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d’El Jadida, du 4 au 8 mai 2016 Le Livre Bleu 4 e édition Synthèse des travaux et recommandations de la 4 e édition du Forum de la Mer El Jadida - Du 4 au 8 mai 2016

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d’El Jadida, du 4 au 8 mai 2016

Le Livre Bleu4e édition

Synthèse des travaux et recommandations de la 4e édition du Forum de la Mer

El Jadida - Du 4 au 8 mai 2016

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Le Forum de la Mer

Livre Bleu, 4e Edition Synthèse des travaux et recommandations

de la 4e Edition du Forum de la Mer d’El Jadida

Du 4 au 8 mai 2016

Edition : Eganeo, Bureau n°314 Technopark Route de Nouaceur Casablanca [email protected] +212 (0)5 22 50 34 65

Directeur associé : Mehdi ALAOUI MDAGHRI

Rédactrices :

Photos :

Maria DAIFAmirah SALIH Sophie MESANGE DIDIER Edith ROCHER DELQUE

Naïade PLANTE Abdallah BENJAASophie MESANGE DIDIER

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« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! »

Charles BAUDELAIRE

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Table des matières

SEANCE PLENIERE INAUGURALE « LE CLIMAT CHANGE. ET LA MER ? » .................................................. 6

Intervenants : ....................................................................................................................................

Nadia ROUDIES, Secrétaire Générale du Ministère du Tourisme .....................................................

Alexis LE COUR GRANDMAISON, Ministre Conseiller et Chargé d’Affaires auprès de l’Ambassade de France au Maroc ...........................................................................................................................

Rupert JOY, Chef de la Délégation de l'Union Européenne au Maroc ..............................................

Michael MILLWARD, Représentant résident de l'UNESCO au Maroc ..............................................

Mouâad JAMAI, Gouverneur de la Province d'El Jadida ...................................................................

Yahia BOUGHALEB, Président de l'Université Chouaib Doukkali .....................................................

Gilles BŒUF, Conseiller scientifique pour les sciences de la vie et de la nature, du climat, de l’Océan auprès de Ségolène Royal, ancien Président du Museum d’Histoire Naturelle de Paris .....

Modérateur : Mehdi ALAOUI MDAGHRI, Fondateur du Forum de la Mer ......................................

ATELIER – CHANGER NOS MODELES ECONOMIQUES : « Mieux coopérer pour préserver l’intérêt général » ........................................................................................................................................... 14

Intervenants : ....................................................................................................................................

Francis VALLAT, Président du Réseau Européen des Clusters Maritimes ........................................

Hassan AYAD, Directeur Général de Rimal et Président par intérim du Cluster maritime marocain ............................................................................................................................................

Saad BELGHAZI, Professeur d’Economie et Consultant pour la Banque mondiale ..........................

Frédéric LE MANACH, Directeur Scientifique de l’Association Bloom ..............................................

Clara RODRIGO, Chief Communications Officer and Head of Corporate Responsibility, AXA Mediterranean and Latin America region .........................................................................................

Amane FETHALLAH, Directrice Générale de l’Institut Supérieur des Etudes Maritimes ..................

Modérateur : Khalid KARAOUI, Journaliste, France 24 ....................................................................

ATELIER – CHANGER NOS FACONS D’ECHANGER « Mer et littoral : un fragile espace d’échange » ........ 24

Intervenants : ………………………………………………………………………………………………………………………….. …….....

Miloud LOUKILI (Professeur à la faculté de Droit de l’Université Mohammed V de Rabat) : « Echanges maritimes et enjeux pour la planète bleue » .................................................................

Mohamed RAMDAME (Directeur du Pôle Centre de Services partagés de SNTL): « Le secteur logistique face aux enjeux environnementaux » ..............................................................................

Fouad ZYADI (Directeur du Contrôle, de l'Evaluation Environnementale et des Affaires Juridiques) : « Le contrôle environnemental : des textes à la pratique » .........................................

Modérateur : Mustapha FAKHIR (Directeur de la publication, Maritime News) .............................

CONFERENCE – LE CLIMAT CHANGE. ET LA MER ? « La Mer, notre mémoire, notre avenir »................ 31 Intervenants : ……………………………………………………………………………………………………………………………..............

Patricia RICARD, Présidente de l’Institut Océanographique Paul Ricard .........................................

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André ABREU, Responsable Environnement et Climat de Tara Expédition ......................................

Khalid MEHDI, Professeur, Directeur du laboratoire Géosciences Marines et Sciences du Sol à l’Université d’El Jadida.......................................................................................................................

Gilles BŒUF, Conseiller scientifique pour les sciences de la vie et de la nature, du climat, de l’Océan auprès de Ségolène Royal, ancien Président du Museum d’Histoire Naturelle de Paris .....

Modératrice : Nadia LAMARKBI, Journaliste ....................................................................................

CONFERENCE – CHANGER NOS MODES DE PENSEES « Des raisons d’espérer ? » ................................. 41

Intervenants : ....................................................................................................................................

Gilles BŒUF, Conseiller scientifique pour les sciences de la vie et de la nature, du climat, de l’Océan auprès de Ségolène Royal, ancien Président du Museum d’Histoire Naturelle de Paris Pierre CAYE, Philosophe, Directeur de recherche au CNRS ..............................................................

Guillaume DURIN, Chercheur et formateur associé au Centre de Documentation et de Recherches sur les Alternatives Sociales Ismaïl OUAZZANI, Elève de quatrième au Lycée Louis Massignon .........................................................................................................................................

Modérateur : Serge ORRU, Conseiller à la Mairie de Paris ...............................................................

ATELIER – CHANGER NOS LITTORAUX : « Usages multiples d’un bien unique » .................................... 48

Intervenants : ....................................................................................................................................

Miloud LOUKILI (Professeur à la faculté de Droit de l’Université Mohammed V de Rabat) : « Les conflits d’usage sur le littoral » ................................................................................................

Mustapha LHAMOUZ (Directeur de la Régulation des Activités et des Opérateurs de l’Agence Nationale des Ports) : « Les ports, traits d'union du littoral » ...........................................................

Mohamed OUANAYA (Président Directeur Général de la Société d’Aménagement pour la Reconversion de la Zone Portuaire de Tanger) : « La reconversion du port de Tanger » .................

Maria SNOUSSI (Professeur en Géosciences du littoral à l'Université Mohammed V de Rabat) : « Le littoral, interface multi-usage à haut risque » ...........................................................................

Louis LE GUEN (Directeur Général de Azura Aquaculture) : « La reconversion de la baie de Dakhla pour l'aquaculture » ..............................................................................................................

Modérateur : Vincent PERRAULT, Journaliste, LCI ....................................................................... 48

ATELIER - CHANGER NOS MODES DE GOUVERNANCE : « Pour une gouvernance bleue » ..................... 56

Intervenants : ................................................................................................................................ 56

Amina BENKHADRA (Directrice Générale de l'Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM), ancien Ministre de l'Énergie, des mines, de l'eau et de l'environnement) : « Gouvernance des territoires off-shore » ........................................................................................

Catherine CHABAUD (Déléguée à la Mer et au Littoral rattachée au Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer (France)) : « La gouvernance bleue en France » ..........

Miloud LOUKILI (Professeur à la faculté de Droit de l’Université Mohammed V de Rabat) : « Plaidoyer pour une gouvernance bleue au Maroc » ......................................................................

André MONACO (Directeur de Recherche au CNRS) : « Gouvernance des mers et des océans » ...

Franco BIAGI (DGMARE, Commission européenne) : « Benchmark européen sur les gouvernances bleues » ......................................................................................................................

Modérateur : Vincent PERRAULT, Journaliste, LCI ...........................................................................

CONFÉRENCE : OCÉAN D’HISTOIRE .................................................................................................... 64

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Intervenants : ....................................................................................................................................

Laurent VIDAL , Historien à l’Université de La Rochelle ...................................................................

Philippe GOMEZ, Moulay Omar ALAOUI, Mehdi ALAOUI MDAGHRI, Mehdi ROUIZEM, Navigateurs ........................................................................................................................................

Modératrice : Nadia LAMARKBI, Journaliste ....................................................................................

CONFERENCE – D’UNE COP A L’AUTRE : « Des ponts entre les COP » .................................................. 70

Intervenants : ....................................................................................................................................

Saïd MOULINE, Directeur Général de l’ADEREE, Président de la Commission Energie, Climat et Economie verte et Responsable du Pôle Partenariat Public-Privé du Comité de Pilotage de la COP22 ................................................................................................................................................

Françoise GAILL, Océanographe, Présidente du Comité scientifique de la plateforme Océan & Climat.................................................................................................................................................

Nicolas IMBERT, Directeur exécutif de Green Cross France et Territoires) ......................................

Mohammed BENYAHIA, Directeur du Partenariat, de la Communication et de la Coopération au Ministère de l’Environnement ...........................................................................................................

Itahisa DENIZ GONZALEZ, Consultante pour la Commission Océanographique Intergouvernementale de l’UNESCO .................................................................................................

Modératrice : Brigitte BORNEMANN (Directrice de publication, www.energiesdelamer.eu) .........

SEANCE PLENIERE DE CLOTURE .......................................................................................................... 78

Intervenants : ....................................................................................................................................

Catherine CHABAUD, Déléguée à la Mer et au Littoral rattachée au Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer (France) ........................................................................ Anis MAGHRI, Représentant de l’UNICEF au Maroc ........................................................................ Philippe POINSOT, Représentant du PNUD au Maroc .................................................................... Mouâad JAMAI, Gouverneur de la Province d'El Jadida………………………………………………………………. Miloud LOUKILI, Professeur Université Mohammed V de Rabat .................................................... Sylvestre LOUIS, Président des Glénans .......................................................................................... Damien HEURTEBISE, Directeur de l'Institut Français d'El Jadida ....................................................

Modérateur : Mehdi ALAOUI MDAGHRI, Fondateur du Forum de la Mer .................................. 78

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MERCREDI 4 MAI / 18h30 -20H

SEANCE PLENIERE INAUGURALE « LE CLIMAT CHANGE. ET LA MER ? »

Intervenants :

Nadia ROUDIES, Secrétaire Générale du Ministère du Tourisme Alexis LE COUR GRANDMAISON, Ministre Conseiller et Chargé d’Affaires auprès de l’Ambassade de France au Maroc Rupert JOY, Chef de la Délégation de l'Union Européenne au Maroc Michael MILLWARD, Représentant résident de l'UNESCO au Maroc Mouâad JAMAI, Gouverneur de la Province d'El Jadida Yahia BOUGHALEB, Président de l'Université Chouaib Doukkali Gilles BŒUF, Conseiller scientifique pour les sciences de la vie et de la nature, du climat, de l’Océan auprès de Ségolène Royal, ancien Président du Museum d’Histoire Naturelle de Paris

Modérateur : Mehdi ALAOUI MDAGHRI, Fondateur du Forum de la Mer

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La quatrième édition du Forum de la Mer s’est ouverte le mercredi 4 mai 2016 à El Jadida. Sous un chapiteau spécialement installé pour l’occasion à l’Hôtel Pullman et devant une assemblée de plus de 300 personnes composée d’hommes et de femmes de la mer, d’étudiants, d’experts, de passionnés et de professionnels, Mehdi ALAOUI MDAGHRI, Fondateur du Forum de la Mer, a souhaité la bienvenue à chacun et introduit le thème de cette nouvelle édition : le changement.

« La thématique du Forum de la Mer cette année est la suivante ‘Le Climat change. Et la Mer ?’. Autrement dit, quand le climat change, que fait la Mer ? C’est cette question que vont se poser tous les intervenants et participants que nous aurons le plaisir de recevoir durant les prochains jours. Cette thématique du changement sera déclinée autour de différents sujets : changer nos modèles économiques, changer nos modes gouvernance, changer nos façons d’échanger, changer nos littoraux, mais surtout changer nos modes de pensée, et puis nous changer nous mêmes. Le Maroc accueillera la COP 22 en novembre prochain à Marrakech, une preuve que notre pays a cette réelle ambition de changer et se soucie de plus en plus des problématiques environnementales. J’en profite d’ailleurs pour préciser que le Forum de la Mer est l’un des premiers événements labellisé COP 22 ! Mais comme l’avait déjà souligné notre Ministre déléguée à l’Environnement Hakima EL HAÏTE, le Maroc n’a pas attendu la COP22 pour se préparer au défit du développement durable. Il y a une stratégie nationale qui a été mise en place, et de grands efforts qui ont été réalisés depuis Rio 1992. Il y a eu notamment ce discours de 2009 de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, où il a été question de la responsabilité de la protection de l'environnement qui doit incomber à chaque citoyen. Il y a depuis une réelle prise de conscience de la part des citoyens marocains. J’aime à répéter ce proverbe amérindien qui résume assez bien la situation ‘Notre planète n'est pas un don de nos parents mais un prêt de nos enfants.’ Nous sommes tous responsables de l’état dans laquelle nous laisserons la planète à nos enfants ! »

Après ces quelques mots d’introduction, le fondateur du Forum a tenu à remercier les participants ayant accepté l’invitation avant d’introduire la première intervenante de cette séance plénière inaugurale, Madame Nada ROUDIES, Secrétaire Générale du Ministère du Tourisme.

Le Ministère du Tourisme soutient les activités du Forum de la Mer depuis son origine, et Madame Roudies félicite le choix du thème de cette quatrième édition, autour duquel le Ministère souhaite voir la société civile et toutes les parties prenantes se mobiliser. A l’approche de la COP, le Forum de la Mer est un espace d’échange et de mobilisation important et il pourra apporter des recommandations pour les négociations de la Conférence de Marrakech. La Secrétaire Générale du Ministère du Tourisme souligne alors l’importance de la Mer en tant qu’espace essentiel pour le développement touristique du pays : tourisme balnéaire et tourisme de croisière sont autant d’activités qui permettent de générer des recettes et des revenus à la fois pour le Royaume mais aussi pour les populations locales. Le Maroc mise d’ailleurs fortement sur le tourisme dans sa stratégie de développement à travers notamment le Plan Azur. Nada Roudies présente rapidement ce Plan Azur dont l’objectif est de créer une série de structures hôtelières de qualité, respectant les principes de développement durable, afin d’attirer un nombre de touristes

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croissant et donc de générer grand nombre d’emplois.

« Nous nous fixons des objectifs ambitieux de préserver et de valoriser cet écosystème qu’est la Mer par un développement économique et touristique durable. Mais il est important pour répondre à ces objectifs de développement durable (ODD) d’avoir des outils de mesure. En matière de tourisme durable nous luttons pour avoir un simple indicateur du développement durable, et je pense que c’est important que nous puissions nous appuyer sur des outils un peu plus sectoriels pour avoir cette visibilité. »

Après les remerciements adressés à Madame Roudies, Mehdi AIaoui Mdaghri reprend la parole, en profitant pour lancer un appel au Ministère de l’Agriculture et des Pêches dont l’absence est cette année encore regrettée. Le fondateur du Forum donne ensuite la place à Rupert JOY, Chef de la Délégation de l'Union Européenne au Maroc.

Monsieur l’Ambassadeur commence par souligner la légitimité du Forum de la Mer, dont il suit les escales depuis 3 ans. Il rappelle en effet le rôle majeur des Mers et des Océans tant sur les plans économique, social et culturel, qu’environnemental. Il précise cependant que l’essentiel de la contribution de l’Océan est invisible par son rôle de régulateur naturel du climat, avant d’ajouter :

« Cela pour vous dire à quel point nous sommes dépendants de nos Mers et de nos Océans. Et personne n’est mieux placé pour comprendre les menaces qui pèsent sur les Océans, que les communautés et les représentants des Etats côtiers comme le Maroc. »

Rupert Joy continue son discours en mettant en avant les relations étroites qu’entretiennent l’Union Européenne et le Maroc depuis une quarantaine d’années, ayant donné naissance à des solutions durables d’intérêts communs. Il poursuit en rappelant qu’une volonté internationale est née le 22 avril 2015 à New York :

« Au niveau international, le 22 avril à New York est une étape historique : le monde a démontré sa volonté d’agir ensemble face au défit que représente le changement climatique avec la signature de l’Accord de Paris. Maintenant qu’une Commission mondiale a émergé, il faut la renforcer et mener à bien cette ratification et assurer la mise en place de cet accord. La concrétisation de ces efforts devra se faire au Maroc, en amont et durant la COP 22 de Marrakech, et je me réjouis de savoir que le Maroc a d’ores et déjà pris la décision d’organiser un événement particulier sur les Océans. La labellisation COP 22 du Forum de la Mer rend encore plus pertinentes et attendues les réflexions que vous allez mener ces jours prochains ici à El Jadida en perspective de la COP. »

Monsieur l’Ambassadeur précise ensuite que l’expérience Européenne a démontré qu’il était tout à fait possible de lier action climatique ambitieuse, protection des écosystème et croissance économique en citant pour exemple l’Union Européenne qui a réussi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 23% depuis 1990 et ce grâce au développement d’énergies renouvelables. Il conclut son intervention en mentionnant une nouvelle approche à laquelle le Maroc croit fortement : la croissance bleue.

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« La croissance bleue et la gouvernance des océans qu’elle nécessite passent par une balance basée sur la consommation et l’utilisation durable des Mers, des Océans et des ressources marines. »

Mehdi Alaoui Mdaghri reprend ensuite le micro pour parler des différents vecteurs qui existent pour transmettre les valeurs qui sont chères au Forum de la Mer comme le développement durable, tels le sport et la culture. Suite à cela, il convie Michael MILLWARD, Représentant résidant de l’UNESCO au Maroc à prendre la parole.

Après quelques salutations d’usage et avoir remercié l’auditoire pour l’accueil qui lui a été réservé, Michael Millward entame son intervention en soulignant que dans UNESCO, le S c’est la Science (Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture) et c’est ce point qu’il entend mettre en exergue. La science de l’Océan évolue : si par le passé elle était plutôt consacrée à la description des habitats marins et à la découverte des fonds inconnus, elle se consacre aujourd’hui à des sujets tels que le phénomène d’acidification des Océans, la pollution marine, l’impact des micro-plastiques, mais aussi la gouvernance des Océans. Autant de problématiques importantes sur lesquelles il faut travailler pour répondre aux changements climatiques.

« Une phase scientifique robuste est indispensable pour soutenir une politique durable. A l’UNESCO, nous travaillons beaucoup avec la communauté scientifique, avec la communauté politique et avec la société civile aussi, pour faire en sorte que les perspectives de l’Océan soient prises en compte dans tous les efforts d’atténuation du changement climatique, et dans les mécanismes d’adaptation. »

Michael Millward souligne notamment l’importance des programmes de recherche à long termes dans lesquels on se doit d’investir pour comprendre au mieux le rôle de l’Océan dans le climat et ainsi être en capacité de proposer des solutions précises.

Mehdi Alaoui Mdaghri remercie Monsieur le Représentant résidant de l’UNESCO au Maroc et souligne le rôle des sciences, au cœur même d’un événement comme le Forum de la Mer. Il donne alors la parole à Monsieur Alexis LE COUR GRANDMAISON, Ministre Conseiller et Chargé d’Affaires auprès de l’Ambassade de France au Maroc. La France est à l’honneur de cette édition pour symboliser la coopération entre les deux pays se succédant à la Présidence de la COP :

« Nous nous trouvons à mi-chemin entre deux COP. La COP 21 était une COP où beaucoup de grandes décisions ont été prises. On l’a vu récemment à New York, 170 pays ont ratifié l’accord de Paris et ses travaux. Il y aura également ce passage de témoin entre la France et le Maroc à l’occasion de la COP 22. En attendant, la France reste à la Présidence de la COP jusqu'au 7 novembre, c’est pour cela que j’ai souhaité que l’Ambassade de France soit représentée aujourd’hui pour l’ouverture de ce quatrième Forum de la Mer. »

Alexis Le Cour Grandmaison tient aussi à rappeler le rôle vital des Océans pour l’être humain, précisant qu’il est le poumon bleu aquatique à coté du poumon vert forestier de la Terre. Il tire la

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sonnette d’alarme suite au récent rapport du GIEC évoquant une montée des eaux de 1,20 mètre d’ici 2100, menaçant l’existence de nombreuses petites îles du Pacifiques. La surpêche, elle aussi, est une menace puisqu’elle entraine une diminution des ressources très importante pouvant aller jusqu’à menacer la subsistante d’un demi-milliard de personnes dans le monde d’ici 2050… Les dangers liés aux changements climatiques sont nombreux et sont effrayants, cependant une conscience collective est née à travers l’Accord de Paris, qui est un succès historique. monsieur Le Cour Grandmaison abordera quelques unes des pistes issues de cet Accord :

• En matière de financement, le fond vert pour le climat devrait être mis à contribution, etsoutenir des projets concrets préservant nos belles zones maritimes et les récifs de coraildes déchets.

• Le développement des énergies marines renouvelables constituera un volet majeur de latransition énergétique en cours dans un grand nombre de pays, à commencer par le Marocpour qui c’est une priorité nationale.

• Nous devons poursuivre nos efforts pour mieux comprendre les interactions entre Océanet climat, et le contexte de réchauffement. A ce titre la France et d’autres pays ontdemandé au GIEC un rapport spécial sur l’état de l’Océan. Cette demande vient d’êtreacceptée le 13 avril dernier.

Le Ministre Conseiller et Chargé d’Affaires auprès de l’Ambassade de France au Maroc conclura son intervention par ces quelques mots :

« Mesdames et messieurs, nous n’avons pas oublié le cri d’alarme lancé en 2002 par le président de la République, Jacques Chirac, à la tribune du quatrième Sommet de la Terre réuni par les Nations unies (ONU) à Johannesburg : ‘La maison brûle !’ La Mer est notre alliée dans la lutte contre le réchauffement climatique. A nous de la préserver en joignant nos efforts. »

Après avoir remercié l’Ambassade de France pour son soutien, Mehdi Alaoui Mdaghri profite de l’instant pour saluer quelques précieux partenaires du Forum de la Mer à commencer par l’Institut Français d’El Jadida avec lequel différentes activités culturelles sont organisées chaque année durant le Forum. L’OCP, Marsa Maroc, AXA Assurance Maroc, Coca-Cola, Azura Aquaculture, Casa Events & Animations, la CTM sont cités avant de remercier la Grande Région de Casablanca. Il est ensuite l’heure de passer la parole au Gouverneur d’El Jadida, Monsieur Mouaad JAMAÏ.

Monsieur Jamai commence par noter la crédibilité accordée au Forum de la Mer par sa labellisation COP 22. C’est aussi une lourde responsabilité tient-il à préciser : défendre la voix de l’Océan en attendant novembre 2016. Le Gouverneur invite d’ailleurs le Fondateur du Forum à militer à ses côtés pour ramener la partie COP 22 traitant de l’Océan dans la ville d’El Jadida ! Après cette parenthèse, il s’attardera sur quelques projets ambitieux de développement durable sur lesquels la ville travaille en collaboration notamment avec l’OCP qu’il qualifie de « locomotive régionale ». La grande station de dessalement de mer à Jorf Lasfar inaugurée récemment, le projet

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de station d’épuration propre, le projet de transformer une ancienne décharge de 50 hectares en plus grand jardin du Maroc, la mise en valeur de la lagune de Sidi Moussa, la création de 54 écoles écologique dans le monde rural… Autant d’axes importants dans lesquels El Jadida souhaite s’investir.

Mehdi Alaoui Mdaghri poursuivra en remerciant chaleureusement Monsieur le Gouverneur et la ville pour l’accueil qui est réservé au Forum de la Mer chaque année à El Jadida avant d’introduire le prochain intervenant venu parler des Sciences de la Mer.

L’Université Chouaib Doukkali, partenaire de la première heure du Forum de la Mer est représentée par son Président, Monsieur Yahia BOUGHALEB, invité à s’exprimer.

« Cette année, notre participation est d’un intérêt particulier, parce que le Forum de la Mer touche à une thématique à laquelle nous sommes très sensibles. En effet, les changements climatiques et leurs répercussions sur le littoral et la Mer sont des thématiques dans lesquelles nos enseignants chercheurs sont très engagés. Nous sommes d’autant plus sensibles que ce Forum intervient dans cette dynamique de développement durable voulue et lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Il vient entre deux événements importants pour l’avenir de la planète. La COP21 organisée à Paris en décembre 2015, et la COP22 qui sera tenue chez nous à Marrakech, en novembre prochain. »

Yahia Boughaleb explique que l’Université Chouaib Doukkali a toujours intégré dans sa stratégie la composante du développement durable, aussi bien dans ses actions de formation que dans les recherches scientifiques. De nouvelles filières ont été créées et d’autres ont été adaptées pour mieux répondre aux enjeux environnementaux actuels. A titre d’exemples le Président de l’Université cite la gestion et la valorisation des ressources naturelles, la gestion de l’eau et du territoire, les énergies renouvelables en tant que thématiques régulièrement abordées dans les cursus universitaires proposés. Monsieur Boughaleb met également en avant l’Université d’El Jadida en tant que Pôle d’excellence dans les sciences et techniques de la Mer, qui regroupe aujourd’hui plusieurs établissements et instituts de recherches nationaux, « Les travaux de nos structures de recherche dans les domaines de l’environnement donnent lieu régulièrement à des publications de haut niveau » précise-t-il.

L’intervention du Président de l’Université sera chaudement applaudie, en particulier par les nombreux étudiants de la Faculté présents pour assister aux débats du Forum de la Mer. Mehdi Alaoui Mdaghri conclura sur le thème de la recherche par « somewhere, something incredible is waiting to be known » (quelque part, quelque chose d’incroyable attend d’être connu).

Après avoir salué les étudiants présents dans l’auditoire, ceux de l’Université mais également ceux de l’ISEM (Institut Supérieur des Etudes Maritimes), le Fondateur du Forum de la Mer introduit le dernier intervenant, un scientifique éloquent à la curiosité et à l’engagement contagieux. Ancien Président du Museum d’Histoire Naturelle Français et actuel Conseiller Scientifique principal de Madame Ségolène ROYAL, Gilles BOEUF est un fidèle du Forum de la Mer dont il est Co-Président du Conseil Scientifique.

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Le biologiste était intervenu il y a deux ans pour parler de la biodiversité dans l’Océan, et de la Bio-inspiration l’an passé. Il revient cette année pour pousser toujours plus loin la réflexion et amener son public à se poser les bonnes questions tout en tentant de lui apporter des réponses. Il a la lourde tâche d’intervenir le dernier lors de cette séance plénière inaugurale, précisant avec humour que ses collègues ont déjà tout dit pour introduire ce quatrième Forum de la Mer. Intelligemment il rebondit sur les propos tenus par ses prédécesseurs introduisant un nouvel angle d’approche, celui du rôle des femmes dans le changement face aux enjeux climatiques :

« Les femmes sont les premières impactées par le changement climatique. Le coût payé par les femmes africaines à cause du changement climatique se compte en milliards d’heures de travail supplémentaires. Ce sont elles qui vont chercher l’eau, et l’eau est de plus en plus loin, et de plus en plus rare ! Ce sont elles qui travaillent la terre, ce sont elles aussi bien sûr qui jouent le rôle fondamental vis-à-vis de la famille, tout ceci est très important ! Voilà pourquoi le rôle des femmes est majeur sur ces questions là et surtout évidemment en Afrique, d’où l’importance du rôle des femmes ici lors de la COP 22 à venir. »

Suite à l’intervention passionnante de Gilles Boeuf, Mehdi Alaoui Mdaghri reprend place au pupitre pour remercier une dernière fois le public et les nombreux partenaires du Forum de la Mer. Le fondateur du Forum distribuera ensuite en mains propres le Livre Bleu (3e édition) à chacun des intervenants, concluant ainsi la première journée de cette quatrième édition du Forum de la Mer.

« C’est dans cette ouvrage que nous synthétisons les travaux et les recommandations du Forum de la Mer, car nous ne sommes pas là seulement pour parler, nous somme là pour faire des choses ensemble, pour prendre des décisions, proposer des solutions et avancer main dans la main pour une planète bleue et saine ! »

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Jeudi 5 mai / 9H30 – 11H

ATELIER – CHANGER NOS MODELES ECONOMIQUES : « Mieux coopérer pour préserver l’intérêt général »

Intervenants :

Francis VALLAT, Président du Réseau Européen des Clusters Maritimes Hassan AYAD, Directeur Général de Rimal et Président par intérim du Cluster maritime marocain Saad BELGHAZI, Professeur d’Economie et Consultant pour la Banque mondiale Frédéric LE MANACH, Directeur Scientifique de l’Association Bloom Clara RODRIGO, Chief Communications Officer and Head of Corporate Responsibility, AXA Mediterranean and Latin America region Amane FETHALLAH, Directrice Générale de l’Institut Supérieur des Etudes Maritimes

Modérateur : Khalid KARAOUI, Journaliste, France 24

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Sans tarder, dans une salle très concentrée et à l’écoute, Khalid KARAOUI prend les rennes du premier atelier de cette quatrième édition. Le modérateur introduit comme il se doit Francis VALLAT, Président du Réseau Européen des Clusters Maritimes, prêt à développer son sujet d’intervention : Dynamiser l’économie par la création, le développement, et la coordination de clusters maritimes nationaux.

Francis Vallat commence son intervention en tirant la sonnette d’alarme sur deux sujets dont il semble impossible de faire l’impasse. Egalement Président de l’Expédition 7e Continent, il tient à rappeler au public l’intervention l’année dernière, de l’Expédition qui était venu parler des problèmes du plastique dans le monde.

« Cela continu, c’est pire que jamais. 150 millions de tonnes de plastiques flottent dans les océans, 8,8 millions de tonnes sont rejetées chaque année ! Je vous invite à aller sur le site Expédition Septième Continent et à soutenir nos actions ! »

Son deuxième cri d’alarme est tout autre, il concerne le désastre humain en cours dans la Méditerranée et il glace l’audience de ce premier atelier :

« Je lance un appel pour le sauvetage de la noyade, dans des conditions parfois horribles, des réfugiés qui traversent la Méditerranée. Il y a une association qui s’appelle SOS Méditerranée et qui mène des opérations de sauvetage, je vous recommande d’aller sur leur site : sosmediterranee.org. C’est une jeune association, qui a pu affréter un bateau seulement depuis deux mois. Et en deux mois, il y a eu à peu près 1000 personnes sauvées ! SOS Méditerranée c’est un navire avec des médecins, des infirmières, des équipes de sauveteurs... c'est un travail très difficile à faire, merci de faire ce que vous pourrez, nous avons besoin de vous. »

Une fois ces fondamentaux posés, Francis Vallat introduit son sujet en indiquant que l’esprit du cluster est de préserver l’intérêt général maritime, c’est-à-dire chercher l’équilibre entre développement et durabilité : l’un n’étant pas supérieur à l’autre et l’un ne pouvant aller sans l’autre. Monsieur Vallat poursuit son développement en revenant sur les origines du Cluster Français :

« Le cluster maritime français a été créé il y a une dizaine d'années, en mars 2006 , par un certain nombre de responsables du monde maritime français désireux d'augmenter les solidarités. Il y avait trente sociétés à l'assemblée constituante de départ et elles étaient 106 au bout d'un an. Dix ans plus tard, 400 entités ont rejoint le cluster : société, fédérations, collectivités et ça je peux vous dire que ce n’est pas à cause de notre talent, mais parce que c’est un organisme qui est utile à toute la communauté maritime. Et comme le disait Victor HUGO, il n’y a rien de plus fort qu'une « idée dont le temps est » Je vais rappeler ici les facteurs clés de succès. D’abord, le Cluster est une initiative privée. Aucune autorité administrative ne peut être membre du Cluster. Ce qui ne nous empêche pas de collaborer ensemble : j’ai devant moi Madame CHABAUD, Déléguée à la Mer et au Littoral en France avec qui nous travaillons merveilleusement ! Les administrations

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comme la Marine , ou les établissements publics industriels et commerciaux qui sont partie intégrante de la vie économique peuvent bien sûr être membres du Cluster. Second principe très important, nous n’acceptons aucune subvention publique, le cluster doit vivre exclusivement des cotisations de ses membres et être libre. Enfin, il est impératif que toute la diversité maritime soit représentée, et pour cela il est primordial de faire un travail d’identification de l’économie maritime nationale. Cet inventaire est très laborieux mais il est absolument nécessaire pour mener des actions pertinentes et légitimes. »

Voilà que le public comprend mieux les origines, les actions et le mode de fonctionnement du Cluster Maritime. Francis Vallat précise que la feuille de route du Cluster est établie selon 3 axes : les relations publiques, la recherche de solidarité et un dialogue ferme avec les autorités et la politique administrative. L’intervenant ajoute également que le lobbying pour le monde de la Mer, pour la politique maritime, fait partie des missions du Cluster sans pour autant qu’ils soient perçus comme des « lobbyistes ». Et de citer de nombreuses initiatives concrètes entreprises par le Cluster depuis sa création : brochures, films, forums mais aussi des ateliers de travail qui ont rassemblé plus de 6000 participants en une dizaine d’années. Un fond d’investissement doté de plusieurs dizaines de millions d’Euro a même été créé en plein crise financière, parce que tous ensemble, précise-t-il, « on est plus forts » !

La réussite de la création du développement et de la coordination du Cluster Maritime Français a permis de créer 6 clusters maritimes outremer qui rassemblent près de 250 entreprises. Mais ce n’est pas tout, nous explique Francis Vallat :

« Nous avons créé en même temps que le Cluster Maritime Français, le Réseau des Clusters Maritimes Européens, que je préside aujourd’hui et qui regroupe 18 pays. On évolue rapidement vers un véritable Cluster des Clusters, on est devenu un interlocuteur privilégié de la Commission Européenne et de l’Intergroupe Mer au Parlement Européen, où nous intervenons quasiment chaque mois.»

Khalid Karaoui remercie le Président du Cluster maritime Européen et appel le prochain intervenant, Hassan AYAD, Directeur Général de Rimal et Président par intérim du Cluster maritime marocain, afin d’expliciter la valorisation durable des ressources de la Mer avec le cas du sable de dragage mais aussi pour éclairer le public sur le Cluster maritime marocain. Pour faire suite à l’exposé de monsieur Vallat, monsieur Ayad indique qu’il dira quelques mots sur le Cluster maritime marocain à l’issue de son intervention, et il entre dans le vif de son sujet :

« Il y a des ressources qui sont connues, des ressources qui sont en cours d’exploration et d’autres qui ne sont pas encore découvertes. Nous savons bien que la connaissance de ces ressources maritimes représente un enjeu économique et un défi technologique majeur. Parmi les ressources que nous connaissons il y a les granulas, notre sujet. En effet on trouve des granulas marins, tels que le sable et le gravier qui sont utilisés pour le bâtiment et les travaux publics. »

Hassan Ayad poursuit en expliquant au public que le sable est la troisième ressource la plus utilisée, après l’air et l’eau, et avant le pétrole. 70 milliards de dollars, c’est le volume d’échanges

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internationaux de sable par an. 15 milliards de tonnes de sable sont déplacées, utilisées, consommées chaque année dans le monde. Et monsieur Ayad de poursuivre en donnant quelques exemples concrets : 300 tonnes de sable pour construire une maison de taille moyenne, 3.000 tonnes pour un hôpital ou un lycée, et chaque kilomètre d’autoroute, consomme 20 000 tonnes de sable. Au Maroc la consommation de sable est passée dans les années 70 de 250.000 tonnes, à 320.000 tonnes en 2010. Le développement économique, et surtout le développement démographique font accroitre les besoins en sable.

Mais d’où vient le sable utilisé pour ces constructions ?

« Ce sable est issu de sources classiques, avec un processus industriel de concassage. Il est également parfois puisé directement dans les lits des oueds, dans les dunes littorales, et malheureusement aussi directement des plages, ce qui est une chose interdite. Aujourd’hui nous avons une solution innovante, à savoir le dragage du sable, une technique relativement nouvelle ici au Maroc. C’est une solution qui préserve l’environnement, parce que pour extraire le sable de dragage, il y a au préalable des études d’impacts sur l’environnement, faites par des spécialistes qui tiennent compte des aspects biologiques, écologiques, économiques, sociaux … et donc rappelons-le, des aspects indissociables et nécessaires pour parler d’un développement durable. Quant aux avantages socio-économiques, cette source de sable permet de créer des emplois et de générer des revenus aux collectivités locales. C’est pour toutes ces raisons que le sable de dragage est un acteur du développement durable et un allié de l’environnement ! »

Mais en quoi consiste l’opération de dragage ? Le dragage, répond le Directeur Général de RIMAL, c’est une opération qui consiste à extraire des matériaux du fond de la mer, notamment le granulat, soit dans le but d’approfondir un lieu ou encore pour valoriser ces matériaux afin de les utiliser dans la construction. Cette technique permet également de dépolluer et remettre à sa place le granulat extrait. L’opération se fait avec des navires spécialisés qui s’appellent les dragues.

Hassan Ayad conclut son intervention sur le Cluster maritime Marocain :

« Créé en 2012 le Cluster a pour objectif de promouvoir et de soutenir le secteur maritime. C’est un organisme autonome qui agit pour défendre le secteur maritime dans son ensemble. Son rôle est de coopérer avec l’administration et simplifier la tâche aux autorités qui pourront alors prendre des décisions plus rapidement et plus sereinement. Actuellement, dans le Cluster Maritime Marocain, on retrouve des entreprises et des associations qui ont une relation avec la mer ou qui sont maritimes. On retrouve également des universitaires, et des experts de la mer »

Le modérateur passe le relais à Saad BELGHAZI, professeur d’économie et consultant pour la Banque Mondiale prêt à développer son sujet sur le poids économique du littoral marocain : risques et évolution nécessaire des modèles économiques. L’intervenant, dans un premier temps partira d’un constat :

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« Le littoral attire des ressources, attire de la population, génère plus de richesse que les autres parties du territoire. Un effort est fait pour redéployer les ressources sur les autres zones, mais tant que le déploiement n’est pas suffisant, la pression sur le littoral reste très importante. Dans tout les cas, il s’agit de bien accompagner cette pression. Ainsi je voudrais aborder les questions qui concernent les risques qui pèsent sur ces territoires, qui sont notamment liés à la pression démographique. On occupe des écosystèmes, on les envahit, on les consomme et en même temps on sait que dans l’avenir, ces occupations de territoire nous exposent à des risques croissants qui sont liés au changement climatique. »

L’économiste évoquera ici les types de risques liés aux changements climatiques, à savoir : - Pour l’eau douce : baisse des nappes et hausse de la salinisation.- Pour l’eau de mer : acidification et baisse de la fécondité marine.

Quant aux risques d’inondations ils causent et causeront la perte de nombreux aménagement.

Si ce constat est alarmant, tout n’est pas sombre tient à ajouter Monsieur Belghazi. En effet, bon nombre d’efforts sont déployés pour endiguer les problèmes liés au littoral marocain.

« Il y a une loi sur le littoral, il y a une loi sur les déchets avec une mise en œuvre concrète, dans un programme qui est passée. Il y a des efforts pour aménager les plages, il y a une gestion du littoral avec un système de surveillance, il y a aussi des actions qui sont menés pour lutter contre la pollution dans les ports et pour se protéger de la pollution liée au transport maritime. »

Toutefois, pour mener à bien ces efforts de manière efficace, Saad Belghazi, qui conclura dessus son exposé, précise qu’il nécessaire de disposer de structures qui disposent de marges de manœuvres financières et qu’il primordiale d’activer les lois et les faire respecter.

Khalid Karaoui introduit Frédéric LE MANACH, Directeur Scientifique de l’Association BLOOM et lui pose les questions suivantes « faut-il changer notre modèle économique pour une pêche durable ? Et quel modèle économique doit-on adopter ?»

Sans hésitation, le Directeur Scientifique répond par l’affirmatif à la première question. En effet, l’association BLOOM, fondée en 2005 par Claire NOUVIAN, a pour objectif de protéger l’océan et les espèces marines tout en maximisant les emplois durables dans la pêche et l’aquaculture. Ainsi leurs priorités sont de mettre fin aux méthodes de pêche destructrices et à l’expansion de la pression de pêche dans le monde, de protéger le milieu marin et d’en préserver sa résilience tout en cherchant à favoriser la pêche artisanale utilisant des méthodes douces pour l’environnement et fortement génératrices d’emplois. Il souligne ainsi tout naturellement qu’il est évident que nous avons besoin de changer de modèle de gestion de pêche.

Frédéric Le Manach, explique alors à l’audience comment l’industrialisation de notre société a amené de nouvelles technologies, les moteurs de bateaux par exemple, qui ont permis d’aller pêcher beaucoup plus profondément, beaucoup plus loin…

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« Toutes ces nouvelles technologies ont provoqué une surcapacité de pêche et cette surcapacité a conduit à une surexploitation des ressources marines. Aujourd’hui, on a une expansion qui est complète, toutes les zones de notre planète sont exploitées par la pêche. Pourtant, même si on a une augmentation de l’effort de pêche, on observe depuis quelques années une diminution des captures mondiales de poissons. Les Nations-Unies, nous disent que 90% des stocks sont exploités au maximum, et que 30% de ces stocks sont surexploités. Donc oui il y a un problème de gestion des pêches actuellement ! Là où il y a un espoir c’est qu’il y a quand même beaucoup d’améliorations à travers le monde, en Amérique du nord, en Europe, en Océanie, en Afrique, on voit des stocks qui se reconstituent grâce notamment à des populations locales qui sont de plus en plus impliquées dans la préservation du milieu marin. Toutefois avec l’acidification de la Mer on observe des migrations de poissons et de plantes qui vont s’intensifier demain. Contrairement à nous, humains, un poisson ou une plante ne peut pas réguler sa température interne, elle suit donc les courants d’eaux qui ont une température optimale. Ça veut dire qu’au niveau de l’Equateur, les poissons qui sont habitués à des eaux chaudes, vont migrer vers les pôles progressivement, parce que les eaux de l’équateur vont devenir trop chaudes. Et l’ironie de l’histoire, ce sont les pays qui ont surexploité historiquement le plus les Océans qui vont récupérer les poissons des pays qui ont été le plus exploité et qui dépendent le plus des ressources marines pour leurs survie. »

L’acidification de la Mer n’entraine pas que des migrations de poissons ou de plantes, elle entraine aussi des problèmes de migrations humaines, de réfugiés climatiques dont les populations dépendent essentiellement de la Mer pour le commerce, la nourriture… Ces problèmes sont des facteurs sociaux-économiques dont il faut impérativement tenir compte aujourd’hui, autour de discussion entre les professionnels et la société civile. Cela permettra de faire émerger des options qui aideront à la définition d’un modèle de gestion durable que la société dans son ensemble désire, conclura l’intervenant.

Le modérateur appelle maintenant au pupitre Clara RODRIGO, Chief Communications Officer and Head of Corporate Responsibility, AXA Mediterranean and Latin America region. Madame Rodrigo parlera ici des partenariats public-privé pour le climat avec le rôle de l’assureur à travers l’exemple d’AXA.

Rapidement Clara Rodrigo explique au public comment la dégradation de notre environnement et les changements climatiques sont en train de modifier nos modèles économiques. Le secteur des assurances est très impacté par cette nouvelle donne. Depuis 1970, les coûts pour les assureurs des catastrophes naturelles ont été multiplié par 5,5. La moitié provient des tempêtes, un tiers des inondations, le reste provient de la sécheresse, des incendies. « Et malheureusement il n’y a pas vraiment de raisons que ça s’arrête », rappelle-t-elle. En tant que gestionnaires d’actifs, c’est également une nouvelle donne que nous devons intégrer lorsque nous analysons la valeur des investissements. Pour répondre à ces nouveaux défis, AXA travaille sur trois axes :

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• Le renforcement de la connaissance sur le risque : C’est une mission que l’assureur assumeà travers le Fond AXA qui a dédié 35 millions d’euros à la recherche sur les risquesclimatiques depuis deux ans, en soutenant diverses institutions de recherche dans lemonde.

• La prévention des risques climatiques :

«AXA développe des services de prévention, notamment pour les entreprises que nousassurons dans le monde pour mieux les préparer à faire face à ces risques climatiques mais aussi pour que l’impact financier qui pèse sur elle soit moindre. Sur ce point, je pense que les partenariats publiques-privé sont extrêmement importants, c’est quelque chose qui nous tiens vraiment à cœur. »

• L’adaptation des solutions d’assurance et d’investissement :

« AXA se développe fortement dans l’assurance d’activité de l’économie verte. Parexemple, l’assurance de la production d’énergie éolienne où encore l’assurance paramétrique. Sur ce dernier point, nous travaillons avec le programme de la Banque Mondiale qui vise à encourager l’utilisation de ce type de couverture par les agriculteurs des pays en voie de développement. Basé sur des données météorologiques, ces solutions d’assurance permettent de sécuriser les revenus des agriculteurs. Dès lors qu’une anomalie météorologique est constatée une indemnisation est enclenchée. »

Clara Rodrigo conclut, à l’appui de sa présentation projetée à l’écran, qu’AXA est bien décidé à s’engager dans une politique active d’investissements responsables. Un dernier exemple et non des moindres est mis en exergue : la décision de se désinvestir de tous les investissements, de tous les actifs, de tous les portefeuilles qui concernent les entreprises fortement impliquées ou exposées aux activités de charbon. Une décision qui représente 0.5 milliards d’euros, soit une décision significative. A contrario, AXA s’est fixé comme objectif de tripler ses investissements verts afin d’atteindre 3 milliards euros d’ici 2020. AXA a aussi signé le Montréal Carbone Pledge, qui engage à évaluer et à rendre public la valeur et l’impact environnemental de leur portefeuille.

Le modérateur remercie Madame Rodrigo et sans tarder passe la parole à Madame Amane FETHALLAH, Directrice Générale de l’Institut Supérieur des Etudes Maritimes, invitée à prendre la parole pour développer son sujet : Pour de nouvelles interactions entre le monde économique et la Recherche.

Premier point abordé : dans un monde où l’économie mondiale est commandée par les progrès de la science et des savoirs, l’enseignement supérieur constitue un facteur essentiel pour l’économie d’un pays ! La responsabilité qui incombe au système éducatif est donc énorme :

« Ce système doit être adapté et de qualité car c’est par lui que se dessinera notre avenir. Ce système éducatif doit accompagner les stratégies mais il doit aussi mieux prendre en compte les aspirations des jeunes et mieux les préparer aux besoins des entreprises, aux

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avancées technologiques et techniques et aux évolutions du marché de l’emploi. L’enseignement supérieur doit donc lui aussi changer. Changer tout en gardant une cohérence pédagogique d’ensemble où l’enseignement général permettrait l’accès à des études supérieures longues. L’enseignement technologique à des études supérieures courtes et l’enseignement professionnel à une insertion directe dans le monde du travail. L’innovation est un critère essentiel à considérer lorsqu’il est question de la qualité de l’enseignement. Ces innovations portent principalement sur les contenus, les outils mais aussi sur les approches pédagogiques qui sont en évolution continue. Des innovations qui devraient permettre de faire face aux différentes problématiques, notamment celles qui sont relatives à la massification, à l’orientation et au décrochage. »

Madame Fethallah, souligne que ces innovations technologiques et scientifiques font l’objet de débats nationaux et internationaux, elles sont prises en compte dans les nouvelles réglementations, dans les mesures d’encouragement, dans les comparaisons et les classements internationaux des établissements ainsi que dans les évaluations publiques. Par la même occasion, les établissements, en appliquant ces innovations, cherchent à améliorer leur attractivité : non seulement en attirant les meilleurs étudiants, mais aussi en séduisant des intervenants engagés et conscients des nouveaux challenges relever.

Selon Madame Fethallah, trois enjeux doivent aujourd’hui être considérés :

• Le premier enjeu, c’est celui des contenus et des approches pédagogiques :

Une grande partie des jeunes formés aujourd’hui n’exercent pas le même métier dans 15-20 ans. Les préparer à une adaptation professionnelle implique de leur transmettre une culture générale sur les réalités du monde, une ouverture et une volonté de s’inscrire dans un processus d’apprentissage continu.

« L’univers professionnel de demain c’est en effet un monde en mouvement : l’enseignement supérieur doit donner aux étudiants le bagage nécessaire pour en faire des acteurs en mesure d’accompagner les mouvements de la société. »

• Le deuxième enjeu, c’est celui de l’évolution de la mission de l’enseignant :

« Enseigner c’est aider à devenir, et au-delà de former et informer, c’est transformer etcontribuer à faire réussir les projets professionnels, c’est favoriser l’insertion et l’égalité des chances. C’est une grande responsabilité ! L’individualisme n’a plus sa place dans ce métier, et devra de plus en plus céder la place au travail collectif et au travail en réseau. Les réseaux des établissements d’enseignement supérieur permettent non seulement de mieux prendre en compte les besoins des filières sur le long terme mais ils contribuent à élargir les perspectives pour les étudiants. Et pour leur employabilité. C’est une garantie que le jeune a reçu une formation adaptée aux enjeux de la filière, avec des vues croisées et des moyens et outils partagés. »

• Le troisième levier, c’est celui de la gouvernance des établissements :

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Madame La Directrice explique qu’un établissement gagne en efficacité dans son rôle d’accompagnateur des stratégies sectorielles lorsque sa feuille de route est définie. Tout comme les entreprises, les établissements d’enseignement supérieur doivent réagir plus vite, réduire les frais au minimum, améliorer la coordination et changer d’orientation selon les conditions du marché et selon les tendances. Cette nouvelle gouvernance passe essentiellement par :

- Le respect de la mission et des valeurs de l’institution.- La mise en place d’une démarche participative.- Le suivi des budgets et la mise en place des contrôles appropriés afin de préserver la

santé financière à court et à long terme.- L’identification des objectifs à atteindre et les modalités d’évolution de la performance

de l’équipe dirigeante.

Amane Fethallah, conclura par une présentation de l’ISEM. Cet Institut existe depuis 1978 et aura formé près de 3500 lauréats, dont 10% d’étrangers, formés comme officiers de la marine marchande, lieutenants ou encore capitaines. Les étudiants africains de Madame FETHALLAH venus nombreux pour assister à l’atelier son salués chaleureusement et sont montrés comme un exemple de la formation continue proposé par l’ISEM en plus de la formation initiale.

Les intervenants tout au long de l’atelier auront mis en évidence l’importance de l’échange entres les différents acteurs de la société. Ces échanges qui autorisent indéniablement une meilleure coopération, permettant naturellement de préserver l’intérêt général.

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Jeudi 5 mai / 11H30 – 13H

ATELIER – CHANGER NOS FACONS D’ECHANGER « Mer et littoral : un fragile espace d’échange »

Intervenants :

Miloud LOUKILI (Professeur à la faculté de Droit de l’Université Mohammed V de Rabat) : « Echanges maritimes et enjeux pour la planète bleue » Mohamed RAMDAME (Directeur du Pôle Centre de Services partagés de SNTL): « Le secteur logistique face aux enjeux environnementaux » Fouad ZYADI (Directeur du Contrôle, de l'Evaluation Environnementale et des Affaires Juridiques) : « Le contrôle environnemental : des textes à la pratique »

Modérateur : Mustapha FAKHIR (Directeur de la publication, Maritime News)

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Mustapha FAKHIR, Directeur de la Publication Maritime News, se réjouit de modérer cet atelier intitulé « Changer nos façons d’échanger » : « parce que je crois qu’on est là au cœur de la problématique mais également de la solution. L’humanité gagnerait beaucoup à améliorer ses façons d’échanger. C’est un sujet philosophique mais surtout un sujet d’actualité qui nous interpelle tous. » Il cède alors la parole à l’éloquent Miloud LOUKILI, Professeur à la faculté de Droit de l’Université Mohammed V de Rabat, qui présentera les échanges maritimes et leurs enjeux pour la planète bleue.

Le professeur tient avant toute chose à saluer le public devant lui :

« Ce n’est pas sans une grande émotion que je prends la parole devant une assistance aussi variée et composée principalement d’amis, parce que l’homme de la Mer que je suis croit beaucoup en l’amitié ! Et parmi ces amis il y a mes étudiants. J’aimerais ici les saluer fraternellement, maritimement. Mon émotion est grande, également parce que celui qui modère est un ami et c’est aussi un de mes anciens étudiants. »

Le thème du changement est fondamental pour le Professeur. Pour appuyer son propos, il cite Jean Monnet, homme politique visionnaire qui fut à l’origine de l’idée de l’Union européenne : « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité, et ils ne voient la nécessité que dans la crise ».

« Aujourd’hui, nous nous réunissons parce que nous sommes très inquiets sur l’état de santé de l’Océan, qui est à la fois proche mais éloigné. Proche il l’est, il nous interpelle, il est là, vous entendez les bruissements de l’eau, le bruit des vagues. Mais il est loin parce que sur le plan scientifique, nous connaissons beaucoup plus de choses sur la lune que sur la Mer. »

Miloud Loukili rappelle alors la fonction matricielle de la Mer, créatrice de lien entre les peuples, les continents et les cultures. La Mer est au cœur, pour ne pas dire le cœur, de la mondialisation . Les flux impressionnant des transports maritimes sont bien sûr évoqués mais l’emblème technologique de la globalisation est cité en exemple :

« Si vous êtes présentes et présents aujourd’hui c’est parce que vous avez reçu une invitation, et cette invitation vous est certainement parvenue par internet. L’internet est maritime, s’il n’y avait pas la mer il n’y aurait pas d’internet. S’il n’y avait pas de câble sous-marin, il n’y aurait pas d’internet. C'est-à-dire que la mer est à la fois le passé, elle est le présent mais elle est aussi l’avenir. »

On constate une croissance vertigineuse sur le plan des transports, représentée par un phénomène récent mais en pleine expansion : la conteneurisation. Le Maroc est un bon exemple de ce phénomène, en particulier avec le Port de Tanger Med, qui devient aujourd’hui une véritable interconnexion continentale. Si la Mer est un symbole de cette croissance mondiale extraordinaire et

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des enjeux économiques associés, elle est aussi le symbole du risque. Les enjeux sont à la mesure sur le plan sécuritaire.

« Les ports sont des territoires de la mondialisation. Le port de Tanger Med a complètement reconfiguré la géopolitique de cette région. Il y a donc lieu de réfléchir sur les incidences écologiques, les incidences environnementales de l’installation d’un méga-port comme celui-là. »

Le Maroc, autrefois surnommé la presque-île arabe, est dépendant de la mer à pratiquement 100% de son commerce extérieur et ces risques doivent être pris extrêmement au sérieux. Une solution essentielle reste la sensibilisation des esprits et la formation des jeunes rappelle, pour conclure, le Professeur Loukili :

« Et bien j’aimerai ici dire que grâce au Forum de la Mer, et grâce aux efforts que nous avons déployés les uns et les autres dans le domaine de l’enseignement, mais aussi à travers les médias, on est en train de faire éclore une conscience écologique marine, on est en train de maritimiser les esprits !

Puisque nous sommes entre marins, c’est une sorte de bouteille à la mer que nous lançons ensemble aux autorités publiques et semi publiques, au secteur privé, au secteur associatif, au secteur académique, aux médias, aux jeunes, aux moins jeunes, à la femme, à l’homme : il faudrait absolument que nous nous comportions autrement avec cet élément qui est à la fois riche, très varié, qui nous pourvoit en ressources, qui sert pour nous de moyen de communication avec l’autre, mais qui est maintenant menacé, qui est en danger, qui est en crise.

Je termine simplement en disant que, s’il est vrai que le monde est en crise, l’humanité est en crise, le climat est en crise, la mer également elle souffre, il y a quand même des lueurs d’espoir. La formation des jeunes est une de ces lueurs. Paul Valéry disait ‘Un regard sur la mer, c’est un regard sur le possible’. Moi je crois au possible, et le possible se réalisera grâce aux jeunes, grâce à vous toutes et à vous tous »

Inspiré par l’éloquence du Professeur Loukili, Mustapha Fakhir annonce l’intervention suivante en invoquant Winston CHURCHILL, qui disait « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il nous prenne par la gorge. » Parmi les belles réussites de changement dans le domaine des échanges maritimes au Maroc, la Société Nationale du Transport et de la Logistique (SNTL) fait figure d’exemple. Le secteur logistique face aux enjeux environnementaux, voici le sujet qui sera développé par Monsieur Mohamed RAMDAME, Directeur du Pôle Centre de Services partagés de la SNTL.

Monsieur Ramdame replace les choses dans leur contexte. Aujourd’hui, rappelle-t-il, la logistique joue un rôle central dans notre vie de tous les jours. Elle assure le transport des produits et services entre producteurs et consommateurs pour satisfaire la demande et l’offre. Avec le développement économique et la mondialisation, la croissance du transport est exponentielle. Le rôle de la logistique est en train de se transformer. On est passé d’une ère où elle se limitait au transport et à l’entreposage à une nouvelle ère où elle devient un levier de compétitivité. Trente millions de tonnes sont transportées chaque année. Même si cette dynamique de croissance est fascinante, elle doit être raisonnée et les outils doivent être repensés car, rappelle le représentant de la SNTL, « chaque

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modèle a ses limites. » Face à ce challenge fait d’opportunité et de risques, la réponse adoptée par la SNTL est l’innovation.

« Quand je parle ici d’innovation, c’est l’innovation de la rupture. Arrêtons d’améliorer les choses : pensons différemment et faisons différemment. Aujourd’hui nous sommes devant un dilemme : celui de la compétitivité et la croissance versus la préservation de l’environnement. Comment gérer ce dilemme ? Et bien en se tournant vers le développement durable, en conciliant la compétitivité et l’environnement. C’est ce que nous allons appeler la logistique durable. Cette logistique durable ne peut pas fonctionner sans la contribution et la participation de tous les éléments de la chaine. »

Le premier levier que citera Monsieur Ramdame est la technologie : la transformation digitale est un élément clé de cette nouvelle logistique dite durable. Pour expliquer les enjeux, il convient de rappeler que la SNTL est un groupe de 5 sociétés interconnectées dont les cœurs de métier sont le transport logistique, la gestion de flotte, l’assurance et le développement des zones logistiques. Pour la partie transport, la flotte est constituée de plus de mille engins dont seuls 10% appartiennent en propre à la SNTL. Le reste aux prestataires. Tout l’enjeu est de maximiser le taux de remplissage des camions pour éviter la surconsommation de fioul.

« Nous avons un centre d’innovation qui s’appelle Tamayuz, où nous hébergeons une pépinière de start-ups qui travaillent sur des problématiques de transport et de logistique. Nous avons déjà mis en place une application qui est la bourse de fret et qui nous donne en temps réel la disponibilité de notre flotte et la demande des clients. Ce modèle, nous allons le généraliser au niveau de tout le Royaume d’ici la fin de l’année, cela va nous permettre d’optimiser et de mutualiser les flottes et de contribuer à maximiser le remplissage des camions. »

La logistique durable passe aussi par la formation. La SNTL a conçu un programme de formation à la conduite écologique sur simulateurs. Les chauffeurs sont formés au code de la route bien sûr, mais aussi à la sécurité et au respect de l’environnement. Cela marche tellement bien que des prestataires et d’autres sociétés viennent se former à la SNTL.

Ce volontarisme durable se traduit également par des actions environnementales. La mise en place de panneaux photovoltaïque d’une part :

« Nous avons financé une étude pour la mise en place de panneaux photovoltaïques sur les toits de nos entrepôts à Mohammedia. Cela va nous permettre d’alimenter nos ports frigorifiques et de contribuer à la baisse de la facture énergétique. Bien entendu c’est un projet qui va être dupliqué un peu partout au Maroc car nous avons d’autres sites dans d’autres régions. »

D’autre part, le recyclage. Monsieur Ramdame explique alors que la SNTL gère près de 130 000 véhicules avec un réseau de plus de mille garagistes.

« Ces garagistes aujourd’hui, ils polluent, ils gèrent des stocks de pièce détachées, ils gèrent des pneus déchiquetés… Nous avons donc mis en place une logistique pour pouvoir collecter tous ces produits recyclables : cela va des pneus, à l’huile de moteur. La logistique des produits recyclables est très délicate et très complexe pour la simple raison que les

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gens qui s’enrichissent grâce au recyclage ce ne sont pas les collecteurs ni les trieurs, ce sont les intermédiaires. Et aujourd’hui, on a mis en place un système de collecte pour pouvoir rétribuer et payer correctement les collecteurs et les trieurs pour leur travail. »

Le modérateur remercie l’intervenant pour cet exposé complet et félicite la SNTL pour le bel exemple qu’elle représente en tant qu’entreprise qui a su se transformer : « aujourd’hui la SNTL n’est pas uniquement une entreprise, c’est un écosystème. Je crois qu’on vient d’en avoir l’illustration : la SNTL pilote quelques 10 000 fournisseurs, 10 000 partenaires, elle gère de l’assurance au recyclage au retour à vide, c’est énorme. »

On le voit à travers le cas de la SNTL, c’est souvent de la contrainte que nait l’innovation. Et c’est une transition pertinente pour introduire le sujet de Fouad ZYADI, Directeur du Contrôle, de l'Evaluation Environnementale et des Affaires Juridiques : Le contrôle environnemental, des textes à la pratique.

Le contrôle environnemental est une mission de l’Etat, il s’agit d’une opération technico-juridique qui vise à vérifier le respect des dispositions des lois environnementales des normes et des exigences techniques prévues par lesdites lois. Le contrôle sert à l’application de la réglementation, il se traduit par des actions d’inspection, programmées ou inopinées, menées selon une démarche bien définie.

Monsieur Zyadi s’attachera à expliquer durant toute son intervention comment le Ministère procède pour passer de la théorie des textes à la pratique du contrôle. Tout d’abord, Fouad Zyadi expose la transversalité de la pratique et décrit comment le contrôle se fait par des groupes pluridisciplinaires, notamment en ce qui concerne la pollution de l’air, en ce qui concerne les déchets. De ce fait il est nécessaire de collaborer, d’échanger des informations et des pratiques.

Ensuite, il va présenter un certain nombre de préalables qui doivent être mis en place pour permettre d’opérationnaliser le contrôle :

- Un renforcement des capacités de contrôle : il y a un certain nombre de compétences que lecontrôleur doit rassembler pour pouvoir contrôler.

- Des outils de travail à disposition du contrôleur : on ne peut pas faire le contrôleenvironnemental sans des guides, sans des méthodes, sans des outils spécifiques.

- La mise en place d’un statut juridique pour le contrôleur : le contrôleur doit bénéficier d’unecarte d’assermentation, lui donnant autorité d’entrée dans une unité industrielle en vue d’uncontrôle.

Depuis la promulgation de la Loi Cadre portant Charte Nationale de l'Environnement et du Développement Durable, il existe une Police de l’Environnement. Cette police a le droit d’investiguer, de rechercher, de vérifier, d’appréhender toutes les infractions relatives à l’environnement mais également de renforcer les capacités des autres corps de contrôle, à savoir la Gendarmerie Royale qui a un rôle important au niveau des infractions environnementales, la Police de la forêt, la Police de l’eau.

Pour passer du texte juridique en pratique, le rapprochement avec les partenaires est indispensable : l’agent de la Gendarmerie, les autres Polices de contrôle mais aussi le Ministère de la justice.

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« Nous avons développé avec le ministère de la justice des actions de partenariat pour rendre fluide toute la procédure judiciaire pour que les PV élaborés par l’agent de contrôle puisse trouver leur chemin le plus rapidement possible. Nous sommes partis des textes avec des dispositions qui étaient presque d’ordre général vers la pratique. Cela nécessite l’implication de l’ensemble des acteurs, ce qui est très important, ça nous amène à échanger, à partager notre expérience, nos expertises, afin qu’on puisse mettre en place un travail efficace, car c’est un travail nouveau au Maroc »

Le gouvernement, qui ne communique pas spécialement sur les sanctions, a pourtant dressé sur trois ans plus de 80 000 procès-verbaux, un nombre conséquent compte-tenu de la récente mise en place de la loi, tient à souligner l’intervenant.

Fouad Zyadi conclura son intervention en abordant la loi sur le littoral :

« Après la promulgation de la loi, nous avons émis un décret sur les modalités de travail du Comité National du littoral et des commissions régionales pour l’élaboration des schémas régionaux du littoral. Je pense qu’aujourd’hui nous avons mis sur table un travail important, nous avons offert le cadre institutionnel qui nous permet de travailler au sein d’une gouvernance qui assure une meilleure gestion intégrée des zones côtières et nous pensons que l’ensemble des partenaires, l’ensemble des membres de ces comités là auront leur mot à dire pour élaborer un plan national et des schémas régionaux du littoral. »

Sur cette note optimiste, le modérateur saluera la richesse de l’atelier et la qualité des interventions et remerciera l’ensemble des intervenants pour leur participation et leur expertise. C’est le Professeur Loukili qui aura le mot de la fin :

« Je suis heureux de voir qu’il y a une réaction de la part de la salle à la suite de cette crise d’humeur du climat. Il s’est mis en colère mais il ne faut pas lui en vouloir parce qu’il est sous pression. Parce qu’il est victime d’une agression, notamment de la part de l’homme. Et c’est pourquoi la COP 22 est un événement planétaire qu’il faut saluer mais qu’il faudra bien entendu suivre avec toute l’attention qu’il mérite.

Alors, que faire ?

Hegel avait dit que « la plus grande innovation des temps moderne c’est la société civile. » J’ai toujours dit qu’individuellement nous sommes une goutte mais collectivement nous formons un océan. Il faut faire entendre la voix de la société civile, s’inscrire dans l’action des associations individuellement, nous pouvons faire du lobbying, nous pouvons faire de la pression sur les autorités qui vont se réunir à Marrakech. Il faut absolument faire éclore l’éco-citoyenneté ! »

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Jeudi 5 mai / 15H – 16H30

CONFERENCE – LE CLIMAT CHANGE. ET LA MER ? « La Mer, notre mémoire, notre avenir »

Intervenants : Patricia RICARD, Présidente de l’Institut Océanographique Paul Ricard André ABREU, Responsable Environnement et Climat de Tara Expédition Khalid MEHDI, Professeur, Directeur du laboratoire Géosciences Marines et Sciences du Sol à l’Université d’El Jadida Gilles BŒUF, Conseiller scientifique pour les sciences de la vie et de la nature, du climat, de l’Océan auprès de Ségolène Royal, ancien Président du Museum d’Histoire Naturelle de Paris Modératrice : Nadia LAMARKBI, Journaliste

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Mehdi Alaoui Mdaghri annonce un programme de conférences passionnant pour l’après-midi à venir. Il remercie Nadia LAMARKBI, habituée du Forum de la Mer, d’avoir accepté le rôle de modératrice pour cette première conférence du Forum sur le thème « Le Climat change et la Mer ? La Mer notre mémoire, notre avenir ». Madame Lamarkbi souligne son enthousiasme quant aux orateurs d’exception qui l’ont rejointe sur la scène.

La modératrice commence par présenter Madame Patricia RICARD, Présidente de l’Institut Océanographique Paul Ricard. L’institut Paul Ricard fête ses 50 ans cette année, sa vocation est de soutenir la recherche concrète et innovante sur la Mer et de rendre l’information accessible au plus grand nombre. Dans cette logique, l’intervention de sa Présidente a pour thématique « la Mer, un Océan de solutions. »

La COP 21 de Paris a permis de faire émerger une prise de conscience formidable sur les enjeux environnementaux liés à la Mer et le rôle de l’Océan dans le changement climatique. Le rapport à la Mer est en train de changer : développement des énergies marines renouvelables, de l’aquaculture… Malgré tout l’empreinte de l’activité humaine sur l’Océan est désastreuse :

« Vous prenez un cachet d’aspirine, il va finir à la Mer à un moment ou à un autre. Vous démarrez votre voiture, vous allez faire du CO2, ça va impacter la Mer. Il n’y a aucune activité humaine qui ne finisse pas à la Mer. Et c’est là où elle est à la fois notre mémoire et notre avenir mais elle en est surtout notre miroir. C’est-à-dire qu’elle est le reflet de toutes nos activités. […] On a réussi à changer sa température. Quand vous voyez le temps qu’il faut pour changer la température d’une baignoire, imaginez à quel point on a été puissants pour modifier quelque chose d’aussi constant. »

Les impacts négatifs des activités anthropiques sur l’Océan sont nombreux : pollutions (macro-déchets, bactérienne et chimique), acidification, hausse des températures de l’eau, variation du niveau de la mer, migration des espèces, destruction des habitats naturels, dégradation des écosystèmes… Face à ces problèmes, Patricia Ricard propose une chose : écouter la nature.

« La nature est là depuis 3 .8 milliards d’années. Nous, nous sommes arrivés il n’y a pas très longtemps, il faut absolument intégrer que la solution implique de remettre les équilibres naturels en place et qui mieux que la nature peut nous apprendre à faire ça ? »

Elle soumet alors quelques solutions, dont certaines inspirées directement de la nature :

• Développer une aquaculture innovante : « Dans les fermes aquacoles ce sont actuellement des poissons carnivores qui sont élevés. Il faut revenir à la raison et essayer d’avoir une

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aquaculture beaucoup plus innovante et élever des poissons herbivores. Sinon, si vous devez prendre 7 kilos de poissons sauvages pour faire un kilo de poisson d’élevage, ce n’est ni rentable, ni efficient. »

• Protéger et restaurer les habitats notamment les fonds côtiers et prévoir une restauration écologique des herbiers : « Si l’on veut continuer à avoir un océan vivant qui nous donne une respiration sur deux et qui nous permet d’atténuer le déséquilibre climatique, il faut que les habitats, les herbiers sous-marins, les prairies de posidonie soient en bonne santé »

• Avoir une approche écosystémique et une gestion intégrée du littoral : « On peut aussi essayer de voir nos territoires, nos modèles, nos villes, nos entreprises comme des écosystèmes. C’est à dire que mon déchet devient la ressource de quelqu’un d’autre et vice versa. Et ça, ça s’appelle la gestion intégrée. C’est à dire prendre en compte les besoins, les activités, les rejets et les ressources de chacun, et essayer de trouver un juste équilibre tout en préservant le milieu. ». Cela implique notamment de mettre en place des ouvrages biocompatibles pour faire face à l’élévation du niveau de la Mer, de préserver les zones humides et de les valoriser, des réutiliser les eaux usées et non de les renvoyer à la Mer, de développer toujours plus les énergies marines renouvelables tout en respectant le milieu naturel.

• Développer les aires marines protégées : « C’est quelque chose qui marche très bien. Le parc national de Port Cros en France dans le Var a été créé en 1953, il ne restait alors plus que 4 mérous. Il y a eu un comptage l’an passé, 750 mérous ont été recensés ! C’est-à-dire que la mer est résiliente : si on lui laisse le temps et l’espace, elle est capable de se restaurer. »

• L’éco-conception : « Imaginez un bateau de pêcheurs qui serait éco-conçu. Puisqu’il faut que tous les objets aient plusieurs vies, imaginez que ce bateau à la fin de sa première vie de prédateur, devienne un récif artificiel et devienne producteur. Imaginez que le pêcheur qui reste propriétaire de ce bateau, puisse continuer à percevoir un pourcentage sur les poissons que son bateau commence à créer, après les avoir exploités, il deviendrait fournisseur. Voilà, c’est une idée folle aujourd’hui mais toute révolution et toute évolution commencent toujours par une idée que l’on trouve initialement ridicule, puis dangereuse avant de devenir une évidence ! »

• Poursuivre la recherche et améliorer la façon de diffuser les connaissances : « Favoriser la recherche élargie, la recherche open-source et la diffusion des connaissances en étant très créatifs » recommande Patricia Ricard.

Madame Ricard en tant que Présidente de l’Institut Océanographique Paul Ricard a souhaité terminer son intervention en évoquant un sujet qui lui tient à cœur, le mécénat scientifique.

« Tout le monde trouve normal de faire du mécénat pour le patrimoine : vous avez un joli monument historique tout le monde admet qu’on doive dépenser du temps, de l’argent et de l’énergie pour le restaurer. Le problème c’est qu’aujourd’hui, si ce joli monument prend des orages, du vent, des tornades, il faut se demander s’il n’y a pas intérêt à favoriser le mécénat scientifique et technique pour atténuer ce qu’on fait subir à notre planète.

C’est ce nous faisons à l’Institut Océanographique Paul Ricard. Mon grand-père a créé cet Institut en 1956, nous allons donc fêter nos 50 ans. Pour lui c’était comme une

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fondation d’art sauf que les artistes sont les chercheurs. Et en quoi cela consiste ? Et bien comme les artistes ils ont un lieu, où ils peuvent abriter leurs laboratoires, des salaires afin qu’ils puissent travailler sans passer la journée à réfléchir à comment ils vont financer leurs recherches. Et puisque nous sommes très contents de ce qu’ils font, nous diffusons des revues, des films, des expositions nous diffusons leurs connaissances. Enfin, le plus important, c’est que depuis 50 ans, ils travaillent ensemble ! »

Patricia Ricard conclura son intervention avec les mots suivants invitant le public à s’intéresser de plus près à la recherche :

« Il y a des solutions, la recherche peut être une formidable aventure ! C’est aussi beau et intéressant que l’art et en plus, c’est utile ! »

Nadia Lamarkbi qui modère cette conférence souligne quelques termes forts employés par Patricia Ricard « justice environnementale et protection sociale », « open source et diffusion de connaissances », faisant ainsi le lien direct avec le prochain intervenant, Monsieur André ABREU, Responsable Environnement et Climat de Tara Expédition, venu présenter l’impact du changement climatique sur les Océans, vu du bateau.

André Abreu commence par présenter Tara, ce voilier – goélette de 36 mètres de long construit par Jean-Louis ETIENNE. Initialement conçu pour être un bateau polaire et partir en exploration à la dérive polaire entre 2006 et 2008, c’est un bateau taillé pour l’extrême, qui résiste à tout, précise Monsieur Abreu. Petit à petit, le bateau a été équipé pour devenir une station de recherche, du matériel scientifique y a été installé selon les besoins des différentes campagnes scientifiques menées. C’est aujourd’hui une station de recherche mobile en Mer, presque toujours sur les flots. Toute la recherche effectuée est publique : le CNRS, les institutions scientifiques françaises, mais également des scientifiques venus de tout le globe se retrouvent à bord.

« C’est un cas assez unique de plateforme mise à disposition des scientifiques : ils décident d’où l’on va, d’où l’on fait l’escale, d’où il est important d’aller étudier, selon les priorités du moment. »

Suite à cette introduction, André Abreu diffuse un petit film présentant en images le voilier Tara. Il entre ensuite dans le vif du sujet : l’Océan et le climat.

Il aborde dans un premier temps le sujet du plancton. Très peu connu pour les non spécialistes de la Mer, cet organisme joue pourtant un rôle majeur puisqu’il est à l’origine de l’apparition de la vie sur

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Terre, et produit aujourd’hui près de 50% de l’oxygène que nous respirons. Minuscule, il représente pourtant environ 95% de la biomasse vivant dans la Mer.

C’est donc naturellement que Tara Expédition a décidé de s’intéresser de plus près à cet organisme durant une étude autour du globe qui a duré 3 années. L’objectif est clair : comprendre comment le plancton va être impacté par les changements climatiques, et quelles en seront les conséquences. Durant 3 ans, ce sont 250 scientifiques qui ont travaillé ensemble sur les données collectées, créant ainsi la plus grande base de données jamais produite sur le vivant.

« Je ne vais pas tout vous expliquer dans le détail mais pour faire simple, il y a ce qu’on appelle le séquençage qui va jusqu’à l’ADN de chaque organisme qui va être corrélé avec tous les paramètres étudiés autour, c’est-à-dire la température, l’acidité, l’oxygène, la salinité et la localisation, la profondeur, quels courants, quelles latitudes etc. Toutes ces données ont généré un grand projet scientifique qui s’appelle Tara Océan, qui a fait ses premières publications dans la revue Sciences en mai 2015. […] Quand ça a commencé on ne savait pas si ce projet allait fonctionner, c’était vraiment très expérimental, mais ça a marché et aujourd’hui, il y a cette base de données, cette collection qui est en accès libre à toute la communauté scientifique afin que l’on puisse avancer et comprendre comment ce plancton et la Mer vont réagir à tous ces changements climatiques et aux impacts anthropiques. »

André Abreu l’annonce : après le plancton, ce sont les récifs coralliens qui seront la cible de la prochaine expédition de Tara. L’équipe scientifique mettra le cap fin mai 2016 vers le Pacifique pour étudier de plus près ces récifs coralliens fortement menacés par les dérèglements climatiques.

« Vous savez sans doute qu’il y a le phénomène climatique « El Niño » qui est très fort cette année. Ce réchauffement de surfaces du Pacifique a causé en un temps record un blanchissement corallien du Pacifique Sud. On est à peu près à 90% de coraux qui ont déjà blanchi à ce jour. C’est déjà le pire épisode de blanchissement dépassant celui de 1998 qui avait été terrible en termes de mortalité. C’est une réalité très dure que vivent ces espèces de nurseries que sont les coraux et donc il faut les étudier, il faut de la science, il faut produire de la connaissance. Je rebondis sur l’appel de Patricia RICARD : il faut pouvoir financer la recherche scientifique de base pour comprendre l’Océan en ce moment si important pour la planète que nous vivons. »

André ABREU termine sa présentation avec quelques mots en faveur de la Plateforme Océan et Climat, créée conjointement avec Catherine CHABAUD et Françoise GAILL, toutes deux également présentes sur cette quatrième édition du Forum de la Mer. Parrainée par la Ministre de l’Ecologie française, Ségolène ROYAL, et accompagnée par Gilles BŒUF, la Plateforme Océan et Climat a permis de faire entendre la voix des Océans à plusieurs reprises, et particulièrement pendant la COP 21,

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mobilisant régulièrement scientifiques, politiques, jeunes, et ONG autour de la question des Océans dans les problématiques climatiques.

« Nous espérons bien avec la plateforme Océan et Climat être à vos côtés et faire de notre mieux pour utiliser le maximum d’outils que l’on a produit pour la COP 21 (films, expositions, courts-métrages, fiches pédagogiques…) que nous pouvons partager avec vous pour la COP 22 et aider les marocains à mettre l’Océan au cœur de cette prochaine Conférence des Nations Unies sur le Climat. Merci ! »

Sur cette belle proposition de collaboration accueillie avec enthousiasme par le public, Nadia Lamarkbi convie le prochain intervenant, Monsieur Khalid MEHDI, Professeur et Directeur du laboratoire Géosciences Marines et Sciences du Sol à l’Université d’El Jadida, à venir présenter son unité de recherche.

Khalid Mehdi présente le plan de son intervention : dans un premier temps il exposera quelques données générales sur les océans et l’impact des changements climatiques (causes et effets) ; dans un second temps il présentera les travaux menés à la Faculté des Sciences d’El Jadida en termes de recherche.

Khalid Mehdi commence par exposer les trois vecteurs majeurs agissant sur cette variation du changement climatique :

• L’élévation du niveau marin : « Il y a un certain nombre d’éléments qui vont influer cette élévation, il faut donc observer et anticiper sur la base de prédictions, avec différents degrés de certitudes. Il y a des vecteurs d’extension thermique qui vont impacter la fonte des glaciers et des calottes polaires en Antarctique et en Arctique ainsi que des mouvements de courants et des mouvements tectoniques qui vont également jouer dans ces variations climatiques. »

• La température : « Ces variations ne datent pas d’hier : lorsque l’on étudie les variations climatiques à l’échelle de la Terre, on a ce qu’on appelle des périodes glacières et des périodes inter-glacières. Les périodes inter-glacières sont les périodes où le climat devient sec et aride et les périodes glacières sont celles où il gèle. Ces variations de température datent de plusieurs milliers d’années. Pour prévoir ce qu’il va se passer au cours des prochains siècles, il faut faire des simulations afin d’anticiper et d’éviter un certain nombre de catastrophes. »

• L’acidification : « Il y a une grande variabilité géographique dans les niveaux de pH, mais les modèles prévoient une variation de 8.16 en 1850 à 7.83 (variation de 0.33) en 2100. Cela a un impact important sur toutes les espèces marines. »

D’autres paramètres influent également sur le climat, précise Monsieur Mehdi : l’augmentation de l’intensité des phénomènes météorologiques, la submergence, l’inondation et l’érosion des zones

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côtières, l’apport en eau douce, l’expansion de la couche d’oxygène minimale et la modification océanographique des courants, le développement socio-économique, les apports en nutriments qui viennent du continent, l’hypoxie par rapport au manque d’oxygène dans les océans, et la liste est encore longue !

La Faculté des Sciences d’El Jadida s’est penchée sur les écosystèmes côtiers et les problèmes touchant la Mer et se répercutant jusqu’à la côte, notamment le phénomène de variation du niveau marin entrainant de forts risques de submersions marines.

Un certain nombre de missions sur la plateforme continentale ont été réalisées, notamment en partenariat avec l’Université française de Brest, afin de comprendre ce qui se passe dans les fonds marins : établissement de courbes, prélèvements de carotte en vue d’analyses, reconstitutions paléographiques…

« Faire des datations grâce aux prélèvements de carottes permet de voir l’évolution verticale, de comprendre ce qui s’est passé, d’établir des reconstitutions climatiques et donc de répondre aux phénomènes climatologiques actuels et d’anticiper les évolutions à venir. »

Pour conclure son intervention, Khalid Mehdi fait part au public de son profond désir de voir naître à El Jadida un Observatoire de la Mer :

« Pour réaliser des études et mener à bien nos travaux de recherches, nous manquons actuellement de données. Ce manque de données pourrait être comblé dans la cadre d’une coopération plus approfondie entre les acteurs de la recherche, notamment avec la mise en place d’un Observatoire de la Mer. Cet observatoire permettrait de produire la connaissance scientifique et de réaliser un suivi environnemental, il pourrait jouer le rôle d’interface entre les usagers institutionnels et professionnels du littoral, et faire le suivi des changements globaux sur les écosystèmes. Ce serait un lieu d’échange scientifique, socio-économique et culturel autour de la Mer et du littoral. »

C’est ensuite au tour de Gilles BOEUF, Conseiller Scientifique pour les Sciences de la Vie et de la Nature, du Climat, de l’Océan auprès de Ségolène Royal et ancien Président du Museum d’Histoire Naturelle de Paris de prendre la parole autour d’une question : Le Climat change. Et la biodiversité ? .

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Le passionnant scientifique se lance dans un récit épique sur l’histoire de l’Océan et son origine probablement extraterrestre, il y a quelques 4 milliards d’années. Gilles Boeuf souligne alors les trois caractéristiques principales de l’Océan : salinité, stabilité et connectivité.

« Je vois Océans avec un « s » et bien non ! Il n’y a qu’un seul Océan sur la Terre et c’est le même partout. Quand je suis à 400 mètres de fond, que ce soit en plein Océan Indien, Pacifique ou Atlantique, j’ai 11 milli moles de potassium, 550 milli moles de chlorure et 450 milli moles de sodium. Il y a UN Océan, toute une série de Mers mais c’est l’Humain qui y a mis des barrières. »

Toutes les cellules vivantes, quelles qu’elles soient, sont faites d’eau liquide, précise le scientifique. Il affiche à l’écran la composition de l’Océan, qui est la même depuis plusieurs dizaines de millions d’années, avant d’ajouter :

« L’Océan ne bouge pas, voilà pourquoi aujourd’hui nous sommes extrêmement inquiets. Pourquoi ?! Quand un élément qui n’a jamais été habitué à changer se met à changer, c’est qu’il y a quelque chose qui ne se passe pas très bien ! Quand on est sur le bord de la plage, avec la marée qui va et vient : aujourd’hui une huitre encaisse des différences incroyables d’acidité, de température, de salinité, et elle sait faire ça. Mais les bêtes des grands fonds marins et celles qui restent au large, elles ne savent pas s’adapter… C’est en ça que ce changement peut avoir des conséquences extrêmement importantes. »

Gilles Boeuf soulève ensuite une question importante : qu’en est-il de l’éthique ?

« Pourquoi ai-je eu le droit, moi, de connaître le dauphin du Yang-Tsé-Kiang ? Mes petites filles n’auront pas cette chance ! Le dernier s’est éteint en 2007, il n’en existe plus aucun aujourd’hui, mais tout le monde s’en moque « Un dauphin de Chine, qu’est-ce que l’on en a à faire ? ». Le problème c’est qu’il est le premier d’une longue liste qui risque de s’allonger. »

Une autre caractéristique majeure de l’Océan que le scientifique souhaite aborder : il est indestructible. On peut détruire le littoral, on peut polluer l’Océan, le souiller, le surexploiter, mais quoiqu’il arrive l’Océan restera. Gilles Boeuf cite parmi les 7 plaies écologiques actuelles, le réchauffement climatique comme étant la seule qu’il est impossible d’empêcher. Il précise pour terminer son discours :

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« Deux degrés pour nous, les scientifiques, c’est trop ! A deux degrés de plus, on aura perdu le corail…

Le climat a toujours changé, on l’a vu sur la remontée du niveau de la Mer que Khalid MEHDI abordait tout à l’heure. Cette température qui change va entrainer la migration de certaines espèces. Et quel est le meilleur révélateur d’un climat qui change ? C’est la vie ! Ce sont les animaux, les arbres, les microorganismes qui se baladent autour de nous.

Il y a quelques temps j’ai lu dans le journal « Guerre du maquereau ». L’article stipulait que l’Islande péchait le maquereau breton. Il n’y a jamais eu de maquereau en Islande, mais aujourd’hui il se déplace ! Autre exemple, il y a quelques temps je reçois un appel dans le train « Professeur : catastrophe, un ours polaire vient de manger deux dauphins ! », et bien cela ne s’était jamais produit auparavant tout simplement parce que ces deux espèces ne s’étaient jamais rencontrées ! On peut estimer qu’aujourd’hui les espèces marines parcourent 10 km vers le Nord dans l’hémisphère Nord tous les 10 ans. Et dans l’hémisphère Sud c’est l’inverse.

Tout cela pour dire que l’on ne peut plus empêcher le réchauffement climatique mais que c’est à nous d’en limiter les effets.

Depuis 20 000 ans, la température s’est réchauffée de 4 degrés : il y a 20 000 ans, partout sur la Terre, la Mer était située 125 mètres plus bas. Croyez-moi qu’aujourd’hui pour les personnes qui sont en bord de cote, entre 1 et 2 mètres, la différence est considérable.

Nous, les scientifiques, nous ne sommes pas là pour vous faire peur mais que vous preniez conscience qu’il est temps pour l’Homme d’arrêter nos bêtises, de commencer à travailler différemment et se préparer intelligemment à ce changement climatique. »

La séance se terminera par quelques mots de la part de Nadia Lamarkbi, remerciant Patricia Ricard, André Abreu, Khalid Mehdi et Gilles Boeuf pour leurs interventions passionnantes, avant de s’adresser au public en ces termes :

« Quelque part, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas et particulièrement après ces exposés, la prise de conscience devient vraiment plus qu’urgente ! Vous qui êtes encore peut-être à l’école ou qui avez peut-être encore un peu de champ pour faire le monde de demain, j’espère que ce que vous avez entendu aujourd’hui restera dans vos mémoires et que vous prendrez soin de l’environnement pour nos enfants. »

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JEUDI 5 MAI / 17H – 18H30

CONFERENCE – CHANGER NOS MODES DE PENSEES « Des raisons d’espérer ? »

Intervenants : Gilles BŒUF, Conseiller scientifique pour les sciences de la vie et de la nature, du climat, de l’Océan auprès de Ségolène Royal, ancien Président du Museum d’Histoire Naturelle de Paris Pierre CAYE, Philosophe, Directeur de recherche au CNRS Guillaume DURIN, Chercheur et formateur associé au Centre de Documentation et de Recherches sur les Alternatives Sociales Ismaïl OUAZZANI, Elève de quatrième au Lycée Louis Massignon Modérateur : Serge ORRU, Conseiller à la Mairie de Paris

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Ouverture d’une belle conférence par un mot du fondateur du Forum de la Mer, Mehdi Alaoui Mdaghri, heureux d’accueillir un public si nombreux à cette rencontre animée par un fervent écologiste, Monsieur Serge ORRU. Mehdi Alaoui Mdaghri, avant de passer la parole au modérateur de la séance, souligne tout en s’adressant au public et en réponse au sujet de cette conférence : « Votre présence est une excellente raison d’espérer que le Forum de la Mer va perdurer et que l’on aura une démarche durable ensemble ! »

Serge Orru, actuel Conseiller à la Mairie de Paris, introduit le thème des interventions à venir en déclarant :

« Nous ne sommes pas venus sur terre pour plastifier la Mer, pour déforester les poumons forestiers de la planète. Nous ne sommes pas nés pour acidifier l’océan et vider la Mer de ses ressources halieutiques, et rendre toxiques nos sols et nos eaux. Une conscience est en train de se construire autour de l’habitabilité de la planète. Est-ce que notre planète sera habitable pas seulement pour les générations futures mais aussi pour nous-mêmes dès maintenant ? Des raisons d’espérer ? OUI. Car vivre c’est résister, militer, s’engager. Agissons pour rendre l‘impact de l’économie positif sur l’avenir proche et lointain. »

Après ces quelques mots d’introduction plein d’espoir largement applaudis par l’auditoire, Serge Orru cèdera la place à Gilles Boeuf dont l’intervention cette fois-ci plutôt philosophique portera sur la capacité de l’Homme à s’adapter à lui-même.

Le biologiste commence par expliquer en quoi l’Homme et la biodiversité ne font qu’un, l’Homme vivant dans la biodiversité. Il cite comme exemple celui des acariens qui sont 1,5 millions à se réveiller dans nos lits chaque matin.

« Finalement l’humain est dans la biodiversité qu’il le veuille ou non. Il y a plus de bactéries dans l’humain que de cellules humaines. Donc il n’y a pas l’humain ET la biodiversité, nous sommes dedans. Par conséquent, à chaque fois que l’on agresse la biodiversité, on s’agresse soi-même. »

Gilles Boeuf nous rappelle qu’à l’origine l’Homme est un animal comme les autres et que ce sont les avancées technologiques qui l’ont fait passé de l’état animal à l’humain qu’il est aujourd’hui, notamment grâce à sa première découverte : le feu. Puis la roue, les métaux, les routes, les moulins, la poudre noire… autant d’inventions qui ont révolutionné la façon dont l’Homme vit aujourd’hui. De ces innovations ont découlé de nombreux changements impactant la biodiversité et l’environnement. C’est l’intervention de l’Homme qui est responsable de la situation actuelle. Le

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scientifique a à cœur de rappeler que l’humain dépend pourtant de la nature et nous invite en tant qu’être humain à reconnaître nos limites et faire preuve de modestie :

« Si l’on a inventé les avions, c’est grâce aux oiseaux que l’on voyait voler. C’est mon combat aujourd’hui : un peu plus d’humilité ! »

Le fait que l’humain soit profondément impliqué dans la nature est une raison d’espérer selon Gilles Bœuf. On ne peut certes plus empêcher le changement climatique, mais l’on peut encore tout faire pour en limiter les dégâts : ne plus accepter qu’un seul m2 de forêt tropicale ne soit rasé, arrêter la surpêche qui détruit le phytoplancton pourtant premier régulateur du climat…

Le biologiste amènera pour conclure la question de la valeur de la biodiversité :

« Pourquoi ne sauvons-nous pas la biodiversité ? Parce qu’on ne sait pas lui donner une valeur. Séparons ce qui est une valeur d’un coût et d’un prix. Je vous ai mis à l’écran un tableau de Cayne actuellement exposé au Métropolitain Museum de New York. Son prix : 53 millions de dollars. Cayne a pris une toile, il l’a peinte en bleu, le tableau est fabuleusement cher parce que c’est Cayne qui l’a produit ! A côté, je vous parle de votre vieux nounours que vous aviez quand vous étiez petit. Le tableau vous vous en moquez, vous n’allez pas l’acheter ! Mais votre nounours, qui ne vaut rien pour l’ensemble de l’humanité, à pour vous une valeur incalculable ! »

Il est difficile d’attribuer un prix à la biodiversité puisqu’elle ne s’échange pas en tant que telle sur un marché, les individus tendent donc à agir comme si elle n’avait pas de valeur. Gilles Boeuf déclare qu’en l’absence de tout indicateur de valeur, la biodiversité ne sera pas prise en compte dans les calculs des agents économiques, on risque alors une mauvaise allocation de ces ressources...

Après cette intervention passionnante et passionnée du scientifique Gilles Boeuf, Serge Orru invite le prochain intervenant Pierre CAYE, Philosophe et Directeur de Recherche au CNRS, à prendre à son tour la parole pour une intervention tout en philosophie « Construire le temps du développement ».

Pierre Caye s’intéressera tout au long de son discours à la notion de temps, particulièrement à la notion de « durable » que l’on associe aujourd’hui de plus en plus à celle de « développement ».

« Depuis 30 ans, depuis que la notion de développement durable est à l'agenda des Nations Unies et de la communauté internationale, le système productif s'est intensifié sans que diminue, bien au contraire, son impact destructeur sur l'environnement. De fait,

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le développement durable restera de l'ordre du vœu pieux, du slogan, tant que l'on ne prendra pas au sérieux ce que signifie durable dans l'expression de développement durable : la durée ne va pas de soi, elle n'est pas simplement la conséquence d'un développement plus respectueux de l'environnement. Il n'y a pas de développement durable sans que les hommes fassent preuve eux-mêmes d'un certain sens de la durée. Or, les sociétés contemporaines ne vont pas du tout vers cela, elles souffrent sur ce point d'une grave contradiction pour ne pas dire de schizophrénie : depuis 30 ans on parle en permanence de développement durable et en même temps l'essentiel de nos pratiques à la fois économiques, politiques et techniques sont de plus en plus court-termistes. »

Le philosophe enchainera avec le raisonnement suivant :

« Pour moi, changer nos modes de pensée, c'est donc penser la production et le développement non plus à partir de pratiques court-termistes, mais à partir du sens du temps et de la construction de la durée, en sachant que notre rapport au temps détermine notre rapport au monde et par conséquent détermine aussi la nature et le sens de notre développement. »

Il continuera par développer la façon dont on construit le temps, citant notamment les philosophes Sénèque et Cicéron avant d’expliquer l’importance de s’installer dans le temps et d’en prendre la mesure car « seul le temps nous appartient ». Pierre Caye conclura son intervention de la façon suivante :

« Pas de développement durable sans transformation du système productif, et pas de transformation du système productif sans une modification profonde de notre rapport au temps. »

Place ensuite à la jeunesse qui a elle aussi sa vision quant à l’avenir. Ismaïl OUAZZANI, jeune élève de 14 ans au Lycée Massignon de Casablanca va tenir un discours plein d’espoir sur le futur de l’Homme sur cette planète qu’il intitulera « Oui ! » en réponse à la thématique de cette conférence « Changer nos modes de pensée : des raisons d’espérer ? ». Après s’être présenté, il commencera par lister les huit raisons d’espérer un avenir meilleur avant de développer rapidement chacune d’entre elle.

• La communication : les outils de communication sont aujourd’hui nombreux, et permettent une communication rapide et efficace. Avec l’arrivée des réseaux sociaux notamment, il est désormais très simple de diffuser des messages avec une large audience, comme lancer des messages d’alerte quant à l’état dans laquelle se trouve notre planète. Nous pouvons également trouver des réponses à nos questions concernant l’environnement en quelques clics !

• La prise de conscience globale : que ce soit chez les individus ou au sein des entreprises, on constate une sincère prise de conscience de l’urgence d’agir pour notre planète. Depuis plusieurs années la notion de développement durable se répand et s’installe. De nombreux

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événements voient le jour pour sensibiliser les citoyens à l’urgence de sauver la planète comme le Forum de la Mer, le Morocco Solar Festival, la COP 22…

• Les lois : de nouvelles lois apparaissent et avec elles de nouvelles pénalités autour de la pollution et du rejet des déchets, c’est un signe que les Etats veulent faire eux aussi avancer les choses. Par exemple au Maroc les sacs plastiques seront bientôt interdits à la production et à la distribution !

• L’état des énergies : les énergies fossiles comme le gaz ou le pétrole commencent à s’épuiser, nous allons êtres forcés de nous tourner vers des énergies vertes !

• La technologie : la technologie fait avancer rapidement le développement des énergies renouvelables. Sa production est de plus en plus importante, et de nouvelles énergies font leur apparition comme la biomasse et les énergies marines.

• Le hasard : et si le hasard faisait bien les choses ? On peut toujours espérer un miracle qui fasse que la planète s’auto-guérisse ou qu’une découverte révolutionnaire vienne stopper net le réchauffement climatique…

• Les emplois : de nouveaux emplois sont créés autour du développement durable, preuve que les individus ont cette volonté de s’impliquer à faire changer les choses : agriculteur biologique, inspecteur des installations classées, animateur nature, ingénieur des énergies renouvelables, biotechnologue, biochimiste…

• La jeunesse : les jeunes sont l’avenir de la planète, ils ont conscience du danger qui pèse sur l’environnement et ils ont l’envie d’agir et s’en donnent les moyens !

Sous un tonnerre d’applaudissements d’un public ravi de voir la jeunesse si positive et enthousiaste quant à l’avenir, Ismaïl salue le public rendant ainsi le micro au modérateur, Serge ORRU. Après avoir félicité le plus jeune des intervenants de cette quatrième édition du Forum de la Mer, l’écologiste Serge Orru a tenu à parler d’un sujet qui lui tient à cœur : la pollution par le plastique. En tant qu’écologiste engagé, il s’est attaqué dès la fin des années 1990 à l’icône de la société de consommation : le plastique jetable.

« Le Bic jetable, le briquet jetable, la bouteille jetable… cette société jetable il faut y mettre un terme et il faut éco-concevoir notre vie ensemble. […]

On doit passer à une industrie, une économie du moindre impact sur l’environnement. Il ne s’agit pas simplement d’inventer cette économie, mais c’est aussi une aide à l’emploi. L’éco-conception crée de l’emploi. Tous les pays souffrent de ce manque et je crois que l’éco-conception est l’une des solutions pour enrayer cette spirale infernale du jetable. On a tourné autour du pot de notre débat mais le problème de la finance, il faut l’évoquer. Je suis un écologiste qui adore le monde de l’industrie et des entreprises. Mais il faut produire de la richesse sans détruire le vivant et pour la répartir équitablement. C’est de l’écologie ça non ? »

Laissant cette question en suspens, invitant le public à y réfléchir personnellement, Serge ORRU va ensuite céder sa place au prochain et dernier intervenant de cette conférence : Guillaume DURIN, Chercheur et formateur associé au Centre de Documentation et de Recherches sur les Alternatives

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Sociales qui a souhaité abordé le sujet suivant « Comprendre et agir face au changement climatique : saisir l'interaction, penser la complexité et vivre le pluralisme ».

« Comme toute crise, la crise climatique est révélatrice. Elle entremêle des défis d’une variété et d’une ampleur considérables. Afin de comprendre et de surmonter ces défis, il faudra probablement modifier notre façon de concevoir notre relation au monde et notre humanité. La perturbation des équilibres que pourrait provoquer l’augmentation, en un siècle, des températures mondiales de deux à quatre degrés, aura des conséquences impossibles à circonscrire. L’impact sur les territoires et les pratiques de vie se fait d’ores et déjà sentir. Malgré les rapports scientifiques, les conférences internationales et les mises en garde des grands acteurs de la préservation de l’environnement, les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent d’alimenter le dérèglement planétaire. Le discours politique ou le propos savant bâtis sur le mode de l’alarme et de l’injonction n’ont pas, ou peu, de résultats. Les stratégies d’action publique apparaissent à elles seules incapables de faire face à l’ampleur de l’enjeu. »

S’en suivent une série de questions rhétoriques afin d’amener le public à s’interroger : Pourquoi une telle inertie ? Manquons-nous encore de données suffisamment parlantes ? Faudra-t-il attendre des dérèglements plus graves et les premiers grands déplacements humains pour qu’une action énergique se mette en place ? Ne seront-ils pas accompagnés par des tempêtes d’incompréhension et de peur collective ? Après plus d’une décennie d’alertes, un nombre suffisant de citoyens et de territoires locaux se sentent-ils en capacité et en droit de débattre et d’agir ?

A ces questions Guillaume Durin répond qu’il est nécessaire d’adopter une stratégie qui passe par le développement d’un plan d’actions commun, d’un système d’évaluation partagé, d’une communication permanente et d’une structure de soutien tout en respectant la diversité constitutive de ceux qui sont susceptibles d’être impliqués, des enjeux qu’ils perçoivent et des situations auxquelles ils font face. Il explique ainsi que cette stratégie a pour mission d’aider à coordonner les efforts progressivement convergents et de multiplier l’impact d’acteurs dont les activités peuvent être géographiquement isolées, circonstancielles ou sectorielles (telles que des organisations thématiques ou locales). C’est le cas par exemple du rôle que joue en France et en Europe la coordination Alternatiba. Une stratégie d’ « impact collectif » basée sur le respect de l’autonomie des participants tout en leur offrant des gains collectifs d’apprentissage, de visibilité, d’adaptation aux nouvelles circonstances et de confiance dans la capacité à atteindre des buts élevés.

Guillaume Durin conclut son exposé par ces mots :

« D’une façon générale, penser les systèmes complexes extirpe de la courte vue fondant des programmes d’action linéaires et avant tout conformes à la répartition des pouvoirs et aux routines existantes, dont l’incapacité à résoudre les problèmes qu’ils ont largement contribués à poser ne cesse d’être constatée. Il nous faut saisir l’interaction, penser la complexité et vivre le pluralisme pour devenir ce que nous avons chacun la capacité d’être : un acteur positif et conscient d’une vaste constellation de changements. »

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VENDREDI 6 MAI / 9H30 – 11H

ATELIER – CHANGER NOS LITTORAUX : « Usages multiples d’un bien unique »

Intervenants :

Miloud LOUKILI (Professeur à la faculté de Droit de l’Université Mohammed V de Rabat) : « Les conflits d’usage sur le littoral » Mustapha LHAMOUZ (Directeur de la Régulation des Activités et des Opérateurs de l’Agence Nationale des Ports) : « Les ports, traits d'union du littoral » Mohamed OUANAYA (Président Directeur Général de la Société d’Aménagement pour la Reconversion de la Zone Portuaire de Tanger) : « La reconversion du port de Tanger » Maria SNOUSSI (Professeur en Géosciences du littoral à l'Université Mohammed V de Rabat) : « Le littoral, interface multi-usage à haut risque » Louis LE GUEN (Directeur Général de Azura Aquaculture) : « La reconversion de la baie de Dakhla pour l'aquaculture »

Modérateur : Vincent PERRAULT, Journaliste, LCI

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Ouverture de l’atelier par le modérateur Vincent PERRAULT qui présente l’incontournable Miloud LOUKILI, professeur à la faculté de Droit de l’Université Mohammed V de Rabat, venu parler ici des « conflits d’usage sur le littoral. »

Miloud Loukili introduit son sujet par une nouvelle lu dans le journal le matin même :

« J’ai lu dans un journal national ce matin, une nouvelle affligeante : 600 millions de dirhams, c’est le coût de la pollution du littoral. C’est le coût ! 600 millions par an ! C’est dire combien ce littoral, cet interface entre la terre et la Mer est sensible. Cette zone intermédiaire est prise en tenaille entre deux grandes vagues : une vague qui vient du large de la Mer et une autre qui vient de la terre. Par conséquent il y a deux logiques qui s’affrontent : la vague du large, c’est le réchauffement climatique, c’est l’élévation du niveau de la mer, c’est l’érosion, ce sont les différentes attaques sur le littoral. La vague qui vient du territoire, c’est la pression démographique, c’est l’essor économique et industriel, c’est l’implantation des usines, des stations balnéaires. C'est-à-dire que les zones côtières constituent l’interface terre-mer et abritent des milieux naturels particulièrement sensibles, extrêmement fragiles et des habitats essentiels, tant pour les espèces côtières, que pour les espèces marines.

Les activités économiques dépendant de la proximité de la côte sont nombreuses, on trouve l’agriculture, la pêche, le transport, le tourisme. La pression sur le littoral est donc très forte, et continu d’augmenter. La gestion non coordonnée des différents secteurs d’activités génère un disfonctionnement du système côtier d’où la nécessité d’impliquer un processus visant à assurer une gestion intégrée entre ces divers secteurs moyennant des plans d’aménagement concertés. L’existence de différents acteurs dans ce milieu particulièrement sensible, ce milieu vivant, ce milieu mouvant, ce milieu mobile, ce milieu qui bouge, soit le littoral, provoque incontestablement et inéluctablement des tensions entre les différents usagers publiques : l’état, les collectivités, les administrations, mais aussi le secteur privé, les associations, les universités, le citoyen et la communauté professionnelle. »

Après cette mise en contexte, le Professeur précise que les zones côtières marocaines constituent pour le royaume un enjeu socioéconomique et environnemental important à cause de leur fragilité intrinsèque, leur utilisation par différents secteurs d’activité et leur exploitation. Elles constituent également un enjeu environnemental lié aux risques inhérents, à l’augmentation du niveau de la mer et aux autres risques associés au changement climatique. Elles présentent des valeurs écologiques, et socioéconomiques importantes et représentent également un espace dans lequel siègent les principales agglomérations, infrastructures et activités économiques du pays. Toutefois, souligne l’intervenant, cet espace est géré par des politiques étatiques sectorielles, partielles, dans des domaines cloisonnés, tels que le tourisme, l’environnement, les transports et très

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souvent la mise en œuvre de ces politiques leur est très peu profitable. Cet élément vital qu’est le littoral a donc besoin d’une politique cohérente. La coexistence, la cohabitation entre les différents acteurs, les différents usagers, s’impose. Il faudrait faire preuve de beaucoup d’imagination, de beaucoup d’ingéniosité pour trouver les voies et les moyens pour une sorte de synergie, une cohésion, une atmosphère sereine et apaisée, entre les différents usagers du littoral.

Vincent Perrault interpelle le Professeur afin de rappeler au public que 3500 kms de côtes, c’est 3500kms d’opportunités mais qu’il est impératif de coordonner toutes ces ressources.

« Tout à fait, il faudrait tisser des liens entre les différents acteurs, parce qu’ils représentent différents intérêts, il y a les représentants de l’intérêt général, l’état, il y a les représentants de l’intérêt particulier, les entreprises et il y a bien entendu les associations. Et incontestablement, il y a les experts, il y a les scientifiques, c’est dire combien il est nécessaire de mettre tout cela en musique. »

« Il faut également les faire intervenir dans le bon sens », intervient une nouvelle fois le modérateur :

« Incontestablement, et on ne peut pas privilégier une logique sur l’autre, il faudrait un juste équilibre et c’est la démarche de la gestion intégrée des zones côtières, et force est ici de rappeler avec fierté l’adoption, enfin, après plusieurs années de combat notamment de la part des associations, de la loi sur le littoral l’année dernière. Reste maintenant la mise en application de cette loi. Mais ici il y a lieu aussi, par honnêteté intellectuelle, il y a lieu d’apporter un soutien aux autorités gouvernementales et plus particulièrement à la Ministre de l’Environnement, Madame EL Haite. Parce qu’elle fait quelque chose d’extrêmement d’important, au niveau de la gestion intégrée des zones côtières, elle en a fait allusion de façon solennelle il y a seulement deux semaines à New York à l’occasion de la signature de la convention sur le changement climatique et elle a parlé de façon éloquente de la nécessité de généraliser le modèle de gestion intégrée des zones côtières tel qu’il a été adopté par le Maroc. Evidemment, se qui ce fait sur le plan juridique, c’est bien, mais encore faut-il aller dans la pratique. Nous attendons maintenant, parce qu’il est trop tôt pour faire le bilan de la loi. »

Miloud Loukili conclut son intervention par ces mots qui pousse à réfléchir :

« La mer peut nous donner beaucoup de choses, mais à condition de respecter son ordre, et je ne peux pas terminer ici sans citer cette belle formule de Jules MICHELET, « La mer qui commença la vie sur ce globe, en serait encore la bienfaisante nourrice, si l'homme savait seulement respecter l'ordre qui y règne et s'abstenait de le troubler. »

Vincent Perrault remercie le Professeur et introduit Monsieur Mustapha LHAMOUZ, Directeur de la Régulation des Activités et des Opérateurs de l’Agence Nationale des Ports pour son sujet : « Les ports, traits d'union du littoral . »

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L’intervenant choisit de définir « le port » pour introduire sa thématique :

« Le port, effectivement c’est un trait d’union, un point de liaison entre deux mondes. Les ports sont traditionnellement considérés depuis longtemps comme des points de connexion entre la terre et la Mer et des points de rencontre entre deux modes de transport, maritime et terrestre. De véritables bras ouverts vers d’autres terres. Ils constituent à la fois un abri et un lieu d’échange de marchandises et de passagers qui sont débarqués et embarqués, déchargés et chargés. Ouverts sur un avant-pays maritime, qu’on appelle le foreland, et un arrière-pays terrestre l’hinterland, les ports assurent le relais entre ces deux espaces. Point de cristallisation de la mondialisation, les ports sont aussi un trait d’union entre le global et le local. »

Après cet éclairage instructif, zoom sur le Maroc. Le pays s’est doté au fur et à mesure d’un réseau portuaire composé aujourd’hui de 38 ports, d’importance et d’activités variées. 13 ports sont ouverts au commerce, d’autres sont des ports de pêche, et enfin on trouve également des ports de plaisance. Il va sans dire que les ports jouent un rôle important dans la croissance économique du pays.

Mais comment avoir un développement économique harmonieux tout en préservant l’environnement ? :

« Cela commence dès le choix du site du port, en faisant des études d’évaluations d’impact sur l’environnement car un port est construit sur une portion du littoral, modifie indéniablement l’écosystème côtier. Il faut donc chercher à trouver l’équilibre entre l’importance économique des ports et leurs impacts sur l’environnement.

Pour cela, dans les ports marocains, sur le plan juridique, nous disposons d’un certain nombre de textes qui vont dans ce sens, d’abord qui émanent des conventions internationales, tel que Marpol, et puis il y a une législation nationale, tel que la police des ports, déclinée jusqu’au règlement d’exploitation des ports en cahiers des charges et qui exigent la protection de l’environnement, au niveau des ports. Au sein de l’ANP nous travaillons aujourd’hui sur la mise en place d’un système de management de l’environnement au niveau de cinq ports pilotes. »

D’un port à l’autre le public prend la direction de Tanger avec Monsieur Mohamed OUANAYA, Président Directeur Général de la Société d’Aménagement pour la Reconversion de la Zone Portuaire de Tanger qui parlera tout naturellement ici de la reconversion du port de Tanger.

Monsieur Ouanaya souhaite commencer sa présentation par un petit film sur la reconversion du Port de Tanger puis poursuit par des explications :

« La reconversion du Port de Tanger intervient dans une vision d'ensemble pour cette grande ville, c'est d'abord une mise à niveau en termes d'infrastructures et une mise aux normes urbaines de toute la ville, une restitution de l'espace public. Mais tous ces aménagements et tout cet élan des pouvoirs publics destinés à la ville de Tanger nécessitent un parti pris stratégiquement fort, et je pense que la reconversion du port en constitue l'élément fondamental. »

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Vincent Perrault demande à l’intervenant pourquoi il est alors question de reconversion et pas d’évolution ? :

« Par le passé le port en se développant s'est un petit peu renfermé sur lui-même, de ce fait, il a éloigné la population de la Mer et la Mer de la population et de la ville. L’idée de la reconversion c'est l’idée de permettre à cet ensemble (le port, la médina et la ville de Tanger) de vivre en harmonie.

Dans cette reconversion, on retrouve deux parties, l’une maritime et l’autre urbaine. Il y’a d’abord la construction d’un nouveau port de pêche, qui sera adossé à l’infrastructure existante. L’ancien port de pêche sera donc converti en marina. Il s’agit aussi d’apporter une reconversion créatrice de richesse pour la population parce qu’il ne faut pas perdre de vue que l’être humain doit être au centre de tout ce que nous sommes en train de, et si nous ne le mettons pas au centre dès le départ, finalement, fatalement on ne le retrouvera pas à la fin.

Par ailleurs, comme vous le savez, Tanger a été une ville internationale qui a connu pratiquement plus de huit civilisations qui ont légué un héritage important qui a besoin aujourd’hui d’être valorisé.

Enfin, comme je l’ai mentionné au début, notre vision de la reconversion souhaite casser toutes les murailles, tous les obstacles qui existaient entre la médina et le port. Nous souhaitons rétablir ce lien direct, qui existait entre le port et la médina en ouvrant ses portes, tout en laissant apparaitre une vision verte dans les mois à venir, grâce à la mise en service d’un téléphérique par exemple au courant du deuxième semestre de 2017. »

Monsieur Ouanaya quitte le pupitre, salué par Vincent Perrault. Le modérateur appelle maintenant Maria SNOUSSI, Professeure en Géosciences du littoral à l'Université Mohammed V de Rabat, pour parler de son sujet : « Le littoral, interface multi-usage à haut risque. »

Dans un premier temps, la professeure tient à définir le « risque », qui se trouve à l’interaction entre les aléas, la vulnérabilité et l’exposition des systèmes naturels et entropiques. A l’aide de son diaporama, Maria Snoussi dévoile au public les changements qui touchent le système climatique et les processus socioéconomiques qui se trouvent à l’origine des aléas de l’exposition et de la vulnérabilité.

Elle poursuit son développement en expliquant maintenant les risques littoraux liés au changement climatique, avec pour exemple le Maroc :

« L’un des premiers risques, est la surcote, qui est un dépassement « anormal » du niveau de la marée haute ou du recul de la marée basse. En d’autres termes c’est un phénomène de dépression atmosphérique qui correspond à la conjonction d’une grande marée de 3 à 3,5 mètres de hauteur.

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La nuit du 5 au 6 janvier 2014 nous avons pu voir ce phénomène sur la côte Atlantique, depuis Tanger jusqu’au sud de Laayoune. C’était une surcote qui a été générée par une dépression qui s’est creusée au large de l’océan Atlantique accompagnée par des vents très forts. Ce n’est pas un phénomène exceptionnel, nous avions eu déjà dans le passé des surcotes, nous avions eu des hauteurs qui ont atteint des pics de presque 16 mètres !

Si ce phénomène n’est pas rare, il semblerait qu’aujourd’hui sur le plan scientifique, les houles de tempêtes vont être de plus en plus fréquentes et beaucoup plus intense. Cela devient inquiétant il est donc impératif d’en tenir compte. »

Maria Snoussi souligne ensuite les dégâts liés à ce phénomène de la surcote : dégâts liés aux installations urbaines, dégâts humains, dégâts qui impactent les écosystèmes, dégâts culturels, dégâts stratégiques (équipements, réseaux de communication, équipements stratégiques de défense…)

Vincent Perrault interpelle l’intervenante pour lui demander si les autorités prennent en compte les prévisions avancées par les scientifiques :

« Malheureusement, non ! Avec tout ce qu’on a vu, tout ce qu’on a vécu, on continue à construire trop près du rivage, par exemple, vous voyez la baie d’Al Hoceima, où nous avons des bâtiments pied dans l’eau ? Et bien moi je n’arrête pas de leur dire que c’est bien d’offrir aux touristes des résidences pied dans l’eau, mais que dans quelques années ils auront la tête sous l’eau! »

Nous avons montré des cartes de vulnérabilité, et nous les avons publiées aussi, ce qui veut dire qu’elles ont été validées par la communauté scientifique mais malheureusement, on n’en a pas tenu compte. Par exemple, le premier travail qu’on a fait était en 2005, sur Saidia, sur le projet FADESA qui était en cours de construction. Nous leur avons dit de faire attention, qu’il y aurait des risques. Personne ne nous a écouté et aujourd’hui on s’aperçoit qu’il y a des problèmes d’inondation et des problèmes de salinisation des nappes phréatiques ! »

Madame Snoussi termine son exposé très instructif sur le besoin d’appliquer la Gestion Intégrée des Zones Côtières, démarche qui répond à une nécessité actuelle.

Cap vers le sud du Maroc avec la reconversion de la baie de Dakhla pour l’aquaculture dont Louis LE GUEN, Directeur Général de Azura Aquaculture va parler maintenant.

Première entreprise marocaine spécialisée dans l’Aquaculture, Azura Aquaculture a bénéficié d’un gros investissement pour développer ce projet. Le projet de l’écloserie Azura Aquaculture, est de recréer des larves du naissain d’une palourde endémique à la région de Dakhla.

Louis Le Guen revient sur son histoire personnelle avec Dakhla qui permet de mieux comprendre l’importance de la préservation de la baie.

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« J’ai découvert la baie de Dakhla il y a une dizaine d’années, et les gens qui connaissent la ville de Dakhla seront d’accord avec moi : c’est tout simplement bluffant. Dix ans après je reviens et je me dis tiens la baie n’a pas la même couleur ! Et oui, malheureusement pour nous, après 90 millions d’investissement, on apprend au début du lancement de notre activité, qu’une bonne partie de la baie est classée B au niveau sanitaire. C'est-à-dire qu’on ne peut plus vendre les coquillages directement, au consommateur, sans passer par une station d’épuration.

Nous avons la chance de faire partie d’un gros groupe, on va donc injecter 2 millions de dirhams pour construire une station d’épuration, mais les petits producteurs, qui représentent toute une économie n’ont pas ces moyens là, comment vont-ils faire ?

Voilà l’enjeu que nous avons avec cette baie, qui est l’une des plus belles baies au monde. Si je ne m’abuse il n’y a pas vraiment de cahiers des charges, pas vraiment de gestion sur la pollution humaine, parce qu’il faut savoir que si nous avons des problèmes dans la baie Dakhla, ce n’est pas à cause de la hauteur des marrées ni du ciel ! C'est à cause de l'homme et de ses déchets !

Le thème de mon développement est en fin de compte, usage multiple d’un bien unique, c’est vraiment la phrase qu’il faut retenir, c'est-à-dire que dans cette baie là, nous avons plusieurs acteurs économiques : le kitesurf, numéro trois des spots mondiaux, le coquillage, le tourisme, le camping car, l’urbanisme… et avec tout ça, il n’y a pas vraiment de politique de gestion des eaux rejetées. Les gens fonctionnent à l’ancienne, comme chez moi en Bretagne il y a encore quelques années. »

Partant de cette prise de conscience, l’entreprise aquacole a demandé à la wilaya de Dakhla d’organiser une table ronde avec les autres acteurs cités précédemment afin de sauver la baie de Dakhla de la pollution humaine qui la menace de plus en plus, de jour en jour.

Le modérateur remercie les intervenants et invite le public à prendre la parole. Les questions et commentaires fusent notamment à propos du Port de Tanger… L’atelier passionnant, prend fin, sous les applaudissements des participants.

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BRING YOUR PROJECTS TO LIFE

Apporter des réponses qualitatives, évolutives et adaptées au développement du patrimoine naturel et culturel et construire une offre différenciée de la concurrence

nationale et internationale.

UNE PLATEFORME D’ACCOMPAGNEMENT ET D’ASSISTANCE AUX INVESTISSEURS ET AUX TERRITOIRES

Augmenter l’intensité de l’attraction de la ressource, en la mettant en valeur.

Façonner le paysage touristique tout en étendant les bénéfices socio-économiques de l’activité touristique.

PLACER LE MAROC PARMI LES 20 PLUS IMPORTANTES DESTINATIONS TOURISTIQUES MONDIALEs

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Vendredi 6 mai / 11H30 - 13H

ATELIER - CHANGER NOS MODES DE GOUVERNANCE : « Pour une gouvernance bleue »

Intervenants :

Amina BENKHADRA (Directrice Générale de l'Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM), ancien Ministre de l'Énergie, des mines, de l'eau et de l'environnement) : « Gouvernance des territoires off-shore » Catherine CHABAUD (Déléguée à la Mer et au Littoral rattachée au Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer (France)) : « La gouvernance bleue en France » Miloud LOUKILI (Professeur à la faculté de Droit de l’Université Mohammed V de Rabat) : « Plaidoyer pour une gouvernance bleue au Maroc » André MONACO (Directeur de Recherche au CNRS) : « Gouvernance des mers et des océans » Franco BIAGI (DGMARE, Commission européenne) : « Benchmark européen sur les gouvernances bleues »

Modérateur : Vincent PERRAULT, Journaliste, LCI

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Après une présentation succincte des intervenants et de leurs sujets d’intervention, le journaliste Vincent PERRAULT, ami d’El Jadida et du Forum de la Mer, laisse place à Madame Amina BENKHADRA, Directrice Générale de l'Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM), ancienne Ministre de l'Énergie, des mines, de l'eau et de l'environnement, pour parler de la gouvernance des territoires off-shore.

Madame la Ministre introduit son sujet en évoquant les caractéristiques de l’Océan comme espace vital à préserver. Elle rappelle quelques chiffres :

« Les Océans représentent 71% de la surface de la Terre et 98% des ressources hydriques. Plus de 2,6 milliards d’êtres humains dépendent principalement des Océans pour leurs besoins en protéines. Plus de 2,8 milliards de personnes vivent à moins de cent kilomètres des côtes. Les Océans fournissent à l’homme alimentation, ressources biologiques, pharmaceutiques, minéraux, pétrole, énergies marines… »

Et pourtant, poursuit la Ministre, nous sommes face à des enjeux considérables : destruction et pollution des habitats et des écosystèmes, surexploitation des ressources, dissémination des espèces… sans compter l’impact du Changement climatique global. Une prise de conscience est indispensable pour la préservation du milieu marin. Dans ce but, depuis quelques années, plusieurs conventions ont été conclues : Convention du Droit de la Mer en 1982 à Montego Bay, création de la Zone Economique Exclusive, ou encore depuis 2009, le 8 juin est devenu la « Journée mondiale de l’Océan. »

Qu’en est-il des réserves et production d’hydrocarbures offshore ? Madame Benkhadra en brosse le tableau, chiffres à l’appui. Les réserves d’hydrocarbures offshore constituent une part importante dans l’approvisionnement énergétique mondial : 20 % des réserves mondiales de pétrole et 30 % des réserves de gaz. Elles constituent également 30 % de la production mondiale de pétrole (avec 25 millions de barils par jour) et 27 % de celle du gaz.

« Les Mers et les Océans représentent donc pour les compagnies pétrolières un enjeu de première importance et pour éviter des accidents environnementaux un arsenal juridique a été mis en place. Des conventions internationales ont été signées et de nouvelles directives dans l’industrie pétrolières ont été établies. Malgré tout, le secteur de l'off-shore reste trop peu réglementé, notamment à l'échelle internationale. La Mer nous offre de nombreuses ressources mais il faut savoir les protéger. »

Amina Benkhadra poursuit son développement et explique au public attentif que l’amélioration des techniques d’exploration et d’extraction permet de localiser de nouvelles ressources et d’en envisager à terme une exploitation rentable.

Le Maroc, en est un bel exemple précise Madame Benkhadra :

« Doté d’une façade maritime de 3500 km donnant accès à la Méditerranée et à l’Atlantique, se situant à la jonction maritime avec 6 espaces géopolitiques majeurs il

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possède un plateau continental partagé avec 9 pays : il va sans dire que le Maroc est un pays à vocation maritime. »

Elle souligne des chiffres positifs :

« 9 des 15 puits forés en off-shore Atlantique, entre 2000 et 2015 ont montré soit des indices d’huile ou de gaz, soit de l’huile lourde. Deux puits ont même concrétisé une découverte non commerciale de gaz et de condensat. 336 puits d’exploration ont été forés jusqu’à présent sur une superficie totale de bassins sédimentaires de 900 000 km², dont 293 en off-shore. »

La gouvernance est un facteur clé de succès pour l’exploitation raisonnable et durable de ces richesses et Madame Benkhadra évoque alors les missions de l'Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM) : veiller au respect de la loi n°21-90 sur la recherche et l'exploitation des hydrocarbures qui exige que toutes les opérations pétrolières soient entreprises dans le respect de l'environnement et réduire l'impact des activités de l’exploration sur la qualité de l'eau et de l'air. Elle souligne également que tous les partenaires de l’ONHYM sont tenus de réaliser des études d'impact sur l'environnement avant d'entamer des travaux mais aussi d’avoir une politique de gestion du risque environnemental pour toutes les étapes d’exploration et de production. En cas de non-respect de leurs engagements, les partenaires sont passibles, selon la réglementation en vigueur, de sanctions et peuvent faire l’objet de poursuite judiciaire.

Après les remerciements à la première intervenante le modérateur cède la place à une autre femme : Catherine CHABAUD. La grande navigatrice française devenue Déléguée à la Mer et au Littoral rattachée au Ministère français de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer va donner un éclairage sur la mise en place d’une gouvernance bleue en France.

La navigatrice commence par raconter un peu de son histoire avec la Mer, qui l’a rapprochée à une époque des côtes marocaines :

« J’ai fait escale à Casablanca en 1993, à une époque où existait un tour de l’Europe et où il y avait des incursions sur le continent Africain, on était partis de Venise et on avait fait plusieurs escales jusqu’à Casablanca. Et même avant, j’y étais allée en 1988 avec le bateau La Poste. »

Mais celle qui fut la première femme à terminer un tour du monde à la voile, en solitaire, en course et sans escales (lors de la troisième édition du Vendée Globe 1996) poursuit surtout son intervention en confiant quelques paroles de sagesse issues de ses traversées :

« J’ai navigué pendant 15 ans, cela a été mon métier. La Mer m’a appris deux choses. - La première, c’est qu’on ne lutte pas contre la Mer, il faut composer avec Elle. C’est

une leçon que je retiens quand on parle d’élévation du niveau de l’Océan.- La deuxième, c’est que lorsque on est seule sur un bateau, on sait pertinemment que

l’on va faire face à des situations compliquées. Mais comme nous n’avons pas le choixet que la survie du bateau impacte notre propre survie, on trouve toujours des

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solutions. C’est incroyable, on a un potentiel considérable, mais il faut se retrouver en situation de crise pour le mettre en œuvre ! »

C’est ainsi que Catherine Chabaud revient du Vendée Globe avec une devise : les rêves sont réalisables à condition d’entreprendre collectivement et de persévérer, parce que rien n’est facile.

« Aujourd’hui, les enjeux sont tels que nous sommes dans une période formidable : on doit réinventer la manière avec laquelle on conçoit les choses. Répondre à ces enjeux pousse l’homme à témoigner de toute sa créativité et à agir collectivement. Face à la contrainte naissent des opportunités. »

La concertation, c’est une des clés de la réussite selon l’expérience de la Déléguée à la Mer française. Sa participation au Grenelle de la Mer (2009) l’en a convaincue mais aussi son expérience au Conseil économique social et environnemental (2010 à 2015) : « je suis persuadée que la solution de la gouvernance aujourd’hui c’est la co-construction. » Plus récemment, la Plateforme Océan et Climat, dont elle était ambassadrice, a permis d’intégrer l’Océan parmi les enjeux et les défis discutés dans le cadre des négociations climatiques : « on a porté la voix de l’océan aux négociations climatiques et on peut être fiers parce que la plateforme a joué un rôle essentiel. »

« Individuellement, nous sommes une goutte d'eau. Ensemble, nous sommes un océan » aurait pu conclure la navigatrice, dont l’intervention sera chaudement applaudie. Vincent Perrault invite alors l’audience à traverser l’Atlantique pour écouter de plaidoyer de Miloud LOUKILI pour une gouvernance bleue au Maroc.

Miloud Loukili, universitaire, Professeur à l’Université Mohamed V de Rabat, pilier du Forum de la Mer, grand connaisseur du droit maritime et « homme de la Mer » comme il se définit lui-même, déploie avec éloquence son plaidoyer :

« Dans le mythe de Salomon, il est dit ‘vous pouvez casser mes idoles mais de grâce épargnez mes figures d’inspiration.’ Depuis hier, vous m’avez donné de l’inspiration !

On parle de Gouvernance Bleue et je me dois ici, en tant que juriste, de définir le concept brièvement. La gouvernance est un mot valise, c’est le maitre mot qui a circulé tout le long de nos travaux. Originellement, il est grec et chez les grecs anciens, le gouverneur c’est celui qui pilotait les navires. Gouvernance, gouvernail, il y a incontestablement des influences maritimes.

Et dans un pays comme le notre, qui est un pays maritime par excellence, il y a un manque de cohérence depuis les années 80, depuis l’adoption de la ZEE. Nous avons créé un Ministère de la Pêche mais à l’heure où je vous parle il y a un éparpillement et un manque de transversalité. Il faut profiter du Forum de la Mer pour faire passer un

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message fort : il faut agir vite pour fédérer et trouver la synergie entre les différents acteurs du domaine maritime. Il faudrait créer une institution qui fédérerait tout le domaine maritime.

Le Maroc est appelé à retrouver ses traditions d’antan. J’ai confiance en cette assistance composée de jeunes qui se sentent concernés. Nous ne pouvons pas tourner le dos à la mer. Les conventions montrent l’empreinte modeste mais existante du Maroc. Le Maroc a apporté sa pierre à la COP21, et je présente toutes mes félicitations à mes amis français. Nous sommes avec vous et nous voulons qu’à la COP22 la ville ocre offre une ode maritime que le Maroc pourra porter avec vous.

Au niveau du Forum nous avons commencé doucement mais surement. Nous avons proposé un Observatoire de la Mer et du Littoral avec des ramifications régionales. Il faut agir vite pour la cohérence des politiques en matière de gestion des affaires maritimes. Il faut penser aux assises marocaines de la Mer pour faire émerger ces idées.

Vous allez me dire : ‘c’est une utopie !’ Mais je vous renvoie vers monsieur Théodore Monod, un homme du désert mais le désert est une mer aussi. Monod disait ‘l’utopie n’est pas irréalisable mais seulement pas encore réalisée.’ Je suis sûr que la lucidité des responsables saura saisir cette opportunité. Nous avons été un grand empire maritime et nous pouvons revenir à cette vocation ! »

Sur ce cri du cœur Miloud Loukili termine son plaidoyer. Vincent Perrault en profite pour remercier l’ensemble des intervenants pour la générosité de leurs témoignages et invite le public à en profiter : « On dit que le positif attire le positif alors mettons-nous dans cette position-là ! »

Sur ces mots, le journaliste de LCI donne la parole à Monsieur André MONACO, Directeur de Recherche au CNRS pour développer son sujet : « Gouvernance des Mers et des Océans. »

L’intervenant explique comment la gouvernance environnementale doit passer d’une approche linéaire à une approche systémique et transversale. Cette approche interdisciplinaire et transversale met à contribution les chercheurs dans l’action. La vulnérabilité des ressources est au cœur de cette nouvelle stratégie.

« Il ne faut pas oublier un aspect très positif dans la ressource : ce sont des biens et des services éco-systémiques qu’on arrive aujourd’hui à évaluer financièrement. C’est un patrimoine, une culture et c’est sur cet aspect transversal que je voudrais m’attarder pour donner une idée de la gouvernance partagée, centrée sur les ressources et les activités scientifiques coordonnées par des décisions politiques. »

André Monaco développe alors les critères pour mettre en place cette gouvernance partagée :

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- Une approche système : basée sur la connaissance de la dynamique et les fonctions del’écosystème, des continuités écologiques (continuité terre-mer) et des capacitésd’adaptation de la nature ;

- Une gouvernance partagée science – gestionnaires – acteurs – associatifs créant ainsiun dialogue environnemental pour une meilleure opérationnalité ;

- Une gouvernance centrée sur les ressources qui intègre au mieux les fonctions et leschangements du milieu naturel et des usages et qui prend en compte les Biens etServices rendus par le système : support, régulation, prélèvement (énergie,alimentation), culture (tourisme, éducation, patrimoine…)

- Des activités scientifiques coordonnées et une décision politique s’appuyant surl’expertise scientifique et des indicateurs environnementaux, sociaux et économiquessuivis à long terme ;

- La diffusion, l’information et la formation, outil fondamental du partage et de la co-construction.

André Monaco aborde alors la question de la territorialité et introduit la notion d’écorégion. Cette approche globale de la Région méditerranéenne par mise en réseau des écorégions permet de considérer les sous-régions en continuité écologique et biogéographiques avec le continent et la mer ouverte.

« La gestion de la gouvernance des Mers et des Océans peut s’appuyer sur des instruments tels que la gestion intégrée, la planification stratégique des espaces maritimes, mais aussi sur de nouveaux moyens, comme l’analyse des cycles de vie qui permet de mieux gérer les pêches sur les territoires. Il y a déjà eu des études sur le Golfe du Lion et sur la Méditerranée en ce sens qui ont montré leurs résultats. Il est impératif de continuer sur cette lancée avec une approche pédagogique. J’ai d’ailleurs publié avec mon collègue Patrick PROUZET un ouvrage en 7 volumes sur l’approche transversale du milieu marin, que je viens de développer. »

Cap sur l’Europe en compagnie de Monsieur Franco BIAGI, de la DG MARE de la Commission européenne, qui prend place devant le public pour son exposé autour du benchmark européen sur les gouvernances bleues.

Monsieur Biagi commence son intervention en rappelant quelques chiffres qui permettent de contextualiser son sujet :

« Les régions maritimes de l'Union européenne abritent près de la moitié de sa population et représentent près de la moitié de son PIB. Il y a plus de Mer que de Terre sous la juridiction des pays de l'UE, c’est le plus grand espace maritime du monde (20M km²). 75% du commerce extérieur et 37% du commerce intérieur se fait par la Mer. La Mer représente 50% de la production d'oxygène et 30% de l’absorption du CO2. Nourriture, aspects récréatifs culturels, tourisme, santé humaine proviennent de la Mer.Toutefois il ne faut pas perdre de vue que ces ressources marines sont renouvelables

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mais limitées. On constate ainsi des habitats fragiles des espèces menacées, et une pollution marine indéniable. »

L’intervenant souligne que les Mers et Océans sont des moteurs certains pour l'économie européenne et que les activités maritimes ont un grand potentiel de croissance non seulement pour l'UE, mais aussi pour les pays partenaires. La Politique Maritime Intégrée a plusieurs objectifs : assurer une meilleure intégration des activités maritimes pour mieux les gérer, protéger l'environnement marin et le patrimoine maritime, prévenir et combattre la pollution, améliorer la sûreté et la sécurité en mer, promouvoir la « croissance bleue » et l'emploi.

« Pour une gouvernance bleue, il faut surmonter les approches strictement sectorielles et promouvoir la coopération et la coordination intersectorielle et interministérielle. Il faut aussi améliorer la formation, l'éducation et le développement des compétences. Il faut partager et mettre à disposition des acteurs économiques l'information et les connaissances scientifiques, techniques et administratives. Pour améliorer la gouvernance des océans il faut promouvoir une plus grande coordination entre les organisations internationales sectorielles et protéger l’environnement marin pour un développement économique durable. »

Coordination, coopération, co-construction : le maître-mot de cet atelier aura circulé au fil des interventions, invitant surtout à adopter une démarche globale et une dynamique concertée plus qu’un modèle de gouvernance établi. A cette image et sous la vigilance du modérateur, les échanges avec le public concluront cet atelier de haut niveau.

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VOS I ÉRAT ONS ENTRE LES

MA NS D' N EXPERT

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Vendredi 6 mai / 15H -16H30

CONFÉRENCE : OCÉAN D’HISTOIRE

Intervenants :

Laurent VIDAL , Historien à l’Université de La Rochelle Philippe GOMEZ, Moulay Omar ALAOUI, Mehdi ALAOUI MDAGHRI, Mehdi ROUIZEM, Navigateurs

Modératrice : Nadia LAMARKBI, Journaliste

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La journaliste Nadia LAMARKBI prévient d’entrée le public : cette conférence est particulière, un historien qui parle d’Océan, c’est atypique ! Et pourtant, pendant une heure, Laurent VIDAL emmènera l’auditoire du Forum de la Mer dans un long et passionnant voyage à travers les liens étroits qui unissent les hommes et l’Océan dans l’histoire. L’Océan qui porte l’histoire de l’Homme et l’Homme qui porte l’Océan…

Rebondissant sur les propos de Nadia Lamarkbi, Laurent Vidal revient sur les raisons de sa présence et présente sa vision du rôle de l’historien, à l’image du masque de Janus, dieu romain aux deux visages, l’un regardant devant et l’autre derrière, le passé et le futur. Pour les romains, Janus symbolisait les transitions, les seuils, il permettait d’harmoniser les passages en douceur. C’est aussi le rôle de l’historien :

« L’historien est l’homme qui assure les transitions. C’est un guetteur, il est à l’articulation de plusieurs temps. C’est un homme qui doit vivre dans le présent pour faire son travail sur le passé. »

Laurent Vidal évoquera tout au long de sa conférence des faits d’actualité liés au changement climatique qui trouvent des réponses ou des éclairage dans une histoire passée :

« En 2013, il y a eu 19 millions de déplacés en raison de désastres climatiques. En tant qu’historien, ce qui m’intéresse, c’est l’éclairage que peut offrir le passé pour proposer une explication mais aussi les questions que l’on peut puiser dans cette actualité pour interroger le passé. »

Le Professeur de l’Université de La Rochelle se remémore alors le désastre de l’ouragan Katrina. En 2005, après le passage de ce gigantesque cyclone, 80% de la ville de la Nouvelle-Orléans est inondée. 1800 personnes trouvent la mort, 60% de la population est évacuée. Cette catastrophe environnementale est à l’origine d’un des plus vastes mouvements de population aux Etats-Unis : 2 millions de personnes sont conduits à l’exode.

« Il faut revenir à l’histoire. Cette ville n’aurait jamais dû être construite sur ce site. Replaçons-nous en 1718, lorsque les français trouvent le Mississipi et veulent s’établir en Louisiane. Ils installent un premier Fort près de l'embouchure en eau profonde du fleuve Mobile en Alabama. Ce Fort sera déplacé trois fois car les français se confrontent aux difficultés de construire dans une région marécageuse, dont ils ignorent toutes les contraintes. Ils finissent par trouver une incurvation dans le Mississipi et fondent la Nouvelle-Orléans. Mais ils ne connaissent pas mieux le terrain et le site, érigé en dessous

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du niveau de l’eau, ne respecte pas les courbes de niveaux. Voilà comment parfois nous sommes victimes d’erreurs originelles. »

A propos de cette catastrophe, Laurent Vidal souhaite également faire émerger deux réflexions. La première sur le racisme environnemental. On sait très bien, rappelle-t-il, que les migrations climatiques touchent les populations les plus fragiles socialement comme c’était le cas en Nouvelle-Orléans. Il rappelle alors un épisode hautement symbolique :

« Face à ces terribles inondations, un sénateur a lancé un appel aux propriétaires de bateaux pour porter secours à la population. Qui a répondu à cet appel ? Les Cajuns. Ce sont des descendants français d’acadiens, déplacés à Saint Domingue à la fin du 18e siècle quand la France a cédé le Canada à l’Angleterre. Et quand la grande révolution haïtienne a lieu, cette population a fui pour s’installer en Louisiane. Ainsi, 385 bateaux ont répondu à cet appel et 10.000 personnes ont été sauvées. On les a appelés la Cajun Navy. On voit que ce sont des déplacés qui ont sauvé des déplacés. »

Deuxième réflexion, sur la résilience. En 2006, quelques mois après l’Ouragan, Wynton MARSALIS, jazzman originaire de la Nouvelle-Orléans, compose le morceau Combo Square. C’est le lieu à l’arrière de la ville qui est considéré comme le berceau du Jazz. Pour cette création, il invite des musiciens Afro-américains et Africains à se réunir. Ils ne sont plus séparés par l’Atlantique et se retrouvent autour de cette composition musicale. Ce morceau était l’occasion de rappeler que l’essentiel de la population touchée par le cyclone était noire.

Laurent Vidal poursuit alors par le récit d’un autre épisode de l’histoire : la grande famine de 1940 en Irlande. La grande migration qu’elle a engendrée est considérée comme une migration climatique par les historiens : cette famine a été provoquée par un virus qui touche les pommes de terre et on sait depuis peu que ce mildiou s’est d’autant plus rapidement propagé qu’il y a eu une succession anormale de saisons pluvieuses.

Quand le Royaume-Uni est créé en 1801, l’Irlande devient un immense terrain sur lequel investissent les riches propriétaires anglais et où les irlandais ne sont que locataires de leurs terres. Tout ce qu’ils peuvent posséder sont les pommes de terre. Quand arrive cette maladie, c’est la catastrophe : un million de personnes meurent et 500.000 prennent la mer vers les Etats-Unis, le Canada et l’Australie. Dans ce vaste mouvement d’exode, l’Angleterre songe même à se servir de cette population inutile à des fins géopolitiques : déplacer les irlandais à Ceuta – ville espagnole catholique – afin de créer une colonie irlandaise et éviter que l’Espagne ne prenne le contrôle du détroit deGibraltar. Cette idée ne sera finalement pas concrétisée mais elle illustre un phénomène historiqueintéressant : « l’inutilité sociale devient un mode de gestion de population. »

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Et pour appuyer son propos sur la résilience, l’historien rappellera à quel point les irlandais se sont construits, inventés et réinventés sur la base de cette grande migration. C’est elle qui donna naissance au nationalisme irlandais, mais aussi à de nombreuses créations, chants, poèmes… qui racontent ces moments. A l’image de la chanson « Irish River » diffusée pour illustrer le propos :

« La résilience est dans la création et dans la dérision. Comme dans cette chanson, qui parle d’un vaisseau de 27 mats qui transporte 1 million de briques pour la mairie de New-York, des barils de pierre, 5 millions de porcs, 6 millions de chiens, qui met 7 ans pour la traversée. Arrivé à New-York, il heurte un rocher et finalement, il n’y a que 2 survivants : le chien du capitaine et le narrateur ! »

Laurent Vidal terminera son exposé par l’exemple de Mazagan et sa cité portugaise, dont il est spécialiste. Mazagan fut aussi utilisée comme un lieu de gestion d’une population devenue inutile socialement.

« Mazagan, cité fondée au milieu du XVIe par les portugais dans leur poursuite de reconquête territoriale, est une machine à convertir les musulmans en chrétiens mais c’est aussi un comptoir commercial ! C’est une immense forteresse pouvant accueillir jusqu’à 6.000 personnes. Mais alors que sa construction s’achève, l’Europe abandonne finalement tous ses projets de reconquête : cette forteresse ne sert plus à rien ! Pourtant les familles se sont installées dans cette région. Il faut attendre 1760 pour que la Couronne ait enfin une solution. La carte des possessions brésiliennes est alors redessinée, et le bout de l’embouchure de l’Amazone n’est pas attribué : les portugais décident de faire passer la population vers cette région pour créer la Nouvelle Mazagan. On transfère donc ces gens, on les extraits, on les ramène à Lisbonne en 11 jours, ils y restent 6 mois, le temps de les préparer à traverser l’Atlantique et on leur demande de devenir cultivateurs de riz. Ils deviendront colons et recevront en compensation des esclaves Africains. Ces esclaves vont s’occuper du riz, mais ils arrivent d’Afrique et ne savent pas faire. La famine va s’installer rapidement à nouveau. »

Tout au long de son intervention, Laurent Vidal n’aura pas failli à sa promesse. Levant l’ancre des rives de la Nouvelles-Orléans, le navire de ses récits aura transporté le public jusqu’à Mazagan du Brésil.

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Et justement, c’est au tour de l’équipage de la Transat Mazagan de prendre place pour expliquer son projet. Présentés un à un par Nadia Lamarkbi, ces navigateurs peu communs souhaitent se lancer dans une traversée de Mazagan du Maroc à Mazagan du Brésil :

« Monsieur Philippe GOMEZ, propriétaire du bateau qui va les amener là bas, et qui traine derrière lui une bande un peu étrange : Mehdi ROUIZEM, peut-être cuisinier en chef, peut-être pêcheur, peut-être les deux, Mehdi ALAOUI MDAGHRI, qui est le meilleur pêcheur, d’après la légende urbaine et enfin monsieur Moulay Omar Alaoui, ingénieur, et qui sera l’homme de la technique en charge de tous les ramener à bon port ! »

L’idée de cette aventure est de recréer l’histoire de Mazagan, 250 ans après, en bateau à voiles afin de retracer un lien entre les cotes marocaines et les cotes brésiliennes. Un lien qui se voudra beaucoup plus pacifique et culturel avec une promesse d’échange. La Transat Mazagan se lancera dans le sillage de cette incroyable odyssée de la cité portugaise, poussée par les Alizés et un fort engagement humain, culturel et environnemental. Elle portera un message de partage, d’échange et de paix aussi bien vis-à-vis de nos semblables que pour la préservation de la nature et de l'environnement. Car 250 ans plus tard, l’Océan est toujours un espace de migration, une promesse d’ailleurs, un lien vers l’autre, mais il est aussi extrêmement fragilisé par l’empreinte humaine, la pollution et la surexploitation.

« Notre équipage est composé de quatre amoureux de la nature et passionnés de la Mer. Qui va faire quoi, on ne le sait pas encore. Mais il est vrai que ma mission est de maintenir à flot le bateau contre vents et marées et d’entretenir l’équipement à bord du voilier », explique Philippe Gomez.

Les rôles ne sont pas encore définis mais les missions sont claires : - Transmettre la passion de la Mer ;- Sensibiliser à la fragilité de l’Océan ;- Favoriser le rapprochement interculturel, l’ouverture à la différence et promouvoir des

valeurs de respect, de solidarité ;- Stimuler la collaboration entre le Maroc et le Brésil et contribuer à la vitalité des cultures

des deux pays ;- Dresser un pont entre les continents africains et américains.

Autre point évident : le moyen de transport.

« Le voilier est un des moyens de déplacement les plus lents. C’est aussi un des plus écologiques ! Le Cemara est un ketch de 47 pieds grande croisière battant pavillon marocain, équipé de panneaux solaires et d’éoliennes pour une autonomie totale en électricité » explique Moulay Omar Alaoui.

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L’itinéraire ne suivra pas exactement celui des habitants de la ville de Mazagan, l’équipage projetant de rallier directement le Brésil sans passer par Mazagan :

« Le départ se fera bien sûr d’El Jadida vers Mazagao. Puis remontée des Caraïbes pour un retour vers El Jadida via les Açores. Il va falloir traverser la ligne des équateurs et suivre les Alizés. Et, Alizés obligent, le départ se fera à la mi-décembre pour arriver 3 semaines plus tard au Brésil » annonce Mehdi Rouizem

Enfin, Mehdi Alaoui Mdaghri évoquera le dispositif de communication prévu et les événements culturels embarqués dans la Transat : conférences au Maroc et au Brésil, exposition photos et le tournage d’un film documentaire.

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Vendredi 5 mai / 17H - 18h30

CONFERENCE – D’UNE COP A L’AUTRE : « Des ponts entre les COP »

Intervenants :

Saïd MOULINE, Directeur Général de l’ADEREE, Président de la Commission Energie, Climat et Economie verte et Responsable du Pôle Partenariat Public-Privé du Comité de Pilotage de la COP22 Françoise GAILL, Océanographe, Présidente du Comité scientifique de la plateforme Océan & Climat Nicolas IMBERT, Directeur exécutif de Green Cross France et Territoires) Mohammed BENYAHIA, Directeur du Partenariat, de la Communication et de la Coopération au Ministère de l’Environnement Itahisa DENIZ GONZALEZ, Consultante pour la Commission Océanographique Intergouvernementale de l’UNESCO

Modératrice : Brigitte BORNEMANN (Directrice de publication, www.energiesdelamer.eu)

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Pour cet atelier, la modératrice et amie du Forum de la Mer a choisi d’inverser le déroulement habituel des ateliers. En effet, Brigitte BORNEMANN, propose au public de poser dès le début de la séance des questions aux intervenants qui permettront d’ouvrir le débat.

L’ouverture du débat sera donc portée par la sagacité d’un jeune homme, qui se fait la voix du public dans son ensemble et de la jeunesse en particulier :

« Bonjour à tous, je m’appelle Ismaël, je suis en 4e au Lycée Massignon. Ma question est la suivante : j’ai entendu dire que beaucoup d’engagements ont été pris à la COP 21, j’aimerais toutefois savoir ce qui a été déjà fait parmi tout ce qui a été promis ?

Et d’autre part, j’aimerais savoir quand est-ce que l’on va nous impliquer, nous les jeunes, dans les COP ? Parce qu’avant que la COP22 ne se tienne au Maroc, je ne savais pas ce que c’était une COP et j’aurais pu ne jamais savoir ce que c’est. Et je pense que c’est pareil pour beaucoup de jeunes ! »

Et voilà les intervenants officiels interpelés par des questions de bon sens, auxquelles ils tenteront d’apporter des réponses aussi simples et pragmatiques pendant les deux heures qui suivront.

Saïd MOULINE, Directeur Général de l’ADEREE, Président de la Commission Energie, Climat et Economie verte et Responsable du Pôle Partenariat Public-Privé du Comité de Pilotage de la COP 22 prend la parole et commence par un rappel : la COP a 21 ans et la COP7, soit la 7e COP, s’était déjà tenue à Marrakech en 2001. Le Maroc est donc le premier pays à avoir organisé deux COP. Et pour rebondir sur les propos inauguraux du jeune homme, il enchaine :

« Lors de la Conférence de Paris sur le Climat (COP 21) en décembre 2015, 195 pays ont adopté le tout premier accord universel sur le climat juridiquement contraignant. Et il y a quelques jours à New-York, s’est déroulé un événement historique : tous les pays sont venus signer cet accord de principe, « l’Accord de Paris pour le Climat ». C’est un pont jeté entre les politiques actuelles et l'objectif de neutralité climatique fixé pour la fin du siècle. Aujourd’hui, c’est la 22e COP qui se prépare et c’est une occasion tellement importante pour proposer des solutions, pour passer à l’action ! Au Maroc, nous sommes dans un contexte de développement d’énergies renouvelables, on le voit par exemple avec la centrale solaire de Ouarzazate et on peut en être fiers. De tous temps, notre facture énergétique, notre dépendance énergétique avait un impact économique important. Les dernières factures énergétiques du pays ont dépassé les 100 milliards de dirhams et donc aujourd’hui, valoriser des ressources renouvelables est un axe prioritaire. Vous le savez très bien, nous avons un magnifique plan solaire, un magnifique plan éolien, et avec cela, nous allons réduire notre dépendance et notre

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impact sur la caisse de compensation. Plus on valorisera le renouvelable, plus on sera énergétiquement indépendants et plus à l’aise économiquement parce que les énergies renouvelables créent aussi de l’emploi. »

Le développement du renouvelable est bien enclenché, notamment pour le solaire et l’éolien, mais Saïd Mouline insistera pour conclure sur la nécessité de capitaliser sur les richesses maritimes du Maroc :

« Il faut maintenant utiliser ces 3500 km de côtes dont on ne cesse de parler pour faire du renouvelable dans ce contexte de gouvernance bleue. L’Océan doit jouer son rôle ! »

Pour appuyer ces derniers mots, rien de mieux qu’une intervenante qui aura joué un rôle clé dans la COP 21 pour mettre l’Océan au centre du débat : Françoise GAILL, Océanographe et Présidente du Comité Scientifique de la Plateforme Océan & Climat.

« La plateforme Océan et Climat est née d’une alliance entre des organisations non gouvernementales et des institutions de recherche, avec l’appui de la Commission Océanographique Intergouvernementale de l’Unesco le 10 juin 2014 à l’occasion de la Journée Mondiale des Océans. Ses objectifs en perspective et au delà de la COP 21 étaient les suivants : • Inscrire l’Océan au cœur du futur régime climatique et contribuer au succès de la

négociation pour un accord ambitieux à la COP 21. • Développer les connaissances scientifiques sur les liens entre l’Océan et le Climat.• Sensibiliser et mobiliser le public et les décideurs publics et privés aux enjeux

Océan et Climat. »

Et cette Plateforme a su imposer sa légitimité et son impact lors de la COP 21 puisque, grâce à elle notamment, l’Océan a été amené au cœur du débat et figure dans le préambule de l’Accord de Paris pour le Climat :

« Reconnaissant l’importance de la conservation et, le cas échéant, du renforcement des puits et réservoirs des gaz à effet de serre visés dans la Convention, Notant qu’il importe de veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes, y compris les océans, et à la protection de la biodiversité, reconnue par certaines cultures comme la Terre nourricière, Notant l’importance pour certains de la notion de « justice climatique », dans l’action menée face aux changements climatiques. »

L’Océan fait partie intégrante et plus qu’évidente de la solution aux problèmes abordés depuis quelques années sur le réchauffement climatique et les risques qu’encourt la planète, conclura François Gaill.

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Nicolas IMBERT, Directeur exécutif de Green Cross France et Territoires, prend alors la parole pour rappeler que l’exercice de la COP22 va consister à maintenir l’Océan au cœur des débats. L’objectif étant d’œuvrer pour une gouvernance apaisée et de porter les solutions proposées lors des autres conférences internationales (Medcop Tanger, COP21, la journée de l’Océan… ).

En effet, les littoraux sont des zones sensibles et attractives. L’augmentation et la diversité des usages côtiers et marins est source de tensions, voire de conflits. Le changement climatique a des conséquences sur les littoraux (élévation du niveau de la mer, phénomènes climatiques, perturbation des écosystèmes) contre lesquelles les populations locales sont souvent désarmées. Il s’agit de concilier les enjeux socio-économiques et la préservation de l’Océan.

L’intervenant explique qu’il faut développer des groupes d’économie circulaire qui rassemblent et facilitent le dialogue entre acteurs publics, professionnels et usagers de la mer et associations environnementales.

Il déroulera ensuite des pistes de solutions :

• Mettre en œuvre les outils de gestion intégrée et de planification spatiale maritime selon lesprincipes directeurs pour un dialogue constructif avec les parties prenantes, lesrecommandations des Nations Unies, de l’Union Européenne et des groupements decollectivités locales.

• Développer les Aires Marines Protégées qui démontrent la pertinence d’une reconquête desécosystèmes en lien avec le développement économique local.

• Considérer l’espace marin comme espace foncier propice aux activités humaines, dans lerespect des écosystèmes marins, pour améliorer les conditions de vie des populations etcompléter les écosystèmes terrestres (énergies marines et renouvelables en mernotamment).

• Accélérer les réductions d’émissions avant 2020 afin de contribuer à la reconstruction desécosystèmes littoraux et à l’atteinte des objectifs de création d’aires marines protégées.

• Renforcer localement la résilience des populations humaines côtières vulnérables, par desmesures complétant localement les plans d’adaptation nationaux.

Le tour est alors à monsieur Mohammed BENYAHIA, Directeur du Partenariat, de la Communication et de la Coopération au Ministère de l’Environnement de prendre le micro afin de développer un sujet ici ayant pour thème : « COP 21 à COP 22. Fin d'un cycle et prélude à un niveau régime climatique. »

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Responsable des négociateurs marocains lors de la COP 21, monsieur Benyahia est très familier avec l’histoire des négociations sur le climat, pour avoir acquis une longue et riche expérience en la matière.

Monsieur Benyahia tient à souligner dans un premier temps les originalités qui ont caractérisé la COP21 :

• Adoption d’un accord sur lequel la communauté internationale travaillait depuis des années,exactement depuis le Mandat de Durban en 2011. Il était en fait connu de longue date quel’accord devait être conclu à Paris en 2015.

• Une COP historique marquée par une forte participation de l’ensemble des acteurs,notamment au niveau des délégués des pays, ce qui a donné une certaine impulsionpolitique qui a porté ses fruits. Ceci a eu bien évidemment un impact à la fois surl’organisation de la conférence mais aussi sur les négociations en ce sens que la forteparticipation politique au plus haut niveau a joué positivement sur l’état d’esprit desnégociateurs.

• La présence des chefs d’Etats et de gouvernements au début de la conférence, est uneoriginalité de la conférence de Paris. Cela a permis une présence ministérielle importante auniveau des négociations formelles.

« Paris a capitalisé sur les faiblesses des autres COP pour sa propre réussite, tout en ayant une conduite souple et réactive pour adapter l’organisation des travaux à la complexité qui émerge. L’Accord de Paris est donc une particularité en ce sens qu’il embarque tout le monde de façon différenciée et s’attèle aux deux questions fondamentales du changement climatique : Atténuation et Adaptation. Cette dernière étant essentielle pour les pays développement. J’estime que c’est le maximum que l’on puisse obtenir dans l’état actuel des négociations sur le changement climatique. L’accord ne résout certes pas tous les problèmes mais il pose le cadre pour leur résolution, il pose les conditions nécessaires pour leur résolution. Nous sommes au début de quelque chose de nouveau. L’Accord de Paris, c’est la fin d’un cycle et le prélude à un nouveau régime climatique. »

L’intervenant explique ensuite que la COP 22 sera la COP de l’action car certaines décisions prises pour préparer la mise en œuvre de l’accord de Paris doivent être examinées à Marrakech. L’APA (Comité Spécial sur l’Accord de Paris) va se réunir à Marrakech et examiner les projets de décisions qui préparent l’entrée en vigueur et la mise en œuvre de l’Accord de Paris. L’Accord de Paris qui a la particularité d’embarquer tout le monde de façon différenciée et de s’atteler aux deux questions fondamentales du changement climatique : Atténuation et Adaptation. Cette dernière étant essentielle pour les pays en développement.

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Outre, la réunion du Comité Spécial sur l’Accord de Paris, de nombreux autres rendez-vous auront lieu à Marrakech :

- une réunion de haut niveau sur la mobilisation des acteurs non-étatiques,- un suivi du plan d’action Lima-Paris qui deviendra Lima-Paris-Marrakech,- la mise en place du Comité sur le renforcement des capacités et l’adoption de son

programme de travail,- la poursuite des travaux sur le lien entre les mécanismes financiers de la convention

(fonds vert climat, fonds pour l’environnement mondial…) et les mécanismestechnologiques.

Marrakech sera donc la COP de l’action et du début de la mise en œuvre des décisions prises à Paris.

Au tour d’Itahisa DENIZ GONZALES, Consultante pour la Commission Océanographique Intergouvernementale (COI) de l’UNESCO, de prendre la parole pour développer ici le rôle de la Commission Océanographique Intergouvernementale de la COP 21 à la COP 22.

La Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO encourage le développement des sciences, observations, et systèmes d’alerte précoce aux risques océaniques, le renforcement des capacités pour surveiller le rôle majeur de l’océan dans le système climatique, ainsi que la prévision des changements océaniques à venir. Elle prépare le terrain pour le développement de stratégies d’adaptation et d’atténuation efficaces. La COI met l’accent sur les conséquences les plus néfastes, telles que l’acidification de l’océan, l’augmentation de la température, l’élévation du niveau de la mer, la désoxygénation, et les changements dans la biodiversité marine.

« Les services scientifiquement fondées de la COI soutiennent plusieurs gouvernements, notamment ceux des pays côtiers et des petits États insulaires en développement, afin que ces pays deviennent plus résistants au changement climatique. En tant qu'organisation intergouvernementale, la COI travaille à développer des partenariats parmi toutes les parties prenantes de l'Océan. »

La protection des Océans est l’un des 17 objectifs mondiaux établis par l’Agenda 2030 pour le Développement Durable. Une approche intégrée est cruciale pour progresser dans ces multiples objectifs.

« L’UNESCO et la COI ont participé au leadership des Nations Unies quant à des sujets centraux de l’Agenda 2030. La COI a contribué à formuler l’Objectif de Développement Durable 14 (ODD 14), qui invite les Etats membres à conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines. La COI soutient activement les préparatifs de la Conférence de haut niveau des Nations Unies sur la mise en œuvre de l’ODD 14 (aux Fidji, du 5 au 9 juin 2017).

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La COI est également engagée dans d’autres processus des Nations Unies liés à l’océan, tels que l’Évaluation mondiale intégrée du milieu marin (World Ocean Assessment), les négociations sur la conservation et l’usage durable de la biodiversité en haute mer, et la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Si ces processus vont au-delà de l’Agenda 2030, ils restent essentiels pour mener à bien les objectifs de développement durable. »

La COI de l’UNESCO contribue de manière significative à la mise en œuvre des objectifs mondiaux de l’Agenda 2030 dans plusieurs domaines :

- Appui pour le développement des capacités des Etats membres à protéger l’océan et àutiliser durablement ses services écosystémiques, grâce au transfert de technologiemarine.

- Expertise pour analyser l’état de l’océan, s’appuyant sur des programmes opérationnelstels que le Système mondial d’observation de l’océan.

- Implication dans la surveillance du rôle de l’océan dans le système climatique et dansl’amélioration de la réduction des risques de catastrophes.

« En outre, à mi-chemin entre la COP 21 et la COP 22, il y aura le 8 juin 2016, la Journée Mondiale de l’Océan. La COI se mobilise en organisant une journée thématique de haut niveau au sein du siège de l’UNESCO à Paris. Au programme : conférence sur l'acidification des océans par Ken Caldeira, table ronde sur la communication en sciences marines, table ronde sur la mise en œuvre des plans mondiaux jusqu’à 2030, focus sur l'Accord de Paris et les ODD… »

Rappelons que la COI, est aussi partenaire de la Plateforme Océan et Climat, qui œuvre activement depuis 2014 pour mettre l’Océan à l’agenda des négociations climatiques. Cette reconnaissance fut historique lors de la COP 21. La COP 22, tournée vers l’action, tentera de fixer les plans d’actions de cet accord. Le jeune Ismaël, et le public tout entier, n’a plus qu’à suivre attentivement la COP marocaine pour savoir si les principes se transformeront bel et bien en actions…

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VENDREDI 6 MAI / 19H

SEANCE PLENIERE DE CLOTURE

Intervenants : Catherine CHABAUD, Déléguée à la Mer et au Littoral rattachée au Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer (France) Anis MAGHRI, Représentant de l’UNICEF au Maroc Philippe POINSOT, Représentant du PNUD au Maroc Mouâad JAMAI, Gouverneur de la Province d'El Jadida Miloud LOUKILI, Professeur Université Mohammed V de Rabat Sylvestre LOUIS, Président des Glénans Damien HEURTEBISE, Directeur de l'Institut Français d'El Jadida Modérateur : Mehdi ALAOUI MDAGHRI, Fondateur du Forum de la Mer

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La séance plénière de clôture a reflété l’ambiance générale de cette quatrième édition du Forum de la Mer durant laquelle différents ateliers, séances et conférences se sont succédés : joie, rires, émotions et engagement étaient au rendez-vous. Devant une salle pleine rassemblant étudiants, bénévoles, participants, intervenants, invités officiels, journalistes, familles, et membres de l’équipe du Forum de la Mer, le fondateur du Forum prend place au pupitre. Après avoir présenté amicalement les personnes qui interviendront lors de cette séance de clôture, Mehdi Alaoui Mdaghri invite Monsieur le Gouverneur d’El Jadida à le rejoindre et à s’exprimer.

Mouaâd JAMAÏ commence par inviter l’audience à poursuivre sa participation au Forum de la Mer qui continue tout le week-end avec des activités de sensibilisation pour les enfants près de la plage et une programmation culturelle au Théâtre d’El Jadida, avant d’ajouter :

« Je me félicite de voir cette quatrième édition se terminer avec le sourire et commencer déjà à mettre le pied dans la 5ème. C'est une année clé pour l'environnement au Maroc, et le mois de Novembre arrive à grands pas. Le Forum de la Mer a reçu le label COP22 et doit anticiper sur les conclusions de la COP. »

Le Gouverneur tient également a aborder le sujet du projet de création d’un Centre de la Mer à El Jadida, pour lequel il a affirmé avec enthousiasme tout son soutien auprès des organisateurs du Forum de la Mer.

L’intervention de Monsieur le Gouverneur se conclut par une salve d’applaudissements. Le fondateur du Forum saisit alors l’occasion de remercier chaleureusement la ville d’El Jadida et Monsieur Jamai pour son précieux soutien quant à l’organisation de l’événement chaque année. Mehdi Alaoui Mdaghri invite ensuite Madame Catherine Chabaud, Déléguée au Littoral (France) à le rejoindre au pupitre avant d’ajouter :

« Déléguée au littoral, voilà une fonction dont nous devrions nous inspirer. Nous devons mettre en place au Maroc des instances de gouvernance pour le littoral et la Mer. »

Sous les applaudissements du public, Catherine Chabaud prend à son tour la parole, tenant à souligner les importants progrès qui ont été faits ces dernières années quant à la prise en compte de l’Océan dans les enjeux climatiques, tant par la société civile que par les organes politiques.

« J’ai l’honneur de représenter la Ministre de l’Ecologie, de l’Environnement et de la Mer (française). C’est important en terme de gouvernance que le mot figure dans l’intitulé de la personne qui incarne politiquement la fonction. Hier, à l’occasion de la conférence sur le thème « quelles sont les raisons d’espérer ? », à vous écouter, j’ai pensé qu’il était

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nécessaire de regarder dans le rétroviseur pour regarder les avancées que l’on fait. A l’instant T nous avons l’impression de ne pas avancer, mais quand on regarde en arrière, c’est formidable ! Où étions nous il y a un an ? Je n’endossais pas cette fonction, nous étions en train de préparer la Conférence sur le Climat. Et puis il y a eu le 8 juin [ndlr : Journée Mondiale de l’Océan] qui est un moment fort parce que Monsieur FABIUS et Madame Ségolène ROYAL parlaient du sujet, le portage politique a donc été un moment essentiel et nous étions déjà en train de nous poser la question du plaidoyer que l’on ferait durant la COP21. C’était il y a à peine un an, mais c’est formidable le chemin que l’on a parcouru depuis. On a vécu une mobilisation de la société civile et une mobilisation politique. Je pense que les deux sont très importantes et ça a été très bien illustré durant ce Forum. Je pense que la montée en puissance de la société civile et la capacité de coopération, de co-construction, d’allers retours entre société civile et politique est absolument essentielle. »

La grande navigatrice et amoureuse de la Mer terminera son discours en souhaitant bon vent au Forum de la Mer et en remerciant amicalement son fondateur ainsi que tout les organisateurs.

Mehdi Alaoui Mdaghri rappelle qu’un Appel du Forum de la Mer à la COP 22 sera lancé à la fin de la séance comme pour résumer les grands axes de recommandations que le Forum adresse aux organisateurs de la COP 22. Il convie ensuite Monsieur Philippe POINSOT, Représentant du PNUD (Programme des Nations Unies) au Maroc à prendre le micro, se réjouissant de la forte collaboration cette année entre le Forum de la Mer, le PNUD, l’UNICEF et l’Union Européenne en vue de la préparation de la COP 22.

« Pourquoi si les Océans sont si importants, sont-ils dans cet état ? Pourquoi cet apparent manque de solution ? Peut être que c’est parce qu’ils font partie des biens communs, qu’ils tombent alors dans cette tragédie du bien commun. C’est là le lien le plus direct avec le climat qui est aussi un bien commun et nos sociétés ne savent pas comment faire face à cette tragédie. C’est un prix Nobel d’économie qui avait évoqué trois solutions : on peut les nationaliser, on peut les privatiser ou on peut essayer de les gérer collectivement au niveau local. Alors nationaliser et privatiser ce n’est pas facile pour l’Océan et le climat, donc on va essayer de trouver ensemble un mode de gestion et il serait bien que l’on ait un accord similaire pour les océans. Pour le climat on espère que les actions énoncées dans le cadre de l’Accord de Paris seront suffisantes. Mais ce qui est sur c’est qu’avec la motivation et l’engouement ainsi qu’une volonté politique de s’engager, les chances de voir des progrès sont fortes. »

Après cette intervention du PNUD c’est au tour de l’UNICEF de s’exprimer. Anis MAGHRI, Chargé de communication de l’UNICEF au Maroc, commencera son discours par partager avec le public ces quelques chiffres percutants…

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• 99% des décès attribués au changement climatique surviennent dans des pays endéveloppement.

• Les enfants représentent 80% de ces décès.• D’ici à 2100, 250 000 décès d’enfants en plus sont attendus à cause du changement

climatique.… rappelant ainsi que si les perturbations climatiques sont un danger pour tous, les enfants en sont les premières victimes. Le représentant de l’UNICEF précisera l’importance d’éduquer les plus jeunes au changement climatique et à l’écocitoyenneté avant d’ajouter :

« Ils ne sont pas de simples victimes. Ils peuvent jouer un rôle crucial, ils doivent être au premier plan de l’action contre le réchauffement climatique. Leur voix doit être entendue lors des travaux de la COP22 à Marrakech. »

Après cette dernière intervention officielle, le fondateur du Forum a multiplié les remerciements : intervenants, officiels, public, organisateurs mais aussi partenaires et sponsors, tous sont cités, en tentant de n’oublier personne.

Une remise des prix plonge ensuite le public dans une ambiance plus festive. Damien HEURTEBISE, Directeur de l’Institut Français d’El Jadida, Miloud Loukili, Professeur à l’Université Mohammed V de Rabat et Jean-Pierre GLASSER, Membre du Board d’Honneur du Forum de la Mer et ancien Président de l’Ecole de Voile des Glénans, sont invités au devant de la scène pour annoncer les gagnants du concours de photographie « Le Climat change, et moi ? ».

Gagnante dans la catégorie « Professionnel » : Naïade PLANTE avec sa photo intitulée"Libellules Pantala"

Gagnant dans la catégorie « Amateur » : Cherif Mohammed MOUSSAID EL IDRISSI avec saphoto intitulée "Les neiges perdues"

Gagnant dans la catégorie « Junior » : Younes BENSEDDIK avec sa photo intitulée "Paradoxe"

Sylvestre LOUIS, l’actuel Président des Glénans, école de voile française et partenaire du Forum de la Mer, sera ensuite invité à prononcé quelques mots pour la promotion de la voile au Maroc. Il présentera ainsi le projet des Glénans qui vise à faire connaître l’environnement marin à travers la navigation.

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REMERCIE

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