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Actes du Colloque international francophone « Complexité 2010 » La pensée complexe : défis et opportunités pour l’éducation, la recherche et les organisations – Lille (France) mercredi 31 mars et jeudi 1er avril 2010 Le management paradoxal des chaînes d’acteurs modulaires : l’exemple des chaînes de soins Christelle BRUYÈRE COACTIS – Université Jean-Monnet Saint-Etienne Nathalie FABBE-COSTES CRET-LOG – Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II) Résumé Les organisations contemporaines, qu’elles relèvent du secteur public ou privé, doivent composer avec un environnement instable, des exigences croissantes de conformité sociale et environnementale et des acteurs variés aux compétences complémentaires nécessitant de travailler en réseau. Notre communication part ainsi du constat que les organisations ne peuvent plus être pensées comme des entités isolées mais comme des maillons participant à des chaînes multi-acteurs conçues pour répondre aux besoins d’efficience, d’efficacité et d’agilité. Ces chaînes d’acteurs se déploient dans des domaines aussi divers que l’industrie, le commerce, l’évènementiel, le tourisme, l’humanitaire, la santé, etc. C’est sur ce dernier secteur que nous avons concentré notre recherche. Le système de santé est confronté à de nouveaux défis qui induisent un profond changement des modalités de prise en charge des patients. L’enjeu majeur est d’assurer une prise en charge globale en se recentrant sur le malade plutôt qu’en fonctionnant spécialité par spécialité ou pathologie par pathologie. Le développement croissant des réseaux de santé en France va dans ce sens en proposant une nouvelle direction stratégique pour apporter une réponse concertée aux problèmes de santé des individus. Les réseaux de santé représentent des expériences de gestion des processus de soin « en complexité » où de nouvelles formes d’actions collectives sont à inventer à l’échelle de territoires. Toutefois, si l’intérêt de la coordination au sein de ces réseaux est unanimement partagé, les mécanismes organisationnels qui la rendent possible n’en sont pas moins méconnus. Comment former des chaînes d’acteurs modulables en fonction d’un champ de potentiels plus ou moins disponibles et de besoins de santé plus ou moins incertains ? L’objectif de notre communication est de souligner la nécessité de prendre en compte la complexité de ces chaînes d’acteurs modulaires sans quoi le risque serait d’aboutir à des dysfonctionnements organisationnels et à des modes de gestion inappropriés. Nous nous appuyons sur des études de cas multiples afin d’étudier les pratiques des acteurs en situation, pour comprendre comment les acteurs de terrain « font avec » la complexité de ce type d’action collective et pour construire des savoirs pour l’action dans ce contexte. Les résultats de cette recherche mettent en évidence l’importance de recourir à des arbitrages continus que nous modélisons sous la forme d’un management paradoxal. Au delà des cas étudiés et du champ spécifique de la santé, notre communication discutera l’intérêt des résultats mis en évidence par la recherche pour la gestion des chaînes d’acteurs modulaires dans d’autres contextes et leurs conséquences pour la conduite de recherches dans ce type de terrain. Mots clés chaînes multi-acteurs – réseau – pilotage – coordination – paradoxe – processus

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Actes du Colloque international francophone « Complexité 2010 » La pensée complexe : défis et opportunités pour l’éducation, la recherche et les

organisations – Lille (France) mercredi 31 mars et jeudi 1er avril 2010

Le management paradoxal des chaînes d’acteurs modulaires : l’exemple des chaînes de soins

Christelle BRUYÈRE COACTIS – Université Jean-Monnet Saint-Etienne

Nathalie FABBE-COSTES CRET-LOG – Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II)

Résumé

Les organisations contemporaines, qu’elles relèvent du secteur public ou privé, doivent composer avec un environnement instable, des exigences croissantes de conformité sociale et environnementale et des acteurs variés aux compétences complémentaires nécessitant de travailler en réseau. Notre communication part ainsi du constat que les organisations ne peuvent plus être pensées comme des entités isolées mais comme des maillons participant à des chaînes multi-acteurs conçues pour répondre aux besoins d’efficience, d’efficacité et d’agilité. Ces chaînes d’acteurs se déploient dans des domaines aussi divers que l’industrie, le commerce, l’évènementiel, le tourisme, l’humanitaire, la santé, etc. C’est sur ce dernier secteur que nous avons concentré notre recherche. Le système de santé est confronté à de nouveaux défis qui induisent un profond changement des modalités de prise en charge des patients. L’enjeu majeur est d’assurer une prise en charge globale en se recentrant sur le malade plutôt qu’en fonctionnant spécialité par spécialité ou pathologie par pathologie. Le développement croissant des réseaux de santé en France va dans ce sens en proposant une nouvelle direction stratégique pour apporter une réponse concertée aux problèmes de santé des individus. Les réseaux de santé représentent des expériences de gestion des processus de soin « en complexité » où de nouvelles formes d’actions collectives sont à inventer à l’échelle de territoires. Toutefois, si l’intérêt de la coordination au sein de ces réseaux est unanimement partagé, les mécanismes organisationnels qui la rendent possible n’en sont pas moins méconnus. Comment former des chaînes d’acteurs modulables en fonction d’un champ de potentiels plus ou moins disponibles et de besoins de santé plus ou moins incertains ? L’objectif de notre communication est de souligner la nécessité de prendre en compte la complexité de ces chaînes d’acteurs modulaires sans quoi le risque serait d’aboutir à des dysfonctionnements organisationnels et à des modes de gestion inappropriés. Nous nous appuyons sur des études de cas multiples afin d’étudier les pratiques des acteurs en situation, pour comprendre comment les acteurs de terrain « font avec » la complexité de ce type d’action collective et pour construire des savoirs pour l’action dans ce contexte. Les résultats de cette recherche mettent en évidence l’importance de recourir à des arbitrages continus que nous modélisons sous la forme d’un management paradoxal. Au delà des cas étudiés et du champ spécifique de la santé, notre communication discutera l’intérêt des résultats mis en évidence par la recherche pour la gestion des chaînes d’acteurs modulaires dans d’autres contextes et leurs conséquences pour la conduite de recherches dans ce type de terrain.

Mots clés

chaînes multi-acteurs – réseau – pilotage – coordination – paradoxe – processus

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Introduction

Quel que soit le secteur d’activité, les organisations contemporaines, qu’elles

relèvent du secteur public ou privé, ne peuvent plus être pensées comme des

entités isolées mais comme des maillons participant à des chaînes multi-acteurs

conçues pour répondre aux besoins d’efficience, d’efficacité et d’agilité imposées par

un environnement instable et des exigences croissantes de conformité sociale et

environnementale. Elles doivent travailler en réseau, se coordonner avec des

acteurs variés aux compétences complémentaires mais aussi parfois concurrentes

pour construire ensemble des réponses adaptées et satisfaisantes compte tenu du

contexte. Ces réponses s’apparentent à des chaînes d’acteurs modulaires et

temporaires dont le management pose problème (cf. le cas de la réponse

humanitaire à un désastre comme le dernier tremblement de terre en Haïti). Ces

chaînes d’acteurs se déploient dans des domaines aussi divers que l’industrie, le

commerce, l’évènementiel, le tourisme, l’humanitaire, la santé, etc.

L’objectif de notre communication est d’une part de souligner la nécessité de

prendre en compte la complexité de ces chaînes d’acteurs modulaires sans quoi le

risque serait d’aboutir à des dysfonctionnements organisationnels et à des modes

de gestion inappropriés. C’est d’autre part d’étudier les pratiques des individus en

situation, pour comprendre comment les acteurs de terrain « font avec » la

complexité de l’action collective qui forge ces chaînes. C’est enfin de construire des

savoirs pour l’action dans ce type de contexte. Nous nous appuyons pour ce faire

sur une recherche menée dans le domaine de la santé, et plus particulièrement sur

le management des réseaux de santé.

Après avoir confirmé l’intérêt général de la problématique du management

des chaînes multi-acteurs, nous aborderons les résultats de notre recherche fondée

sur des études de cas multiples de management de réseaux de santé qui mettent en

évidence l’importance de recourir à des arbitrages continus que nous avons

modélisés sous la forme d’un management paradoxal. Nous discuterons la portée

de ces résultats en revenant sur des chaînes multi-acteurs d’autres contextes et

envisagerons leurs conséquences pour la conduite de recherches sur la

problématique traitée.

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La problématique générale : le management des chaînes multi-

acteurs

Une actualité riche en exemples de chaînes d’acteurs modulaires

L’analyse du fonctionnement de nombreux secteurs d’activité permet de

mettre en évidence que les réponses apportées aux « bénéficiaires » (qu’ils soient

clients, patients, usagers, citoyens en difficulté, etc.) sont construites selon une

logique de chaînes d’acteurs modulaires le plus souvent temporaires. La notion de

modularité possède une dimension heuristique pour comprendre les problèmes de

coordination découlant d’une forte dispersion de ressources et compétences qu’il

faut assembler de manière dynamique (en fonction des besoins et des disponibilités)

et qui doivent rapidement interopérer (logique de plug-and-play développée dans

Fabbe-Costes, 2005). La modularité, associée à de la standardisation, permet une

extrême variété d’assemblages comme dans le jeu de Lego. Ces chaînes qui font

participer des acteurs travaillant « en réseau » et qui se déploient sur un territoire

dont la prise en compte est essentielle, posent d’importants problèmes de

management.

Les activités industrielles et commerciales fournissent de nombreux

exemples de chaînes d’approvisionnement (ou supply chains) qui prennent

désormais souvent leur source dans des pays en développement et qui irriguent le

monde. Le cas de l’approvisionnement de la chaîne de distribution Carrefour est de

ce point de vue exemplaire. Plus largement, les chaînes logistiques industrielles et

commerciales sont des chaînes multi-acteurs soumises à des exigences de

réduction de coûts, d’amélioration de la qualité, avec un accroissement de la

rapidité de circulation des flux qui amènent les acteurs à repenser les processus

d’approvisionnement, production, distribution et soutien, et à développer des modes

de coordination largement fondés sur des systèmes d’information informatisés qui

tentent de procurer une visibilité sur les flux (principe de traçabilité).

L’humanitaire fournit aussi des exemples révélateurs du problème de la

coordination des acteurs dans la gestion des réponses apportées lors de

catastrophes (naturelles ou non). L’urgence de l’aide à apporter dans un contexte

généralement très perturbé et risqué pour les nombreux humanitaires qui

interviennent constitue un défi. Le management des chaînes humanitaires suppose

d’établir rapidement une coordination entre des acteurs d’origines très variées (ONG

humanitaires, gouvernements, armées, entreprises diverses, donateurs, etc.) avec

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des cultures différentes (l’aide est internationale, et les organisations mobilisées

n’ont pas nécessairement la même culture managériale), aux intérêts partiellement

convergents (sauver des vies, reconstruire, etc.) mais aussi souvent différents.

Dans le secteur du tourisme, l’élaboration et la production d’offres de

services packagées présentent aussi d’intéressants exemples d’assemblage

dynamique de chaînes multi-services faisant intervenir de nombreux acteurs, tant

au moment de la conception des offres, que de leur planification en fonction des

réservations, ou de leur réalisation finale. Plus largement, le domaine des services,

comme pour les produits, présente de plus en plus une conception modulaire de

services qui sont réalisés par des chaînes multi-acteurs (c’est le cas des prestations

de services logistiques).

Enfin, nous pourrions également évoquer les réseaux industriels de

proximité (ou systèmes productifs localisés, SPL), les pôles de compétitivité, ou

encore les réseaux de santé au sein desquels la coordination de chaînes d’acteurs

hybrides associant des acteurs publics et privés sur un territoire est essentielle à la

gestion de projets : projets de production, d’innovation ou de prise en charge de

patients.

Ce rapide panorama (qui n’a pas la prétention d’être exhaustif) montre que la

problématique du management des chaînes multi-acteurs est d’une vaste portée.

Quelle que soit l’étendue du territoire, la problématique du management des

chaînes multi-acteurs fait apparaître deux invariants : la nécessaire flexibilité de ces

chaînes, qui doivent être à la fois adaptées au contexte et adaptables aux

évolutions, et la nécessaire coordination des acteurs. Ces chaînes ont fait l’objet de

travaux de recherche amorcés à la fin des années 1980, mais essentiellement

développés depuis le début des années 2000.

Des situations de gestion qui intéressent les chercheurs

De nombreuses disciplines se penchent sur la problématique des chaînes

d’acteurs.

En économie, les travaux sur les chaînes de valeur globales (global value

chain, ou GVC) qui s’intéressent aux filières qui relient producteurs des pays en

développement et consommateurs des pays développés analysent comment, où et

pour qui la valeur est créée et distribuée tout au long de la chaîne (Bair, 2005 ;

Gibbon et al., 2008). Ils mettent l’accent sur l’évolution de la gouvernance de ces

chaînes multi-acteurs (autour notamment des notions de pouvoir, dépendance,

contrôle entre acteurs) et sur les conditions d’insertion durable des producteurs des

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PVD (discutant la notion d’upgrading notamment) en incluant le rôle des politiques

publiques.

La sociologie de l’innovation s’est intéressée aux réseaux hybrides émergents.

Ils se caractérisent par une association complexe d’acteurs hétérogènes évoluant

dans un milieu instable où l’action est difficilement programmable et se construit

par de nombreuses itérations, négociations et adaptations, nécessaires aux acteurs

qui se (re)découvrent dans l’action (Callon et al., 1999).

En sciences de gestion, la problématique fait l’objet de travaux

essentiellement dans le domaine de la stratégie et de la logistique.

• En stratégie, la thématique du management des réseaux concerne aujourd’hui

davantage la compréhension de ses modes de développement et de régulation que

l’intérêt du mode d’organisation en lui-même. Deux formes de réseaux sont

traditionnellement distinguées : les réseaux fédérés et les réseaux centrés autour

d’une firme pivot (Paché et Paraponaris, 2006). Le cas des réseaux d’acteurs

fédérés, plus évolutifs et sans pilote désigné, retient notre attention car ils suscitent

la structuration de chaînes d’acteurs parmi lesquelles aucune entité ne peut

considérer, à elle seule, maîtriser (ou contrôler) la globalité d’une chaîne.

• Les recherches en logistique se centrent davantage sur le pilotage des flux et des

chaînes logistiques (le supply chain management, ou SCM). Les travaux récents

mettent l’accent sur la dualité des chaînes logistiques qui présentent des

caractéristiques de stabilité (souvent liée à un mode relationnel de gouvernance du

réseau dans lequel les chaine s’activent), tout en montrant une grande flexibilité

dans leur configuration opérationnelle pour s’adapter à la demande incertaine et

rapidement évolutive, ce qui se traduit par une évolution du pilotage des processus

et des flux, de plus en plus « par l’aval » ou par la demande. « Loin de s’apparenter à

un pipeline figé sous la responsabilité d’un « pilote », les chaînes logistiques

apparaissent plus comme des agencements temporaires d’acteurs qui se coordonnent,

sans qu’il y ait unicité de pilote, ce qui n’exclut pas des leaderships locaux sur des

portions de chaîne. » (Fabbe-Costes, 2007, p. 22). Le SCM met l’accent sur

l’indispensable coordination des acteurs et, si possible, leur collaboration.

Toutes les disciplines évoquées portent un intérêt à la gestion d’activités (et

donc de flux associés) en contexte de réseau avec des lectures qui leurs sont

propres, accordant selon les champs disciplinaires une attention particulière aux

notions de valeur, de pouvoir, de gouvernance, de négociation, de pilotage, etc.

Dans tous les cas, la gestion des processus apparaît centrale : il est bien question

de repenser les processus afin de permettre une meilleure allocation des ressources

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sur le territoire considéré. Nous constatons toutefois que le caractère dynamique

des chaînes qui se forment, se transforment et se reconstruisent a surtout été

étudié en logistique.

Si les chaînes multi-acteurs font donc l’objet d’une reconnaissance

académique dans de nombreuses disciplines et si ces phénomènes sont maintenant

de mieux en mieux décrits grâce à des recherches fortement contextualisées, peu de

travaux abordent la difficile question du management « au quotidien » de ces

chaînes au plan organisationnel et humain. Pourtant la question du facteur

organisationnel est régulièrement soulevée par les auteurs, ce qui nous a conduit à

approfondir la problématique dans un cas particulier, celui des réseaux de santé,

en privilégiant une approche stratégique et logistique.

Le cas des réseaux de santé

Pourquoi choisir un cas ?

L’objectif est de comprendre comment les acteurs de terrain pensent et

agissent en complexité dans un contexte de chaînes d’acteurs modulaires, ce qui

nécessite un ancrage terrain afin de saisir les pratiques des individus en situation

de gestion (Girin, 1990). L’étude d’un secteur dont le fonctionnement s’appuie sur

de telles chaînes représente en effet une opportunité de recherche pour l’étude de la

stratégie, non plus comme elle est décidée, mais plutôt comme elle est façonnée

dans l’action, en l’étudiant sous l’angle des pratiques (Martinet, 2006 ; Rouleau et

al., 2007). L’intention de la recherche est de construire des savoirs pour l’action à

partir de l’étude des pratiques (Avenier et Schmitt, 2007).

Cette recherche qui considère que la rationalité des individus est

procédurale, présuppose que l’individu ne se comporte pas de façon mécaniste mais

est capable de se comporter de façon intentionnelle et d’inventer des réponses en

forme « d’actions intelligentes » en fonction de ce qu’il perçoit et des objectifs qu’il

s’est lui-même définis. Nous considérons ainsi que l’acteur est une source de

savoirs et que l’étude de cas permet non seulement de découvrir des

problématiques nouvelles mais également de rendre intelligible un phénomène

complexe.

Le processus étudié : le management des chaînes de soins dans les réseaux

de santé

Le système de santé est confronté à de nouveaux défis qui induisent un

profond changement des modalités de prise en charge des patients. En effet, la

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prévalence des maladies chroniques, accentuée par l’allongement de la durée de vie,

implique qu’un nombre croissant de besoins de santé nécessite l’intervention de

plusieurs spécialités complémentaires qui sont indispensables à la prise en charge

des patients. Par ailleurs, l’essor d’une conception extensive de la santé, qui n’est

plus seulement associée au traitement de la maladie, mais qui renvoie plus

généralement à un état de bien-être physique, psychologique et social, traduit un

changement de la relation thérapeutique vers une approche globale des patients.

Enfin, l’augmentation des dépenses de santé encourage la réduction du gaspillage

et un usage plus rationnel des ressources. L’intervention dans le cadre d’un réseau

coûte a priori moins cher que dans un cadre hospitalier où les structures sont

d’une part coûteuses et d’autre part parfois surdimensionnées pour les soins à

dispenser (Bercot et De Coninck, 2006).

L’enjeu majeur est de permettre une prise en charge globale en se recentrant

sur le malade plutôt qu’en fonctionnant spécialité par spécialité ou pathologie par

pathologie. Le développement croissant des réseaux de santé en France va dans ce

sens en proposant une nouvelle direction stratégique pour apporter une réponse

concertée au problème de santé des individus à l’échelle de territoires. Les réseaux

de santé représentent des expériences de gestion des processus de soin « en

complexité » devant composer avec une grande variété d’acteurs, individuels et

organisationnels, autonomes et interdépendants, aux représentations et aux

langages différents, devant traiter des pathologies plus ou moins évolutives et des

caractéristiques cliniques et sociales différentes entre patients, empêchant toute

standardisation des processus (Minvielle, 1996). Si l’intérêt de la coordination au

sein de ces réseaux est unanimement partagé, les mécanismes organisationnels qui

la rendent possible n’en sont pas moins méconnus. Comment former des chaînes

d’acteurs modulables en fonction d’un champ de potentiels plus ou moins

disponibles et de besoins de santé plus ou moins incertains ?

Il s’agit donc bien d’un terrain où de nouvelles formes de prises en charge (et

donc d’actions collectives) sont à inventer pour répondre au mieux aux évolutions

des besoins de santé de la population. Dans cette perspective, il n’y a pas a priori

de chaîne de soins « standard » : un réseau de santé est constitué de plusieurs

chaînes de soins « bricolées » par les acteurs en fonction des besoins de santé qui se

présentent. Plus précisément, le bricolage repose sur trois notions (Roblain, 2005) :

une combinaison d’éléments hétéroclites, des ressources limitées qui obligent à

s’arranger « avec les moyens du bord » et un ensemble de relations entre éléments

qui donne une compréhension générale du monde. Dans notre recherche, le

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bricolage y est envisagé non pas comme une voie de recours pour faire face à une

situation subie faute de disposer de chemins d’action plus solides, mais comme un

espace d’innovations managériales reconnaissant aux acteurs la capacité d’élaborer

des arrangements intellectuels, créatifs et ingénieux (Levi Strauss, 1962). Par

ailleurs, le besoin exprimé par les acteurs de terrain de progresser dans la

compréhension des mécanismes organisationnels sous-jacents aux chaînes de

soins et de leur mode de management a été décisif dans le choix du terrain.

Méthode de recherche qualitative, études de cas multiples

Dans la mesure où une première exploration des réseaux de santé a fait

apparaître qu’il existait une variété de formes organisationnelles et de modes de

management, notre protocole de recherche devait permettre d’exploiter cette

diversité en comparant des expériences de réseaux plus ou moins réussies afin de

découvrir des invariants (Vigour, 2005) et approfondir le management stratégique

des chaînes d’acteurs modulaires par généralisation (en référence à David, 2003).

Avec l’appui d’experts, nous avons choisi cinq cas exemplaires (Giroux, 2003) :

quatre réseaux de santé réputés pour leur bon fonctionnement, deux ciblant une

pathologie (diabète et addiction) et deux ciblant une population fragile (gérontologie

et soins palliatifs) ; ainsi qu’un cas « témoin » de réseau en situation managériale

difficile centré sur les troubles du langage.

L’étude des cas a été centrée sur les pratiques des « bricoleurs ». Nous avons

mobilisé les récits de pratiques (Rouleau et al., 2007) qui reposent sur la

reconnaissance de la capacité d’action des individus dans leur milieu et utilisé la

technique de l’incident critique pour favoriser l’énonciation de pratiques : les

situations difficiles permettent souvent de dégager des logiques d’acteurs plus

compréhensibles pour les chercheurs, les pratiques étant poussées à leurs limites

(Lièvre et Lecoutre, 2006). Le recueil des pratiques s’est fait au cours d’entretiens

individuels avec plusieurs membres représentatifs des différents acteurs des

réseaux (conduits avec un guide d’entretien semi-directif) consistant dans un

premier temps à aborder des situations de gestion difficiles, puis, dans un second

temps, à amener les acteurs à décrire leurs actions pour « faire face ». Trente deux

entretiens ont été réalisés : quatorze entretiens avec des coordonnateurs de réseaux

qui sont des gisements d’informations du fait de leur position centrale et dix-huit

entretiens avec des acteurs périphériques : des bénéficiaires inscrits dans le réseau

et des professionnels de santé qui participent de façon épisodique au réseau (dans

le cadre des prises en charge, des formations, des actions de prévention, etc.).

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N’Vivo a été utilisé comme soutien au codage et à l’analyse des données issues des

entretiens. Le croisement des récits de pratiques combinée à l’étude de données

secondaires et à la restitution des entretiens a permis de procéder à une

triangulation des données. L’analyse des pratiques de gestion a été menée dans une

perspective intra-cas puis inter-cas.

L’étude comparée du fonctionnement des cinq réseaux de santé, ainsi que

des difficultés de gestion et des pratiques racontées par les acteurs permettent de

faire émerger trois principaux résultats. 1) L’étude du fonctionnement général des

réseaux de santé a fait apparaître deux archétypes de chaînes de soins. 2) L’étude

des difficultés ressenties par les acteurs dans la gestion des chaînes de soins multi-

acteurs a révélé six situations paradoxales. 3) L’étude des pratiques de gestion

énoncées par les acteurs a mis en évidence sept facteurs clés de succès.

Les conceptions en action dans le cas des réseaux de santé

Deux archétypes de chaînes de soins

Les réseaux de santé sont créateurs de désordre en ce qu’ils bousculent

l’ordre établi dans un système de santé hyperspécialisé et cloisonné. Ils

déstabilisent les routines de fonctionnement en faisant se rencontrer des acteurs

traditionnellement habitués à exercer de façon isolée : médecins, psychologues,

prêtres, infirmiers, garde-malades, etc. sont par exemple amenés à échanger et

collaborer dans le cadre de prises en charge des soins palliatifs. Ce désordre n’en

est pas moins une voie d’accès à un nouvel ordre nécessaire pour adapter le

système de santé aux évolutions des besoins de santé. Nous retrouvons ici les

principes du désordre organisateur (Fabbe-Costes et Lièvre, 2002). L’étude

comparative permet d’éclairer ce nouvel ordre créé en repérant deux archétypes de

chaînes de soins illustrées par la figure 1, l’une construite a priori (le jeu de l’oie) et

l’autre construite a posteriori (le jeu de dames). Ces chaînes de soins ne sont pas

exclusives l’une l’autre : un même réseau peut combiner ces deux archétypes selon

les besoins de santé.

Le jeu de l’oie représente l’ordre généré par les chaînes de soins a priori. Il se

prête bien aux prises en charge globales dont les étapes de soins sont connues par

anticipation (par exemple le diabète qui est une pathologie connue et balisée). Le

bénéficiaire suit le processus qui est prédéfini et séquentiel (tout en étant adapté à

ses besoins de santé), chaque étape permettant l’accès à l’étape suivante. Plusieurs

disciplines concourent à la chaîne de soins et les diagnostics sont complémentaires

et cumulatifs.

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Figure 1. Deux archétypes de chaînes de soins

Le jeu de l’oie Le jeu de dame

Chaîne de soins a priori (filière de soins)

Processus prédéfini et séquentiel

Pluridisciplinarité

Diagnostics complémentaires

Chaîne de soins a posteriori (réseau)

Processus itératif et émergent

Interdisciplinarité

Diagnostic concerté

Source : Bruyère (2008), p. 315

Le jeu de dame représente l’ordre généré par les chaînes de soins a posteriori.

Il correspond à des prises en charge globales dont les étapes de soins sont

incertaines et nécessitent une réflexion collective à chaque étape du soin (par

exemple l’addiction qui recouvre des formes variées fortement évolutives). Le

bénéficiaire avance en fonction des évolutions de son environnement de soins. Le

processus est itératif et émergent. Il se construit dans l’action et implique des

ajustements tout au long de la chaîne. Les disciplines se croisent pour établir un

diagnostic concerté.

Modélisation des tensions managériales sous forme de paradoxes

Le désordre organisateur typifié par les deux archétypes de soins proposés

implique des tensions managériales auxquelles sont soumis les acteurs de terrain.

Les difficultés de fonctionnement énoncés par les acteurs en entretien en

témoignent : les acteurs sont à l’interface de logiques d’actions différentes qui

génèrent la peur de perdre du pouvoir (par exemple la crainte d’une « fuite de

patients » de la part d’un médecin généraliste), la nécessité d’une confiance partagée

(par exemple pour relayer un patient vers un professionnel de soins du réseau) et le

besoin de trouver un intérêt personnel à la coordination, d’autant plus important

que le volontariat est largement sollicité dans ce type d’organisation. À cela

s’ajoutent les spécificités du milieu de la santé fortement hiérarchique où les divers

producteurs de soins exercent traditionnellement de façon isolée autour de

territoires de compétences, où les contraintes juridiques sont prégnantes, où les

régimes de financements entre secteurs diffèrent, où les clivages « culturels » sont

nombreux : ville / hôpital, généralistes / spécialistes, public / libéral, préventif /

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curatif, médical / social, professionnels / administrations.

Plus précisément, les difficultés racontées par les acteurs peuvent être

conceptualisées sous la forme de six situations paradoxales caractérisées par la

rencontre de logiques d’actions opposées et complémentaires à la fois :

• Formel / informel : les réseaux de santé cherchent à être suffisamment formels et

organisés pour se positionner clairement dans l’offre de soins, tout en étant

informels et souples pour apporter une réponse de santé adaptée à la variété des

situations de terrain ;

• Spécificité / unité : les réseaux de santé œuvrent dans le sens d’une

reconnaissance des spécificités professionnelles pour cibler les compétences

spécifiques nécessaires au soin de la personne, tout en poursuivant une quête

d’unité associée à une conception globale de la santé ;

• Conformité / autonomie : les réseaux de santé sont soumis à des exigences de

conformité aux attentes des tutelles pour être financés et se pérenniser, tout en

produisant un service qui est le résultat d’acteurs autonomes et volontaires ;

• Individuel / collectif : les réseaux de santé se forment dans l’intérêt collectif pour

adapter le système aux nouveaux besoins de santé, tout en cherchant la

satisfaction d’un intérêt individuel qui est indispensable à la participation des

acteurs ;

• Stabilité / flexibilité : les réseaux de santé ont besoin d’une stabilité essentielle à

l’organisation des échanges, tout en préservant une flexibilité indispensable à la

mise en œuvre de prises en charge adaptées aux situations de terrain ;

• Structurel / relationnel : les réseaux de santé sont une nouvelle forme

d’organisation des soins, ce qui suppose d’interroger leur dimension structurelle

tout en accordant une place centrale à leur dimension relationnelle sans laquelle les

réseaux de santé n’existeraient pas.

Ces situations paradoxales invitent les acteurs à repenser les pratiques

gestionnaires pour faire cohabiter des contraintes perçues habituellement comme

opposées. Comment les acteurs font-ils face ?

Une issue aux tensions managériales trouvée dans le dialogue et l’échange

L’analyse comparée des pratiques recueillies en entretien montrent que c’est

principalement dans l’échange que les acteurs trouvent une issue aux situations

paradoxales. Les coordonnateurs de réseau jouent alors un rôle essentiel de

constructeurs du dialogue en prévoyant des espaces d’échanges et des temps de

rencontres. Les lieux de dialogue sont aussi variés que le siège du réseau, le cabinet

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d’un médecin, le domicile des bénéficiaires, etc. Les temps de rencontres sont tout

autant diversifiés : des réunions d’équipes, des formations pluridisciplinaires, des

ateliers d’échanges de pratiques, des actions de prévention auprès du grand public,

ou encore des contacts spontanés. Ils s’accordent ainsi à favoriser un dialogue

entre les différentes logiques de fonctionnement de manière à créer un espace de

cohésion, passant inévitablement par des ajustements continuels en fonction des

situations.

La comparaison des cinq cas de réseaux de santé nous a par ailleurs permis

de faire émerger des facteurs clés de succès dont l’objectif n’est pas de formuler une

« recette du succès » des chaînes de soins, mais plutôt de guider l’action en repérant

des éléments qui semblent déterminants à leur management stratégique. Ces « clés

stratégiques » sont : des valeurs partagées, des repères organisationnels, une

proximité relationnelle, une ouverture à la (re)négociation, une recherche

d’innovation (des pratiques managériales et des modalités de soins), une traçabilité

des processus de soins, une expertise des professionnels.

Synthèse des résultats et discussion

Proposition d’un modèle de management paradoxal des chaînes de soins

Partant des résultats précédents, nous proposons un modèle de management

paradoxal des chaînes de soins illustré par la figure 2 qui synthétise les tensions

managériales des réseaux de santé et propose des pistes d’actions. Nous

modélisons nos résultats sous la forme d’une roue paradoxale reprenant les six

situations paradoxales repérées dans les réseaux de santé et faisant intervenir un

paradoxe central intégrateur : mouvement – inertie. À gauche de la roue s’exerce

une force de mouvement. À droite de la roue s’exerce une force d’inertie. La relation

est circulaire : le mouvement produit de l’inertie qui appelle le mouvement qui l’a

produite. La gestion paradoxale de dialogue prend la forme d’une membrane souple

qui évolue simultanément dans les deux sphères au rythme des arbitrages. La

déformation de la membrane évoque les différences de dosages en fonction des

situations qui se présentent. Autour de cette membrane est représenté un anneau

composé de sept cases, chacune proposant une clef stratégique pour « faire avec »

les paradoxes. Ces clefs sont une combinaison des facteurs clés de succès repérés

dans les différents cas. L’idée n’est pas de les actionner simultanément pour

maîtriser l’ensemble des paradoxes mais de se saisir de certaines d’entres elles pour

trouver un issue aux situations paradoxales.

13

Figure 2. Un modèle de management paradoxal des réseaux de santé

Source : Bruyère (2008), p. 343

« Le secret de la maîtrise du paradoxe est simple à exprimer : il consiste à

surimposer à une situation paradoxale une stratégie paradoxale » (Barel, 1989,

p. 301). Dans cette perspective, les coordonnateurs des réseaux de santé évoluent

sur le fil « mouvement – inertie », tels des funambules à la recherche permanente

d’un équilibre dynamique entre des logiques de fonctionnement complémentaires et

opposées à la fois. L’analyse du cas de réseau « témoin » en situation d’échec

montre que la polarisation est dangereuse : elle conduit à une inadéquation des

chaînes de soins aux besoins de santé, soit en perdant leur souplesse de

fonctionnement essentielle pour s’adapter aux évolutions de l’état de santé des

patients, soit en perdant leur structure indispensable à la cohérence des soins.

Un modèle de portée plus générale pour les chaînes d’acteurs modulaires ?

Ce dernier paragraphe discute la portée du modèle managérial proposé en

dehors du secteur de la santé et tente de répondre aux questions suivantes.

L’approche paradoxale est-elle propre aux chaînes de soins ? Retrouve-t-on des

tensions managériales similaires dans d’autres secteurs ? Les clés stratégiques

sont-elles spécifiques aux chaînes de soins ?

En nous appuyant sur les recherches conduites sur des problématiques

similaires dans d’autres secteurs d’activités, nous pouvons répondre par

l’affirmative et proposer une généralisation analytique des résultats issus de l’étude

des chaînes de soins qui dépassent largement le contexte de la santé.

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Toutes les chaînes multi-acteurs évoquées en début d’article, qui sont de

nature temporaires et modulaires, combinent des logiques de type jeu de l’oie et jeu

de dames et révèlent des tensions managériales de type paradoxales. Si la nature et

la criticité des couples ago-antagonistes (Bernard Weil, 2003) diffèrent d’un secteur

à l’autre, ils mettent les acteurs dans des situations de tension liées aux arbitrages

à opérer en permanence. Ces arbitrages sont souvent induits par la recherche de

performances difficilement conciliables. Par exemple, dans le domaine de la

logistique, les acteurs ont à combiner réduction des coûts, amélioration de la

qualité du service et maîtrise des délais, ce qui suppose de procéder à des

arbitrages au sein d’un « espace de définition de la performance logistique » dont les

trois dimensions sont la productivité, le service et la rentabilité financière (Tixier et

al., 1996, p.139). La nature des systèmes de performances à atteindre est

probablement un point d’analyse critique (cf. Fabbe-Costes et Lièvre, 2002) à

développer. Nous retrouvons par ailleurs une forte concordance entre les clés

stratégiques issues de l’étude des réseaux de santé et celles évoquées par les

chercheurs s’intéressant au management des chaînes logistiques (le domaine qui a

étudié le plus précisément le pilotage des chaînes multi-acteurs temporaires),

notamment dans des domaines comme le la prestation de services logistiques

(Huemer, 2006), les projets localisés comme dans le BTP ou l’évènementiel (Modig,

2007), l’humanitaire (Kovacs and Spens, 2007 ; Chandes et Paché, 2009) ou le

tourisme (Pellegrin-Romeggio, 2008).

Enfin, sur le plan méthodologique, la recherche ainsi que les résultats

suggèrent l’importance de prendre certaines précautions pour étudier le

management des chaînes d’acteurs modulaires. En effet, la connaissance d’une

situation complexe progresse non pas dans l’isolement de certaines de ses

caractéristiques, mais dans la capacité à contextualiser et à globaliser pour lui

donner sens et appréhender ses problèmes fondamentaux (Morin, 1990). L’étude

des chaînes d’acteurs nécessite de recourir à de multiples unités d’analyse

emboitées. Plus précisément, il convient de distinguer non seulement deux niveaux

de lectures de la forme organisationnelle (le réseau et les chaînes d’acteurs qui le

composent) mais également deux niveaux d’acteurs (les individus et leurs

organisations d’appartenance, entreprises ou administrations). Si le fonctionnement

du réseau est pensé de façon collective pour le bénéficiaire qui en est la cible (client,

patient, usager, citoyen en difficulté, etc.), les chaînes qui s’y forment et déforment

sont déclenchées par le bénéficiaire en aval. Le bénéficiaire est donc tour à tour

cible du réseau et déclencheur des chaînes d’acteurs, il doit donc faire l’objet d’une

15

attention particulière dans les recherches. Le pilotage, si pilotage il y a, se fait au

niveau des chaînes. Il est par ailleurs indispensable d’analyser et de modéliser les

processus et activités en jeu dans les chaînes, les ressources et compétences

mobilisées, ainsi que la circulation des flux (physique, d’information et de valeur),

avant de rechercher les « lieux » de pilotage des parties de chaînes et d’étudier les

logiques d’assemblage. L’espace (les territoires concernés) et le temps sont

également des variables importantes à prendre en compte dans l’analyse des

processus, de même que les supports des processus de coordination entre les

acteurs (systèmes d’information et de communication notamment).

Conclusion

Notre communication s’intéresse à une classe de situations de gestion

contemporaines : les chaînes multi-acteurs. Le cas des réseaux de santé nous a

permis de dégager des pistes de management autour de la gestion paradoxale. Nous

avons rapproché ces résultats de recherches menées dans d’autres secteurs pour

discuter la portée de ces résultats. Les limites de notre travail tiennent à la fois au

secteur retenu pour mener la recherche empirique, et à la manière dont nous avons

conduit la discussion de la portée des résultats. Cette recherche nous incite

néanmoins à poursuivre et approfondir le travail de généralisation analytique à

travers des recherches empiriques dans d’autres secteurs, mais peut-être surtout à

travers une recherche plus systématique (de type méta-analyse) des travaux sur le

management des chaînes d’acteurs modulaires.

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