Le Médecin malgré lui - Comédie de Genève · 2015-02-26 · DOSSIER PÉDAGOGIQUE Le Médecin...

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE Le Médecin malgré lui DE M OLIERE MISE EN SCENE J EAN -C LAUDE B ERUTTI DU 8 AU 15 DECEMBRE 2009 mardi, vendredi, 20h mercredi, jeudi, samedi 19h dimanche 17h CONTACT Coralie La Valle + 41 22 320 52 22 [email protected] www.comedie.ch

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Le Médecin malgré lui

DE MOLIERE

MISE EN SCENE JEAN -CLAUDE BERUTT I

DU 8 AU 15 DECEMBRE 2009 mard i , vendredi , 20h mercredi , j eudi , samedi 19h d imanche 17h

CONTACT

Cora l i e La Va l le + 41 22 320 52 22 c l ava l l e@comed ie .ch

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Le Médecin malgré lui De Mol ière

Mise en scène Jean-Claude Berut t i

Dossier Pédagogique

L’h is to i re commence par la scène de ménage la p lus célèbre du réper to i re théâtra l . Sganarel le bat sa femme. Mart ine, pour se venger de son buveur de mar i , le fa i t passer pour médecin et l ’envoie dans une demeure bourgeoise. Sganarel le , auss i beau par leur que mal in , saura teni r son rô le à mervei l le , pour son bonheur – et pour le notre . Jean-Claude Berut t i , met teur en scène et d i rec teur de la Comédie de Saint -Et ienne, n 'en est pas à sa première fa rce. Si cet amoureux du r i re rev is i te aujourd 'hui la cé lébr iss ime comédie de Molière , c 'est qu ' i l y vo i t une fable p rofondément contemporaine : ce l le d 'une époque en p le ine f racture soc ia le et en perte de bon sens. Avec Jacquel ine Bol len, Louis Bonnet, Vincent Dedienne, Jul ie Del i l le , François Font, Djamel Hadjamar, Ol ivier Parenty, Delphine Roy Scénographie Rudy Sabounghi Costumes Colette Huchard Lumière Laurent Castaingt Réal isat r ice maqui l lage Nathal ie Polak Dramaturg ie Yves Bombay Product ion La Comédie de Saint-Ét ienne – Centre dramatique national Durée est imée : 1 h 30 La Comédie de Genève Mardi , vendredi 20h . Du 8 au 15 décembre 09 Mercred i , jeudi , samed i 19h. www.comedie .ch Dimanche 17h .

Contact : Cora l ie La Va l le c lava l l e@comed ie . ch

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Sommaire

Présentat ion

p .4

Molière aujourd’hui p.4 La fable p.4 Le point de vue du metteur en scène

p.5

Éléments d ramaturg iques

p .6

Entret ien avec Jean-Claude Berutt i p.6 Le décor de Rudy Sabounghi p.8 Les thèmes majeurs de la pièce p.10 Les personnages pr inc ipaux

p.11

Éléments b iographiques

p .12

Molière p.12 Jean-Claude Berutt i

p.14

Ouverture pour une réf lex ion

p .15

La commedia del l ’ar te et la farce p.15 Le mariage forcé p.17

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Présentation

Molière aujourd’hui « Vous qu i ne percevez p lus le r i re de Mo l i è re , qu i n ’ê tes p lus

sens ib les à sa beauté , t ouchés par sa fo r ce , vous qu i n ’en tendez

p lus sa vo ix , soyez b ien conva incus de cec i : c ’es t que

vo t re o re i l l e es t sourde ou que vous ne savez p lus écou ter » .

Jacques Copeau

Pour commencer, débar rassons-nous de l ’ i dée que cet te comédie est une modeste farce de Mol ière… car r ien n ’est mineur chez Mol ière dès lors que l ’on s ’ in téresse vér i tablement à son œuvre et que l ’on met à son serv ice tous les moyens de la fa i re entendre . En s ’at tachant d ’abord au texte, e t en lu i accordant toute la con f iance qu’ i l mér i te , Jean-Claude Berut t i révèle une mécanique imp lacable contre la bêt ise et l ’av id i té cachées der r ière les atours du « faux savoi r ». Comme toujours chez Mol ière, derr iè re ses a i rs bouf fons, la p ièce est pol i t ique. El le nous inc i te à mobi l iser notre sens cr i t ique pour ne pas êt re dupés par tous ceux qui , comme Sganarel le , cachent derr iè re l ’éc ran de fumée de quelques formules s iby l l ines (charabia économique, technocrat ique ou popul is te) , une s t ratég ie au serv ice de leur in térêt b ien compr is ! Pour met t re en lumière l ’ac tual i té du propos , Jean-Claude Beru t t i a chois i de col laborer une nouvel le fo is avec Rudy Sabounghi , l ’un des pr inc ipaux scénographes de la scène européenne (décors de théât re et d ’opéras présentés à Mi lan, Par is ou Genève). Ains i Rudy Sabounghi débarrasse la p ièce des or ipeaux que le temps et les modes ne manquent pas de déposer sur chaque grand c lass ique du théâtre… Le décor, résolument contemporain, met en év idence les contrastes soc iaux du XXI e s ièc le puisque le squat (où l ’a r t du graphe côto ie l ’abr i de for tune) sera mis en regard d ’un lo f t bourgeois où l ’épure des paro is en béton brut s ’ouvre largement sur un paysage de nature. Une esthé t ique pour fa i re ouvr i r les yeux et les ore i l les sur une œuvre que nous croyons connaî t re par cœur.

La fable Le Médecin malgré lu i est une p ièce en t ro is actes, écr i te par Mol ière, se s i tuant entre la farce et la comédie. El le a été montée pour la p remière fo is le 6 août 1666. Le premier acte débute par une scène de ménage entre Sganarel le et sa femme, Mart ine, qui lu i reproche, entre aut res choses, son goût prononcé pour la boisson. La querel le dégénère et Sganarel le roue sa femme de coups de bâtons. Af in de se venger, ce l le-c i déc ide a lors de tendre un p iège à son mar i . Le hasard lu i fa i t

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rencontrer deux valets au serv ice d ’un bourgeo is , dont la f i l le , Luc inde, qu’ i l voula i t mar ier de fo rce à un r iche homme, est devenue subi tement muet te. Aucun médecin n ’arr ive à la so igner e t Mart ine sais i t l ’ occas ion pour ins inuer que son mar i est l ’homme qu’ i l leur fau t , en préc isant que Sganarel le avoue qu’ i l est médecin seulement après p lus ieurs coups de bâtons. Les deux hommes le t rouvent , vér i f i ent les d i res de Mart ine , et Sganarel le accepte f ina lement de les suivre au chevet de la malade. Dans le deuxième acte, on apprend par la nourr ice que le mal dont souf f re Luc inde est l ié à son amour pour un homme, dont son père , Géronte, ne veut pas entendre par ler car i l souhai te une s i tua t ion f inanc ière p lus confor table pour sa f i l le que ce que peut of f r i r Léandre. Ce dern ier so l l i c i te a lors l ’a ide du faux médecin pour approcher sa bel le . Au t ro is ième acte, les amants peuvent enf in se rencontre r et Luc inde ret rouve la paro le pour s igni f ie r à son père qu’e l le dés i re épouser Léandre. Mais Géronte n ’en démord pas et les deux malheureux s ’en fu ient , avant de reveni r , Léandre ayant subi tement hér i té de la fo r tune de son onc le. La supercher ie de Sganarel le est pendant ce temps découverte et Mart ine le ret rouve jus te avant qu’ i l ne lu i ar r ive malheur…

Le point de vue du metteur en scène Curieux « chef d ’œuvre » jugé « mineur » que cet te comédie en t ro is actes. C’est probablement la seule qui v ienne de s i lo in dans la carr ière de Mol iè re. On sai t qu’ i l la reprend p lus ou moins pour souteni r le demi-succès du Misanthrope que son publ ic t rouve t rop d i f f ic i l e , e t pour fa i re remonter les recet tes de la t roupe en chute l ibre depuis de longs mois . Et i l la ressort de son v ieux réperto i re d ’acteur de prov ince. I l l ’a probablement jouée p lus ieurs fo is sous d ivers t i t res : Le Fagot ier ou Le Médecin par force , en y ra joutan t des gags, des scènes ent ières et des mots « à propos » dans chaque nouvel le vers ion. Mais s ’ i l déc ide de reprendre son réper to i re anc ien, a lors qu’ i l sent ses forces déc l iner , c ’est sur tout qu’ i l veut à tout p r ix ret rouver Sganarel le (ce sera la dern iè re fo is) e t qu’ i l sa i t que son al ter ego lu i assurera succès et reconnaissance de son cher publ ic (ne le nomme-t-on pas Sganarel le dans les rues de Par is ?) . Pi t re r ies, gross ièretés , coups, d isputes ménagères, enlèvement , leçon de médecine avec c lystère et excréments : le farc i est copieux et var ié, dans cet te u l t ime vers ion, le « d igest » de la saga Sganarel le… Mais le coup de force rés ide sur tout dans le fa i t que Mol ière cont inue d ’y t ra i ter sur le mode joyeux de ses obsess ions du moment (n ’oubl ions pas que nous sommes en p le ine « af fa i re Tartuf fe ») : un combat sans répi t contre l ’hypocr is ie, ce l le des médecins b ien sûr , mais qui d i t docteurs d i t un ivers i té , et qui d i t un ivers i té en 1667 d i t ég l ise, et qui d i t ég l i se… Voi là tout ce que j ’a ime dans Le Médecin , le re lent de fabl iau carnavalesque, une construct ion par s t rates dans laquel le les coutures sont par fo is v is ib les (quel charme dans ce manteau d ’Ar lequin) , mais sur tou t ce t te sainte colère qui ne le lâchera jamais , et que nous entendons au delà des s ièc les dans l ’éc lat de r i re p icaresque de son personnage : le combat pour la vér i té .

Jean-C laude Beru t t i – janv ie r 2009

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Éléments dramaturgiques

Entretien avec Jean-Claude Berutti

En chois issant de monter Le Médecin malgré lu i de Mol ière vous a f f i rmez votre goût pour la fa rce et la comédie. Pouvez-vous préc iser vot re re lat ion à ces deux genres théâtraux et p lus par t icu l ièrement à Mol ière ? Monter Le Médecin malgré lu i est pour moi l ’occas ion de c lore un cyc le comique commencé i l y a b ien longtemps avec Les Fourber ies de Scapin dans un théâtre de Vologda, en ex-URSS. C’est en ef fet avec les acteurs russes, qui possèdent une cul ture « mol ié resque » immense, que j ’a i rencontré « mon » Mol ière . La tens ion entre la mélancol ie p rofonde de l ’auteur et le sens comique de l ’acteur se révéla i t . J ’a i puisé dans la cul ture de ces comédiens l ’énerg ie de nombreux spectac les et ça a été extrêmement formateur pour moi de monter la p ièce la p lus « sola i re » de Mol ière en p le ine perestroïka, avec des acteurs v ivant quas iment en « économie de guerre » à l ’a ide de t ickets de nourr i ture hebdomadaire. Je cro is n ’avoi r jamais autant r i qu ’avec eux, et la consc ience du cauchemar qu’ i ls v iva ient quot id iennement a for tement in f luencé ma v is ion de Mol ière, entre désespoi r et fous r i res mais sans jamais une once de cynisme. Ce sera la deuxième fo is que vous montez cet te p ièce. Pour quel les ra isons reveni r à cet te icône du théât re f rançais ? Pour vous, qu’est -ce qui fa i t spéc i f iquement son in térêt et que souhai tez-vous met t re en avant , qui n ’éta i t peut -êt re pas présent dans votre p remière mise en scène ? J ’a i hés i té quant à refa i re Les Fourber ies de Scapin ou Le Médecin malgré lu i . Je me suis déc idé pour la seconde, ce l le -c i é tant moins souvent montée car considérée comme une « pet i te comédie », mais son empi lement fa rcesque m’a sédui t de nouveau ! J ’a ime que cet te p ièce soi t fa i te de br ic et de broc ; essayée par Mol ière dans ses années de galère et repr ise en p le ine g lo i re pour le pur p la is i r du jeu (et le renf louement des caisses!) . Je pense qu’ i l fau t de temps en temps reveni r sur les icônes du théâtre. Quand je l ’a i mise en scène i l y a 15 ans au Théâtre Nat ional de Belg ique, avec une équipe exal tan te et un grand Sganarel le , Pie rre Laroche, ce lu i–c i avai t passé l ’âge de Mol ière mais donnai t au personnage une méchanceté ré jouissante de déc lassé amer. Aujourd ’hui , le « déc lassé » est un SDF et j ’a i eu env ie qu’ i l a i t une quaranta ine d ’année et une colère hargneuse qui lu i fasse tout oser pour réuss i r . La mise en scène belge fa isa i t la par t bel le à une imager ie c lass ique dénonçant la b igoter ie , mais aujourd ’hui la b igoter ie et l ’ord re ont in fes té nos v ies, a lors j ’a i chois i de ne pas y a l ler avec le dos de la cui l lère ! Cette p ièce, t rès drô le, met en jeu des personnages f ina lement peu amènes. Que d i r iez-vous de l ’ imposture sur laquel le repose l ’ i n t r igue ? Sur le canevas médiéval du pauvre bougre que l ’on t rans forme en érudi t , i l y a beaucoup à d i re. On peut b ien sûr se moquer des doctes, de ceux qui dét iennent le

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savoi r (et l ’un ivers i té éta i t à l ’époque de Mol ière sous l ’autor i té de l ’Ég l ise…) mais on peut auss i observer comment un marginal madré peut abuser les au tres avec ses harangues de fo i re, en les convaincant qu’ i l es t lu i même savant , qu’on peut donc l ’écouter et pourquoi pas le suivre… Sganarel le sème la d iscorde dans une fami l le a isée et l ’on peut se demander où i l s ’arrête ra i t s ’ i l n ’éta i t pas démasqué e t qu’a rr ivera i t - i l s i sa femme ne venai t pas le sauver a lors que les « honnêtes gens » sont prêts à le pendre ? I l provoque le désordre , déc lenché en premier l ieu par sa femme, Mart ine, dés i reuse de se venger des coups de bâton qu’e l le a reçus, mais son goût du désordre, que j ’a i env ie d ’appeler son « anarchisme » lu i donne un pouvoi r qui pour ra i t b ien deveni r dangereux ! La comédie s ’arrête b ien sûr avant ce la mais nous devons la isser entendre ce qu’ i l adv iendrai t s i un pet i t homme stupide, hâbleur, rusé et fonc ièrement malhonnête avai t davantage de pouvoi r… Selon vous, qui sera i t Sganarel le aujourd ’hui ? Sur quels aspects de notre soc iété moderne la cr i t ique de la p ièce peut-e l le por ter ? Faut- i l seulement ouvr i r grand la bouche, p rononcer quelques banal i tés appr ises dans des manuels d ’économie, de pol i t ique et de re l ig ion sur le ton de vér i tés éternel les pour d i r iger un pays ? Cet te ar rogante bouche de vér i té est une bouche de mensonge. Valère p rononce dans la p ièce une phrase fondamentale : Faut- i l n ie r ce qu’on sai t ? On peut l ’ in terpréter de mi l le façons, essayez, et vous verrez qu’ i l ne faut jamais n ier ce qu’on sai t , sur tout lo rsqu’on a af fa i re à des char latans, que ce soi t ceux de la pol i t ique ou ceux de la communicat ion ou encore ceux de la re l ig ion, et Dieu sai t qu’ i ls abondent par les temps qui courent ! Comment la scénograph ie et les décors cont r ibuent- i ls à renouvele r l ’ in térêt de ce t te p ièce (qui , pour beaucoup de spectateurs res te l iée à des souveni rs scola i res) ? Pouvez-vous nous dél iv rer quelques secre ts sur la scénographie que Rudy Sabounghi a conçue en l ien avec vous ? Le premier ac te se déroule dans une sor te de b idonv i l le , un squat du Bois de Boulogne ; on t raverse ensui te le boulevard pér iphér ique pour a rr iver au deuxième acte et l ’ on se ret rouve à Neui l ly . Je ne peux pas êt re p lus expl ic i te ! Avec Rudy Sabounghi , en Belg ique, nous n ’av ions pas t ra i té le t ro is ième acte. Cet te fo is , nous fa isons un sor t à chaque acte, af in de b ien montre r que Mol ière considéra i t cet te p ièce comme une grande p ièce , avec ses changements de décors et ses ef fets de théâtre , et non comme une pet i te comédie, comme pourra ient le penser cer ta ins ! Vous re t rouvez dans cet te créa t ion des comédiens avec lesquels vous avez beaucoup t ravai l lé mais également de jeunes acteurs ; comment avez-vous établ i la d is t r ibut ion ? J ’a i voulu une équipe restre inte au tour des acteurs de La Comédie de Saint -Ét ienne (Louis Bonnet , François Font) et deux comédiennes de la précédente vers ion du Médecin malgré lu i : Jacquel ine Bol len (qui joue para l lè lement August ine Barbozat dans L’Envolée ) reprend 15 ans après le rô le désopi lant de la nourr ice et Delphine Roy, qui jouai t Luc inde et joue aujourd ’hui Mart ine. C’est une manière pour moi de ret rouver une autre « bande d ’acteurs » et de t i rer des f i ls entre passé et présent . Les deux jeunes gens seront joués par Ju l ie Del l i le et Vincent Dedienne, deux acteurs à peine sor t is de l ’École de La Comédie qui possèdent les qual i tés requises ; c ’est -à-d i re êt re des jeunes gens d ’aujourd ’hui avec un inst inct théâtra l t rès sûr ! Ça c ’est ma manière de t isser

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des f i ls avec le futu r ! Quel le humeur souhai tez-vous partager avec les spectateurs g râce à cet te p ièce ? Et quel les réact ions espérez-vous de leur par t à l ’ issue du spectac le ? Je pense qu’ i l faut tou t d ’abord se ré joui r en montant Mol ière, en le ret rouvant chaque jour en répét i t i on, dans l ’espoi r que les spectateurs fassent de même une fo is qu’ i ls se seront emparés de la p ièce ! Et s i en p lus Mol ière inv i te à réf léchi r sur les bons et les mauvais désordres d ’aujourd ’hui , a lo rs je sera i comblé ! Propos recue i l l i s en ju in 2009

Le décor de Rudy Sabounghi

Jean-Claude Berut t i , met teur en scène, et Rudy Sabounghi , scénographe, ont t ravai l lé ensemble à l ’é laborat ion des décors du Médecin malgré lu i . Jean-Claude Berut t i a imaginé les t ro is actes de la p ièce comme un pér ip le qui par t i ra i t d ’un b idonvi l le de banl ieue et passerai t par le pér iphér ique pour ar r iver à Neui l ly . Rudy Saboungh i a donc conçu t ro is décors, réal is tes et t rès d i f féren ts les uns des aut res af in de répondre à cet te nar rat ion. I l se d i t par a i l leurs t rès in té ressé de pouvoi r proposer une mul t ip l ic i té d ’espaces malgré le fa i t que la p ièce soi t t rès courte. La mise en scène du Médecin malgré lu i est p lacée dans un contexte t rès contemporain (Sganarel le est aujourd ’hu i un SDF v ivant en banl ieue par is ienne), par conséquent le décor le sera également , et ce , grâce à p lus ieurs é léments. Nous

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pouvons voi r par exemple sur la première maquet te l ’habi ta t ion de Sganarel le et de sa fami l le . Sans to i t , e l le est symbol isée par deux cordes à l inge tendues d ’un bout à l ’autre d ’une décharge où l ’on t rouve auss i b ien de v ie i l les chaises abandonnées que les boute i l les v ides de Sganarel le , e t au mi l ieu de laquel le jouent les enfants . La seconde maquet te nous montre l ’ in tér ieur de l ’habi tat ion de Géronte ; on imagine a lors une r iche v i l l a ou un pav i l lon chic dans les beaux quart ie rs . Pour le t ro is ième acte enf in , on peut vo i r , sur la dern ière maquet te , l ’ex tér ieur de la maison, l ’endro i t où la fami l le de Géronte a poussé Sganarel le af in de le pendre, on peut l ’ imaginer au poteau é lectr ique.

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Les thèmes majeurs de la pièce Le jeu des apparences On pour ra i t détourner dans cet te p ièce le fameux adage « L ’habi t ne fa i t pas le moine » en ôtant la négat ion ! En e f fet , Sganarel le , sans le sou et i v rogne à ses heures, vo i t le regard des autres changer du tout au tout dès lors qu’ i l revêt l ’habi t de médecin. I l est a lors subi tement considéré, écouté et même vénéré par cer ta ins ! De même Lucinde, qui fe int d ’ê t re muet te af in de décourager son père de la mar ie r contre sa volonté , ou Léandre qui se déguise en apoth ica i re pour que Géronte le la isse approcher de sa f i l le . La médecine Mol ière parodie c la i rement la médecine dans cet te p ièce ; c ’est à l ’ époque un suje t de prédi lect ion t ra i té au tant par les auteurs de comédie que par les phi losophes. La médecine du XVII e s ièc le est p lutôt conserva tr ice, or ientée vers une phi losophie hér i tée de la Grèce an t ique, et préfère par fo is camper sur ses pos i t ions que de reconnaî t re cer ta ines découvertes nouvel les . Cet te médecine, fondée sur les tempéraments (équi l ibre du corps entre le chaud, le f ro id, le sec et l ’humide) et les humeurs ( l iqu ides sécrétés par cer ta ins o rganes dont l ’a l téra t ion provoque un déséqui l ibre ou une maladie) accorde beaucoup d ’ importance à la sa ignée et à la purgat ion . L ’auteur p rend pour c ib le la crédul i té des malades et la prétent ion des guér isseurs. I l donne à son personnage de médecin un côté car icatura l . Sganare l le peut se permett re les p i res fanta is ies dès lors qu’ i l a revêtu l ’habi t du médecin, grâce auquel les autres protagonis tes sont désormais tout acquis à sa cause. I l émet par exemple un d iagnost ic au sujet de Luc inde de manière tota lement a léato i re : « Donnez-moi votre bras. Voi là un pou ls qui marque que votre f i l le est muet te. » (Acte I I , scène 4) . I l invente auss i des remèdes selon ce qu’ i l a à p rox imi té : « du pain e t du v in pour la muet te ou du f romage pour la mère de Perr in . »

L’importance du langage L’ut i l isat ion de carac tér is t iques langag ières t rès typées permet à Mol ière de soul igner de manière p resque car icatu ra le l ’appartenance de ses personnages aux d i f féren tes c lasses soc ia les. Les personnes du peuple : Mart ine, Sganarel le , Lucas, la nourr ice a ins i que Thibaut et Per r in emplo ient un langage comprenant de nombreuses gross ièretés et exc lamat ions te l les que d iantre, morbleu, pes te de la carogne, etc . Quant aux bourgeois , à savoi r Géronte et son valet d i rec t Valè re, leurs termes sont p lus chois is sans forcément qu’ i l s ’agisse de personnes cul t ivées. Le langage du médecin joue, lu i , un rô le capi ta l . I l se doi t d ’êt re car icatura l puisque le but de Mol ière est de se moquer de la médecine en t ransformant un bouf fon ivrogne en médecin. I l s ’agi t d ’un jargon incompréhensib le, mêlant des te rmes de la t in obscurs masquant l ’ ignorance de Sganarel le (Acte I I , scène 4) .

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Les personnages principaux Sganarel le I l s ’agi t du personnage pr inc ipal de ce texte. I l apparaî t également dans d ’aut res p ièces de Mol ière : Le Médecin volant , Le Cocu imaginai re , L’École des mar is , Le Mar iage fo rcé , Dom Juan et L’Amour médecin . I l est en quelque sor te un mélange entre l ’Ar lequin , le Scaramouche et le médecin de la commedia del l ’ar te. Le Sganarel le du Médecin malgré lu i t ient d ’a i l l eurs le rô le de conf ident des amoureux et les fa i t se réuni r , tou t comme le personnage d ’Ar lequin . Mol ière le présente dans cet te p ièce comme un homme de basse condi t ion, un bûcheron, buveur invétéré et père de fami l le i r responsable ba t tant sa femme. I l a un caractère fourbe, tordu, avare, égoïs te et p lutôt bon v ivant . I l apparaî t cependant t rès habi le car i l ar r ive à t i rer son épingle du jeu malgré le p iège dans lequel le p longe son épouse. I l représente le bouf fon dénonçant les inept ies de l ’époque tout en fa isant le p i t re, af in que le message soi t in terpré té avec le sour i re et non dans l ’amertume. Plus i l est r id icu le e t gross ie r et p lus cet homme humble permet à Mol ière de fa i re passer un message dérangeant pour l ’époque : i l se moque de la médecine e t de la crédul i té de ses personnages bourgeois . Mol ière in te rpréta i t t rès souvent le personnage de Sganarel le . Géronte, le père I l est veuf et p lutôt avare, comme souvent dans les comédies de Mol ière . I l chois i t ce qu’ i l est ime êt re le mei l leur par t i pour sa f i l le unique ; i l voudrai t lu i t rouver une s i tuat ion p lutô t confor table du point de vue économique, au détr iment des sent iments amoureux de sa f i l le et de ses dés i rs . I l est en quelque sor te le personnage de Panta lon dans la commedia del l ’ar te, c ’est -à -d i re un v ie i l lard avare se fa isant toujours explo i te r ou t romper par quelqu’un ; en l ’occurrence Sganarel le dans Le Médecin malgré lu i . Jacquel ine, la nourrice El le symbol ise la f igure maternel le . El le est la seule à avoi r compr is le sens de la maladie de sa protégée, à défendre l ’amour p lutôt que le mar iage arrangé. El le est représentée comme une femme du peuple, en témoigne son langage, et n ’est pas t rès b ien considérée s i l ’on se réfère à l ’a t t i tude de Sganarel le à son égard. Mais e l le sa i t se défendre e t d i t la vér i té , même s i e l l e dérange. Mol iè re en fa i t un person- nage inte l l i gent e t courageux. Lucinde et Léandre Lucinde, f i l l e de Géronte, est également un personnage que l ’on ret rouve dans p lus ieurs p ièces de Mol ière, à savoi r une orphel ine de mère, é levée par son père et une nour r ice. Obéissante et charmante au demeurant , e l le se rebel le cependant quand son père cherche à la mar ier à un homme de bonne s i tuat ion a lo rs qu’e l le en a ime un au tre, sans le sou. El le fu i t a lors avec son amant . Dans la commedia del l ’ a r te on ret rouve ces personnages sous les prénoms d’ Isabel la et Lél io son amant ( ic i Léandre) qui const i tuent le couple dont les amours sont contrar iés par les p lans du père. Sans êt re vér i tab lement les personnages pr inc ipaux de la p ièce, i ls sont néanmoins un é lément centra l autour duquel se déroule l ’ in t r igue .

Sources : t ou t mo l i e re .ne t e t nanter re -amand iers .com

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Molière

Éléments biographiques

En 1658, la t roupe, const i tuée de d ix comédiens, rev ient à Par is et s ’ insta l le au Jeu de Paume, sous la protect ion du f rère du ro i . El le joue dans la sal le du Pet i t Bourbon, en a l ternance avec la t roupe i ta l ienne de Scaramouche, et sa réputa t ion dev ient inégalable. Première des grandes comédies de Mol ière , Les Préc ieuses r id icu les (1659) remporte un succès éc latant et conf i rme la faveur du ro i . Mais ces femmes dont l ’auteur se moque sont fur ieuses e t font détru i re le théât re. Le ro i insta l le a lors la t roupe dans un théât re désaf fecté , ce lu i du Pala is-Royal , où e l le reste ra jusqu’à la mort de Mol ière. Un an p lus tard , Mol iè re crée le personnage de Sganarel le . I l s ’a t taque en 1662 à un sujet peu courant à l ’ époque : la condi t ion féminine, c ’est le t r iomphe de l ’École des femmes . Mais les dévots , cons idérant Mol ière comme un l iber t in et c ra ignant son in f luence sur le ro i , condamnent la p ièce qu’ i ls jugent obscène et i r ré l ig ieuse. Malgré tout , Mol ière reçoi t la première pens ion accordée par le ro i à un comédien ; ce qui susc i te de nombreuses convoi t ises. Le dramaturge répl ique en r id icu l isant ses adversai res dans la Cri t ique de l ’école des femmes et l ’ Impromptu de Versai l les . I l est nommé « responsable des d iver t issements de la Cour » en 1664 et crée cet te même année Le Tartuf fe , qu i dénonce l ’hypocr is ie re l ig ieuse. Le scandale soulevé est te l que le ro i l ’ in te rd i t pendant c inq ans. Mol ière en donnera toute fo is quelques représentat ions pr ivées et la p ièce sera de nouveau jouée en 1669 avec un grand succès. L ’année suivante, Mol iè re compose Dom Juan qui ne sera donné qu’à quinze repr ises. La t roupe dev ient la t roupe du ro i e t reçoi t en conséquence une pension de 6 000 l iv res. Mol ière tombe malade mais cont inue d ’éc r i re, notamment Le Misanthrope et Le Médecin malgré lu i . Sa dern ière p ièce est Le Malade imaginai re ; i l décède le 17 févr ier 1673.

La date préc ise de la naissance de Jean-Bapt is te Poquel in n ’est pas connue mais son baptême eut l ieu le 15 janv ier 1622. I l su i t une scolar i té c lass ique chez les Jésui tes e t son grand-père évei l le en lu i le goût du théâtre en l ’emmenant vo i r des spectac les. I l commence ensui te des études de dro i t avant de remplacer son père comme tapiss ier du ro i . I l rencontre à la cour une fami l le de comédiens , les Béjar t , avec qui i l fonde en 1643 l ’ I l lus t re Théâtre. Jean-Bapt is te Poquel in adopte en 1644 le pseudonyme de Mol ière et dev ient d i recteur de t roupe. Les débuts sont d i f f ic i les , et l ’ I l lus t re Théâtre en fa i l l i te qui t te Par is pour la p rov ince et tourne onze années durant . Plus ieurs farces et deux comédies sont écr i tes pendant ce t te pér iode.

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Les œuvres de Molière

Les premiers écr i ts de Mol ière sont des farces , qui , pour la p lupart sont perdues. El les servaient par fo is s implement de canevas aux comédiens pour improv iser sur scène. I l a également écr i t des « comédies-bal le ts », mélangeant le théât re à la danse et aux chansons, a ins i que deux comédies cr i t iques, quat re comédies d ’ in t r igue et neuf comédies de mœurs et de caractère. Le Médec in vo lan t , 1645 La Ja lous ie du Barbou i l lé , 1650 L ’Étourd i ou les Cont re temps , 1655 Le Dép i t amoureux , 1656 Le Docteur amoureux , 1658 Les Préc ieuses r id icu les , 1659 Sganare l le ou Le Cocu imag ina i r e , 1660 Dom Garc ie de Navar re ou Le Pr ince ja loux , 1661 L ’Éco le des mar is , 1661 Les Fâcheux , 1661 L ’Éco le des femmes , 1662 La Ja lous ie du Gros-René , 1663 La Cr i t ique de l ’Éco le des femmes, 1663 L ’ Impromptu de Versa i l les , 1663 Le Mar iage fo r cé , 1664 Gros -René , pe t i t en fan t , 1664 La Pr incesse d ’É l i de , 1664 Tar tu f fe ou L ’ Imposteur , 1664 Dom Juan ou Le Fest in de p ie r re , 1665 L ’Amour médec in , 1665 Le M isanthrope ou L ’A t rab i la i re amoureux , 1666 Le Médec in malg ré lu i , 1666 Mél ice r te , 1666 Pasto ra le com ique , 1667 Le Sic i l i en ou L ’Amour pe in t re , 1667 Amphi t ryon , 1668 George Dand in ou Le Mar i con fondu , 1668 L ’Avare ou L ’Éco le des mensonges , 1668 Mons ieur de Pourceaugnac , 1669 Les Aman ts magn i f i ques , 1670 Le Bourgeo is gent i l homme , 1670 Psyché , 1671 Les Fourber ies de Scap in , 1671 La Comtesse d ’Escarbagnas , 1671 Les Femmes savantes , 1672 Le Malade imag ina i re , 1673 Pour en savo ir p lus sur l a v ie e t l ’œuvres de Mol ière : Mol iè re , sa v ie dans ses œuvres, Pierre Br isson , Édi t ions Ga l l imard Mol iè re par lu i -même, Alf red Simon , Édi t ions du Seui l Mol iè re ou l ’essence du génie comique, Ramon Fernandez, Éd i t ions Grasset

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Jean-Claude Berutti Metteur en scène

Mais c ’est au Théâtre nat ional de Belg ique qu ’ i l t ravai l le régul ièrement de 1995 à 2001 (Le Médecin ma lgré lu i , Capr ices d ’ Images de Paul Emond, Le Cocu magni f ique ) e t noue une ami t ié indéfect ib le avec les comédiens de la Communauté f rançaise. En 1997, i l est nommé di recteur du Théât re du Peuple à Bussang dont i l développe l ’act iv i té ar t is t ique, tout en y imposant de façon pérenne le réperto i re contemporain (Le Pupi l le veu t être tuteur de Peter Handke en 2000 et La Chute de Bi l jana Srbl janovic en 2001). I l d i r ige depuis 2002 (e t jusqu’en mars 2009 avec François Ranci l lac) , La Comédie de Saint -Ét ienne, Centre dramat ique nat ional , e t son École. Ensemble, les deux met teurs en scène ont tenté de redonner sens aux pr inc ipes de son fondateur Jean Dasté. Grâce à la présence permanente de comédiens, i ls font de l ’é larg issement du publ ic leur pr ior i té en reprenant les chemins de la Loi re et de la Haute-Loi re , mais auss i ceux des quart iers popula i res de la v i l l e . Jean-Claude Berut t i c rée a ins i La Cantat r ice chauve (2003) pour la « Comédie des champs » et Occupat ions de Salomé Broussky (2005) pour la « Comédie des v i l les ». Outre ces spectac les de prox imi té, i l met en scène La Gonf le de Roger Mart in du Gard, Ruzante , Zel inda et L indoro d ’après Goldoni , qui tournent en France et en Europe. Depuis novembre 2005, Jean-Claude Beru t t i est prés ident de la Convent ion Théâtra le Européenne, réseau qui regroupe 41 théât res de t roupe à t ravers le cont inent . I l est inv i té par la Comédie-Française à c réer Les Temps d i f f ic i l es d’Edouard Bourdet , en novembre 2006 au Théâtre du Vieux-Colombier . Courant 2007, i l met en scène L’Él ix i r d ’amour à l ’Opéra de Leipz ig et Wiener Blut de Johan Strauss f i ls à l ’Opéra na t ional de Nancy. En mars 2008, à La Comédie de Saint -Ét ienne, i l reprend, avec son ami Chr is t ian Crahay , Conf idence afr i ca ine de Roger Mart in du Gard. Sa dernière créat ion théâtra le, L’Envolée de Gi l les Granoui l le t , montée à La Comédie de Sain t -Ét ienne en octobre 2008, en coproduc t ion avec le Théâtre de la Place de L iège et le ZKM de Zagreb, est c réée en croa te, sous le t i t re Polet . F in avr i l 2009, i l c rée Tannhaüser de Wagner à l ’Opéra nat ional de Bordeaux.

Après des études à l ’École du Théât re nat ional de Strasbourg e t un premier spectac le au Théât re de la Ci té in ternat ionale (Lot te à Weimar d’après Thomas Mann, en 1981), Jean-Claude Berut t i commence un parcours en sol i ta i re , qui le mène de la Belg ique à l ’URSS en passant par la Hol lande et l ’A l lemagne où i l se forme en t ravai l lant tant dans des théâtres modestes que sur les grandes scènes. I l connaî t a ins i la v ie de t roupe du Théâtre d ’État de Vologda (Les Fourber ies de Scapin en 1990), mais auss i les condi t ions except ionnel les de théâtres comme La Monnaie à Bruxel les (Louise en 1983, Manfred en 1993) , l ’Opéra de Lyon (Faust en 2000, Rusalka en 2001) ou l ’Opéra de Nancy (Le Roi Candaule en 2005).

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Ouverture Pour une réflexion

Af in de pro longer le spectac le, nous vous proposons quelques thèmes de réf lex ion, dont deux sont développés : • Les apparences • La commedia del l ’ ar te et la fa rce • La vénal i té • Le mar iage forcé La commedia dell’arte et la farce L’ in f luence de cet te forme de théâtre i ta l ienne sur l ’œuvre de Mol ière est indéniable, tout comme cel le , t rès anc ienne et popula i re , de la farce. Nous vous donnons ic i un descr ipt i f de ces formes ar t is t iques af in de mieux comprendre de quel le façon Mol ière a pu se les appropr ier . La commedia del l ’arte La commedia del l ’ar te est un genre de théâtre popula i re i ta l ien apparu avec les premières t roupes de comédie masquée, en 1528. Signi f ian t l i t téra lement : « théâtre in te rpré té par des gens de l ’a r t » ; autrement d i t des comédiens profess ionnels , le terme es t , de nos jours, u t i l i sé dans de nombreuses langues, dont le f rançais . Les t roupes de commedia del l ’ar te s i l lonnaient les routes ; leur scène éta i t const i tuée de s imples t réteaux et les comédiens improv isaien t à par t i r de canevas (phases nar rat ives, éc r i tes ou non, qui p réc isent le déroulement d ’un spectac le) . Le d iscours éta i t , par conséquent , sans cesse renouvelé, les ac teurs s ’ inspi rant de la s i tuat ion dramat ique, des c i rconstances de temps et de l ieu ou encore de l ’actual i té . La p ièce qu’ i ls représenta ient éta i t a ins i changeante, incessamment ra jeunie. L ’ef fet comique de cet te forme de théât re éta i t p r inc ipalement gestuel . Les comédies se basaient sur des personnages b ien reconnaissables et des caractères s téréotypés , avec une gestuel le emphat ique, des d ia logues improv isés, in te r ludes musicaux et bouf fonner ies, pour sat is fa i re un vaste publ ic , de d i f fé rentes condi t ions soc ia les et cu l ture l les. Tous les acteurs, à l ’except ion du couple d ’amoureux et des servantes, por ta ient le masque. Avec les mêmes masques, t rès typés, chaque compagnie constru isa i t des centa ines de s i tua t ions d i f férentes. On ret rouvai t donc toujours les mêmes personnages, un peu car icaturaux : Ar lequin, un êt re joyeux et bon v ivant , e t Scaramouche, son versant « mauvais » . Br ighel la , l ’aubergis te, Panta lon , un v ie i l lard amoureux d ’une jeune f i l le , le Docteur, t ro is so ldats : le Capi tan , Matamore et Spavento , et enf in Colombine et Isabel la , les amoureuses ingénues. Contra i rement aux compagnies de théâtre c lass ique, ce l les de commedia del l ’ar te employaient des actr ices profess ionnel les au l ieu de fa i re in terpréter les rô les féminins par des hommes. Au XVIIe s iècle, la popular i té de la commedia del l ’a rte éta i t p lus grande que jamais en I ta l ie, et les gouvernements d’Espagne et de France cherchèrent à censurer et à réglementer cet te forme théât ra le.

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En France le Recuei l de Gherard i const i tue le témoignage le p lus in téressant sur ce que fut ce théâtre. Gherard i éta i t l ’Ar lequin de la t roupe autor isée et p r iv i lég iée par Louis XIV. Quelques grands ac teurs, te ls que Tiber io Fio re l l i , p lus connu sous le nom de son personnage Scaramouche, et l ’Ar lequin Dominique, la soutenaient par leur ta lent . En Anglete rre, l ’ in f luence de la commedia del l ’ar te forgea les caractères des mar ionnet tes de Punch, mélange d ’Ar lequin autor i ta i re et de Pol ich inel le , et sa femme Judy. La commedia del l ’ar te inspi ra les p lus grands dramaturges f rançais , que ce soi t Mol ière, qui par tagea une sal le pendant un temps avec les « Comédiens i ta l iens du Roi » de la Comédie- I ta l ienne, parmi lesquels f igura i t le fameux Scaramouche (Tiber io Fiore l l i ) ou Mar ivaux. Ce dern ier éc r iv i t pendant v ingt ans pour les I ta l iens (de 1720 à 1740) e t écr i ra pour eux les deux t iers de ses p ièces . Plus ta rd, la comédie i ta l ienne repr i t à la France, en le per fect ionnant , ce que cel le -c i lu i avai t emprunté , et les p ièces de Mol ière passèrent pour la p lupart , rédui tes à leur canevas , dans le réperto i re mobi le de la commedia del l ’ar te.

Arlequ in , Panta lon e t I sabel la Arlequin, Pantalon et Isabella Au XVI I Ie s ièc le, en I ta l ie , Car lo Goldon i donne un nouveau souf f le à la commedia del l ’ar te. Goldoni obl ige ses acteurs à se référer au texte écr i t , à renoncer aux p i t rer ies fac i les, é l iminant peu à peu les masques, en conférant aux personnages une indiv idual i té toujours p lus marquée. I l a t ransformé la commedia del l ’ar te en comédie de caractère, cependant que Car lo Gozzi res te dans la t rad i t ion, ayant recours à des arguments aux accents pathét iques et sa t i r iques , se ré férant à des personnal i tés et coutumes contemporaines. Le XIX e s ièc le oubl ie , à l ’except ion de Maur ice Sand, f i ls de George, que lque peu ce t ar t ancestra l . En France, cependant , la fami l le Deburau reprend les personnages de Pierro t et Colombine e t les fa i t entrer par le mime dans le réperto i re théât ra l f rançais . Au XX e s ièc le, lorsque Dar io Fo rencont ra Franca Rame, f i l l e d ’une fami l le de comédiens i t inérants qu i possédaien t encore les canevas ancestraux , i l adapta au monde moderne (no tamment avec la p ièce Mystère Bouf fe en 1969) ces témoignages d ’une cul tu re anc ienne, et désormais pra t iquement é te in te.

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La farce Ce genre dramat ique remonte à l ’ant iqui té gréco- lat ine, puisqu’Ar is tophane et Plaute l ’ i l lus t rent , mais i l conquier t son s tatu t et sa popular i té au Moyen Age. I l s ’agi t d ’une p ièce bouf fonne, v isant à provoquer le r i re par les moyens les p lus s imples, vo i re les p lus gross ie rs , sans aucun souci de morale. À la d i f férence de la commedia del l ’a r te — au XVI e e t XVI I e s ièc les les deux genres se rencontren t et s ’enr i ch issent mutuel lement mais conservent leur génie propre — la farce possède un texte écr i t qu i ne la isse guère de p lace à l ’ improv isat ion verba le de l ’acteur. Serv ie par le cé lèbre t r io de fa rceurs , Gros-Gui l laume, Tur lupin et Gaul t ier-Gargui l le , on peut d i re que la farce in f luence la comédie c lass ique, tout autant que la commedia del l ’ar te , et e l le perdure en son nom propre jusque dans les d iver t issements de Cour . Mol ière en recuei l le souvent non seulement la thémat ique, mais auss i cer ta ins types de personnages, vo i re des ef fets gestuels , comme en témoignent cer ta ines scènes de ses p lus grandes œuvres. I l d isposai t d ’une sor te de réperto i re dans leque l i l pu isa i t des répl iques, des f ragments de p ièces, des anecdotes ou même des farces ent iè res qu’ i l a r rangeai t ensui te selon ses volontés. Le Médecin malgré lu i est t i ré d ’un fabl iau du Moyen Age, in t i tu lé Le Vi la in mire . La farce se dé f in i t par la nature même de son comique, qui se fonde sur l ’e f fe t de déformat ion ré jouissante d ’une s i tuat ion ou d ’un personnage, représentant une cer ta ine norme. Ce r i re est sa in, car , s ’ i l rabaisse souvent l ’homme, c ’est seulement pour lu i rappele r ses inst incts et non pour le mépr iser . I l est donc na ture l que ses thèmes et ses personnages soient t i rés de la t r iv ia l i té quot id ienne : t romper ies, ruses et myst i f icat ions sont le lo t de couples convent ionnels – mar is et femmes, vendeurs et c l ients , maî t res et serv i teurs. Cer ta ins types même, te ls que la femme acar iât re , le so ldat fanfaron, le v ie i l la rd amoureux ou le phi losophe pédant , t raversent a l lègrement les s ièc les. Enf in , son in t r igue est on ne peut p lus s imple – le t rompeur t rompé, par exemple. On conçoi t a isément , dès lors , que la f ront ière soi t par fo is d i f f ic i le à t racer ent re la farce et cer ta ines comédies te l les que Les Préc ieuses r id icu les , par exemple , où la bastonnade e t le déguisement n ’exc luent pas la sat i re a iguë d ’une cer ta ine soc iété. Sur le p lan technique, la farce, genre p lutôt dépoui l lé quant aux décors et aux accessoi res, se fonde à la fo is sur des ef fets v isuels , en ra ison du jeu de l ’acteur qui ut i l ise f réquemment le masque, mais auss i verbaux (surabondance et fanta is ie verbale, lazz i e t ca lembours) e t prosodiques ( jeux de t imbres ou d ’accents) . L ’ in t r igue est s imple, comme l ’expl ique Marcel Gutwi r th, dans Mol iè re ou l ’ invent ion comique (Édi t ions Let t res Modernes, 1966) : « De la farce, en ef fet , Mol ière a cuei l l i cet te vér i té p remière qui marquera chez lu i l ’or ientat ion déf in i t ive de la grande comédie, que l ’act ion comique ne rés ide pas dans l ’ in t r igue. Cel le-c i n ’a pour miss ion que d ’amener en scène des personnages for tement caractér isés, qu’une chiquenaude met p la isamment aux pr ises avec eux mêmes. » Source : tou tmol iè re .ne t e t w ik ipéd ia Le mariage forcé On peut remarquer dans le Médecin malgré lu i , mais également dans d ’autres p ièces de Mol ière , la thémat ique du mar iage forcé ( t i t re d ’a i l leurs de l ’une de ses comédies-bal le ts écr i te en 1664). I l s ’agi t le p lus souvent d ’un père qui , voulan t mar ier sa f i l l e à un homme for tuné, fa i t f i de ses dés i rs à e l le et mépr ise l ’amour au pro f i t de l ’argent . Le mar iage fo rcé a toujours ex is té , et es t encore répandu de nos jours , dans de nombreuses soc iétés t radi t ional is tes mais également en France, pr inc ipalement au sein des populat ions immigrées.

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Le mar iage fo rcé consis te à mar ier une personne contre sa volonté . I l est o rganisé par les fami l les qui ne respectent pas, vo i re ne se soucie pas du non-consentement de leur enfan t . Les jeunes qui tentent d ’y échapper sont t rès souvent confron tés à une rupture fami l ia le, avec tous les dangers et les d i f f icu l tés que cela peut engendrer . La prat ique du mar iage forcé éta i t t rès commune dans les c lasses a isées européennes jusqu’à la f in du XIXe s ièc le. Cependant la cu l ture occ identa le et l ’organisat ion des Nat ions unies voient aujourd ’hui le mar iage forcé comme une at te inte aux dro i ts de l ’Homme, puisqu’ i l v io le le pr inc ipe de l iber té et d ’autonomie des indiv idus. Les femmes en sont les v ic t imes les p lus communes, mais les hommes sont auss i forcés de se mar ier au nom de la f ie r té fami l ia le , du souhai t des parents ou par obl igat ion soc ia le . C’est encore un problème commun en Asie, au Moyen-Or ient , en Afr ique e t en Europe de l ’Est . Dans cer ta ins pays, i l s ’accompagne de l ’en lèvement de la futu re mar iée, notamment au K i rghiz is tan. En France, le Groupe de femmes pour l ’abol i t i on des mut i la t ions sexuel les (GAMS) est ime à 70 000 le nombre de jeunes f i l l es menacées par le mar iage fo rcé en 2006. Ce type de mar iage est i l légal mais peut avoi r eu l ieu soi t en France, so i t dans le pays d ’or ig ine. Cet te prat ique est cependant p lus d i f f ic i le en France depuis la lo i de janv ier 2006, qui por te la major i té nubi le à 18 ans. I l s ’agi t de mar iages t radi t ionnels , non of f ic ie ls et subis par des jeunes f i l les qui peuvent êt re mineures . Certa ines se suic ident . . . Toutes sont g ravement per turbées. Leurs enfants , s i e l les en ont , sont eux auss i en danger. Ces adolescentes font par fo is par t ie des mêmes ethn ies que cel les p rat iquant les mut i la t ions sexuel les. Ces prat iques sont dénoncées dans les pays d ’or ig ine et doivent d isparaî t re. Sources : mar iage for ce . f r , s i te du Gams, w ik ipéd ia