Le Milieu social des élèves et leurs chances en...

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T i No 62 LE MILIEU SOCIAL DES ELEVES ET LEURS CHANCES EN MATIERE. D'EDUCATION Etude des mécanismes de l'Inégalité et des facteurs explicatifs par Gabriel Carrón Unesco : Institut international de planification d e l'éducation

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О T i

No 62 LE MILIEU SOCIAL DES ELEVES ET LEURS CHANCES EN MATIERE. D'EDUCATION Etude des mécanismes de l'Inégalité et des facteurs explicatifs

par Gabriel Carrón

Unesco : Institut international de planification de l'éducation

IIEP/TM/62/74 Février 1974

INSTITUT INTERNATIONAL DE PLANIFICATION DE L'EDUCATION 7-9, rue Eugène Delacroix, 75016 Paris

LE MILIEU SOCIAL DES ELEVES ET LEURS CHANCES EN MATIERE D'EDUCATION

Etude des mécanismes d'inégalité et des facteurs explicatifs

par

Gabriel Carrón

Ce document fait partie de la série "les principes de la planification de l'éducation : conférences et discussions", préparée par l'IIPE en vue de constituer une collection de matériaux d'enseignement de base dans le domaine de la planification de l'éducation.

Ces documents sont basés sur1 les enregistrements, transcriptions et notes de séminaires, conférences et discussions organisées ваг l'IIPE dans le cadre de son programme de recherche et de formation : ils ne représentent -ni dans leur forme ni dans leur contenu - des publications officielles et les opinions qui y sont exprimées ne sont pas nécessairement celles de l'Institut,

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TABLE DES MATIERES

Page

INTRODUCTION 1

I LES MECANISMES DE L'INEGALITE 3

II LES FACTEURS EXPLICATIFS 18

REMARQUES FINALES 33

ii

IIEP/TM/62/7M- - page 1

INTRODUCTION

Le problème de l'inégalité des chances en matière d'éducation a fait

l'objet de rapports et d'études dans plusieurs pays.

Le rapport le plus vaste et sans doute le mieux connu a été entrepris

aux Etats-Unis par l'équipe de Coleman (1964-1966), chargée par le gouvernement

américain d'examiner le problème de "l'inégalité des chances des individus

devant l'éducation en raison de leur race, de leur couleur, de leur religion

ou de leur origine ethnique".

Entre 1950 et 1970 une série impressionnante d'enquêtes et de recherches

ont été réalisées en Grande-Bretagne. A cet égard nous pouvons citer surtout

les travaux de M. Banks (1955), de Mme ELoud et ses collaborateurs (1956), de

Mme Fraser (1959) et de M, Douglas (1964), ainsi que les rapports officiels

tels que : Early leaving (1954), le rapport Crowther (1959), le rapport Bobins

(1965), le rapport Newson (1963) et le rapport Plowden (1967), etc.

L'étude la plus importante en France a été réalisée à l'Institut d'Etudes

Démographiques par M. Girard et ses collaborateurs, lesquels ont observé

depuis 1962 le cheminement d'une promotion de 17.500 élèves au cours des dix

années qui ont suivi leur sortie de l'enseignement primaire« Leurs recherches

ont permis de mieux connaître les mécanismes psychologiques, familiaux et

sociaux de l'orientation des jeunes au cours d'une période particulièrement

importante de leur développement«

En Suède l'influence de la réforme scolaire sur l'égalité des chances

a fait l'objet d'une série d'études parmi lesquelles il faut mentionner celles

de Mo Husén (1968).

Pour les pays en voie de développement les données sont beaucoup moins

nombreuses. En ce qui concerne le continent africain, deux recherches

remarquables méritent d'être mentionnées, celle de M. Foster au Ghana (1965)

et celle de MM. Clignet et Foster en Côte d'Ivoire (1966).

1ГЕР/ТМ/62/74 - page 2

Le BIE a publié en 1971 une bibliographie annotée consacrée au thème "Le milieu social des élèves et leurs chances de succès à 1'école".

La longue liste des travaux qu'on y trouve pourrait laisser croire que

nous connaissons déjà bien les différents aspects du problème« Il n'en est

malheureusement pas ainsi, car bien que l'on ait pu mettre en évidence certaines

corrélations entre une classification sociale donnée d'un côté et la partici­

pation et les résultats scolaires de l'autre, les processus médiateurs entre

ces deux séries de données nous échappent encore en grande partie.

Aussi, le but de notre exposé n'est pas de donner un aperçu des

résultats partiels auxquels ont abouti ces études (toute généralisation dans

ce domaine serait difficile et dangereuse), mais plutôt de tracer les grandes

lignes d'un cadre de référence permettant d'étudier le problème de l'inégalité*

A titre d'illustration nous ferons surtout appel aux données statistiques de

la France et à celles de quelques autres pays»

Les inégalités en matière d'éducation peuvent prendre autant de formes

qu'il existe de clivages dans une société : inégalités entre groupes régionaux,

entre zones rurales et zones urbaines, entre catégories socio-professionnelles,

entre groupes ethniques, raciaux, linguistiques ou religieux et entre sexes«

Il est facile de comprendre que l'importance relative de chacun de ces facteurs

varie selon le contexte socio-économique et selon le niveau de l'enseignement

qu'on considère.

Notre analyse concernera avant tout l'inégalité entre catégories

socio-professionnelles (1); d'abord pour des raisons d'ordre pratique, mais

aussi et surtout parce que cette forme d'inégalité définit un aspect essentiel

du problème qui nous préoccupe. Elle se superpose en effet très souvent à

(1) Nous n'entrerons pas dans les problèmes relatifs à l'établissement d'une

classification socio-professionnelle et à la traduction de la notion de

catégorie ou de classe sociale en mesure de l'environnement scolaire.

Pour une brève discussion de ce thème, voir : T. Husén, Origine sociale

et éducation, Paris, OCDE, 1972, pp. 23-27.

IIEP/TM/62/74- - page 3

d'autres types d'inégalités d'ordre racial9 religieux, regional, etce/et,

parce qu'elle caractérise mieux que les autres variables le milieu familial,

elle occupe toujours une place centrale dans l'explication de l'inégalité en

matière de réussite scolaire»

L'analyse de l'inégalité des chances en matière d'éducation comporte

essentiellement trois parties :

1. Une étude des mécanismes d'inégalité à travers une observation des

statistiques ;

2c Une analyse des facteurs explicatifs;

3. Une réflexion sur les moyens d'action, susceptibles d'arriver à une

égalisation des chances en matière d'éducation»

Seules les deux premières parties seront abordées dans le cadre de ce

document.

I. LES MECANISMES DE L'INEGALITE

1, La nécessité d'une approche dynamique

Souvent l'inégalité en matière d'éducation est considérée sous un angle

statiqueо On dira par exemple qu'en France les élèves issus des classes supérieures (cadres moyens, professions libérales et industrielles, cadres

supérieurs) représentent 43 % de l'effectif total de l'enseignement supérieur, alors

qiiQ XQB élèves issus des classes inférieures (salariés agricolesэ agriculteurs5 ou­vriers <-, représentent seulement 24 %: ou encore ou'à la fir de l'enseignement secon­

daire au Sénégal 70 % des élèves proviennent du secteur traditionnel (chiffre de. 1963)

Pareilles informations sont intéressantes mais incomplètes» Elles

risquent surtout de faire croire que l'inégalité devant l'éducation n'est rien

d'autre qu'un problème de distribution inégale des places dans l'enseignement

résultant d'une demande sociale qui varie selon les différents groupes sociaux«

HEP/TM/62/74 - page 4

La reduction du problème de l'inégalité à un problème de demande sociale se

retrouve souvent dans une certaine littérature sur le sujet. Cependant la

réalité est beaucoup plus complexée Nous savons que même si les fils d'ouvriers

voulaient participer à l'enseignement supérieur dans une même proportion que

les fils de cadres supérieurs et à supposer qu'ils aient les moyens financiers

pour le faire, ils ne pourraient pas y arriver à cause du fonctionnement même

du système scolaire qui les désavantage systématiquement«

Il s'agit donc avant tout d'étudier ce fonctionnement et d'appliquer à

l'analyse une approche dynamique qui ne regarde pas uniquement des résultats

mais qui étudie avant tout le processus et les mécanismes qui les engendrent»

2 о Le processus

En considérant alors l'enseignement comme un système on pourrait dire que l'inégalité correspond à une conséquence involontaire du processus

éducatif au terme duquel les proportions dans la distribution des sous-

ensembles de l'entrée ont été sérieusement altérées ou même renversées.

Le graphique qui suit illustre ce phénomène dans le cas de la France.

Il compare la composition socio-professionnelle d'une promotion d'élèves à

la sortie de l'enseignement élémentaire avec la composition du résidu de

cette même promotion à l'université (1).. On remarquera que les enfants des

classes inférieures qui constituent 60 % des sortants de l'enseignement primaire

en 1962, représentent encore 2M- % des étudiants inscrits à l'université en

1971-72 5 alors aue le pourcentage des enfants des classes supérieures monte de

13 % à 4-3 %, tandis que celui des enfants des classes moyennes reste relativement

stable aux alentours de 30 %•

(1) Chiffres calculés à partir de l'étude de A. Girard et Ho Bastide, "De la

fin des études élémentaires à l'entrée dans la vie professionnelle ou à

l'université« La marche d'une promotion de 1962 à 1972", I.n Population,

Paris9 INED, n° 3, mai-juin, 1973, pp* 571-593,

IIEP/TM/62/74 - page 5

Graphique n° 1

Sortie enseignement élémentaire

en 1962

Participation enseignement univers itaire

en 1971-1972

j

Classes inférieures -

60 %

(- salariés agricoles 5

- cultivateurs, - ouvriers)

Classes moyennes

27 %

(- artisans et commerçants

- employés)

Classes supérieures KWUV*

13 % Щ \ \ (- cadres moyens9i\v,^ - professions b-uLy libérales et industrielles

- cadres supé­rieurs)

\ \ \ Enseignement / \ \ du 2e degré/

J / /

/ /

Processus V d'inégalité

\ \

ч\\ ^ ¡Ш

Classes supérieures 43 %

Classes moyennes 33 %

Classes inférieures 24 %

Ce mécanisme d'inégalité, provoqué par une mauvaise interaction entre

le système scolaire et son environnement, peut être fixé et observé à

plusieurs moments du processus :

HEP/TM/62/74 - page 6

a. au niveau de l'entrée dans le système scolaire, puis en termes de parti­

cipation à chaque degré d'enseignement jusqu'à la sortie (inégalité de

participation)

bo au moment du passage d'un degré d'enseignement à un autre (inégalité de

passage)

c. au niveau de l'orientation vers des filières différentes (inégalité

d'orientation)

d. lors du cheminement à l'intérieur d'un même degré d'enseignement

(inégalité de succès)

3. Quelques mesures

Chacune de ces inégalités peut être mesurée statistiquement ainsi que

les rapports entre elles. Sans entrer dans les détails nous indiquons ci-

après quelques-unes des mesures les plus simples et les plus courantes.

a. - L'inégalité de participation à un niveau d'enseignement peut se mesurer

en comparant des taux de participation (ou probabilités d'accès) des

différents groupes sociaux qu'on veut étudier.. Le taux de participation

est le rapport entre le nombre total de la population scolarisée et celui

de la population considérée en âge de l'être о

Quand il s'agit de groupes sociaux il est parfois difficile de connaître le nombre total des jeunes scolarisables appartenant aux. différents

groupes. On prend alors comme dénominateur approximatif la population

masculine active appartenant à chaque groupe ou mieux encore la population

active non-célibataire supposée être de l'âge des pères des jeunes qu'on

prend en considération. Etant donné que les taux de fécondité varient

selon les catégories sociales, un raffinement additionnel consiste à

pondérer le nombre des pères supposés dans chaque catégorie sociale par

le nombre moyen d'enfants par homme de ce même groupe.

ПЕР/ТМ/62/74 - page 7

Le graphique ci-dessous donne un exemple concret des différents taux de participation à 1'enseignement supérieur selon le milieu social en

Allemagne, pour l'année 1964-65. Il s'agit de taux très peu raffinés,

calculés sur la base de l'ensemble de la population masculine active. Le

graphique nous donne néanmoins un ordre de grandeur pour comparer les pro­

babilités d'accès à l'enseignement des différents groupes sociaux«, On peut

voir ainsi que la probabilité enregistrée par la classe supérieure est à

peu près le double de celle des classes moyennes et environ 35 fois supé­

rieure à celle des classes inférieures«,

Nombre d'étudiants pour 1 000 hommes actifs

appartenant aux mêmes catégories socio-économiques

Allemagne 1964-65 (1)

CS = Classe supérieure (fonctionnaires : diplômés de l'université ou non)

CM = Classe moyenne (employés : diplômés de l'université ou non)

I = Indépendants (agriculteurs et autres travailleurs indépendants)

CI = Classe inférieure (ouvriers)

(1) OCDE, Disparités entre les groupes en matière de participation à l'ensei­

gnement et de résultats scolaires, Paris, OCDE. 1970, (Conférence sur les

politiques d'expansion de l'enseignement, Paris, 3 - 5 juin 1970, Vol. IV)

ПЕР/ТМ/62/7Ц - page 8

On peut également exprimer les inégalités de participation en utilisant des indices de sélectivité (ou taux de parité). On obtient ces indices

en calculant le rapport entre le pourcentage que constituent les élèves

appartenant à un groupe social donné et le pourcentage que constitue la

population Scolaris able de ce même groupe. L'indice nous montre dans

quelle mesure un groupe social est scolairement sur-représenté5 sous-

représenté ou également représenté (sa valeur étant alors de 1,0) par

rapport à son importance relative dans la société. Le calcul pose les

mêmes problèmes que ceux mentionnés à propos du taux de participation.

Le tableau n° 1 qui suit donne un exemple concret de ce type d'indice

tel qu'il a été utilisé dans une étude sur le Niger réalisée par

l'Institut d'Etude du Développement Economique et Social (IEDES) de

l'Université de Paris. (1)

(1) IEDES, Les rendements de l'enseignement du premier degré en .Afrique francophone.

tome V.,.: Scolarité primaire et accès au second degré., enquête au Niger

et au Sénégal, Paris, IEDES, 1967, p. 108,

IIEP/TM/62/74 - page 9

Tableau n° 1 - Professions de la population nasculine active du Niger et des

pères des eleves de бете (1ère année de l'enseignement du second degré) en 1966-67

- Résultats en pourcentages et indices de sélectivité

Transports - grand commerce

Secteur public - j professions libérales!

j Nombre de réponses j 697.Л88

(1) Source : Enquête Insee-Coopération 1960 et Recensement de Niamey, 1960

Dans ce cas encore l'indice basé sur la population masculine active âgée

de plus de Ш ans est très peu raffiné et ne fait qu'indiquer un ordre de grandeuTo De plus les données démographiques datent de 1960 alors

que les données scolaires sont de 1960-67. Il est certain qu'entre ces

dates la répartition socio-professionnelle s'est modifiée9 surtout dans

le sens d'un développement accru du secteur publicс L'indice de sélec­tivité de ce secteur devrait donc être moins élevé que celui qui apparaît

IIEP/TM/62/74 - page 10

dans le tableau. Les données permettent néanmoins de voir que même dans

une société jeune et très mobile comme le Niger la profession du père joue

un rôle déjà important dans la détermination des chances en éducation»

En effet, même si le secteur traditionnel est toujours et de loin le secteur

le plus largement représenté au niveau de la première année de l'enseigne­

ment secondaire (53,8%), on constate que l'indice de sélectivité du

secteur public et des professions libérales est très élevé (41*0)* Une

analyse plus détaillée par sexe nous montre par ailleurs que cette sélec­

tion socio-professionnelle est bien plus sévère pour les filles que pour

les garçons. Si9 en effet, un garçon du secteur traditionnel a approxi­

mativement 52 fois moins de chances d'accéder à l'enseignement secondaire

qu'un garçon du secteur public et des professions libérales (soit OS par

rapport à 31.7), dans le cas d'une fille les moindres chances sont de

l'ordre de 237 (soit 043 par rapport à 71.2).

b - L'inégalité de passage d'un niveau d'enseignement à un autre peut être

exprimée par le taux de transition (ou probabilités de passage). Le

taux de transition correspond au rapport entre le nombre d'élèves d'une

classe donnée (ou les diplômés de tel ou tel niveau) et le nombre d'élèves

(ou de diplômes décernés) dans une classe de niveau inférieur à une

période antérieures pour la même cohorte de sujets. Cette mesure a

l'avantage de dépendre uniquement de données scolaires. Une difficulté

majeure réside dans la constitution d'une vraie cohorte.

Par ailleurs, cette mesure ne tient pas compte des taux de réussite

différents selon les groupes sociaux. On a donc avantage à maintenir

le facteur de réussite constant de façon à pouvoir isoler l'influence

de la variable de transition proprement dite«

Un exemple concret d'utilisation de ce taux est donné plus loin page 14

graphique n° 2.

с - On peut calculer l'inégalité d'orientation de la même façon que les taux de transition en distinguant tout simplement les différentes filières

à un même niveau de passage. On trouve un exemple concret de l'utilisation

du taux d'orientation plus loin page 15, tableau n° 3.

IIEP/TM/62/74- - page 11

d - Les mesures les plus simples de l'inégalité de succès sont bien connues :

taux de redoublement, taux du retard scolaire5 taux de déperdition, taux

de réussite scolaire ou de performance aux tests.

Des exemples de l'utilisation de certains de ces taux sont donnés plus

loin page 11 et page 12, tableau n° 2»

4, Les mécanismes

Examinons maintenant comment se déroule ce processus d'inégalité qui

caractérise le fonctionnement de nos systèmes scolaires actuels«, Nous utili­

serons pour illustrer notre analyse théorique des exemples empruntés à

l'étude longitudinale réalisée en France par A. Girard (1)

Depuis leur entrée dans le système - et à supposer que les chances d'accès

soient tes mêmes -tous les enfants n'auront pas un succès scolaire identique« ;

Selon leur appartenance sociale, certains élèves se feront éliminer plus j

facilement que d'autres; ils seront obliges de doubler une classe plus 1

fréquemment et ils auront systématiquement des résultats moins bons aux |

examens scolaires.

En France par exemple nous constatons qu'à la sortie des études primaires

les enfants des divers milieux sociaux ont des âges assez variables dont la

moyenne va d'un groupe à l'autre de 12,57 ans pour les enfants d'ouvriers

agricole jusqu'à 11,52 pour les enfants de cadres supérieurs (chiffres de

1962, début de l'étude longitudinale de A, Girard)(2)

Parmi les élèves de la première catégorie 3 % seulement ont moins de

11 ans (âge légal) contre 26 % pour les enfants de cadres supérieurs, ce qui

(1) Les principaux résultats de cette étude ont été réunis dans 1,ошг?аяе •ДОЮ, "Population et l'enseignement", Paris. INED.PUF, 1970

(2) JNED* op. cit.. D, 205

IIEP/TM/62/74 - page 12

montre que les écarts dans les moyennes correspondent à des différences marquées,

Ces écarts, qui reflètent des vitesses de cheminement scolaire différents,

s'expliquent par des taux de redoublement différentiels selon les milieux

sociaux -,

Le tableau ci-dessous qui concerne les résultats scolaires (1) illustre

d'une autre façon que les chances de succès varient considérablement selon l'origine sociale»

Tableau n° 2 - Valeur scolaire en CM2 selon le groupe socio-professionnel

Groupe socio-professionnel ¿ Excellen- Moyenne ¡ Médiocre du chef de famille ; te et j | et

; bonne ! I mauvaise

Total

Ouvriers agricoles

Agriculteurs

Ouvriers

Commerçants, artisans

Employés

Cadres moyens

Industrielsj professions libérales

Cadres supérieurs

Ensemble :

33

43

35

44

45

64

56

62

41

37

33

35

34

34

25

30

24

30

22

21

11

11

10

26

100

100

100

100

100

100

100

100

100

CM2 = Cours moyen 2 = 5e et dernière année de l'enseignement primaire en Francej

IIEP/TM/62/7M- - page 13

En dernière année prinaire 35 % des enfants d'ouvriers ont des résultats

scolaires excellents ou bons contre 62 % pour les enfants de cadres supérieurs ,

tandis que l'ordre est renversé pour ce qui concerne la valeur médiocre ou

mauvaise.

Ces chiffres nous mettent en face d'un problème délicat. Une école qui,

pour des raisons d'égalité, impose un même programme et en principe un même

traitement pédagogique à tous les enfants produit "malgré cela'Scertains diront

"à" cause de cela"5 des résultats largement inégauxс Nous aurons à revenir plus loin sur œ "Problème lors de l'analyse ces facteurs explicatifs»

b Plus tardj et même à réussite antérieure égaleэ la proportion des élèves ! qui, dans chaque groupe, accédera à un niveau supérieur de l'enseignement

ne sera pas la même. Certaines catégories défavorisées pratiqueront un

système d'auto-élimination, soit parce qu'elles n'ont pas les moyens |

j financiers suffisants pour pousser leurs enfants plus loin, soit parce

| que leur niveau d'aspiration n'est pas assez élevé.

Le graphique ci-dessous (1) illustre de phénomène pour ce qui concerne

la transition de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire en France

avant la réforme de 1963. A ce moment le système offrait, à la fin des études

primaires, un choix entre une prolongation de l'enseignement élémentaire

jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire =, on une entrée dans l'enseignement

secondaire comprenant un cycle court type CEG (collège d'enseignement général)

et un cycle long type lycée classique ou moderne.

(1) INED, opo cit., p. 244

IIEP/TM/62/74 - page 14

Graphique n° 2 - Accès au deuxième degré selon la réussite scolaire 50ur_l.es

100

Excellente

enfants d'ouvriers, d 'employés et de cadres supérieurs

Bonne

42

92

6M-

m

Шл JZL Moyenne

72

m

i № 22 U

10

Mediocre

щш ouvriers

employés

ШЙ cadres supérieurs

50 mm

i INED !J 056-65

Mauvaise

On remarquera que l'origine socio-professionnelle ne joue qu'un rôle limité

dans le cas d'une réussite scolaire excellente ou même tonne, mais qu'elle

devient un facteur d'inégalité de plus en plus important au fur et à mesure

que la réussite est moins positive• Ainsi, un enfant qui obtient des résultats

moyens conserve toutes ses chances d'entrer dans l'enseignement secondaire s'il

est fils de cadre supérieur, alors qu'il n'a même plus une chance sur deux s'il

est fils d'ouvrierо

En outre 9 parmi ceux qui ne seront pas éliminés au moment du passage ou qui ne s'élimineront pas eux-mêmes, les enfants de ces mêmes catégories

défavorisées auront moins de chances de s'orienter vers les filières qui

offrent le plus de possibilités scolaires et professionnelles.

IIEP/TM/62/74 - page 15

Le tableau ci-dessous (l) montre qu'à la veille de la réforme en France,

les enfants des classes supérieures s'orientent en grande majorité vers la

filière lycée qui mène directement à l'université, que les classes moyennes

choisissent indifféremment le cycle long ou le cycle court, tandis que les

classes inférieures montrent une nette préférence pour le cycle court*

Tableau n° 3 - L'entrée en 6e pour 100 enfants de diverses catégories sociales

I

Salariés agricoles

Cultivateurs exploitants

Ouvriers

Artisans et commerçants

Employés

1 „ * \ Cadres moyens i

| Industriels , gros ! commerçants

Professions libérales

Cadres supérieurs

Ensemble

(1) Y compris 2,9 % san

6e - première année de 1

Non entrés en 6e

]

! %

| 68

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! 55 :

34

1 ! 33 1

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1 CE.G. | i ¡ í %

1 21

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100

100

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Réparti­tion so-cio-pro-fession-nelle

9-0

3,4 j

1 15,2 !

1 39,6 !

10,3 |

16,6 ! í

4Д i i

i

3,2 ! !

4,7 j

100 (1) ¡ 1 ;

(1) _BJED, op, cit., p. 238

IIEP/TM/62/74 - page 16

Les mécanismes qui entrent en jeu ici sont essentiellement les mêmes que

ceux que nous avons pu observer au niveau de la transition proprement dite.

Certaines catégories, défavorisées, pratiquent une auto-élimination. Elles

n'envoient pas leurs enfants dans certains niveaux et dans certains types

d'enseignement, même si ces enfants sont intellectuellement capables d'y

poursuivre leurs études.

Nous analyserons plus loin les raisons profondes qui expliquent ce

comportement. Disons ici qu'elles peuvent être d'ordre économique mais qu'elles

sont surtout liées au contexte culturel plus particulièrement aux aspirations

scolaires qui varient largement selon le milieu familial et qui renforcent de

ce fait les inégalités de réussite que nous avons constatées plus haut.

On peut se demander par ailleurs si un troisième facteur ne détermine

pas indirectement les chances de transition et d'orientation d'un enfant. On

pourrait en effet supposer que l'idée que se forment les maîtres de la carrière

scolaire que chaque élève leur paraît capable de suivre, influence le choix de

l'enfant et des parents. L'importance effective de ce facteur est difficile à

définir, mais les données présentées ci-dessous (1) montrent en tout cas que

les maîtres tiennent implicitement compte de l'appartenance sociale de l'enfant

lorsqu'ils formulent un avis sur son avenir scolaire.

(1) INED5 op.'cit., pp. 116-117

IIEP/TM/62/74 - pape 17

Tableau n° H - L'avis des maîtres sur les capacités des élèves de suivre

l'enseignement secondaire (classe de 6e ou le lycée classique)

selon la réussite scolaire (1) et par catégorie socio­

professionnelle .

j

i i s I

1 i ! ! Salariés agricoles

i

j Cultivateurs j exploitants

Í Ouvriers

| Artisans, j commerçants 1 j Employés

] Cadres moyens

1 Professions | libérales

[ Cadres supérieurs

î

! Ensemble i | ;

! Excellents i

9

Classe de 6e

91

94

95

98

98

100

100

100

97

3

Lycée cías,,

21

44

43

47

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67

81

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Class de 6e

77

75

79

86

86

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83

Bons

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Classe de 6e

0

2

1

3

1

2

5

3

1

Lycée Clas.

0

0 !

о ! •!

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0 j î

0 | s s

i 0 !

3

I 1

(1) On avait demandé aux maîtres de formuler un avis sur la nature de l'enseignement

que chaque élève leur paraissait capable de suivre dans l'avenir de leur

scolarité. Cet avis devait être formulé en se basant uniquement sur la valeur

scolaire9 c'est-à-dire hors de toute autre considérations telle que la situation

économique ou sociale des parents, ou encore l'équipement scolaire de la loca­

lité ou de la région.

IIEP/TM/62/74 - page 18

L'origine sociale importe très peu lorsqu'il s'agit d'élèves "excellents"

ou même "bons", mais elle devient un facteur déterminant dans le cas des "moyens"

ou des'mediocres'! Comment expliquer ce phénomène ? Peut-on conclure tout

simplement que les maîtres sont victimes de préjugés sociaux ? Ou faudrait-il

plutôt supposer qu'ils estiment que les milieux défavorisés ne pourront pas

compenser certaines insuffisances scolaires (toutes relatives dans le cas des

moyens) auxquels les parents des classes supérieures pourront remédier faci­

lement ? Le fait que l'origine familiale influence l'avis des maîtres,

surtout lorsqu'il s'agit d'élèves "moyens" ou "médiocres", rend cette dernière

hypothèse vraisemblable. Dans ce cas est-ce que leurs appréhensions sont

réalistes ou non ?

Nous manquons d'évidence empirique pour répondre à toutes ces questions«,

Reste la réalité, troublante à notre avis, que les maîtres ne semblent pas

fonder leur jugement sur le seul critère de la réussite scolaire. L'incidence

de ce phénomène sur l'avenir scolaire des enfants devient manifeste dans le

cas où les enseignants ont un rôle explicite à jouer dans le processus

d'orientation.

En conclusion, l'inégalité de participation que l'on peut constater à

un niveau donné de l'éducation est l'effet combiné des inégalités

d'entrée, de succès, de passage et d'orientation aux niveaux précédents.

1 1 * LES FACTEURS EXPLICATIFS

Il ne suffit pas de connaître les différentes dimensions et les mécanismes

des inégalités qui se reflètent dans le système éducatif. Encore faut-il

comprendre les facteurs qui les créent et les entretiennent afin de pouvoir

prendre les mesures adéquates pour y remédier»

IIEP/TM/62/74 - page 19

En effet la simple corrélation entre stratification sociale et inégalité

devant l'éducation n'a aucune valeur explicative en soi. La classe sociale

est une catégorie d'analyse composée d'éléments aussi différents que le revenu

de la famille5 la profession des parents, le prestige social, les conditions

de logement, etc» Cette catégorie est souvent utilisée dans les sciences

sociales parce qu'elle exprime une condition de vie spécifique et que de ce

fait elle engendre une perception du monde, un système de valeurs 3 un niveau

d'aspiration en un mot une sous-culture particulière.. Il importe dès lors de

voir en détail quels sont, à l'intérieur de cette catégorie synthétique, les

éléments explicatifs des différences que nous constatons dans la participation,

le passage, l'orientation ou le succès scolaires.

Inutile de dire que l'influence de ces éléments peut varier considérablement

selon le niveau d'enseignement et selon la dimension de l'inégalité qu'on

considérée

Une première variable, qui est partie intégrante du milieu socio­

professionnel est le niveau économique de la famille. Pendant longtemps

on a attaché une importance primordiale à ce facteur. Stratification

sociale et échelle de revenus manifestent en effet une corrélation étroite

et il est facile de constater que certaines familles des classes infé­

rieures ont des problèmes pour financer l'éducation de leurs enfants.

En réalité, si ce facteur peut expliquer en partie certains écarts d'accès

et d'orientation, il n'a pas d'influence propre sur la réussite, laquelle

est davantage liée à des facteurs culturels. Les études menées en France

par l'Institut national d'études démographiques montrent, par exemple, que

dans la région parisienne, à diplôme égal du père, il n'y a pas de corré­

lation entre le revenu et la réussite scolaire de l'enfant mais qu'à

revenu égal, il y a une corrélation entre le diplôme du père ou même la

durée de ses études et la réussite scolaire (1). Le tableau n° 5 ci-dessous

illustre cette corrélation.

(1) P. Clerc,"La famille et l'orientation scolaire au niveau de la sixième,

enquête de juin. 1963 dans 1'agglomeration parisienne", in INED5 "Population" et

l'enseignement, Paris, PUF, .1970, pp. 143-188.

IIEP/TM/62/74 - page 20

Tableau n° 5 - Elèves de CM2 à réussite "excellent" et "bon", selon le revenu

du ménage et le_diplome j a jrèjre __J3Jtô2

Diplôme du père Ensemble (1)

Aucun diplôme

¡ Certificat d'études primaires

Diplômes d'enseignement technique

Brevet d'études du I premier cycle

i Baccalauréat et au-delà

I Ensemble

38

39

47

63

68

48

Revenu mensuel en francs

400 à 1.000

1.001 à 1.400

42

40

28

55

39

36

37

44

63

65

43

1.401 à 2.000

2.001 let plus

..„ Chiffres non significatifs | (1) Y compris les revenus non déclarés

CM2 = Cours moyen 2 = Cinquième et dernière année de l'enseignement

élémentaire en France»

42

46

52

60

68

53

43

42

54

65

59

Le problème de l'inégalité semble donc se cristalliser au niveau le plus profond de la réalité sociale qui est celui de la culture«, L'héritage cultural comme système de valeurs, de normes et de symboles varie selon les groupes sociaux et détermine en grande partie les catégories de pensées, les attitudes et les aspirations des acteurs sociaux« Encore faut-il analyser par quels processus médiateurs s'opère le lien entre les inégalités de culture chez les parents et les inégalités en. matière d'éducation chez les enfants.

C'est un problème difficile non seulement parce que catégories de pensées 3 attitudes et aspirations sont des entités complexes et mal connues mais encore parce que leurs liens avec l'éducation ne sont jamais simples mais réciproques.

Dans une publication récente, Fh. Perrenoud propose un découpage analytique de l'héritage culturel en différents niveaux et en distinguant le domaine cognitif et celui des attitudes (1).

(1) Fh. Perrenoud, Stratification socio-culturelie et réussite scolaire,

les défaillances de l'explication causale, Genève, Droz, 1970,

IIEP/TM/62/7M- - page 21

Cognitif

Niveau des structures

lógico-syntaxiques

Attitudes

Niveau de la personnalité

de base

Niveau des habitudes

mentales et des modèles

de pensée implicite

Niveau de l'éthos comme

système implicite de valeurs

et de normes

Niveau des contenus

culturels spécifiques

Niveau des valeurs et attitudes

spécifiques à propos de l'école,

des critères et des voies de la

réussite sociale

Nous prendrons ce découpage comme un fil conducteur pour notre

analyse en supposant, à titre d'hypothèse, qu'à chacun de ces niveaux

correspond un type de socialisation différenciées précédant ou accom­

pagnant l'apprentissage scolaire et déterminant les inégalités en

matière d'éducation.

Le développement des structures logico-syntaxiques inconscientes

chez l'enfant a fait l'objet d'amples études et recherches parmi lesquelles

celles du psychologue suisse J. Piaget» Ces travaux ont mis en évidence

que la genèse de l'intelligence et du langage qui commence dès la naissance

ou avant, atteint un équilibre au cours de l'adolescence en passant par

des stades successifs et ordonnés (5 selon Piaget). Il est par ailleurs

généralement accepté qu'il y a des variations dans les rythmes de déve­

loppement allant jusqu'à un ou deux ans. Dans la mesure où des retards

sont en relation avec des facteurs socio-culturels et manifestent une

corrélation avec la stratification sociale, il est facile de comprendre

qu'ils affectent directement la réussite scolaire surtout au niveau

primaire.

IIEP/TM/62/7M- - page 22

Mais qu'est-ce qui détermine les différences dans le développement

cognitif des enfants ? Dans son livre "The relevance of education" 1972 (1),

le psychologue américain J.S. Bruner arrive à la conclusion que ces

différences sont avant tout liées à la manière dont les parents interviennent

dans les activités de l'enfant et plus spécialement dans sa façon de définir

des buts (goal seeking) et d'organiser les moyens pour les atteindre

(problem solving). Des recherches, menées aux Etats-Unisэ ont mis en évidence que dans ce pays les mères appartenant aux classes moyennes ont

un comportement nettement différent de celui des mères appartenant à des

milieux défavorisés, Elles sont plus attentives à encourager chez l'enfant

un flux continu d'activités orientées vers des buts précis, elles lui

permettent de fixer lui-même ses objectifs et de suivre son propre rythme,

elles interviennent moins directement dans la recherche de la solution,

posent plus souvent des questions, réagissent plus facilement aux succès

de l'enfant qu'à ses échecs, etc«. On peut comprendre que ces modèles

d'interaction différents au sein de la famille, ont une influence sur le

rythme et la richesse du développement cognitif de l'enfanta Dans

l'optique d'un développement d'un enseignement pré-scolaire l'importance

de connaître ces modèles ainsi que les facteurs clés qui déterminent le

niveau des structures logiques devient capitale«,

Cependant, le succès ou le retard scolaire ne dépendent pas uniquement

du niveau d'intelligence de l'enfant, mais encore de ses attitudes profondes.

Ou, comme diraient les psychologues sociaux, de sa personnalité de base»

Un élément de classification qui a surtout retenu l'attention de ces psycho­

logues est le désir d'accomplissement (achievement motive). Par cette

catégorie il faut entendre la valorisation de la réussite individuelle

ou collective en dehors de tout système de sanctions socialement organisé.

(1) J.S. Bruner, The relevance of education, London, George Allen and Urvi^ т.-м 1.972, pp. 132-161.

IIEP/TM/62/74 - page 23

Connie pour le développement cognitif, 1 ' internal is at ion de cette valeur

serait étroitement liée à la nature éducogène de la famille, sans doute

au degré de sécurité et d'autonomie que donnent aux enfants leurs relations

avec les parents» Nous savons par exemple que dans certaines situations

extrêmes les familles peuvent être enfermées dans une sorte de fatalisme

situationnel qu'ils communiquent à leurs enfants. Nous savons également

que cette attitude est plus prononcée lors d'un processus d'urbanisation

et qu'elle peut même atteindre le stade d'un refus de "la" société et de

ses institutions9 y compris celle de l'école.

Il resterait néanmoins à définir plus précisément quels sont les

modèles d'éducation familiale significativement différents et quelle est

l'influence exacte du désir d'accomplissement sur la carrière scolaire.

Bien qu'on puisse facilement formuler un certain nombre de théories et

d'hypothèses explicatives, peu d'évidence empirique a été fournie sur

ces deux points«

Un autre facteur d'inégalité se situe au. niveau des langages et

des modèles de pensée implicites, propres à chaque milieu social» La

théorie la mieux connue concernant les sous-cultures linguistiques et

leurs rapports avec la structure des classes a été développée par le

sociologue anglais B0 Bernstein (1961) (1)0 Elle a donné lieu à un série

de recherches qui peuvent nous aider à mieux comprendre les handicaps

éprouvés par certaines catégories d'enfants face à la communication péda­

gogique utilisée par 1'école.

Quel est l'essentiel de cette théorie ? Disons tout d'abord qu'elle

ne prétend pas du tout que certaines classes sociales auraient un langage

différenty plus élémentaire que d'autres, mais plutôt que leur façon

d'utiliser un même langage est différente» Bernstein fait alors la

(1) B. Bernstein, Class _9_ codes and control, London, Rout ledge and Kegan Paul,

Vol- I g Theoretical studies "cowards a sociology of langage, 1971; Vol, II

Applied studies towards a sociology of language, 1973.

IIEP/TM/62/74- - page 24-

distinction entre deux codes linguistiques : un code restreint, carac­

térisé par un choix limité des alternatives syntaxiques et lexicales et

un code élaboré qui permet une sélection très large de ces mêmes alter­

natives. L'utilisation de l'un ou de l'autre de ces codes est fonction

des formes particulières des relations sociales. Le point de différence

essentielle entre le code restreint, propre aux milieux populaires, et

le code élaboré, privilege des classes favorisées, réside essentiellement

dans la capacité d'abstraction par rapport au contexte d'utilisation

direct* Seul le code élaboré donne accès à une communication de type

universaliste, qui n'est pas liée à la situation concrète et dans laquelle

les principes et les opérations qui règlent les relations entre objets et

personnes sont rendus explicites.

Les différences entre ces deux codes peuvent être mesurées par des

variables telles que le degré de complexité et de subordination des

phrases, la fréquence dans l'utilisation des conjonctions, des adverbesэ de certains pronoms, etc

Le fait maintenant qu'un enfant a été socialisé dans un code restreint à communication particulariste, ne signifie pas du tout qu'il serait

incapable d'utiliser parfois un code élaboré. Tout dépendra des circons­

tances. QrD comme nous l'explique Bernstein, l'école, qui est nécessairement

intéressée dans la transmission et le développement de messages de type

universaliste, crée rarement en même temps les conditions d'apprentissage

qui faciliteraient pour l'enfant défavorisé l'accès à. ces messages.

"Si les contextes de l'enseignement, les exemples, les livres de lecture,

ne sont pas des contextes qui déclenchent l'imagination de l'enfant et

qui stimulent sa curiosité et ses explorations dans sa famille et dans sa

communauté, alors l'enfant n'est pas chez lui dans le monde de l'école.

..... . Beaucoup de contextes créés par nos écoles sont involontairement

empruntés au monde symbolique des classes moyennes et quand l'enfant

(défavorisé) entre à l'école il entre dans un système symbolique qui ne lui

offre pas de liens avec le monde extérieur" (1)

(1) B. Bernstein, op. ojt. , Vol, In D, 199

IIEP/TM/62/74 - page 25

En résumé, le capital linguistique des enfants issus des milieux

populaires n'étant pas scolairenent valorisé, la communication pédago­

gique avec eux est faussée et, de ce fait, leur rendement d'étude est

diminué.

Certains auteurs, tels que P. Bourdieu et J. Cl. Passeron en France (1),

tout en donnant une interprétation plus radicale à l'inégalité de type

linguistique - ils parlent volontiers d'opposition entre langue bourgeoise

de l'école et langue populaire - lui ajoutent une autre dimension» Ils

mettent en effet l'accent sur l'existence de distances, voire de contra­

dictions entre l'éthos de l'école et celui de certains groupes sociaux.

Par éthos il faut comprendre le système de valeurs implicite qui régularise

les orientations normatives et le comportement des acteurs sociaux et qui

fait partie de la culture. Comme nous l'avons vu plus haut l'école aurait

plutôt tendance à se rapprocher de la culture des classes supérieures.

Dans ce sens elle mettrait les enfants des classes populaires dans une

situation doublement défavorable : non seulement ils seraient largement

étrangers aux modèles de pensée dont se sert l'enseignement mais encore ils

ne seraient pas familiarisés avec les attitudes et les orientations que

l'institution scolaire attend d'eux (2). Pour employer le jargon des

sociologues : l'éducation formelle serait pour eux un processus d'accul­

turation plutôt que d'enculturation.

•01) P. Bourdieu et J. Cl. Passeron,. Les_ héritiers^ : les étudiants et la

culture, Paris 5 Editions de Minuit, 1964

Po bourdieu et 'T, Cl. Passeron :, La reproduction ; elér^rrts pour une

théorie du systene d'enseifmensntr Paris-, Editions de Minuit, 1970

(2) On trouve une illustration-concrète et passionnante de ce problème dans un

ouvrage écrit ряг lin groupe d'élèves ; Barbiana School5 Lettre à une maîtresse dfécole, par les élèves de l'école de Barbiana (Italie),, Paris, Mercure de

France? 1972, (version originale en italien, 1967)

IIEP/TM/62/74 - page 26

Citons quelques lignes du sociologue anglais J. ELoud pour illustrer

cette théorie (1)

"Les professeurs peuvent trouver tout naturel et d'ailleurs

raisonnable de rencontrer chez tous les enfants la formation

sociale qu'ont généralement la moyenne de leurs élèves issus

de la bourgeoisie : une certaine aptitude à prendre des respon­

sabilités, une relative indépendance d'esprit, et un éventail

assez large de pôles d'intérêts о Ils peuvent attendre de leurs élèves des idées sur la vie qui sont en fait des idées de classe moyenne : par exemple que la vie est une longue

marche vers des récompenses toujours ajournées; que le présent

a peu d'importance, que seul l'avenir compte; qu'il faut

songer toujours à faire une carrière plutôt qu'à avoir un

emploi; que les plaisirs populaires offerts aux masses sont

au mieux sans valeur, et au pire, dépravés ou coupables."

Comme toute recherche sur les attitudes, celle sur la théorie des

distances entre éthos de classe et éthos scolaire pose des problèmes

techniques complexes« Disons que dans l'état actuel des choses cette

théorie fournit une hypothèse vraisemblable pour expliquer certains

aspects de l'inégalité en matière d'éducation. Mais il resterait à

étudier plus en détail en quoi consistent ces distances culturelles

dans chaque contexte particulier et comment elles affectent le succès

scolaire.

(1) J. ELoud,"Rôle de la classe sociale dans l'accomplissement des études,"

in A.H. Halsey (éd.) Aptitude intellectuelle et éducation, Paris, OCDE^ 1962,

pp. 93-114- cité dans Perrenoud, op. cit. pp. 34— 35

ПЕР/ТМ/62/7Ц- - page 27

Un niveau plus explicite de l'héritage culturel et en principe plus facile à analyser est le niveau des contenus et des attitudes spécifiques.

Il est clair que les contenus culturels explicites diffèrent d'une caté­

gorie sociale à une autre et on peut accepter que les bagages extra­

scolaires, surtout littéraires et esthétiques, des enfants issus de

certains milieux sont plus proches du contenu des programmes scolaires

que ceux d'autres enfants. N'empêche que nous connaissons toujours mal

quelle est l'influence exacte que peut exercer cette connaissance extra­

scolaire explicite sur la réussite dans les études« Plusieurs chercheurs

ont essayé de la mesurer indirectement en introduisant dans leur modèle

d'analyse des variables explicatives telles que le nombre de livres qu'on

trouve dans la famille, la présence de journaux, de radio ou de télévision,

la participation des enfants à des voyages, etc.. Ces études ne sont

généralement pas très concluantes« On peut cependant affirmer que les

inégalités de bagages culturels, auxquels on identifie parfois la fameuse

"pauvreté culturelle", ne sont pas les plus importantes quand il s'agit

d'expliquer les différences en matière de réussite scolaire.

Par contre, les attitudes spécifiques à propos de l'école et de la

réussite sociale constituent une variable capitale» Dans toutes les

recherches dans les pays développés on constate que les aspirations

scolaires et professionnelles des parents puis des enfants (1) suivent

de près l'échelle de la stratification sociale.

Pour expliquer ce phénomène la plupart des sociologues partent d'une

théorie sur les groupes de référence« Selon cette théorie chaque individu

regarderait d'abord ceux qui ont la même situation sociale que lui et

intérioriserait ainsi d'un façon intuitive les chances objectives de

(1) On accepte généralement que les aspirations des parents ne sont pas

intériorisées par l'enfant avant l'âge de 10 ans* C'est à ce moment qu'il

commence à se former une idée réaliste de son avenir.

IIEP/TM/62/74 - page 28

pronotion scolaire et professionnelle en "espérances subjectives"» Il

procéderait donc à un ajustement inconscient et continu entre les aspi­

rations absolues et les attentes réelles«,

Quelle que soit la valeur explicative de cette théorie» il est clair

que les différences d'aspirations déterminent en grande partie les

inégalités de passage et d* orientât ion 0 Car, сопле nous l'avons vu plus haut, les projets scolaires et professionnels très bas des classes inférieures résultent dans une pratique d'auto-élimination qui ne s'ex­

plique ni par les différences de réussite ni sans doute par un manque

de ressources financières.

Mais les projets de mobilité et l'attitude générale à l'égard de

l'éducation ont sans doute également une valeur explicative en ce qui

concerne la réussite scolaire, dans la mesure précisément où ils peuvent

déterminer la motivation pour les études» Une recherche menée par

Mme Fraser en Ecosse confirme cette hypothèse «, Comme l'indique le

tableau n° 6 ci-dessous, de toutes les variables retenues pour carac­

tériser le milieu familialэ les encouragements donnés par les parents, comme expression concrète de l'importance qu'ils accordent aux études,

présentent la corrélation la plus élevée aussi bien avec le Q I qu'avec

les résultats scolaires des enfants (1)0

(1) E. Fraser, "Home environment and the school", London, îbiversity of London 'Press

1959-5 étude citée dans T., Hus4n? Origine soor'?l?. et éducation« Paris, ncD^.

19725 pp. 162-164

IIEP/TM/62/74 - pape 29

Tableau n° 6 - Correlations entre les fodicateurs du rcj-ljrg11 familial d'une

part, les Qol. et les notes d'autre part«, pour des élèves

d'école secondaire d'Aberdeen

1 Indicateur du milieu familial

1

1 Niveau d'instruction des parents i !

| Lectures des parents (livres) ! | Lectures des parents (revues et | quotidiens)

j

j Revenus j

Dimension de la faille

] Nombre de pièces du logement

| Attitudes des parents à l'égard i des études !

j Encouragements donnés par les i parents

| Impression générale qui se dégage | du foyer

j Ensemble des indicateurs du milieu j familial (corrélation multiple) i

i

Q.I.

0,42

0528

0,38

0,35

-0,40

0536

0,30

0,60

0,39

0,69

Cr: ch: en

5

Ltère (notes Lffrées obtenues classe) \

0,49

0,33

0,40 ;

0,44

-0,46

0,45

0,39

0,66

0,46

0,75

Tous les facteurs explicatifs que nous avons analysés jusqu'ici

sont liés au milieu d'origine de l'enfant«, Cependant, l'école elle-même

peut être une cause d'inégalité. Certains aspects de ce problème sont

directement apparents et ne nécessitent pas de recherches très sophis­

tiquées si on veut établir une stratégie d'égalité des chances. Il s1agit

en général de toutes les variables qui se rapportent à la morphologie

et à la structure du système scolaire : différences dans la distance

IIEP/TM/62/74 - page 30

entre école et foyer, dans lfétat des bâtiments et de 1'équipement, dans

la disponibilité et la qualité des moyens didactiques, dans la structure

et dans les programmes, dans la qualification des maîtres» Dans beaucoup

de pays les services d'enseignement qu'on trouve dans les zones rurales

ou dans les quartiers pauvres de la ville, ne sont que trop inférieurs à

ceux qu'on rencontre dans les centres urbains. Les ruraux et les marginaux

urbains ont systématiquement les écoles les plus pauvres, ils reçoivent

les maîtres les moins qualifiés, disposent de l'équipement pédagogique le

plus rudimentaire. Dans ces cas, l'école accentue manifestement les

handicaps qui sont propres au milieu d'origine.

D'autres facteurs, liés au fonctionnement de l'école, sont beaucoup

plus subtils et plus difficiles à analyser» En effet, sous des apparences

d'égalité (système d'examens standardisé, curricula uniformes, corps

professoral homogène, etc..) l'école peut, par son organisation, son

atmosphère générale, l'attitude des professeurs, être responsable d'un

traitement fortement inégale

Un point qui a beaucoup retenu l'attention des chercheurs est de

savoir dans quelle mesure le comportement et les attentes des enseignants

par rapport aux enseignés, peuvent influencer les résultats scolaires de

ces derniers (1)«, Bien que les travaux ne soient pas encore assez avancés

pour <ju?on puisse tirer des conclusions sûres et précises, nous disposons

de plusieurs éléments indiquant que cette influence pourrait bien être

plus grande qu'on ne le croirait à première vue«,

(1) В s Rose.Tish5.nQ ч Teaching behaviours <?pd student echievensnt - Windsor., Bçrk? » National Foundation, for Educational Research in England and Wales, IP'7!,

(International Association for the Evaluation of Fducational Achievement,

IEA studies n° 1)

IIEP/TM/62/74 - page 31

Une étude particulière3 intitulée "Pygmalion à l'école" (1968), a

provoqué bon nombre de remous dans le monde de l'éducation (1)„ Les

auteurs, ReA, Rosenthal et L. Jacobson, essayent en effet de montrer que

les préjugés des maîtres sur les performances de leurs élèves peuvent

devenir des prophéties à réalisation automatique (self-fulfilling prophecy).

En simplifiant les choses leur thèse est la suivante : si un professeur

croit qu'un élève est "doué", l'élève a beaucoup de chances d'obtenir de

bons résultats, si par contre le professeur est convaincu que l'élève

n'est pas "doué", ce dernier risque d'avoir une faible réussite. Bien

entendu, la recherche n'est pas du tout exhaustive et elle n'a pas fini

de provoquer des réactions et des critiques (2)с Elle n'explique pas du tout par exemple comment fonctionnerait ce mécanisme d'adaptation entre les attentes des enseignants et les résultats des élèves» Si, cependant, ces conclusions

étaient confirmées par d'autres recherches du même type, elles auraient une

influence non négligeable sur les politiques d'éducation plus particuliè­

rement dans les domaines de la formation des maîtres, des méthodes pédago­

giques et de la composition des classes.

Dans son livre "Expectation and pupil performance" (1970), D,A„ Pidgeon (3)

part de cette théorie qu'un des facteurs les plus importants qui déterminent

les attentes cfes professeurs est leur conviction que ce sont des capacités

innées qui déterminent avant tout les résultats scolaires» Il explique

comment cette conviction est à la base d'un système sélectif, qui groupe

les élèves en classes homogènes selon leurs capacités et il formule

l'hypothèse que pareil système ne peut qu'agrandir les écarts entre les

élèves les plus doués et les moins doués, étant donné que les maîtres

auront des attentes de performance correspondant aux capacités présumées

du groupe«

(1) R.Ac Rosenthal et L. Jacobson, Pygmalion à l'école s l'attente, du maître et le

agyeuoppeiîtent intellectuel des élèves- Paris, Cas terrean* 1971. (version anglaise Pygmalion in the classroom, 1968)

(2) Voir les articles dans différentes revues de l'éducation, en particulier

Harvard Educational Review, Interchange, et American Educational Research Journal.

(3) DoAo Pidgeon, Expectation and pupil performance, Stockholm, Almqvist & Wiksell,

1970 (StocKholm studies in educational psychology 18).

IIEP/TM/62/74 - Dage 32

Le fait par exemple que dans l'étude de l'IEA, les écarts types des

résultats des tests en Angleterre sont systématiquement plus grands que

dans les autres paysys'expliquerait par le caractère sélectif du système

anglais basé sur un groupement homogène des élèves et par la philosophie

correspondante du "don inné" très largement répandu parmi le corps des

enseignants.

Ces indications ne constituent pas la preuve formelle de l'influence

des attentes des professeurs sur les résultats de leurs élèves. N'empêche

qu'elles nous invitent à la réflexion sur certaines méthodes traditionnelles

de grouper nos élèves, surtout si on se souvient que la distribution des

résultats scolaires manifeste généralement une corrélation étroite avec la

stratification sociale.

IIEP/TM/62/7M- - page 33

REMARQUES FINALES

Le but de notre exposé était de tracer un cadre de référence pour une

réflexion sur l'inégalité en matière d'éducation. Les études menées jusqu'à

ce jour nous ont permis de bien saisir les mécanismes de cette inégalité»

Les facteurs explicatifs par contre sont beaucoup moins bien connus et la

recherche dans ce domaine nous a fourni un ensemble d'hypothèses provisoires et

limitées plutôt que des résultats définitifs et généralisables. Mais est-ce

que le rôle de la recherche dans les sciences sociales n'est pas souvent et

avant tout de faire mieux comprendre la complexité d'un problème et de systé­

matiser notre modèle d'analyse plutôt que de présenter des connaissances sûres

et définitives ? Sur ce point, la recherche sur les inégalités a porté ses

fruits en nous faisant évoluer d'une approche essentiellement statique et

globale vers une conception dynamique et multidimensionnelle.

L'analyse que nous avons présentée a pu montrer à quel point il est

nécessaire de distinguer chaque fois les dimensions dont on veut parler

(accès9 passage, orientation, succès), d'analyser leurs interactions multiples

dans le temps et d'examiner l'importance relative des facteurs explicatifs

par rapport à chacune de ces dimensions» Les revenus de la famille, par

exemple, peuvent déterminer en partie l'inégalité d'accès et d'orientation;

ils n'ont guère d'importance directe quand il s'agit d'expliquer les inégalités

de réussite« Il importe de se rendre compte de cette complexité du phénomène

si on veut mettre sur pied une stratégie adéquate pour y faire face«,

Le modèle d'analyse que nous avons présenté est surtout basé sur des

recherches entreprises dans quelques pays occidentaux» Ces pays ont une

structure sociale déjà ancienne et d'un type particulier. Il n'est donc pas

du tout certain que le problème se pose dans les mêmes termes pour d'autres

sociétés qui ont des systèmes sociaux différents. Il suffit de penser aux

contextes variés lorsqu'on parle de conflits possibles entre l'éthos de certains

groupes sociaux et celui de l'école dans une société où l'école est un produit

d'importation, ou des distances entre langage de l'enseignement et langage du

foyer dans une société multilinguistique, ou encore à l'effet relatif des

IIEP/TM/62/74 - page 34-

aspirations scolaires sur l'orientation dans une société plus jeune et plus

mobilee Dans chacun de ces cas il faudrait des études spécifiques pour

lesquelles l'acquis théorique et méthodique que nous avons présenté ne pourrait

être qu'un guide d'analyse.

Enfin, notre exposé devrait se terminer normalement par une réflexion

sur les moyens d'action et sur les stratégies de démocratisation. Etant

donné son ampleur, cette réflexion fera ultérieurement l'objet d'un document

séparé.