmaÂnuel Macron. Il y a urgence Ă agir. A la fois pour consolider le lien de confiance entre les Français et lesforces de lâordre. Mais aussi pour donner aux policiers et aux genÂdarmes des moyens Ă la hauteur deleur engagement et des attentes de nos concitoyens. »
Le chef de lâEtat assure quâil interÂviendra « personnellement » dans ces dĂ©bats Ă fort potentiel explosif.La question des violences policiĂšÂres, longtemps balayĂ©e par lâexĂ©cuÂtif, ressemble de plus en plus Ă un boulet pour la majoritĂ©. EmmaÂnuel Macron avait assumĂ© luiÂmĂȘme ces deux mots, honnis au sein de lâinstitution, lors dâune interview accordĂ©e au mĂ©dia en ligne Brut, vendredi 4 dĂ©cembre, aprĂšs avoir refusĂ© de les prononÂcer pendant trois ans. Il a Ă©galeÂment admis lâexistence des contrĂŽles au faciĂšs, un tabou pour la police nationale.
Remise Ă plat totaleCes deux concessions ont provoÂquĂ© un mouvement de colĂšre dans les rangs des fonctionnaires,qui nient toute discriminationdans les contrĂŽles et estiment ĂȘtreles premiĂšres victimes des violenÂces, que ce soit dans les manifestaÂtions, oĂč de nombreux agents ontĂ©tĂ© blessĂ©s samedi 5 dĂ©cembre, oulors des interventions sur la voie publique, oĂč les refus dâobtempĂ©Ârer se sont multipliĂ©s ces derniĂšÂres annĂ©es. Lâensemble des orgaÂnisations syndicales ont menacĂ© de suspendre leurs activitĂ©s, tout au long du weekÂend, avec pour signe de ralliement le « code MCI 562 », celui qui sâapplique dans les procĂ©dures pour les mains courantes placĂ©es en attente.
Ce « Beauvau de la sĂ©curitĂ© », quipourrait dĂ©boucher sur 1,5 milÂliard dâeuros de crĂ©dits budgĂ©taiÂres supplĂ©mentaires pour lâintĂ©Â
rieur (formation, Ă©quipementâŠ),a donc tout dâune remise Ă plattotale, aprĂšs les nombreusestentatives de rafistolage ces derÂniĂšres annĂ©es. Il intervient alors que sâachĂšvent Ă peine la longuerĂ©flexion sur le Livre blanc de lasĂ©curitĂ© intĂ©rieure, et celle sur le schĂ©ma national du maintien de lâordre, toutes deux lancĂ©es pourrĂ©pondre Ă la crise de lâordrepublic consĂ©cutive au mouveÂment des « gilets jaunes ».
Pas question dâailleurs pour leministĂšre de lâintĂ©rieur de jeter aux orties ce travail. Le « Beauvaude la sĂ©curitĂ© » sera « la premiĂšre pierre de la grande loi de programÂmation de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure queles forces de lâordre mĂ©ritent depuislongtemps », et dont les prĂ©mices ont Ă©tĂ© posĂ©es par le Livre blanc, assureÂtÂon dans lâentourage du ministre de lâintĂ©rieur, GĂ©rald Darmanin. Cette loi de programÂmation serait la troisiĂšme aprĂšs celles de 2002 et de 2011. JusquâĂ prĂ©sent, ce texte nâĂ©tait pas prĂ©vu
Ă lâagenda avant lâĂ©lection de 2022,mais plutĂŽt comme lâun des piÂliers du programme de rĂ©Ă©lectiondu candidat Emmanuel Macron.
Ces futurs dĂ©bats sont Ă©galeÂment la traduction dâune inflexion sur le thĂšme de la sĂ©cuÂritĂ©. AprĂšs avoir assumĂ© une lignedure depuis la rentrĂ©e, lâexĂ©cutif aĂ©tĂ© victime dâun retour de bĂąton, subissant des accusations deremise en cause des libertĂ©spubliques, notamment Ă lâinterÂnational. Le chef de lâEtat ne souhaitait pas sâengouffrer sur ce terrain glissant, reprochant en privĂ© Ă GĂ©rald Darmanin de lâavoir entraĂźnĂ© trop avant.
Le mĂȘme GĂ©rald Darmanin estimplicitement visĂ© par le courrierdâYves Lefebvre, lâexÂpatron dâUnitĂ© SGP PoliceÂFO, qui demande « la fin de la politique duchiffre, qui est une des raisons prinÂcipales Ă lâaltĂ©ration du lien policeÂpopulation ». Le ministre de lâintĂ©Ârieur a mis en place depuis son arÂrivĂ©e un rendezÂvous hebdomaÂ
daire lors duquel il dĂ©cline lesdonnĂ©es de la lutte contre les traÂfics de drogue, une mĂ©thode reÂbaptisĂ©e « politique du rĂ©sultat », mais qui rappelle lâĂšre Sarkozy.
GĂ©rald Darmanin a entamĂ© lesmanĆuvres dâapaisement devant la commission des lois de lâAssemÂblĂ©e nationale, mardi 1er dĂ©cemÂbre, reconnaissant lâexistence dâune crise structurelle de la policenationale. Son discours, qui dĂ©cliÂnait les « sept pĂ©chĂ©s capitaux » de lâinstitution, devrait dâailleurs serÂvir de matrice Ă lâorganisation du
« Beauvau de la sĂ©curitĂ© » : la forÂmation, lâencadrement, les condiÂtions matĂ©rielles dâexercice de la mission, la captation des vidĂ©os des interventions, la mission des inspections gĂ©nĂ©rales, les effectifs,la relation policeÂpopulation.
Les discussions doivent associerdes citoyens, des Ă©lus, des memÂbres des forces de lâordre, et bien entendus les syndicats de police. En attendant le dĂ©but des Ă©chanÂges, le gouvernement a prĂ©vu decajoler ces derniers, trĂšs remonÂtĂ©s aprĂšs lâinterview Ă Brut. Toutesles organisations reprĂ©sentativesseront reçues en rencontres bilaÂtĂ©rales, Ă partir du 18 dĂ©cembre,par le ministre de lâintĂ©rieur, qui devrait leur renouveler sonsoutien indĂ©fectible. EmmanuelMacron conclut dâailleurs son courrier par cet hommage : « La France tient par ses policiers et ses gendarmes, par ces femmes et ceshommes qui appliquent la loi, fruitde la volontĂ© du peuple. »
nicolas chapuis
CovidÂ19 : le jour de carence supprimĂ© pour les fonctionnairesA partir du 1er janvier 2021, un agent arrĂȘtĂ© pour une raison mĂ©dicale liĂ©e au coronavirus continuera Ă percevoir son salaire dĂšs le premier jour
Câ est dans une rare unaÂnimitĂ© que le SĂ©nat aadoptĂ©, lundi 7 dĂ©cemÂ
bre dans la nuit, un amendement suspendant le jour de carence pour les fonctionnaires dans le cas dâun arrĂȘt liĂ© Ă lâĂ©pidĂ©mie deCovidÂ19. Lâinitiative venait dugouvernement, mais lâoppositionde droite comme de gauche lâa enÂdossĂ©e lors des discussions du projet de loi de finances pour2021. Le dispositif, a soulignĂ© le ministre des comptes publics, OliÂvier Dussopt, permet de « rĂ©tablir une Ă©galitĂ© » entre les salariĂ©s du public et ceux du privĂ©, qui bĂ©nĂ©Âficient dĂ©jĂ de la mesure.
ConcrĂštement, un agent publicqui, Ă partir du 1er janvier 2021, seÂrait arrĂȘtĂ© pour une raison mĂ©diÂcale liĂ©e Ă lâĂ©pidĂ©mie continueraitdonc Ă percevoir son salaire dĂšs le
premier jour, et non Ă partir du deuxiĂšme, comme câest le casaujourdâhui. Et comme cela resÂtera dâailleurs le cas pour les conÂgĂ©s maladie liĂ©s Ă une autre raiÂson que la pandĂ©mie de CovidÂ19.
Le jour de carence pour les foncÂtionnaires, supprimĂ© pendant lequinquennat de François HolÂlande, en 2014, avait Ă©tĂ© rĂ©tabli parEmmanuel Macron en 2018. Lors de la premiĂšre vague de lâĂ©pidĂ©Âmie, au printemps, le gouverneÂment en avait suspendu lâapplicaÂtion pour tous les fonctionnaires, quelle que soit la maladie. Puis il avait Ă©tĂ© rĂ©tabli en juillet, au grand dam des syndicats et de parlementaires, y compris au seinde la majoritĂ©.
Avec la deuxiĂšme vague, le gouÂvernement refusait de recomÂmencer. Il sây rĂ©sout aujourdâhui
pour rĂ©tablir lâĂ©quilibre avec le privĂ©. « On ne veut pas supprimer le jour de carence dâune maniĂšregĂ©nĂ©rale, prĂ©cise lâentourage dâAmĂ©lie de Montchalin, ministrede la transformation et de la foncÂtion publiques, mais nous vouÂlons supprimer tout ce qui pourÂrait inciter des agents Ă ne pas
sâisoler volontairement en cas desymptĂŽme ou sâils sont cas conÂtact. » Argument repris hier soir, au SĂ©nat, par Bruno Retailleau, prĂ©sident du groupe Les RĂ©publiÂcains : la suspension du jour decarence est, aÂtÂil dit, « lâune des conditions » dâune « politique dâisolement efficace ».
Une position devenue intenableDe fait, aujourdâhui, les agents puÂblics peuvent se retrouver dans la situation baroque dâĂȘtre indemÂnisĂ©s sâils doivent sâisoler en tant que cas contact, mais perdre un jour de salaire sâils dĂ©veloppent lamaladie. DĂ©but septembre, huitsyndicats de fonctionnaires surneuf avaient demandĂ© Ă AmĂ©liede Montchalin de revenir sur le rĂ©tablissement du jour de caÂrence. Ils soulignaient le risque
sanitaire que cela engendraitdans la mesure oĂč un agent ayantdes symptĂŽmes pourrait ĂȘtre tentĂ© dâaller au travail pour ne pasperdre un jour de salaire. Et, inÂversement, un employeur public a pu demander Ă un fonctionÂnaire de sâarrĂȘter dans le cas dâun simple rhume â ce qui, lĂ encore, entraĂźne une perte de salaire.
« Ils mettent en place un mĂ©caÂnisme plus que compliquĂ© pour pouvoir dire quâils continuent Ă apÂpliquer le jour de carence Ă tous les fonctionnaires », souligne BaptisteTalbot, coordinateur de la CGT pour les trois versants de la foncÂtion publique. De ce fait, si la CGTse dit « satisfaite que le gouverneÂment entende raison », elle dĂ©Ânonce le fait que « lâĂ©pidĂ©mie nâemÂpĂȘche pas [celuiÂci] de continuer Ă faire de lâidĂ©ologie ». Elle consiÂ
dĂšre, au demeurant, que la posiÂtion du gouvernement Ă©tait deveÂnue « difficilement tenable » politiÂquement : le jour de carence reÂvient Ă ce quâ« un agent hospitalierqui risque sa vie tous les jours pourlutter contre lâĂ©pidĂ©mie ne [soit] pas payĂ© le premier jour sâil tombe malade », dĂ©plore Baptiste Talbot.
Lundi soir, au SĂ©nat, la gauche avoulu pousser lâavantage. Le sĂ©Ânateur socialiste Thierry Cozic a demandĂ© que « lâon puisse mainÂtenir ce dispositif auÂdelà » de lafin de lâĂ©tat dâurgence sanitaire. Mais Olivier Dussopt a renvoyĂ© cedĂ©bat Ă plus tard, indiquant que cela sâinscrirait dans un cadre plus large. Une rĂ©forme de la proÂtection sociale des agents publics pourrait ĂȘtre reprise dans le proÂjet de budget 2022.
benoĂźt floc'h
La suspension du jour de carence
est, selon Bruno Retailleau, « lâunedes conditions » dâune « politique
dâisolement efficace »
Lors de la manifestation parisienne contre le projet de loi « sécurité globale », le 5 décembre. GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP
Le chef de lâEtat assure quâil
interviendra « personnellement »
dans ces débats à fort potentiel
explosif
JOURNĂE SPĂCIALE > MERCREDI 9 DĂCEMBRE
DĂšs 7h, Ă©missions, vidĂ©os de lâhistorien Patrick Weil,nouvelle collection de podcasts de GĂ©rard Courtois lus par Rachel Kahn ...
LA LAĂCITEĂ LâOCCASION DU JOUR ANNIVERSAIRE DE LA LOI DE 1905
14 | france MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
O n sâest trompĂ©. Danscette histoire, ce nâestpas Thierry Herzogqui est lâavocat de
Nicolas Sarkozy. Câest Nicolas Sarkozy qui est celui de Thierry Herzog. « Un frĂšre, un membre de ma famille. Je lâaime profondĂ©Âment, parce quâil est joyeux etquâon rit ensemble. Je lui parle tousles jours. » « Il voit toujours le verredĂ©bordant lĂ oĂč il nây a quâun fondde verre. Câest sa faiblesse, mais câest une faiblesse que jâapprĂ©cie. » « Un ami qui nâest pas la personne la plus rationnelle qui soit et qui cherche Ă me rassurer. » Et Ă la fin de lâenvoi, Nicolas Sarkozy touÂche : « Lâaffaire Bismuth, câest ça : un justiciable inquiet et un avocat affectueux. »
Reprenons. Dans la salle dâauÂdience du tribunal correctionnelde Paris, lâancien prĂ©sident de la RĂ©publique, son avocat Thierry Herzog et lâexÂavocat gĂ©nĂ©ral Ă laCour de cassation Gilbert Azibert rĂ©pondent de « corruption » et« trafic dâinfluence », auxquels sâajoute, pour les deux derniers, le dĂ©lit de violation du secret professionnel. Il est reprochĂ© Ă MM. Sarkozy et Herzog dâavoir cherchĂ© Ă obtenir, en 2014, par lebiais de M. Azibert, des informaÂtions confidentielles sur une dĂ©Âcision Ă venir de la Cour de casÂsation concernant la saisie des agendas prĂ©sidentiels, voiredâavoir tentĂ© de lâinfluer dans unsens favorable Ă lâancien chef de lâEtat, en Ă©change dâun poste honorifique Ă Monaco pour le magistrat. La Cour de cassationa rendu un avis contraire aux souhaits de M. Sarkozy et M. AziÂbert nâa pas obtenu le posteconvoitĂ©. Mais il y a les Ă©coutes « Bismuth » qui racontent les Ă©changes entre les trois hommes.
La journĂ©e du lundi 7 dĂ©cembreavait mal commencĂ© pour la dĂ©Âfense. En rĂ©action Ă une audience qui semblait lui avoir Ă©chappĂ© la semaine prĂ©cĂ©dente, aprĂšs la forte mobilisation du barreaude Paris en soutien de Thierry Herzog â et sans doute face Ă un tribunal quâelle a jugĂ© peu ofÂfensif â, lâaccusation, par la voix du procureur JeanÂLouis Blachon, a abattu son unique carte. « Je deÂmande au tribunal la diffusion de cinq Ă©changes tĂ©lĂ©phoniques entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. » Plus que les phrases proÂnoncĂ©es, dĂ©jĂ retranscrites dansle dossier, câest leur ton que le proÂcureur voulait faire entendre.
« Des Ă©coutes tronquĂ©es »LâĂ©moi a aussitĂŽt gagnĂ© les avoÂcats de la dĂ©fense qui, tour Ă tour, se sont levĂ©s pour sâindigner de cette requĂȘte. « SensationnaÂlisme », « marketing pĂ©nal », ontÂils tonnĂ©. En vain. AprĂšs sâĂȘtre reÂtirĂ© â longtemps â pour dĂ©libĂ©rer, le tribunal dĂ©cide dâaccĂ©der Ă lademande de lâaccusation.
Attente, tension, on ouvre lesscellĂ©s. Attente, tension, lâĂ©cran de lâordinateur de la greffiĂšre sâafÂfiche sur celui, beaucoup plus grand, de la salle dâaudience. AtÂtente, tension, elle ne parvientpas à « caler » prĂ©cisĂ©ment les exÂtraits demandĂ©s, au risque de difÂfuser des Ă©changes qui ne concerÂnent pas ce dossier. « Ăa me semÂble compliquĂ©. Au vu de la diffiÂcultĂ©, nous allons renoncer Ă cette diffusion », tranche la prĂ©sidente, qui annonce quâelle va donner lecture des fameux extraits.
« AllĂŽ, ça va mon Thierry ? » Lesconversations datent des 1er, 5, 23 et 25 fĂ©vrier 2014. Lâancien prĂ©siÂdent et son avocat discutent sur leur ligne occulte quâils penÂsent sĂ©curisĂ©e. Thierry Herzograpporte Ă Nicolas Sarkozy ses conversations avec Gilbert AziÂbert, Ă©voque la prochaine renconÂtre de celuiÂci avec un « conseiller »[de la Cour de cassation] : « Il mâa dit : âTu peux dire au prĂ©sident queje suis optimisteâ », puis il en vientau « truc Ă Monaco » auquel aspire
conversations, câest du bavardage. Vous avez remarquĂ© que, dans ces Ă©coutes, je ne relance jamais. »Nicolas Sarkozy rejoue ces Ă©chanÂges face au tribunal : « Je dis : âBon.Parfait. BonâŠâ » Il donne Ă ses rĂ©Âponses un ton dâĂ©coute poli, vaguement indiffĂ©rent, avecdâautant plus dâaisance quâil sait que dĂ©sormais, le tribunal nâenÂtendra pas lâoriginal.
« Je prends ce qui va dans monsens parce que ça va me permettrede passer une bonne journĂ©e. Jevoyais tellement de proximitĂ© enÂtre certains journaux et certains magistrats que quand on me dit que lâambiance est bonne [Ă laCour de cassation], je le prends comme une bouffĂ©e dâoxygĂšne. Alors si on me dit : âAviezÂvousconscience de faire quelque chose de rĂ©prĂ©hensible ?â, je dis : âNon !Jamais, jamais !â »
La présidente en vient à laquestion du poste à Monaco, qui
« Je me disais, la Cour
de cassation, câest comme
un club. (âŠ) Je voulais connaĂźtre
lâambiance, câest tout ! »NICOLAS SARKOZYancien prĂ©sidentde la RĂ©publique
Le 7 décembre, au tribunal correctionnel de Paris. BENJAMIN FLAO POUR « LE MONDE »
Sarkozy : « Bismuth, câest le WhatsApp de 2014 ! »JugĂ© pour « corruption et trafic dâinfluence », lâancien prĂ©sident a plaidĂ© un simple « bavardage » entre amis
le magistrat et pour lequel il auraitbesoin dâun « coup de pouce ». « Je le ferai monter », rĂ©pond lâanÂcien prĂ©sident. Un peu plus tard, apprenant que Nicolas Sarkozy part quelques jours Ă Monaco,Thierry Herzog lui demande de« ne pas oublier de dire un mot pour Gilbert », lâancien prĂ©sidentpromet : « Tu peux lui dire que jeferai la dĂ©marche, jâai rendezÂvousavec le ministre Ă midi. »
La présidente appelle NicolasSarkozy à la barre.
« PeutÂĂȘtre avezÂvous un proposliminaire ?
â Oui. PermettezÂmoi de dire defaçon solennelle que je nâai jamais commis le moindre acte de corrupÂtion. Jamais trafiquĂ©. Je veux ĂȘtre lavĂ© de cette infamie. Avec toute la colĂšre et lâindignation qui sont en moi, je rĂ©pondrai Ă toutes vos quesÂtions parce que câest la premiĂšre fois que jâai le sentiment de pouvoirmâexprimer devant une justice imÂpartiale, Ă armes Ă©gales. »
La voix enfle et gronde. DĂ©Ânonce une instruction Ă charge menĂ©e avec un « dĂ©chaĂźnement »de moyens. « Vous avez devant vous un homme dont on a Ă©coutĂ© plus de 3 700 conversations priÂvĂ©es. Non, 3 750 ! Mes enfants,ma femme, mon mĂ©decin, mes amis politiques, mon avocat. Etpour quel rĂ©sultat ? On a trouvĂ©cinq conversations problĂ©matiÂques avec mon avocat. Des Ă©coutescoupĂ©es, tronquĂ©es ! Quand câest moi, mĂȘme quand il nâest question de rien, ça devient tout. »
La prĂ©sidente lâinterroge sur cesĂ©changes dans lesquels revient
rĂ©guliĂšrement le nom de M. AziÂbert. Nicolas Sarkozy Ă©voque dâabord un « contexte », celui decette annĂ©e 2014 oĂč il a, ditÂil, « le sentiment dâĂȘtre traquĂ© ». « Jâai lâimpression que le Parquet natioÂnal financier a Ă©tĂ© crĂ©Ă© pour moi. Chaque semaine, il y a une nouÂvelle affaire. Si on oublie cela, on necomprend pas pourquoi je mâintĂ©Âresse au sort de mes agendas. Alors oui, je demande Ă Thierry oĂč on en est pour ces carnets. Je veux ĂȘtre rassurĂ©. Et Thierry, qui enlĂšve sa casquette dâavocat pour celle dâami, me rassure. »
Une vie de « coups de pouce »Nicolas Sarkozy tient ensuite à « prĂ©senter [ses] excuses Ă tous les Bismuth qui ont pu se sentirblessĂ©s parce que Thierry Herzoget moi avons utilisĂ© ce nom. Si WhatsApp avait existĂ©, il nây auraitpas eu besoin de Bismuth. Si TeleÂgram avait existĂ©, il nây aurait paseu besoin de Bismuth ! Bismuth, câest le WhatsApp de 2014 ! », sâexÂclameÂtÂil.
« Monsieur Sarkozy ! Ma quesÂtion portait sur le nombre de fois oĂč le nom de M. Azibert revient dans vos conversations, sâagace la prĂ©sidente.
â Madame, tout ce qui est sur BisÂmuth, je le confirme. Je me disais, la Cour de cassation, câest comme un club. Ils ne sont pas nombreux, ils se voient, ils se parlent. Donc, ce que je demande Ă Thierry, câestâQuâestÂce quâils se disent ? Quelle image ils ont de moi ?â Je voulais connaĂźtre lâambiance, câest tout ! Le point commun de toutes ces
« pourrait apparaĂźtre comme unecontrepartie » aux services renÂdus par Gilbert Azibert. « EsÂsayons dâaller au fond de la carie, rĂ©pond Nicolas Sarkozy. Thierry Herzog me parle de ce poste. On voit bien, dans ces Ă©coutes, que je lâignorais. Je demande : âParce quâil veut aller Ă Monaco ?â » Il reÂjoue le dialogue, en choisit lĂ enÂcore le ton, en minore lâeffet, puis enchaĂźne : « Quitte Ă vous consterÂner un peu plus, je vais vous dire que cent fois dans ma vie, Thierry mâa demandĂ© de rendre service Ă ses amis. Je devais aller Ă lâhĂŽtel Ă Monaco avec ma femme et ma fille pour faire une cure. Il y avait un fasciathĂ©rapeute qui Ă©tait censĂ© me guĂ©rir de mes miÂgraines. Et quand il lâapprend, Thierry mâappelle. »
Il mime Ă nouveau la scĂšne. « Ilme dit : âNicolas nâoublie pas, hein,nâoublie pas !â Et il me parle dedonner un coup de pouce pour son ami Azibert. Ma vie a Ă©tĂ© de donner des coups de pouce ! PenÂdant quarante ans, jâai donnĂ© des coups de pouce ! Et ce nâest dâailÂleurs pas ceux que jâai le plusaidĂ©s qui mâont Ă©tĂ© les plus fidĂšles.Je confirme que jâai envisagĂ© de faire plaisir Ă Thierry. Mais, parÂdon â il se tourne vers lâancien magistrat assis au banc des prĂ©Âvenus â pas Ă Gilbert Azibert ! Et ça ne sâest pas fait. »
Sans jamais perdre de vue lâobÂjectif de dĂ©truire un Ă un les Ă©lĂ©Âments retenus contre lui, Nicolas Sarkozy poursuit : « Le pacte decorruption nâa jamais existĂ©. Cesont des conversations avec un
frĂšre qui veut aider un ami. » Il lui reste un dernier obstacle Ă franÂchir : ce fameux voyage que Thierry Herzog fait en urgence Ă Monaco, fin fĂ©vrier 2014. LâaccusaÂtion est convaincue, mais nâa pas pu le prouver, que Thierry Herzog venait dâapprendre par une fuite que leur ligne occulte Ă©tait sur Ă©coutes. Il aurait donc dĂ©cidĂ© de partir surÂleÂchamp en informer Nicolas Sarkozy afin de mettre au point une riposte au possible mauvais effet de leurs Ă©changes, notamment sur une intervention en faveur de M. Azibert auprĂšs du ministre de Monaco. Le lendeÂmain, sur sa ligne officielle quâil sait elle aussi Ă©coutĂ©e, Nicolas Sarkozy annonce Ă son ami avocatquâil a renoncĂ© Ă Ă©voquer le poste pour le magistrat.
Fantasmes que tout cela, rĂ©pliÂque M. Sarkozy, qui raconte avec force dĂ©tails leur soirĂ©e de la veille« avec Carla » et explique que cetappel du lendemain nâĂ©tait desÂtinĂ© quâĂ sâassurer que son ami Ă©tait bien rentrĂ© Ă Paris. Câest par hasard, assureÂtÂil, quâil utilise saligne officielle et, incidemment, quâil lui dit nâavoir finalement rien fait pour M. Azibert.
« Câest important, lâintonation,Madame la prĂ©sidente. Vous voyezbien que ça change tout. »
Il mime â « Ăa va, monThierry ? » â, change de ton poursâadresser au tribunal et soupire :« Finalement, ces Ă©coutes, câĂ©tait une bonne idĂ©e de les diffuser. Je regrette quâon ne les ait pas enÂtendues⊠»
pascale robertÂdiard
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 france | 15
Les Ă©lĂšves français toujours aussi mauvais en mathsLâenquĂȘte Timss, rĂ©alisĂ©e auprĂšs dâĂ©lĂšves de CM1 et de 4e, confirme la place de l a France en queue de peloton
C e nâest plus une surÂprise, et depuis longÂtemps : les Ă©lĂšves franÂçais nâont pas la bosse
des maths. Loin de lĂ . DâaprĂšs les rĂ©sultats de lâenquĂȘte Trends inInternational Mathematics and Science Study (Timss), rĂ©alisĂ©e en mai 2019 sur un Ă©chantillon de 4 186 enfants de CM1 et 3 874 adoÂlescents de 4e, la France se classe bonne derniĂšre dans les pays delâUnion europĂ©enne, avec des rĂ©Âsultats similaires Ă ceux de la Roumanie. Elle est aussi avantÂderniĂšre dans les pays de lâOCDE, devant le Chili. A lâautre extrĂ©ÂmitĂ© du spectre, on retrouve les pays qui surperforment dâune enÂquĂȘte Ă lâautre : Singapour, HongÂkong, la CorĂ©e du Sud, TaĂŻwan et leJapon se disputent la tĂȘte du clasÂsement, en CM1 comme en 4e.
Avec un score de 485 points enmathĂ©matiques et de 488 ensciences, les Ă©lĂšves de CM1 rĂ©aliÂsent la mĂȘme performance quelors de la derniĂšre enquĂȘte Timss,en 2015 : ils nâont ni progressĂ© nirĂ©gressĂ©, et demeurent « signifiÂcativement » en dessous des moyennes internationales depays comparables au nĂŽtre, prĂ©Âcise la direction de lâĂ©valuation, de la prospective et de la perforÂmance de lâĂ©ducation nationale(DEPP), qui publie trois notes dâanalyse des rĂ©sultats.
Forte tradition géométriqueEn revanche, les élÚves de 4e
nâavaient pas Ă©tĂ© Ă©valuĂ©s depuisla premiĂšre Ă©dition de Timss, en 1995. Lâeffondrement du niÂveau est spectaculaire, avec unscore moyen en baisse de 47 points. A lâĂ©poque, les Ă©lĂšves de5e avaient aussi Ă©tĂ© Ă©valuĂ©s, et leurscore Ă©tait infĂ©rieur de 46 points Ă ceux de 4e. Pour le dire autreÂment, les Ă©lĂšves de 4e
dâaujourdâhui sont les 5e dâhier.Comment expliquer un tel dĂ©Â
crochage ? La rĂ©ussite et lâĂ©chec scolaires Ă©tant toujours multifacÂtoriels, nul ne se risque Ă dĂ©signerun seul coupable. Y compris parceque, quand plusieurs rĂ©formesĂ©ducatives sont lancĂ©es en mĂȘmetemps et font progresser le pays (comme au Portugal), il est diffiÂcile de mesurer lâimpact de chaÂcune. Mais la formation initiale etcontinue des enseignants y est sans doute pour beaucoup.
Il y a dâabord le parcours des enÂseignants du premier degrĂ©, issusen majoritĂ© de filiĂšres littĂ©raires et de sciences humaines. « Quandles futurs enseignants arrivent enmaster et commencent Ă se forÂmer, la plupart nâont pas fait de mathĂ©matiques depuis plusieurs annĂ©es », rappelle Edouard GefÂfray, le directeur gĂ©nĂ©ral de lâenÂseignement scolaire (Dgesco), quipointe une « forte corrĂ©lation »entre la baisse des compĂ©tences
des Ă©lĂšves français et le sentimentde « manque de formation » sur ces domaines, qui revient dâĂ©tude en Ă©tude dans la bouche des enÂseignants. Sur ce point, la France adâailleurs progressĂ©. En 2015, 53 % des Ă©lĂšves de CM1 avaient un proÂfesseur sans aucune formation enmathĂ©matiques au cours des deux derniĂšres annĂ©es. Ils ne sontplus que 23 % en 2019.
Lâinstitution assure avoir consÂcience du problĂšme, quâelle sâemÂploie Ă juguler. Un « plan mathĂ©Âmatiques » a Ă©tĂ© lancĂ© en 2018, Ă lasuite dâun rapport remis au miÂnistre de lâĂ©ducation par lâinspecÂteur gĂ©nĂ©ral Charles Torossian et le mathĂ©maticien CĂ©dric Villani. « Par dĂ©finition, lâenquĂȘte Timss Ă©value ce qui a Ă©tĂ©, et non ce qui esten train dâĂȘtre fait », souligne Edouard Geffray, qui rappelle que les Ă©lĂšves Ă©valuĂ©s par Timss lâontĂ©tĂ© quelques mois seulementaprĂšs le lancement du « plan ». Ce dernier, dâune ampleur « sans prĂ©ÂcĂ©dent », selon Charles Torossian,est largement axĂ© sur la formaÂtion continue des enseignants.
Depuis 2018, 40 000 enseiÂgnants ont ainsi Ă©tĂ© formĂ©s sur lesmathĂ©matiques. Un dispositif dit
« en constellation » permet Ă des formateurs de gĂ©rer de petitesĂ©quipes de 7 Ă 8 enseignants, quivisitent ensuite les classes deleurs pairs et Ă©changent sur lesbonnes pratiques. « Notre stratĂ©Âgie est de nous concentrer sur lessujets pour lesquels nous avons une forte marge de progression »,dĂ©taille Charles Torossian.
Ainsi, les Ă©lĂšves français ne sontpas uniformĂ©ment mĂ©diocres : en CM1 et en 4e, ils sont plutĂŽt meilleurs en gĂ©omĂ©trie quâen calÂcul et en algĂšbre. En 4e, ils sont Ă©galement « moins mauvais » en statistiques et probabilitĂ©s. Maisla manipulation des nombres (maĂźtrise des quatre opĂ©rations, fractions et dĂ©cimales) est partiÂculiĂšrement faible. « Le nombreest un vrai sujet, sur lequel la France a 40 points dâĂ©cart avec le reste de lâUnion europĂ©enne »,pointe Charles Torossian, qui rapÂpelle que la France a « historiqueÂment » une forte tradition dâenÂseignement de la gĂ©omĂ©trie.
Plan de formationSĂ©bastien Planchenault, prĂ©siÂdent de lâAssociation des profesÂseurs de mathĂ©matiques de lâenÂseignement public (Apmep), conÂfirme que cette appĂ©tence vientde loin. « Câest par la gĂ©omĂ©trieque les Ă©lĂšves entrent dans la dĂ©Âmonstration mathĂ©matiques, exÂpliqueÂtÂil. De plus, elle prĂ©sentelâavantage dâĂȘtre concrĂšte, visuelle â comme les statistiques, qui plaiÂsent aux Ă©lĂšves parce quâon peut facilement leur donner du sens. » Amesure que les Ă©lĂšves progresÂsent dans lâabstraction, la gĂ©omĂ©Âtrie devient la « bouĂ©e » des moins bons.
Par rapport aux pays « comparaÂbles » (Union europĂ©enne et OCDE), la France a aussi de granÂdes difficultĂ©s Ă emmener ses meilleurs Ă©lĂšves vers lâexcellence. Timss dĂ©montre paradoxalement que les « bons » tirent plutĂŽt le pays vers le bas du classement. Seuls 3 % des Ă©lĂšves français atteiÂgnent un niveau « avancĂ© », soitun score de 625 points, en CM1. Ils
ne sont plus que 2 % en 4e, Ă un ĂągeoĂč 11 % des Ă©lĂšves en moyenne dans lâUnion europĂ©enne y parÂviennent. Certes, la France a Ă©galeÂment du mal Ă faire acquĂ©rir Ă ses Ă©lĂšves les plus faibles les compĂ©tences mathĂ©matiques Ă©lĂ©Âmentaires : 15 % des Ă©lĂšves de CM1 nâatteignent pas la barre des 400 points, et 12 % de ceux de 4e.
Le plan de formation, sur lequelinsiste lâinstitution, pourraÂtÂilsuffire Ă renverser la tendance lourde dâune baisse gĂ©nĂ©ralisĂ©een mathĂ©matiques ? Il est encore trop tĂŽt pour le dire. Mais sur le terrain, on craint parfois que le mal soit plus profond : « Les heuÂres de mathĂ©matiques au collĂšge ont baissĂ© depuis quinze ans »,
rappelle SĂ©bastien Planchenault, qui souligne aussi la structure« pyramidale » de lâapprentissagedes mathĂ©matiques : « Les compĂ©Âtences se construisent sur celles qui les prĂ©cĂšdent », expliqueÂtÂil.« Câest pourquoi un Ă©lĂšve qui arrivetrop fragile en 6e va voir ses diffiÂcultĂ©s sâaccentuer. »
violaine morin
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Score moyendes élÚves français
Score moyendes élÚves français
Score moyendes élÚves français
485485450450 550550
480480
476476
CalculsCalculs
Géométrieet mesuresGéométrieet mesures
Lecture detableaux
de données
Lecture detableaux
de données
498498
483483 511511
MoyenneeuropéenneMoyenneeuropéenne527527
450450 550550
493493
477477
GéométrieGéométrie
Statistiques etprobabilités
Statistiques etprobabilités
Nombreset calculsNombreset calculs
AlgĂšbreAlgĂšbreInfographie : Le MondeInfographie : Le Monde Source : Timms & Pirls International Study CenterSource : Timms & Pirls International Study Center
468468
496496
Les compétences des élÚves français en mathématiquesLes compétences des élÚves français en mathématiquesScore des élÚves en CM1, par champ de compétences, en 2019
Score des élÚves en 4e, par champ de compétences, en 2019
La France peine Ă tirer ses meilleurs Ă©lĂšves vers le hautLa France peine Ă tirer ses meilleurs Ă©lĂšves vers le hautPart dâĂ©lĂšves ayant des compĂ©tences Ă©lĂ©mentaires en mathĂ©matiques, en %Part de ceux qui passent la barre du niveau le plus avancĂ©
En CM1
5454 9999
3737 99993333 9999
2121 96961515 97971414 93931111 9595
1010 909099 959599 9393
88 9494
66 8383
44 9595
33 8585
11 7070
5151 9898
4545 97973737 9999
1111 909077 94941414 8787
55 9393
1111 909055 91911111 9090
55 9090
66 8282
33 9191
22 8888
11 7070
En 4e
Lâeffondrementdu niveau en 4e
est spectaculaire,avec un score
moyen en baisse de 47 points
PRĂSIDENTIELLELa « gilet jaune » Jacline Mouraud candidateJacline Mouraud, figure des « giÂlets jaunes » en 2018, a annoncĂ©, lundi 7 dĂ©cembre, sa candidaÂture Ă la prĂ©sidentielle de 2022 « pour reprĂ©senter le peuple des gens ordinaires dont je suis », face au « candidat » Emmanuel Macron, qui, estimeÂtÂelle, « nâest plus Ă la hauteur de sa fonction de prĂ©sident ». Jacline
Mouraud, 53 ans, avait postĂ© en octobre 2018 sur Facebook une vidĂ©o devenue virale qui dĂ©nonçait « la traque aux automobilistes ». â (AFP.)
NUMĂRIQUENantes lance un dĂ©bat sur la 5G en fĂ©vrier 2021La ville de Nantes a annoncĂ©, lundi 7 dĂ©cembre, le lancement dâun dĂ©bat public en fĂ©vrier et mars 2021 sur le dĂ©ploiement
de la 5G. « Plusieurs options sont sur la table, selon la maire socialiste, Johanna Rolland. Dire oui Ă la 5G, la refuser ou demander sa rĂ©gulation. Ce dĂ©bat territorial peut aussi faire Ă©voluer la situation nationale. » LâĂ©lue avait fait du moratoire sur la 5G une promesse Ă©lectoÂrale lors de son alliance avec Europe EcologieÂLes Verts au second tour des Ă©lections municipales en juin. â (AFP.)
Les garçons demeurent meilleurs que les fillesLes performances scolaires des filles sont supĂ©rieures Ă celles des garçons Ă tous les niveaux : elles sont meilleures en lecture Ă la fin du CM1 (Pirls, 2016), en orthographe Ă la fin du primaire (Cedre, 2015), en comprĂ©hension de lâĂ©crit Ă 15 ans (PISA, 2018). Elles sont aussi plus nombreuses Ă dĂ©crocher un baccalaurĂ©at gĂ©nĂ©ral et technologique. Mais, en mathĂ©matiques, les choses sâinversent : les garçons ont 13 points dâavance sur les filles en CM1, selon lâenquĂȘte Timss 2019. Cet Ă©cart est en hausse depuis 2015. Et en 4e, les garçons ont toujours 9 points dâavance.
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PAR NATHAN GELGUD
16 | france MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
Loi SRU, vingt ans de volontarisme au nom de la mixité sociale
Votée en 2000, cette loi imposait aux villes de se doter de 20 % de logements sociaux en 2020. Des maires se refusent toujours à construire « social » malgré les sanctions financiÚres
I l y a vingt ans, le 13 dĂ©cembre 2000, laloi solidaritĂ© et renouvellement urÂbain (SRU) Ă©tait adoptĂ©e. Avec unemesure trĂšs emblĂ©matique : lâartiÂcle 55 qui imposait (et impose touÂjours) aux communes urbaines de se
doter, sur leur parc de rĂ©sidences principales,de 20 % de logements sociaux dâici Ă 2020, unseuil portĂ© pour 60 % des communes, avec laloi Duflot de 2013, Ă 25 % en 2025. Vingt ans aprĂšs, oĂč en estÂon ? Entre 2000 et 2019, prĂšs de 870 000 logements sociaux ont Ă©tĂ© consÂtruits dans les communes dites dĂ©ficitaires. Mais il aura fallu vingt ans de volontĂ© politiÂque ferme et repousser plusieurs tentativesparlementaires â et sur le terrain â de conÂtourner cette loi ou dâen rĂ©duire la portĂ©e.
En 1997, Ă la faveur des Ă©lections lĂ©gislatiÂves, Jacques Chirac perd sa majoritĂ© Ă lâAsÂsemblĂ©e ; la gauche revient au pouvoir. LioÂnel Jospin, premier ministre, nomme JeanÂClaude Gayssot, un communiste, ministre de lâĂ©quipement, des transports et du logeÂment. Ce dernier est secondĂ© par le socialisteLouis Besson, chargĂ© du logement et vrai iniÂtiateur du texte. Trois ans plus tard, M. GaysÂsot, sâexprimant au PalaisÂBourbon, rappelle que la gauche a Ă cĆur de « sâattaquer aux inĂ©galitĂ©s, faire une ville mieux Ă©quilibrĂ©e, plus sĂ»re, plus solidaire ». DixÂneuf ans aprĂšs la dĂ©centralisation de 1981, qui a confiĂ© aux maires les compĂ©tences dâurbanisme, les bailleurs sociaux se plaignent, en effet, de nepas pouvoir construire dans certaines collecÂtivitĂ©s et la production de logements soÂciaux a Ă©tĂ© divisĂ©e par deux, passant de100 000 logements par an Ă 50 000. « CertaiÂnes communes se sont cantonnĂ©es dans unelogique de refus de lâaccueil, sur leur sol, de loÂgement social », argumente alors M. Gayssot.
Lâarticle 55 de la loi SRU entend donc, selonLouis Besson, « corriger cette tendance et rĂ©Âpartir de façon plus Ă©quilibrĂ©e le logement soÂcial, dans un souci de mixitĂ© ». A lâĂ©poque, 728 communes de plus de 3 500 habitants (ou de plus de 1 500 en IleÂdeÂFrance), faisant partie dâagglomĂ©rations de plus de 50 000 habitants, sont concernĂ©es.
Le texte innove par rapport aux prĂ©cĂ©denÂtes lois sur la ville avec son mĂ©canisme dâinÂcitationÂcoercition. Il confie aux prĂ©fets lesoin de fixer des objectifs triennaux de construction ou de crĂ©ation Ă partir de bĂątiÂments existants Ă chaque commune dĂ©ficiÂtaire afin quâelle rattrape son retard. Si elle nây parvient pas, une contribution de soliÂdaritĂ© de 1 000 francs (150 euros) par logeÂment manquant et par an est prĂ©levĂ©e,sorte dâamende dĂ©cidĂ©e par lâEtat mais, par un systĂšme habile et vertueux, versĂ©e Ă lacommunautĂ© urbaine pour ĂȘtre rĂ©investiedans le logement social, donc redonnĂ©e auxmaires entreprenants.
RECORD DâAMENDEMENTSA lâĂ©poque, ces dispositions choquent les dĂ©ÂputĂ©s des partis dâopposition de droite et du centre. Le dĂ©putĂ© (RPR) du ValÂdeÂMarneGilles Carrez, maire du PerreuxÂsurÂMarne, spĂ©cialiste de lâurbanisme, prend la tĂȘte de lafronde et dĂ©nonce une « mĂ©thode normative,uniforme, centralisĂ©e, dogmatique. Il sâagit surtout de clouer au pilori un certain nombre de villes par une sorte de coercition exercĂ©epar lâEtat qui nie complĂštement les rĂ©alitĂ©s loÂcales. Au Perreux, ajouteÂtÂil en tant que maire, on ne voit pas trĂšs bien comment subsÂtituer aux 700 pavillons de la ville, les 1 839 loÂgements collectifs sociaux que je devrai consÂtruire ». Eric Raoult, dĂ©putĂ© (RPR) de SeineÂ
SaintÂDenis, maire du Raincy et ancien miÂnistre de la ville, dĂ©clare, lui, quâil nâappliquera pas cette loi « idiote et coĂ»teuse,qui crĂ©era dans [s]a ville un climat de peur soÂciale », quâil attise dâailleurs avec de grandspanneaux annonçant « Ici, bientĂŽt, des logeÂments sociaux ». Selon certains de ces conÂtestataires tout en nuances, on en revient au« Gosplan » soviĂ©tique, et il ne manquequâun « petit goulag au milieu » de ces nouÂveaux quartiersâŠ
AprĂšs lâexamen de 3 200 amendements, unrecord Ă lâĂ©poque, la loi est adoptĂ©e le 13 dĂ©Âcembre 2000 par 303 voix contre 218, « nonsans effort pour rassembler une majoritĂ©,mĂȘme Ă gauche », se souvient Thierry RepenÂtin, alors chef de cabinet de Louis Besson et infatigable dĂ©fenseur de cette loi.
« Câest une loi fondatrice de la politique dulogement, un pilier de la RĂ©publique, reconÂnaĂźt GrĂ©goire Fauconnier, gĂ©ographe, auteurde Loi SRU et mixitĂ© sociale : le vivreÂensembleen Ă©chec ? (Omniscience, 238 pages, 20 euros). Elle a eu des effets trĂšs positifs, Ă telpoint que certains Ă©lus de droite lâont dĂ©fenÂdue, notamment Jacques Chirac, aprĂšs sa rĂ©Ă©Â
lection, en 2002. Le thĂšme de sa campagneĂ©tait la lutte contre la fracture sociale et il aempĂȘchĂ© que des amendements de six sĂ©naÂteurs de droite vident lâarticle 55 de sa subsÂtance. En 2005, aprĂšs des Ă©meutes en banÂlieue, et alors que des Ă©lus UMP le pressaient dâassouplir le dispositif, Jacques Chirac a opÂposĂ© une fin de nonÂrecevoir et rĂ©clamĂ© uneapplication sans rĂ©serves de la loi. »
POLITIQUE DU CHIFFREDe multiples tentatives, en 2006 et 2007, debattre en brĂšche la loi SRU en modifiant cerÂtains paramĂštres, comme mutualiser lâobÂjectif des 20 % Ă lâĂ©chelle intercommunale oucomptabiliser dans ces 20 % dâautres types de logements, par exemple en accession soÂciale Ă la propriĂ©tĂ©, Ă©chouent. Alors ĂągĂ© de 93 ans, lâabbĂ© Pierre vient en personne enfauteuil roulant, le 24 janvier 2006, Ă lâAsÂsemblĂ©e, puis le 30 mars, au SĂ©nat, lors de lâexamen de la loi Borloo sur le logement, pour dĂ©fendre la loi SRU, en appelant au prĂ©Âsident de la RĂ©publique, Jacques Chirac.
En 2013, la ministre du logement du gouÂvernement Hollande, CĂ©cile Duflot, porte le
87 353 95 055
130 537 139 923
228 520
188 587
2002-2004
2005-2007
2008-2010
2011-2013
2014-2016
2017-2019
Artigues-prĂšs-Bordeaux (Gironde)
Follainville-Dennemont (Yvelines)
Orsay (Essonne)
Villiers-sur-Orge (Essonne)
Boussy-Saint-Antoine (Essonne)
Paris
Marnes-la-Coquette (Hauts-de-Seine)
La Rochette (Seine-et-Marne)
Cesson (Seine-et-Marne)
Progressiondepuis 2002en points
24
24
24
22
22
22
21
20
17
+ 21
+ 20
+ 19
+ 18
+ 16
+ 8
+ 16
+ 16
+ 15
12 communes carencées à chaque bilan depuis 2002Taux de logements sociaux en 2019, en %
Une forte progression de logements sociaux dans certaines communes Taux de logements sociaux en 2019, en %
Ormesson-sur-Marne (Val-de-Marne)
Saint-Jeannet (Alpes-Maritimes)
Peypin (Bouches-du-RhĂŽne)
Mimet (Bouches-du-RhĂŽne)
Eguilles (Bouches-du-RhĂŽne)
Sanary-sur-Mer (Var)
Pernes-les-Fontaines (Vaucluse)
Allauch (Bouches-du-RhĂŽne)
Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne)
Les Angles (Gard)
Villeneuve-lĂšs-Avignon (Gard)
2,28
2,653,56
4,56
4,754,94
5,72
6,3
6,398,81
9,249,97
RĂ©partition des communes dĂ©ïżœcitaires en 2017, selon leur niveau de construction de logementssociaux en 2019
1 035communes
157 communes,soit 15,2 %, ont entre20 % et 25 % de HLM
72, soit 7 %,ont moinsde 5 % de HLM
229,soit 22,1 %,ont entre 5 %et 10 % de HLM
295, soit 28,5 %,ont entre 10 % et 15 %de HLM
282,soit 27,2 %,
ont entre15 % et 25 %
de HLM
140
239221
269
221
280
2002-2004
2005-2007
2008-2010
2011-2013
2014-2016
2017-2019**
Une augmentation du nombre de communescarencĂ©es (communes dĂ©ïżœcitaires ayant eu unconstat de carence et des pĂ©nalitĂ©s aggravĂ©es),depuis 2002, par plans triennaux
* A partir de 2014, la loi Duïżœot de janvier 2013 a rehaussĂ© les objectifs de 20 % Ă 25 %de logements sociaux et a reportĂ© lâĂ©chĂ©ance de 2020 Ă 2025** Communes proposĂ©es Ă la carence, arbitrage en cours
Des objectifs non atteints pour prĂšs de la moitiĂ©des communes dĂ©ïżœcitaires (dont le pourcentagede logements sociaux est infĂ©rieur Ă ceux prĂ©vusdans la loi SRU), depuis 2002, par plans triennaux
869 975 logements sociaux construitsdans les communes dĂ©ïżœcitairesentre 2002 et 2019par plans triennaux
728 730
9771 152
1 022 1 035
Communes nâayant pas atteintleur objectif Ă lâissue du plan triennalCommunes ayant atteint leur objectif
2002-2004
2005-2007
2008-2010
2011-2013
2014-2016*
2017-2019
369 325
613
387
649550
Sources : ministÚre du logement, Fondation Abbé PierreInfographie Le Monde
Une loi efficace malgré des communes toujours récalcitrantes
ENTRE 2000 ET 2019, PRĂS DE
870 000 LOGEMENTS SOCIAUX ONT
ĂTĂ CONSTRUITS DANS LES
COMMUNES DITES DĂFICITAIRES
Des objectifs qui demeurent plus que jamais dâactualitĂ©Les besoins en logements sociaux sont accrus par lâexplosion des prix immobiliers et la paupĂ©risation des mĂ©nages modestes
A vec 870 000 logementsHLM construits entre2000 et 2019 dans des
communes qui en manquaient, soit la moitiĂ© de la production toÂtale, le bilan de la loi solidaritĂ© et renouvellement urbains (SRU) estflatteur. Une poignĂ©e dâĂ©lus y resÂtent encore idĂ©ologiquement rĂ©Âfractaires ou ont du mal, Ă causede la configuration de leur terriÂtoire, Ă atteindre leur quota : 301 communes comptent, fin 2019, moins de 10 % de HLM, loin des 20 % Ă atteindre cette annĂ©e etplus encore des 25 % en 2025. Les mĂ©canismes incitatif et coercitifde la loi sâinterromprontÂilsen 2025, avec lâextinction de la loi ?
« La loi SRU a Ă©tĂ© et est encoreutile et efficace, et il faut promouÂ
voir la mixitĂ© et le logement social, qui est un service public,plaide Emmanuelle Wargon, ministre du logement. On sâapÂproche de la falaise, en 2025 : enviÂsageons dĂšs maintenant la suiteet donnons de la visibilitĂ© aux Ă©lus, dâautant que lâon sent bien que certains dâentre eux jouent lamontre et comptent Ă©chapper Ă leurs obligations. » En juillet, la ministre a dâailleurs donnĂ© aux prĂ©fets des instructions de ferÂmetĂ© dans les constats decarence au terme du bilantriennal 2017Â2019. De grandesvilles comme NeuillyÂsurÂSeine, Cannes, Royan, Le VĂ©sinet, Montrouge ou Toulon sont dansle viseur des prĂ©fets, qui prenÂdront leur dĂ©cision fin dĂ©cembre.
Pour assurer une suite Ă la loiSRU, une nouvelle loi est donc nĂ©Âcessaire et le gouvernement a dâores et dĂ©jĂ introduit, dans leprojet de loi relatif au renforceÂment des principes rĂ©publicains,exÂprojet de loi de lutte contre les sĂ©paratismes, un amendement lâautorisant Ă lĂ©gifĂ©rer par ordonÂnance sur ce sujet.
« Pacte rĂ©publicain »« Ce nâest pas admissible que le Parlement soit privĂ© de dĂ©bat sur un sujet aussi essentiel, la mixitĂ© sociale, plaide EmmanuelleCosse, prĂ©sidente de lâUnion soÂciale pour lâhabitat, qui fĂ©dĂšre631 bailleurs sociaux. Nous deÂvons donc prolonger la loi et exaÂminer la situation des Ă©lus rĂ©fracÂ
taires qui bafouent le pacte rĂ©puÂblicain. Le prĂ©fet doit peutÂĂȘtre se substituer Ă eux pour la dĂ©livrancedes permis de construire. On pourÂrait aussi intĂ©grer un objectif de nombre de places dâhĂ©bergement dâurgence, pour un meilleur Ă©quiliÂbre sur le territoire. Enfin, lĂ oĂč lademande est trĂšs forte, en IleÂdeÂFrance, en ProvenceÂAlpesÂCĂŽte dâAzur, le taux de 25 % nâest peutÂĂȘtre pas suffisant. »
Selon Mme Wargon, il faut disÂtinguer les communes prochesde lâobjectif, dont la nouvelle loipourrait attĂ©nuer lâeffort Ă fourÂnir en fonction des circonstanceslocales. « Celles qui sont dans lamoyenne, auxquelles elle pourÂrait accorder un dĂ©lai de trois ousix ans, et les franchement carenÂ
cĂ©es, dĂ©taille la ministre. Il fautaussi prendre en compte les spĂ©ciÂficitĂ©s locales et sâautoriser Ă dĂ©Âpasser les 25 % : une ville commeMarseille, dont le parc de logeÂments en centreÂville, qui joue unrĂŽle social de fait, est insalubre, abesoin de plus. Bordeaux, Lyon, le
pays de Gex ou lâIleÂdeÂFrance, oĂčles loyers du parc privĂ© sont trois fois plus Ă©levĂ©s que ceux du puÂblic, Ă©galement. »
Mme Wargon a chargĂ© la comÂmission dâapplication de lâartiÂcle 55 de la loi SRU, prĂ©sidĂ©e parThierry Repentin, lâun de sesconcepteurs, de lui faire des proÂpositions prĂ©cises pour la miÂjanvier. « Le combat pour le logeÂment social doit se poursuivreplus que jamais, pour loger,dĂ©sormais, les 2 millions de deÂmandeurs en attente, indiqueM. Repentin. On peut revoir la cartographie, moduler les tauxselon les besoins et aider les bailleurs sociaux Ă sortir les proÂjets par des aides Ă la pierre. »
i.r.Âl.
LOGEMENT
« ON SENT BIEN QUE CERTAINS ĂLUS JOUENT LA MONTRE
ET COMPTENT ĂCHAPPER Ă LEURS OBLIGATIONS »
EMMANUELLE WARGONministre du logement
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 france | 17
seuil Ă 25 % pour les villes qui en ont besoin et recule lâĂ©chĂ©ance Ă 2025. Devant les faiblesrĂ©sultats obtenus, la loi Duflot durcit, au pasÂsage, les sanctions en laissant aux prĂ©fets la possibilitĂ© de quintupler les prĂ©lĂšvements fiÂnanciers des communes « carencĂ©es » en loÂgements sociaux, câestÂĂ Âdire celles qui, dĂ©fiÂcitaires par manque flagrant de volontĂ©, fontlâobjet de sanctions. Elle va mĂȘme plus loin en autorisant les prĂ©fets Ă se substituer aux maires pour prendre la compĂ©tence dâexerÂcer le droit de prĂ©emption voire dĂ©livrer des permis de construire, et instaure des obligaÂtions dites qualitatives parmi les logementssociaux crĂ©Ă©s, dont un minimum de 30 % detrĂšs sociaux et de 30 % dâintermĂ©diaires. « Cenâest vraiment quâĂ partir de 2012, quand les prĂ©fets ont fait preuve de fermetĂ© et que lâEtat a cessĂ© de se montrer faible face aux Ă©lus qui sâacharnaient contre cette loi, que la construcÂtion HLM a dĂ©collĂ© dans le millier de commuÂnes dĂ©ficitaires », se souvient Emmanuelle Cosse, prĂ©sidente de lâUnion sociale pourlâhabitat, ancienne ministre du logement de 2016 Ă 2017.
« La loi SRU nâest, aujourdâhui, plus contesÂtĂ©e dans lâHĂ©micycle, mais elle lâest sur le terÂrain, avec de multiples contournements perÂmettant Ă certains maires de satisfaire Ă lâobliÂgation chiffrĂ©e sans accueillir aucune faÂmille », regrette GrĂ©goire Fauconnier. Ici, lâon ne crĂ©e que du social haut de gamme, dit PLS,lĂ , on multiplie les logements Ă©tudiants ou les places en Ehpad, qui sont comptabilisĂ©s dans les 20 % Ă raison dâun logement par chambre ou par place. « Cela permet de fairedu chiffre et de loger une population un peu hors sol, sans enfant, peu demandeuse dâinÂfrastructures publiques ou sociales », remarÂque le gĂ©ographe.
AU PALMARĂS DES RĂCALCITRANTSDans les Yvelines, Ă VoisinsÂleÂBretonneuxet CroissyÂsurÂSeine, les chambres dâĂ©tuÂdiants, en Ehpad ou en foyer de jeunes actifsconstituent 95 % des nouveaux logements sociaux crĂ©Ă©s ; la ville dâOrsay (Essonne) a atteint son quota dĂšs 2006 en conventionÂnant, câestÂĂ Âdire en basculant dans le rĂ©Âgime HLM, ses 930 chambres universitaiÂres ; VillefrancheÂsurÂMer (AlpesÂMaritiÂmes) a fait bondir son taux de logements sociaux de 6 % Ă 18 % en multipliant leschambres en Ehpad et en conventionnantdes logements pour militaires.
Quelques maires se refusent toujours Ă construire « social » malgrĂ© les sanctions fiÂ
nanciĂšres, que certains se vantent de prĂ©fĂ©Ârer payer, voire en font un argument Ă©lectoÂral. Le maire de Mimet (BouchesÂduÂRhĂŽne),dont le parc HLM plafonne Ă 4,15 %, a mĂȘmefondĂ© une Association des villes carencĂ©es,qui compte une centaine de membres surles 269 communes dans ce cas, comptabiliÂsĂ©es en 2017. Selon la Fondation AbbĂ©ÂPierreet son palmarĂšs triennal des « communes rĂ©calcitrantes », publiĂ© le 8 dĂ©cembre, douzecommunes, dont trois en IleÂdeÂFrance et neuf en rĂ©gion ProvenceÂAlpesÂCĂŽte dâAzur et dans le Gard mitoyen, battent un recordde mauvaise volontĂ© en Ă©tant six fois desuite, tous les trois ans depuis 2002, « enconstat de carence », câestÂĂ Âdire sanctionÂnĂ©es pour de bon.
« Les logements HLM sont indĂ©niablementmieux rĂ©partis dans les agglomĂ©rations urbaines et cette loi a stimulĂ© leur construcÂtion lĂ oĂč ils manquaient, observe TristanÂPierre Maury, Ă©conomiste et coauteur delâĂ©tude « Vingt ans aprĂšs, la loi SRU produitune mixitĂ© de façade », publiĂ©e par lâinstitutdes hautes Ă©tudes pour lâaction dans lelogement. Mais le mouvement a Ă©tĂ© contraÂriĂ© par lâappauvrissement, dans la mĂȘme pĂ©riode, des locataires de ce parc social qui sespĂ©cialise peu Ă peu dans lâaccueil des pluspauvres. Les 20 % des mĂ©nages les plus richesse rassemblent plus que jamais dans leurs enÂclaves de prospĂ©ritĂ© et, lorsque la loi SRU apermis la construction de logements sociauxdans les quartiers chics, ils sont plutĂŽt occuÂpĂ©s par la frange la plus aisĂ©e des publicsĂ©ligibles Ă un HLM. »
La loi SRU aura en effet permis de fondreles HLM dans la ville et de modifier leurimage de grands ensembles inhumains oĂčrĂ©gnerait lâinsĂ©curitĂ©. Elle a poussĂ© les Ă©lus Ă crĂ©er des quartiers mixtes avec chacun sapart de logements sociaux, construits, dans60 % des cas, par le mĂȘme promoteur privĂ©que ceux en accession, dessinĂ©s par lemĂȘme architecte, proposant les mĂȘmes matĂ©riaux et prestations : « Les HLM ont gaÂgnĂ© la bataille architecturale, affirme GrĂ©Âgoire Fauconnier. Il y a certes encore des leÂvĂ©es de boucliers Ă lâannonce dâun proÂgramme comportant des HLM, mais, une foissortis de terre, ils sont acceptĂ©s, apprĂ©ciĂ©s mĂȘme puisque, avec lâexplosion des prix de lâimmobilier, ils permettent Ă des mĂ©nagesaux revenus modestes ou moyens de resterdans leur quartier », ce qui est le but originelde la loi SRU.
isabelle reyÂlefebvre
87 353 95 055
130 537 139 923
228 520
188 587
2002-2004
2005-2007
2008-2010
2011-2013
2014-2016
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Artigues-prĂšs-Bordeaux (Gironde)
Follainville-Dennemont (Yvelines)
Orsay (Essonne)
Villiers-sur-Orge (Essonne)
Boussy-Saint-Antoine (Essonne)
Paris
Marnes-la-Coquette (Hauts-de-Seine)
La Rochette (Seine-et-Marne)
Cesson (Seine-et-Marne)
Progressiondepuis 2002en points
24
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+ 15
12 communes carencées à chaque bilan depuis 2002Taux de logements sociaux en 2019, en %
Une forte progression de logements sociaux dans certaines communes Taux de logements sociaux en 2019, en %
Ormesson-sur-Marne (Val-de-Marne)
Saint-Jeannet (Alpes-Maritimes)
Peypin (Bouches-du-RhĂŽne)
Mimet (Bouches-du-RhĂŽne)
Eguilles (Bouches-du-RhĂŽne)
Sanary-sur-Mer (Var)
Pernes-les-Fontaines (Vaucluse)
Allauch (Bouches-du-RhĂŽne)
Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne)
Les Angles (Gard)
Villeneuve-lĂšs-Avignon (Gard)
2,28
2,653,56
4,56
4,754,94
5,72
6,3
6,398,81
9,249,97
RĂ©partition des communes dĂ©ïżœcitaires en 2017, selon leur niveau de construction de logementssociaux en 2019
1 035communes
157 communes,soit 15,2 %, ont entre20 % et 25 % de HLM
72, soit 7 %,ont moinsde 5 % de HLM
229,soit 22,1 %,ont entre 5 %et 10 % de HLM
295, soit 28,5 %,ont entre 10 % et 15 %de HLM
282,soit 27,2 %,
ont entre15 % et 25 %
de HLM
140
239221
269
221
280
2002-2004
2005-2007
2008-2010
2011-2013
2014-2016
2017-2019**
Une augmentation du nombre de communescarencĂ©es (communes dĂ©ïżœcitaires ayant eu unconstat de carence et des pĂ©nalitĂ©s aggravĂ©es),depuis 2002, par plans triennaux
* A partir de 2014, la loi Duïżœot de janvier 2013 a rehaussĂ© les objectifs de 20 % Ă 25 %de logements sociaux et a reportĂ© lâĂ©chĂ©ance de 2020 Ă 2025** Communes proposĂ©es Ă la carence, arbitrage en cours
Des objectifs non atteints pour prĂšs de la moitiĂ©des communes dĂ©ïżœcitaires (dont le pourcentagede logements sociaux est infĂ©rieur Ă ceux prĂ©vusdans la loi SRU), depuis 2002, par plans triennaux
869 975 logements sociaux construitsdans les communes dĂ©ïżœcitairesentre 2002 et 2019par plans triennaux
728 730
9771 152
1 022 1 035
Communes nâayant pas atteintleur objectif Ă lâissue du plan triennalCommunes ayant atteint leur objectif
2002-2004
2005-2007
2008-2010
2011-2013
2014-2016*
2017-2019
369 325
613
387
649550
Sources : ministÚre du logement, Fondation Abbé PierreInfographie Le Monde
Une loi efficace malgré des communes toujours récalcitrantes
LâĂ©mergence dâune justice supranationaleLâAssemblĂ©e nationale examine, mardi 8 dĂ©cembre, le projet de loi relatif au parquet europĂ©en
P our permettre au parqueteuropĂ©en de prendre sonenvol, la France sâapprĂȘte Ă
crĂ©er des magistrats dotĂ©s de superpouvoirs, rĂ©unissant les prĂ©rogatives des juges dâinstrucÂtion et des procureurs. Le projet de loi sur le parquet europĂ©en qui vient en discussion Ă lâAssemblĂ©e nationale mardi 8 dĂ©cembre doitdonner le top dĂ©part Ă cette instiÂtution supranationale en matiĂšre de justice pĂ©nale. Une vĂ©ritable rĂ©volution Ă laquelle seuls cinq pays de lâUnion europĂ©enne (DaÂnemark, Hongrie, Irlande, PoloÂgne, SuĂšde) ont choisi de ne pas participer pour le moment.
AdoptĂ© en premiĂšre lecture auSĂ©nat le 3 mars, dans lâindiffĂ©Ârence alors que le pays se focalisaitsur lâarrivĂ©e de lâĂ©pidĂ©mie de SARSÂCoVÂ2, ce texte adapte le droit français Ă ce parquet euroÂpĂ©en chargĂ© dâenquĂȘter sur les fraudes aux intĂ©rĂȘts financiers de lâUE et de poursuivre leurs auteursen justice. Il sâagit essentiellementde lutter contre les escroqueries aux subventions europĂ©ennes, esÂtimĂ©es Ă 3 milliards dâeuros par an,et les fraudes Ă la TVA intracomÂmunautaire, qui atteindraient quelque 50 milliards dâeuros.
Totale indĂ©pendanceIssue dâun douloureux comproÂmis lors du Conseil europĂ©en du 12 octobre 2017, lâarchitecture de cette institution est complexe,voire un peu lourde. Laura CoÂdruta Kövesi, Ă©gĂ©rie roumaine dela lutte anticorruption, choisie Ă lâĂ©tĂ© 2019 pour diriger ce parquet, sait quâelle devra faire la dĂ©monsÂtration de son efficacitĂ© en affiÂchant des rĂ©sultats concrets rapiÂdes. « Je souhaite que le parquet europĂ©en soit une institution rĂ©elÂlement indĂ©pendante, efficace et forte, une institution en laquelle lescitoyens auront confiance, un cenÂtre dâexcellence capable dâĆuvrer Ă la confiscation des avoirs dâorigine criminelle et au recouvrement des dommages et intĂ©rĂȘts », aÂtÂelle dĂ©clarĂ© le 4 novembre devant lacommission des affaires euroÂpĂ©ennes du SĂ©nat.
ConcrĂštement, le parquet basĂ© Ă Luxembourg est composĂ© dâuncollĂšge de 22 procureurs euroÂpĂ©ens, un par pays, dĂ©jĂ nommĂ©s.ExÂreprĂ©sentant de la France Ă Eurojust, lâunitĂ© de coopĂ©ration judiciaire de lâUE, le magistrat FrĂ©dĂ©ric Baab, qui a participĂ© aux nĂ©gociations prĂ©alables Ă lâaccord europĂ©en de 2017 en tant que conseiller diplomatique au cabiÂnet de Christiane Taubira Ă la jusÂtice, y a Ă©tĂ© nommĂ© par Paris. Cet organe dĂ©cidera, en totale indĂ©Âpendance Ă lâĂ©gard des instituÂtions communautaires commedes pays membres, des enquĂȘtes quâil souhaite lancer et des suites quâil compte leur donner.
Lâoption dâune procĂ©dure pĂ©nalepaneuropĂ©enne unique, un temps imaginĂ©e, nâa pas Ă©tĂ© retenue en raison de son manque de rĂ©alisme.Les enquĂȘtes se dĂ©rouleront donc dans chaque pays en fonction des lĂ©gislations locales, et les personÂnes poursuivies seront traduites
devant les juridictions nationales.Pour cette raison, le parquet euroÂpĂ©en comptera 140 procureurs europĂ©ens dĂ©lĂ©guĂ©s rĂ©partis dans chaque pays. La France en a prĂ©vu cinq, quâelle pourra nommer dĂšs lâactuel projet de loi promulguĂ©.
Ces magistrats dâun nouveaugenre seront installĂ©s au sein duParquet national financier Ă Paris,mais dotĂ©s dâun statut et de prĂ©roÂgatives totalement hors des canons français. Ils dirigeront lesenquĂȘtes, confiĂ©es aux servicesenquĂȘteurs français, avec des pouvoirs Ă©quivalents Ă ceux des juges dâinstruction. Ils auront le pouvoir de mettre une personneen examen et pourront, sous le contrĂŽle du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, ordonner une perquisition, demander un placeÂment en dĂ©tention provisoire ou sous bracelet Ă©lectronique.
Ce sont ces mĂȘmes procureurseuropĂ©ens dĂ©lĂ©guĂ©s, payĂ©s par lâUE, qui porteront lâaccusation devant les tribunaux français et feront les rĂ©quisitions Ă lâaudience. Le projet de loi soumis au Parlement leur crĂ©e ainsi unstatut ad hoc. Contrairement auxautres magistrats du parquet, ils nâauront aucun compte Ă rendre au procureur de la RĂ©publique ni au procureur gĂ©nĂ©ral. Ils seront nantis dâune indĂ©pendance dontrĂȘvent leurs homologues français.
Faisant partie du parquet euroÂpĂ©en, ces procureurs dĂ©lĂ©guĂ©s pourront directement solliciter leurs homologues Ă Rome, Vienne ou Berlin sans passer parles canaux habituels de la coopĂ©Âration judiciaire, tel Eurojust, pour mener des investigations, auditions ou interpellations. De quoi faciliter encore des enquĂȘtessouvent transnationales.
ProcĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©eLors du dĂ©bat en commission des lois, mardi 24 novembre, seul le groupe La France insoumise a faitpart de son hostilitĂ© Ă ce projet, y voyant « un abandon de souveraiÂnetĂ© ». Mais les inquiĂ©tudes lesplus rĂ©pandues Ă droite et Ă gauche portent sur le risque de voir se dessiner derriĂšre lâarrivĂ©e de ces procureurs dotĂ©s de superÂpouvoirs et de garanties dâindĂ©Âpendance inĂ©galĂ©es la mort du juge dâinstruction Ă la française. Eric DupondÂMoretti a cherchĂ© Ă rassurer. MĂȘme sâil estime lĂ©giÂtime certaines interrogations sur le juge dâinstruction, le ministrede la justice a rĂ©pĂ©tĂ© que le projet de loi « doit ĂȘtre pris pour ce quâilest, une adaptation de la procĂ©Âdure Ă la crĂ©ation du parquet euroÂpĂ©en, rien de plus, rien de moins ».
Le gouvernement a dĂ©clarĂ© laprocĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e pour lâexaÂmen de ce texte qui pourrait ĂȘtre soumis Ă une commission mixte paritaire entre sĂ©nateurs et dĂ©puÂtĂ©s avant la miÂdĂ©cembre, pourun vote dĂ©finitif dans la foulĂ©e. LaCommission europĂ©enne a appelĂ© mercredi 2 dĂ©cembre lesEtats membres Ă nommer rapideÂment leurs procureurs dĂ©lĂ©guĂ©spour permettre au parquet euroÂpĂ©en de dĂ©marrer ses travaux au 1er mars 2021. Ils devaient initialeÂment dĂ©buter fin 2020.
Sans rapport avec son sujetpremier, ce projet de loi comÂprend un important chapitre conÂsacrĂ© Ă la lutte contre les atteintes Ă lâenvironnement. Ces procĂ©duÂres souvent trĂšs techniques, tant au pĂ©nal quâau civil, pourront ĂȘtre regroupĂ©es au sein dâun seul triÂbunal judiciaire par cour dâappel. La justice transactionnelle pourra ĂȘtre Ă©tendue Ă la dĂ©linquance environnementale avec le recoursĂ la convention judiciaire dâintĂ©rĂȘtpublic. En Ă©change de lâabandon des poursuites pĂ©nales, lâentreÂprise devra sâacquitter dâune amende pouvant aller jusquâĂ 30 % de son chiffre dâaffaires et rĂ©parer dans un dĂ©lai maximal de trois ans le prĂ©judice Ă©cologiquecommis. Le projet de loi organisepar ailleurs lâĂ©mergence dâune poÂlice judiciaire de lâenvironnement,en donnant des compĂ©tences dâofÂficier de police judiciaire aux insÂpecteurs de lâenvironnement.
jeanÂbaptiste jacquin
JUSTICEBitcoins : Alexander Vinnik condamnĂ© pour blanchimentLa 13e chambre correctionnelle du tribunal de Paris a condamnĂ© Alexander Vinnik, lundi 7 dĂ©cembre, Ă cinq ans de prison et 100 000 euros dâamende, pour « blanchiment en bande organisĂ©e ». Il a Ă©tĂ© maintenu en dĂ©tention. SoupçonnĂ© dâĂȘtre au cĆur dâun
vaste systĂšme dâescroquerie aux bitcoins, le Russe de 41 ans a par ailleurs Ă©tĂ© relaxĂ© quant aux attaques liĂ©es au logiciel malveillant Locky, qui a fait prĂšs de 200 victimes en France.
Trois ans dâinĂ©ligibilitĂ©et prison avec sursis pour la maire dâAix-en-ProvenceLa maire (Les RĂ©publicains) dâAixÂenÂProvence Maryse JoisÂsainsÂMasini a Ă©tĂ© condamnĂ©e
en appel, lundi 7 dĂ©cembre, Ă huit mois de prison avec sursis et trois ans dâinĂ©ligibilitĂ© pour « prise illĂ©gale dâintĂ©rĂȘts et dĂ©Âtournement », une peine supĂ©Ârieure Ă la premiĂšre prononcĂ©e par cette mĂȘme cour dâappel. « IndignĂ©e », la maire dâAixÂenÂProvence depuis dixÂneuf ans va se pourvoir en cassation, a annoncĂ© son avocat. LâĂ©lue reste donc maire et viceÂprĂ©siÂdente de la mĂ©tropole. â (AFP.)
Ces magistratsdâun nouveau genre seront
installés au seindu Parquet
national financierĂ Paris
Un amendement crĂ©e un recours contre les conditions de dĂ©tention indignesIl a fallu une condamnationhistorique de la France par la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme le 30 janvier, un arrĂȘt de la Cour de cassation du 8 juillet faisant date et une censure du Conseil constitutionnel du 2 octo-bre pour que le lĂ©gislateur se prĂ©-occupe dâinscrire dans la loi un recours permettant aux dĂ©tenus de mettre fin Ă des conditionsde dĂ©tention portant atteinteĂ la dignitĂ© humaine. Câest par un amendement du gouvernement dĂ©posĂ© lundi, Ă la veille de lâexa-men en sĂ©ance du projet de loi sur le parquet europĂ©en, que ce nouveau droit est crĂ©Ă©. Une per-sonne en dĂ©tention provisoire (ou condamnĂ©e) pourra saisir le juge des libertĂ©s et de la dĂ©ten-tion (ou le juge de lâapplication des peines) pour faire constater ces conditions indignes. Lâadmi-nistration pĂ©nitentiaire aura alors un dĂ©lai pour y mettre fin, quitte Ă changer le dĂ©tenu de prison. A dĂ©faut, le juge pourra ordonner sa libĂ©ration, Ă©ventuellement sous la contrainte dâun bracelet Ă©lectronique si la personneest en dĂ©tention provisoire, ou un amĂ©nagement de peinesi elle est condamnĂ©e et Ă©ligible Ă la mesure.
18 | ĂCONOMIE & ENTREPRISE MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
Les cols blancs de lâaĂ©ronautique ont le bluesEn Occitanie, prĂšs de 5 000 postes de consultant en ingĂ©nierie de la filiĂšre en crise pourraient disparaĂźtre
toulouse  correspondance
J e vais ĂȘtre honnĂȘte, ne rienvous cacher : je suis soustraitement mĂ©dical », dĂ©Âclare, aprĂšs quelques insÂtants dâhĂ©sitation dâune
voix chevrotante StĂ©phane â sonprĂ©nom a Ă©tĂ© modifiĂ© Ă sa deÂmande. Ce salariĂ© dâAkka TechnoÂlogies Ă Blagnac (HauteÂGaronne),en banlieue toulousaine, se dĂ©Âfend dâĂȘtre en dĂ©pression, bien que le moral soit au plus bas.
Au mois dâoctobre, au dĂ©tourdâune conversation informelle,son manageur lâencourage Ă parÂtir de lâentreprise aprĂšs plus de dix ans de bons et loyaux serviÂces. « On mâa fait comprendre, Ă la limite de la boutade, quâune rupÂture conventionnelle pouvait ĂȘtre envisagĂ©e, raconte cet employĂ© dâun service support. JâĂ©tais choÂquĂ©, mais je nâai pas montrĂ© mon Ă©tonnement. Une fois les talonstournĂ©s, cela mâa fait mal. Il mâa fallu trois Ă quatre jours pour digĂ©Ârer la nouvelle. »
NĂ©anmoins, ce cadre ne donnepas suite Ă cette proposition et garde le silence. Mais le cĆur nây est plus. Alors que, durant le preÂmier confinement, il exĂ©cute lestĂąches sans relĂąche pour « ĂȘtre effiÂcace » et « sauver la boĂźte », la motiÂvation fait dĂ©sormais dĂ©faut. « Je fais tourner la boutique mais je nâaiplus dâobjectif », ditÂil en soufflant, dĂ©sabusĂ©. Pour aggraver son malÂĂȘtre, ce salariĂ© ne dispose plus dâun bureau au sein de sa sociĂ©tĂ©. A sa disposition un casier, dans leÂquel il peut dĂ©poser ses effets perÂsonnels et un ordinateur portable.
« Licenciements sauvages »Comme StĂ©phane, ils sont des milÂliers Ă ĂȘtre sur la sellette. Car, pour amortir le choc de la crise Ă©conoÂmique, la direction de ce sousÂtraiÂtant ne voile pas ses intentions. La sociĂ©tĂ© dâingĂ©nierie, qui fait face Ă une baisse dâactivitĂ© de 38 % sur lâannĂ©e 2020, envisage de tailler dans les effectifs de sa branÂche aĂ©ronautique « si la reprise ne se matĂ©rialise pas », indiqueÂtÂellesur son site Internet. Ses bureaux de Blagnac, qui comptent 2 200 personnes, sont trĂšs dĂ©penÂdants dâAirbus et des Ă©quipemenÂtiers de rang 1. Ils pourraient se sĂ©Âparer de 1 150 postes.
Depuis le 5 novembre, des rĂ©uÂnions de consultation autour de lâactivitĂ© partielle de longue durĂ©e (APLD) sont lâĂ©picentre desdiscussions. La CGT craint quâun plan de sauvegarde de lâemploi(PSE) se dessine en bout de piste.« Il faut utiliser les moyens exisÂtants, comme les dĂ©parts volontaiÂres Ă la retraite, pour redonner de lâespoir aux salariĂ©s, qui sont
dĂ©couragĂ©s », martĂšle Franck LaÂborderie, son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral.
Berceau de lâaĂ©ronautique, lâOcÂcitanie comptait, en 2019, 1 100 enÂtreprises de toutes tailles et 110 000 emplois. Avec la crise liĂ©e Ă la pandĂ©mie de CovidÂ19, les comÂpagnies ont garĂ© leurs avions et cessĂ© toute rĂ©ception de nouÂveaux engins, fragilisant Airbus. Dans le sillage de lâavionneur, toute une filiĂšre accuse le coup. Car, si le donneur dâordre coupe dans ses effectifs, il rĂ©duit aussi sesdĂ©penses dâingĂ©nierie.
« Avant la crise, les entreprisesdâingĂ©nierie rencontraient des difficultĂ©s Ă attirer tous les ans6 000 Ă 10 000 personnes, assure Pierre Verzat, prĂ©sident de SynÂtecÂIngĂ©nierie, fĂ©dĂ©ration proÂfessionnelle qui regroupe400 entreprises. MalheureuseÂment, 20 000 emplois sont menaÂcĂ©s en France, dont 5 000 Ă TouÂlouse. Tout un tissu de sousÂtraiÂtants de rang 2, pour lâinstant sousapnĂ©e avec les prĂȘts garantis par lâEtat [PGE], va dĂ©poser le bilan. »
Outre Akka, Expleo, Altran ouAlten sont dans la tourmente. Ce dernier groupe a vu son chiffre dâaffaires reculer de plus de 18 %
au troisiĂšme trimestre, selon lâAgefiÂDow Jones. Et selon la CGT, il procĂ©derait Ă des « licencieÂments sauvages » parmi ses Ă©quiÂpes toulousaines. Selon François Michaud, le dĂ©lĂ©guĂ© syndical, « 321 personnes ont quittĂ© la sociĂ©tĂ©entre la fin avril et le 31 juillet ».
Câest le cas de Marie. En « interÂcontrat », comprendre sans misÂsion, depuis la fin du mois de mai,la jeune consultante de 25 ans areçu une lettre de licenciementpour faute grave dĂ©but juillet,avec effet immĂ©diat. « Je nâai jaÂ
mais reçu de convocation pour un entretien prĂ©alable, souligne laconsultante, qui explique que la direction lui reproche son incomÂpĂ©tence. Câest violent. Jâai dĂ» mâasÂseoir pour encaisser. Avec le recul, je sais que je fais partie du lot etque je nâai rien Ă me reprocher. »
Ce scĂ©nario se rĂ©pĂšte pour Jeanet Pierre, deux prĂ©noms dâemÂprunt. Le premier dĂ©cide de refuÂser deux missions proposĂ©es quâilestime sousÂqualifiĂ©es. « Elles necorrespondaient pas Ă mes attenÂtes », argumente ce jeune consulÂtant qui vit toujours chez ses paÂrents, au sud de Toulouse. Le couÂperet tombe au mois dâaoĂ»t, il est poussĂ© vers la sortie.
Pierre, petite trentaine, « joue lejeu » du groupe et accepte de reÂjoindre un client du sousÂtraitant dans les BouchesÂduÂRhĂŽne, bien que cette dĂ©cision nâenchante pas ce pĂšre de famille toulousain qui attend un second enfant. MalgrĂ© son accord de principe, ce chef de projet en poste depuis 2016 pointe aujourdâhui Ă PĂŽle emploi.
Abasourdis et furieux, Marie,Jean et Pierre font le choix de « se rĂ©volter » contre le groupe, Ă©pauÂlĂ©s par la CGT. Avec une vingtaine
de consultants Ă©vincĂ©s dâAltendans des conditions similaires, ilsenvisagent de saisir le conseil des prudâhommes. « [Au prĂ©alaÂble] nous demandons Ă la direcÂtion de revoir la qualification de nos licenciements pour que lâonpuisse toucher nos indemnitĂ©s »,insiste Pierre, « amĂšrement déçu ». Une proposition qui deÂmeure sans rĂ©ponse, pour lâheure.
Chez Expleo, une autre sociĂ©tĂ©de conseil, lâincertitude plane sur un millier de postes. ValĂ©rie, lâunede ses employĂ©es, ne se dĂ©couÂrage cependant pas. MalgrĂ© lâarrĂȘtde sa mission fin octobre, cette inÂgĂ©nieure utilise son temps librepour amĂ©liorer son anglais. « Jeme fais conseiller pour envisagerdâautres possibilitĂ©s afin de rester dans le groupe », insisteÂtÂelle. Lâune des pistes envisagĂ©es est la formation aux mĂ©tiers du numĂ©Ârique. « Je ne suis pas inquiĂšte, jâai un bon CV », veutÂelle croire.
Pendant ce temps, son emÂployeur est entrĂ© en nĂ©gociation avec les organisations syndicales. Le 1er dĂ©cembre, les conclusions des tractations ont Ă©tĂ© transmisesĂ ses syndicats (CGT, CFTC et CFEÂCGC). Deux accords sont en atÂ
La pandĂ©mie cause lâannulation de lâĂ©dition 2021 du salon du BourgetAprĂšs avoir envisagĂ© de reporter la manifestation Ă dâautres dates, les organisateurs ont finalement jetĂ© lâĂ©ponge
U ne de plus ! Sans surprise,les organisateurs ont anÂnoncĂ©, lundi 7 dĂ©cembre,
lâannulation de la 54e Ă©dition du Salon international de lâaĂ©ronautiÂque et de lâespace (SIAE), qui devait avoir lieu au Bourget (SeineÂSaintÂDenis) du 21 au 27 juin 2021. Cette fois encore, câest la pandĂ©mie qui aura eu raison de la plus imporÂtante manifestation internatioÂnale consacrĂ©e Ă lâaĂ©ronautique. LâĂ©pidĂ©mie de CovidÂ19 avait dĂ©jĂ conduit les organisateurs du salonde Farnborough, le pendant briÂtannique, chaque annĂ©e paire, du Bourget, Ă renoncer Ă leur maniÂfestation prĂ©vue en juillet 2020.
Avant de jeter lâĂ©ponge, les orgaÂnisateurs du Bourget ont, selon nos informations, envisagĂ© dâauÂ
tres hypothĂšses. Ils ont dâabord tentĂ© de reporter la manifestation en septembre. Une solution abanÂdonnĂ©e notamment en raison dâun calendrier trop chargĂ© et de laconcurrence du salon des intĂ©Ârieurs dâavions, prĂ©vu au mĂȘme moment Ă Hambourg (AllemaÂgne). Le conseil dâadministration du SIAE a aussi testĂ© lâidĂ©e de dĂ©caÂler le Bourget dâun an. Une idĂ©e Ă©cartĂ©e car, en juillet 2022, devrait se tenir le salon de Farnborough dans la banlieue de Londres.
Enfin, les organisateurs ont aussitestĂ©, un temps, un projet de « Bourget dĂ©gradĂ© », croit savoir unĂ©quipementier de premier plan. Un salon sans les chalets des grands noms de lâaĂ©ronautique, et surtout sans les journĂ©es « grand
public ». Une hypothĂšse qui aura fait long feu. Face aux incertitudes sur lâĂ©volution de la pandĂ©mie, les organisateurs nâont pas souhaitĂ© prendre le risque de faire venir, comme lors de lâĂ©dition 2019, 140 000 professionnels et plus de 177 000 visiteurs grand public.
ConsidĂ©rations « morales »Lâannulation du Bourget ne deÂvrait rien changer au dynamisme commercial des acteurs de lâaĂ©roÂnautique. « Un salon, ce nâest pas un endroit ou lâon vend mais un lieu de relations publiques », fait savoir un grand Ă©quipementier du secteur. Pourtant, Airbus etBoeing adorent sây dĂ©fier Ă grand renfort dâannonces de commanÂdes gĂ©antes dâavions. « Le Bourget,
câest le moment ou lâon a lâopportuÂnitĂ© de voir pendant cinq jours tous les gens qui comptent dans lâaĂ©ronautique », pointe le mĂȘmeĂ©quipementier. « Câest un rendezÂvous important car tout le monde est lĂ au mĂȘme endroit, au mĂȘme moment », surenchĂ©rit Airbus.
Selon lâun des plus importantssousÂtraitants, lâannulation du Bourget serait aussi liĂ©e Ă des considĂ©rations « morales ». A lâen croire, il y aurait eu une certaine indĂ©cence Ă laisser les Airbus, Safran et consorts tenir salon alorsque « beaucoup dâentreprises du secteur ont signĂ© des accords dâacÂtivitĂ© partielle de longue durĂ©e ». Du chĂŽmage partiel financĂ© en grande partie par lâEtat, complĂ©tĂ© par des coupes claires dans les efÂ
fectifs des compagnies aĂ©riennes ou chez les sousÂtraitants. Pour les fleurons de lâaĂ©ronautique, la facÂture dâun Bourget peut ĂȘtre lourde.Dâenviron 5 millions dâeuros pour Safran jusquâĂ 15 millions dâeuros pour Airbus ou Boeing.
Pour ses organisateurs, lâĂ©dition2023 du Bourget devrait ĂȘtre celle « du renouveau » de lâaĂ©ronautiÂque. Selon les derniĂšres prĂ©viÂsions, lâactivitĂ© du secteur devrait reprendre progressivement au cours des trois prochaines annĂ©es.Câest le segment du court et du moyenÂcourrier qui devrait reparÂtir le premier, dâici fin 2021 ou dĂ©Âbut 2022. Un an plus tard, fin 2022 ou dĂ©but 2023, le trafic rĂ©gional deÂvrait ĂȘtre de retour, avant que lâacÂtivitĂ© longÂcourrier ne reprenne
ses droits avec douze mois de dĂ©Âcalage supplĂ©mentaire.
Un optimisme que justifie noÂtamment le feu vert reçu de la partdes autoritĂ©s amĂ©ricaines pour le 737 MAX de Boeing, immobilisĂ© depuis mars 2019. Lâappareil pourra revoler dâici Ă la fin de lâanÂnĂ©e aux EtatsÂUnis. Une autorisaÂtion qui a dĂ©jĂ relancĂ© les comÂmandes. La compagnie irlanÂdaise Ryanair vient de passer comÂmande de 75 exemplaires du moyenÂcourrier. Les passagers ont, sembleÂtÂil, aussi hĂąte de reÂprendre lâavion. Les rĂ©servations ont Ă©tĂ© multipliĂ©es par quatre deÂpuis lâannonce par Emmanuel MaÂcron, dâun possible dĂ©confineÂment Ă partir du 15 dĂ©cembre.
guy dutheil
Le site dâAkka Technologies, Ă Blagnac (HauteÂGaronne), le 6 novembre.DENISE ROSSANO/MAXPPP
« Tout un tissude sous-traitants
de rang 2, pourlâinstant sous apnĂ©e avec
les prĂȘts garantispar lâEtat, va
déposer le bilan »PIERRE VERZAT
président de Syntec-Ingénierie
tente de signature, le premier sur un plan de sauvegarde de lâemploiet le second sur lâactivitĂ© partielle de longue durĂ©eâŠ
Altran a pour sa part optĂ© pourune autre stratĂ©gie. Le groupe veut transfĂ©rer 2 000 consultants aĂ©ronautiques de son site de BlaÂgnac vers une structure juridiÂquement indĂ©pendante, baptisĂ©e « Toulouse Engineering Center » (TEC). A cette rĂ©organisation sâajoute un accord de perforÂmance collective (qui prĂ©voit des baisses de salaire) pour ces mĂȘÂmes salariĂ©s. Selon la CGT, les disÂcussions autour de ce dispositifsont pour lâinstant suspendues.
Alors que lâEtat et la rĂ©gion ontdĂ©bloquĂ© quelque 15 milliards dâeuros de fonds pour soutenir toute la filiĂšre, les entreprises de conseil ne voient rien venir. « Ces plans sont tournĂ©s vers les avionÂneurs et les entreprises de rang 1qui disposent de bureaux dâĂ©tudes en interne », regrette Pierre Verzat.« Cet argent ne ruisselle pas natuÂrellement vers les autres. On se doitdâaller chercher des financements au niveau europĂ©en », prĂ©conise leprĂ©sident du SyntecÂIngĂ©nierie.
audrey sommazi
Aujourdâhui plus que jamais,il est essentiel de travailler tousensemble face au COVID-19Facebook collabore avec prĂšs de 100 gouvernements et organismes Ă travers le monde, comme lâOrganisation mondiale de la SantĂ© ou le CentreeuropĂ©en de prĂ©vention et de contrĂŽle des maladies, pour partager desinformations fiables sur le COVID-19 Ă travers nos plateformes. Ensemble,nous dĂ©veloppons des ressources qui offrent Ă tous des informationsprĂ©cises en temps rĂ©el, pour mieux lutter contre la pandĂ©mie.
âą En Espagne, la Banque mondiale utilise les cartes de prĂ©vention desmaladies de Facebook pour planifier les besoins de tests COVID-19 etde lits dâhĂŽpitaux.
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20 | Ă©conomie & entreprise MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
Quarante ans dâun lent dĂ©clin europĂ©enSources : FMI, Eurostat, Rexecode, IĂ©seg, ONU, WIL, NatixisInfographie : Le Monde
La zone euro pÚse de moins en moinslourd dans le PIB mondialLa zone euro pÚse de moins en moinslourd dans le PIB mondialEvolution de la part dans le PIB mondial en volume, en dollars, en parité de pouvoir d'achat
La richesse par habitant progresse un peu moins vite en Europe La richesse par habitant progresse un peu moins vite en Europe
La productivitĂ© par tĂȘte y est moins forteLa productivitĂ© par tĂȘte y est moins forte
LâEurope est pĂ©nalisĂ©e par un chĂŽmage plus Ă©levĂ© dans le SudLâEurope est pĂ©nalisĂ©e par un chĂŽmage plus Ă©levĂ© dans le Sud
La population du Vieux Continent stagneLa population du Vieux Continent stagne Mais lâEurope reste moins inĂ©galitaire que les Etats-UnisMais lâEurope reste moins inĂ©galitaire que les Etats-Unis
Evolution de la productivitĂ© par tĂȘte,en milliers de dollars
Taux de chĂŽmage mensuel, en %,octobre 2020
Evolution de la population depuis les annĂ©es 1980 jusquâen 2050 (projections de lâONU), en millions Evolution de la part du revenu national dĂ©tenue par Evolution du PIB par habitant en milliers de dollars constants,
paritĂ© de pouvoir dâachat
1980 2000 2020
Chine
18,5
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Etats-Unis
Etats-UnisZone euro
Zone euro
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25
1 % les plus riches 50 % les plus pauvres
Taux de croissance annuelle moyenne entre 2008 et 2019 (PIB réel)
La croissance est moins dynamique quâaux Etats-UnisLa croissance est moins dynamique quâaux Etats-Unis
1,85
1,261,21
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â 0,26
0
Italie
Etats-Unis
Royaume-UniAllemagne
Union européenneFrance
Espagne
0,82 Zone euro
70
60
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40
30
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0
1980 2000 2020 1960 2019
Chine16,3
Espagne36,1Italie37,9
France43
Allemagne50,7
Etats-Unis59,6
61224.3 17571.5 52835.2 45469.9 39930.6 38632.1
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0
78,4
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GrĂšce
Espagne
Italie
France
UE 28
Portugal
Etats-Unis
Allemagne 4,5
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7,6
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9,8
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17
Chine
Etats-Unis
1 402
710
379
Europe
1 500
1 200
900
600
300
0
1980 2025 2050Corée du Sud
Japon
Allemagne
Etats-Unis
France
Chine
UE 28
Italie
Espagne 1,3
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2,1
2,2
2,8
3,1
3,3
4,5
2,1
LâAsie et les Etats-Unis investissent plus dans la rechercheLâAsie et les Etats-Unis investissent plus dans la recherche
Dépenses de recherche et développementen % du PIB, en 2018
9
5
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9
5
13
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21
12,5
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1980 1995 2010 2017
1980 1995 2010 2017
EuropeEurope
Etats-UnisEtats-Unis
C O N J O N C T U R E
En Chine, la page du CovidÂ19 est dâores et dĂ©jĂ tournĂ©eAu contraire des EtatsÂUnis ou des grandes Ă©conomies dâEurope, le pays Ă©vitera la rĂ©cession en 2020
pékin  correspondant
Q uel symbole privilĂ©gier ?Lâintroduction en Bourse,Ă Hongkong, de la diviÂsion santĂ© du gĂ©ant du
commerce en ligne JD. com, mardi8 dĂ©cembre, une opĂ©ration qui deÂvrait rapporter 3,5 milliards de dolÂlars et illustrer lâopportunitĂ© que lacrise due au CovidÂ19 reprĂ©sente pour la tech chinoise ? Lâannonce par PĂ©kin, vendredi 4 dĂ©cembre, dâun nouveau record dans la viÂtesse de calcul offerte par lâinforÂmatique quantique ?
Jiuzhang, câest le nom de lâordiÂnateur, peut, paraĂźtÂil, calculer en deux cents secondes une opĂ©raÂtion qui aurait pris six cents milÂlions dâannĂ©es Ă un superordinaÂteur « classique ». Le retour sur Terre, ce weekÂend, de la mission Changâe 5, qui a permis Ă la Chine de planter le drapeau rouge aux cinq Ă©toiles jaunes sur la Lune ? Ouencore le raccordement au rĂ©seau Ă©lectrique, le 27 novembre, de Hualong One, le premier rĂ©acteur
chinois nuclĂ©aire de troisiĂšme gĂ©ÂnĂ©ration Ă eau pressurisĂ©e, marÂquant, selon son constructeur, CNNC, « la fin du monopole Ă©tranÂger sur le nuclĂ©aire » ?
En cette fin dâannĂ©e 2020, laChine multiplie les annonces spectaculaires : de lâĂ©radication de la pauvretĂ© en zone rurale Ă la conÂquĂȘte spatiale, en passant par le lancement de la premiĂšre monÂnaie digitale nationale. Autant dâinitiatives destinĂ©es Ă montrer « la supĂ©rioritĂ© du systĂšme sociaÂliste aux caractĂ©ristiques chinoiÂ
ses », mais qui indiquent quâun an aprĂšs lâapparition du CovidÂ19 le pays est clairement dans une phase « postÂĂ©pidĂ©mie », alors que lâOccident nâen voit pas la fin.
AprĂšs 4,9 % â en rythme annuel âau troisiĂšme trimestre, la Chine devrait afficher une croissance suÂpĂ©rieure Ă 5 % au quatriĂšme triÂmestre, lui permettant de rĂ©aliser sur lâannĂ©e une croissance comÂprise entre 2 % et 2,5 %. Nettement moins que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes,mais bien plus que les 19 autres membres du G20 qui pourraient, tous, connaĂźtre une rĂ©cession cette annĂ©e. Certains Ă©conomistes prĂ©voient mĂȘme une croissance chinoise de 8 % Ă 9 % en 2021. Un vrai feu dâartifice.
Contrairement Ă ce que lâonpourrait penser, cette situation nâest pas due aux consommateurschinois qui se seraient remis Ă dĂ©Âpenser alors que dans le reste du monde les populations confinĂ©es Ă©pargneraient. Tout se passe comme si la Chine sâĂ©tait substiÂtuĂ©e aux industriels occidentaux
handicapĂ©s par le confinement pour leur ravir des parts de marÂchĂ©. Selon les chiffres publiĂ©s lundi 7 dĂ©cembre, les exportaÂtions chinoises ont bondi en noÂvembre de 21,1 % par rapport Ă noÂvembre 2019. Une progression bien supĂ©rieure aux 12 % prĂ©vus par les spĂ©cialistes. Cela fait mainÂtenant six mois que les exportaÂtions sont reparties de plus belle.
Soutien Ă la demandeJamais depuis dix ans lâindex Caixin reflĂ©tant lâactivitĂ© manuÂfacturiĂšre nâa Ă©tĂ© aussi Ă©levĂ©. Les Occidentaux veulent se protĂ©gercontre le virus ? Ils achĂštent des masques made in China. Ils sâenÂnuient chez eux et achĂštent le derÂnier gadget Ă©lectronique Ă la mode ? LĂ aussi, câest du « made in China ». En revanche, les importaÂtions chinoises nâont augmentĂ© que de 4,5 %. Câest le troisiĂšme mois dâaffilĂ©e quâelles progresÂsent, mais Ă un rythme moindre que prĂ©vu et surtout bien infĂ©Ârieur Ă celui des exportations. Au
point que les ports chinois manÂquent de conteneurs. DĂ©sespĂ©rĂ©Âment vides, ceuxÂci attendent leclient Ă NewÂYork, Rotterdam ou Sydney. Logiquement, lâexcĂ©dent commercial chinois bondit pour atteindre 75,42 milliards de dollarsen novembre, en hausse de 102,9 % sur un an. Manifestement,la guerre tarifaire lancĂ©e par le prĂ©Âsident amĂ©ricain Donald Trump contre la Chine a fait long feu.
Puisque le consommateur chiÂnois continue de se montrer pruÂdent â Ă lâexception des plus riches qui nâont pas vu leur pouvoir dâachat sâeffondrer en dĂ©but dâanÂnĂ©e â lâEtat poursuit sa politique desoutien Ă la demande. Vendredi a Ă©tĂ© annoncĂ©e la construction dansles cinq ans de 10 000 km de voies ferrĂ©es supplĂ©mentaires pour mieux connecter les agglomĂ©raÂtions dans trois rĂ©gions : autour dePĂ©kin, autour de ShanghaĂŻ et, dansle sud, autour de Canton et ShenÂzhen. Objectif : « encourager le dĂ©Âveloppement coordonnĂ© des trois rĂ©gionsÂclĂ©s, booster la connectivitĂ©
et alimenter la croissance Ă©conomiÂque », explique le trĂšs officiel ChinaDaily. CeluiÂci ne prĂ©cise pas le montant de la facture.
Alors que les finances publiqueschinoises constituent une Ă©nigmequâaucun ordinateur quantique nâa encore rĂ©ussi Ă rĂ©soudre, lesautoritĂ©s semblent sur le quiÂvive. Jeudi 3 dĂ©cembre, la Banque cenÂtrale de Chine et la commission derĂ©gulation de la banque et de lâasÂsurance ont publiĂ© les critĂšres pruÂdentiels que doivent respecter les plus grandes banques du pays, ces institutions considĂ©rĂ©es comme trop importantes pour quâune faillite soit envisageable.
Selon les experts, les critĂšres reÂtenus engloberaient dĂ©sormais 20 banques et non plus 13 comme prĂ©cĂ©demment. Une façon pourPĂ©kin de contrĂŽler plus Ă©troiteÂment des banques rĂ©gionales qui, jusquâici, passaient sous les raÂdars. Probable locomotive de la reÂprise mondiale en 2021, la Chine sedoit dâĂ©viter tout dĂ©raillement.
frédéric lemaßtre
« CâEST LA TROISIĂME CRISE MAJEURE POUR
LâEUROPE EN DIX ANS [APRĂS LA
CRISE FINANCIĂRE DE 2008 ET CELLE
DE LâEURO DE 2010Â2015] »
KLAAS KNOTgouverneur
de la Banque centrale des Pays-Bas
TOUT SE PASSE COMME SI LE PAYS SâĂTAIT SUBSTITUĂAUX INDUSTRIELS
OCCIDENTAUX HANDICAPĂS PAR LE CONFINEMENT
LâEUROPE QUI DĂCROCHE 1|5 Depuis les annĂ©es 1980, le poids Ă©conomique du Vieux Continent dans le monde diminue. La pandĂ©mie de CovidÂ19 pourrait accĂ©lĂ©rer le mouvementE conomiquement, lâEurope dĂ©Â
croche. Ce nâest pas une opiÂnion, mais un fait objectiveÂment mesurable. En 1981, lesEtatsÂUnis et les dixÂneuf paysqui constituent aujourdâhui la
zone euro pesaient 21 % de lâĂ©conomie monÂdiale chacun ; presque quarante ans plustard, leur part est passĂ©e respectivement Ă 16 % et 12 %. Pendant le mĂȘme temps, le poids de la Chine a bondi de 2 % Ă 18 %. Que lâempire du Milieu, avec 1,4 milliard dâhabiÂtants, soit passĂ© devant relĂšve largementdâun rattrapage logique. Le dĂ©clin europĂ©en, en revanche, a Ă©tĂ© bien plus rapide que celui des EtatsÂUnis.
Les Ă©conomistes sont presque unanimessur le constat. « Sur le diagnostic, il nây a pas photo », regrette Gilles MoĂ«c, Ă©conomiste en chef Ă Axa. « De 2008 Ă 2019, la croissance amĂ©ricaine a Ă©tĂ© de 1,85 % par an, celle de la zone euro de 0,82 %, environ deux foismoins », prĂ©cise Eric Dor, directeur de la reÂcherche Ă©conomique Ă lâĂ©cole de commerce IĂ©seg. Le dĂ©crochage, qui sâĂ©tait attĂ©nuĂ© dansles annĂ©es 2000, sâest accĂ©lĂ©rĂ© avec la crise de la zone euro Ă partir de 2010. « Ces quinze derniĂšres annĂ©es, lâEurope a peinĂ© Ă apporter la prospĂ©ritĂ© promise », rĂ©sume ClemensFuest, prĂ©sident de lâinstitut de conjoncture munichois IFO.
La pandĂ©mie risque dâaccentuer le phĂ©noÂmĂšne. En 2020, la rĂ©cession sera de 3,7 % aux
EtatsÂUnis, contre 7,5 % en zone euro, selonlâOrganisation de coopĂ©ration et de dĂ©velopÂpement Ă©conomiques (OCDE). Les AmĂ©riÂcains auront retrouvĂ© fin 2021 leur niveau Ă©conomique dâavant la pandĂ©mie de CoÂvidÂ19. Du cĂŽtĂ© europĂ©en, il faudra attendre presque un an de plus. « Câest la troisiĂšme crise majeure pour lâEurope en dix ans [aprĂšs la crise financiĂšre de 2008 et celle de lâeuro de 2010Â2015] », rappelle Klaas Knot, le gouÂverneur de la Banque centrale des PaysÂBas.
« UNE RĂPONSE COMMUNE FORTE, RAPIDE »Il faut, bien sĂ»r, moduler le constat : mesurĂ© en produit intĂ©rieur brut (PIB) par habitant, ledĂ©crochage europĂ©en demeure, mais il estmoins fort, et certains Etats, comme lâAllemaÂgne et les pays scandinaves, sâen tirent mieux.Par ailleurs, les inĂ©galitĂ©s aux EtatsÂUnis sont bien plus Ă©levĂ©es, et lâespĂ©rance de vie y baisse, preuve dâun profond malaise du moÂdĂšle amĂ©ricain. Comment expliquer, malgrĂ© tout, le dĂ©crochage europĂ©en ?
Le Monde a dĂ©cidĂ© de se pencher pendantune semaine sur le sujet, pour tenter dâen
analyser les causes profondes : dĂ©mograÂphie faiblissante, innovation en berne, dĂ©Âfauts de construction de la monnaie uniÂque, dĂ©sindustrialisationâŠ
Dresser ce constat aujourdâhui peut semÂbler paradoxal. Depuis le dĂ©but de la pandĂ©Âmie, la rĂ©action de lâUnion europĂ©enne (UE) a positivement surpris. En mars, la Banquecentrale europĂ©enne (BCE) a rĂ©agi vite et massivement, dĂ©bloquant un grand proÂgramme de rachat de dettes, permettant de conserver les taux dâintĂ©rĂȘt au plancher.Mieux encore, les VingtÂSept se sont mis dâaccord, en juillet, sur un plan de relancecommun de 750 milliards dâeuros.
Pour la premiĂšre fois de lâhistoire, les payseuropĂ©ens acceptent dâemprunter ensemÂble. Cette enveloppe comprend 390 milÂliards dâeuros de subventions, qui profiteÂront en premier lieu aux plus touchĂ©s par la pandĂ©mie, Espagne et Italie en tĂȘte (le restedoit ĂȘtre des emprunts). « LâEurope vient dâen faire plus en six mois que ces dix derniĂšres anÂnĂ©es, avec une rĂ©ponse commune forte et raÂpide, comportant un volet social », salue EnÂ
rico Letta, ancien prĂ©sident du conseil itaÂlien (2013Â2014) et doyen de lâEcole des affaires internationales de Sciences Po.
Les errements commis pendant la crise dela zone euro ne semblent pas avoir Ă©tĂ© reÂproduits. A lâĂ©poque, les pays europĂ©ens avaient, dĂšs 2011, instaurĂ© des politiques dâaustĂ©ritĂ© simultanĂ©es pour ramener detÂtes et dĂ©ficits vers les critĂšres de Maastricht (60 % et 3 % du PIB). CellesÂci ont stoppĂ© lafragile reprise et semĂ© le doute sur la soliÂditĂ© de lâeuro, attisant la spĂ©culation contre ses supposĂ©s maillons faibles : GrĂšce, Italie,Espagne et Portugal.
« POLITIQUE ĂCONOMIQUE SUBOPTIMALE »Mais les leçons en ontÂelles vraiment Ă©tĂ© tiÂrĂ©es ? « Les EuropĂ©ens sont en chemin pour reÂfaire les mĂȘmes erreurs quâil y a une dĂ©cennie, prĂ©vient Shahin VallĂ©e, membre du think tank DGAP, le Conseil allemand des relations extĂ©rieures. Notre relance nâest pas Ă la hauÂteur. Les montants annoncĂ©s paraissent colosÂsaux, mais, quand on regarde les sommes deprĂšs, on voit quâil y a beaucoup dâartifices. » Selon la sociĂ©tĂ© de services financiers suisse UBS, les diffĂ©rents plans de soutien Ă©conomiÂque au sein de lâUE atteignent 4,6 % du PIB, contre 10,7 % aux EtatsÂUnis.
MĂȘme le fameux plan de 750 milliardsdâeuros est moins spectaculaire quâil nây paÂraĂźt. Dâabord, ses modalitĂ©s dâapplicationsont encore en discussion, dans des nĂ©gociaÂ
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tions acrimonieuses Ă Bruxelles. Ensuite, mĂȘme si un accord est trouvĂ©, lâargent nâarriÂvera pas seulement courant 2021, et les verÂsements sâĂ©taleront sur plusieurs annĂ©es.Enfin, seuls les dons de 390 milliards dâeurosreprĂ©sentent un vrai changement. Pour lesemprunts, les pays peuvent dĂ©jĂ les faire par euxÂmĂȘmes, Ă des taux Ă peine moins bons que ceux dont bĂ©nĂ©ficie lâUE (0,6 % pour lâItalie, 0 % pour lâUE, par exemple).
En parallĂšle, les tenants de la disciplinebudgĂ©taire refont surface. En Allemagne, les discussions tournent dĂ©jĂ autour dâun reÂtour Ă lâĂ©quilibre dĂšs 2022, sâinquiĂšte M. ValÂlĂ©e. « Un retour dâune crise de la monnaie uniÂque nâest pas le plus probable, mais on se diÂrige encore une fois vers une politique Ă©conomique suboptimale. » M. Dor abonde dans le mĂȘme sens : « Ma crainte est quâon se remette Ă se battre comme des chiffonniers[entre EuropĂ©ens] une fois que lâurgence de lacrise sera passĂ©e. » Bref, le dĂ©crochage risque de continuerâŠ
Les ratĂ©s de la politique Ă©conomique euroÂpĂ©enne nâexpliquent cependant pas tout.« MĂȘme sans prendre en compte la crise liĂ©eau Covid, la croissance potentielle tourneautour de 2 % aux EtatsÂUnis, contre 1 % enmoyenne en Europe », dĂ©taille Patrick Artus, Ă©conomiste en chef de Natixis. Pour faire simple, celleÂci dĂ©pend de trois grands facÂteurs : la quantitĂ© de personnes qui traÂvaillent (plus la population active grandit, plus la croissance progresse), la quantitĂ©dâinvestissements et la productivitĂ©. « Sur ces trois facteurs, lâEurope nâest pas bien plaÂcĂ©e », souligne M. MoĂ«c.
FAIBLE NATALITĂDu cĂŽtĂ© de la dĂ©mographie, les chiffres sont vertigineux : selon les projections centralesdes Nations unies, la population de lâAllemaÂgne devrait fondre de 83 millions dâhabiÂtants en 2020 Ă 80 millions en 2050, celle delâItalie, de 60 millions Ă 54 millions, celle de lâEspagne, de 47 millions Ă 43 millions, tanÂdis que celle des EtatsÂUnis grimpera de 330 millions Ă 379 millions.
Outre la faible natalitĂ©, le sud et lâest delâEurope pĂątissent Ă©galement dâune forte Ă©migration. Ollolai, Borgomezzavalle, FabÂbriche di Vergemoli, Nulvi, Regalbuto⊠En Italie, les histoires de villages vendant des maisons Ă 1 euro dans lâespoir de faire reveÂnir des habitants font rĂ©guliĂšrement la « une » des journaux. En 2019, le Portugal a lancĂ© le programme « Regressar » (« renÂtrer »), offrant jusquâĂ 6 530 euros aux jeunespartis pendant la crise et qui acceptent de reÂvenir, au succĂšs limitĂ©. « Ce vieillissement europĂ©en se traduit aussi par un excĂšs dâĂ©parÂgne, une moindre consommation et un invesÂtissement peu dynamique », remarque PhiÂlippe Martin, prĂ©sident dĂ©lĂ©guĂ© du Conseildâanalyse Ă©conomique (CAE).
Du cĂŽtĂ© de lâinnovation, les entreprisesamĂ©ricaines ont pris le virage de la transition numĂ©rique plus vite que leurs homologueseuropĂ©ennes. Une illustration ? « Pendant le confinement, beaucoup dâentre nous ont traÂvaillĂ© sur Zoom, un outil de confĂ©rence Ă disÂtance amĂ©ricain, parce quâil nây a pas dâĂ©quivaÂlent europĂ©en », regrette M. Fuest, de lâIFO. Sans parler des Google, Amazon, Facebook et Apple (GAFA), tous nĂ©s outreÂAtlantique.
Ce retard est en partie une question dâarÂgent. Les dĂ©penses en R&D sâĂ©lĂšvent ainsi Ă
2,2 % du PIB de lâUE, contre 2,8 % aux EtatsÂUnis, et plus de 4 % en CorĂ©e du Sud, selon Eurostat. Les AmĂ©ricains disposent, en outre, de vastes marchĂ©s financiers favoraÂbles au financement des startÂup, sans Ă©quiÂvalent europĂ©en. Et, surtout, dâun Ă©cosysÂtĂšme plus favorable Ă lâinnovation : lien fort entre les grandes universitĂ©s telles que le Massachusetts Institute of Technology (MIT)et lâindustrie, soutien de lâarmĂ©e Ă la recherÂche publique, culture de lâentrepreneuriat plus audacieuse. De son cĂŽtĂ©, lâEtat chinoissubventionne massivement les secteursquâil juge stratĂ©giques.
Face Ă un tel activisme, lâEurope paie chersa prudence et ses divisions, estimeM. Fuest. « La Chine teste dĂ©jĂ des voitures Ă©lectriques autonomes dans ses villes, Ă faiblevitesse, pourquoi nâen faisonsÂnous pasautant, Ă Munich ou ailleurs ?, regretteÂtÂil. Nous Ćuvrons Ă protĂ©ger les donnĂ©es privĂ©es,mais, pendant ce temps, les entreprises amĂ©Âricaines en font un marchĂ©. »
DIVERGENCES ENTRE LES PAYSSâajoute Ă cela une sĂ©rie de problĂšmes natioÂnaux, avec de fortes divergences entre les pays. Si, au dĂ©but des annĂ©es 2000, lâĂ©tiÂquette dâ« homme malade de lâEurope » inÂcombait Ă lâAllemagne, Ćuvrant pĂ©nibleÂment Ă sa rĂ©unification, celleÂci est dĂ©sorÂmais accolĂ©e Ă lâItalie. PiĂ©gĂ©e dans une croissance quasi nulle depuis vingt ans, pĂ©ÂnalisĂ©e par une dette publique qui devraitfrĂŽler les 150 % du PIB cette annĂ©e, la PĂ©ninÂsule est minĂ©e par la division entre le Nordindustriel et le Mezzogiorno du Sud. Plus pauvre, celuiÂci a vu son tissu Ă©conomique se dĂ©liter aprĂšs la privatisation des grandesentreprises dâEtat, dans les annĂ©es 1980, laisÂsant le terrain aux mafias.
De son cĂŽtĂ©, lâEspagne est aujourdâhuimise Ă genoux par sa trop forte dĂ©pendance au tourisme, aprĂšs avoir Ă©tĂ© soufflĂ©e par lâexÂplosion de sa bulle immobiliĂšre lors de laprĂ©cĂ©dente crise. « Le dĂ©crochage europĂ©en est surtout celui du Sud », juge Charles WyÂplosz, Ă©conomiste Ă lâInstitut de hautes Ă©tuÂdes internationales et du dĂ©veloppement de GenĂšve. Parce que les finances publiques de ces pays, moins solides, leur laissent moins de marge de manĆuvre pour soutenir lâactiÂvitĂ©. Parce que leurs Ă©conomies dĂ©pendent beaucoup plus du tourisme, secteur duraÂblement fragilisĂ© par la crise sanitaire. Etparce que la douloureuse potion dâaustĂ©ritĂ© qui a suivi la prĂ©cĂ©dente rĂ©cession a affaibli leur tissu social.
La rĂ©action rapide des institutions euroÂpĂ©ennes pendant la pandĂ©mie donne des raisons dâespĂ©rer. Un scĂ©nario sombrepourrait cependant voir certains pays du Sud sâenfoncer dans les difficultĂ©s, au risÂque que cela nourrisse des tensions politiÂques. « Un retour Ă lâorthodoxie Ă©conomiquetrop rapide peut, par exemple, conduire Ă une victoire de la Ligue du Nord [extrĂȘmedroite] en Italie, prĂ©vient M. Dor. On croit toujours quâune sortie de lâUE ou de la zoneeuro est impossible, mais le Brexit a montrĂ©que câĂ©tait possible. » Le Brexit, dont lâentrĂ©een vigueur rĂ©elle le 1er janvier 2021 vient rappeler que lâhistoire europĂ©enne est remÂplie dâaccidents.
Ă©ric albert et marie charrel
Prochain Ă©pisode Les malfaçons de lâeuro
Sources : FMI, Eurostat, Rexecode, IĂ©seg, ONU, WIL, NatixisInfographie : Le Monde
La zone euro pÚse de moins en moinslourd dans le PIB mondialLa zone euro pÚse de moins en moinslourd dans le PIB mondialEvolution de la part dans le PIB mondial en volume, en dollars, en parité de pouvoir d'achat
La richesse par habitant progresse un peu moins vite en Europe La richesse par habitant progresse un peu moins vite en Europe
La productivitĂ© par tĂȘte y est moins forteLa productivitĂ© par tĂȘte y est moins forte
LâEurope est pĂ©nalisĂ©e par un chĂŽmage plus Ă©levĂ© dans le SudLâEurope est pĂ©nalisĂ©e par un chĂŽmage plus Ă©levĂ© dans le Sud
La population du Vieux Continent stagneLa population du Vieux Continent stagne Mais lâEurope reste moins inĂ©galitaire que les Etats-UnisMais lâEurope reste moins inĂ©galitaire que les Etats-Unis
Evolution de la productivitĂ© par tĂȘte,en milliers de dollars
Taux de chĂŽmage mensuel, en %,octobre 2020
Evolution de la population depuis les annĂ©es 1980 jusquâen 2050 (projections de lâONU), en millions Evolution de la part du revenu national dĂ©tenue par Evolution du PIB par habitant en milliers de dollars constants,
paritĂ© de pouvoir dâachat
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1 % les plus riches 50 % les plus pauvres
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La croissance est moins dynamique quâaux Etats-UnisLa croissance est moins dynamique quâaux Etats-Unis
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Chine16,3
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GrĂšce
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Chine
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LâAsie et les Etats-Unis investissent plus dans la rechercheLâAsie et les Etats-Unis investissent plus dans la recherche
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Le modĂšle amĂ©ricain gĂ©nĂšre plus de croissance, mais plus dâinĂ©galitĂ©sDurant la pandĂ©mie, les EuropĂ©ens ont optĂ© pour le chĂŽmage partiel. Les EtatsÂUnis ont, eux, distribuĂ© des chĂšques aux demandeurs dâemploi
C omment protĂ©ger les reveÂnus des mĂ©nages face Ă lacrise Ă©conomique la plus
brutale depuis la seconde guerre mondiale ? A cette question, les payseuropĂ©ens et les EtatsÂUnis ont, dans le sillage de la pandĂ©mie due aunouveau coronavirus, apportĂ© une rĂ©ponse de nature profondĂ©ment diffĂ©rente. Les premiers ont insÂtaurĂ© de gĂ©nĂ©reux dispositifs dechĂŽmage partiel, afin de garantir unrevenu aux salariĂ©s en attendant quâils puissent reprendre leur poste. Les seconds ont laissĂ© les entrepriÂses licencier. Mais pour soutenir les demandeurs dâemploi, en complĂ©Âment des indemnisations chĂŽmagelimitĂ©es, Washington leur a, dĂšs le printemps, distribuĂ© des chĂšques de600 dollars par semaine.
RĂ©sultat : le taux de chĂŽmage a Ă©tĂ©multipliĂ© par plus de quatre outreÂAtlantique, passant de 3,5 % Ă 14,7 % entre fĂ©vrier et avril, avant de redesÂcendre Ă 8 % en septembre. Mais, grĂące aux chĂšques, les revenus desAmĂ©ricains ont bondi de 10 % au deuxiĂšme trimestre.
En Europe, le chĂŽmage a seuleÂment progressĂ© de 6,5 % Ă 7,5 % enÂtre fĂ©vrier et septembre. Les reveÂnus des mĂ©nages ont, malgrĂ© tout, reculĂ© de 1,1 % en Allemagne, 2,3 %en France, 7,2 % en Italie au deuxiĂšme trimestre, notammenten raison dâune chute plus violentedu produit intĂ©rieur brut (PIB) enEurope (â 13,9 %, contre â 9 % auxEtatsÂUnis). Sur la fin de lâannĂ©e, enrevanche, les Ă©conomistes estimentque, passĂ© lâeffet dopant des chĂšÂques, les revenus des mĂ©nages deÂvraient, cette fois, se tasser auxEtatsÂUnis, frappĂ©s trĂšs durementpar la seconde vague de la pandĂ©Âmie, alors quâils devraient se mainÂtenir en EuropeâŠ
« Destruction crĂ©atrice »VoilĂ qui illustre le dĂ©bat rĂ©current entre les modĂšles sociaux amĂ©riÂcain et europĂ©en. Quel est le pluspertinent ? Tout dĂ©pend des indicaÂteurs sur lesquels on se penche.LâEurope â en particulier, les pays delâOuest â a choisi de tisser un filet de protection limitant les effets les plusdouloureux des crises (allocationschĂŽmage et diverses protections soÂciales), plus ou moins efficacement selon les Etats.
Les dĂ©penses publiques socialessâĂ©lĂšvent ainsi Ă 31 % du PIB en France, selon lâOrganisation de cooÂpĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©coÂ
nomiques (OCDE), 28,2 % en Italie et 25,9 % en Allemagne, contre 18,7 %aux EtatsÂUnis. GrĂące Ă ces amortisÂseurs sociaux, les rĂ©cessions sont,en gĂ©nĂ©ral, moins douloureusespour les mĂ©nages, mais lâĂ©conomierebondit moins vite.
Les EtatsÂUnis, eux, ont optĂ© pourla « destruction crĂ©atrice ». Les salaÂriĂ©s sont nettement moins protĂ©gĂ©s et les emplois disparaissent vitependant les crises. Mais le rebond delâactivitĂ© en recrĂ©e plus, et plus vitequâen Europe, oĂč le chĂŽmage strucÂturel est plus Ă©levĂ©. En outre, silâEtatÂprovidence amĂ©ricain est peudĂ©veloppĂ©, le budget fĂ©dĂ©ral et la RĂ©Âserve fĂ©dĂ©rale (Fed, banque centrale)nâhĂ©sitent pas, en gĂ©nĂ©ral, Ă ouvrir les vannes en grand pour soutenir temporairement lâĂ©conomie penÂdant les crises. « En thĂ©orie, avec leur filet social plus limitĂ©, les EtatsÂUnis sont bien moins Ă©quipĂ©s pour faireface Ă une crise dâune ampleur aussi vertigineuse que celle entraĂźnĂ©e par la pandĂ©mie, explique NicolasGoetzmann, Ă©conomiste en chef dela sociĂ©tĂ© de gestion dâactifs FinanÂciĂšre de la citĂ©. Mais leur rĂ©ponse budgĂ©taire forte a compensĂ© cettefaiblesse lors du pic de la rĂ©cession. »
En Ă©vitant des licenciements, lechĂŽmage partiel europĂ©en permetÂtra aux PME qui ont conservĂ© leurs salariĂ©s de repartir rapidementquand la reprise se profilera. « Mais il risque aussi de âbloquerâ une partiedes travailleurs dans certains secÂteurs qui peineront Ă rebondir aprĂšs la crise, les empĂȘchant de se rĂ©orienÂter vers des entreprises plus dynamiÂques, comme aux EtatsÂUnis », ajouteNicolas Goetzmann.
Lâautre spĂ©cificitĂ© du modĂšle amĂ©Âricain tient Ă sa plus grande capacitĂ©Ă gĂ©nĂ©rer de la croissance â en 2019, le PIB progressait encore de 2,2 %,
contre 1,7 % dans lâUnion euroÂpĂ©enne. Câest mĂȘme la dĂ©finition durĂȘve amĂ©ricain : une activitĂ© dynaÂmique, permettant Ă nâimporte quide devenir prospĂšre grĂące Ă son traÂvail et Ă sa dĂ©termination.
Pendant longtemps, ce rĂȘve a tenuses promesses. Mais il connaĂźt de sĂ©Ârieux ratĂ©s depuis les annĂ©es 1980,notamment en raison des baisses dâimpĂŽts et des dĂ©rĂ©gulations masÂsives lancĂ©es par le prĂ©sident RonaldReagan. Si, dans les annĂ©es 1960, le salaire minimum amĂ©ricain, alors leplus Ă©levĂ© au monde, atteignaitlâĂ©quivalent de 10 dollars par heure (en dollars de 2019), soit 8,30 euros,au niveau fĂ©dĂ©ral, il a nettementchutĂ© aprĂšs les annĂ©es 1980 :en 2019, il Ă©tait de 7,25 dollars.
Tendance prĂ©occupante« Depuis, le revenu des 50 % des AmĂ©Âricains les plus pauvres nâa quasiÂment pas progressĂ© », souligne LucasChancel, codirecteur du Laboratoire sur les inĂ©galitĂ©s mondiales Ă lâEcoledâĂ©conomie de Paris. DâaprĂšs les derÂniers travaux de son Ă©quipe, le « top 1 % » des AmĂ©ricains les plus riches dĂ©tenait environ 21 % du revenu naÂtional en 2017, contre 11 % en 1980 : leur part a doublĂ© en moins de quaÂrante ans. Sur la mĂȘme pĂ©riode, le« top 1 % » des EuropĂ©ens est passĂ© de 8 % Ă 11 %. « DĂ©sormais, les EtatsÂUnis Ă©chouent Ă gĂ©nĂ©rer de la prospĂ©ÂritĂ© pour tous et, surtout, pour les plus dĂ©munis », rĂ©sume M. Chancel.De fait, la part de revenu dĂ©tenue parla moitiĂ© la plus pauvre de la populaÂtion amĂ©ricaine sâest effondrĂ©e de 20 % Ă 12,5 % depuis 1980. En Europe,elle est passĂ©e de 20 % Ă 18 %.
Cet Ă©cart entre les deux continentstient, bien sĂ»r, au systĂšme de redisÂtribution, plus gĂ©nĂ©reux en Europe de lâOuest, notamment en France ou en Scandinavie. Mais aussi Ă tout ce qui se joue avant les prĂ©lĂšvements etles prestations sociales. « En Europe, ce sont surtout lâaccĂšs gratuit Ă lâĂ©duÂcation, la qualitĂ© et la facilitĂ© dâaccĂšs aux services publics, aux transports,aux infrastructures qui expliquent le plus faible niveau des inĂ©galitĂ©s », exÂplique M. Chancel. Avant de prĂ©veÂnir : cellesÂci ont Ă©galement tenÂdance Ă se creuser sur le Vieux ContiÂnent, et cette tendance est prĂ©occuÂpante. Notamment parce que la fiscalitĂ© y est de moins en moins proÂgressive, tandis que la crise de 2008 aaffaibli les filets de protection socialedans le sud de la zone euro.
m. c.
GRĂCE AUX AMORTISSEURS SOCIAUX, LES
RĂCESSIONS SONT,EN GĂNĂRAL, MOINS
DOULOUREUSES POUR LES MĂNAGES, MAIS
LâĂCONOMIE REBONDIT MOINS VITE
22 | Ă©conomie & entreprise MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
Les restaurateurs déçus de lâaccord trouvĂ© entre Bercy et les assureursLes primes vont ĂȘtre gelĂ©es et lâexĂ©cutif enterre le « rĂ©gime pandĂ©mie »
Lâ accord ne contente fiÂnalement pas grandmonde, si ce nâest leministre de lâĂ©conoÂ
mie, qui en est lâinstigateur. DeÂpuis prĂšs dâune semaine, Bruno Le Maire demandait aux assuÂreurs « dâen faire plus » pour souteÂnir les cafĂ©s, lâhĂŽtellerie et la resÂtauration, durement touchĂ©s par le second confinement et la crise sanitaire. Il attendait dâeux, « auminimum », un gel des primes dâassurance et avait posĂ© un ultiÂmatum : faute dâaccord, il ferait adopter Ă lâAssemblĂ©e nationale un amendement en provenance du SĂ©nat, instaurant un prĂ©lĂšveÂment exceptionnel de 1,2 milliard dâeuros sur la profession.
Sans grande surprise, les assuÂreurs sây sont pliĂ©s, comme lâa anÂnoncĂ© le ministre, lundi 7 dĂ©cemÂbre, dans une intervention diffuÂsĂ©e sur Twitter, Ă lâissue dâune rĂ©uÂnion avec le secteur. Mais de mauvaise grĂące. « Il est scandaleuxdâavoir Ă subir un tel chantage », pestait Jacques de Peretti, PDGdâAxa France, dans une interview samedi 5 dĂ©cembre au Parisien.
Les assureurs ont toutefois pristrois engagements. Ils vont geler pour 2021 les cotisations dâassuÂrance multirisque professionÂnelle pour toutes les TPE et PME employant jusquâĂ 250 salariĂ©s,dans les secteurs de lâhĂŽtellerieÂrestauration, mais aussi de lâĂ©vĂ©Ânementiel, du tourisme, du sport
et de la culture, « ceux qui soufÂfrent le plus de la pandĂ©mie et, parÂfois, ceux qui sont le plus dĂ©sesÂpĂ©rĂ©s, qui croient le moins dansla possibilitĂ© dâun rebond », a anÂnoncĂ© Bruno Le Maire. Les comÂpagnies sâengagent, en outre, Ă maintenir les garanties de ces contrats, mĂȘme en cas de retardde paiement des cotisations, penÂdant le premier trimestre 2021.
« Des milliards de dettes »Lâaccord prĂ©voit ensuite dâoffrir gratuitement, en 2021, Ă ces mĂȘÂmes entreprises, une couverturedâassistance (indemnitĂ© de convaÂlescence pouvant aller jusquâĂ 3 000 euros, livraison de repas Ă domicile, service de garde dâenÂfantsâŠ), en cas dâhospitalisationliĂ©e au CovidÂ19, pour les chefs dâentreprise et leurs salariĂ©s.
Enfin, de nombreux restauraÂteurs ayant dĂ©cidĂ© de poursuivre leurs assureurs en justice, Bruno Le Maire entend Ă©largir aux entreÂprises le champ dâaction du mĂ©Âdiateur de lâassurance, jusquâalorsessentiellement tournĂ© vers lesparticuliers, pour faciliter la rĂ©soÂlution Ă lâamiable des litiges. « Les contentieux juridictionnels ne sontbons pour personne, la logique du dialogue doit lâemporter sur celle du conflit », a dĂ©clarĂ© le ministre.Lâexemple Ă suivre est celui de lamĂ©diation du crĂ©dit, mise enplace lors de la crise financiĂšre de 2008, et que les entreprises peuÂ
vent saisir lorsquâelles ne parvienÂnent pas Ă dĂ©crocher un prĂȘt.
« Le compte nây est pas du tout, ilsâagit de mesurettes, qui nâont rien Ă voir avec la couverture de nos pertes dâexploitation », a aussitĂŽt rĂ©agi Alain GrĂ©goire, prĂ©sident de lâUnion des mĂ©tiers et des indusÂtries de lâhĂŽtellerie (UMIH) pour larĂ©gion AuvergneÂRhĂŽneÂAlpes, chargĂ© du dossier « assurance ». « Quant au gel des primes en 2021, ajouteÂtÂil, il sera rattrapĂ© par deshausses en 2022. On fait croire aux Français quâon nous alloue une nouvelle enveloppe, mais nouscroulons sous des milliards de detÂtes, pas sous des milliards dâaides. »
La FĂ©dĂ©ration française de lâasÂsurance nâa pas calculĂ© le manqueĂ gagner causĂ© par le gel des priÂmes, mais, Ă Bercy, on Ă©value ce « geste Ă plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de millions dâeuros ». « Cela peut paraĂźtre peu de chose, mais les assureurs alÂ
laient augmenter leurs tarifs, parÂfois de maniĂšre trĂšs substantielle,et fort mal Ă propos Ă lâĂ©gard dâenÂtreprises en difficultĂ© », ajouteÂtÂon au ministĂšre des finances.
Dans une volteÂface inattendue,Bruno Le Maire a par ailleurs dĂ©ÂcidĂ© dâenterrer le projet dâun rĂ©Âgime dâassurance pandĂ©mie. DeÂpuis le printemps, un groupe de travail associant notamment parÂlementaires, assureurs et entreÂprises travaillait Ă Bercy sur unnouveau systĂšme de solidaritĂ©nationale, inspirĂ© du rĂ©gime dâinÂdemnisation des catastrophes naÂturelles, pour mieux couvrir colÂlectivement, Ă lâavenir, les pertes dâexploitation des entreprises en cas de catastrophe sanitaire.
Le ministre de lâĂ©conomie et desfinances renonce finalement Ă lâinstauration dâune assurance pandĂ©mie obligatoire, qui nĂ©cesÂsitait des cotisations de la part desentreprises. « Jâai entendu les inÂquiĂ©tudes des entreprises qui neveulent pas de charges nouvelles,aÂtÂil expliquĂ©. Mais il y aura la faÂcultĂ©, pour ceux qui le souhaitent, de se constituer des provisions, dans des conditions fiscales partiÂculiĂšrement avantageuses, quipermettront de mettre de lâargentde cĂŽtĂ© (âŠ) pour lâutiliser si jamais une nouvelle pandĂ©mie devait surÂvenir. » Un abandon que dĂ©ploÂrent les reprĂ©sentants du secteur de lâhĂŽtellerieÂrestauration.
véronique chocron
« Le comptenây est pas
du tout, il sâagit de
mesurettes »ALAIN GRĂGOIRE
prĂ©sident de lâUMIH pourlâAuvergne-RhĂŽne-Alpes
La rĂ©gion de Bruxelles veut crĂ©er un pĂ©age urbain et fĂ©dĂšre les oppositions Comme Ă Londres, le projet vise Ă limiter la circulation automobile et Ă rĂ©duire la pollution et le bruit quâelle engendre
bruxelles  correspondant
I l nâaura pas fallu longtempspour quâun projet de pĂ©ageurbain dit « SmartMove », dĂ©Â
posĂ© par la rĂ©gion de Bruxelles, dĂ©clenche une de ces polĂ©miques dont la Belgique a le secret. La miÂnistre rĂ©gionale de la mobilitĂ©, lâĂ©cologiste flamande Elke Van denBrandt, est, en tout cas, parvenue Ă fĂ©dĂ©rer contre cette idĂ©e la WalloÂnie et la Flandre, la gauche radicaleet lâensemble du patronat.
Comme Londres, Milan ouStockholm, Bruxelles envisage deÂpuis longtemps la solution du pĂ©age pour limiter la circulation automobile, rĂ©duire la pollution etle bruit. Contrairement Ă dâautres, son projet de « fiscalitĂ© intelliÂgente », dĂ©voilĂ© le 3 septembre par le gouvernement rĂ©gional de cenÂtre gauche, prĂ©sente toutefois la particularitĂ© dâune premiĂšre taxaÂtion Ă lâentrĂ©e, et dâune seconde pour les kilomĂštres parcourus sur le territoire des 19 municipalitĂ©s qui composent la villeÂrĂ©gion.
Une opĂ©ration presque blanchepour les Bruxellois disposant dâune faible cylindrĂ©e et roulant peu, qui devraient bĂ©nĂ©ficier, en outre, de la suppression de la taxe dite « de mise en circulation » quedoivent acquitter tous les acheÂteurs dâune voiture. Pour les habiÂtants des autres rĂ©gions, en revanÂche, lâaddition sera salĂ©e (jusquâĂ 1 600 euros par an, voire auÂdelĂ ), surtout sâils disposent dâunegrosse cylindrĂ©e : les montants de la taxe varieront selon les heures, mais aussi selon le nombre de cheÂvaux et selon le poids de la voiture.
Premier problĂšme : beaucoup,parmi les centaines de milliers de Wallons et de Flamands â les « navetteurs » â qui gagnent la caÂ
pitale chaque jour, beaucoup disÂposent dâune voiture de sociĂ©tĂ©, rarement choisie dans le bas de gamme. Au fil des annĂ©es, de nombreuses entreprises ont ofÂfert Ă leurs employĂ©s cette sorte de prime, qui Ă©chappe en partie Ă la lourde fiscalitĂ© sur le travail. Avec, il faut le noter, lâaval des gouvernements successifs, peu dĂ©sireux de revenir sur une meÂsure trĂšs populaire. Il sera, dĂšslors, difficile de convaincre lesusagers de se reporter sur une mobilitĂ© douce ou sur les transÂports en commun. Les liaisons inÂterrĂ©gionales sont dâailleurs trĂšs insuffisantes et un projet de RER desservant la capitale est toujoursdans les limbes.
« Choquant et scandaleux »DeuxiĂšme problĂšme : pour les Flamands et les Wallons qui acÂquittent, outre la taxe de mise en circulation, une taxe annuelle â dite « de circulation » â, le pĂ©age bruxellois aura lâallure dâun imÂpĂŽt supplĂ©mentaire et discrimiÂnatoire. Alors que, pour beaucoupdâentre eux, la voiture reste, malÂgrĂ© la congestion quotidienne aux portes de la capitale, lemoyen le plus rapide de gagnerson lieu de travail le matin.
TroisiĂšme problĂšme : censĂ©e enÂtrer en vigueur en 2022, la dĂ©ciÂsion prise par Bruxelles supposeune concertation avec les deuxautres rĂ©gions du pays. Et, donc, un accord entre les⊠neuf formaÂtions politiques qui composent ces diffĂ©rents niveaux de pouvoir.La chance de rĂ©ussite ? « Quasi nulle », estime dĂ©jĂ Dave Sinardet,professeur de sciences politiques.
« Il sâagit dâun nouvel impĂŽt quitouchera surtout les Flamands qui travaillent dur », a Ă©crit sur Twitter
le ministre flamand des finances, Matthias Diependaele, un natioÂnaliste dont le parti â la NÂVA â enÂvisageait pourtant, en 2018, une taxation au kilomĂštre⊠en FlanÂdre. Il a renoncĂ© face aux rĂ©acÂtions de lâopinion.
Du cĂŽtĂ© wallon, le ministre libĂ©Âral de lâĂ©conomie, Willy Borsus, a Ă©voquĂ© une initiative bruxelloise« choquante et scandaleuse ». Lâunde ses collĂšgues a menacĂ© dâun dĂ©part de toutes les institutions de la Wallonie Ă©tablies dans la caÂpitale. Un dĂ©putĂ© du Brabant walÂlon, la province toute proche, parle dâun « Bruxit » et invite les entreprises Ă©tablies Ă Bruxelles Ă dĂ©mĂ©nager. Bart De Wever, prĂ©siÂdent de la NÂVA et maire dâAnvers, leur fait la mĂȘme suggestion, souÂlignant le cĂŽtĂ© « ouvert au busiÂness » de sa ville.
« Pas de prĂ©lĂšvement urbain Ă Bruxelles ! », clament, de leur cĂŽtĂ©, les organisations patronales destrois rĂ©gions, pour une fois unies. « La rĂ©ponse aux problĂšmes de mobilitĂ© demande une approcheglobale, qui combinera diverses mesures telles que les parkings de transit, des transports en communperformants, des amĂ©nagements pour cyclistes, le tĂ©lĂ©travail, la moÂbilitĂ© partagĂ©e, etc. La coordinaÂtion entre les rĂ©gions est donc inÂdispensable », ont expliquĂ© les paÂtrons. Le Parti du travail (gaucheradicale) juge, pour sa part, le pĂ©age « inefficace et antisocial ».
La politique de mobilitĂ©, rĂ©gioÂnalisĂ©e, illustre, en fait, les diffiÂcultĂ©s dâun systĂšme oĂč les conflitsentre les niveaux de pouvoir enÂtraĂźnent la paralysie. « GrĂące Ă lâaddition perverse de notre partiÂtocratie et de notre fĂ©dĂ©ralisme », analyse M. Sinardet.
jeanÂpierre stroobants
Ceci est une leçon de modestie pour tous les entrepreneurs qui pensent que le ciel est leur seule limite. Depuis 2009, annĂ©e de sa crĂ©ation, Uber rĂȘve de rĂ©volutionÂner le transport moderne. La sociĂ©tĂ© voyait dĂ©jĂ ses taxis se mouvoir sans chauffeur et mĂȘme voler auÂdessus des autoroutes comme dans les films de scienceÂfiction. Elle va dĂ©sormais se concentrer sur ses cyclistes qui livrent des repas en ville. Moins glamour, mais plus sĂ»r. Lundi 7 dĂ©cembre, Uber a annoncĂ© quâelle allait vendre sa division de voitures autonomes Ă Aurora, startÂup crĂ©Ă©e en 2017 par des anciens de Google, Tesla et Uber. « Vendre » est un bien grand mot. Elle va plutĂŽt payer 400 millions de dollars (330,2 millions dâeuros) Ă Aurora et rĂ©cupĂ©rera 26 % de lâentreprise.
Cette branche prometteuse est cĂ©dĂ©e pour la moitiĂ© de sa valeur estimĂ©e lors du dernier tour de table. Travis Kalanick, le fondaÂteur dâUber, qui estimait que cette diversification Ă©tait « existenÂtielle », ambitionnait de faire rouler 75 000 voitures autonomes dans les rues amĂ©ricaines en 2019. On en est trĂšs loin.
Lâart de pivoterEntreÂtemps, le PDG a Ă©tĂ© dĂ©barÂquĂ© et son successeur, Dara Khosrowshahi, tente de trouver un modĂšle Ă©conomique Ă une sociĂ©tĂ© valorisĂ©e 95 milliards de dollars en Bourse, mais qui nâa
jamais gagnĂ© un centime en dix ans. Sur son dernier trimestre, lâentreprise Ă perdu 1 milliard de dollars, sur 3 milliards de chiffre dâaffaires, et son activitĂ© de transÂport a vu ses revenus chuter de 50 % avec la crise sanitaire. En reÂvanche, Uber Eats, qui livre des reÂpas, a largement profitĂ© des confiÂnements successifs. Son chiffre dâaffaires a bondi de 125 %, et câest dĂ©sormais le premier mĂ©tier de la firme. Pour amplifier ce succĂšs, la sociĂ©tĂ© a achetĂ© son concurrent Postmates. Elle avait dĂ©jĂ cĂ©dĂ©, en mai, ses vĂ©los Ă©lectriques et trottiÂnettes en libreÂservice Ă son rival Lime. Fini les distractions. Dâautant que le grand concurrent dâUber Eats, le numĂ©ro un amĂ©riÂcain DoorDash, sâintroduit en Bourse mercredi 9 dĂ©cembre et rĂ©cupĂ©rera beaucoup dâargent.
Dans le monde des startÂup, cetart qui consiste Ă changer de mĂ©Âtier jusquâĂ trouver celui qui vous fera gagner de lâargent et grossir sâappelle pivoter. Uber pivote donc vers les repas chauds et les cyclistes vigoureux sans rĂ©soudre son casseÂtĂȘte dâorigine dans les transports. Comment gagner de lâargent dans les taxis, alors que, dans le monde entier, syndicats et gouvernements trouvent que lâentreprise ne paye dĂ©jĂ pas assez ses chauffeurs, devenus le symÂbole de la nouvelle prĂ©caritĂ© numĂ©rique. Elle pensait contourÂner lâobstacle grĂące Ă sa voiture autonome. Elle tente dĂ©sormais un nouvel itinĂ©raire.
PERTES & PROFITS | UBERpar philippe escande
Lâadieu Ă la voiture autonome
HORS-SĂRIE JOHNLENNON
SPLENDEURETMISĂREDâUNROCKâNâROLL
HĂROS
1940â1980
Il yaquaranteans,JohnLennonĂ©taitabattudequatreballessuruntrottoirdeManhattan,Ă New York. Il venait dâavoir 40 ans. Dix ans auparavant, les Beatles sâĂ©taient sĂ©parĂ©s,mettant fin Ă lâune des plus belles aventuresmusicales duXXe siĂšcle. Dans un hors-sĂ©riespĂ©cial, Le Monde revient sur le parcours hors norme de celui qui chanta Imagine etAll You Need Is Love.
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Les Ă©tudes vĂ©tĂ©rinaires sâouvrent au secteur privĂ©Un Ă©tablissement devrait ouvrir en 2022 Ă Rouen. Certains redoutent une rupture dâĂ©quitĂ© pour les Ă©tudiants
U ne Ă©cole vĂ©tĂ©rinaireprivĂ©e ouvriraÂtÂelle enFrance Ă la rentrĂ©e2022 ? Câest en tout cas
ce que permet un amendement Ă lâarticle 22 bis de la loi de programÂmation de la recherche (LPR). DĂ©finitivement adoptĂ© par le SĂ©nat le 20 novembre, il a entraĂźnĂ©une levĂ©e de boucliers des Ă©coles publiques existantes, de leurs Ă©lĂšves et de leurs enseignants.
Lâenjeu de cette mesure : augÂmenter le nombre de vĂ©tĂ©rinaires formĂ©s en France, alors quâon compte de moins en moins de praÂticiens dans les zones rurales. 47 % des nouveaux diplĂŽmĂ©s qui sâinsÂtallent sur le territoire se sont forÂmĂ©s⊠hors de lâHexagone, rĂ©vĂšle lâAtlas dĂ©mographique de la proÂfession vĂ©tĂ©rinaire publiĂ© en 2020, principalement en Belgique, en EsÂpagne et en Roumanie. Il sâagit de jeunes Français qui sâĂ©taient expatriĂ©s pour se former au mĂ©Âtier de leurs rĂȘves, faute de place dans les Ă©tablissements natioÂnaux, trĂšs sĂ©lectifs.
Critique de fondMais pour des reprĂ©sentants des vĂ©tĂ©rinaires, lâamendement ne seÂrait pas la bonne rĂ©ponse Ă ce proÂblĂšme. La premiĂšre critique porte sur la forme : « Nous nâavons pas Ă©tĂ©consultĂ©s, dĂ©nonce JeanÂYves GauÂchot, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration des syndicats vĂ©tĂ©rinaires de France. Cet amendement a Ă©tĂ© tĂ©lĂ©ÂguidĂ© par Unilasalle. » Cette Ă©cole dâingĂ©nieurs privĂ©e associative, crĂ©Ă©e par les FrĂšres des Ă©coles chrĂ©Âtiennes, tente, depuis douze ans, de se faire une place dans une fiÂliĂšre oĂč seules quatre Ă©coles publiÂques sont habilitĂ©es Ă dĂ©livrer un diplĂŽme dâEtat.
« DĂšs 2008, sous la prĂ©sidence deNicolas Sarkozy, le ministĂšre de lâagriculture avait sollicitĂ© notre Ă©tablissement afin de rĂ©pondre au dĂ©ficit de vĂ©tĂ©rinaires dans les zones rurales, affirme Philippe Choquet, directeur gĂ©nĂ©ral dâUniÂlasalle. Mais le projet, qui hybridait le public et le privĂ©, Ă©tait trĂšs compliÂquĂ©. Quand Michel Barnier, alors
ministre de lâagriculture, a Ă©tĂ© appelĂ© vers dâautres fonctions, lâidĂ©e est partie dans les limbes. »
Depuis, Unilasalle mature sonprojet, et le dĂ©ficit de vĂ©tĂ©rinaires en France ne sâest pas comblĂ©. A lâoccasion de lâexamen de la LPR, câest opportunĂ©ment deux amenÂdements identiques qui viennent offrir aux « Ă©tablissements dâenseiÂgnement supĂ©rieur privĂ©s Ă but nonlucratif », comme Unilasalle, la possibilitĂ© de bĂ©nĂ©ficier de lâagrĂ©Âment du ministĂšre de lâagriculture« pour assurer une formation prĂ©parant au diplĂŽme dâEtat de docteur vĂ©tĂ©rinaire ».
Lâun des deux amendements estdĂ©posĂ© par François Patriat, prĂ©siÂdent du groupe LRM au SĂ©nat, ancien ministre de lâagriculture et vĂ©tĂ©rinaire de formation ; lâautre est dĂ©posĂ© par la sĂ©natrice (LR)
Sophie Primas, une ancienne Ă©lĂšvedâUnilasalle, membre du conseil dâadministration de lâĂ©cole. Deux amendements dĂ©posĂ©s sous le regard bienveillant de GĂ©rard Larcher, prĂ©sident (LR) du SĂ©nat et, lui aussi, vĂ©tĂ©rinaire de formation.
InterrogĂ©e par Mediapart, lasĂ©natrice sâest dĂ©fendue de tout conflit dâintĂ©rĂȘts entre son mandat de parlementaire et ses responsabilitĂ©s au sein de lâĂ©tablisÂsement : « Je nâai pas fait cet amenÂdement pour Unilasalle, mais pour lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral », assureÂtÂelle. Unargument Ă©galement martelĂ© par Philippe Choquet, directeur de lâĂ©cole : « Lâamendement concerne tous les Ă©tablissements dâenseigneÂment supĂ©rieur privĂ©s dâintĂ©rĂȘt gĂ©ÂnĂ©ral. » Il pourra, en thĂ©orie, ouvrirla filiĂšre Ă plusieurs acteurs, mais le seul qui sera en mesure dâouvrir ses portes dans les dixÂhuit mois etdâaccueillir 120 nouveaux Ă©tuÂdiants est bien Unilasalle.
AprĂšs la forme, la critique portesur le fond : « Croire que lâon va rĂ©pondre au problĂšme de la dĂ©sertiÂfication vĂ©tĂ©rinaire des zones ruraÂles en crĂ©ant une Ă©cole privĂ©e est une erreur, estime Jacques GuĂ©rin, prĂ©sident du conseil national de lâordre des vĂ©tĂ©rinaires. Le fond du
problĂšme, câest de permettre aux territoires en tension de retrouver de lâattractivitĂ© et un Ă©quilibre Ă©conomique (âŠ). Il faut des leviers qui permettront aux futurs pratiÂciens de trouver dans ces territoires un Ă©quilibre entre vie privĂ©e et vie professionnelle. »
Des professionnels du secteurfont remarquer quâaugmenter lâoffre de formation ne donnera pas plus dâattractivitĂ© aux zones rurales Ă faible densitĂ© dâĂ©levage.LâarrivĂ©e de jeunes vĂ©tĂ©rinaires diplĂŽmĂ©s dâune Ă©cole privĂ©e dans les zones rurales, Ă©conomiqueÂment moins avantageuses, estdâautant plus incertaine que ces jeunes auront parfois un emÂprunt sur le dos. Le coĂ»t de la forÂmation prĂ©vu par Unilasalle seÂrait de 15 000 euros par an, penÂdant six ans. « De jeunes vĂ©tĂ©rinaiÂres avec de grosses mensualitĂ©s Ă rembourser vont rarement sâinsÂtaller dans le fond du Cantal », note Vanessa Louzier, prĂ©sidente de la FĂ©dĂ©ration syndicale des enÂseignants des Ă©coles vĂ©tĂ©rinaires françaises. « Les solutions se trouÂvent dans un nouveau modĂšle Ă©coÂnomique, qui reste Ă construire, entre lâensemble des acteurs », asÂsure M. Gauchot.
Si les vĂ©tĂ©rinaires ne sont pasconvaincus par la rĂ©forme, les Ă©coÂles sont vent debout contre lâarriÂvĂ©e dâun concurrent. « Nous faiÂsons face Ă un corporatisme fort », admet Philippe Choquet. Une des craintes des Ă©coles publiques est de se faire progressivement « dĂ©sÂhabiller » par une montĂ©e en puisÂsance des Ă©coles privĂ©es. « Lâargent que lâEtat ou les collectivitĂ©s locales investiront dans les Ă©tablissements privĂ©s, câest autant qui nâira pas aliÂmenter les budgets de nos Ă©coles », avertit Bruno Polack, maĂźtre de confĂ©rences Ă lâEcole nationale vĂ©ÂtĂ©rinaire dâAlfort. « LâĂ©cole privĂ©erisque de grignoter nos budgets de recherche et mĂȘme dâattirer nos enÂseignantsÂchercheurs », sâinquiĂšte Mme Louzier.
« SĂ©lection par lâargent »Une crainte exprimĂ©e dans un rapÂport dâĂ©valuation de lâEcole natioÂnale vĂ©tĂ©rinaire dâAlfort, publiĂ© en septembre 2019 par le Haut Conseil de lâĂ©valuation de la reÂcherche et de lâenseignement suÂpĂ©rieur, qui mentionnait « un dĂ©fiÂcit dâattractivitĂ© en termes de recrutement » de lâĂ©cole, du fait de la « faiblesse des primes attribuĂ©es »et de la « faiblesse globale des rĂ©muÂnĂ©rations par rapport au coĂ»t de la vie ». Alors que, dans la chasse aux subventions, un nouveau concurÂrent entre en compĂ©tition.
Enfin, lâĂ©mergence dâune filiĂšreprivĂ©e pourraitÂelle constituer une rupture dâĂ©galitĂ© dans la valeur du diplĂŽme ? « On verra, dâun cĂŽtĂ©, un systĂšme presque gratuit et trĂšs sĂ©lectif avec les Ă©coles publiques, et de lâautre, le privĂ©, oĂč la sĂ©lection se fera par lâargent », avance Mme LouÂzier. Plusieurs enseignants, comÂme Bruno Polack, sâinquiĂštent aussi du contenu du cursus de ces Ă©coles privĂ©es, trĂšs professionnaliÂsantes. Alors que le public veut maintenir un enseignement acaÂdĂ©mique ouvert sur la recherche.
Pour sa part, le conseil de lâordredes vĂ©tĂ©rinaires est prĂȘt Ă acÂcueillir les futurs diplĂŽmĂ©s dâune Ă©cole privĂ©e, dĂšs lors que celleÂci respecte les rĂ©fĂ©rentiels et les norÂmes françaises et europĂ©ennes. Ces rĂšgles pour pouvoir exercer sont dĂ©jĂ appliquĂ©es aux diplĂŽmĂ©sdâĂ©coles privĂ©es Ă©trangĂšres oĂč vont se former des Ă©tudiants franÂçais avant de revenir exercer en France. En Europe, lâAssociation europĂ©enne des Ă©tablissements dâenseignement vĂ©tĂ©rinaire dĂ©Âcerne une accrĂ©ditation aux forÂmations vĂ©tĂ©rinaires selon diffĂ©Ârents critĂšres. Sur les quatre Ă©coles publiques, lâune dâelles, lâEcole nationale vĂ©tĂ©rinaire de Toulouse, a perdu ce label en 2020.
Ă©ric nunĂšs
ANNA WANDA GOGUSEY
Une des craintesdes quatre
Ă©coles publiquesest de se faire
progressivement« déshabiller »
par une montéeen puissance des
écoles privées
câest une des nouveautĂ©s de lâĂ©dition 2021 de Parcoursup, la plateÂforme dâorientation de lâenseignement supĂ©rieur : les quatre Ă©coles vĂ©ÂtĂ©rinaires de France ouvriront chacune quaranteplaces aux futurs bacheliers par le biais dâun nouveau concours postbac. La « voie royale », quiconsiste Ă intĂ©grer ces Ă©tablissements aprĂšs une classe prĂ©paratoire BCPST (biologie, chimie, physique et sciences de la Terre), va devoir faire de la place Ă une nouvelle voie dâintĂ©gration. Surles 700 Ă©tudiants qui intĂ©greront les Ă©coles en septembre 2021, 160 sortiront directement du lycĂ©e. En 2022, la cohorte dâĂ©tudiants postbac doublera, pour atteindre 320 Ă©lĂšves.
« Outil de reproduction sociale »Pourquoi ouvrir un cursus postbac ? Pour rĂ©Âduire la durĂ©e des Ă©tudes. Alors que la plupartdes pays europĂ©ens exigent des cursus de cinqou six ans pour devenir vĂ©tĂ©rinaire, il en faut souvent huit en France. En effet, 66 % des Ă©tuÂdiants accĂšdent aux Ă©tablissements sur conÂcours aprĂšs une, deux ou trois annĂ©es dâĂ©tudes. Le cursus qui suit lâadmission est composĂ© de quatre annĂ©es de formation, suivies dâune annĂ©e dâapprofondissement. Les Ă©lĂšves qui seÂront admis postbac sâengageront pour une duÂrĂ©e de « seulement » six annĂ©es. « On se rapproÂchera de la norme europĂ©enne », souligne le proÂfesseur Marc Gogny, ancien directeur de lâEcolenationale vĂ©tĂ©rinaire dâAlfort, chargĂ© de mission sur ce dossier.
Des Ă©tudes moins longues, cela signifie desdĂ©penses moindres pour les Ă©tudiants et leurs familles. « Les classes prĂ©paratoires sont un outilde reproduction sociale des Ă©lites », lance Bruno Polack, maĂźtre de confĂ©rences Ă lâEcole nationalevĂ©tĂ©rinaire dâAlfort. En sĂ©lectionnant les candiÂdats dĂšs le lycĂ©e, les Ă©coles vĂ©tĂ©rinaires estiment
pouvoir Ă©lever le pourcentage de candidats boursiers. Pour se porter candidats, les lycĂ©ens devront inscrire, dĂšs le 21 janvier 2021, les Ă©coles nationales vĂ©tĂ©rinaires parmi leurs vĆux sur Parcoursup. Seuls les futurs bacheliers pourrontle faire ; ceux qui ont obtenu leur bac les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes ne sont pas autorisĂ©s Ă se prĂ©senter.Au total, 700 seront admissibles pour passer un concours. CeluiÂci devrait se tenir fin avril 2021 sur le site de lâEcole nationale vĂ©tĂ©rinaire dâAlÂfort. Au final, les 160 candidats reçus seront clasÂsĂ©s et les premiers auront le choix de leur affecÂtation parmi les quatre Ă©coles : Alfort, Nantes, Lyon et Toulouse.
Comment se prĂ©parer ? « Aucune spĂ©cialitĂ© nâestobligatoire », peutÂon lire sur le site Internet rĂ©ÂservĂ© Ă ce nouveau concours. Toutefois, les sciences de la vie et de la Terre sont « fortement recommandĂ©es ». Les spĂ©cialitĂ©s en mathĂ©matiÂques et physiqueÂchimie seront Ă©galement apÂprĂ©ciĂ©es par les recruteurs.
Concernant le concours, aucune annale nâestdisponible puisque lâĂ©dition 2021 sera la preÂmiĂšre. Aucun Ă©crit nâest prĂ©vu, mais il y aura unesĂ©rie de sept entretiens dâune dizaine de minuÂtes. « Il sâagira dâentretiens scĂ©narisĂ©s. On Ă©valueralâagilitĂ© intellectuelle, la vivacitĂ©, la capacitĂ© Ă construire un raisonnement sur des sujets en lien avec le monde animal, mais pas uniquement,explique Marc Gogny. Enfin, on testera les connaissances des candidats sur les facettes du mĂ©tier de vĂ©tĂ©rinaire. Beaucoup de jeunes ont unereprĂ©sentation idĂ©alisĂ©e, voire fantasmatique, denos missions. »
Dans le cas oĂč la crise sanitaire se poursuivraitjusquâau printemps et interdirait lâorganisation du concours, la mise en place dâun systĂšme dâenÂtretiens en visioconfĂ©rence est Ă lâĂ©tude.
Ă©. n.
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24 | forbidden stories MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
B onsoir Jorge », commençait lemessage, reçu le 2 juin 2016par Jorge Carrasco, journalisteau magazine mexicain ProÂceso. « Je te partage la notequâAnimal Politico [un autre
mĂ©dia mexicain] publie aujourdâhui et il mesemble important de la reprendre », poursuiÂvait le SMS, sâachevant par un lien vers une page Web. Le journaliste travaille alors surles retombĂ©es des « Panama Papers » : sonjournal, connu au Mexique pour son indĂ©Âpendance et ses enquĂȘtes, venait de contriÂbuer Ă ces rĂ©vĂ©lations mondiales sur la fraude fiscale.
En lisant le message, M. Carrasco est perÂplexe : lâexpĂ©diteur est inconnu et il est imÂpossible de dire vers oĂč pointe le lien reçu. AÂtÂil cliquĂ© ? Aujourdâhui, il ne sait plus. Ce quiest certain, câest que ce lien ouvrait la porte Ă un logiciel espion redoutable et invisible, capable de siphonner les contenus de sontĂ©lĂ©phone. Ce logiciel, les analystes de lâONG Amnesty International â qui ont Ă©tudiĂ© le message pour le compte du « Projet Cartel », une enquĂȘte du collectif Forbidden Stories qui a mobilisĂ© 25 mĂ©dias, dont Le Monde, pendant plusieurs mois â lâont reconnu : il sâagit de Pegasus, un outil dĂ©veloppĂ© par lâentreprise israĂ©lienne NSO.
InterrogĂ©e par Forbidden Stories, lâentreÂprise, citant des « accords de confidentialitĂ© » avec ses clients, ne souhaite pas Ă©voquer de cas particulier. Dans un communiquĂ© transÂmis au collectif, elle affirme cependant « traiÂ
Team, une entreprise italienne de surÂveillance qui a souscrit de nombreux conÂtrats au Mexique dans les annĂ©es 2000 : « EnĂ©tant une entreprise europĂ©enne, il faut connaĂźtre lâutilisateur final. Cela ne veut rien dire : tu as simplement besoin dâune feuille de papier avec un tampon du gouvernement. Tu ne dois pas vĂ©rifier si cette entitĂ© est autorisĂ©eĂ conduire ces opĂ©rations ou non. » Selon unesource proche de lâentreprise, les employĂ©s de la firme savaient donc parfaitement que,parfois, lâutilisateur rĂ©el de leur logiciel nâĂ©tait pas leur client officiel.
Les vendeurs dâarmes numĂ©riques nesemblent pas pouvoir â ou vouloir â savoir exactement ce qui est fait de leurs outils.« La seule chose que nous pouvions faire si onĂ©tait mis au courant dâabus Ă©tait de ne pas reÂnouveler la licence et de la laisser expirer.Mais nous ne pouvions pas dĂ©sactiver [le loÂgiciel] Ă distance, ni mĂȘme savoir sâil Ă©tait mal utilisĂ©. Nous ne pouvions pas savoir silâagence censĂ©e lâutiliser le prĂȘtait Ă un carÂtel », raconte un autre ancien employĂ© deHacking Team, prĂ©sent au lancement delâentreprise. « Une fois que vous avez vendu lâarme, lâacheteur de lâarme en fait ce quâil veut », reconnaĂźt mĂȘme GĂ©rard Araud, lâanÂcien ambassadeur de France Ă Washington embauchĂ© en 2019 par NSO pour lâaider Ă respecter les droits de lâhomme.
GĂ©rard Araud va plus loin encore : « Lesecret fait partie intĂ©grante de lâentreprise, cequi relativise mon apport. Je ne connais pastout ce qui a Ă©tĂ© mis en Ćuvre ou ce qui ne lâapas Ă©tĂ©. » AÂtÂil pu servir de caution morale ? « La question des technologies de surÂveillance et des droits de lâhomme demandeÂrait une lĂ©gislation voire une convention des Nations unies ou alors un dialogue avec lesorganisations des droits de lâhomme », plaidele diplomate. Son contrat avec NSO a pris finle 1er septembre.
INTERCEPTION DE COMMUNICATIONSAuÂdelĂ de NSO, les documents collectĂ©sdans le cadre du « Projet Cartel » montrent quâune poignĂ©e dâentreprises mexicaines, pour certaines dirigĂ©es par des IsraĂ©liens,jouent un rĂŽleÂclĂ© dans lâimportation de ceslogiciels au Mexique. Eyetech Solutions,discrĂšte PME Ă©tablie Ă Mexico fondĂ©e et diriÂgĂ©e par Yaniv David Zangilevitch, un anciendes forces spĂ©ciales de lâarmĂ©e israĂ©lienne,est ainsi un fournisseur majeur de logicielset dâĂ©quipements Ă©lectroniques pour lesforces de sĂ©curitĂ© mexicaines.
Les attributions de marchĂ©s publics, puÂbliĂ©es en ligne dans certains Etats mexiÂcains, montrent que lâentreprise a notamÂment vendu des systĂšmes de surveillance Ă©lectronique, des camĂ©ras « intelligentes », ou, par lâintermĂ©diaire de lâune de ses filiales,des systĂšmes de brouillage tĂ©lĂ©phonique. Lâanalyse des expĂ©ditions internationales delâentreprise, obtenues par lâONG C4ADS,montre Ă©galement quâelle a reçu en 2016 au moins un colis contenant un « dispositif destockage de donnĂ©es » expĂ©diĂ© depuis Sofia par Circles Bulgaria, une filiale de NSO. SollicitĂ© par Forbidden Stories, lâun des hautscadres de lâentreprise a affirmĂ© quâellenâavait jamais travaillĂ© avec NSO, mais a reÂfusĂ© de rĂ©pondre Ă des questions prĂ©cises.
Eyetech Solutions est loin de dĂ©tenir unmonopole sur le marchĂ© des technologies de surveillance israĂ©liennes au Mexique. Lâune de ses rivales, Neolinx, importe dans le pays des technologies de pointe dugroupe Rayzone, fondĂ© en partie par dâanÂciens salariĂ©s de NSO, et notamment son systĂšme de gĂ©olocalisation Geomatrix, vendu aux Etats de Sonora et de QuintanaRoo, ainsi quâaux enquĂȘteurs fĂ©dĂ©raux du Bureau du procureur spĂ©cial contre le crimeorganisĂ©. Une autre sociĂ©tĂ©, Balam SeguriÂdad, importe de son cĂŽtĂ© les produits de PicÂsix, une entreprise israĂ©lienne spĂ©cialisĂ©e dans les technologies dâinterception decommunications.
Les entreprises israĂ©liennes ne sont passeules sur ce marchĂ© : des contrats obtenus par lâONG R3D montrent que la sociĂ©tĂ© amĂ©Âricaine Verint a vendu au moins cinq ImsiÂcatchers Ă des forces de sĂ©curitĂ© localesmexicaines. Ces outils puissants permettentdâintercepter discrĂštement des communicaÂtions tĂ©lĂ©phoniques. Dans dâautres cas, lâoriÂgine rĂ©elle dâoutils de surveillance est masÂquĂ©e : la sociĂ©tĂ© Eyetech a ainsi vendu Ă lâEtatde BasseÂCalifornie en 2016 un systĂšme degĂ©olocalisation de tĂ©lĂ©phones, utilisant le protocole SS7 et baptisĂ© « Lighthouse ». Le contrat prĂ©sente Eyetech comme le concepÂteur du systĂšme, mais lâentreprise nâest quâun simple revendeur â le concepteur rĂ©el du logiciel, vendu 5,8 millions de dollars et permettant jusquâĂ 200 recherches quotiÂdiennes, est inconnu.
damien leloup, anne michelet martin untersinger
LA POROSITĂ NOTOIRE ENTRE
LâUNIVERS DU CRIME ORGANISĂ ET CELUI
DES FORCES DE LâORDRE REND ILLUSOIRE LE CONTRĂLE DE
LâUSAGE DE CES TECHNOLOGIES
Au Mexique, un arsenal dâespionnageĂ portĂ©e de main des « narcos »AutoritĂ©s fĂ©dĂ©rales et polices locales multiplient les achats dâoutils de surveillance sophistiquĂ©s, notamment auprĂšs de sociĂ©tĂ©s israĂ©liennes comme NSO, au risque de voir ces armes numĂ©riques utilisĂ©es au profit des narcotrafiquants
ter la question de lâutilisation appropriĂ©e de [ses] produits trĂšs sĂ©rieusement », soumettre ses potentiels clients Ă un « strict processus » destinĂ© Ă limiter les atteintes aux droits delâhomme et « enquĂȘter au maximum sur toutes les allĂ©gations crĂ©dibles dâabus »,interrompant, le cas Ă©chĂ©ant, le fonctionneÂment du logiciel.
Jorge Carrasco vient sâajouter Ă la longueliste de journalistes, dâavocats et de miliÂtants critiques du pouvoir espionnĂ©sen 2016 au Mexique par cet outil vendu Ă prix dâor par la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne aux autoÂritĂ©s, et censĂ© contribuer Ă la lutte contre lecrime organisĂ© et le terrorisme. Qui a comÂmanditĂ© cette tentative dâespionnage ? ImÂpossible Ă dire, mais cette rĂ©vĂ©lation prouve une nouvelle fois les risques en matiĂšre de droits de lâhomme de ces outils de pointelorsque leur usage est dĂ©tournĂ©.
A plus forte raison lorsquâils sont utilisĂ©sdans un pays comme le Mexique : la violencedes cartels a nourri lâattrait des autoritĂ©s pour ces solutions dâespionnage, et les poliÂces locales sâĂ©quipent de moyens de surÂveillance gĂ©nĂ©ralement rĂ©servĂ©s aux serviÂces de renseignement, alors que la porositĂ©notoire entre lâunivers du crime organisĂ© etcelui des forces de lâordre rend illusoire le contrĂŽle de lâusage de ces technologies. Des armes numĂ©riques dâautant plus inquiĂ©Âtantes quâelles sont utilisĂ©es dans un pays oĂč119 journalistes ont Ă©tĂ© assassinĂ©s en vingtans, bien souvent parce quâils se sont approÂchĂ©s trop prĂšs de la « narcopolitique ».
Logiciel espion
Deux outils dâespionnage vendus au Mexique et visant les smartphones
www.unlien.org/
LâopĂ©rateur du logiciel espion envoie un SMS au portable cible contenant un lien
Blablabla Bla Bla Blablabla
1
2
Lorsque lâutilisateur clique sur ce lien,
une page Web piĂ©gĂ©e sâouvre et installe un
virus sur le smartphone
Dans le cas d'un appel classique, le téléphone se connecte
Ă une antenne qui relaie l'appel jusqu'Ă son interlocuteur
LâIMSI-catcher va jouer le rĂŽle dâantenne-relais et capter tous
les lâappels avant quâils nâatteignent lâantenne
Il transmet la communication mais intercepte au passage les
données.Le portable est désormais infecté
et va envoyer à l'insu de l'utilisateur les données GPS, contacts, messages,
appels et photos du smartphone infecté vers le serveur espion
3
IMSI-catcher
1 2
Source : Le MondeInfographie : Le Monde
Serveur de pilotage du logiciel espion
Page Webpiégée
Appel en cours...
Appel en cours...
M E X I Q U E , Lâ E M P I R E D E S C A R T E L S
PROJET CARTEL
Le « Projet Cartel » est la nouvelle en-quĂȘte internationale coordonnĂ©e par le rĂ©seau de journalistes dâinvestigation Forbidden Stories, crĂ©Ă© pour poursui-vre le travail dâautres reporters, mena-cĂ©s, censurĂ©s ou assassinĂ©s. Le Monde y a participĂ© aux cĂŽtĂ©s de vingt-quatre autres mĂ©dias, dont le Washington Post, El Pais, The Guardian, la SĂŒd-deutsche Zeitung et lâOrganized Crime
and Corruption Reporting Project (OC-CRP), reprĂ©sentant dix-huit pays. Dix mois durant, au Mexique et en Europe, nous avons enquĂȘtĂ© sur les cartels de la drogue mexicains, leurs liens avec les pouvoirs politiques et leurs con-nexions dans lâUnion europĂ©enne. Point de dĂ©part de ces enquĂȘtes : la mort de Regina Martinez, journaliste du magazine mexicain Proceso, dont lâassassinat le 28 avril 2012 dans le Ve-racruz initia une explosion de violence sans prĂ©cĂ©dent contre les journalistes.
Durant la derniĂšre dĂ©cennie, les vendeursdâarmes numĂ©riques ont en tout cas trouvĂ© au Mexique un marchĂ© tout aussi juteux quâopaque. Des logiciels espions, des technoÂlogies de gĂ©olocalisation, de reconnaissance faciale, de brouilleurs de communications ou de systĂšmes dâĂ©coutes tĂ©lĂ©phoniques ont Ă©tĂ© acquis par les forces de police locales et fĂ©dĂ©rales dans le cadre de leur lutte contre les narcotrafiquants. « Câest un marchĂ© trĂšs lucratif Ă la fois pour ces entreprises, maisaussi pour les fonctionnaires qui sont impliÂquĂ©s dans ces marchĂ©s », accuse Luis FerÂnando Garcia, de lâONG mexicaine de lutte contre la surveillance R3D, interrogĂ© parForbidden Stories.
PAS DâENCADREMENT LĂGALLe systĂšme fĂ©dĂ©ral mexicain, avec ses multiÂples Ă©chelons de forces de lâordre, est ainsi fait que chaque police ou presque cherche Ă acquĂ©rir des Ă©quipements de pointe. Mais,dans un pays oĂč la corruption reste un proÂblĂšme endĂ©mique, le risque que ces technoÂlogies invasives soient utilisĂ©es dans un butpolitique ou au bĂ©nĂ©fice des cartels est maÂjeur. « Lâaggravation du contexte sĂ©curitairedepuis 2007 et la violence liĂ©e au crime orgaÂnisĂ© sont utilisĂ©es comme une excuse pour dĂ©penser dâimportantes sommes dâargent dans lâachat de ce type de technologie. La rĂ©aÂlitĂ©, câest que cette technologie nâa pas eu dâimpact significatif dans la rĂ©duction de la violence. Au contraire, il y a de nombreusespreuves qui montrent des abus dans son utiliÂsation contre des dĂ©fenseurs des droits huÂmains et des journalistes », dĂ©nonce Luis FerÂnando Garcia.
La vingtaine dâentreprises vendant deslogiciels espions auprĂšs des forces de policemexicaines, locales et fĂ©dĂ©rales, opĂšrent quasiment sans encadrement lĂ©gal, expliÂque, sous le couvert de lâanonymat, un haut fonctionnaire de la DEA, lâagence amĂ©Âricaine chargĂ©e de la lutte contre le trafic dedrogue. Les cartels peuvent ainsi profiter desinvestissements rĂ©alisĂ©s par les autoritĂ©s :« La police, dĂ©tentrice de la technologie, peut tout Ă fait la vendre aux cartels », prĂ©ciseÂtÂonde mĂȘme source. Un risque de dĂ©rive confirmĂ© par un ancien salariĂ© de Hacking
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 carnet | 25
Irina AntonovaExÂdirectrice du MusĂ©e Pouchkine de Moscou
P our rien au monde, IrinaAntonova nâaurait ratĂ© leconcert inaugural desNuits de dĂ©cembre, festiÂ
val de musique quâelle avait crĂ©Ă© en 1980 avec le pianiste Sviatoslav Richter (1915Â1997) au sein du MuÂsĂ©e Pouchkine. Las, la « dame de fer » du musĂ©e moscovite nâassisÂtera pas Ă la 40e Ă©dition, dont le coup dâenvoi a Ă©tĂ© donnĂ© en ligne le 1er dĂ©cembre par lâaltiste Youri Bashmet. Irina Antonova sâest Ă©teinte le 30 novembre, Ă Moscou, Ă 98 ans, des suites du CovidÂ19.
Un monument national que cepetit bout de femme, coquette et Ă©nergique, qui a traversĂ© le siĂšcle, survĂ©cu Ă tous les dirigeants rusÂses depuis Staline, et dirigĂ© penÂdant cinquanteÂdeux ans â un reÂcord ! â le MusĂ©e Pouchkine, hissĂ© par ses soins au niveau des toutes premiĂšres institutions mondiales.
Polyglotte maĂźtrisant aussi bienlâallemand, le français que lâitalien,Irina Antonova fut lâinterlocutrice privilĂ©giĂ©e des musĂ©es occidenÂtaux, qui avaient bien compris quâune exposition Matisse, CĂ©Âzanne ou Picasso ne pouvait se monter sans son soutien. « Rien nese faisait sans elle », abonde SuÂzanne PagĂ©, directrice de la FondaÂtion Louis Vuitton, qui salue « son courage et sa dĂ©termination ».
Paradoxe absolu que cette perÂsonnalitĂ©, Ă©clairĂ©e et despote, « Ă lafois dâavantÂgarde, tournĂ©e vers lâOccident et soviĂ©tique absolue », relĂšve Blanche GrinbaumÂSalgas, exÂattachĂ©e culturelle Ă Moscou. Aussi redoutĂ©e que respectĂ©e, elle servit de modĂšle Ă des gĂ©nĂ©rationsde femmes quâelle nâaida pourtantjamais Ă sâĂ©panouir. « DĂšs quâelle repĂ©rait des talents autour dâelle, elle sâen dĂ©barrassait », grince une observatrice russe.
Faux pas avec PoutineIssue dâune famille lettrĂ©e, Irina Antonova naĂźt le 20 mars 1922 Ă Moscou et grandit Ă Berlin, oĂč sonpĂšre est en poste Ă lâambassadesoviĂ©tique. A 23 ans, diplĂŽmĂ©e de lâuniversitĂ© de Moscou, elle reÂjoint le MusĂ©e Pouchkine. Noussommes en avril 1945, un moisavant la fin de la guerre. Le musĂ©eest dans un Ă©tat dĂ©plorable. HabiÂtuĂ©e au grand air et au mouveÂment, la jeune femme sây sent Ă lâĂ©troit. « Quand je suis entrĂ©e dansce musĂ©e de pierre et de marbre, jâai commencĂ© Ă Ă©touffer, raconteÂtÂelle en 2015 au magazine russeArtguide. Jâavais le sentiment dâĂȘtremise en cage, câĂ©tait physique ! »
En 1956, trois ans aprĂšs la mortde Staline, elle organise une expoÂsition Picasso, la premiĂšre du genre dans un musĂ©e soviĂ©tique. NommĂ©e directrice en 1961, elle heurte les apparatchiks en sortantdes rĂ©serves les Ćuvres impresÂ
sionnistes et postimpressionnisÂtes, longtemps jugĂ©es non conforÂmes. En 1974, dans une pĂ©riode de rivalitĂ© EstÂOuest, elle parvient Ă faire venir Ă Moscou La Joconde. Sept ans plus tard, elle accueille une exposition lĂ©gendaire du CenÂtre Pompidou, « MoscouÂParis », occasion unique pour les Russes de dĂ©couvrir leur propre avantÂgarde, de Malevitch Ă Kandinsky.
Audacieuse dans ses goĂ»ts, IrinaAntonova suivra toutefois la ligne du parti sur les sujets de restituÂtion. En 1945, elle est au musĂ©e lorsque les soldats de lâArmĂ©e rouge rapportent du front alleÂmand un trĂ©sor de guerre, plus de 700 toiles de maĂźtres saisies Ă Dresde. Des Ćuvres qui seront resÂtituĂ©es en 1955 Ă lâAllemagne. Mais une part du trĂ©sor confisquĂ© ailÂleurs en Allemagne sommeillera longtemps dans les caves du MuÂsĂ©e Pouchkine, avant de rĂ©apparaĂźÂtre au grĂ© des expositions. A ceux qui lui ont cherchĂ© querelle sur le sujet, elle rĂ©pondait invariableÂment : « La Russie ne doit rien Ă perÂsonne », considĂ©rant ces trophĂ©es comme un dĂ©dommagement pour tous les biens culturels dĂ©Âtruits par les nazis dans lâexÂURSS.
En avril 2013 toutefois, la fine poÂlitique qui, un demiÂsiĂšcle durant, a su complaire Ă tous les dirigeantsrusses, fait un faux pas. Elle interÂpelle alors Vladimir Poutine, en rĂ©clamant que les collections Chtchoukine et Morozov, partaÂgĂ©es en 1948 par Staline entre le MusĂ©e Pouchkine et lâErmitage de SaintÂPĂ©tersbourg, soient rĂ©unies Ă Moscou. Fatale erreur : natif de SaintÂPĂ©tersbourg, Poutine nâapÂprĂ©cie pas. Irina Antonova est ausÂsitĂŽt remplacĂ©e par Marina LoÂchak. Mais on ne congĂ©die pas une lĂ©gende vivante. On la nomme prĂ©Âsidente du MusĂ©e Pouchkine, une fonction trop honorifique pour cette femme de pouvoir. En 2016, elle y organise sa derniĂšre exposiÂtion dâimportance autour du MuÂsĂ©e imaginaire (1947), de Malraux.
Jusquâaux premiers jours de lapandĂ©mie, elle se rendait encorequotidiennement au musĂ©e.« Beaucoup de gens lui ont deÂmandĂ© dâĂ©crire ses MĂ©moires,confie Souria Sadekova, mais elle ne le voulait pas. Pour elle, des MĂ©Âmoires, câĂ©tait la fin de vie. »
roxana azimi
20 MARS 1922 Naissance à Moscou1945 IntÚgre le Musée Pouchkine1961 Prend la direction du Musée Pouchkine2013 Nommée présidente du Musée Pouchkine30 NOVEMBRE 2020 Mort à Moscou
A Moscou, en 2011. A.ZEMLIANICHENKO/AP
SociĂ©tĂ© Ă©ditrice du « Monde » SAPrĂ©sident du directoire, directeur de la publication Louis DreyfusDirecteur du « Monde », directeur dĂ©lĂ©guĂ© de la publication,membre du directoire JĂ©rĂŽme FenoglioDirecteur de la rĂ©daction Luc BronnerDirectrice dĂ©lĂ©guĂ©e Ă lâorganisation des rĂ©dactions Françoise TovoDirection adjointe de la rĂ©daction GrĂ©goire Allix, Philippe Broussard, Emmanuelle Chevallereau, Alexis Delcambre,BenoĂźt Hopquin, Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot, CĂ©cile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (EvĂ©nements)Directrice Ă©ditoriale Sylvie KauffmannRĂ©daction en chef numĂ©rique HĂ©lĂšne BekmezianRĂ©daction en chef quotidien Michel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws, Franck Nouchi (DĂ©bats et IdĂ©es)Directeur dĂ©lĂ©guĂ© aux relations avec les lecteurs Gilles van KoteDirecteur du numĂ©rique Julien Laroche-JoubertChef dâĂ©dition Sabine LedouxDirectrice du design MĂ©lina ZerbibDirection artistique du quotidien Sylvain PeiraniPhotographie Nicolas JimenezInfographie Delphine PapinDirectrice des ressources humaines du groupe Emilie ConteSecrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la rĂ©daction Christine LagetConseil de surveillance Jean-Louis Beffa, prĂ©sident, SĂ©bastien Carganico, vice-prĂ©sident
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AU CARNET DU «MONDE»
Anniversaire de naissance
Françou
un 8 dĂ©cembre tu tâes pointĂ©erue ChĂąteau-Trompette, Ă GuĂ©ret,les grands, les moins grandset Lola, Hector, Iris, Abel, et CĂŽmeles enfants pour tes 7 points zĂ©ro tefont des bisous masquĂ©s.
DĂ©cĂšs
Mme MichĂšle Arbeit,son Ă©pouse,
Philippe, Sylvie (â ), Nathalie, Odile,Marion avec Benoit,ses enfants,
Gabriel, Rémi, Sophie, Clément,Pauline, Valentin,ses petits-enfants,
ont la profonde tristesse de faire partdu décÚs de
Jacques ARBEIT,X Télécom,
chevalier de la LĂ©gion dâhonneur,
survenu le 28 novembre 2020,Ă lâĂąge de quatre-vingt-onze ans.
MichĂšle Arbeit,3, Les Charmes,78860 Saint-Nom-la-BretĂš[email protected]
Paris.
Les Ă©ditions Retz,Sylviane et Julien Brissiaud,
ont la profonde tristesse de faire partdu décÚs de
RĂ©mi BRISSIAUD,
survenu le 27 novembre 2020,Ă Paris,Ă lâĂąge de soixante et onze ans.
Les professeurs des Ă©coles perdentun trĂšs grand ami qui aura ĆuvrĂ©toute sa vie au service de lâĂ©ducationet de la pĂ©dagogie.
Les obsÚques auront lieu le samedi12 décembre, au cimetiÚre du PÚre-Lachaise, Paris 20e.
Madeleine Chave,Florence Chave-Mahir, Taoufik,
Soheil, Sanabel Mahir,JĂ©rĂŽme, Myriam, Marcel, Amalia
Chave,
ont la douleur de faire part du décÚsde
Pierre CHAVE,
survenu le 4 dĂ©cembre 2020,Ă lâĂąge de soixante-dix-neuf ans.
Galerie Chave,12/13, rue Isnard,06140 [email protected]
LâAssociation des Anciens delâUNEF
apprend avec tristesse le décÚs,survenu dans sa quatre-vingt-sixiÚme année, de
Georges DANTON,prĂ©sident de lâUNEF (1958-1959).
Au dĂ©but de la Ve RĂ©publique, il adonnĂ© une dimension supplĂ©mentaireau syndicat Ă©tudiant en associantmouvements de jeunesse, syndicatsdâenseignants et centrales ouvriĂšresdans des actions communes en vuede la dĂ©fense des libertĂ©s publiqueset universitaires menacĂ©es par lapoursuite de la guerre dâAlgĂ©rie,avec le souci de maintenir lâunitĂ©du mouvement Ă©tudiant.
Sa simplicité, son dynamisme etsa force de caractÚre resteront dansla mémoire de tous ceux qui ontmilité à ses cÎtés.
Daniel,son mari,
François, Laurent, Antoine,ses enfants,
Marion, Alice, Zoé, Jeanne, Clara,Elia,ses petits-enfants,
ont la douleur de faire part du décÚssoudain, de
Mme Anne GERMA,née MEYRIAT,
ancienne Ă©lĂšve de lâĂcole normalesupĂ©rieure de Cachan,
professeure des Universités,
survenu le 29 novembre 2020,Ă lâĂąge de soixante-seize ans.
Mme Catherine Lamotte dâIncamps,Boris, Anne-Charlotte, Samuel
et Moussa,
ont la tristesse de faire part du décÚsde
FrançoisLAMOTTE dâINCAMPS,
survenu le 6 décembre 2020,dans sa soixante-dix-neuviÚme année.
Il sera incinĂ©rĂ© Ă Beaurains, danslâintimitĂ© familiale, le 10 dĂ©cembre.
Catherine Leterrier, née Fabius,son épouse,
Louis, Charlotte et Sarah,ses enfants,
Alphonse, Cléo, Léon, Gasparet Anouk,ses petits-enfants,
ont la tristesse de faire part du décÚsde
François LETERRIER,cinéaste,
survenu le 3 décembre 2020.
Lâinhumation aura lieu le jeudi10 dĂ©cembre, Ă 12 heures, au cimetiĂšredu Montparnasse, Paris 14e.
Montpellier.
Mme Chantal VĂ©leine,son Ă©pouse,
Ses enfantset leurs conjoint(e)s,
Ses petits-enfants,Les familles Boulanger, Fauverge,
Vogt, VĂ©leine,
ont lâimmense tristesse dâannoncerle dĂ©cĂšs de
François MARTIN,acteur permanent et passionné
dâanimation culturelleet de dĂ©veloppement local,
survenu le 22 novembre 2020,Ă Montpellier,Ă lâĂąge de soixante-dix-neuf ans.
Françoise Faussillon-Mathieu,sa mÚre,
RĂ©mi Mathieu,son pĂšre,
JĂ©rĂŽme Mathieu,son frĂšre,
Ekaterina Oskolkova,son Ă©pouse,
Paul et Solal Mathieu,ses fils,
Aude Jacqueson,la mĂšre de ses enfants,
Ămilie BĂ©las,sa belle-sĆur,
Rémi Quénelle,son beau-pÚre,
Théo et Sarah Mathieu,ses neveu et niÚce,
Sa famille,Ses amis,
ont lâimmense douleur de faire partde la disparition de
JosephMATHIEU,
survenue Ă lâĂąge de quarante-septans, le 3 dĂ©cembre 2020, Ă Brassy(NiĂšvre).
La cĂ©rĂ©monie se dĂ©roulera danslâintimitĂ©, le jeudi 10 dĂ©cembre, Ă 13 h 30, au funĂ©rarium, 8, rue deVerdun, Saulieu (CĂŽte-dâOr), suiviede lâinhumation au cimetiĂšre deBrassy, Ă partir de 16 heures.
En raison des circonstancesactuelles, un hommage ultérieur luisera rendu.
Jacques ROYERprofesseur et « marcheur »,
nous a quittés le 23 novembre 2020.
Sa famille et ses amis le pleurent.
Une cĂ©rĂ©monie dâadieu a eu lieu,dans lâintimitĂ©, au crĂ©matorium deClamart.
« AprĂšs la fatigue du jourJâaspire de tout mon ĂȘtreA accueillir la nuit Ă©toilĂ©e
Avec amitié, commeun enfant fatigué. »Hermann Hesse.
Paris. Vanves. Saint-Nazaire. Pia.
Anne,sa fille,
Juliette,sa petite-fille,
La famille Barthuel,Les anciens des Auberges de
jeunesse et Ceux du 13,
ont la tristesse de faire part du décÚsde
RenĂ© SĂDES,
qui nous a quittĂ©sle 1er dĂ©cembre 2020,Ă lâĂąge de quatre-vingt-huit ans.
Il a consacrĂ© ses plus belles annĂ©esaux Auberges de jeunesse, puis Ă lâĂ©ducation populaire, au syndicalisme(Action sociale Force ouvriĂšre), Ă lapeinture et Ă lâĂ©criture.
Ceux qui lâont aimĂ© pourrontlire en ligne Une petite maisondans un triangle : https://issuu.com/renesedes/docs/petite_maison
Les obsĂšques auront lieu cemercredi 9 dĂ©cembre, Ă 10 h 30, enlâĂ©glise Saint-RĂ©my, Ă Vanves, suiviesde la crĂ©mation Ă 16 h 30, aucrĂ©matorium du cimetiĂšre du PĂšre-Lachaise, Paris 20e.
Famille SĂšdes,13, rue de ChĂątillon,92170 Vanves.
Câest avec une infinie tristesse quenous faisons part de la disparition,de
AlainWEBER,avocat au barreau de Paris,
survenue le 4 décembre 2020,des suites de la Covid 19.
Un avocat formidable, un associéexceptionnel, un ami magnifiqueet un nouvelliste de talent. Alainétait un homme rare, intelligent,généreux, courageux et bon.
Nous tâaimons.
Henri Leclerc, Frédérique Baulieu,Nathalie Senyk,ses associés,
Sophie Geistel, Lucille Vidal, NormaJullien-Cravotta,ses collaboratrices,
Aude Vitry et Bernard Brahim,ses salariés.
SCP Henri Leclerc et Associés,5, rue Cassette,75006 Paris.
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Communication diverse
26 | SCIENCE & MĂDECINE MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
bourguĂ©bus (calvados) â envoyĂ© spĂ©cial
P our lâInstitut national de recherchesarchĂ©ologiques prĂ©ventives (Inrap),les confinements se suivent et nese ressemblent pas. Celui du prinÂ
temps avait conduit Ă un arrĂȘt total des opĂ©Ârations, lesquelles se sont en revanche pourÂsuivies durant le confinement de lâautomne. Câest ainsi que vient de sâachever la fouille, Ă Giberville (Calvados), dans la pĂ©riphĂ©rie estde Caen, dâun vaste terrain de 4,5 hectares oĂčse construira bientĂŽt un lotissement. Uneexploration qui a renvoyĂ© les chercheurs presque quatre millĂ©naires en arriĂšre.
PrĂ©historiens et historiens nâaiment rientant que saucissonner le passĂ© et, si lâon adopte leurs subdivisions, nous voici donc rendus dans une tranche de salami temporel nommĂ©e Ăąge du bronze ancien II (2 000 Ă 1 600 av. J.ÂC.). Une Ă©poque oĂč, de la pointe de la Bretagne au Cotentin, en passant par les ĂźlesangloÂnormandes, fleurissent les tombes des « petits princes de lâArmorique », ainsi que les avait joliment appelĂ©s lâarchĂ©ologue Jacques Briard (1933Â2002). A Giberville, en 2016, les fouilles dites de diagnostic â des sondagesdu terrain effectuĂ©s pour dĂ©terminer leur « charge » archĂ©ologique â avaient « tapĂ© »dans une de ces sĂ©pultures « princiĂšres ».
Les travaux menĂ©s cet automne sont allĂ©sbien auÂdelĂ de cette approche prĂ©liminaireet ont mis au jour quatre ensembles funĂ©Âraires totalisant « une cinquantaine de tomÂbes dont une quinzaine avec des ossements »,prĂ©cise Emmanuel GhesquiĂšre, archĂ©oloÂgue Ă lâInrap et responsable de lâopĂ©ration. En raison de la nature des sols, les os sont en effet parfois rongĂ©s, jusquâĂ disparaĂźtre.Câest ainsi que, dans la tombe « princiĂšre »,seuls deux fragments dâune jambe ont rĂ©ÂsistĂ© au temps mais ils sont suffisants pour dire que le dĂ©funt a Ă©tĂ© enterrĂ© sur le dos etla tĂȘte du cĂŽtĂ© est. « En gĂ©nĂ©ral, les hommesont la tĂȘte Ă lâest et les femmes Ă lâouest, prĂ©Âcise Cyril Marcigny, lui aussi archĂ©ologue Ă lâInrap et spĂ©cialiste de lâĂąge du bronze. Les inhumations sont trĂšs codifiĂ©es Ă lâĂ©poque. »
Puisque les os ne sont plus vraiment lĂ pour nous renseigner sur ce personnage, ilfaut faire parler son viatique pour lâauÂdelĂ .Câest au centre de recherches archĂ©ologiÂques de BourguĂ©bus, vĂ©ritable caverne dâAliBaba oĂč lâon se promĂšne entre des cĂ©ramiÂques prĂ©historiques et des morceaux dechar de la seconde guerre mondiale, quâeststockĂ© le matĂ©riel issu de cette tombe assezexceptionnelle. Avec des gants en tissu etbeaucoup de soin, Emmanuel GhesquiĂšre dĂ©balle la lame, cassĂ©e en deux et en partieoxydĂ©e, de ce qui ressemble Ă un long poiÂgnard en bronze mais qui pourrait plutĂŽtĂȘtre une Ă©pĂ©e courte.
Puis ce sont quatorze pointes de flĂšche ensilex qui sortent ensachĂ©es de la boĂźte, dont aucune ne semble avoir jamais servi. « Ce sont des pointes dites armoricaines, typiques avec leur forme ogivale assez longue, prolonÂgĂ©e par des ailerons biseautĂ©s et un petit pĂ©Âdoncule qui sâinsĂ©rait dans la hampe de la flĂšÂche, explique Emmanuel GhesquiĂšre. Pourles fabriquer, les tailleurs partaient dâun grosĂ©clat et lâaffinaient avec une alĂšne en cuivre,par pression, retirant des esquilles de silexparfois infĂ©rieures au millimĂštre. » « Câest un travail monstrueux, ajoute Cyril Marcigny. Ilest trĂšs difficile pour les meilleurs tailleurs de pierre dâaujourdâhui dâobtenir un tel rĂ©sultat. Ces pointes trĂšs fines ne circulent que dans certaines sphĂšres et ne se retrouvent que dansles sĂ©pultures de lâĂ©lite. » Dans la tombe ontaussi Ă©tĂ© retrouvĂ©s des fragments dâambre, provenant probablement de perles. Tous ces objets indiquent le statut Ă©levĂ© du dĂ©funt.
LE TEMPS DES ĂLITESAu dĂ©but du IIe millĂ©naire avant notre Ăšre,« une aristocratie se met en place. On sortdâun monde nĂ©olithique plus Ă©galitaire, avecmoins de complexitĂ© sociale, souligne CyrilMarcigny. On passe de sĂ©pultures collectivesĂ des tombes individuelles. » Et apparaissentles tombes princiĂšres contenant du matĂ©Âriel de luxe ou de prestige, signalĂ©es par destumulus parfois impressionnants. « On y retrouve souvent, comme Ă Giberville, delâarmement en bronze, des pointes de flĂšche
dâapparat, des parures, des bijoux, des brasÂsards dâarcher, poursuit lâarchĂ©ologue. Ces personnages modifient la sociĂ©tĂ© de lâĂ©poÂque, accaparent le territoire et aussi lemonde marin avec des pĂȘcheries. Ce sont desgens qui avaient de gros moyens. » Les objetsse font tĂ©moins dâun systĂšme dâĂ©change et de commerce Ă longue distance : mĂ©taux venus dâAngleterre â rĂ©gion qui, Ă lâouest delâEurope, est la premiĂšre Ă maĂźtriser le bronze, alliage de cuivre et dâĂ©tain â, silex deTouraine, ambre de la BaltiqueâŠ
Le nom de « prince » nâest peutÂĂȘtre pasjuste, Ă©tant donnĂ© que ces personnages sâavĂšrent tout de mĂȘme assez nombreux.
Sans doute estÂil plus exact de parler dâunsystĂšme de chefferies, dâaristocrates locaux.A Giberville, lâĂ©tude du terrain montre comÂment ces hobereaux de lâĂąge du bronze structurent le territoire. On voit un systĂšmede fossĂ©s et de voies de circulation, des espaÂces funĂ©raires, des terres agricoles, des trousde chasse pour piĂ©ger les gros mammifĂšresâ aurochs, chevreuils, sangliers, cerfs â, des enclos au sein desquels va se concentrer lâhabitat dont il ne reste aucune trace au sol,parce que les maisons, sans doute faites deterre et de bois, Ă©taient construites sanspoteaux ni fondations.
PĂRIODE PACIFIQUEGrĂące aux nombreux travaux dâamĂ©nageÂment rĂ©alisĂ©s dans la plaine de Caen, les arÂchĂ©ologues de lâInrap, qui interviennentavant lâouverture des chantiers, ont une viÂsion de plus en plus prĂ©cise de cet Ăąge du bronze ancien. MĂȘme si les chefs de lâĂ©poÂque sont inhumĂ©s avec un attirail guerrier,il est probable que « la pĂ©riode Ă©tait plutĂŽtpacifique, estime Cyril Marcigny. Depuistrois ans, nous fouillons une centaine de tombes chaque annĂ©e et aucun des squeÂlettes retrouvĂ©s ne prĂ©sente de traces deviolence interpersonnelle. »
NĂ©anmoins, le temps des Ă©lites ne va pasdurer plus de quelques siĂšcles. « Cette strucÂture politique se casse la figure vers 1700Â1600 av. J.ÂC., ajoute lâarchĂ©ologue. On ne saitpas bien pourquoi. PeutÂĂȘtre les chefferiesfinissentÂelles par entrer en confrontation lesunes avec les autres ? Câest aussi une pĂ©riodede changement climatique oĂč les rĂ©coltessont meilleures. La mĂ©tallurgie devient aussiaccessible Ă tous. Le rĂ©sultat de tout cela est que la stratification sociale a lâair de se tasser. » Cette reconfiguration Ă lâĂąge dubronze moyen se traduit par la formationdâune vĂ©ritable sociĂ©tĂ© (et non plus dâunmaillage de chefferies) avec une fortehomogĂ©nĂ©itĂ© culturelle et matĂ©rielle sur tout le nordÂouest de la France et le sud delâAngleterre. Quant au site de Giberville, ilest abandonnĂ© Ă la fin du IIe millĂ©naire. Ilsera rĂ©investi bien plus tard, aux alentoursdu VIIe et du VIe siĂšcle avant notre Ăšre, pourune autre histoire, celle de lâĂąge du fer.
pierre barthélémy
LâĂąge du bronze sâĂ©claire grĂące Ă une tombe princiĂšreLâexhumation, dans le Calvados, dâune sĂ©pulture dâun « petit prince de lâArmorique », richement Ă©quipĂ©e et datant du IIe millĂ©naire avant notre Ăšre, tĂ©moigne dâune sociĂ©tĂ© qui se complexifie et sâaristocratise
Ă STONEHENGE, LE TUNNEL DE LA DISCORDE
U n autre débat que celui sur leBrexit agite et divise nosvoisins britanniques, à une
Ă©chelle certes plus rĂ©duite mais avec unpoids symbolique presque aussi grand, puisquâil touche Ă Stonehenge. Inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de lâUnesco, ce site mĂ©galithique remonÂtant Ă la fin du nĂ©olithique et au dĂ©but de lâĂąge du bronze (2 800 Ă 1 500 av. J.ÂC.)symbolise lâAngleterre prĂ©historique aux yeux du monde entier. Au cĆur dudĂ©bat : la route A303.
Axe majeur pour le sudÂouest de lâĂźle,elle y reprĂ©sente un peu la « route du Soleil », mais aussi un cauchemar pour les automobilistes. LâA303 se retrouve frĂ©quemment congestionnĂ©e lors des dĂ©parts en vacances, en particulier sur les tronçons oĂč elle nâest quâune simplevoie Ă double sens de circulation. De plus, elle passe en bordure immĂ©diate de Stonehenge, oĂč elle est source de pollution visuelle et sonore. En novemÂbre, le gouvernement britannique a finipar donner son autorisation Ă une transformation du tracĂ© dans le secÂteur, qui, pour un coĂ»t de 1,7 milliard delivres (1,9 milliard dâeuros), prĂ©voit
quâune 2 Ă 2 voies emprunte un double tunnel excavĂ© sous le site mĂ©galithique.
Qui dit tunnel dit Ă©videmment creuÂser deux points dâentrĂ©e et de sortie, dans des terrains dont le potentiel arÂchĂ©ologique est immense. Un appeldâoffres a donc Ă©tĂ© lancĂ© pour que des fouilles scientifiques prĂ©ventives aientlieu sur les diffĂ©rents sites qui seront touchĂ©s par les travaux, lesquels deÂvraient sâĂ©taler jusquâĂ la fin de la dĂ©Âcennie. DotĂ© de 35 millions de livres(prĂšs de 39 millions dâeuros), il a Ă©tĂ©
remportĂ© par la sociĂ©tĂ© privĂ©e britanniÂque Wessex Archaeology, qui a montĂ© pour lâoccasion un consortium dans leÂquel figure â seul organisme Ă©tranger âlâInstitut national de recherches archĂ©oÂlogiques prĂ©ventives (Inrap).
Soixante-cinq sites Ă fouillerSpĂ©cialiste de lâĂąge du bronze et notamÂment des Ă©changes qui ont eu lieu, Ă cette Ă©poque, sur les deux rives de la Manche, lâarchĂ©ologue Cyril Marcigny est un de ceux qui ont portĂ© le projet cĂŽtĂ© Inrap. Il prĂ©cise que lâorganisme français « ne sera pas de toutes les opĂ©raÂtions â il y aura 65 sites Ă fouiller â mais ilparticipera Ă la mise en place de la gesÂtion de lâensemble ». « Nous avons dĂ©veÂloppĂ© une grosse expertise dans ce doÂmaine grĂące Ă toutes les fouilles prĂ©venÂtives de grande envergure que nous avons menĂ©es en France, notamment sur les travaux autoroutiers. Des cherÂcheurs de lâInrap spĂ©cialisĂ©s dans lâinÂdustrie lithique [les outils en pierre taillĂ©e] ou dans les crĂ©mations devraientaussi faire partie du projet. »
En théorie, les travaux devraientcommencer en mars 2021. Mais, entre
les consĂ©quences de la pandĂ©mie de CovidÂ19 et, surtout, une opposition farouche au projet de tunnel, riennâest moins sĂ»r. Une coalition hĂ©tĂ©Âroclite sâest ainsi montĂ©e, qui associele « druide » Arthur Pendragon (nĂ©John Timothy Rothwell), qui se prĂ©Âtend rĂ©incarnation du roi lĂ©gendaire,Ă des Ă©cologistes mais aussi Ă desarchĂ©ologues.
Ainsi, le Britannique David Jacques,qui a dirigĂ© des travaux sur la pĂ©riode laplus ancienne de Stonehenge, considĂšÂreÂtÂil le projet de tunnel comme un scandale international en raison du risÂque de destruction de nombreuses traÂces matĂ©rielles du passĂ©. Dans The Guardian du 24 novembre, trois memÂbres du Council for British Archaeologyont dĂ©plorĂ© le choix du tunnel, auquelils prĂ©fĂ©raient une dĂ©viation en surÂface. Une pĂ©tition a aussi Ă©tĂ© lancĂ©e, quiavait recueilli prĂšs de 200 000 signatuÂres fin novembre. Surtout, un recours aĂ©tĂ© dĂ©posĂ© pour contester la lĂ©galitĂ© de lâautorisation du projet par le gouverÂnement. La bataille de Stonehenge ne fait que commencer.
p. b.
« IL EST TRĂS DIFFICILE POUR LES TAILLEURS
DE PIERRE DâAUJOURDâHUI DâOBTENIR UN TEL RĂSULTAT »
CYRIL MARCIGNY ARCHĂOLOGUE
ARCHĂOLOGIE
AmesburyAmesburyAmesburyAmesburyAmesburyAmesbury
PĂ©rimĂštre du siteclassĂ© Ă lâUnesco
Route et aménagementsde surface envisagés
StonehengeA303
Tunnelproposé
WinterbourneStoke
LondresLondres2 km
En haut : pointes de flĂšche retrouvĂ©es dans la tombe princiĂšre de lâĂąge du bronze ancien de Giberville et qui attestent dâune vĂ©ritable maĂźtrise du travail du silex. CLĂMENT NICOLAS
En bas : fouille dâune des sĂ©pultures situĂ©e Ă cĂŽtĂ© de la tombe princiĂšre. JAMES VILLAGERUT/INRAP
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 science & mĂ©decine | 27
Lâexploit quantique de Google relativisĂ©INFORMATIQUE - Trois chercheurs ont dĂ©veloppĂ© un algorithme permettant Ă un simple PC dâimiter les performances du calculateur dernier cri du gĂ©ant amĂ©ricain
L e 23 octobre, Google crĂ©elâĂ©vĂ©nement en dĂ©voilant, dansNature, les performances dâunordinateur dâun nouveau genre.Le calcul rĂ©alisĂ© par le procesÂ
seur a pris 200 secondes alors que les meilleures machines auraient eu besoinde⊠10 000 ans.
Lâentreprise nâhĂ©sitait pas Ă parlerdâavĂšnement de la « suprĂ©matie quantiÂque », un terme faisant rĂ©fĂ©rence Ă lathĂ©orie derriĂšre la performance, la mĂ©caÂnique quantique. CelleÂci rĂ©git les inteÂractions entre particules de la matiĂšre etpermet de crĂ©er des circuits originauxpour rĂ©aliser des tĂąches plus efficaceÂment. Au point, en thĂ©orie, de rĂȘver decasser des protocoles de sĂ©curitĂ© rĂ©putĂ©sinviolables. La dĂ©monstration de Googlene portait pas sur de tels calculs mais rasÂsurait les investisseurs sur les progrĂšsrĂ©alisĂ©s vers ce Graal.
Patatras, trois chercheurs, du CommisÂsariat Ă lâĂ©nergie atomique et aux Ă©nerÂgies alternatives (CEA) et du Flatiron InstiÂtute (EtatsÂUnis), dĂ©gonflent la prouesse,comme ils lâexpliquent dans Physical Review X (PRX) du 23 novembre : un ordiÂnateur de bureau leur a permis en quelÂques heures de calcul de faire aussi bien que le gĂ©ant du numĂ©rique⊠« JâavaiscommencĂ© Ă travailler sur cet algorithme plusieurs mois avant la publication deGoogle, se souvient Xavier Waintal, cherÂcheur au CEA Ă Grenoble. Jâavais lâintuiÂtion que mon idĂ©e pouvait marcher mais ila fallu le dĂ©montrer. »
Cette idĂ©e est de parier quâen rĂ©alitĂ© lâorÂdinateur de Google nâutilise pas toute la
puissance quantique et que son fonctionÂnement peut donc ĂȘtre « compressĂ© » enrĂ©duisant la quantitĂ© dâinformations utiÂles au calcul luiÂmĂȘme, permettant dâallerplus vite. Lâintuition sâest rĂ©vĂ©lĂ©e bonne,grĂące notamment Ă des outils trĂšs Ă la mode en physique thĂ©orique pour Ă©tuÂdier des processus complexes dans lamatiĂšre et dont Miles Stoudenmire, lâun des coauteurs, est spĂ©cialiste.
Une « magie » fragileElle profite surtout de ce que les machiÂnes quantiques ne sont pas parfaites, puisque, Ă chaque opĂ©ration, des erreurssont commises. La « magie » quantiqueest fragile et la moindre perturbation transforme le carrosse en citrouille. Le trio de physiciens a donc simulĂ© le comÂportement rĂ©el de la machine quantiquede Google, qui se trouve ĂȘtre plus prĂšs dela cucurbitacĂ©e que de la calĂšche.
Une autre maniĂšre de voir la puissancequantique est de rappeler quâun ordinaÂteur quantique est une formidable maÂchine Ă explorer en parallĂšle des espacesimmenses de possibilitĂ©s. Avec un seulqubit, le « cĆur » de ces machines, on acÂcĂšde Ă toutes les coordonnĂ©es dâun plan.Avec deux, on explore un espace Ă quatre dimensions. Avec 53, le nombre rĂ©uni par Google, il sâagit de 253 dimensions, neuf millions de milliards. Lâarticle de PRX montre que seule une petite portion decet espace est en fait utilisĂ©e : environ un milliardiĂšme de la citrouille.
« Leur argument est intĂ©ressant car ilexplique comment on peut simuler desrĂ©alisations expĂ©rimentales dâalgorithmes
quantiques. Mais leur calcul nâest plusaussi efficace si le taux dâerreur est faible, comme dans notre expĂ©rience », faitsavoir Google au Monde.
« Il y a un taux dâerreur en dessous duÂquel nos simulations classiques ne serontplus compĂ©titives et oĂč se trouve donc lâaccĂ©lĂ©ration potentielle des ordinateursquantiques. Cela remet la discussion exacÂtement au bon endroit : lâimportant cenâest pas dâempiler des qubits mais dâamĂ©Âliorer la âfidĂ©litĂ©â, câestÂĂ Âdire la qualitĂ© de lâensemble de la machine. Et le temps decalcul classique augmente alors expoÂnentiellement lorsquâon veut augmenterla fidĂ©litĂ© », rĂ©torque Xavier Waintal, quisalue lâapport de Google, le premier Ă Ă©valuer le comportement rĂ©el dâune maÂchine quantique. Il ajoute : « La compresÂsion dâĂ©tat quantique mâa permis de fairedes calculs avec 240 qubits sur mon PC, cequi aurait pris âdes siĂšcles et des siĂšclesâ,selon Google. »
« Leur article est trĂšs bien. Il explique etprĂ©cise des choses que les spĂ©cialistesavaient en tĂȘte. Ce nâest pas rĂ©volutionÂnaire mais cela dĂ©crit proprement lesconditions dans lesquelles un calcul quanÂtique est performant », estime AntoineTilloy, en postdoc Ă lâInstitut MaxÂPlanckde Garching (en BaviĂšre), spĂ©cialiste de latechnique utilisĂ©e par ses collĂšgues.
Le dĂ©bat reste donc ouvert sur les proÂblĂšmes utiles qui seront effectivementrĂ©solus par ces machines en chimie,pharmacie, finance ou Ă©nergie â les secteurs qui parient le plus sur cettenouvelle technologie.
david larousserie
L es sportifs se battent pour quelÂques milliĂšmes de secondes.Les physiciens, eux, rivalisent
pour, non pas la troisiĂšme dĂ©cimale,mais la septiĂšme. Avec Ă la clĂ© une puÂblication dans la rĂ©putĂ©e revue scienÂtifique Nature. Une Ă©quipe française du Laboratoire Kastler Brossel (LKB, Paris) y dĂ©crit, le 3 dĂ©cembre, commentelle a obtenu la meilleure mesure dâune des constantes fondamentales les plus importantes de la physique : la constante de structure fine.
Peu connue, elle est pourtant omniÂprĂ©sente dans la nature. BaptisĂ©ealpha, elle rĂšgle la maniĂšre dont lalumiĂšre interagit avec la matiĂšre. Ellepermet de calculer la force entre deuxparticules chargĂ©es. Elle aide Ă idenÂtifier les Ă©lĂ©ments chimiques desĂ©toiles par la lumiĂšre Ă©mise. Elle fixe Ă quelle vitesse un Ă©lectron tourne autour du proton dans lâhydrogĂšne,Ă environ 1/137 fois la vitesse de lalumiĂšre. Incontournable.
Dix ans de travail auront Ă©tĂ© nĂ©cesÂsaires aux Français pour faire environdix fois mieux que leurs prĂ©cĂ©dentes mesures et presque trois fois mieux que leurs concurrents en 2018.
Puisquâil sâagit de connaĂźtre laforce que la lumiĂšre exerce sur la matiĂšre, lâidĂ©e est de mesurer le reculdâun atome percutĂ© par un grain delumiĂšre, le photon. Ce recul permetde calculer la masse de lâatome, puis
la masse de lâĂ©lectron et enfin laconstante de structure fine.
Le principal savoirÂfaire est dans lamesure du recul. Une mĂ©lasse dâatoÂmes de rubidium, trĂšs froids, portĂ©s Ă un millioniĂšme du zĂ©ro absolu (enviÂron â 273 °C), est prĂ©parĂ©e pour figer lesparticules. Puis un laser percute ces derniĂšres, qui reculent de quelques millimĂštres par seconde. Une astuce, inventĂ©e au LKB, consiste Ă fournir1 000 chocs Ă un atome, afin dâampliÂfier son recul. « Pour connaĂźtre lâĂ©paisÂseur dâune feuille, il est plus facile de faire un paquet de 1 000 et de mesurerlâĂ©paisseur totale, avant de diviser par lenombre de feuilles. Nous adoptons la mĂȘme philosophie », explique Pierre CladĂ©, chargĂ© de recherche au CNRS.
« Notre rĂ©sultat ne colle pas Ă celuide 2018. Câest donc trĂšs stimulant pour continuer ! », apprĂ©cie SaĂŻda GuellatiÂKhĂ©lifa, professeure au Conservatoirenational des arts et mĂ©tiers.
Une autre motivation est dâĂ©clairerlâun des mystĂšres de la nature. PourÂquoi lâĂ©lectron et son cousin le muon ne tournentÂils pas de la mĂȘme maÂniĂšre dans un champ magnĂ©tique ?Lâune des rĂ©ponses est quâil y aurait des particules apparaissant et dispaÂraissant rapidement, qui perturbeÂraient diffĂ©remment leurs consĆurs. Chaque dĂ©cimale gagnĂ©e sur alpha Ă©carterait ces hypothĂšses.
d. l.
Entre lumiÚre et matiÚre, une relation affinéePHYSIQUE - Des Français ont amélioré la mesure de la constante fondamentale, dite de structure fine
28 | science & mĂ©decine MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
LE LIVRENotre cerveau, ce studio de cinĂ©maLe neurologue Lionel Naccache explore les trucages auxquels ont recours nos mĂ©ninges pour interprĂ©ter ce que lâĆil perçoit, en fonction de nos croyances
T u te fais ton film ! » De cette exÂpression populaire le neurologueLionel Naccache fait la matiĂšre de
son livre Le CinĂ©ma intĂ©rieur. Projection privĂ©e au cĆur de la conscience. Car notre cerveau, nous expliqueÂtÂil, est un studio de cinĂ©ma oĂč se fabriquentles films que nous produisons Ă partir de ce que nous voyons mais aussi de ceque nous imaginons.
Sâappuyant sur un riche corpus comÂposĂ© tant des connaissances les plus rĂ©centes en neurosciences que des rĂ©Âsultats dâexpĂ©riences en psychologie,parfois rĂ©alisĂ©es au siĂšcle dernier et
revisitĂ©es, lâauteur sâapplique Ă dĂ©Âmonter les mĂ©canismes concourant Ă la production de ces illusions. « Nousne cessons dâinterprĂ©ter les choses quenous percevons, de leur assigner desidentitĂ©s (un visage, un nombre, unmotâŠ), des significations, et la premiĂšrecouche de cette production de sens opĂšre Ă notre insu et en amont de notreprise de conscience », poseÂtÂil.
Pour amener cette thĂ©matique sur leterrain de la raison, Lionel Naccache adopte un parti pris pĂ©dagogique. Il sâattache dâabord Ă rĂ©vĂ©ler les trucages par lesquels notre cerveau modifie la
perception de la rĂ©alitĂ© observĂ©e par lâĆil, incluant la colorisation, la stabiliÂsation des saccades de lâĆil, le montage et la production du mouvement, Ă une frĂ©quence de 13 images par seconde.
Image falsifiĂ©eCes trucages se produisent Ă notre insuet nous vivons avec lâillusion de comÂplĂ©tude, nous explique lâauteur. Nouscroyons avoir retenu chaque dĂ©tail dâune scĂšne alors que, preuves scienÂtifiques Ă lâappui, nous en retenonsune image falsifiĂ©e, oĂč seuls persistentles dĂ©tails que nous avons sĂ©lectionÂnĂ©s. Et pour complexifier le tout, cesimages sâintriquent avec celles produiÂtes par lâimagination, le rĂȘve, les halluÂcinations et la mĂ©moire, passĂ©es au filÂtre de notre inconscient. Bref, nousnous faisons des films, Ă lâorigine dusens que nous attribuons au monde.Nos consciences sont donc hantĂ©es decroyances.
Si lâapproche scientifique rĂ©vĂšle sousun jour inĂ©dit cette propriĂ©tĂ© de lâesÂprit humain, la derniĂšre partie du livrequi lui est consacrĂ©e aurait mĂ©ritĂ© unediscussion sur lâapport des sciences
humaines Ă la comprĂ©hension de notretendance naturelle Ă accorder de lâimÂportance Ă nos fictions subjectives, au dĂ©triment de celles dâautrui.
Mais le livre sâaffirme aussi commeun vibrant plaidoyer pour une prise deconscience de lâeffet de ces fictions. « Nos rapports conscients sont de fasciÂnants objets mentaux. Ne pas les prenÂdre en compte reviendrait Ă ne pas sâintĂ©resser Ă lâĂ©toffe de la conscience. Comprendre comment quelquâun peut se rapporter tel ou tel contenu [interprĂ©Âter ce quâil vit] Ă un instant donnĂ© est une question scientifique fondamenÂtale », souligne Lionel Naccache. « Cettecoexistence de nos cinĂ©mas intĂ©rieurs respectifs est Ă©galement une voie de tolĂ©Ârance : prendre conscience de la maniĂšredont nous nous percevons et nous perceÂvons le monde conduit plus facilement Ă comprendre que les autres le perçoiventautrement », conclutÂil.
catherine mary
Le CinĂ©ma intĂ©rieur. Projection privĂ©e au cĆur de la conscience, de Lionel Naccache, Odile Jacob, 240 pages, 22,90 euros
VIE DES LABOS
L es opposants Ă la loi de programÂmation de la recherche pour lesannĂ©es 2021Â2030, dite LPR, adopÂ
tĂ©e le 20 novembre, jettent leurs derniĂšÂres forces dans la bataille. Plusieurs dizaiÂnes dâentre eux viennent de se glisserdans une « porte Ă©troite » ouverte par leConseil constitutionnel. Cette procĂ©dure permet Ă des contributions extĂ©rieures dâĂȘtre portĂ©es Ă la connaissance des Sageslorsquâils sont saisis en recours par lesparlementaires. Ce qui est le cas depuis le27 et le 30 novembre par respectivement plus de 60 sĂ©nateurs et 60 dĂ©putĂ©s. LâinsÂtitution de la rue Montpensier a Ă©tĂ© desÂtinataire dâau moins six textes de pluÂsieurs dizaines de pages chacun, selon lesinformations du Monde â le Conseil consÂtitutionnel refusant dâindiquer combienlui sont parvenus.
Ces argumentaires Ă©manent de collecÂtifs de juristes universitaires, constituĂ©spour lâoccasion, sauf le plus copieux, rĂ©ÂdigĂ© par des membres du collectif LâUnitĂ©du droit, crĂ©Ă© en 2004 pour dĂ©fendre« une nĂ©cessaire collaboration des juristesde droit public et privĂ© ». Cette LPR, censĂ©eĂ©viter le dĂ©crochage de la recherche franÂçaise, a Ă©tĂ© critiquĂ©e pendant de longsmois par des syndicats, des associations, des instances reprĂ©sentatives du mondede la recherche, des sociĂ©tĂ©s savantes, leConseil Ă©conomique, social et environÂnemental, des parlementairesâŠ
Le dernier front engagĂ© renouvelle lanature des arguments. En visant les plushauts sommets institutionnels, le dĂ©batsâĂ©lĂšve. Il est donc question de « nonÂconformitĂ© constitutionnelle », « dâatteinteaux principes dâĂ©galitĂ© » ou « Ă celui dâinÂdĂ©pendance des enseignantsÂchercheurs »,ou encore « dâatteinte au libre consenteÂment des parlementaires » ou de « mĂ©conÂnaissance du principe de lĂ©galitĂ© des dĂ©litset des peines, dâune part, et la libertĂ© dâexÂpression dâautre part »⊠Si certains ne deÂmandent que la censure de certains artiÂcles, dâautres, comme LâUnitĂ© du droit,exigent « une annulation totale de la loi ».
InsincĂ©ritĂ© budgĂ©taire« Bien sĂ»r, lâamendement de derniĂšre miÂnute au SĂ©nat permettant de dĂ©roger Ă la procĂ©dure de qualification nationale pour devenir maĂźtre de confĂ©rences ou profesÂseur a servi de catalyseur. Mais des collĂšÂgues avaient travaillĂ© ces questions juridiÂques bien avant », reconnaĂźt Mathieu TouzeilÂDivina, professeur Ă lâuniversitĂ©ToulouseÂI, prĂ©sident de LâUnitĂ© du droit.« Personnellement, jâai mĂȘme manifestĂ© enmars mon opposition Ă la LPR lors dâun sĂ©minaire⊠au Conseil constitutionnel !, se souvient, amusĂ©, BertrandÂLĂ©o Combrade,maĂźtre de confĂ©rences Ă lâuniversitĂ©dâAmiens. Câest la premiĂšre fois que je rĂ©Âdige un mĂ©moire en dĂ©fense anticonstituÂtionnelle. Il a fallu abandonner la forme universitaire classique pour ne retenir que les arguments contre cette loi. » « DâhabiÂtude, nous produisons des commentaires et lĂ nous devions proposer. On a travaillĂ© plusieurs semaines et on y croit », insistePatricia Rrapi, maĂźtresse de confĂ©rences Ă lâuniversitĂ© ParisÂNanterre, autre corĂ©dacÂtrice dâune contribution.
Des points communs se dĂ©gagent, malÂgrĂ© lâabsence de concertation entre les groupes. Lâ« insincĂ©ritĂ© budgĂ©taire » est atÂtaquĂ©e sous plusieurs angles, notamment Ă cause du mĂ©lange des textes entre la LPR,le budget 2021 ou la loi de programmationdes finances publiques.
Tous soulignent aussi les menaces sur« lâindĂ©pendance des enseignantsÂcherÂcheurs », rappelĂ©e par plusieurs textes constitutionnels. La contribution de lâAsÂsemblĂ©e nationale prĂ©fĂšre dĂ©noncer de nombreux cavaliers lĂ©gislatifs, des dispoÂsitions hors sujet. « Comme le disait le proÂfesseur de droit Jean Rivero, le risque est que le Conseil constitutionnel âchasse les mouÂches et laisse passer le chameauâ », expliqueBertrandÂLĂ©o Combrade. CâestÂĂ Âdire quelâinstitution censure des points sur la forme plus que sur le fond. Mouches et chaÂmeau connaĂźtront leur sort avant NoĂ«l.
david larousserie
Les juristes Ă lâassaut de la LPR
CARTE BLANCHE
Par ANNE BORY
Lâ engagement de jeunes Français dans le « djiÂhadisme » relĂšveÂtÂil de façon univoque deprocessus linĂ©aires de « radicalisation », qui
naissent dans des « quartiers » caractérisés par leur« séparatisme » ?
La dĂ©marche sociologique de Laurent Bonelli et FaÂbien CarriĂ©, dans leur ouvrage La Fabrique de la radicaÂlitĂ©. Une sociologie des jeunes djihadistes français, paruen 2018 au Seuil, et dans plusieurs publications rĂ©cenÂtes, permet de dĂ©passer ces analyses simplistes. Les deux chercheurs ont analysĂ© 120 dossiers de la ProtecÂtion judiciaire de la jeunesse (PJJ) au sujet de mineurs impliquĂ©s dans des affaires de « terrorisme islamiste »
ou signalĂ©s pour « radicalisation djihadiste ». Ils ontaussi menĂ© 57 entretiens auprĂšs des professionnels qui les ont rĂ©digĂ©s et ont utilisĂ© comme grille dâanaÂlyse deux piliers de la sociologie depuis EmileDurkheim (1858Â1917) : lâintĂ©gration de ces jeunes dansdâautres collectifs que la famille et la rĂ©gulation deleurs comportements au sein de celleÂci.
Pas de supposĂ©s « profils »Les faits Ă lâorigine de leur signalisation par la PJJ sont dâune extrĂȘme hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© : de simples conversionsĂ la planification dâattentats, en passant par des proÂpos favorables au terrorisme ou des dĂ©parts en Syrie.Laurent Bonelli et Fabien CarriĂ© distinguent quatre reÂgistres de radicalitĂ©, en partie poreux entre eux puisÂquâun mĂȘme individu peut puiser, simultanĂ©ment ousuccessivement, dans plusieurs registres. Ils ne corresÂpondent pas Ă de supposĂ©s « profils » aux vertus prĂ©Âdictives, mais Ă©clairent la comprĂ©hension rĂ©trospecÂtive de ce qui nourrit des faits associĂ©s Ă la radicalitĂ©.
Câest le registre « utopique », associĂ© au passage Ă lâacte violent, qui se rĂ©vĂšle le plus surprenant, au reÂgard des portraits habituellement dressĂ©s, notamÂment depuis les plateaux tĂ©lĂ©visĂ©s. Les mineurs quisâapproprient ce registre sont issus de familles popuÂlaires immigrĂ©es ayant des situations socioÂĂ©conomiÂques stables, qui ont jouĂ© pleinement la carte de lâintĂ©Âgration en prenant leurs distances avec leurs commuÂnautĂ©s dâorigine et investissant fortement la scolaritĂ© de leurs enfants.
En retour, leurs enfants ont jouĂ© le jeu scolaire et cruaux possibilitĂ©s dâune ascension sociale. Mais lâarrivĂ©e
dans des lycĂ©es de centreÂville expose ces adolescents Ă lâaltĂ©ritĂ© sociale et Ă une compĂ©tition scolaire quijouent en leur dĂ©faveur. En Ă©chec mais sans support de groupes amicaux, ils prennent le contreÂpied deleur famille et de lâĂ©cole et se lient Ă distance avec des recruteurs sur les rĂ©seaux sociaux.
LĂ oĂč dâautres adolescents font, dans des situationssimilaires, plutĂŽt lâexpĂ©rience individuelle de troublesalimentaires ou de formes de repli, ces jeunes entrent dans un processus dâinterprĂ©tation collective de leur situation, auprĂšs de semblables : lâidĂ©ologie djihadistedonne un sens Ă leur expĂ©rience dâisolement social et Ă un goĂ»t pour lâintellectualisation qui ne trouve plus de dĂ©bouchĂ© dans le monde scolaire. Lâengagementdjihadiste de ces mineurs ne prend donc racine nidans un contexte dâintĂ©gration fragile ni du fait dâun manque de rĂ©gulation, bien au contraire.
Ces conclusions montrent les apports que permetÂtent, en termes de connaissance, des enquĂȘtes socioloÂgiques attentives aux trajectoires. DĂ©nuĂ©es de misĂ©raÂbilisme, elles Ă©tudient finement ce qui se produit au croisement de plusieurs rapports sociaux, dans les relaÂtions concrĂštes avec les institutions, les familles ou les pairs. Elles soulignent Ă©galement lâampleur du gouffre qui sĂ©pare, dâun cĂŽtĂ©, analyses au doigt mouillĂ© et priÂses de dĂ©cision politique et, de lâautre, les travaux de sciences sociales qui pourraient les Ă©clairer.
Lâengagement djihadiste des jeunes, auÂdelĂ des stĂ©rĂ©otypes
Anne BorySociologue Ă lâuniversitĂ© de Lille et membre junior de lâInstitut universitaire de [email protected]
TRISTE FIN POUR LE RADIOTĂLESCOPE GĂANT DâARECIBO
Les derniers cĂąbles qui soute-naient encore la plate-forme instrumentale, Ă Porto Rico, ont lĂąchĂ© mardi 1er dĂ©cembre. La structure de 900 tonnes sâest Ă©crasĂ©e sur lâimmense antenne situĂ©e une centaine de mĂštres en contrebas. La « mort » de cette installation hors du commun Ă©tait inĂ©luctable depuis la rupture de deux attaches, lâune en aoĂ»t, lâautre en novembre : les filins dâacier composant les derniers cĂąbles se rompaient les uns aprĂšs les autres au cours des derniers jours. « CâĂ©tait un effet boule de neige, a dĂ©clarĂ© Angel Vazquez, le directeur des opĂ©rations du radiotĂ©lescope. Il nây avait aucun moyen de lâarrĂȘter. CâĂ©tait trop pour la vieille dame. »Construit au dĂ©but des annĂ©es 1960, le disque gĂ©ant dâArecibo (305 mĂštres de diamĂštre) a Ă©tĂ© au cĆur de nombreux travaux, notamment sur les pulsars, des Ă©toiles Ă neutrons en rotation rapide. Câest aussi lĂ quâĂ©tait menĂ©e une partie du programme SETI de recherche de signaux Ă©manant dâĂ©ventuelles civilisations extraterrestres.PHOTO : RICARDO ARDUENGO/AFP
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 science & mĂ©decine | 29
Dominique Costagliola, la dynamique de lâĂ©pidĂ©mieSpĂ©cialiste du VIH, lâĂ©pidĂ©miologiste et biostatisticienne, qui sâest fortement investie dans la lutte contre la pandĂ©mie de Covid-19, se voit dĂ©cerner le Grand Prix de lâInserm de lâannĂ©e
A u fil des mois, elle est devenue de plusen plus prĂ©sente dans les mĂ©dias, reÂcherchĂ©e pour ses analyses pertinenÂtes de lâĂ©pidĂ©mie de CovidÂ19 et sondiscours « cash ». Quâelle critique la
mĂ©thodologie des Ă©tudes de Didier Raoult sur lâhydroxychloroquine ou la gestion de la crise par les dĂ©cideurs, Dominique Costagliola affiche une indĂ©pendance totale.
Avec le SARSÂCoVÂ2 comme avec le VIH, sur lesplateaux tĂ©lĂ© comme sur Twitter, et quel que soitson interlocuteur, lâĂ©pidĂ©miologiste et biostatistiÂcienne applique la mĂȘme mĂ©thode : du bon sens, de la science et de la pĂ©dagogie. Son propos peut ĂȘtre radical mais il est toujours argumentĂ©, fondĂ© sur des donnĂ©es et des faits, martĂšlent ceux quilâont cĂŽtoyĂ©e sur le plan professionnel.
ContactĂ©e pour ce portrait, la directrice adjointede lâInstitut PierreÂLouis dâĂ©pidĂ©miologie et desantĂ© publique (Sorbonne UniversitĂ©, Inserm), 66 ans, prĂ©cise quâelle aura une « actu Inserm » le8 dĂ©cembre. Lâactu en question est en fait lâanÂnonce du Grand Prix de cet institut de recherÂche, qui lui est dĂ©cernĂ© cette annĂ©e. LâInsermlâavait dĂ©jĂ distinguĂ©e en 2013 avec son « prixRecherche » pour ses travaux sur le VIH. Une liÂgne de plus sur un CV impressionnant, comme lenombre de ses publications (539 sur la base dedonnĂ©es PubMed).
Comment rĂ©sumer autant de titres et de casÂquettes, dont lâĂ©numĂ©ration lui a pris pas moins de huit minutes lors de son audition au SĂ©nat, le15 septembre, par la commission dâenquĂȘte sur lagestion de la crise sanitaire ? Dans son apparteÂment parisien, oĂč elle tĂ©lĂ©travaille depuis le preÂmier confinement et nous reçoit entre deux rĂ©uÂnions virtuelles, Dominique Costagliola sâamusede la remarque. Puis sâexplique : « Je voulais que les sĂ©nateurs sachent exactement dâoĂč je parlais, et dâabord quâil soit clair que jâĂ©tais compĂ©tente enpharmacoÂĂ©pidĂ©miologie et en Ă©valuation du mĂ©Âdicament. Plus que certains experts entendus cejourÂlà ⊠» (comprendre Didier Raoult, qui avaitdâailleurs refusĂ© une audition commune).
Le rĂ©citÂfleuve de ses activitĂ©s et missions visaitaussi Ă la clartĂ© sur ses collaborations avec lâinfecÂtiologue Yazdan Yazdanpanah et la virologueMarieÂPaule Kieny, auditionnĂ©s en mĂȘme tempsquâelle. Et sur ses liens avec des laboratoires pharÂmaceutiques. « Dans le flou artistique autour de ladĂ©fense de lâhydroxychloroquine, il y a lâidĂ©e que ceux qui en disent du mal ont des liens dâintĂ©rĂȘtavec lâindustrie, rappelleÂtÂelle. Je voulais montrerque les miens, que jâai toujours mentionnĂ©s dâemÂblĂ©e quand jâai Ă©tĂ© missionnĂ©e par des ministres, dedroite comme de gauche, nâont jamais Ă©tĂ© considĂ©ÂrĂ©s comme des conflits et ne mâempĂȘchent pas de dire ce que je pense dâun mĂ©dicament. »
La nouvelle pandĂ©mie lâa cueillie Ă un peu plusdâun an de la retraite (elle sâarrĂȘtera en aoĂ»t 2021), alors quâelle commençait Ă passer la main. DĂšsjanvier, elle a Ă©tĂ© impliquĂ©e dans le suivi du Covid,au sein du comitĂ© scientifique de REACTing, le consortium de lâInserm qui coordonne la recherÂche française pendant les Ă©pidĂ©mies.
AssignĂ©e Ă rĂ©sidence, avec des horaires de travailĂ rallonge, cette passionnĂ©e de voyages et dâAsie a eu comme hobby principal la cuisine, partageant les photos de ses plats sur Facebook.
Expression libreProche de plusieurs membres du conseil scientiÂfique, rencontrĂ©s au fil de sa vie professionnelle,elle trouve plutĂŽt utile dâĂȘtre en dehors de cette instance, pour sâexprimer librement. Et dire touthaut ce que certains dâentre eux pensent toutbas, probablement. « Quand Jean Castex a Ă©tĂ© auditionnĂ© Ă lâAssemblĂ©e nationale, miÂnovembre,il sâest en quelque sorte dĂ©douanĂ© de ne pas avoir pris de mesures contraignantes en septembre ense rĂ©fĂ©rant aux ârassuristesâ, estime la cherÂcheuse. Il nây a pas de rassuristes dans le conseilscientifique, alors pourquoi Ă©couter ces imbĂ©cilesqui sont mauvais plutĂŽt que les membres dâunconseil quâon a nommĂ©s ? »
Elle est aussi sans concession sur lâabsence demembres de la sociĂ©tĂ© civile dans la gestion de la crise : « Quand vous regardez les missions de la ConfĂ©rence nationale de santĂ© et sa composition,vous vous dites : âComment estÂil possible quâellenâait pas Ă©tĂ© associĂ©e Ă la rĂ©flexion et aux dĂ©ciÂsions ?â On a crĂ©Ă© tout un tas de machins pour lareprĂ©sentation des citoyens et, lorsquâil y a une crise, on voit bien que ce nâest que de lâaffichage puisquâon ne les sollicite pas. » Pour cette cherÂcheuse engagĂ©e, qui travaille depuis des dĂ©cenÂnies avec le milieu associatif du VIH, « ne pas prendre le pari de lâintelligence et de la discussion concertĂ©e est dâun rĂ©trograde absolu ».
« Câest une femme de caractĂšre et une scienÂtifique extrĂȘmement solide. Elle a toujours eu son francÂparler, et jâaime bien parce que câest fondĂ© scientifiquement », rĂ©sume JeanÂFrançoisDelfraissy, prĂ©sident du conseil scientifique,qui la connaĂźt depuis plus de trente ans. PraÂtiquement depuis ses dĂ©buts dans la recherÂche sur le VIH, en fait. CâĂ©tait au milieu desannĂ©es 1980, aprĂšs un parcours peu linĂ©aire.MaĂźtrise de physique en poche, cette fille de militaire rentre sur titres en deuxiĂšme annĂ©edâĂ©cole dâingĂ©nieurs. A Telecom, elle sâennuieferme jusquâĂ sâinscrire dans lâoption qui valui ouvrir de nouveaux horizons : gĂ©nie bioloÂgique et mĂ©dical. Le polytechnicien et Ă©pidĂ©Âmiologiste AlainÂJacques Valleron, chez qui elle fait un DEA puis une thĂšse, deviendra son« pĂšre de sciences », sur le volet Ă©pidĂ©mioloÂgie et modĂ©lisation ; la fonction maternelleĂ©tant dĂ©volue au docteur Eveline EschwĂšge,qui lâĂ©duque Ă la recherche clinique. Unelarge palette de compĂ©tences Ă laquelle ellenâa jamais renoncĂ©.
RecrutĂ©e Ă lâInserm en 1982 comme attachĂ©ede recherche sur le diabĂšte, elle va se tourner vers le sida Ă partir de 1986. Dâabord pourdĂ©velopper des modĂšles statistiques estimantles « paramĂštres cachĂ©s » de lâĂ©pidĂ©mie, telles la durĂ©e dâincubation et lâincidence de cette infection ; puis pour des recherches plus en lien avec la clinique et les traitements. Elle asouvent travaillĂ© en « tandem fĂ©minin », aÂtÂelle soulignĂ© dans son allocution Ă lâAcadĂ©mie des sciences, oĂč elle a Ă©tĂ© Ă©lue en 2017.
En modĂ©lisant des donnĂ©es dâune cohortecollectĂ©es par la virologue Christine Rouzioux,elle montre ainsi au dĂ©but des annĂ©es 1990que la transmission mĂšreÂenfant du virus se fait surtout au moment de lâaccouchementou du dernier mois de grossesse. « Elle a toutde suite perçu lâimpact possible sur la prĂ©venÂtion, se rappelle la virologue. Câest notre pilierdans le monde du VIH, et une rĂ©fĂ©rence enbiostatistiques. »
Lâinfectiologue Christine Katlama, qui traÂvaille avec elle de longue date sur lâoptimisaÂtion des traitements antirĂ©troviraux, saluede son cĂŽtĂ© les partenariats que la chercheusesait Ă©tablir avec les cliniciens : « Elle Ă©coute, comprend et revient avec une vraie proposiÂtion. Toutes ces annĂ©es, Dominique sâest imbiÂbĂ©e du mĂ©dical, et nous dâelle, et ce sont cesĂ©mulsions qui sont fantastiques. »
Pour Dominique Costagliola, les deux grandsmoments de sa carriĂšre sont les rĂ©sultats desĂ©tudes sur la transmission mĂšreÂenfant, etceux de lâĂ©tude Ipergay en 2015, qui a montrĂ©une efficacitĂ© Ă 86 % du traitement prĂ©ventifdu VIH par la PrEP, la prophylaxie prĂ©ÂexposiÂtion. Elle en redĂ©roule le fil avec passion, etune prĂ©cision millimĂ©trique. « CâĂ©tait un peu du travail dans lâombre, mais trĂšs marquantpour moi », ditÂelle sobrement.
Cinglante⊠pour la bonne causeMarc Dixneuf, directeur gĂ©nĂ©ral de lâassociaÂtion de lutte contre le VIH Aides, souligne,lui, son rĂŽle essentiel dans la stratĂ©gie de dĂ©Âpistage du VIH. « Elle avait une vision trĂšsclaire sur cette question. A lâĂ©poque, elle Ă©taitquasiment la seule Ă dire quâil fallait toutmettre en Ćuvre pour que ceux qui en ontbesoin soient dĂ©pistĂ©s, pour ĂȘtre traitĂ©s. »Pour lui, les quatre annĂ©es passĂ©es Ă ses cĂŽtĂ©sau Conseil national du sida ont Ă©tĂ© « commeun postÂdoctorat ».
Brillante, rigoureuse, mais Ă©galement hyÂpersensible, la professeure Costagliola estaussi rĂ©putĂ©e pas commode, trĂšs exigeante, cinglante parfois⊠Mais toujours pour la bonne cause. Marc Dixneuf nâest pas prĂšs dâoublier cette rĂ©union vers 2004Â2005, avec des reprĂ©sentants dâun laboratoire pharmaÂceutique venus spĂ©cialement des EtatsÂUnispour proposer une nouvelle stratĂ©gie avec leur mĂ©dicament. DĂšs quâils se sont mis Ă parÂler, Dominique Costagliola les a tout de suitearrĂȘtĂ©s en leur disant que câĂ©tait faux. « En trois minutes, elle les a explosĂ©s », sâamuse ledirecteur gĂ©nĂ©ral dâAides.
Sur lâĂ©cran dâordinateur de la scientifique etsa banniĂšre Twitter, il y a une photo dâun jolivillage colorĂ© et escarpĂ©. Câest lâĂźle de Procida,dans la baie de Naples, oĂč est nĂ© son grandÂpĂšre paternel, marin, et quâil a quittĂ©e pourvivre Ă Oran. Mais câest au Japon quâelle rĂȘvede retourner. A Kyoto, elle aime tant le jardinsec du RyoanÂji, avec ses 15 pierres, dont jaÂmais plus de 14 ne sont visibles, quel que soitlâendroit dâoĂč on les contemple. « Pour moi,câest lâallĂ©gorie de la science, confie DominiÂque Costagliola. Quand on fait un dispositifexpĂ©rimental, on voit peutÂĂȘtre 14 pierres, mais on ne sait pas sâil y en a 15 ou 12 000. Ăapermet de rester modeste. »
sandrine cabut
Dominique Costagliola montre lâĂ©volution du nombre de cas de Covid-19 de mi-mars Ă fin avril.FRANĂOIS GUENET/INSERM
PORTRAIT
PHYSIQUELe tour de taille du proton sâaffineUne Ă©quipe allemande de lâInstitut MaxÂPlanck de Garching (BaviĂšre) a mesurĂ© le diamĂštre exact du proton, lâune des particules qui constituent le noyau dâun atome. Elle a trouvĂ© 0,84 femtomĂštre (un femtomĂštre vaut 10Â15 mĂštre), soit environ 4 % de moins quâune valeur prĂ©cĂ©Âdente, en sondant trĂšs prĂ©cisĂ©ment les niveaux dâĂ©nergie de lâatome dâhydrogĂšne, contenant un seul proton et un Ă©lectron. Cette expĂ©rience va dans le sens dâune rĂ©conciliation entre des rĂ©sultats contraÂdictoires obtenus par diffĂ©rents types de mesures depuis 2010, sans pour autant Ă©teindre la controverse entre Ă©quipes.> Grinin et al., « Science », 27 novembre
COVID-19Conduire fenĂȘtres ouvertes rĂ©duit les risques de contaminationDes simulations effectuĂ©es par des cherÂcheurs de lâuniversitĂ© Brown (Providence, RhodeÂIsland) suggĂšrent de rouler fenĂȘtres ouvertes pour Ă©viter les risques de contamiÂnation croisĂ©e par des aĂ©rosols porteurs de SARSÂCoVÂ2. La simulation portait sur une voiture de petite taille occupĂ©e par un conducteur et un passager assis Ă lâarriĂšre, du cĂŽtĂ© opposĂ©. Dans tous les cas, abaisser les fenĂȘtres Ă©tait prĂ©fĂ©rable Ă lâutilisation de la climatisation pour disperser les aĂ©rosols. Mais lâĂ©tude a fait apparaĂźtre des options plus contreÂintuitives : ouvrir la fenĂȘtre opposĂ©e Ă chacun des occupants du vĂ©hicule Ă©tait la meilleure combinaison pour minimiser les risques â sachant, rappellent les chercheurs, que lâaĂ©ration ne doit pas se substituer au port du masque.> Mathai et al., « Science Advances », 4 dĂ©cembre
BIOLOGIELâintelligence artificielle dĂ©critles protĂ©ines mieux que jamaisLa filiale de Google, DeepMind, spĂ©cialisĂ©e dans les techniques dâintelligence artificiellepar apprentissage profond, a reçu, le 30 novembre, le premier prix dans une compĂ©tition acadĂ©mique visant Ă dĂ©crire la structure tridimensionnelle des protĂ©ines Ă partir de la seule connaissance de lâenchaĂźÂnement de ses acides aminĂ©s. La forme dans lâespace de ces molĂ©cules est cruciale pour en comprendre la fonction biologique et proposer, Ă©ventuellement, de nouveaux mĂ©dicaments ou vaccins. Depuis 1994, un concours est organisĂ© tous les deux ans pour mettre en compĂ©tition les meilleurs
algorithmes de prĂ©diction de structures. Cette annĂ©e, comme en 2018, le programme AlphaFold de DeepMind sâest rĂ©vĂ©lĂ© le plus performant. 170 000 structures ont servi Ă lâapprentissage de lâalgorithme. Un article dĂ©crivant la nouvelle mĂ©thode est en cours de soumission. (PHOTO : GOOGLE DEEPMIND)
T Ă L E S C O P Eb
1,8Câest, en milliard, le nombre dâĂ©toiles contenues dans le nouveau catalogue issu des observa-tions du tĂ©lescope spatial europĂ©en Gaia, rendu public jeudi 3 dĂ©cembre. Il sâagit de la troisiĂšme recension publiĂ©e depuis le lancement de lâinstrument dans lâespace en 2013. Elle compte 100 millions dâĂ©toiles supplĂ©mentaires par rapport au prĂ©cĂ©dent catalogue qui date dâavril 2018. Surtout, la mesure du dĂ©placement des Ă©toiles et de la distance qui nous sĂ©pare dâelles a Ă©tĂ© significativement amĂ©liorĂ©e, princi-palement parce quâelles ont Ă©tĂ© suivies sur une plus longue pĂ©riode. Ce nouveau catalogue complĂšte la liste des Ă©toiles proches du SystĂšmesolaire : plus de 330 000 ont ainsi Ă©tĂ© comptabili-sĂ©es dans un rayon de 100 parsecs, soit 326 an-nĂ©es-lumiĂšre. Il permet aussi aux astronomes de rĂ©aliser des Ă©tudes sur notre galaxie, la Voie lactĂ©e, par exemple sur sa rencontre avec la galaxie naine du Sagittaire, qui a commencĂ© il y a plusieurs centaines de millions dâannĂ©es.
30 |tĂ©lĂ©vision MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
HORIZONTALEMENT
I. Point commun. II. Il ne faut pas grand-chose pour lâĂ©branler. DĂ©fait les unions chez François. III. PiĂšces de charpente. IV. Fit le malin. Gardes pour toi. Aile de papillon. V. PrĂ©posi-tion. UnitĂ© de puissance. FrĂ©tillent en MĂ©diterranĂ©e. VI. Patron du jour. AssemblĂ©es de gens compĂ©tents. VII. Terre du potier. NĂ©gation. Dame de la cĂŽte. VIII. Long poĂšme Ă©pique et guerrier. Dieu Ă tĂȘte de faucon. Vaut de lâor. IX. Rois de NorvĂšge. FraĂźche et nouvelle. X. Assainisse-ments et mises au propre.
VERTICALEMENT
1. Sale coup pour les affaires et le moral. 2. RemuĂ© dans tous les sens. 3. Personnel. TravaillĂąt sa bĂ©chamel. 4. Capitale pour les canadiens. Content de lui mais dĂ©fait. 5. Accueil-lante station russe dans lâespace. Roumaine ou IsraĂ©lienne. 6. Ses fleurs jaunes rĂ©pandent une odeur de rĂ©sine. RĂ©siste au coup de peigne. 7. Chirurgien de NapolĂ©on III. Ile. 8. Mesure Ă PĂ©kin. Petite Ăźle stratĂ©-gique Ă lâentrĂ©e de la mer Rouge. 9. Monta en rĂ©seau. Garde ses secrets. 10. Aurore, sĆur dâHĂ©lios et de SĂ©lĂ©-nĂ©. PiĂšce de la charrue. PrĂ©position. 11. Note. Passe en premier. 12. Sâabandonnent dans leur imagination.
SOLUTION DE LA GRILLE N° 20 - 286
HORIZONTALEMENT I. Paperasserie. II. Animalier. Oc. III. Salutation. IV. Scie. Mendies. V. Eo. ABS. NS. VI. Planai. Prolo. VII. Lune. QPC. Tan. VIII. AttĂ©nua. Pain. IX. ThĂ©. Ćils. DĂ©. X. Se. Dessaisir.
VERTICALEMENT 1. Passe-plats. 2. Anacoluthe. 3. Pili (pili-pili). Ante. 4. Emue. Née. 5. Rat. Aa. Noé. 6. Alambiqués. 7. Sites. Pais. 8. Sein. PC. La. 9. Eroder. Psi. 10. Ni. Ota. 11. Io. Enlaidi. 12. Ecussonner.
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Canal+The Singing Club21.10 PrĂšs dâun quart de siĂšcle aprĂšs The Full Monty, le Britannique Peter Cattaneo rĂ©cidive en mettant en scĂšne un groupe de femmes de militaires qui trompent lâennui et lâangoisse en chantant. A voir pour Kristin Scott Thomas et Sharon Horgan.
France 2Mektoub, My Love : Canto Uno22.45 Le film dâAbdellatif Kechiche entraĂźne dans une voie qui nâappartient quâĂ lui : abandon presque total de la narration, consomption de la chair et des mots dans lâincendie estival du dĂ©sir, un film comme un long trip sensoriel consacrĂ© Ă la cĂ©lĂ©bration de la vie.
Toute lâHistoireLe Temps des ouvriers20.40 En quatre volets et sur trois siĂšcles, le documentariste dâorigine tchĂšque Stan Neumann livre une histoire monumentale et magistrale de la classe ouvriĂšre europĂ©enne.
Canal+ SériesCatherine the Great21.05 Cette minisérie britannique en quatre épisodes, classique mais plaisante, raconte lestrente ans de rÚgne de Catherine II, impératrice de toutes les Russies, interprétée ici par la grande Helen Mirren.
Elie Semoun filme son « vieux », pour ne pas oublierLâhumoriste a rĂ©alisĂ© un documentaire sur les derniers moments passĂ©s avec son pĂšre, malade dâAlzheimer
LCPMERCREDI 9 - 20 H 30
DOCUMENTAIRE
Câ est Ă moi, merde !Câest mon appareil ! »Un vieux monsieurse fĂąche : ce nâest pas
parce quâil est ĂągĂ© quâil ne sait pas manipuler sa tĂ©lĂ©commande ! A cĂŽtĂ© de lui, son fils sourit, mal Ă lâaise, parce que lui sait que la scĂšne est enregistrĂ©e. Lorsque son pĂšre, Paul, a dĂ©clarĂ© Ă 84 ans les premiers symptĂŽmes de la maladie dâAlzheimer, lâhumoriste Elie Semoun a dĂ©cidĂ© de filmer les derniĂšres annĂ©es quâil leur restait Ă vivre ensemble.
Ses sĆurs lâont laissĂ© faire, consÂcientes que leur frĂšre en avait beÂsoin pour surmonter la mort anÂnoncĂ©e. Trois mois aprĂšs celleÂci, La ChaĂźne parlementaire (LCP) difÂfuse Mon vieux, un documentaire Ă©mouvant et Ă©trangement optiÂmiste. ThĂ©rapeutique aussi pour Elie Semoun, brutalement conÂfrontĂ© Ă sa propre peur de vieillir, de disparaĂźtre. « EstÂce que je suis prĂȘt Ă ĂȘtre oubliĂ© par mon pĂšre ? Non, pas du tout. »
DĂ©sarroiLâhumoriste cherche des rĂ©ponÂses : sur sa mĂšre, morte dâune hĂ©Âpatite B en 1974, alors quâil avait 11 ans ; sur la mort de son frĂšre LauÂrent du sida, en 2002 ; sur le dĂ©part
de la famille du Maroc, dans les anÂnĂ©es 1960 vers la France « parce que, selon un dĂ©cret napolĂ©onien, les juifs marocains Ă©taient franÂçais », explique lâartiste. Les scĂšnes de la vie quotidienne alternent avec des images de lieux, des visaÂges de la famille, parmi lesquelles le tĂ©lĂ©spectateur se perd un peu.
Pour tenter de repousserlâĂ©chĂ©ance, Elie emmĂšne son pĂšre
Ă Taza, dans le nordÂest du Maroc, oĂč ses parents ont vĂ©cu. « Ăa nâaservi Ă rien », constateÂtÂil fin noÂvembre, interviewĂ© dans le magaÂzine « Sept Ă huit ». Pourtant, lesimages de ce voyage sont particuÂliĂšrement touchantes. Paul reÂconnaĂźt trĂšs bien la mĂ©dina, le cafĂ© GuillaumeÂTell ; il se souÂvient des « petits merdeux dâEspaÂgnols » qui le traitaient de « sale
juif » quand il jouait au foot plus jeune. Il en rit encore.
Paul a le rire facile et ces moÂments de complicitĂ© entre pĂšre et fils sont autant de messages dâespoir. En particulier pour les accompagnants de malades dâAlzheimer â 850 000 personnes en France, selon les chiffres duministĂšre de la santĂ©. Ils se reconÂnaĂźtront certainement dans les
diffĂ©rentes « phases » que traÂverse Elie Semoun.
Tout dâabord le dĂ©sarroi, lorsÂquâil dĂ©cide dâaccueillir son pĂšre chez lui. « Tu crois que tu perds la boule ? », lui demandeÂtÂil naĂŻveÂment. « Je me demande quâestÂce que je fais ici ! », rĂ©pond Paul enriant, encore, avant de se prendre la tĂȘte entre les mains. Puis il faut pour le pĂšre et le fils accepter lâenÂtrĂ©e en Ehpad. « Ăa me fait mal au cĆur de savoir que tu mâas amenĂ© là », dit Paul Ă Elie aprĂšs sa preÂmiĂšre visite de lâĂ©tablissement mĂ©dicalisĂ©.
Puis vient la colĂšre, lorsque Pauly meurt. PrĂ©maturĂ©ment, estime Elie Semoun. Le 24 septembre, il publie ainsi sur son compte InstaÂgram : « Le confinement a tuĂ© monpĂšre. Câest quasi criminel dâempĂȘÂcher nos anciens dâĂȘtre entourĂ©s delâamour de leurs proches. » Face caÂmĂ©ra, lâhumoriste regrette dâavoirĂ©tĂ© privĂ© dâun mois et demi dâamour partagĂ©.
La maladie aÂtÂelle rapprochĂ©Elie de son pĂšre, avec lequel il dĂ©Âclare, au dĂ©but du documentaire,entretenir une relation comÂplexe ? CelleÂci se rĂ©vĂšle pourtant, Ă lâĂ©cran, dâune complicitĂ© rare.
catherine pacary
Mon vieux, de Marjory DĂ©jardin et Elie Semoun (Fr., 2020, 54 min), suivi dâun dĂ©bat animĂ© par Elizabeth Martichoux.
Elie Semoun et son pĂšre. CAMĂRA SUBJECTIVE
Lâerrance planante de Bill Murray et Scarlett Johansson dans TokyoDans « Lost in Translation », Sofia Coppola filme lâennui et le dĂ©sarroi de ses deux personnages avec drĂŽlerie et Ă©lĂ©gance
ARTEMERCREDI 9 - 20 H 55
FILM
B ob (Bill Murray), acteurquinqua sur le dĂ©clin, venutourner Ă Tokyo une publiÂ
citĂ© pour une marque de whisky japonais, se prĂȘte sans mauvaise grĂące, mais avec lassitude, aux deÂvoirs qui lui incombent. Entre deux obligations, il traĂźne au bar, regarde pĂ©trifiĂ© dâennui la tĂ©lĂ©viÂsion dans sa chambre, reçoit des fax de sa femme qui lui demandede choisir la couleur de leur moÂ
quette, ou est assailli par une prosÂtituĂ©e dĂ©chaĂźnĂ©e, mandatĂ©e par la production. Charlotte (Scarlett Johansson), censĂ©e accompagner son mari, un photographe de mode, passe son temps Ă ne plus lâattendre, et se morfond devant lavue panoramique de sa chambre, quand elle ne va pas se purger de son dĂ©sarroi au bar de lâhĂŽtel.
Fatalement, câest lĂ , entre deuxinsomnies, que nos deux oiseaux de nuit se rencontrent, en quĂȘtede lâapaisante griserie que proÂcure lâalcool. Ils nâont, Ă stricteÂment parler, rien Ă voir lâun avec
lâautre. Il est presque vieux, mariĂ© de longue date, regarde la vie sansenvie, dĂ©cline inexorablement. Elle est jeune, blonde, fraĂźche et jolie, vient de se marier, mĂšne desĂ©tudes de philosophie et regarde la vie comme si celleÂci lâavait prise par surprise. Sans doute ontÂils en partage leur dĂ©sarroi, et plusencore le fait de se trouver, seuls, loin de chez eux, perdus dans un univers de signes indĂ©chiffrables.
La mise en scĂšne de Sofia CopÂpola, tapissage sensoriel de luÂmiĂšre tamisĂ©e, de musique plaÂnante et de calfeutrage nocturne,
restitue ce dĂ©phasage spatioÂtemÂporel des personnages, qui les pousse Ă trouver en lâautre une planche de salut existentiel.
Tout sâachĂšteEn dĂ©pit du fossĂ© de la langue qui les isole de la sociĂ©tĂ© environÂnante, Bob et Charlotte se retrouÂvent Ă Tokyo comme Ă la maison, en mal de cette aspĂ©ritĂ© propreÂment humaine qui est le grain de sable de la grande normalisation mercantile des dĂ©sirs.
MalgrĂ© les apparences, riennâaura Ă©tĂ© « perdu Ă la traducÂ
tion », puisque dans ce mondeÂci,ou tout au moins dans cette partiedu monde qui passe par New Yorket Tokyo, rien ne se perd mais toutse vend, rien ne se donne mais tout sâachĂšte. Le plan qui le sugÂgĂšre avec le plus de nettetĂ© est ceÂlui oĂč Bob voit soudain son imagesâinscrire sur une affiche gĂ©ante. Câest la nature trĂšs particuliĂšrede ce vertige, en vertu duquel lâhomme devient Ă luiÂmĂȘme et en plus grand que nature sa proÂpre marchandise, qui confĂšre Ă la relation entre les deux protagoÂnistes sa valeur Ă©motionnelle.
La drĂŽlerie et lâĂ©lĂ©gance de lamise en scĂšne, cette touche quipermet de suggĂ©rer un maximumde choses en un minimum de mots, cette prĂ©dilection pour un pastel esthĂ©tique qui relĂšverait de lâeffet de mode si elle nâouvrait surun abĂźme de dĂ©sarroi, tout cela faitde Sofia Coppola une cinĂ©aste Ă part entiĂšre, quelquâun qui sait faire corps avec son temps.
jacques mandelbaum
Lost in Translation, de Sofia Coppola. Avec Scarlett Johansson, Bill Murray (EUÂJap., 2003, 120 min).
N O T R ES Ă L E C T I O N
0123 est édité par la Société éditricedu « Monde » SA. Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 124.610.348,70 €.Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
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0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 CULTURE | 31
Universal a acquis le catalogue de Bob DylanLâaccord, qui concerne 600 chansons, constitue une des plus importantes transactions dans lâĂ©dition musicale
U niversal Music PuÂblishing Group(UMPG) a annoncĂ©,lundi 7 dĂ©cembre,
lâacquisition de « lâensemble ducatalogue de chansons de BobDylan ». Ni la somme, ni la chroÂnologie des nĂ©gociations entre le chanteur amĂ©ricain (directeÂment ? depuis quand ?) et/ou ses reprĂ©sentants et ceux dâUMPG,ni des prĂ©cisions ne seront « diÂvulguĂ©es » (« disclosed »), nous aindiquĂ© le responsable de lacommunication aux EtatsÂUnis. La somme de plus de 300 milÂlions de dollars (environ 247 milÂlions dâeuros) est avancĂ©e par le jÂournaliste Ben Sisario, dans leNew York Times.
Pour sa part, la publication proÂfessionnelle amĂ©ricaine de lâinÂdustrie musicale Billboard estime que cet accord est « probablement le plus important pour un auteurÂcompositeur seul » Ă ce jour et Ă©voÂ
que un montant de plusieurs cenÂtaines de millions de dollars.
Le communiquĂ© dâUniversalMusic Publishing Group, plus grosse maison dâĂ©dition musicale aprĂšs Sony/ATV Music Publishing, indique que ce sont plus de 600 chansons Ă©crites et compoÂsĂ©es par Bob Dylan qui sont concernĂ©es. De celles datant du dĂ©Âbut des annĂ©es 1960 aux plus rĂ©Âcentes, figurant sur le dernier alÂbum en date, Rough and Rowdy Ways, commercialisĂ© le 19 juin. Si le Prix Nobel de littĂ©rature 2016, aujourdâhui ĂągĂ© de 79 ans, devait en Ă©crire dâautres Ă lâavenir, il pourÂrait les mettre en Ă©dition avec UMPG ou une autre structure.
Les termes dâinterprĂšte, auteurou autrice, compositeur ou comÂpositrice Ă©voquent aisĂ©ment pour le grand public ce Ă quoi ils se rapportent, mais celui dâĂ©diÂteur musical est probablement moins connu. LâĂ©diteur gĂšre lâexÂ
ploitation des Ćuvres et les reveÂnus qui en dĂ©coulent, en Ă©change dâun pourcentage sur ces reveÂnus. Câest lui qui proposera Ă une chanteuse ou un chanteur dâinÂterprĂ©ter les Ćuvres de son auteur et compositeur, agira pourplacer les titres de ce cataloguedans des films, documentaires oufictions, des sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es, despublicitĂ©s, des jeux vidĂ©o, collecÂter les droits des diffusions Ă la raÂdio, dans les commercesâŠ
Une centaine de classiquesDans le cas de Bob Dylan, on peut estimer Ă une bonne centaine ses chansons devenues des classiÂques, dans des approches variĂ©es, folk, rock ou country. Parmi lesÂquelles Blowinâin the Wind, A HardRainâs AÂGonna Fall, The Times They Are AÂChanginâ, Mr. TambouÂrine Man, Itâs All Over Now, Baby Blue, Like a Rolling Stone,Highway 61 Revisited, Just Like a
Woman, All Along the WatchÂtower, Lay Lady Lay, KnockinâonHeavenâs Door, Forever Young,Shelter From the Storm ou Make You Feel My Love. Le nombre de reÂprises de ses titres est estimĂ©, seÂlon le communiquĂ© dâUMPG, à « plus de 6 000 (âŠ) par une longue lignĂ©e dâartistes reprĂ©sentant desdizaines de pays, de cultures et de genres musicaux diffĂ©rents ». Une exploitation qui rapporte rĂ©guliĂšÂ
rement â Blowinâin the Wind seraiten tĂȘte, reprise Ă ce jour prĂšs de400 fois â et qui devrait continuerĂ constituer un pactole.
Tout comme la publicitĂ©. Aucontraire du trĂ©sor Ă©ditorial des188 compositions des Beatles â caÂtalogue passĂ© dans diverses strucÂtures avant dâĂȘtre achetĂ©, en 1985, par Michael Jackson, et qui, aprĂšs dâĂąpres nĂ©gociations et un monÂtant restĂ© secret, est rĂ©cemmentrevenu Ă Paul McCartney â, dont les interprĂ©tations originales ne peuvent ĂȘtre utilisĂ©es dans des films publicitaires, Dylan nâa pasces prĂ©ventions. Sa musique peut se promener un peu partout.
LâicĂŽne des annĂ©es 1960 estmĂȘme apparue Ă lâimage interÂprĂ©tant ses chansons dans pluÂsieurs publicitĂ©s, notamment pour la marque de sousÂvĂȘtementVictoriaâs Secret (en 2004, avec la chanson Love Sick), lâiPod dâApple(en 2006, avec Someday Baby, qui
Le nombre de reprises de ses
titres est estiméà plus de 6 000,
« Blowinâ in The Wind » Ă©tant
celle la plus souvent jouée
a obtenu un Grammy Award de la meilleure chanson rock en 2007), le soda Pepsi (en 2009, en duoavec will.i.am sur Forever Young) ou les voitures Chrysler (en 2014, avec Things Have Changed). Lesite amĂ©ricain Internet Movie Database publie plus de 800 enÂtrĂ©es pour lâutilisation de seschansons, interprĂ©tĂ©es par lui ou dâautres, Ă la tĂ©lĂ©vision ou au ciÂnĂ©ma, depuis 1964 jusquâĂ un Ă©piÂsode de la sĂ©rie Fear the Walking Dead, en octobre 2020.
Autant dâĂ©lĂ©ments montrantque lâĆuvre musicale de Bob Dylan attire, auÂdelĂ de sesconcerts et ses disques (qui, eux, demeurent chez Columbia ReÂcords, un label de Sony Music). Avec une perspective de retour sur investissement qui a dĂ» peÂser dans la dĂ©cision dâUniversal Music Publishing Group.
sylvain siclieret nicole vulser
Les compositeurs de musique contemporainesâunissent en syndicatReprĂ©sentant toutes les gĂ©nĂ©rations, le SMC compte devenir un interlocuteur des tutelles
P endant le confinement, lescompositeurs nâont pas faitque noircir du papier Ă
musique dans leur coin. Ils ont Ă©changĂ©, plus que de coutume, surla nĂ©cessitĂ© de se regrouper pour dĂ©fendre une activitĂ© solitaire, et, trĂšs vite, deux nouvelles instancesont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es. Une fĂ©dĂ©ration, apÂpelĂ©e Ă rĂ©unir les artisans de la musique Ă©crite, au sens large, et un Syndicat français des composiÂteurs et compositrices de musiquecontemporaine (SMC), structureplus « pointue », qui compte dĂ©jĂ prĂšs de 150 adhĂ©rents.
Pour en parler aujourdâhui, dansun esprit collĂ©gial â fondement duSMC â, trois membres du conseil dâadministration Ă©lu en juin sous la prĂ©sidence de Philippe Hurel.Deux hommes et une femme,rĂ©partition que le musicien BenÂjamin de la Fuente, 51 ans, commente dâemblĂ©e : « Nous traÂvaillons Ă la paritĂ© hommesÂfemÂmes mais celleÂci nâest pas encoreatteinte. En revanche, la reprĂ©senÂtation des diffĂ©rentes gĂ©nĂ©rations nous paraĂźt effective. » Et dâindiÂquer la prĂ©sence au bureau de BerÂtrand PlĂ© (nĂ© en 1986) et dâAnaĂŻsÂNour Benlachhab (nĂ©e en 1996).
Premiers signes dâefficacitĂ©Si le nouveau syndicat ne se voit pas en concurrence avec la fĂ©dĂ©raÂtion, il tient Ă se dĂ©finir comme une force politique, un interlocuÂteur engagĂ©, que les tutelles deÂvront consulter pour prendre des dĂ©cisions concernant la musique de crĂ©ation. Le dĂ©clic est venu de ladĂ©centralisation des commandes dâEtat. CellesÂci nâĂ©manent plus dorĂ©navant de la direction gĂ©nĂ©Ârale de la crĂ©ation artistique (DGCA), basĂ©e Ă Paris, mais des saÂtellites du ministĂšre de la culture que constituent les dix dĂ©clinaiÂsons de la direction rĂ©gionale des affaires culturelles (DRAC).
Florence Baschet, secrĂ©taire duSMC, souligne les difficultĂ©s liĂ©es au nouveau mode dâattribution de lâaide Ă lâĂ©criture musicale (le terme « commande » est dĂ©sorÂmais Ă©vacuĂ©) : « Dans certaines commissions dâexperts rĂ©unis par la DRAC, on trouve parfois un seul compositeur pour six ou sept resÂponsables de programmation. De plus, des diffĂ©rences apparaissent selon les rĂ©gions quant aux critĂšres
dâĂ©valuation dâun projet. » ConÂvaincue quâune harmonisation estnĂ©cessaire, la compositrice a traÂvaillĂ© sur la question avec son colÂlĂšgue Samuel Sighicelli pour abouÂtir Ă un ensemble de propositions que le SMC est impatient de souÂmettre aux tutelles concernĂ©es.
SensibilisĂ©e par une lettre auxdivers sujets quâentend dĂ©fendre le syndicat, Roselyne Bachelot, la ministre de la culture, a transmis le dossier Ă HĂ©lĂšne AmblĂšs, sa conseillĂšre chargĂ©e de la crĂ©ation,du spectacle vivant et des festiÂvals, qui a reçu une dĂ©lĂ©gation, le12 novembre, avec laquelle elle a dĂ©jĂ abordĂ© deux dossiers jugĂ©s prioritaires : le soutien aux compositeurs en lâabsence de concerts due Ă la pandĂ©mie et ledispositif des aides Ă lâĂ©criture.
Un premier signe dâefficacitĂ©selon Samuel Sighicelli, qui, pour avoir expĂ©rimentĂ© la donne des deux cĂŽtĂ©s de la table aux subvenÂtions (comme dĂ©positaire dâun projet dâĂ©criture et comme memÂbre de la commission dâexperts), ne voit pas que des problĂšmes dans la dĂ©centralisation. « Câest lâoccasion de sortir de la tour pariÂsienne qui rĂšgne sur la crĂ©ation etdâencourager les dynamiques qui existent en rĂ©gion », estimeÂtÂil.
Benjamin de la Fuente Ă©largit lepoint de vue Ă la place occupĂ©e par le compositeur dans une soÂciĂ©tĂ© en train de changer. « On nâest pas lĂ pour se plaindre ni pour ĂȘtre agressif, expliqueÂtÂil, mais pour faire des propositions concrĂštes dans les multiples doÂmaines qui concernent notre mĂ©tier. » Les commandes, la rĂ©siÂdence auprĂšs des orchestres etdes opĂ©ras, les droits dâauteur, le Centre national de la musique⊠« DĂ©fense, valorisation, visibilitĂ© »sont les trois mots qui rĂ©sument, selon lui, les objectifs du SMC avec, dans tous les cas, la volontĂ© de travailler avec les instances.
Dominique Muller, dĂ©lĂ©guĂ© Ă lamusique du ministĂšre de la culÂture (DGCA), prĂ©sent Ă la rĂ©union du 12 novembre, sâest montrĂ© senÂsible au travail effectuĂ© par le synÂdicat, rapporte Philippe Hurel, qui,dans « la bienveillance et lâattenÂtion » manifestĂ©es Ă cette occasion,nâhĂ©site pas Ă voir « la preuve de la nĂ©cessitĂ© » de lâexistence du SMC.
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32 | culture MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
Une Mulan sans Ăąmeet opportunĂ©ment fĂ©ministeLâadaptation en prises de vue rĂ©elles dâun des succĂšs historiques de Disney sort directement sur la plateÂforme maison
P rĂ©vue pour une sortie surgrand Ă©cran le 25 mars, reÂportĂ©e en raison de la crise
sanitaire, lâadaptation en prises devue rĂ©elles de Mulan ne connaĂźtra jamais les salles obscures. Le stuÂdio a prĂ©fĂ©rĂ© sortir le film sur Disney +, sa plateÂforme de vidĂ©o Ă la demande. Une dĂ©cision qui a provoquĂ© lâire des exploitants du monde entier qui comptaient sur cette superproduction pour relanÂcer la frĂ©quentation des salles au sortir du premier confinement.
Sâajoute Ă cela un mĂ©contenteÂment politique : Mulan ayant Ă©tĂ© tournĂ© dans la rĂ©gion autonome du Xinjiang, des dĂ©fenseurs des droits de lâhomme reprochent au studio dâavoir collaborĂ© avec la police chinoise, accusĂ©e dây persĂ©Âcuter la minoritĂ© musulmane ouĂŻgoure. En plus de cette affaire dĂ©jĂ embarrassante pour le studioamĂ©ricain, lâactrice principale, Liu Yifei, a dĂ©fendu publiquementla police hongkongaise, provoÂquant une vague dâindignation et un appel au boycott du film relayĂ©sur les rĂ©seaux sociaux. Un appelvisiblement suivi dâeffets puisque le film, sorti en salle dĂ©but sepÂtembre en Chine, a rĂ©alisĂ© un trĂšs mauvais dĂ©marrage et nâa jamais rĂ©ussi Ă trouver son public. AutantdâĂ©vĂ©nements qui nâauront servi quâĂ prouver que le navire Disney est Ă peu prĂšs insubmersible, contournant le chaos du monde avec un mĂ©lange dâindiffĂ©rence et de cynisme â on doute quâils aientun rĂ©el impact Ă©conomique pour le mastodonte, et il le sait.
Moins un film quâun produitCette stratĂ©gie rĂ©vĂšle ce quâest vĂ©Âritablement Mulan : moins unfilm quâun produit narratif que lâon sâarrache ou que lâon boude, mais dont le succĂšs est, comme toutes les versions filmĂ©es dĂ©jĂ sorties (Le Roi Lion et Aladdin en 2019, Le Livre de la jungle en 2016âŠ), assurĂ© par son prĂ©dĂ©Âcesseur animĂ© (Mulan, 1998) et la force de frappe de Disney.
A ce titre, cette version 2020 estla reprise lĂ©gĂšrement remaniĂ©e du premier scĂ©nario inspirĂ© dâunelĂ©gende chinoise datant du Ve siĂšÂcle : Hua Mulan, jeune paysanne,se fait passer pour un homme afin de rejoindre lâarmĂ©e impĂ©Âriale qui sâapprĂȘte Ă combattre unenvahisseur. Elle sera tardiveÂment dĂ©masquĂ©e et brandie enexemple. Le rĂ©cit hĂ©roĂŻque de cette Jeanne dâArc chinoise tombeĂ pic, Ă lâheure oĂč Disney expie
son passĂ© sexiste en produisant Ă la chaĂźne des rĂ©cits dâĂ©mancipaÂtion fĂ©minine. Mulan prend la suite de La Reine des neiges (2013),succĂšs historique du studio : refusdâun destin tout tracĂ© et des attriÂbuts de la fĂ©minitĂ©, exemple paraÂdigmatique du trĂšs en vogue emÂpowerment au fĂ©minin.
Mulan est indĂ©pendante, forteet sâintĂ©resse davantage Ă la guerre quâaux garçons : un rĂ©cit sans doute bienfaiteur mais dont la rĂ©pĂ©tition mĂ©canique cachemal une stratĂ©gie de « fĂ©minisme washing » qui commence Ă lasser.De Marvel Ă Disney, les grandsstudios ont trouvĂ© la formule maÂgique qui les mĂ©tamorphose enchantres du progressisme, et sontbien dĂ©cidĂ©s Ă ne plus la lĂącher.
Pour le reste, Mulan semble rĂ©Âsister Ă lâhabituelle apprĂ©ciationcritique : mise en scĂšne et perforÂmances dâacteurs sont inexisÂtants. MĂȘme Liu Yifei, qui est de tous les plans, nâest quâun rouage Ă lâintĂ©rieur de cette succession dedĂ©cors grandiloquents dâune Chine lĂ©gendaire ripolinĂ©e au nuÂmĂ©rique. Rien ne dĂ©passe, tout estfluide et Ă sa place, si bien que leregard peine Ă sâagripper Ă un dĂ©Âtail, un geste, quelque chose quiprouverait que Mulan est autrechose quâun produit industriel asÂsemblĂ© par ordinateurs.
Les rares supplĂ©ments dâĂąme dupremier film (chansons, humour, acolytes animaliers) ont Ă©tĂ© gomÂmĂ©s, comme si rien ne devait entraver lâapprĂ©ciation dâun rĂ©cit moralement aseptisĂ©, censĂ© contenter un public globalisĂ©. Le renoncement Ă une sortie dansles salles obscures au profit des Ă©crans domestiques rĂ©affirme lâambition du studio : produire des flux dâimages qui ont pour seule vertu, sur deux heures, detenir les enfants en place.
murielle joudet
Mulan, film américain de Niki Caro (1 h 56). Avec Liu Yifei, Donnie Yen, Gong Li.
Les zigzags poĂ©tiques et burlesques de Kidlat TahimikLâĂ©dition en DVD de « Perfumed Nightmare » permet de dĂ©couvrir le film du cinĂ©aste philippin, rĂ©compensĂ© au Festival de Berlin en 1977
DVD
A u festival de Berlin,en 1977, un ovni cinĂ©maÂtographique obtenait le
Prix de la critique internationale(Fipresci) : Perfumed Nightmare, premier longÂmĂ©trage auxaccents dadaĂŻstes du Philippin Kidlat Tahimik, un trompeÂlâĆil faussement documentaire et rĂ©solument anticolonialiste.
Devenu culte, ce film inĂ©dit enFrance sort en DVD le 7 dĂ©cembre (Ă©ditĂ© par MĂ©gaphone et distribuĂ©par Doriane films), accompagnĂ© dâun passionnant entretien avec le rĂ©alisateur : nĂ© en 1942, ancien Ă©conomiste, Kidlat Tahimik estdevenu cinĂ©aste presque par haÂsard, avec le soutien de Werner Herzog. Dâabord distribuĂ©s aux
EtatsÂUnis par Francis Ford CopÂpola (Zoetrope), ses films ont Ă©tĂ© ensuite confiĂ©s au documentaÂriste amĂ©ricain et distributeur LesBlank (1935Â2013), de Flower Films.
Le hĂ©ros de Perfumed NightÂmare est le rĂ©alisateur luiÂmĂȘme,sorte dâalter ego : Kidlat Tahimik incarne un chauffeur de taxi fausÂsement candide, dans un village proche de Manille. Ebloui par la technologie occidentale et les aventures spatiales, il rĂȘve de deÂvenir astronaute et de construiredes ponts « jusquâĂ la Lune ». Un voyage Ă Paris, dans la France gisÂcardienne qui achevait alors de construire le Centre Pompidou (inaugurĂ© en 1977), puis un autrepĂ©riple dans lâAllemagne rurale vont faire dĂ©chanter notre exploÂrateur. Interrogeant la modernitĂ©
et le dĂ©clin de lâartisanat (des marÂchands de « quatre saisons » au ciÂnĂ©ma indĂ©pendant), Kidlat TahiÂmik critique le systĂšme par petiÂtes touches surrĂ©alistes : Ă Paris, des machines Ă chewingÂgums sont installĂ©es dans les quartiers touristiques afin dâassurer Ă leur propriĂ©taire une petite fortune.
Le pont comme matriceDans ce film hybride, le rĂ©alisaÂteur mĂȘle joyeusement une apÂproche anthropologique et un reÂgard burlesque sur ses contemÂporains. A propos de ce « caucheÂmar parfumĂ© », lâessayiste Susan Sontag (1933Â2004) avait Ă©crit :« Perfumed Nightmare rappelle que lâinvention, lâinsolence, lâenÂchantement et mĂȘme lâinnocencesont encore possibles au cinĂ©ma. »
Kidlat Tahimik est un poĂšte quijoue avec les mots, et le « pont » dela premiĂšre image, Ă lâentrĂ©e duvillage philippin, va devenir la matrice du film. Suivront les ponts de Paris, les passerelles dâaĂ©roports⊠Tour Ă tour,lâouvrage architectural est synoÂnyme dâĂ©mancipation, de rĂȘverie,
de profit, de conquĂȘte militaire,etc. Construit Ă la maniĂšre dâun« maraboutÂbout de ficelle », PerÂfumed Nightmare a la beautĂ© fraÂgile de cartes postales jaunies par le temps, et le film doit son « grain » aux pellicules 16 milliÂmĂštres pĂ©rimĂ©es que le cinĂ©aste sâĂ©tait procurĂ©es.
Auteur de sept longsÂmĂ©trages(Turumba, Pourquoi le jaune estÂil la couleur de lâarcÂenÂciel ?âŠ), Kidlat Tahimik a dĂ©butĂ© au ciÂnĂ©ma aprĂšs les Jeux olympiques de Munich, de 1972. A cette Ă©poÂque, le jeune Ă©conomiste et entreÂpreneur commercialisait un proÂtotype pour la mascotte des JO â laquelle Ă©tait alors un teckel !
De rebondissement en faillite,Kidlat Tahimik commença Ă traÂvailler avec un jeune cinĂ©aste alleÂ
mand, qui le fit jouer dans son film de fin dâĂ©tudes. Un certainWerner Herzog Ă©tait chargĂ© dâĂ©vaÂluer le projet. CeluiÂci fut intriguĂ© par le jeu de Kidlat et le fit tournerdans LâEnigme de Kaspar Hauser (1974) â le Philippin y interprĂšteHombrecito, un joueur de flĂ»te.
Plus tard, lorsque Kidlat TahiÂmik fut saisi de doutes pendant lemontage de Perfumed Nightmare,il demanda conseil Ă Herzog. Son film ne faisaitÂil pas de trop de zigÂzags, et le passage par lâAllemagne Ă©taitÂil indispensable ? Herzog luiassura : « Kidlat, câest dans les dĂ©Âtours que tu es le meilleur. »
clarisse fabre
Perfumed Nightmare, film philippin de Kidlat Tahimik (1977, 1 h 33), 1 DVD MĂ©gaphone/Doriane.
Le bal des cyniquesRyan Murphy alourdit dâune leçon de tolĂ©rance « The Prom », comĂ©die musicale clinquante adaptĂ©e dâune piĂšce de Broadway
E n contrat pour cinq ansavec Netflix, le showÂrunner Ryan Murphy nechĂŽme pas et tient son
calendrier. AprĂšs avoir fourni Ă la plateÂforme de SVoD les trois sĂ©Âries Snatched (2019), Hollywood etThe Politician (2020), le voilĂ au rendezÂvous de NoĂ«l avec The Prom, une comĂ©die musicale dĂ©Âbordante de bonnes intentions et armĂ©e dâune distribution de marÂque (Meryl Streep, James Corden,Nicole Kidman).
Adaptation cinĂ©matographiquedu spectacle Ă©ponyme crĂ©Ă© Ă Brodway par Bob Martin, Chad Beguelin et Matthew Sklar, le filmprend le parti dâen mettre plein les yeux â au point quâils piquent parfois â pour non seulement diÂvertir mais aussi dĂ©livrer un mesÂsage de tolĂ©rance Ă lâĂ©gard delâhomosexualitĂ©. Deux rĂ©soluÂtions que The Prom ne parvientpas toujours Ă accorder. TraitĂ© Ă partir dâune trame narrative somÂmaire et dâune poignĂ©e de lieuxcommuns, le propos sâalourdit Ă mesure que le show sâĂ©tire.
Ce dernier crĂ©e une explosiondĂšs la levĂ©e de rideau, avec deux numĂ©ros musicaux Ă©lectriques, exaltĂ©s, filmĂ©s par une camĂ©ra virevoltante. Le dĂ©cor est Ă lâaveÂnant : un thĂ©Ăątre et une avenue deBroadway (reconstituĂ©e en stuÂdio) saturĂ©s de couleurs, depaillettes et de nĂ©ons. Le specÂtacle donne le « la » et ouvre le
prologue du film oĂč lâon dĂ©couvreDee Dee Allen (Meryl Streep) et Barry Glickman (James Corden), deux vedettes de la scĂšne newÂyorkaise qui, aprĂšs la premiĂšre de leur nouveau spectacle, attenÂdent les retours de la critique.
HĂ©las, elle ne sera guĂšre Ă la hauÂteur de leurs attentes. EreintĂ©s partous les journaux, qualifiĂ©s de« stars narcissiques », les deux acÂteurs sâinterrogent. Et ne compÂtent pas en rester lĂ . Il leur faut, coĂ»te que coĂ»te, trouver le moyende redorer leur image. DĂ©fendre une noble cause pourrait faire lâaffaire. Ils la trouvent sur les rĂ©Âseaux sociaux oĂč fait grand bruit, depuis quelques jours, lâhistoire dâEmma (Jo Ellen Pellman), unejeune lycĂ©enne de lâIndiana Ă qui aĂ©tĂ© refusĂ© le droit de se rendre au bal de fin dâannĂ©e avec sa petite amie Alyssa (Ariana DeBose).
Revirements attendusChangement de cap. Destination lâEtat de lâIndiana oĂč dĂ©barquent nos deux orgueilleuses cĂ©lĂ©britĂ©s en compagnie de deux compĂšres susceptibles de leur prĂȘter mainÂforte sans leur faire de lâombre : Angie Dickinson (Nicole Kidman)et Trent Oliver (Andrew Rannells),actrice et acteur de seconde zone. Lâenvironnement de cette autre AmĂ©rique â modeste, conserÂvatrice et puritaine â profite au film. ExpurgĂ© du clinquant de Broadway, The Prom prend un
nouveau chemin, familier ceÂluiÂlĂ Ă Ryan Murphy, cocrĂ©ateur en 2009 de la sĂ©rie LGBTÂfrienÂdly Glee (succĂšs mondial).
Nous voilĂ projetĂ©s dans ungenre popularisĂ© par Disney : lehigh school musical. Le virageouvre la voie Ă plus dâĂ©motion (traitĂ©e avec force lacrymale). Et surtout de drĂŽlerie. Orchestrantavec un bonheur certain la confrontation de deux mondes, le rĂ©alisateur abandonne ses acÂteurs Ă leur fantaisie. Registre dans lequel Meryl Streep, en parÂticulier, rayonne. Son talent coÂmique dans le rĂŽle de lâactricepourrie gĂątĂ©e, sournoisement prĂ©tentieuse, constitue le pilier le plus solide du film.
Comme on sây attend, aprĂšssâĂȘtre confrontĂ© aux regards des autres et Ă ses propres blessures, chacun sort changĂ© de cette
aventure oĂč lâunivers scolaire apÂparaĂźt aussi cruel que lâindustrie du spectacle. Emma et Alyssa, reÂjetĂ©es par tous â Ă lâexception du proviseur Mr. Hawkins (KeeganÂMichael Key) â, sont victimesdâune supercherie qui les sĂ©pare au bal de fin dâannĂ©e. Outrage quele quatuor venu de Broadway enÂtreprend de rĂ©parer en organisantune autre fĂȘte. Le projet, dont le but est de faire tomber les prĂ©juÂgĂ©s et de rĂ©concilier les familles,donne lieu Ă une poignĂ©e de reviÂrements attendus et dĂ©risoires.Pas de quoi Ă©toffer lâhistoire et les personnages. Les deux jeunes filles par qui le scandale arrive deÂmeurent bien falotes face Ă la prĂ©Âsence des « monstres sacrĂ©s » quileur donnent la rĂ©plique.
Sur ce dĂ©sĂ©quilibre, The Promtient tant bien que mal. Et semble plutĂŽt dĂ©suet en ces temps #meÂtoo. PrĂ©sentĂ©, au dĂ©but du film, comme un gros gĂąteau bien crĂ©Âmeux, appĂ©tissant mais quelque peu indigeste, le spectacle se pourÂsuit sur un mode plus allĂ©gĂ© et peuenthousiasmant. Car, si les chanÂsons se rĂ©vĂšlent assez efficaces, leschorĂ©graphies, elles, nâĂ©blouissentguĂšre, offrant Ă leurs interprĂštes peu dâoccasions de sâessouffler. Contrairement au film.
véronique cauhapé
Film américain de Ryan Murphy. Avec Meryl Streep, James Corden, Nicole Kidman (2 h 11). Sur Netflix
Le film rĂ©siste Ă lâapprĂ©ciationcritique : mise
en scĂšne et performances dâacteurs sont
inexistants
Interrogeant la modernité, le réalisateur
critique le systĂšme par
petites touchessurréalistes
James Corden,Nicole Kidman, Andrew Rannells et Meryl Streep, dans « The Prom ».MELINDA SUE GORDON/NETFLIX
Orchestrant avec un bonheur
certainla confrontation
de deux mondes,le réalisateur
abandonne ses acteurs
Ă leur fantaisie
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 culture | 33
Quand la scienceÂfiction annonce le psychĂ©dĂ©lismeTrois classiques hollywoodiens, qui mettent en scĂšne un savant paranoĂŻaque ou des hommeÂtaupes, ressortent chez Elephant films
DVD
F antasmagories apocalypÂtiques, dĂ©figurations poĂ©Âtiques, inversion desĂ©chelles, images phobiÂ
ques, la scienceÂfiction, et plus larÂgement ce que lâon appelle le fanÂtastique, constitue peutÂĂȘtre le dĂ©fi majeur imposĂ© au cinĂ©ma, moyen dâexpression fondĂ© sur un enregistrement du visible. Unegrande partie du cinĂ©ma popuÂlaire (avec les films de Georges MĂ©liĂšs comme moment primitif) se rapproche ainsi dâun art de lâimaginaire pur. DâoĂč viennent les visions de la scienceÂfiction hollywoodienne ? Trois films pour y rĂ©flĂ©chir viennent dâĂȘtre Ă©ditĂ©s en combo BluÂray/DVD par Elephant Films.
Docteur Cyclope fait partie dâunetentative du studio Paramount qui produit, Ă la fin des annĂ©es 1930, cette excentricitĂ© en TechniÂcolor, procĂ©dĂ© en couleurs encore rarement employĂ© en raison ducoĂ»t des tirages de copies, et rĂ©ÂservĂ© pour cela aux grandes fresÂques historiques (Autant en emÂporte le vent) ou aux fantaisies destinĂ©es Ă un trĂšs large public (LeMagicien dâOz).
RĂ©alisĂ© par Ernest B. Schoedsack,qui avait Ă©tĂ©, six ans plus tĂŽt, le coauteur de King Kong, le film meten scĂšne un savant devenu mĂ©gaÂlomane et paranoĂŻaque, perdu au cĆur de la jungle amazonienne et expĂ©rimentant grĂące aux effets du radium des techniques de raÂpetissement dâanimaux puis dâhumains. Il miniaturise ainsi lâĂ©quipe de scientifiques venue le seconder. CeuxÂci doivent alors tout Ă la fois affronter les dangers quâattire leur dĂ©sormais petite taille, essentiellement des aniÂ
maux (un chat noir glouton, un crocodile), et venir Ă bout du saÂvant fou en imaginant diffĂ©rents dispositifs pour le neutraliser. Si Docteur Cyclope nâatteint pas les sommets poĂ©tiques du chefÂdâĆuvre LâHomme qui rĂ©trĂ©Âcit, de Jack Arnold, en 1957, qui seraconstruit sur le mĂȘme principe, le film de Schoedsack nâest pas dĂ©ÂnuĂ© dâun certain charme enfantin.
Le Peuple de lâenfer et Le Monstredes abĂźmes font partie de cette vaÂgue de films de scienceÂfictionque produisirent, dans les annĂ©es 1950, en une Ă©poque de guerre froide et de peur atomique, lesstudios Universal. Le premier tiÂtre, rĂ©alisĂ© en 1956 par Virgil W. Vogel, imagine une civilisation installĂ©e depuis des siĂšcles sous lacroĂ»te terrestre. Explorateurs inÂtrĂ©pides, sociĂ©tĂ© totalitaire exploiÂtant comme esclaves de monsÂtrueux hommesÂtaupes, le scĂ©naÂrio du film, signĂ© Laszlo Gorog,est dâune rĂ©jouissante richesse, rappelant par ses trouvailles les romans dâEdgar Rice Burroughs.
Le second titre, de loin lemeilleur de cette fournĂ©e, est arÂrivĂ©, historiquement, Ă la fin de cette vague scienceÂfictionnelle.Le Monstre des abĂźmes est une nouvelle preuve du talent de son auteur, Jack Arnold, Ă qui lâon deÂvait dĂ©jĂ quelques chefsÂdâĆuvre produits par Universal comme Le MĂ©tĂ©ore de la nuit, LâEtrange crĂ©aÂture du lac noir, Tarentula, The Space Children.
Art de lâhallucinationDans Le Monstre des abĂźmes, un professeur de palĂ©ontologie dĂ©Âcouvre un poisson datant de la prĂ©histoire. ContaminĂ© par lâeau du bassin, il se transforme en crĂ©aÂture prĂ©ÂHomo sapiens, homme des cavernes brutal qui va comÂmettre plusieurs meurtres. LâinvoÂlution rĂ©gressive, le retour Ă un Ăąge reculĂ© de lâespĂšce humaine deÂvient le postulat horrifique et spectaculaire de ce qui a toutes les qualitĂ©s dâune sĂ©rie B dâĂ©pouvante extrĂȘmement efficace. Lâusage du son et du horsÂchamp met en conÂdition le spectateur avec une cerÂtaine forme de gĂ©nie. Jack Arnold, qui nâa sans doute pas la place qui lui revient dans lâhistoire du ciÂnĂ©ma, a tournĂ© des films de scienÂceÂfiction Ă petit budget oĂč il met en scĂšne des images hallucinĂ©es,
comme lâĂ©quivalent de visions provoquĂ©es par lâabsorption de substances psychotropes. Le saÂvant du Monstre des abĂźmes subit ses transformations en inhalant les quelques gouttes dâun liquide accidentellement tombĂ© dans sa
pipe, avant de se lâinjecter luiÂmĂȘme par piqĂ»re.
Arnold avait signĂ© en 1958 lefilm Jeunesse droguĂ©e, sorte de mise en garde kitsch contre lesdangers de la marijuana. Son ciÂnĂ©ma pourtant nâest quâun art de
lâhallucination et de la transe proÂvoquĂ©e, un delirium tremens peuÂplĂ© dâhommesÂpoissons, dâaraiÂgnĂ©es gĂ©antes et de brutes prĂ©hisÂtoriques. Jamais autant quâavec Arnold la scienceÂfiction des anÂnĂ©es 1950 nâaura pu ĂȘtre considĂ©Â
rĂ©e comme une origine du psyÂchĂ©dĂ©lisme.
jeanÂfrançois rauger
Docteur Cyclope, Le Peuple de lâenfer, Le Monstre des abĂźmes. 3 DVD/BluÂray Elephant films.
Dans « Le Monstre des abßmes »,
lâusage du son etdu hors-champ
met en conditionle spectateur
avec une certaineforme de génie
« Le Peuple de lâenfer », de Virgil W. Vogel. 1956 UNIVERSAL PICTURES/ RENEWED 1984 UNIVERSAL CITY STUDIOS
GRANDE-BRETAGNESelon Helen Mirren, des gens du thĂ©Ăątre risquent de perdre leur logementLâactrice britannique Helen Mirren, 75 ans, a mis en garde contre les consĂ©quences dĂ©vastatrices du CovidÂ19 pour le milieu thĂ©Ăątral. « LâinquiĂ©tude est simplement que les gens ne soient pas capables de payer leur loyer », aÂtÂelle soulignĂ© dans un entretien diffusĂ© lundi 7 dĂ©cembre par lâagence de presse Press Association. Ces gens « vivent souvent, comme beaucoup de personnes, de paie en paie, a indiquĂ© la comĂ©dienne. Quand ces paies ne sont pas lĂ , comme ça a Ă©tĂ© le cas sur lâannĂ©e Ă©coulĂ©e, câest trĂšs, trĂšs, trĂšs problĂ©matique, et je suis sĂ»re que nombre dâentre eux risquent de perdre leur logement. » En urgence, le gouvernement britannique
a dĂ©bloquĂ© une aide de 1,57 milliard de livres (1,72 milÂliard dâeuros) pour le secteur culturel. â (AFP.)
La famille de Roald Dahl condamne ses propos antisĂ©mitesSur le site officiel de la Roald Dahl Story, la famille de lâauteur britannique pour enfants, mort en 1990, a prĂ©sentĂ© le 6 dĂ©cembre ses « profondes excuses » pour ses « commentaires antisĂ©mites ». Dans un entretien au magaÂzine New Statesman, en 1983, le crĂ©ateur de Charlie et la chocolaterie et de Matilda avait dĂ©clarĂ© quâ« il y a un trait de caractĂšre chez les juifs qui provoque de lâanimositĂ©, peutÂĂȘtre une sorte de manque de gĂ©nĂ©rositĂ© envers les nonÂjuifs », avant dâajouter que « mĂȘme un salaud comme HitÂler ne sâen est pas pris Ă eux sans raison ». â (AFP.)
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34 |styles MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
Joe Biden met la voiture amĂ©ricainesous tensionLors de sa campagne Ă©lectorale, le dĂ©sormais prĂ©sident Ă©lu avait promis de durcirles normes antipollution et dâencourager lâavĂšnement des modĂšles Ă©lectriques
AUTOMOBILE
S i lâon considĂšre leurs prĂ©ÂfĂ©rences personnelles, JoeBiden sâinscrit davantagedans la grande tradition
automobile de son pays que DoÂnald Trump. FascinĂ© par les belles amĂ©ricaines, le prĂ©sident Ă©lu est connu pour ĂȘtre le propriĂ©taire dâune superbe Chevrolet Corvette Stingray vert bouteille de 1967. Un cadeau de mariage de son pĂšre, quifut le plus important concessionÂnaire General Motors du DeÂlaware. Donald Trump, lui, a colÂlectionnĂ© les voitures de milliarÂdaire avec un penchant assumĂ© pour lâĂ©lite du luxe europĂ©en. FerÂrari F430 et RollsÂRoyce Phantom, en particulier.
Pourtant, câest bien Joe Biden quisâapprĂȘte Ă bousculer lâexception automobile amĂ©ricaine, ardemÂment dĂ©fendue par son prĂ©dĂ©cesÂseur au nom de la reconquĂȘte des emplois perdus. En quatre ans, ceÂluiÂci a mĂ©thodiquement dĂ©triÂcotĂ© le plan Obama de 2012 qui prĂ©voyait une baisse de la conÂsommation moyenne de 3,5 % de 2017 Ă 2021 puis de 5 % jusÂquâen 2025. Il lui a substituĂ© un obÂjectif beaucoup moins ambitieux sous la forme dâune rĂ©duction en pente douce, limitĂ©e Ă 1,5 % par an.
Lors de sa campagne Ă©lectorale,le candidat dĂ©mocrate a promis dedurcir les normes antipollution et dâencourager lâavĂšnement des modĂšles Ă©lectriques, notamment en Ă©largissant le crĂ©dit dâimpĂŽt fĂ©ÂdĂ©ral de 7 500 dollars (environ 6 200 euros) attribuĂ© pour lâacquiÂsition dâun tel vĂ©hicule. Il entend aussi installer 500 000 bornes de recharge dâici Ă 2030. Les EtatsÂUnis nâen comptent, selon le dĂ©Âpartement de lâĂ©nergie, que 87 600, deux fois moins que dans lâUnion europĂ©enne.
La mise en Ćuvre dâune nouÂvelle politique visant Ă rĂ©duire les niveaux de consommation de carÂburant des vĂ©hicules neufs ne serapas immĂ©diate. « Contrairement Ă lâEurope oĂč tout peut aller trĂšs vite, le prĂ©sident va prendre le temps de discuter avec les constructeurs, lâagence de lâenvironnement et les associations environnementales afin dâĂ©laborer un compromis, souÂligne Bertrand Rakoto, consultant chez Ducker. Il est peu probable que les futures normes entrent en vigueur avant 2023 et, en tout Ă©tat de cause, il ne sera pas question de malus ou dâhypertaxation Ă la franÂçaise. Biden va accĂ©lĂ©rer lâinĂ©luctaÂble Ă©lectrification mais il ne va pas rĂ©duire la taille des voitures ou moÂdifier les habitudes des AmĂ©ricains, trĂšs portĂ©s sur les pickÂup ». Ces rĂšÂgles du jeu fĂ©dĂ©rales constituerontun plancher. Comme le rappelle
Jamel Tanganza, consultant au sein du cabinet Inovev, « aux EtatsÂUnis, les normes environnementaÂles sont aussi de la responsabilitĂ© des Etats, et le Texas nâa pas la mĂȘme vision que la Californie ».
La Californie, justement, a jouĂ©une intense partie de bras de fer avec lâadministration Trump qui a contestĂ© devant les tribunaux sacapacitĂ© dâadopter une rĂ©glemenÂtation antipollution beaucoup plus stricte. Les constructeurs ontdĂ» choisir leur camp. Alors que Ford, Honda, BMW, Volvo etVolkswagen ont nĂ©gociĂ© un acÂ
cord avec la Californie, General Motors, Fiat Chrysler AutomobiÂles (FCA) mais aussi Toyota ont appuyĂ© lâaction judiciaire de lâEtatfĂ©dĂ©ral. Toutefois GM, premiergroupe amĂ©ricain, a annoncĂ©, le 23 novembre, son ralliement au camp du vainqueur en se dĂ©soliÂdarisant de lâaction en justice lanÂcĂ©e sous lâĂ©gide du prĂ©sident sorÂtant. Une volteÂface saluĂ©e par JoeBiden, convaincu quâelle « montreune nouvelle fois Ă quel point les efforts de lâadministration Trumppour Ă©roder lâingĂ©niositĂ© amĂ©riÂcaine et les moyens de lutte contre
la menace climatique relĂšvent dâune vision Ă court terme ».
Ce retour de balancier rappelleque la voiture constitue un cliÂvage de plus entre deux AmĂ©riÂque. Dâun cĂŽtĂ©, les traditionalisÂtes, parfois amateurs de « gas guzzlers » gavĂ©s dâhydrocarbures, font remarquer que, si les modĂšÂles amĂ©ricains rejettent plus de CO2, ils sont en revanche mieux placĂ©s pour ce qui concerne les particules et les oxydes dâazote. Etque lâĂ©lectricitĂ© produite aux EtatsÂUnis nâest pas particuliĂšreÂment « propre ». De lâautre, les progressistes, fascinĂ©s par les moÂdĂšles Ă©lectrifiĂ©s, expression dâunenouvelle « coolitude » Ă©cologique et technologique, bien dĂ©cidĂ©s Ă rĂ©installer la voiture amĂ©ricaine dans la modernitĂ©.
Une Ford Mustang Ă©lectriqueAux EtatsÂUnis, la gĂ©ographie des goĂ»ts automobiles recouvre largeÂment celle des prĂ©fĂ©rences politiÂques. Alors que le centre du pays, largement rĂ©publicain, reste la place forte des pickÂup et des gros SUV, on croise plus souvent sur lesCĂŽtes est ou ouest des modĂšles europĂ©ens, japonais, hybrides ou Ă©lectriques. Une dualitĂ© que pourÂrait exacerber une politique voÂlontariste de « verdissement ».
On voit mal les Proud Boys, miliÂciens dâextrĂȘme droite, troquer
leur Dodge Ram pour une Tesla⊠Reste Ă espĂ©rer que lâon nâassisterapas Ă un retour en grĂące du « coal rolling ». Une provocation de cerÂtains conducteurs de gros pickÂup diesel qui consiste, Ă lâapproche dâune voiture Ă©lectrique ou hyÂbride, Ă libĂ©rer une Ă©paisse fumĂ©e noire formĂ©e grĂące Ă un dispositif connectĂ© au systĂšme dâinjection. Autre acte militant : se garer deÂvant une borne de recharge pour en interdire lâaccĂšs aux voitures Ă©lectriques.
En rĂ©alitĂ©, Detroit a dĂ©jĂ rompuavec lâimage dâEpinal de la voiture indiffĂ©rente aux enjeux environÂnementaux. « Les groupes amĂ©riÂcains ne pourront pas produire dans des conditions de rentabilitĂ© satisfaisantes des modĂšles destinĂ©sĂ leur marchĂ© intĂ©rieur et dâautres pour lâAsie et lâEurope, deux contiÂnents qui ont clairement fait le choix de lâĂ©lectrique », fait valoir JaÂmel Tanganza.
Ford, qui a engagĂ© un ambitieuxprogramme « zĂ©ro Ă©mission », vient de lancer la Mustang MachÂE100 % Ă©lectrique, et proposera en 2021 une version hybride de son cĂ©lĂšbre pickÂup F150, la voiturela plus vendue aux EtatsÂUnis. De son cĂŽtĂ©, GM va bientĂŽt commerÂcialiser un Hummer et une gamme de Cadillac, eux aussi tout Ă©lectrique.
jeanÂmichel normand
Aux Etats-Unis,la géographie
des goûts automobiles
recouvre largement
celledes préférences
politiques
BMW, haro sur les haricotsA la proue des BMW, la double calandre, marqueur identitaire, sâĂ©tire et change de forme. Suscitant un dĂ©bat stylistique
H aricots ou naseaux pourles francophones, roÂgnons pour les AngloÂ
Saxons (kidneys) et les Allemands (nieren). Peu importe le sobriquet ; la double calandre qui trĂŽne Ă la proue des BMW sâest imposĂ©e comme le principal marqueur identitaire du constructeur de Munich. Depuis la 303 de 1933, ce signe de reconnaissance permet dâidentifier Ă coup sĂ»r ses modĂšÂles, quelle que soit lâĂ©poque ou le genre. MĂȘme les versions Ă©lectriÂques, qui nâont pourtant nul beÂsoin dâune telle entrĂ©e dâair, reçoiÂvent une calandre mais celleÂci est pleine, dissimulant de multiplescapteurs.
Depuis un an et lâapparition de laSĂ©rie 7, les narines frĂ©missantes des nouvelles voitures bavaroises se sont mises Ă muter. Comme sâil avait subi une injection massive de Botox, le double haricot sâest diÂ
latĂ© au point de se dĂ©ployer sur toute la face avant, sâĂ©tirant entre les phares, absorbant le pareÂchocs et dĂ©vorant parfois jusquâĂ la plaque dâimmatriculation. Sur le coupĂ© SĂ©rie 4 ou le X5, il adopte une verticalitĂ© impressionnante mais pousse rĂ©solument en larÂgeur Ă lâavant de la SĂ©rie 5.
Faire spectaculaireLa calandre de lâimposant X7, trĂšs apprĂ©ciĂ© aux EtatsÂUnis, sâagranÂdit dans toutes les dimensions alors que le conceptÂcar iNEXT, anÂnonciateur dâun gros SUV Ă©lectriÂque, arbore dâimprobables « roÂgnons » siamois comme gonflĂ©s Ă lâhĂ©lium. Ces variations avancent un seul et unique parti pris : faire dans le spectaculaire.
Un tel feu dâartifice ne pouvaitque mettre en Ă©moi les passionÂnĂ©s de design automobile et susÂciter des rĂ©actions contrastĂ©es.
Les unes dĂ©noncent une dĂ©rive Ă la Frankenstein ou une course augigantisme frisant le ridicule. Lesautres cĂ©lĂšbrent lâaudace, la liÂbertĂ© de crĂ©ation et le sens delâinnovation de la marque. AnÂcien de la maison, le designerFrank Stephenson y est allĂ© deson commentaire, jugeant « disÂgracieuse » la calandre de la nouÂvelle SĂ©rie 4.
Le designer dâorigine croate DoÂmagoj Dukec (qui fit ses premiĂšÂres armes chez CitroĂ«n), nommĂ© en 2019 Ă la direction du styleBMW, a dĂ» monter au crĂ©neau.Cette approche, aÂtÂil expliquĂ©, vise Ă donner un surcroĂźt de « prĂ©Âsence » aux modĂšles de la marquevoire, dans le cas du coupĂ© SĂ©rie 4,à « exprimer la composante exotiÂque de BMW ». « Quoi que vous fasÂsiez, il y aura des gens qui aiment et des gens qui nâaiment pas », aÂtÂil philosophĂ©. Non sans prĂ©veÂ
nir que le bruissement des rĂ©Âseaux sociaux nâaurait aucun imÂpact sur ses choix.
La marque allemande nâen estpas Ă sa premiĂšre controverse styÂlistique. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, les grandes berlines aux
formes audacieuses et ventrues rĂ©alisĂ©es sous lâautoritĂ© de lâAmĂ©Âricain Chris Bangle avaient dĂ©ÂchaĂźnĂ© les passions avec autreÂment plus dâintensitĂ©. Cette polĂ©Âmique du haricot est dâautant plus sensible quâelle sâattache Ă
un Ă©lĂ©ment â la calandre â hauteÂment symbolique lorsquâil sâagit de dĂ©finir lâidentitĂ© dâune marqueallemande haut de gamme.
Or, ses fameux naseaux mĂ©talliÂques offrent Ă BMW davantage de marge pour diffĂ©rencier ses moÂdĂšles que ses deux grands rivaux Mercedes et Audi, plus contraints en termes de style. On remarqueainsi que ses SUV et coupĂ©s adopÂtent une calandre plus originale que les berlines classiques SĂ©rie 3 et 5 qui sâadressent Ă une clientĂšleplus conservatrice.
En se posant comme un consÂtructeur en mouvement permaÂnent, BMW cherche aussi Ă redonÂner de la vigueur Ă son image, quelque peu assagie ces derniĂšresannĂ©es, de marque dĂ©sinhibĂ©evoire un tantinet clivante. Le constructeur nâen laisse rien paÂraĂźtre mais cette controverse nâestpas faite pour lui dĂ©plaire.
j.Âm. n.
Joe Biden au volantde sa Corvette Stingray 1967, en juillet.POLARIS/STARFACE
« Kidney Sculpture », réalisée pour une brochure BMW. BMW
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 IDĂES | 35
Barbara Pompili La loi issue des travaux de la convention pour le climat ancrera lâĂ©cologie dans la sociĂ©tĂ©Le texte en cours dâĂ©laboration vise Ă transformer notre modĂšle de sociĂ©tĂ© et de croissance, revendique la ministre de la transition Ă©cologique
De la mĂȘme maniĂšre quedes lois fondatrices sur lalibertĂ© de la presse ou lalaĂŻcitĂ© ont enracinĂ© des
principes essentiels dans la RĂ©puÂblique Ă lâorĂ©e du XXe siĂšcle, la loi issue des travaux de la convenÂtion citoyenne pour le climat anÂcrera durablement lâĂ©cologie dansnotre sociĂ©tĂ© contemporaine.
Ne nous y trompons pas. Si lâoriÂginalitĂ© de sa mĂ©thode dâĂ©laboraÂtion et son contenu suscitent des dĂ©bats passionnĂ©s, des rĂ©sistanÂces, voire des inquiĂ©tudes, câest bien que ce texte a dâores et dĂ©jĂ bousculĂ© la façon dont les lois peuvent ĂȘtre construites en sâapÂpuyant sur une dĂ©mocratie plus participative. Câest aussi quenous nous apprĂȘtons Ă transforÂmer notre modĂšle de sociĂ©tĂ© et de croissance et Ă engager desmutations profondes.
Cette loi appartient Ă la familledes textes fondateurs qui font enÂtrer des combats politiques et soÂciĂ©taux dans le quotidien de tous.Avec elle, la cause Ă©cologique intĂ©Âgrera la vie des Français et inÂfluencera durablement leurs choix de dĂ©placement, de logeÂment, de consommation, de proÂduction. Câest ce qui la rend si prĂ©Âcieuse et si complexe Ă la fois.
Jâai suffisamment de recul surlâhistoire du combat Ă©cologiquepour mesurer combien il est difÂficile de franchir le « dernier kiloÂmĂštre » de la transition, le plus crucial : celui qui conduit Ă chanÂger rĂ©ellement nos modes de vie. Cette loi vise prĂ©cisĂ©ment cela, enfaisant pĂ©nĂ©trer lâĂ©cologie au cĆur du modĂšle français et en irÂriguant concrĂštement la sociĂ©tĂ© française dans ce quâelle a de plus fondamental : lâĂ©cole, les services publics, la justice, mais aussi le loÂgement et lâurbanisme, la publiÂcitĂ©, les trajets pour se rendre au travail ou en vacances.
VulnĂ©rabilitĂ©Cette loi nâagira pas seulement surles structures de lâĂ©conomie pour en accĂ©lĂ©rer la dĂ©carbonation, elle innervera notre culture, en favoriÂsant lâĂ©ducation Ă lâenvironneÂment, une publicitĂ© responsable, une consommation plus sobre.
Câest tout Ă lâhonneur de laFrance de mener ces transformaÂtions au moment oĂč nous affronÂtons une crise sanitaire majeure doublĂ©e dâune crise Ă©conomique et sociale. Au moment oĂč, plus que jamais, nous avons collectiveÂment pris conscience de notre vulnĂ©rabilitĂ©, nous avons ce deÂ
voir de nous prĂ©parer Ă la plus grande menace systĂ©mique du siĂšcle Ă venir. Le devoir dâagir pourune sociĂ©tĂ© plus sobre et plus rĂ©siÂliente, dans laquelle nos conciÂtoyens vivront mieux et pourront faire face aux chocs du dĂ©rĂšgleÂment climatique.
En complĂ©ment du plan de reÂlance, qui intĂšgre un montant inĂ©dit de 30 milliards dâeuros dâinvestissements verts sur les deux prochaines annĂ©es, notre pays prĂ©pare ainsi une loi de transformation autour de six grands thĂšmes, qui va occuperla vie parlementaire pendant pluÂ
sieurs semaines et générer des débats de société structurants pour notre avenir.
Câest indispensable â et pourtantaucun autre pays ne mĂšne autant de chantiers Ă©cologiques de front.
Tout cela, nous le devons Ă uneexpĂ©rience dĂ©mocratique inĂ©dite,voulue par le prĂ©sident de la RĂ©Âpublique : la convention ciÂtoyenne pour le climat. Une expĂ©Ârience pour trouver les rĂ©ponses Ă la question de lâurgence climatiÂque, mais aussi pour assurer lâacÂceptabilitĂ© sociale des mesures proposĂ©es.
Un changement profondUne expĂ©rience Ă laquelle peu croyaient Ă son lancement il y a dixÂhuit mois, mais qui, grĂące au sĂ©rieux et Ă lâinvestissement de 150 citoyens tirĂ©s au sort, ainsi quâĂ lâengagement personnel dâEmmanuel Macron, a crĂ©Ă© aujourdâhui les conditions dâun changement profond.
Cette semaine aura lieu uneĂ©tape importante de ce procesÂsus : les orientations du projet de loi prĂ©parĂ© par le gouvernementsur la base du rapport des ciÂtoyens seront prĂ©sentĂ©es Ă des groupes rĂ©unissant citoyens de la convention et dĂ©putĂ©s. Cette
Ă©tape ne sera pas la derniĂšre. Câestle point de dĂ©part dâune concertaÂtion qui va durer jusquâĂ la fin du mois de janvier et qui permettra de complĂ©ter et dâenrichir le proÂjet de loi du gouvernement. Le projet sera ensuite prĂ©sentĂ© en conseil des ministres fin janvier, puis soumis au Parlement Ă qui il appartiendra, comme le prĂ©Âvoient nos rĂšgles constitutionnelÂles, dâen valider le contenu au terme dâun processus de pluÂsieurs mois, jusquâĂ lâĂ©tĂ© 2021.
Jamais une loi de la RĂ©publiquenâavait autant associĂ© des ciÂtoyens dans son Ă©laboration. RaÂrement des dĂ©putĂ©s nâont Ă©tĂ© intĂ©ÂgrĂ©s au processus lĂ©gislatif aussi en amont. En tant quâancienne parlementaire, je sais ce quâapÂportera Ă nos reprĂ©sentants ce temps laissĂ© Ă lâappropriation et Ă la prĂ©paration dâamendementspertinents et Ă quel point sur ce volet aussi, cette grande loi pour le climat innove.
Alors oui, dans toutes ces innoÂvations, nous apprenons en marÂchant, nous cherchons la bonne partition pour mettre en musiÂque les intentions des citoyens. Et oui, nous traçons le chemin Ă meÂsure que nous avançons, avec parÂfois des obstacles, des bifurcaÂ
tions, des hĂ©sitations, mais touÂjours la mĂȘme destination.
Il nây avait pas de mode dâemploiĂ ce travail inĂ©dit et câest donc un apprentissage collectif et celuiÂci nâest pas terminĂ©. Mais le fait estque depuis des mois, des minisÂtres, des administrations, des agents publics, travaillent pour traduire, dans notre droit rĂ©gleÂmentaire, dans le plan de relance, dans notre loi, ce que la convenÂtion a conçu. Lâhistoire jugera si cepari aura Ă©tĂ© rĂ©ussi et si nous aurons transformĂ© notre pays Ă la hauteur de lâambition fixĂ©e.
Ce qui est certain, câest que150 Français tirĂ©s au sort, reprĂ©Âsentatifs de la sociĂ©tĂ©, aux opiÂnions diverses et parfois oppoÂsĂ©es, confrontĂ©s aux plus grands experts et ayant menĂ© librement les auditions de leur choix, conÂcluent unanimement Ă lâimpĂ©raÂtive nĂ©cessitĂ© dâune action forte et juste en faveur du climat. Je porterai cette volontĂ©, au nom du gouvernement.
Barbara Pompili est ministre de la transition Ă©cologique
Cyril Dion Tenir parole,pour un président de la
RĂ©publique, câest le soclede nos dĂ©mocraties
En rĂ©ponse aux propos tenuspar le chef de lâEtat sur « Brut », le cinĂ©aste
lui demande de respecter son engagementà soumettre « sans filtre », au Parlement
ou par référendum, les propositions de la convention citoyenne pour le climat
Monsieur le Président,
Puisque vous mâavez apostroÂphĂ© avec une certaine vĂ©hĂ©Â
mence dans votre live pour le média Brut [vendredi 4 décembre], je me permetsde vous adresser ici une réponse.
En fĂ©vrier 2019, je suis effectivementvenu, avec Marion Cotillard, vous propoÂser dâorganiser une assemblĂ©e citoyenne pour le climat, reprenant la proposition que nous vous avions faite avec le collectifdes « gilets citoyens » le 23 janvier dans Le Parisien. Pourquoi ? Parce que depuis quaÂrante ans, la rĂ©ponse des gouvernements au pĂ©ril climatique est indigente. Pour plusieurs raisons. Dâabord parce que des groupes dâintĂ©rĂȘt ont pesĂ© de tout leur poids pendant des annĂ©es pour semer le doute. Ensuite parce que notre modĂšle Ă©conomique fondĂ© sur une croissance sans limite sâaccorde mal avec la frugalitĂ© que la crise Ă©cologique demande. Enfin parce que les changements Ă opĂ©rer sont systĂ©miques, massifs, bouleversants.
Chacune des parties prenantes de notresociĂ©tĂ© cherche lĂ©gitimement Ă dĂ©fendre ses intĂ©rĂȘts. Bien souvent, les Ă©lus en quĂȘte de rĂ©Ă©lection cherchent Ă contenter tout le monde et ont rarement le cran dâaller aussi loin que la situation le deÂmande. Ils se rabattent donc sur le plus petit dĂ©nominateur commun : des mesuÂres tiĂšdes, rarement Ă la hauteur de lâenÂ
jeu. Ce fut le cas du Grenelle de lâenvironÂnement, de la loi EGalim, de la plupart desCOP climat. RĂ©sultat, la catastrophe est maintenant Ă nos portes et il sera bientĂŽt trop tard pour Ă©viter le pire.
Simulacres de dĂ©mocratie participativeNous avons parlĂ© de tout cela. Et je vous ai partagĂ© une conviction : pour surpasÂser ces difficultĂ©s, nous avons besoin de modĂšles dĂ©mocratiques innovants, quipermettent une vĂ©ritable dĂ©libĂ©ration des Français, dans leur diversitĂ©, pour trouver des solutions justes et efficaces,acceptables par le plus grand nombre. On accepte plus facilement une dĂ©cision difficile que lâon a participĂ© Ă prendre, quâune dĂ©cision imposĂ©e dâen haut, parun gouvernement.
Jâai Ă©tĂ© trĂšs clair avec vous : pour quecette initiative dĂ©mocratique fonctionne, il est indispensable que vous vous engaÂgiez Ă reprendre les propositions issues
de la dĂ©libĂ©ration des citoyens « telles quelles » pour les soumettre aux Français ou aux dĂ©putĂ©s. Pour une raison simple :depuis des annĂ©es, des responsables poliÂtiques organisent des simulacres de « dĂ©Âmocratie participative ». Les citoyens sontconsultĂ©s, et ensuite les Ă©lus nâen font, trĂšs souvent, rien. Des experts sont manÂdatĂ©s, travaillent dâarracheÂpied, puisleurs recommandations sont ignorĂ©es, dĂ©tricotĂ©es, affaiblies par le phĂ©nomĂšne dĂ©crit plus haut. LĂ , il sâagit dâautre chose :faire participer les citoyens Ă la dĂ©cision. Renouveler un pacte dĂ©mocratique affaiÂbli et parfois mĂȘme piĂ©tinĂ© par le nombrede promesses non respectĂ©es.
Le 25 avril 2019, aprĂšs des mois de disÂcussions entre lâElysĂ©e, le ministĂšre de latransition Ă©cologique et des membresdes « gilets citoyens », vous avez anÂnoncĂ© la crĂ©ation dâune assemblĂ©e ciÂtoyenne composĂ©e de 150 citoyens tirĂ©s au sort. Vous avez dĂ©clarĂ© : « Ce qui sorÂ
tira de ces conventions sera, je mây enÂgage, soumis sans filtre soit au vote duParlement, soit au rĂ©fĂ©rendum soit Ă apÂplication rĂ©glementaire directe. »
Le 20 janvier 2020, vous avez rendu viÂsite aux membres de la Convention et rĂ©affirmĂ© : « Si Ă la fin de vos travaux vous donnez des textes de loi, des choses prĂ©ciÂses, lĂ je mâengage Ă ce quâils soient donnĂ©sou au Parlement ou au peuple français telsque vous les proposerez. » Or, câest le cas pour de trĂšs nombreuses propositions. Le29 juin 2020, vous nous avez reçus dans les jardins de lâElysĂ©e. Vous avez une nouÂvelle fois Ă©tĂ© trĂšs clair sur le dĂ©bouchĂ© des propositions de la convention : « Je vous confirme que jâirai au bout de ce contratmoral qui nous lie en transmettant la totaÂlitĂ© de vos propositions, Ă lâexception de trois dâentre elles. »
De mon cĂŽtĂ©, je me suis engagĂ©, si vousne respectiez pas votre parole, Ă ĂȘtre le gaÂrant du respect de votre engagement auprĂšs des citoyens. Cet engagement, câest vous qui lâavez pris. Personne nous vous y a obligĂ©. CâĂ©tait extrĂȘmement couÂrageux de votre part. Vous avez Ă©galeÂment donnĂ© aux citoyens de la convenÂtion un « droit dâalerte ».
Depuis plusieurs mois maintenant, denombreuses alertes vous sont adressĂ©es,ainsi quâĂ vos conseillers Ă lâElysĂ©e et Ă laministre de la transition Ă©cologique. Des mesures, qui devaient ĂȘtre transmises sans filtre aux parlementaires, sont moÂdifiĂ©es et parfois amoindries par le gouÂvernement ; dâautres que vous aviez ditretenir sont finalement Ă©cartĂ©es, dont lâune â un moratoire provisoire sur la 5G â que vous avez rejetĂ©e en dĂ©clarant ne pas croire « dans le modĂšle Amish » et nepas vouloir revenir « Ă la lampe Ă huile »âŠMalgrĂ© ces alertes, les dĂ©tricotages se multiplient. Ils ont Ă©tĂ© analysĂ©s par le RĂ©Âseau Action Climat. ParallĂšlement desdĂ©putĂ©s sâalarment de ne pas pouvoirparticiper Ă la concertation avec les ciÂtoyens, qui avait Ă©tĂ© promise.
Jâai donc relevĂ© le niveau dâalerte etlancĂ© une pĂ©tition pour vous appeler Ă respecter votre engagement. Elle a dĂ©jĂ Ă©tĂ© signĂ©e par 330 000 personnes. Ce que nous â signataires de cette pĂ©tition â vousdemandons nâest ni un « sketch », ni une trahison, ni une « solution de fainĂ©ant », mais simplement de tenir parole. Nous vous le demandons aujourdâhui car câesten ce moment quâont lieu les arbitrages de la grande loi climat qui doit reprendre
le plus grand nombre des propositions dela convention citoyenne. Et quâelle pourÂrait ĂȘtre la plus ambitieuse que la France ait jamais connue.
Un plan robusteNous vous le demandons parce que lesclimatologues misent sur un rĂ©chauffeÂment de 3 Ă 7 °C dâici Ă la fin du siĂšcle et que notre planĂšte pourrait devenir parÂtiellement inhabitable. Parce que lâavis du Conseil dâEtat donne trois mois Ă voÂtre gouvernement pour justifier que la trajectoire de rĂ©duction Ă horizon 2030 pourra ĂȘtre respectĂ©e. Parce que le HautConseil pour le climat a rappelĂ© maintes fois que la France ne tient pas ses objecÂtifs. Parce que « sans mesures urgentes, la crise climatique pourrait saper les progrĂšsdes cinquante derniĂšres annĂ©es en maÂtiĂšre de santĂ© publique, perturbant des millions de vies et submergeant les systĂšÂmes de santĂ© », prĂ©vient une Ă©tude puÂbliĂ©e le 3 dĂ©cembre par la revue britanniÂque The Lancet.
Nous ne vous donnons pas de leçons.Nous savons que tout ceci est complexe.Câest justement pour cela que les citoyens ont travaillĂ© depuis un an Ă proposer un plan robuste « dans un esprit de justice sociale ». ParÂdessus tout, nous vous le deÂmandons, car nous croyons toujours, mĂȘme si câest un peu vieux jeu, que tenir sa parole, pour un prĂ©sident de la RĂ©publiÂque, câest le socle de nos dĂ©mocraties.
Cyril Dion est cinéaste et écrivain
IL SâAGIT DE RENOUVELER UN PACTE DĂMOCRATIQUE AFFAIBLI ET PARFOIS MĂME PIĂTINĂ PAR LE NOMBRE DE PROMESSES NON RESPECTĂES
NOUS AVONS CE DEVOIR DE NOUS PRĂPARER Ă LA PLUS GRANDE MENACE SYSTĂMIQUE DU SIĂCLE Ă VENIR
36 | idĂ©es MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
« Nous nâavons pas le choix : il faut concilier Ă©conomie et Ă©cologie »Un collectif rĂ©uni au sein du nouveau « parti de la nature », crĂ©Ă© Ă lâinitiative du conseiller rĂ©gional MoDem Yann Wehrling, encourage le gouvernement à « aller plus loin » dans la protection de la biodiversitĂ© et de la cause animale
Au cours des quarante derniĂšresannĂ©es, de 60 % Ă 70 % du mondesauvage a disparu. Selon lesscientifiques, il pourrait sâagir de
la sixiĂšme grande extinction dâespĂšces. Nous, les humains, en sommes la cause.Et câest notre gĂ©nĂ©ration qui a la pluslourde responsabilitĂ© : dâauteur de latragĂ©die et de sauver ce qui peut encorelâĂȘtre.
En outre, le 29 octobre, jour oĂč la Franceentrait dans son second confinement,lâONU publiait un rapport Ă©tablissant claiÂrement un lien entre lâĂ©mergence accruede nouveaux virus comme le CovidÂ19 et les atteintes Ă la nature et aux espĂšcesanimales. ProtĂ©ger la planĂšte et la nature,câest donc aussi protĂ©ger notre santĂ©.
OuvronsÂnous suffisamment les yeux ?La prise de conscience est timide mais ellegrandit, notamment chez les jeunes.Nous devons modifier notre rapport Ă laplanĂšte et au monde vivant dont nous sommes partie intĂ©grante, faute de quoi,in fine, câest notre propre espĂšce que nousmettrons en danger.
De quel « droit » dĂ©truisonsÂnous notreenvironnement au nom dâun dĂ©veloppeÂment Ă©conomique Ă court terme, aveugle et irresponsable ? La question de lâĂ©cologie Ă©tait la premiĂšre prĂ©occupation lors des derniĂšres Ă©lections. Dans les urnes et dans la rue, les Français montrent leur impaÂtience, et certains avec excĂšs.
« Ăcocide »Dans le mĂȘme temps, des vents contraires soufflent. Des groupes se mobilisent pour revenir sur les timides avancĂ©es. Les arguÂments sont toujours les mĂȘmes : la prĂ©serÂvation de lâĂ©conomie, de la productivitĂ©, de lâemploi⊠ou des traditions.
Nous refusons de croire que le choix est Ă faire entre Ă©cologie et Ă©conomie car quand lâĂ©quation est ainsi posĂ©e, le rĂ©sultat est presque toujours le mĂȘme : lâĂ©conomie gaÂgne, lâĂ©cologie perd â mĂȘme et surtout quand lâĂ©conomie sâenfonce. Nous nâavons donc dâautre choix que la conciliation entreĂ©conomie et Ă©cologie. Mais cela implique un autre modĂšle Ă©conomique.
Les progrĂšs attendus ne se feront ni parincantations ni par des mesures radicalesdont lâĂ©chec nous ferait revenir Ă la case dĂ©part. Notre conception de lâaction estde mettre le rĂ©alisme au service de notreambition. Câest pourquoi nous nous siÂtuons au centre du paysage politique, tantil est vrai que lâĂ©cologie doit « embarÂquer » tout le monde et ne peut se satisÂfaire des vieux clivages.
La raison dâĂȘtre de notre rĂ©seau est dâenÂcourager le gouvernement Ă ne freiner en rien son action et encore moins Ă reculer. Nous porterons des propositions pour aller encore plus loin.
Nous soutenons la crĂ©ation dâun crimedâ« Ă©cocide » car il est temps de pĂ©naliserles actes de destruction dâun Ă©cosystĂšmeou dâune espĂšce. Reconnaissons dansnotre droit la criminalitĂ© environnemenÂtale qui est une criminalitĂ© organisĂ©eĂ©quivalente au trafic de drogue ou autrafic dâarmes.
Au niveau international, la France a prislâengagement de protĂ©ger 30 % de son terÂritoire, marin et terrestre, dont 10 % en
protection forte. Nos terres australesconcentrent une grande partie de nos aires protĂ©gĂ©es, mais nous peinons Ă pousser une telle protection sur nos cĂŽtesen mĂ©tropole. Or prĂ©server 30 % dâune aire marine, mĂȘme en zone de pĂȘche, câestrecrĂ©er les conditions favorables pour queles poissons que nous pĂȘchons se reproÂduisent. Câest aussi Ă©pargner les cĂ©tacĂ©s,et notamment les dauphins, quisâĂ©chouent par milliers sur nos cĂŽtes.
Trouver des compromis de sociétéEt nous devons aller encore plus loin :
Supprimons les subventions publiques (etprivĂ©es demain) qui contribuent Ă porter atÂteinte Ă la biodiversitĂ© animale et vĂ©gĂ©tale.
Pour chacune de la centaine dâespĂšces endanger critique dâextinction en France, adoptons un plan dâaction qui fasse sortir toutes ces espĂšces de la liste rouge de lâUnion internationale pour la conservationde la nature (UICN) dâici dix ans â y compris lâours, car comment faire la leçon aux pays africains qui peinent Ă protĂ©ger leurs grands singes, Ă©lĂ©phants ou lions si nous nâarrivons pas, chez nous, Ă faire survivre nos derniers grands prĂ©dateurs ?
Sortons de lâincantatoire sur la rĂ©ductiondes pesticides (en 2008, le premier plan Ă©coÂphyto annonçait â 50 % dâusage des pesticiÂdes dâici Ă 2018. RĂ©sultat : + 25 % entre 2011 et2018 !). Sachons avancer de maniĂšre dĂ©pasÂsionnĂ©e vers la sortie des pesticides. Le moÂdĂšle agricole français et europĂ©en, câest la qualitĂ©, pas la quantitĂ©. Nous avons les moyens (la PAC) et lâenvie (lâopinion publiÂque) de produire et de consommer Ă terme 100 % bio. Les agriculteurs et les Ă©leveurs y trouveront leur compte et les consommaÂteurs encore davantage.
Stoppons enfin lâartificialisation des sols.Les communes souffrent toutes du mĂȘme mal : un enlaidissement de leur pĂ©riphĂ©rie avec un Ă©talement de zones pavillonnaires, commerciales et industrielles. Construire en zone pĂ©riurbaine est moins coĂ»teux querĂ©habiliter des zones dĂ©jĂ urbanisĂ©es. Le gouvernement se donne pour objectifdâinterdire, Ă terme, de tels choix urbanisÂtiques. FaisonsÂle sans tarder.
ConsidĂ©rer le monde vivant, câest aussiprogresser sur le bienÂĂȘtre animal. CertaiÂnes pratiques heurtent, Ă juste titre, de plus en plus de Français. Lâargument des « tradiÂtions » ne suffit plus Ă les accepter. RĂ©jouisÂsonsÂnous de la fin des animaux sauvagesdans les cirques. Cesser les corridas avec blessures et mises Ă mort, les chasses les plus cruelles telles que celle Ă la glu, les chasÂses dâespĂšces dâoiseaux migrateurs menaÂcĂ©es, sont des dĂ©cisions demandĂ©es par unelarge majoritĂ© des Français, et exigĂ©es, pour plusieurs dâentre elles, par lâUnion euroÂpĂ©enne depuis des annĂ©es.
Dans ce combat pour la biodiversitĂ© et levivant, ne nous y trompons pas : notre conÂviction est quâil ne faut pas laisser monter lacolĂšre dâune opinion publique qui ne tolĂšre plus les atteintes les plus choquantes aux espĂšces, aux habitats naturels et aux aniÂmaux. Des compromis de sociĂ©tĂ© doivent ĂȘtre trouvĂ©s, pas Ă pas. Nous voulons bĂątir un chemin vers le respect du vivant.
Câest ce Ă quoi nous voulons travailler encrĂ©ant un mouvement politique transpartiÂsan, composĂ© de ceux qui veulent prendre le parti de la nature et du vivant.
Auteur de la tribune : Yann Wehrling, conseiller rĂ©gional dâIle-de-France (MoDem).Premiers signataires : Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre ; Pierre-Yves Bournazel, dĂ©putĂ© de Paris (MoDem) ; Delphine BĂŒrkli, maire du 9e arrondissement de Paris (LRM) ; Catherine Chabaud, dĂ©putĂ©e europĂ©enne Renaissance, navigatrice ; LoĂŻc Dombreval, dĂ©putĂ© des Alpes-Ma-ritimes (LRM) ; Fabienne Keller, dĂ©pu-tĂ©e europĂ©enne Renaissance ; Gilles La-can, avocat gĂ©nĂ©ral honoraire Ă la Cour de cassation ; Pierre Quintard, prĂ©si-dent de lâInstitut Jane Goodall France ; Laurence Vichnievsky, dĂ©putĂ©e du Puy-de-DĂŽme (MoDem).La liste complĂšte sur LeMonde.fr
Laissons, en certains lieux, la natureprendre la direction quâelle souhaite !
Un collectif de personnalités engagées dans la défense du vivant appelle à adopter une définition stricte de la protection dite « forte » réservée à 10 % des espaces naturels en France, à savoir sans chasse, sans exploitation du bois, des terres ou des minéraux, et sans contrÎle des espÚces
La nature dĂ©cline globalement Ă un rythme sansprĂ©cĂ©dent dans lâhistoire humaine â et le tauxdâextinction des espĂšces sâaccĂ©lĂšre, provoquantdĂšs Ă prĂ©sent des effets graves sur les populaÂ
tions humaines du monde entier. » Câest avec ces mots que la Plateforme intergouvernementalescientifique et politique sur la biodiversitĂ© et lesservices Ă©cosystĂ©miques a lancĂ© lâalerte dans sonrapport paru en 2019. Sur les 8 millions dâespĂšcesanimales et vĂ©gĂ©tales sur Terre, la plateÂforme estime quâenviron 1 million sont aujourdâhui menaÂcĂ©es dâextinction, chose « qui nâa jamais eu lieu aupaÂravant dans lâhistoire de lâhumanitĂ© ». Et parmi les 5,9 millions dâespĂšces terrestres, plus de 500 000 nebĂ©nĂ©ficient plus de lâhabitat naturel nĂ©cessaire Ă leur survie Ă long terme ! La crise du CovidÂ19 ne faitdĂ©sormais que renforcer nos craintes : le recul du monde sauvage face Ă la pression humaine favorise lâĂ©mergence de nouveaux pathogĂšnes.
Un bilan alarmantLa France nâĂ©chappe pas Ă ces menaces. La nature rĂ©gresse du fait des activitĂ©s humaines : artificialisaÂtion des sols et fragmentation des milieux naturels,surexploitation des ressources, pollutions de lâair, de lâeau et des sols, usage massif des pesticides en agriculture, chasse. Les Ă©cosystĂšmes sont fortementperturbĂ©s et ne peuvent plus rendre les services quâils offrent habituellement, aussi bien Ă lâhomme quâĂ la nature : purification de lâeau et de lâair, attĂ©Ânuation des crues et de lâeffet des sĂ©cheresses, mainÂtien de la pollinisation, rĂ©gulation du climat, rĂ©gulaÂtion de la dynamique des pathogĂšnes et parasites,etc. Et pourtant⊠la variĂ©tĂ© des paysages et la richesse des Ă©cosystĂšmes de notre merveilleux paysnous confĂšrent une responsabilitĂ© rĂ©elle visÂĂ Âvisdu vivant : selon un recensement du MusĂ©um naÂtional dâhistoire naturelle, la France accueillaiten 2015 plus de 160 000 espĂšces, soit environ 2 % des espĂšces connues sur notre planĂšte. Il sâagit de la plus grande biodiversitĂ© dâEurope.
Aujourdâhui, en France, moins de 1,54 % du terriÂtoire mĂ©tropolitain terrestre bĂ©nĂ©ficie dâune protecÂ
tion dite « forte », selon lâInventaire national du patrimoine naturel. Et Ă lâintĂ©rieur de ces espaces deprotection « forte », lâexploitation forestiĂšre, le pasÂtoralisme et la chasse sont encore bien prĂ©sents : la chasse est autorisĂ©e dans trois zones cĆurs de parcsnationaux sur onze (les parcs des Calanques, des CĂ©Âvennes et de forĂȘts), dans une grande majoritĂ© des rĂ©serves naturelles nationales et dans la plupart desrĂ©serves naturelles rĂ©gionales ; chasse et pĂȘche ne sont pas interdites partout dans les rĂ©serves biologiÂques ; les forĂȘts et les pĂąturages sont exploitĂ©s dans les zones cĆurs des parcs nationaux de montagneet dans de nombreuses rĂ©serves naturelles. A cejour, on peut estimer que seulement 0,6 % du terriÂtoire terrestre mĂ©tropolitain français assure la libre expression des processus naturels.
Le prĂ©sident Emmanuel Macron a dĂ©clarĂ© enmai 2019 vouloir protĂ©ger 30 % des espaces naturels sur terre et en mer, dont un tiers « en pleine naturaÂlitĂ© » (devenu entreÂtemps « en protection forte »), Ă lâhorizon 2030. Cet objectif est entĂ©rinĂ© dans la straÂtĂ©gie BiodiversitĂ© de la France et de lâUnion euroÂpĂ©enne 2020Â2030. Mais quelle dĂ©finition donner Ă la pleine naturalitĂ© ou protection forte dont parle le prĂ©sident Macron ? En fĂ©vrier 2009 dĂ©jĂ , le ParleÂment europĂ©en avait adoptĂ© une rĂ©solution invitantles Etats membres Ă dĂ©velopper de vastes zones de nature « vierge ». Et la protection forte de lâEurope a Ă©tĂ© dĂ©finie par lâinitiative Wild Europe en 2012 : « Un espace Ă haute naturalitĂ© est une zone gouvernĂ©e pardes processus naturels. Il est composĂ© dâespĂšces et dâhabitats naturels et suffisamment grands pour le fonctionnement Ă©cologique effectif des processusnaturels. Il est non ou peu modifiĂ© et sans activitĂ© huÂmaine intrusive ou extractive, habitat permanent, inÂfrastructure ou perturbation visuelle. » Ce qui signifieune zone sans chasse, sans exploitation du bois, des terres ou des minĂ©raux, sans contrĂŽle des espĂšces.
Lâimportance du dialogueRenforçons la protection forte française pour que les10 % promis le soient en libre Ă©volution (en pleine naturalitĂ©), en adoptant la dĂ©finition europĂ©enne des zones de nature vierge. CrĂ©ons des zones de libreĂ©volution Ă lâintĂ©rieur dâespaces encore trop mal proÂtĂ©gĂ©s (parcs naturels rĂ©gionaux, zones Natura 2000, etc.), mais aussi lĂ oĂč cela sera profitable Ă de nouÂveaux territoires. CrĂ©ons de nouveaux outils pourfaciliter leur mise en place. Visons systĂ©matiqueÂ
ment la prĂ©sence de toutes les composantes dâun Ă©cosystĂšme laissĂ© en libre Ă©volution, afin de garantirson fonctionnement optimal. Encourageons les proÂpriĂ©taires privĂ©s Ă rendre certaines de leurs parcellesĂ la nature sauvage, avec une garantie sur le long terme. Inscrivons ces propositions dans la nouvelle stratĂ©gie des aires protĂ©gĂ©es 2020Â2030 de la France.
ArrĂȘtons de vouloir maĂźtriser et exploiter la totalitĂ©des espaces et des Ă©cosystĂšmes, laissons, en certains lieux, la nature prendre la direction quâelle souhaite !Car la nature libre, autonome, spontanĂ©e et sauvage a des capacitĂ©s de rĂ©paration Ă©tonnantes, Ă conditionquâon lui en laisse lâespace et le temps. Sans intervenÂtion humaine quelle quâelle soit, la forĂȘt se reconstiÂtue, la faune revient et retrouve sa densitĂ© naturelle sans quâil soit besoin de la rĂ©guler.
Lâurgence dĂ©montrĂ©e de telles mesures appelle unevolontĂ© forte quant Ă leur mise en Ćuvre. Mais nous savons aussi que la garantie de vrais progrĂšs en ce sens repose, auÂdelĂ mĂȘme des moyens, sur la qualitĂ©des dialogues, des concertations qui les accompagneÂront. CrĂ©ons les conditions dâun partage exigeant, fondateur de dĂ©cisions claires et mieux susceptibles ainsi dâĂȘtre partagĂ©es â nous sommes pour notre part en discussion et convergence de rĂ©flexion avec, entre autres, lâAssociation Francis HallĂ© pour une foÂrĂȘt primaire et lâAssociation pour la protection des animaux sauvages. Le dĂ©clin de la biodiversitĂ© nâest pas inĂ©luctable. Redonnons de la place au vivant !
Isabelle Autissier, navigatrice ; Gilles ClĂ©ment, paysagiste ; BĂ©atrice et Gilbert Cochet, Ă©cologues ; Jean-Claude GĂ©not, Ă©cologue ; Marc Giraud, prĂ©sident de lâAspas ; Francis HallĂ©, botaniste ; Baptiste Morizot, philosophe ; Vincent Munier, photographe animalier ; Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibĂ©tain ; Sylvain Tesson, Ă©crivain ; BenoĂźt ThomĂ©, prĂ©sident de lâassociation Animal Cross
LA RICHESSE DES ĂCOSYSTĂMES DE NOTRE PAYS NOUS CONFĂRE UNE RESPONSABILITĂ RĂELLE VIS-Ă-VIS DU VIVANT
LâĂCOLOGIE DOIT EMBARQUER TOUT LE MONDE ET NE PEUT SE SATISFAIRE DES VIEUX CLIVAGES
0123MERCREDI 9 DĂCEMBRE 2020 idĂ©es | 37
RAVIVER LES BRAISES DU VIVANT. UN FRONT COMMUNde Baptiste Morizot, Actes Sud et Wildproject,208 pages, 20 euros
La Maison Blanche hantée | par serguei
DĂPASSER LA VISION BINAIRE DE LA NATURELIVRE
B aptiste Morizot a changĂ©dâĂ©chelle. Ce philosophe,qui mĂšne des enquĂȘtes
nourries par le pistage des loups ou la pratique de la foresterie, plaiÂdait dans Les Diplomates (WildÂproject, 2016) pour de nouvelles alliances entre les hommes et les animaux. Câest avec la biosphĂšre entiĂšre quâil appelle dĂ©sormais Ă coopĂ©rer. Non parce que celleÂci aurait besoin de nous, mais parce que nous avons besoin dâelle.
Au cĆur de notre difficultĂ© Ă mieux dĂ©fendre la biodiversitĂ©, il ya, estimeÂtÂil, « le conflit entre rĂ©enÂsauvagement et monde paysan » â autrement dit entre Ă©colos et ruraux. Souvent invisible pour les urbains, celuiÂci « structure Ă bas bruit le dĂ©bat sur lâavenir des territoires français », que ce soit autour de la question du loup, des rĂ©serves de nature sauvage ou de la gestion des nuisibles. ComprenÂdre les raisons de ce conflit, Ă©baucher des maniĂšres de le dĂ©passer pour que monde rural et mouvance Ă©cologique luttent enÂsemble contre les « exploitations
insoutenables » qui dĂ©truisent la nature, tel est lâenjeu de Raviver lesbraises du vivant. DâoĂč le sousÂtiÂtre : Un front commun. Morizot en est convaincu : on ne pourra penser Ă nouveaux frais la dĂ©fensede la planĂšte sans sortir de notre « cosmologie dualiste » concerÂnant les usages de la terre. Sans dĂ©Âconstruire deux mythes opposĂ©s : celui, courant chez les protecteurs de la nature, selon lequel toute exploitation dĂ©truit le vivant ; etcelui, pilier de la modernitĂ©, selon lequel toute exploitation amĂ©liorele milieu quâelle travaille.
GĂ©rer les dĂ©gĂąts collatĂ©rauxPour dĂ©passer « cette opposition fondatrice entre exploiter et sancÂtuariser, comme si ces deux usages de la terre Ă©taient exclusifs, en conflit, et irrĂ©conciliables », il en appelle Ă multiplier les « leviersdâaction Ă©cologiques » â lesquels doivent se donner Ă rĂ©soudre « un problĂšme prĂ©cis et rĂ©el, par une soÂlution locale, mais articulable Ă un projet de sociĂ©tĂ© global dĂ©sirable ». Les initiatives agroĂ©cologiques connectĂ©es Ă des circuits courts ensont un exemple. Comme le sont
les rĂ©serves de vie sauvage, parcelÂles fonciĂšres achetĂ©es sur la base dâun financement participatif par lâAssociation pour la protection des animaux sauvages, afin de les laisser devenir des foyers de « libre Ă©volution » dans lesquels faune et flore pourront se dĂ©velopper sans aucune intervention humaine.
Comment gĂ©rer les dĂ©gĂątscollatĂ©raux de ces zones libres, aux frontiĂšres desquelles huÂmains et animaux pourront circuÂler librement ? Comment nourrir huit milliards de personnes avec les rendements de lâagroĂ©cologie ? Lâauteur ne le prĂ©cise pas. A ceux qui lui disent : « On brĂ»le la cathĂ©drale, et vous brandissez comme solution la restauration du bĂ©nitier », il sait en revanche quoi rĂ©pondre : le vivant nâest pas une cathĂ©drale en flammes, câest un feu qui sâĂ©teint, et il suffirait de quelques braises pour quâil sâĂ©veille Ă nouveau. Face Ă la catasÂtrophe Ă©cologique qui vient, sa rĂ©flexion fait feu de tout bois pournous aider Ă dĂ©passer notre sentiÂment dâimpuissance et raviver noÂtre flamme. Câest dĂ©jĂ beaucoup.
catherine vincent
ANALYSE
S auver lâĂ©conomie, « quoi quâil encoĂ»te ». Ces derniers jours, la formuleprononcĂ©e en mars par EmmanuelMacron sâest concrĂ©tisĂ©e un peu plus
encore, avec une nouvelle salve de mesuresdâurgence. Le 30 novembre, le gouverneÂment a promis une aide pour les remontĂ©esmĂ©caniques ne pouvant ouvrir en dĂ©cemÂbre. Deux jours plus tĂŽt, le plafond des inÂdemnisations pour les PME fermĂ©es en raiÂson de la pandĂ©mie, tels que les restaurants, a Ă©tĂ© relevĂ© de 100 000 Ă 200 000 euros.
Depuis mars, 1,8 million dâentreprises ontĂ©tĂ© soutenues par le fonds de solidaritĂ©, pourune dĂ©pense de 7,5 milliards dâeuros. SâajouÂtent Ă cela le chĂŽmage partiel, dont jusquâĂ 8,6 millions de salariĂ©s ont bĂ©nĂ©ficiĂ© en avril, les reports de charges, les aides Ă la trĂ©Âsorerie, ou encore les prĂȘts garantis par lâĂtataux entreprises, Ă hauteur de 300 milliards dâeuros.
La France dĂ©ploie des moyens considĂ©raÂbles pour sauver PME et emplois face Ă la crise la plus brutale traversĂ©e par le pays deÂpuis la seconde guerre mondiale. Elle nâaguĂšre le choix. Cette annĂ©e, le produit intĂ©Ârieur brut (PIB) devrait en effet plonger de 11 %, selon le gouvernement.
Lors de la prĂ©cĂ©dente rĂ©cession, en 2009, ilnâavait baissĂ© que de 2,9 %. Pour autant, lâHexagone en faitÂil plus que ses voisins ? « Les comparaisons europĂ©ennes sont dĂ©licaÂtes », prĂ©vient CharlesÂHenri Colombier, Ă©coÂ
nomiste chez Rexecode. Entre les prĂȘts, les subventions, les primes ou les garanties quine seront jamais utilisĂ©es, les mesures de soutien sont de nature trĂšs diffĂ©rente selon les secteurs, les pays et les modes de calcul.
En outre, les Etats oĂč la crise est plus proÂfonde dĂ©penseront mĂ©caniquement plus pour soutenir leurs Ă©conomies â en particuÂlier au sud de lâEurope, trĂšs affectĂ© par lâefÂfondrement du tourisme. Cette annĂ©e, lechĂŽmage partiel devrait ainsi coĂ»ter 2,2 % duPIB en Espagne, 1,5 % en France et 0,8 % en Allemagne.
Si lâon se penche sur les conditions dâaccĂšsaux aides, il est nĂ©anmoins vrai que Paris, comme Berlin, en fait plus. Ainsi notre chĂŽÂmage partiel couvreÂtÂil 84 % du salaire net, jusquâĂ 4,5 SMIC, remboursĂ©s Ă 100 % par lâEtat et par lâUnedic pour les entreprises des secteurs exposĂ©s. Câest plus encore quâen AlÂlemagne, oĂč la couverture de base est de 70 % du salaire, jusquâĂ 2 800 euros environ. « Et les conditions dâaccĂšs sont un peu plus strictes outreÂRhin : 10 % au moins des effecÂtifs doivent ĂȘtre au chĂŽmage partiel pour que le dispositif soit enclenchĂ©, un seuil nâexistant pas en France », rappelle Daniela Ordonez, chez Oxford Economics.
Certaines entreprises tricolores en ontdâailleurs abusĂ©, touchant les aides alors que leurs salariĂ©s supposĂ©s au chĂŽmage partieltravaillaient Ă temps plein depuis chez eux. En septembre, le gouvernement estimait lemontant des fraudes Ă 225 millions dâeuros. Câest sans doute beaucoup plus.
Mais au fond, ces pertes ne seraient pas sigraves si les aides Ă©taient, par ailleurs, pleineÂment efficaces. Las, la France pourrait fairemieux. En laissant trop souvent planer le doute sur le calendrier des soutiens et lâĂ©voÂlution de leurs modalitĂ©s, elle a ajoutĂ© de lâinÂcertitude, lĂ oĂč lâAllemagne, qui prend largeÂment en charge les pertes des PME, a vite anÂnoncĂ©, une fois pour toutes, que le chĂŽmage partiel dâurgence serait en place jusquâĂ fin 2021. Un choc de confiance dont les entrepriÂses françaises nâont pas bĂ©nĂ©ficiĂ© : elles ne saÂvent toujours pas si celuiÂci (hors dispositif de longue durĂ©e) sera prolongĂ© aprĂšs le 31 dĂ©cembre 2020.
Niveau de dette Ă©levĂ©Surtout : le plan de relance allemand de130 milliards dâeuros est entrĂ© en vigueur dĂšslâĂ©tĂ©, avec un soutien massif Ă la consommaÂtion par la baisse de la TVA, tandis que le plande relance français de 100 milliards ne dĂ©Âploiera pas ses pleins effets avant fin 2021. Câest tard.
Or, mĂȘme dans le scĂ©nario optimiste oĂč ladiffusion des vaccins permettrait un retour Ă la normale autour du troisiĂšme trimestre2021, nos entreprises ne tiendront pas jusÂqueÂlĂ . Leur situation est particuliĂšrement fragile. Elles sont entrĂ©es dans la crise avec un niveau de dette Ă©levĂ© (84,7 % du PIB, conÂtre 44,1 % en Allemagne). « Au premier semesÂtre, leurs marges bĂ©nĂ©ficiaires ont chutĂ© de7 points, alors que celles de leurs homologues germaniques se sont maintenues », souligne
Ana Boata, chez Euler Hermes. RĂ©sultat : une entreprise sur quatre pourrait se trouver en crise de trĂ©sorerie en 2021, câestÂĂ Âdire manÂquer de liquiditĂ© pour fonctionner.
Pour lâĂ©viter, le gouvernement devra mainÂtenir des aides dâurgence. LĂ encore, il nâauraguĂšre le choix. Toute la difficultĂ© sera de piloÂter la dĂ©licate transition vers le plan de reÂlance. Et, surtout, de sâassurer que les mesuÂres seront plus efficaces encore. En offrantun calendrier clair, essentiel pour que les enÂtrepreneurs reprennent confiance, et un caliÂbrage mieux pensĂ©, sans en faire lâune de cesusines Ă gaz dont notre pays a le secret. Il deÂvra sans doute soutenir plus franchement aussi la demande des mĂ©nages. Inquiets, ces derniers se montrent jusquâici trĂšs prudents,prĂ©fĂ©rant Ă©pargner plutĂŽt que se ruer en maÂgasin. Mais si leur consommation ne redĂ©Âmarre pas, nos PME ne pourront pas repartirnon plus, quelles que soient les aides dont elÂles bĂ©nĂ©ficient.
Bien sĂ»r, tout cela nous coĂ»tera cher. BiensĂ»r, la France, dont lâendettement approcheles 120 % du PIB, dispose de marges demanĆuvre budgĂ©taires moindres que lâAlleÂmagne. Mais, pour le moment, lâaction sans limites ou presque de la Banque centrale europĂ©enne (BCE) nous permet dâemprunter pour rien. Le plus gros piĂšge serait de reproÂduire lâerreur de 2011 : couper la perfusion publique trop tĂŽt dans lâespoir de remettre les finances publiques en ordre, au risque dâĂ©touffer la reprise dans lâĆuf.
marie charrel
POUR ĂVITER QUâUNE ENTREPRISE
SUR QUATRE NE SE RETROUVE
EN CRISE DE TRĂSORERIE
EN 2021, LE GOUVERNEMENT DEVRA MAINTENIR
DES AIDES DâURGENCE
Les limites du « quoi quâil en coĂ»te »
D ans la foulĂ©e de la publicaÂtion des mauvais chiffres duchĂŽmage de novembre, les
Ă©quipes de Joe Biden avaient Ă©mis desremarques qui se sont transformĂ©es, jeudi 3 dĂ©cembre, en une courte dĂ©Âclaration et quelques questions, tĂ©Âmoignage de lâimpuissance du prĂ©sident Ă©lu. Joe Biden exhortait leCongrĂšs Ă adopter un plan de soutienĂ lâĂ©conomie, mais il nâest pas encoreĂ la manĆuvre. Certes, la tĂąche nâestjamais facile pour les prĂ©sidents Ă©lus, entre le jour de leur victoire et celui de leur investiture, le 20 janvier.
Lâennui, câest que cela pourraitdurer : faute dâavoir la majoritĂ© au CongrĂšs, Joe Biden pourrait rester un prĂ©sident sans pouvoir. En effet, lesRĂ©publicains ont dĂ©jĂ 50 des 100 siĂšÂges au SĂ©nat. Et, pour dĂ©tenir la majoÂritĂ© dĂ©finitive, tout est suspendu au second tour des Ă©lections sĂ©natoriaÂles en GĂ©orgie, le 5 janvier, puisque aucun candidat nâa obtenu plus de 50 % des suffrages, au premier tour. Mais on voit mal les deux siĂšgesĂ©choir aux dĂ©mocrates dans cet Etat du Sud. De ce fait, M. Biden a toutesles chances dâĂȘtre le premier prĂ©siÂdent entrant Ă la Maison Blanche sans majoritĂ© au SĂ©nat depuis GeorgeBush pĂšre en 1989.
EstÂce grave ? Pas Ă en croire lâindiceDow Jones qui a connu, en novembre,son plus fort rebond depuis 1987, en hausse de 12 %, et a cassĂ© la barre des30 000 points pour la premiĂšre foisde son histoire. Certes, cette envolĂ©esâexplique largement par lâannonce dâessais cliniques rĂ©ussis pour pluÂsieurs vaccins contre le CovidÂ19.Mais aussi par lâarrivĂ©e dâune confiÂguration historiquement idĂ©ale pourla Bourse : un prĂ©sident dĂ©mocrate et un SĂ©nat rĂ©publicain. Des dĂ©penses,mais pas de hausses dâimpĂŽts, voilĂ un schĂ©ma qui peut sembler idĂ©al dans un monde oĂč tout le monde se fiche des dĂ©ficits, en pĂ©riode dâargent gratuit.
Cette lecture paraĂźt assez naĂŻve :lâadoption dâun plan de relance jugĂ©indispensable par le prĂ©sident de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale, Jerome Powell, sâest
rĂ©vĂ©lĂ©e impossible depuis des mois,en raison des bisbilles entre dĂ©moÂcrates et rĂ©publicains.
Joe Biden met en avant son souhaitde nouer des alliances transpartisaÂnes avec les rĂ©publicains. Câest pariersur leur bonne volontĂ©, qui semble peu probable : le clan Trump est sur laligne dâune Ă©lection volĂ©e et le Grand Old Party, qui a rĂ©duit de moitiĂ© lâavance des dĂ©mocrates Ă la ChamÂbre, a dĂ©jĂ en ligne de mire les Ă©lecÂtions de miÂmandat de 2022. Pour serĂ©concilier, il faut ĂȘtre deux. Joe BiÂden a un talent, celui dâĂȘtre un homme liant, et un objectif, rĂ©conciÂlier lâAmĂ©rique avec elleÂmĂȘme.
Voter un plan de relanceParfois, nĂ©cessitĂ© fait loi, et câest aussice sur quoi mise Wall Street. La Bourse a bien rĂ©agi aux mauvais chifÂfres du chĂŽmage â le pays nâa crĂ©Ă© ennovembre que 250 000 emplois alors quâil en a dĂ©truit plus de 10 millions depuis le dĂ©but de lâannĂ©e â et nâa paschutĂ© alors que la seconde vague de CovidÂ19 sâannonce pire que la preÂmiĂšre : câest justement parce que lesopĂ©rateurs espĂšrent que ces sombres perspectives forceront le CongrĂšs Ă voter un plan de relance.
Un compromis sur un plan dâunpeu plus de 900 milliards de dollars (745 milliards dâeuros) devrait ĂȘtretrouvĂ© rapidement avec, notamment,de nouvelles allocationsÂchĂŽmage â tandis quâil faudra bien trouver une solution Ă la faillite des Etats et descollectivitĂ©s locales, frappĂ©s par leCovid et la rĂ©cession, quoi quâen diÂsent les rĂ©publicains.
Et le reste ? Cela attendra, trĂšscertainement. On voit mal comment M. Biden mettra en Ćuvre son proÂgramme de campagne : comment imaginer lancer un plan de grands travaux alors que, dans une ville comme New York, le mĂ©tro, le port et les aĂ©roports sont en faillite en raisonde lâeffondrement du trafic passager. On nâimagine guĂšre quâil sâattaque Ă Wall Street et aux bĂ©nĂ©fices des entreÂprises ou aux firmes de la Silicon ValÂley, locomotives de la reprise : ce seÂrait ajouter Ă la crise sanitaire et Ă©coÂnomique une crise financiĂšre inutile.
Joe Biden devrait largement agir pardĂ©crets prĂ©sidentiels pour dĂ©faireceux quâa pris Donald Trump. BeauÂcoup de symboles, notamment enmatiĂšre dâenvironnement et dâimmiÂgration, mais sans doute pas de rĂ©voÂlution financiĂšre. Wall Street peut sâen satisfaire.
CHRONIQUE | PAR ARNAUD LEPARMENTIER
Joe Biden est-il déjà un canard boiteux ?
FAUTE DâAVOIR LA MAJORITĂ AU CONGRĂS, JOE BIDEN
POURRAIT RESTER UN PRĂSIDENT SANS POUVOIR
38 |0123 MERCREDI 9 DĂCEMBRE 20200123
L a partie nâest pas tout Ă fait terminĂ©e mais pourEmmanuel Macron elleest dĂ©jĂ perdue. Le prĂ©siÂ
dent de la RĂ©publique ne tirerapas de la convention citoyenne sur le climat la double onction Ă©cologique et dĂ©mocratique quâil espĂ©rait de cet exercice inĂ©dit.Avant mĂȘme de connaĂźtre le conÂtenu du projet de loi climat qui doit ĂȘtre finalisĂ© cette semaine,un procĂšs en traĂźtrise sâest insÂtaurĂ© que Julien Bayou, le secrĂ©Âtaire gĂ©nĂ©ral dâEurope EcologieÂLes Verts, rĂ©sume dâun mot : « Lâarnaque. »
Parce quâil refuse de reprendre« sans filtre » lâintĂ©gralitĂ© des proÂpositions que cette assemblĂ©e a Ă©mises, le prĂ©sident de la RĂ©publiÂque est accusĂ© de tromper les 150 citoyens tirĂ©s au sort en octoÂbre 2019 pour rĂ©flĂ©chir aux moyens de « rĂ©duire dâau moins 40 % les Ă©missions de gaz Ă effet deserre dâici Ă 2030 dans un esprit de justice sociale ». LâintensitĂ© du procĂšs est Ă la hauteur de lâintĂ©rĂȘtmais aussi des ambiguĂŻtĂ©s quâa gĂ©nĂ©rĂ©s cette expĂ©rience dĂ©moÂcratique inĂ©dite, organisĂ©e au lenÂdemain du mouvement des « giÂlets jaunes » et de lâenterrementde la taxe carbone. Pour le chef delâEtat, il sâagissait ni plus ni moinsde rĂ©inventer une politique Ă©coÂlogique acceptable par le plus grand nombre, en sortant de sonopposition frontale avec EELV.
Entre le 29 juin, date Ă laquelleEmmanuel Macron a rĂ©ceptionnĂ©les propositions de la convention citoyenne, et cette semaine, au cours de laquelle le gouverneÂment retranscrit dans un projet de loi la partie lĂ©gislative de ses149 propositions, un indĂ©niable changement de climat sâest opĂ©rĂ©. De part et dâautre, une sourde mĂ©fiance a remplacĂ© lâenÂthousiasme des dĂ©buts.
Economie plombĂ©eIl y a six mois, le chef de lâEtat saÂluait « cette aventure dĂ©mocratiÂque et humaine, qui constitue une premiĂšre mondiale ». Il envisageaitlâorganisation de deux rĂ©fĂ©renÂdums en 2021 pour vaincre dâĂ©venÂtuelles rĂ©sistances aprĂšs avoir vaÂlidĂ© lâidĂ©e quâil faudrait rĂ©Ă©crire lâarticle 1 de la Constitution pour yintroduire « les notions de biodiÂversitĂ©, dâenvironnement, de lutte contre le rĂ©chauffement climatiÂque ». Aujourdâhui, alors que lâĂ©coÂnomie reste plombĂ©e par la crise sanitaire, il sâagace des prĂ©tenÂtions de la convention Ă vouloir tout imposer sans filtre : « Jâai 150 citoyens, je les respecte, mais je ne vais pas dire, ce quâils proposent,câest la Bible ou le Coran », sâestÂil exclamĂ©, vendredi, lors de son inÂterview au mĂ©dia en ligne Brut.
Du cĂŽtĂ© des 150, la majoritĂ© restesilencieuse mais une avantÂgarde fortement mobilisĂ©e sâest constiÂtuĂ©e, qui comptabilise un Ă un les reculs survenus depuis juin : reÂfus de Bercy dâinstaurer une Ă©coÂtaxe sur le transport aĂ©rien moriÂbond ou encore passage en force du gouvernement sur la 5G. DeÂpuis, une pĂ©tition « pour sauver laconvention citoyenne » circule Ă lâinitiative du rĂ©alisateur Cyril Dion, qui avait cru bon souffler
lâidĂ©e de lâexercice au prĂ©sident dela RĂ©publique dans le cadre du grand dĂ©bat post« gilets jaunes ». En retour, Emmanuel Macron nedĂ©colĂšre pas contre « ces activistesqui [lâont] aidĂ© au dĂ©but » et quiĂ©mettent aujourdâhui des critiÂques. « Câest la solution des faiÂnĂ©ants, le âĂ prendre ou Ă laisser et,si vous ne prenez pas, câest nulâ », sâestÂil emportĂ©, vendredi dernier.
Cent cinquante citoyens peuÂventÂils imposer leur loi au prĂ©siÂdent de la RĂ©publique ? Câest au fond la question que pose lâorgaÂnisation dâune convention ciÂtoyenne Ă cette Ă©chelle et sur un thĂšme aussi large. La querelle secristallise autour de lâinterprĂ©taÂtion des termes « sans filtre ». Les dĂ©fenseurs de la dĂ©mocratie diÂrecte ont cru comprendre que celavoulait dire « telles quelles ». Au dĂ©but, Emmanuel Macron nâa rien fait pour dissiper lâillusion, car il voulait que lâassemblĂ©e ciÂtoyenne entre dans le jeu, fasse des propositions.
Comme le rappelle, sur le site duJournal du dimanche, ThierryPech, directeur gĂ©nĂ©ral de TerraNova et coprĂ©sident du comitĂ© degouvernance, « 70 % des Français considĂšrent que le systĂšme dĂ©moÂcratique fonctionne mal et quâils sont mal reprĂ©sentĂ©s, 57 % des Français pensent quâil faut gĂ©nĂ©raÂliser ce type dâexercice ». Pour cesdeux bonnes raisons, il fallait quela convention soit un succĂšs, mais pas au point, cependant, de se croire souveraine, câestÂĂ Âdire dâimposer lâensemble de ses proÂpositions Ă la barbe du pouvoirrĂ©glementaire et lĂ©gislatif, car ellenâen a en rĂ©alitĂ© pas les moyensconstitutionnels ni la lĂ©gitimitĂ©.
Depuis sa mise en Ćuvre, denombreux intellectuels, commele politologue Philippe Raynaud,doutent de son caractĂšre rĂ©elleÂment dĂ©mocratique. « Les particiÂpants Ă©taient volontaires », souliÂgneÂtÂil dans la revue CommenÂtaire. En outre, ajouteÂtÂil, « les traÂvaux ont Ă©tĂ© guidĂ©s par un groupe dâexperts dont beaucoup sont en fait des militants de lâĂ©cologie ».
Ces soupçons font bondir les orÂganisateurs de la convention qui viennent de rendre public un rapÂport explicitant leur mĂ©thode : des outils dâexpertise Ă©taient Ă la disposition des conventionnels qui pouvaient, Ă chaque Ă©tape de la procĂ©dure, vĂ©rifier le bienÂfondĂ© de ce quâon leur disait et de ce quâils proposaient. « Tout ciÂtoyen Ă qui on explique la rĂ©alitĂ©du rĂ©chauffement climatique sait quâil y a urgence Ă agir vite et fort »,renchĂ©rit Barbara Pompili, minisÂtre de la transition Ă©cologique. Il nâempĂȘche : câest bien sur cesoupçon dâune politisation de laconvention que surfe aujourdâhuiEmmanuel Macron pour rĂ©ponÂdre Ă ceux qui lâaccusent de trahir.
Il faudra un peu de recul poursavoir si la convention citoyenne sur le climat a effectivement perÂmis dâaccĂ©lĂ©rer le combat contre les Ă©missions de gaz Ă effet deserre. En attendant, une illusion sâest envolĂ©e : il ne suffit pas de convoquer des citoyens ancrĂ©s dans le rĂ©el pour rapprocher les points de vue. LâĂ©cologie resteplus que jamais une matiĂšreĂ©ruptive.
E n thĂ©orie, la prĂ©voyance constituele cĆur de mĂ©tier de lâassurance.Pourtant, les compagnies en ont
cruellement manquĂ© dans la façon de veiller Ă leur rĂ©putation depuis le dĂ©clenÂchement de la pandĂ©mie de CovidÂ19. AcÂcusĂ©s de rechigner Ă accompagner leursclients dans la crise, les assureurs se reÂtrouvent en porteÂĂ Âfaux avec lâimagequâils tentent de projeter Ă longueur decampagnes publicitaires. AprĂšs avoir accuÂmulĂ© les maladresses et les calculs froids, le secteur est plongĂ© au cĆur dâune polĂ©Âmique dâautant plus difficile Ă Ă©teindre quâelle a fini par prendre un tour politique.
La fronde est partie des petits commerÂçants, cafetiers et hĂŽteliersÂrestaurateurs,qui ont fait lâobjet de fermetures adminisÂ
tratives afin dâendiguer la propagation duvirus. Certains des contrats souscrits parces entrepreneurs prĂ©voyaient, de façon plus ou moins explicite, le risque de pandĂ©Âmie. Mais les assureurs affirment que la crise sanitaire actuelle relĂšve dâun type parÂticulier de sinistre touchant simultanĂ©Âment lâensemble des entreprises dâun doÂmaine dâactivitĂ© et que, de fait, il est finanÂciĂšrement impossible de couvrir ce risque.
Le message a eu dâautant plus de malĂ passer que les compagnies ont manquĂ© dâempathie visÂĂ Âvis de certains de leurs clients. Il y a quelques jours, pour toute rĂ©ponse Ă leurs difficultĂ©s, des milÂliers de PME ont reçu un avenant Ă leur contrat excluant explicitement le risque pandĂ©mique, tandis que des hausses de tarif Ă©taient envisagĂ©es.
Les assureurs ont eu beau rappeler quâilsavaient versĂ© 400 millions dâeuros au fonds de solidaritĂ© en faveur des entrepriÂses et des indĂ©pendants et que la crise les oblige Ă rembourser 2 milliards dâeuros desinistres supplĂ©mentaires, ces arguments sont devenus inaudibles. Durant la pĂ©riode,lâopinion publique a surtout retenu que les cotisations ne baissaient pas, malgrĂ© la chute des dĂ©penses de santĂ© hors Covid etle recul du nombre dâaccidents automobiÂles Ă cause du confinement.
Faute de faire Ă temps les quelques gestesqui auraient permis de dĂ©samorcer les inÂcomprĂ©hensions, les assureurs ont attendu
dâĂȘtre mis au pied du mur par le gouverÂnement, luiÂmĂȘme mis sous pression parlâopposition. MenacĂ©es dâĂȘtre taxĂ©es, les compagnies ont finalement consenti, lundi 7 dĂ©cembre, Ă geler les cotisationsdâassuranceÂmultirisque professionnelle.
La mesure, qui concerne les PME de moinsde 250 salariĂ©s, a Ă©tĂ© Ă©largie auÂdelĂ de lâhĂŽÂtellerieÂrestauration pour concerner Ă©galeÂment les secteurs de lâĂ©vĂ©nementiel, du touÂrisme, du sport et de la culture. Lâeffort restemalgrĂ© tout modeste, car limitĂ© Ă 2021. EvaÂluĂ© à « plusieurs dizaines, voire plusieurs cenÂtaines de millions dâeuros » par Bercy, il est largement infĂ©rieur au 1,2 milliard dâeuros qui devait ĂȘtre ponctionnĂ© grĂące Ă la taxe brandie par le gouvernement.
Ce gel aurait eu sans doute plus dâeffetssâil avait Ă©tĂ© obtenu spontanĂ©ment. Aussi, pour restaurer leur image, qui a Ă©tĂ© Ă©corÂnĂ©e, les assureurs doivent aller plus loin. Legouvernement a donnĂ© des pistes en inciÂtant par exemple les compagnies Ă contiÂnuer Ă couvrir en 2021 les PME, mĂȘme si cesderniĂšres tardent Ă payer leurs cotisations. En revanche, un systĂšme dâassuranceÂpanÂdĂ©mie sur la base dâun partenariat publicÂprivĂ© a Ă©tĂ© Ă©cartĂ©, beaucoup dâentreprises considĂ©rant la formule trop coĂ»teuse. Il est enfin urgent de promouvoir une mĂ©diaÂtion de lâassurance sur le modĂšle de celle du crĂ©dit. Plus de dialogue et de prĂ©voyanceaurait probablement Ă©vitĂ© au secteur de se retrouver au cĆur de la tempĂȘte.
MACRON REFUSE DE REPRENDRE
« SANS FILTRE » LES PROPOSITIONS DE LA CONVENTION
CITOYENNE SUR LE CLIMAT
DES ASSUREURS EN MAL DE PRĂVOYANCE
FRANCE | CHRONIQUEpar françoise fressoz
150 citoyens face au chef de lâEtat
ALORS QUE LâĂCONOMIE RESTE
PLOMBĂE PAR LA CRISE SANITAIRE,
LE CHEF DE LâĂTAT SâAGACE DES
PRĂTENTIONS DE LA CONVENTION
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