Le livre blanc de l'Ordre national des médecins

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  • Pour lavenir de la santDE LA GRANDE CONSULTATION AUX PROPOSITIONS Conseil national de lOrdre des mdecins

    Ordre National des MedecinsConseil National de lOrdre

  • Redonner la parole aux mdecins

    Ordre des mdecins sest donn lambition forte de faire entendre la voix de la profession dans le dbat public en matire de sant.

    Ctait une ncessit. bout de souffle, notre systme de sant nest plus en mesure dapporter les rponses adaptes aux grands enjeux que soulve lavenir de la sant. Nous navons pas dautre choix aujourdhui que de nous tourner vers lavenir et de construire ds prsent le systme de sant de demain.

    Parce quil ny aura pas de vraie rforme sans recrer dabord les conditions du dialogue, nous avons lanc dbut septembre 2015 une Grande consultation. Pendant quatre mois, nous avons pris le temps de rencontrer lensemble des acteurs du systme, institutionnels, mdecins et patients, pour rflchir sereinement lavenir, et enrichir le dbat. La mobilisation de la profession autour de notre dmarche,

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    04UNE DMARCHE DENVERGURE POUR FAIRE BOUGER LES LIGNES_Structuration de la dmarche et principales tapes

    07 LCOUTE DES ACTEURS DE LA SANT_Synthse des rencontres organises avec plus de cinquante acteurs

    23LE SYSTME DE SANT AUSCULT PAR 35 000MDECINS_Rsultats de la Grande consultation des mdecins et de lenqute dopinion ralise auprs de 4 000Franais

    35LES PROPOSITIONS CONCRTES DE RFORMES, PORTES PAR LORDRE DES MDECINS_Dtails des propositions pour alimenter le dbat public des prochaines annes

    avec plus de 35000 participants, est sans prcdent. Grce cette participation massive, nous disposons aujourdhui dune matire objective dune grande richesse. Les enseignements en sont loquents. Nous avons entendu le cri d'alarme dune profession qui appelle de ses vux une profonde rforme de notre systme de sant.

    Les inquitudes sont massives et partages au sein de lensemble de la profession mdicale, quels que soient les modes dexercice, les territoires, ou les gnrations. Absence de cap dans le pilotage de lorganisation des soins, accroissement des contraintes et de la charge de travail dans tous les modes dexercice, course la rentabilit au dtriment de la valorisation de la mission de service public, le mdecin ne se reconnat plus dans son mtier.

    Aujourd'hui, un tiers du temps de travail des mdecins est absorb par

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  • des tches administratives et des runions. Cela est rvlateur des dysfonctionnements de notre systme de sant. Car le mdecin veut soigner. Cest pour soigner quil a fait des tudes de mdecine. Redonner aux mdecins le temps mdical est donc la premire des priorits que doit porter toute rforme. La seconde priorit est de proposer une rforme partage de lorganisation des soins. Et la cl dune rforme partage, cest que le mdecin soit un acteur central de cette volution.

    Cest le sens des propositions que nous formulons dans ce livre. Elles reprsentent laboutissement de notre dmarche et de notre engagement pour la sant de tous. Un engagement que nous menons avec dtermination bien sr, mais surtout dans le souci de la concertation.

    Ce livre blanc est un vritable programme pour la sant de demain. Nos propositions nombreuses et concrtes se fondent sur une approche globale de lorganisation des soins pour rpondre aux attentes fortes de proximit, defficacit et de transversalit de lensemble des acteurs, travers trois axes structurants: une simplification de la structuration

    territoriale des soins et la mise en place dun pilotage sous le principe de la concertation avec lensemble des acteurs de sant locaux;

    un dcloisonnement des parcours professionnels pour renforcer la coordination du parcours de soins, la mobilit professionnelle et la mutualisation de la charge administrative;

    une professionnalisation et une rgionalisation de la formation desmdecins.

    Par ce programme, nous pourrons mettre en place une organisation territoriale des soins plus efficace, unparcours de soins coopratif rpondant aux besoins de tous,

    et un systme de formation adapt aux besoins des territoires.

    Nous avons une ambition en 2016: contribuer redonner la sant la place quelle mrite dans le dbat public. Il est essentiel que la rforme du systme de sant soit lune des priorits du dbat politique dans la perspective des lections prsidentielles de 2017.

    Jespre que ce livre participera la prise de conscience de lurgence construire un avenir pour notre systme de sant.

    DrPatrick Bouet, Prsident du Conseil national de lOrdre des mdecins

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  • Une dmarche denvergure pour faire bouger les lignes

    Depuis plusieurs mois, lOrdre des mdecins multiplie les initiatives pour dcrypter au mieux le fonctionnement actuel du systme de sant, affiner sa vision dun avenir souhaitable et proposer des pistes de rforme, en lien avec sa raison dtre: raffirmer les valeurs de la profession, tout en continuant assumer sa mission au service des mdecins et dans lintrt des patients.

    Il sagit dune dmarche volontariste, qui a ncessit une trs forte implication de lOrdre des mdecins. Cette dmarche dune envergure exceptionnelle repose sur quatre piliers:

    PLUS DINFOS:lagrandeconsultation.medecin.fr

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  • TREIZE RENDEZ-VOUS ONT T PROPOSS AUX PRINCIPAUX ACTEURS DU SYSTME DE SANT, entre septembre et dcembre 2015 au sige du Conseil national de lOrdre des mdecins. Des temps consacrs lcoute des positions, rflexions et propositions dune cinquantaine de reprsentants dinstitutions, dorganismes, de syndicats et dassociations. Ces rencontres ont permis dchanger avec les organismes et acteurs institutionnels, les associations dusagers, les ordres professionnels, les reprsentants de lassurance maladie obligatoire et complmentaire, des tablissements hospitaliers, les reprsentants de laide mdicale urgente, de lexercice mdical en tablissement de sant, de lexercice libral, des jeunes mdecins, de la formation en universit et de la formation continue.

    SEIZE GRANDS DBATS AVEC LES MDECINS DE MTROPOLE ET DOUTRE-MER ONT T ORGANISS dans toutes les rgions, entre aot et dcembre 2015. chaque fois, entre 50 et 200 participants ont chang sur lorganisation des soins, lorganisation territoriale, la place du mdecin dans le parcours de soins et la formation professionnelle. Un solide matriau a ainsi t collect pour poser un diagnostic partag et envisager des rponses appropries. Les dbats se sont drouls dans les rgions Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, Auvergne-Rhne-Alpes, Bourgogne-Franche-Comt, Bretagne et Normandie, Pays-de-la-Loire, le-de-France, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrnes, Paca et Corse, Centre-Val de Loire, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Runion, Mayotte, Guadeloupe, Guyane et Martinique.

    UNE GRANDE CONSULTATION EN LIGNE AUPRS DE LENSEMBLE DE LA PROFESSION AT RALISE, en octobre et novembre 2015, sur un site ddi (lagrandeconsultation.medecin.fr). Une consultation indite par sa forme, son ampleur et son ambition. larrive, une mobilisation sans prcdent, avec prs de 35 000mdecins participants, de tous ges, de toutes rgions, des territoires ruraux comme forte densit, avec des modes dexercice trs divers. Les mdecins ont pris le temps de rpondre un questionnaire dtaill et prcis sur le quotidien de leur exercice, leur perception du systme de sant et leurs attentes pour demain. Les rsultats sont riches denseignements pour faire bouger les lignes, partir de la comprhension fine de la ralit vcue par nos confrres, de leurs enjeux et de leurs attentes.

    UN SONDAGE AUPRS DU GRAND PUBLIC A T EFFECTU fin novembre 2015, auprs de 4060 individus reprsentatifs de la population franaise. Lobjectif de cette tude est de mettre en miroir les perceptions et les attentes des Franais en matire de soins, avec celles exprimes par les mdecins dans le cadre de la Grande consultation en ligne. Un outil essentiel pour analyser au mieux la relation mdecin-patient, vritable socle du systme de sant.

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    Cette dmarche mthodique, dense, complte et trs ambitieuse est retrace de manire synthtique dans ce livre blanc. Elle tait indispensable pour permettre lOrdre des mdecins dlaborer des propositions reprsentatives, ralistes et oprationnelles. Des propositions que ce livre blanc entend porter au cur du dbat public et des projets politiques pour les prochaines annes, afin dengager la rforme profonde et durable du systme de sant attendue par tous.

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  • LCOUTE DES ACTEURS DE LA SANT

  • LES REPRSENTANTS DES USAGERS ET DE LA SOCIT CIVILE_Claire Compagnon, prsidente de lOffice national dindemnisation des accidents mdicaux (Oniam)_Bernadette Devictor, prsidente de la Confrence nationale de sant_Pierre-Marie Lebrun, secrtaire gnral adjoint de lUnion nationale des associations familiales (Unaf) _Annie Podeur, secrtaire gnrale du Conseil conomique, social et environnemental (Cese)_Grard Raymond, prsident de lAssociation franaise des diabtiques (AFD)

    LES REPRSENTANTS DES ORGANISMES ET INSTITUTIONS_PrAgns Buzyn, prsidente de lInstitut national du cancer (INCa)_Adeline Hazan, Contrleure gnrale des lieux de privation de libert_PrJean-Luc Harousseau, prsident de la Haute autorit de sant (HAS)_DrDominique Martin, directeur gnral de lAgence nationale de scurit du mdicament et des produits de sant (ANSM)_Jacques Toubon, Dfenseur des droits

    LES ACTEURS DE LASSURANCE MALADIE OBLIGATOIRE ET COMPLMENTAIRE _PrAnne-Claude Crmieux, mdecin-conseil national de la Mutualit sociale agricole (MSA)_Jean-Martin Cohen-Solal, dlgu gnral de la Fdration nationale de la Mutualit franaise

    _Nicolas Gombault, directeur gnral du Sou mdical (groupe MACSF)_Pierre Michel, dlgu gnral de la Fdration franaise des socits dassurance (FFSA) et Vronique Cazals, directrice sant_Philippe Ulmann, directeur de loffre de soins de la Caisse nationale de lAssurance maladie des travailleurs salaris (Cnamts)

    LES REPRSENTANTS DES TABLISSEMENTS HOSPITALIERS_Antoine Dubout, prsident de la Fdration des tablissements hospitaliers et daide la personne privs non lucratifs (Fehap)_Lamine Gharbi, prsident de la Fdration de lhospitalisation prive (FHP)_lisabeth Hubert, prsidente de la Fdration nationale des tablissements dhospitalisation domicile (Fnehad)_Dr Nicole Smolski, prsidente dAvenir Hospitalier_Frdric Valletoux, prsident de la Fdration hospitalire de France (FHF)

    LES ACTEURS DE LAIDE MDICALE URGENTE_DrFranois Braun, prsident du Samu-Urgences de France (Samu)_DrJacques Fribourg, secrtaire gnral du Syndicat national des urgentistes de lhospitalisation prive (SNUHP)_DrPatrick Hertgen, vice-prsident de la Fdration nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF)_DrPierre-Henry Juan, prsident de SOS Mdecins-France_DrPatrick Pelloux,

    prsident de lAssociation des mdecins urgentistes de France (Amuf)

    LES REPRSENTANTS DES DIFFRENTS MODES DEXERCICE_DrPhilippe Cuq, prsident de lUnion des chirurgiens de France (UCDF) / Le Bloc_Alain Jacob, dlgu gnral de lIntersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH)_DrJacques-Olivier Dauberton, prsident du Regroupement autonome des gnralistes jeunes installs et remplaants (ReAGJIR)_Drmilie Frelat, prsidente du Syndicat national des jeunes mdecins gnralistes (SNJMG)_DrJean-Paul Hamon, prsident de la Fdration des mdecins de France (FMF)_Drric Henry, prsident du Syndicat des mdecins libraux (SML)_DrClaude Leicher, prsident de MG France_DrJrme Marty, prsident de lUnion Franaise pour une Mdecine libre (UFML)_PrGuy Moulin, prsident de la Confrence nationale des prsidents de CME (Commissions mdicales dtablissements) de CHU (Centres hospitaliers universitaires)_DrChristian Mller, prsident de la Confrence nationale des prsidents des CME des CHS (Centres hospitaliers spcialiss)_Dr Jrme Vert, prsident du Syndicat des anesthsistes libraux (AAL) / Le Bloc

    LES ACTEURS DE LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE_PrDominique Bertrand, conseiller mdical du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalire (CNG)_DrPhilippe Bonet, prsident de lUnion nationale des associations de formation

    mdicale et dvaluation continues (Unaformec)_Baptiste Boukebous, prsident de lIntersyndicat national des internes (Isni)_Gauthier Chantrel, vice-prsident de lIntersyndicale nationale autonome reprsentative des internes de mdecine gnrale (ISNAR-IMG)_PrOlivier Goau-Brissonnire, prsident delaFdration des spcialits mdicales (FSM)_Amlie Hemeret, vice-prsidente gnrale de lAssociation nationale des tudiants en mdecine de France (Anemf) et Maxime Rifad, vice-prsident perspectives professionnelles_Julien Lenglet, prsident de l'Intersyndicat national des chefs de clinique assistants (ISNCCA)_PrDominique Perrotin, doyen de la Facult de mdecine de Tours (ancien prsident de la Confrence des doyens)_PrJean-Pierre Vinel, ancien prsident de la Confrence des doyens des facults de mdecine_PrSerge Uzan, vice-prsident sant de la Facult de mdecine Pierre et Marie Curie_DrMonique Weber, directeur gnral de lOrganisme gestionnaire du dveloppement professionnel continu (OGDPC)

    LES REPRSENTANTS DES ORDRES PROFESSIONNELS_Isabelle Adenot, prsidente de lOrdre des pharmaciens_Didier Borniche, prsident de lOrdre des infirmiers_Gilbert Bouteille, prsident de lOrdre des chirurgiens-dentistes_Marie-Jose Keller, prsidente de lOrdre des sages-femmes_Pascale Mathieu, prsidente de lOrdre des masseurs-kinsithrapeutes_ric Prou, prsident de lOrdre des pdicures-podologues

    Une cinquantaine dacteurs du systme de sant rencontrs

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  • Ordre des mdecins a sollicit les principaux acteurs du systme de sant, au cours de treize rendez-vous entre septembre et dcembre 2015, afin de connatre prcis-ment leurs analyses de la situation, leurs positionne-ments et leurs propositions.

    Un exercice dcoute attentive, qui a permis de recueillir le point de vue des organes de gouvernance du systme de sant, de lassurance maladie obligatoire et complmentaire, des associations dusagers, des tablisse-ments hospitaliers, des ordres professionnels, des reprsentants des diffrents modes dexercice mdical et des organismes de formation (voir la liste ci-contre). Autant de squences riches et fructueuses, qui ont per-mis lOrdre des mdecins de complter son diagnostic et de prciser ses propositions. Huit thmes majeurs ont merg: laccs aux soins, la gouvernance et le financement, la coordination territoriale, le parcours de soins, les relations mdecins-patients, les modes et modalits dexer-cice, les parcours et perspectives de carrire, la formation initiale.

    Accs aux soinsLes difficults daccs aux soins sont avres, en particulier pour les po-pulations les plus dmunies et pour celles qui se situent dans des rgions sous-mdicalises. Les taux de non-recours la CMU et lACS atteignent respectivement 28 et 70%, une situation qui provoque souvent un renon-cement aux soins, souligne Jacques Toubon, le Dfenseur des droits. En outre, la prsence des mdecins sur le territoire est trs ingalement rpartie. Les incitations conventionnelles mises en place par lAssurance maladie obligatoire nont pas t suffisantes pour faire rellement bouger les lignes. Pour Jean-Paul Hamon, prsident de la Fdration des mdecins de France, Paris intra-muros va aussi devenir un dsert pour les gnra-listes de secteur1 , car les charges sont devenues trop importantes.

    Les dpassements dhonoraires peuvent aussi entraver laccs aux soins, estime Claire Compagnon. La prsidente de lOniam note, en par-ticulier, une augmentation du nombre de professionnels et de jeunes mdecins pour lesquels cest une vidence, lhpital public, de pratiquer des dpassements. Un mouvement de fond inquitant. Des dpasse-ments parfois favoriss par les organismes complmentaires, selon Annie Podeur, secrtaire gnrale du Cese, pour qui il serait plus logique de revaloriser certains actes, quitte ce que les complmentaires financent une partie du surcot. Toutefois, assure Philippe Ulmann, directeur de loffre de soins de la Cnamts, la mise en uvre de lavenant n8 en 2012, notamment avec le dispositif de contrat daccs aux soins(CAS), a permis dinverser la tendance avec une baisse des taux de dpas-sements dhonoraires depuis 2013. Le CAS a t adopt par un tiers des mdecins en secteur2; il doit tre prennis et tendu. Jean-Martin Cohen-Solal, dlgu gnral de la Mutualit franaise, considre que les contrats responsables permettent dviter linflation des dpasse-ments dhonoraires. Alors que Pierre Michel, son homologue la FFSA, estime quils peuvent conduire un rationnement des soins ds lors que les rgles nationales ne tiennent compte ni des territoires dans lesquels les mdecins sont implants ni de leur spcialit. Concernant les tarifs

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    Contrat d'accs aux soins: contrat triennal pour les mdecins de secteur 2 (honoraires libres), comportant des allgements de charges en contrepartie dune limitation des dpassements dhonoraires

    Secteur 1: regroupe les mdecins pratiquant les tarifs dfinis par lAssurance maladie (par exemple, 23euros la consultation chez un gnraliste)

    Contrats responsables:les complmentaires sant doivent prendre en charge au moins deux actes de prvention, plafonner les remboursements doptique et les dpassements dhonoraires (sauf exception), en change de taxes rduites

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  • excessifs voire les refus de soins, Jacques Toubon rappelle quune convention de partenariat signe avec lOrdre des mdecins en 2012 facilite le traitement des dossiers dont son institution est saisie. Mais le Dfenseur des droits regrette que le projet de loi Sant nait pas renforc les droits des victimes de refus de soins, en amnageant la charge de la preuve en faveur des victimes, conformment la recommandation du rapport remis au Premier ministre en avril 2014 par son prdcesseur, Dominique Baudis.

    Enfin, la forte disparit des prescriptions de mdicaments gnre une ingalit de traite-ment, expose le Dr Dominique Martin, directeur gnral de lANSM: Il y a trop de prescriptions hors AMM (autorisation de mise sur le march) et hors ATU (autorisation temporaire dutilisation), un ex-cs qui serait lorigine de la moiti des accidents iatrognes , selon une tude canadienne. Cest le cas pour les benzodiazpines, la dompridone ou encore le valproate. Dune manire gnrale, les prescriptions de mdicaments en France sont excessives et le cot des produits innovants est exorbitant, juge le PrJean-Luc Harousseau. Le prsident de la HAS suggre daugmenter le nombre dquipes acadmiques en conomie de la sant pour enseigner la culture de lefficience.

    Gouvernance et financementQuelle doit tre la place de lAssurance maladie obligatoire et des com-plmentaires? Qui doit financer quoi? Nassiste-t-on pas un dsenga-gement de la Scurit sociale au profit des complmentaires? Autant de questions qui ncessitent un grand dbat, selon Bernadette Devictor. Pourquoi les mutuelles seraient-elles prescriptrices de parcours de soins?, sinterroge la prsidente de la Confrence nationale de sant. Lusager ne souhaite pas que le parcours de soins soit tabli par la HAS ou par les mutuelles complmentaires, il attend de son mdecin quil exerce son jugement.

    Philippe Ulmann, pour la Cnamts, assure que contrairement aux ides reues, la part de lAssurance maladie obligatoire dans le rembour-sement des soins na pas diminu depuis 10ans. Elle continue couvrir les risques de lensemble de la population. Pour Pierre Michel, de la FFSA, la place respective de lAssurance maladie obligatoire et des compl-mentaires ne devrait pas tre un abcs de fixation. Toutes les familles complmentaires contribuent lamlioration du systme, elles reven-diquent simplement de ne pas tre un payeur aveugle derrire lAssurance maladie obligatoire.

    De son ct, Annie Podeur, du Cese, regrette la centralisation tou-jours trs forte du systme de sant et relve notamment que le fonc-tionnement des Agences rgionales de sant (ARS) nest pas dconcen-

    Accidents iatrognes: occasionns par le traitement mdical

    Les difficults d'accs aux soins concernent plus particulirement les populations dmunies.

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  • tr, tel que le prvoyait pourtant la loi HPST. Elle suggre de passer dun Ondam un Ordam (rgional). Le syndicat de mdecins UFML consi-dre que les ARS ont donn beaucoup de pouvoirs lhpital public au dtriment de lhospitalisation prive. Son prsident, Jrme Marty, r-clame que soignants et patients psent pour moiti dans les dcisions de sant et propose de crer un conseil de la mdecine librale qui, une deuxfois par an, regrouperait lOrdre des mdecins, les URPS, les syn-dicats et la FHP, pour imposer la feuille de route de la mdecine librale et constituer un vrai contre-pouvoir face aux ARS. Pour son homologue ric Henry, du SML, les URPS taient avant des organes techniques. Elles doivent devenir plus politiques au sens rgional et relayer les pro-jets libraux auprs des ARS pour obtenir des financements. Philippe Cuq, prsident de l'UCDF/Le Bloc, se dit pour sa part trs inquiet de lvolution observe dans les tablissements de sant, et de la dtriora-tion des relations entre les mdecins qui y exercent et les groupes qui en sont propritaires. Divers lments constats montrent de graves atteintes lindpendance des mdecins.

    Autre dysfonctionnement dans la gouvernance et le financement, le foss entre le sanitaire et le mdico-social. Pour Antoine Dubout, prsident de la Fehap, il faut rformer le financement pour viter les ruptures de prise en charge dans le parcours sanitaire et mdico-social du patient. Mais ltat est en plein conflit dintrts puisquil finance le systme tout en tant exploitant, ce qui gnre de nombreux pro-blmes. La Fehap estime aussi que lattribution de la prsidence des conseils de surveillance des hpitaux publics aux maires les pousse faire fonctionner leurs rseaux pour maintenir en activit certains ta-blissements en difficult, sans assumer les dficits dexploitation. La FHF est en dsaccord: Quils prsident ou non le conseil de surveil-lance, les maires garderont toujours le pouvoir dinfluence qui leur est reproch. En outre, les lus peuvent avoir dautres perspectives que la

    dfense de lemploi trs court terme , rpond son prsident, Frdric Valletoux.

    Plus globalement, si le systme de sant actuel est inadapt, cest quil a t organis autour de lh-pital, pour prendre en charge les pathologies aigus. Or les be-soins de prise en charge des pa-thologies chroniques sont de plus

    en plus importants, aussi bien en amont dans la prvention quen aval avec le suivi, impliquant davantage les mdecins traitants et les autres professionnels libraux, explique Philippe Ulmann, de la Cnamts. Une opinion que partage Jean-Martin Cohen-Solal de la Mutualit franaise, qui souligne que le nombre dtablissements de sant est bien plus important en France qu ltranger, de mme que le ratio mdecins/infirmires et le ratio mdecins spcialistes/mdecins gnralistes. Pierre Michel, pour la FFSA, dplore les difficults de rgulation finan-cire: La recherche de lquilibre financier annonce en 2004 sest avre infructueuse sur le long terme et le DMP a t un chec, tant mdical que financier.

    Le systme de sant actuel est organis autour de l'hpital et de la prise en charge des pathologies aigus.

    DMP: dossier mdical personnel du patient, informatis, accessible auxprofessionnels de sant

    Ondam: objectif national des dpenses dAssurance maladie, fix annuellement

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  • Coordination territorialeLingale rpartition territoriale des mdecins est mise en avant par tous les acteurs. Les mdecins et leurs reprsentants ne doivent pas oublier quils sont prescripteurs de dpenses publiques et que cette situation leur donne une responsabilit particulire, estime Nicolas Gombault, direc-teur gnral du Sou Mdical (groupe MACSF). Pour Philippe Ulmann de la Cnamts, on peut se demander si les mdecins finiront par sengager dans la rgulation gographique du conventionnement, alors que la plu-part des professions de sant sy sont engages (ou vont le faire), avec en miroir des aides linstallation en zone dficitaire. De toutes les faons, cela ne pourrait se faire qu lissue dun accord de toutes les parties et ds lors quil y aurait un support lgislatif, ce qui nest pas le cas ce jour. Pour ric Henry du SML, de nombreux mdecins, notamment seniors, sont prts devenir mobiles rgulirement pour aller travailler dans les zones sous-dotes, permettant de jeunes consurs et confrres dassurer la continuit de leur cabinet senior.

    Les problmes de rpartition territoriale des mdecins rejaillissent sur lensemble des professions de sant, alors que deux dfis majeurs montent en puissance, selon lOrdre national des infirmiers: les mala-dies chroniques et le vieillissement de la population. Nous devons faire un tat des lieux des besoins de sant pour chaque primtre territorial donn et une tude sur loffre actuelle, prconise son pr-sident, Didier Borniche. Cette tude pourrait tre ralise dans le cadre dune concertation entre les ordres professionnels. Une ide approuve par son homologue chez les pharmaciens, Isabelle Adenot, qui suggre de commen-cer par une tude cible sur un bassin de vie, et par son homo-logue chez les chirurgiens-den-tistes, Gilbert Bouteille, favorable une meilleure globalisation de loffre de soins, car les autres professions mdicales et paramdicales ne vont pas sinstaller l o il ny a pas de mdecin. Il est indispen-sable de prendre en compte les donnes dmographiques et gogra-phiques et la prsence de plateaux techniques, le code de dontologie de la profession est prcis sur ce point, assure ric Prou, la tte de lOrdre des pdicures-podologues. Les ouvertures de cabinets secon-daires sont importantes: on en compte 2400 sur les 13700cabinets existants.

    Pour renforcer la coopration territoriale entre les tablissements cette fois, le gouvernement mise sur les nouveaux Groupements hos-pitaliers de territoire (GHT): Lide nest pas de fusionner adminis-trativement des sites, ce qui est lourd et complexe, mais davoir un pro-jet mdical commun, explique Jean-Martin Cohen-Solal pour la Mutualit Franaise. On ne pourra quadhrer si les GHT sont ports

    Groupement hospitalier de territoire : regroupement obligatoire des tablissements publics dun territoire donn depuis janvier 2016, autour dun projet mdical partag

    La coordination des acteurs est un enjeu majeur face aux maladies chroniques et au vieillissement de la population.

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  • LA RGULATION DES URGENCES_Le recours aux services durgence est trs lev en France, en raison dune dmographie mdicale dclinante et de labsence de coordination entre les nombreux acteurs, relve le DrPatrick Pelloux, prsident de lAmuf. Quand la France dnombre 240recours aux services durgence par an pour 1000habitants, lAllemagne nen compte que 70, illustre le DrFranois Braun, son homologue du Samu: Outre-Rhin, le premier recours est organis dans le cadre de cabinets de groupe qui proposent certaines prestations techniques, comme de limagerie mdicale. Prolongeant le mme constat, le DrPatrick Hertgen, vice-prsident de la Fdration nationale des sapeurs-pompiers de France, souligne que plus de 90% des interventions des secours aux victimes en 2014, au nombre de 3,4millions, ne ncessitaient pas de prise en charge prhospitalire mdicalise ni mme para-mdicalise. Mais le DrPierre-Henry Juan, prsident de SOS Mdecins-France, relve aussi que les mdecins de ville sont de plus en plus accapars par des missions prventives et que les associations de SOS Mdecins sont venues sur le premier recours pour combler un manque. La concurrence organise par les financeurs a gnr un gaspillage et une dsorganisation des effecteurs , regrette le DrJacques Fribourg, secrtaire gnral du Snuhp, mme sil loue lefficience du systme de sant franais. Il estime que lheure doit tre la collaboration entre structures. Le Samu note dailleurs que la coopration entre Samu-Centres 15 et les permanences de soins ambulatoires fonctionne bien.

    par un projet mdical plutt que sur des ressorts administratifs, juge Alain Jacob, dlgu gnral de lINPH. Pour les praticiens hospitaliers, cela peut permettre de sintresser autre chose que ce qui se passe dans sa seule structure et dans son exercice mdical spcifique.

    Pour le DrChristian Mller, prsident de la Confrence nationale des prsidents de CME de CHS, les acteurs de la psychiatrie doivent pouvoir approfondir leurs actions de partenariat, avec le champ sanitaire (CHU, CHG) mais aussi avec le champ mdico-social et social. La loi de mo-dernisation autorisera les CME dterminer loutil le plus pertinent, en lien avec les directions dtablissements. Sil juge que les notions (contenues dans le projet de loi Sant) de diagnostic territorial, de contrat territorial ou de communauts psychiatriques de territoires vont dans le bon sens, il estime ncessaire que soit maintenue la territoria-

    lisation spcifique que reprsente le secteur, un moment o les tats-Unis et la Chine sont int-resss par ce modle. Le PrGuy Moulin, son alter ego pour les CHU, estime pour sa part que les CHU sont les oublis de la loi Touraine et de la rforme territoriale. Ils doivent tre obligatoirement asso-cis aux GHT, notamment sur les

    activits de recherche et de formation, pour viter une bunkrisation territoriale avec une concurrence entre de gros hpitaux pivots et les CHU. Mme inquitude de la FHP sur sa participation aux GHT. Pour lheure, except la co-utilisation du plateau technique en imagerie m-dicale, les cooprations public-priv ne marchent pas bien, affirme Lamine Gharbi, son prsident. Alain Jacob, de lINPH, ajoute que les multi-sites nont pas fonctionn: Ne faudrait-il pas plutt dvelopper des systmes dinformation communicants? Le SML dfend pour sa part la cration de plateformes dappui, comme en Franche-Comt (Arespa), avec des moyens et services consquents, une coordination des acteurs du soin et des possibilits accrues de maintien des patients domicile. En outre, argumente son prsident, ric Henry, la cration de plateformes dappels territoriales permettra des mdecins libraux ddis de pratiquer certaines consultations par tlphone. Les cono-mies gnres seraient reportes sur une prise en charge physique valorisante des pathologies lourdes.

    Pour Claude Leicher, prsident de MG France, le rseau de soins de proximit doit tre organis autour du gnraliste, qui est le point de convergence et linterface des autres professionnels: les spcialistes, les hpitaux, la mdecine scolaire, la PMI, la mdecine du travail. Pour illustrer les convergences envisageables entre les acteurs, Anne-Claude Crmieux, mdecin-conseil national de la MSA mentionne lexprimen-tation Pays de sant, en Dordogne: Une cadre de sant est alle au-de-vant des acteurs, mdecins, patients, professionnels de sant pour connatre leurs attentes, faciliter lducation thrapeutique et dittique des patients. Frdric Valletoux, pour la FHF, cite la maison de sant universitaire de Fontainebleau qui, dans lenceinte de lhpital, a russi faire travailler ensemble lhpital et les mdecins libraux.

    Pour renforcer la coopration territoriale entre les tablissements, le gouvernement mise sur les GHT.

    Multi-sites: exercice mdical libral en des lieux multiples

    Effecteurs: mdecin qui effectue une garde dans le cadre de la permanence des soins

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  • Pour moins solliciter les hpitaux, vers lesquels les patients sorientent de plus en plus, notamment par le biais des urgences, la FHF plaide pour une permanence des soins ambulatoires obligatoire. lisabeth Hubert, prsidente de la Fnehad, regrette quant elle que lon ne sappuie pas sur le savoir-faire des tablissements dhospitalisa-tion domicile en matire dvaluation et de coordination des soins pour dvelopper plus largement lambulatoire. De son ct, Lamine Gharbi de la FHP dplore que les patients soient dirigs vers les ur-gences hospitalires et que les mdecins de lhospitalisation prive soient pnaliss du fait de lexclusion des cliniques du service public hospitalier au motif de la pratique des complments dhonoraires.

    Parcours de soinsLes usagers sont trop souvent livrs eux-mmes, pour laccs un mdecin, pour le choix entre un gnraliste ou un spcialiste, ou encore dans la recherche dun tablissement de soins, regrette Bernadette Devictor, de la Confrence nationale de sant. Selon Annie Podeur, du Cese, le mdecin traitant a souvent tendance orienter son patient vers un confrre quil est le seul connatre, pas toujours vers un spcialiste comptent qui va prendre en charge sa pathologie de manire satisfai-sante. Raison pour laquelle il faut encourager le patient solliciter un double avis. La notion de colloque singulier lui semble dpasse, au regard de lintrt dune quipe mdicale pluridisciplinaire pour le diagnostic et le traitement de pathologies complexes et dune quipe pluri professionnelle pour la dispensation des soins.

    LUnaf pointe galement les parcours de soins hors-circuit. Pierre-Marie Lebrun, son secrtaire gnral adjoint, relve que les en-qutes auprs de 17000 patients du Ciss Nord-Pas-de-Calais, dont il est prsident, ont fait ressortir de nombreuses dmarches de premier re-cours, avant toute consultation mdicale: automdication, sollicitation dintervenants ayant des pratiques particulires (coupeurs de feu, re-bouteux), renseignements auprs de linfirmire scolaire et auprs du pharmacien, voire recours aux urgences lorsquil ny a pas de mdecin sur le territoire.

    Labsence de coordination entre lhpital et la mdecine de ville g-nre aussi de svres dysfonctionnements dans le parcours de soins. Comment accepter que 60% des mdecins traitants ne sachent pas que leurs patients ont t hospitaliss et que 75% dentre eux ne sachent pas quils sont sortis de lhpital?, sinterroge Vronique Cazals de la FFSA. Rsultat, selon Claire Compagnon, de lOniam: Rien nest fait, par exemple, pour la prise en charge de la douleur dun malade opr qui rentre chez lui. Mme si laccompagnement domicile aprs une maternit via le Prado est un vrai progrs pour les patientes et les sages-femmes, indique Marie-Jose Keller, prsidente de lOrdre na-tional des sages-femmes. A contrario, cet accompagnement a consi-drablement rduit les consultations de rducation prinale chez les masseurs-kinsithrapeutes, en raison dune orientation quasi syst-matique vers des sages-femmes, constate Pascale Mathieu, la prsi-dente de leur Ordre.

    Permanence des soins ambulatoires: continuit de l'accs un avis mdical (hors urgences) aux heures habituelles de fermeture des cabinets mdicaux (soirs, week-ends et jours fris)

    Prado: programme daccompagnement au retour domicile par une sage-femme aprs un accouchement, propos par lAssurance maladie

    Colloque singulier: relation particulire entre le mdecin et son patient protge par le secret mdical

    LA PRISE EN CHARGE DES PATHOLOGIES CANCREUSES_Le problme de lgal accs aux soins est patent pour les pathologies cancreuses, regrette le PrAgns Buzyn, prsidente de lINCa, avec un dlai moyen de 21jours pour un diagnostic IRM, variable du simple au triple selon les rgions, contre, parfois, un dlai dun jour pour une IRM du genou. Il est urgent de mieux organiser la filire de radiologie. Elle dplore par ailleurs un parcours de soins htrogne, qui dpend notamment de lentre dans la filire et de limplication du mdecin traitant. En outre, les recommandations et rfrentiels ne sont pas toujours respects par les mdecins, avec des impacts importants sur la qualit de vie des malades. Selon la prsidente de lINCa, il faut accentuer la concertation pluridisciplinaire, gage de qualit des soins et qui participe la formation continue des praticiens, mme si cest difficile compte tenu de la dmographie mdicale et de la surcharge de travail des tablissements.

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  • Relations mdecins-patientsLe rle du mdecin lgard du patient ncessite dtre repens, estiment de nombreux acteurs du systme de sant. Recueil et priorisation des informations, ducation la sant avant lducation thrapeutique, parte-nariat avec les usagers selon des modes plus respectueux des droits des patients, pour sortir dun fonctionnement mdical qui semble tre rest fig dans le temps, explique Bernadette Devictor, de la Confrence natio-nale de sant. Pour le PrHarousseau de la HAS, les malades sont deman-deurs de nouveaux rapports avec leurs praticiens, ce qui doit pousser au dveloppement de la dcision partage, sur le modle anglo-saxon, car la France est en retard dans ce domaine.

    Un avis partag par Grard Raymond, qui prconise de renforcer lac-compagnement des patients et de rechercher leur adhsion. Le mdecin na plus en face de lui un malade, mais une personne, quil doit davantage couter et comprendre, assure le prsident de lAssociation franaise des diabtiques. Jacques Toubon invite lui aussi les professionnels de sant informer davantage les patients et leur famille, tout en pointant la lourdeur de leur charge de travail et en prconisant une meilleure valorisation des mdecins traitants, qui se situent au premier niveau de prise en charge.

    Une meilleure information des patients est de toute faon rendue indispensable par le dveloppement de la chirurgie ambulatoire, afin das-surer une totale scurit des soins, insiste Nicolas Gombault du Sou m-dical-MACSF. Tandis que la prsidente de lINCa souligne limportance de lducation thrapeutique des patients atteints dun cancer, en matire dobservance des traitements et de reconnaissance de signes dalerte. Un bon moyen aussi dviter que les intresss se tournent vers des pratiques dviantes (mdecines alternatives).

    Le mdecin est peru comme un prescripteur et non comme un pr-venteur, affirme Pierre-Marie Lebrun de lUnaf, sur la base des enqutes menes par lObservatoire des familles de lUnaf. La place du mdecin dans ce domaine est essentielle mais pas assez enseigne, ni exerce, ni valorise, abonde Annie Podeur. Ce ne doit pas tre lexclusivit de la mdecine du travail ou de la mdecine scolaire. Le PrBuzyn, de lINCa, ajoute quil sagit dun enjeu majeur pour le systme de sant, puisquon estime que prs de 40% des cancers pourraient tre vits. Or certaines campagnes mdiatiques sont inaudibles par la population tant elles sont nombreuses, ce qui suppose une forte mobilisation des mdecins pour les relayer. Enfin, une prvention mdicale accrue pourrait permettre de frei-ner linflation des appels durgence.

    Modes et modalits dexercice De nombreux acteurs exhortent une nouvelle donne concernant les modes dexercice mdical. La mdecine individualise est en fin de vie,

    SOINS ET PRIVATION DE LIBERT_Certaines consultations de dtenus se droulent avec des menottes ou des entraves, en prsence des surveillants pnitentiaires, souvent la demande des mdecins, ce qui amne certains dtenus renoncer aux soins, dplore Adeline Hazan, Contrleure gnrale des lieux de privation de libert. Les mdecins sinquitent de la mise en cause de leur responsabilit en cas dincident, or elle ne sera pas engage sils ont respect la classification de la dangerosit des dtenus. Par ailleurs, les carts de pratiques dans les hpitaux psychiatriques sont importants, relve-t-elle. Dabord du fait de labsence de registre des mises sous contention physique ou lisolement. Ensuite en raison des notifications souvent imprcises des mdecins (isolement ou contraintes si besoin), qui laissent les infirmiers dcider seuls. Enfin, les psychiatres agissent trs diffremment dun tablissement lautre voire dun service lautre en matire de maintien des liens familiaux, daccs Internet ou dusage du tlphone portable. Ce qui doit amener une rflexion sur les prrogatives des chefs dtablissements, suggre Adeline Hazan.

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  • il faut dvelopper une mdecine de groupe, physique ou virtuelle, assure Grard Raymond, de lAFD. Le cot de la non-observance et lvolution actuelle des technologies imposent une rvolution de lexercice mdical en cours et une volution trs forte du lien entre les professionnels, abonde Claire Compagnon, de lOniam.

    Il faut faire voluer le mtier, qui est embolis par des tches ad-ministratives de toutes sortes et qui ne laisse plus assez de place aux soins, plaide milie Frelat, prsidente du SNJMG. Bernadette Devictor, de la Confrence nationale de sant, prconise le remplacement du modle libral individuel par des cabinets coopratifs avec une mutua-lisation des tches administratives et une meilleure rpartition des crneaux horaires. Cela permettrait une coopration avec les tablisse-ments de soins et une responsabi-lit partage des professionnels de sant au regard de la prise en charge des patients. Et stonne de la frilosit de certains mde-cins sur la problmatique de la dlgation de tches, qui ne conduit pas une perte de prro-gatives, mais une revalorisation du rle du mdecin. Une position que partagent la Mutualit franaise et la MSA, cette dernire faisant remarquer, par la voix du DrAnne-Claude Crmieux, que la dcharge des tches administratives a t un puissant facteur de russite dans certaines exprimentations de coordination voire de regroupements des professionnels de sant.

    Jean-Paul Hamon, prsident de la FMF, reconnat que la dlgation des tches pourrait tre organise plus largement, condition que les mdecins soient dans le mme tablissement et puissent travailler avec deux salaris et demi comme leurs collgues europens. La fdration nationale des sapeurs-pompiers indique que la position commune avec le Samu, arrte en juin 2015, considre que linfirmier est lintermdiaire entre le secouriste et le mdecin. Mais la pratique et lorganisation du recours linfirmier doit tre protocolise par les mdecins, rappelle son vice-prsident, Patrick Hertgen. Nicolas Gombault, pour le Sou mdi-cal-MACSF, dplore que les transferts de comptences des mdecins vers dautres professionnels de sant prvus dans la loi HPST naient pas don-n les rsultats escompts. Il appelle allger les contraintes de toutes sortes qui psent sur les mdecins gnralistes et favoriser les maisons de sant pluridisciplinaires, mme si on peut sinterroger sur linterven-tionnisme de ltat dans leur organisation.

    Pascale Mathieu, de lOrdre des masseurs-kinsithrapeutes, dplore les situations de concurrence dloyale cres par les maisons de san-t lgard des kins dj installs. Mme constat pour les sages-femmes librales: Elles peuvent perdre prs de 30% de leur chiffre daffaires, lorsquune maison mdicale voir le jour proximit, affirme Marie-Jose Keller, la prsidente de lOrdre; la possibilit dintgrer une maison de sant permettrait une meilleure rgulation, alors que le nombre dinstallations en libral a fortement progress. A contrario, Didier Borniche, de lOrdre des infirmiers, na pas eu de remontes

    De nombreux acteurs exhortent une nouvelle donne en ce qui concerne les modes dexercice mdical.

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  • dfavorables et cite lexemple gagnant-gagnant des cooprations entre professionnels de sant au Canada. Le dveloppement des maisons de sant est trop lent, regrette Annie Podeur, du Cese. Quand il ny a pas doffre de soins librale, il faut accepter de soutenir la cration dun centre de sant avec des mdecins salaris, pour garantir laccs des soins ambulatoires de proximit.

    Les jeunes mdecins ne souhaitent pas forcment du tout-paiement lacte, mais veulent une diversification des modes de rmunration, atteste le Drmilie Frelat, du SNJMG, qui regrette que les mdecins g-nralistes ne puissent pas coter un certain nombre dactes comme le font les autres spcialits. De son ct, le DrJacques-Olivier Dauberton, pr-sident de ReAGJIR, prconise de mieux intgrer les remplaants et de valoriser le statut peu connu de collaborateur libral.

    Pour la FMF, Jean-Paul Hamon propose dattribuer un forfait struc-ture, pour travailler avec un secrtariat et des outils informatiques communicants, afin dassurer la coordination et la continuit des soins, quelle que soit la spcialit clinique. En sappuyant sur la messagerie Apicrypt , dj utilise par plus de 45000mdecins. Le partage dun rsum de dossier avec une communaut de mdecins assure la coordi-nation des soins et donne lhabitude de travailler ensemble. Claude Lei-cher, de MG France, est favorable la mise en uvre dune messagerie scurise. Trs sceptique sur lavenir du DMP, il considre, en matire de partage de linformation des donnes de sant, que le dossier profes-sionnel du mdecin, carrefour du recueil des donnes du patient, pourrait tre la source dans laquelle les diffrents professionnels de sant pour-raient venir puiser les donnes utiles avec lautorisation du patient.

    Enfin, laugmentation sensible du tarif de la consultation reste une revendication forte de tous les syndicats de mdecins libraux. Nos responsabilits sont de plus en plus grandes, nous sommes la seule profession qui doit financer des travaux daccessibilit pour les per-sonnes handicapes sur nos fonds propres. Or, nos tarifs restent bloqus par le gouvernement, et nous ne pouvons pas multiplier le nombre dactes pour faire face la dpense, affirme Jrme Marty, de lUFML. Sans revalorisation forte, les mdecins libraux seront de plus en plus dissuads de sinstaller.

    Parcours et perspectives de carriresToute la question est de savoir comment rendre le mtier attractif au-trement qu lhpital, juge Baptiste Boukebous, prsident de lIsni. Les internes aspirent de plus en plus un exercice mixte. Lexercice mixte permet dintgrer une quipe de taille critique, propice la formation continue, tout en ayant les garanties dune protection sociale optimise. Pour Bernadette Devictor, prsidente de la Confrence nationale de san-t, il faut rompre avec la dichotomie entre les mdecins qui exercent lhpital et ceux qui exercent en ville. Cette concurrence est dommageable aux usagers et aux mdecins. Pour offrir de nouvelles perspectives aux jeunes mdecins, notamment en milieu rural, il faudrait favoriser leur

    Apicrypt: premire messagerie mdicale scurise

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  • intgration dans des maisons de sant pluridisciplinaires et pouvoir leur proposer des activits denseignement et de recherche, suggre le PrAnne-Claude Crmieux, de la MSA. Pour Gauthier Chantrel, vice-pr-sident de lISNAR-IMG, laccueil de chefs de clinique assistants dans les maisons de sant valoriserait les formations ambulatoires. Des forma-tions spcifiques linstallation en libral permettraient aussi de lever certains freins et rticences.

    Mais la question de lattractivit de la carrire se pose aussi dans les tablissements hospitaliers, selon le PrMoulin, reprsentant les CME de CHU: On fait poireauter des jeunes dans des postes des praticiens contractuels, qui finissent, bout de patience, par quitter lhpital. Cest eux quil faut sintresser et non aux praticiens hospitaliers arrivs au dernier chelon. Lamine Gharbi, de la FHP, a le sentiment que les m-decins sont souvent dsabuss, alors que rien ne peut se faire sans eux. Il faut revaloriser leur rle.

    Si tous les acteurs du systme de sant insistent sur le rle de la formation continue dans les volutions de carrires, ils divergent beau-coup sur les modalits souhaitables. Les premires annes du Dve-loppement professionnel continu (DPC) permettent de dresser un bilan positif, compte tenu du niveau dengagement croissant des m-decins depuis 2013, assure Monique Weber, directeur gnral de lOG-DPC. Lintgration de lvaluation des pratiques professionnelles per-met de savoir ce que le mdecin doit amliorer et, dans la ligne des prconisations de lIgas, ce dispositif devra notamment tre renforc pour prserver la qualit des programmes. Pour le PrDo-minique Bertrand, conseiller m-dical du CNG, le DPC peut tre problmatique en cas dexercice partiel de la spcialit. Il est justifi quun mdecin puisse orienter son DPC, en fonction de ses choix ac-tuels ou pour lavenir. Cest--dire quun changement dorientation pro-fessionnelle pourrait tre pris en compte par lobligation de DPC. Il faut parvenir ne pas segmenter laccs aux formations, en fonction des conditions d'exercice des mdecins.

    Le DPC doit amliorer la situation individuelle des mdecins, tre trs proche de la re-certification, tre en adquation avec un plan de carrire (qui reste inventer pour les mdecins libraux), estime le DrPhilippe Bonet, prsident de lUnaformec. Mais la France ne fait-elle pas fausse route, en encadrant la formation continue de l'ensemble de la profession? Les Anglo-Saxons ne se concentrent que sur les 5% de m-decins dits dviants et laisse toute marge de manuvre aux 95% res-tants. Au Canada, 98% des mdecins font spontanment leur DPC et le financent, abonde le PrOlivier Goau-Brissonnire de la FSM, qui prconise un dispositif souple et prenne avec des modalits communes aux deux modes dexercices, les conseils de spcialits dfinissant un parcours individuel retrac par le professionnel dans un portfolio qui lui serait propre. Ce dossier personnel pourrait tre initi durant les

    DPC : obligation annuelle de formation continue pour les professionnels de sant

    La formation continue joue un rle prpondrant dans les volutions de carrires des professionnels de sant.

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  • tudes mdicales, ds le dbut du 3ecycle, en accord avec luniversit. Le syndicat SML est, quant lui, trs critique sur le DPC et sur les

    modalits de-learning: Il faut que les mdecins puissent encore sortir de leurs cabinets et rencontrer leurs pairs, pour lutter contre le burn-out, expose le Drric Henry. Claude Leicher, pour MG France, souhaite que le DPC soit sorti des mains de ladministration franaise.

    Formation initialeLa ncessit dducation des patients et de concertation passe par une meilleure formation des mdecins, considre Claire Compagnon, de lOniam. Les systmes de sant qui fonctionnent bien aujourdhui, par exemple en Australie ou dans certains pays du Nord de lEurope, ont fait voluer leur formation mdicale. Les grilles de formation sont labores par les hospitalo-universitaires, relve Annie Podeur, du Cese: Elles pri-vilgient la mdecine dorgane plutt que la prvention et lducation la sant. Pour Grard Raymond, de lAFD, la formation doit davantage mettre laccent sur laccompagnement des patients et sur les capacits dempathie. La formation initiale est effectivement inadapte, selon le DrJacques-Olivier Dauberton, de ReAGJIR: Dixans dtudes sont nces-saires pour valider le diplme de mdecine gnrale et, une fois que lon sinstalle, on a limpression de ne pas exercer le mtier pour lequel on a t form. Il faut rapprocher la formation du rel et davantage voquer le contact avec le patient et le rle du mdecin dans la socit.

    Lassociation de jeunes gnralistes estime notamment que la Paces et lECN sont en complet dcalage avec lexercice du mdecin. Mais pour Amlie Hemeret, vice-prsidente gnrale de lAnemf, il est trop tt pour faire un bilan de la Paces, qui na que trois ans dexistence. Le PrJean-Pierre Vinel, ancien prsident de la Confrence des doyens, prconise un concours de 1re anne rvis, largi des enseignements gnraux de sant publique ou dthique notamment, avec une vocation pdagogique plus marque, afin douvrir de nombreux dbouchs, et dof-frir dautres perspectives que la mdecine aux tudiants en difficult. Par ailleurs, Amlie Hemeret de lAnemf dplore le gchis humain engen-dr par le numerus clausus et son contournement avec les flux euro-pens et les inscriptions de certains tudiants hors de France. Pour mi-lie Frelat, du SNJMG, ce systme slectionne les tudiants sur leurs seules capacits fournir un travail consquent, sans prendre en consi-dration la fibre motionnelle et sociale de lindividu. Il est impratif davoir une dclinaison rgionale des capacits de formation et de rai-sonner par filire, ajoute le PrSerge Uzan, vice-prsident sant de la facult Pierre et Marie Curie. Dans le reste de lEurope, il ny a pas de numerus clausus, ce sont les capacits de formations des universits qui sont dterminantes, insiste le PrDominique Perrotin, doyen de la facul-t de Tours, qui plaide pour un systme quivalent en France.

    Par ailleurs, il faudrait rduire la dure des tudes des 1er et 2e cycles et allonger le 3e cycle, selon le PrUzan, car la dernire anne avant lECN est exclusivement consacre aux rvisions. LIsni demande un examen en franais pralable lECN, obligatoire pour tous les candidats trangers. Dautres plaident pour une note liminatoire lECN, qui permettrait

    Paces: premire anne commune aux tudes de sant (mdecine, dentaire, pharmacie, sages-femmes)

    ECN: preuves classantes nationales, examen de fin de second cycle (ancien concours de linternat)

    Numerus clausus: nombre dtudiants (fix par le gouvernement) admis passer en 2e anne dtudes mdicales, pour chaque universit

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  • dcarter les tudiants qui ne sont pas au niveau. Le PrVinel rappelle que la confrence des doyens souhaite une note liminatoire 7 et souligne que pour lheure, lECN ne prend pas en compte le niveau de formation ni la matrise de la langue franaise. Pour le Drmilie Frelat, du SNJMG, le systme de la note liminatoire ne changerait rien au fait que les derniers postes choisis sont ceux de mdecine gnrale.

    Autre difficult lie au nombre lev dtudiants en France: les stages cliniques perdent de leur intrt et la formation clinique la franaise, salue ltranger, est en danger, assure le PrPerrotin. Maxime Rifad, de lAnemf, indique que les externes sont en surnombre par rapport lquipe qui peut les prendre en charge et suggre dorganiser les stages en deux parties : six se-maines lhpital et six semaines en ambulatoire. Pour Jean-Paul Ha-mon, de la FMF, il faut faire en sorte que tous les tudiants, gnralistes ou spcialistes, aient un stage obligatoire en libral dun an dont les six derniers mois en situation de responsabilit. Pour que les mdecins aient les moyens de les accueillir correctement, il faut transfrer une partie de largent consacr aux stages hospitaliers vers la mdecine de ville. lisa-beth Hubert, pour la Fnehad, regrette quon nenseigne pas aux jeunes m-decins que la mdecine nest pas uniquement hospitalire et quelle peut tre librale, salarie, quil peut sagir dune mdecine de soins comme dune mdecine de prvention Elle suggre que la dernire anne dinternat puisse tre consacre un exercice en autonomie dans des zones sous-m-dicalises de la rgion.

    Gauthier Chantrel, de lISNAR-IMG, pense que le dveloppement de stages en ambulatoire, des campagnes dinformation pour mieux faire connatre la mdecine gnrale et un assouplissement des conditions pour tre matre de stage pourraient tre bnfiques aux internes de mdecine gnrale. De son ct, Claude Leicher, de MG France, rclame une meil-leure rmunration pour les matres de stage, une 4e anne de mdecine gnrale et davantage denseignants sur cette spcialit. Le DrPelloux de lAmuf dplore que certains professeurs dissuadent les internes en m-decine gnrale deffectuer des stages dans des services durgence. Idem pour le DrJuan, qui pointe lopposition de nombreux dpartements de mdecine gnrale la ralisation de stages dans les structures de SOS-M-decins. Le PrPerrotin estime ncessaire que les internes aient au moins trois semestres de stages avec plusieurs mdecins gnralistes.

    Un nombre lev d'tudiants en mdecine peut nuire la qualit de la formation dispense.

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  • LES ATTENTES LGARD DE LORDRE DES MDECINSLOrdre des mdecins a un rle majeur jouer dans le cadre de la formation initiale pour enseigner la dontologie, un thme essentiel, port trop tardivement devant les tudiants, estime ReAGJIR. Cet enseignement de la dontologie pourrait faire lobjet dune rflexion partage entre les ordres professionnels, selon lOrdre des pharmaciens. Pour les urgentistes de lAmuf, lOrdre doit rappeler les principes de bienveillance, de confraternit et dhumanit tous les moments de lactivit mdicale et donner aux mdecins des lments de langage pour leur permettre de mieux faire face aux exigences des patients. Le Samu attend de lOrdre quil promeuve la coordination des diffrents acteurs du systme de sant, avec des plateformes de rgulation mdicale. Avecune posture de fdrateur, selon les urgentistes du SNUHP, et de contre-pouvoir lgard des ARS. La fdration nationale des sapeurs-pompiers de France considre, quant elle, que lOrdre des mdecins pourrait favoriser le dveloppement de la tlmdecine et encadrer des rponses paramdicales dans les zones ne disposant plus deffecteurs mdicaux. LOrdre des mdecins pourrait aussi jouer un rle de filtre, selon la MACSF, car lirruption doffres de sant prives sur Internet est de nature creuser davantage la fracture sociale. Plus globalement, la FHF souhaite que lOrdre soit audacieux dans les thmes abords en se gardant de tout corporatisme, la FHP estime quil doit redonner confiance et envie de simpliquer aux mdecins et la Fnehad insiste sur la ncessit de donner une image plus moderne de la pratique mdicale, sans chercher faire plaisir aux gnrations qui partent.

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  • LE SYSTME DE SANT AUSCULT PAR 35 000 MDECINS

  • Plus de 35 000 mdecins ont particip lenqute en ligne de la Grande consultation de lOrdre des mdecins entre mi-octobre et mi-novembre 2015. Cest une mobilisation massive et sans prcdent qui montre que cette enqute a su fdrer une profession pourtant diverse dans ses modes dexercice et disperse dans les territoires. La matire rcolte est dune infinie richesse et apporte une trs bonne comprhension de la ralit vcue et des enjeux de la profession. La trs forte participation permet en effet une lecture des rsultats trs dtaille, auprs de sous-populations prcises comme, par exemple, la mdecine scolaire, les hospitaliers du priv, les mdecins-conseils de lAssurance maladie ou encore les mdecins remplaants. De la mme manire, il est possible didentifier les attentes et problmatiques spcifiques rencontres en fonction des modes dexercice et de la rgion dinstallation, que ce soit en exercice seul, en groupe mono-disciplinaire, en groupe avec dautres professions de sant, ou encore pour les mdecins exerant temps partiel. Le premier enseignement de cette consultation, voire la grande surprise, cest lhomognit du constat exprim par les mdecins, quels que soient leur appartenance socio-dmographique, leur spcialit ou leur mode dexercice Fiert dappartenance mais contraintes fortes dans lexercice au quotidien, volont de faire voluer le systme de sant pour retrouver le temps du soin ce chapitre reprend les grandes lignes du diagnostic unanime dress par la profession. Lensemble des rsultats, mis disposition par le Cnom, permettra de nourrir une approche fine et complte de chacune des spcificits et attentes des mdecins pour rpondre aux nombreux dfis qui se posent cette belle profession qui joue un rle si particulier dans la vie de chacun.

    BERNARD SANANES, Prsident de lInstitut Elabe

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  • lautomne 2015, len-semble de la profes-sion a t convi par lOrdre des m-decins participer

    une vaste consultation en ligne, organise par lInstitut Elabe.

    Durant deux mois, en octobre et novembre, plus de 35000 m-decins ont fait connatre leur point de vue, dont plus de 30000 qui ont rpondu un question-naire dune vingtaine de minutes. Des mdecins libraux ou sala-ris, des praticiens hospitaliers, des mdecins scolaires, des m-decins du travail, de toutes les rgions mtropolitaines et ultra-marines. Cette participation ex-ceptionnelle a permis de prciser, de manire fine et dtaille, leur perception du systme de sant, le diagnostic port sur leur mtier et leurs souhaits dvolution. Des enseignements qui sont mis en regard des apprciations et at-tentes des Franais, interrogs en novembre 2015 dans le cadre dun sondage dopinion.

    Cette enqute hors normes fait ressortir un profond attache-ment des mdecins leur mtier, mais un trs grand malaise sur leurs conditions dexercice et sur leur rle dans la socit, ainsi que de fortes inquitudes pour lave-nir. Elle rvle aussi une puis-sante volont de changement, bien loin du clich dune profes-sion corporatiste qui serait avant tout partisane du statu quo. Pour les mdecins, le changement passe dabord et surtout par des actions permettant daugmenter le temps de soins.

    Autant dlments cls illus-trs lenvi par les tmoignages des mdecins, recueillis dans le cadre de la Grande consultation en ligne et au cours des seize rencontres organises dans toutes les rgions.

    89 % des mdecins sont fiers dappartenir leur profession (dont 50 % trs fiers)

    Le premier enseignement de la Grande consultation en ligne sonne comme une confirmation : les mdecins prouvent un fort attachement leur mtier. On a beaucoup de problmes mais on est fiers de notre mtier , estime ainsi un mdecin de Dole. Un mtier toujours vu comme une vocation, exerc lissue de lon-gues tudes, et qui ncessite une grande implication personnelle.

    Autre constat marquant : les mdecins se disent majoritaire-ment satisfaits (61 %) de leur situa-tion professionnelle en gnral, et

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  • plus particulirement en ce qui concerne leur scurit au travail et leur organisation.

    Mais ils dplorent la dvalori-sation de leur mtier et sont 91 % considrer que leur mission de service public est mal reconnue. Et lorsquils voquent dans le d-tail leurs conditions dexercice, les mdecins se montrent critiques. Un malaise quils expriment des degrs divers, sous des formes multiples, mais qui fait malheu-reusement consensus.

    57 % des mdecins dplorent la lourdeur de leur charge de travail

    Dans leurs rponses au ques-tionnaire en ligne, nombreux sont les mdecins qui voquent le poids de leur vie profession-nelle, au dtriment de leur vie prive. Jai fait un burn-out aprs onze ans de garde , relate ainsi une femme mdecin deMarseille, tandis quun de ses confrres des Bouches-du- Rhne ayant exerc ltranger met en avant la fuite de mdecins, qui se plaignent de la qualit devie et des difficults administratives , vers des terres plus accueillantes.

    Quel que soit leur mode dexer-cice, les mdecins s'interrogent sur leur rapport au travail. Les jeunes gnrations en particulier tiennent soigner leur qualit de vie. Nos consultations sont de plus en plus longues, on est fati-gus, certains sont au bord du burn-out , constate un mdecin de Lyon.

    La charge de travail est colos-sale, quasi infaisable , selon un mdecin gnraliste du Gosier, en Guadeloupe : Le mtier a chang du tout au tout. On essaie de nous imposer une obligation de rsultat.

    Avec force tmoignages lap-pui, la quasi-totalit des mdecins interrogs mettent cette situation sur le compte du trop-plein de contraintes, qui allongent leur temps de travail et rduisent leur temps mdical.

    97% des mdecins estiment subir trop de contraintes rglementaires, conomiques et administratives

    Une partie de lpuisement pro-fessionnel vient du fait quon est forms pour faire du mdical alors que dans notre exercice, on est phagocyts par des tches non mdicales , dplore un m-decin de Marseille. Cest quand mme extraordinaire quon fasse dix douzeans dtudes pour quau

    final une partie de nos actions ne soit pas un travail de mdecin , ajoute le mme.

    Ce qui nous pse beaucoup depuis vingt ans, cest le temps administratif qui a doubl, avec notamment le renouvellement des certifications de tutelle, les bons de transport, les formu-laires divers , dtaille un m-decin de Dole. Un confrre du Jura complte : Je ne compte pas mes heures, on est bouffs par ladministratif. a mest arri-v de commencer 9 heures ma journe, avec une premire consultation 10h45 seule-ment. Tout ce qui prcdait tait de ladministratif. Jai la chance davoir une secrtaire, je ne vois pas comment cest faisable au-trement, car on est crass par la paperasse. Il y a des patients quon ne peut pas prendre, on fait tout ce quon peut, mais les gens ne se rendent pas compte de tout ce quon fait.

    Ces contraintes sont dnon-ces par tous les mdecins, quels que soient leur spcialit ou leur mode dexercice. Je pense que les hpitaux sont noys dacti-vits qui ne sont pas les leurs, qui leur prennent du temps et qui ne servent rien , estime ainsi un praticien marseillais. Quand un de ses confrres d-plore lvolution de son travail, qui ressemble de plus en plus celui dune assistante sociale et se demande si les maisons de sant pluridisciplinaires ne

    Jexerce mon mtier avec passion : si ctait refaire, je le referais quand mme!UN MDECIN DE FORT-DE-FRANCE

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  • devraient pas embaucher lave-nir des assistantes sociales.

    De trs nombreux profession-nels dplorent aussi les relations avec les caisses dassurance ma-ladie, linstar de ce mdecin de Lyon, qui voque un harcle-ment des caisses, qui nous de-mandent des protocoles, des re-nouvellements de documents quil faut refaire en permanence. Ce nest pas du temps mdical. Nous devons aussi prendre en charge plus denfants, car il y a moins de mdecins scolaires.

    Les mdecins libraux montrent galement du doigt les contraintes de mise aux normes pour laccueil de patients handica-ps. Pourquoi tous les cabinets devraient squiper? a va encore coter trs cher et dcourager en-core plus les mdecins , sinter-roge ce mdecin exerant en Franche-Comt. Tandis quun de ses homologues des Bouches-du-Rhne estime que 90 % de la pro-fession nest pas en rgle et in-dique que plusieurs confrres menacent de dplaquer .

    Un chirurgien hospitalier de Guadeloupe souligne aussi la place trs importante prise par linformatique dans lactivit m-dicale, la jugeant la fois chro-nophage et dmoralisante .

    Autant de tmoignages qui dessinent un mtier contraint,

    de plus en plus peru comme un carcan et qui sest dvaloris. tel point que les trois quarts des mdecins expriment leur in-quitude pour lavenir.

    97% des Franais estiment que leur relation avec leur mdecin traitant est bonne. Mais pour 46 % dentre eux, elle tend se dtriorer

    Lenqute dopinion ralise par Elabe auprs des Franais confirme la relation de confiance trs forte entre les Franais et leur mdecin traitant : prs de 90 % de taux de satisfaction pour laccueil, la qualit de linformation, la qua-lit des soins ou encore la prser-vation du secret mdical; plus de 80 % dopinions positives pour la disponibilit dcoute, le temps dexamen, le prix de la consulta-tion ou encore lindpendance. Avec des patients qui demandent dabord leur mdecin, lorsquils

    ont une question lie leur sant, avant de se tourner vers leurs proches, les forums et sites Inter-net, leur pharmacien ou un ta-blissement hospitalier.

    Pour autant, une forte propor-tion de Franais ressent une dt-rioration de la situation depuis dixans, 66 % estimant notam-ment que la parole du mdecin est de plus en plus remise en cause par les patients. Nous sommes censs dtenir le savoir, mais nous nous retrouvons avec beaucoup de pathologies fonc-tionnelles, que nous ne savons pas forcment prendre en charge, faute de formation adap-te , explique un mdecin n-mois. Les patients sont de plus en plus paums, ils ont tendance aller vers des thrapies alterna-tives ou finissent par atterrir chez le chirurgien.

    Prs 60 % des patients consi-drent galement que les mde-cins deviennent de plus en plus de simples prestataires de services. Jai eu le cas rcemment dun patient qui a insult ma secrtaire, parce que je ne pouvais pas voir son enfant, alors que javais un pa-tient avec une douleur thoracique dans mon cabinet , relate un m-decin gnraliste de Dole. Je suis install depuis prs de dix ans et je travaille 4 jours par semaine pour des raisons personnelles , tmoigne un mdecin du Gard. Que dire aux patients que je suis

    Il y a un dcalage entre le mtier rv et le mtier exerc. UN MDECIN DE TOULOUSE

    Danne en anne, cest de plus en plus difficile, avec un malaise qui est norme et parfois des suicides. UN MDECIN DE MARSEILLE

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  • oblig de refuser? Ils engueulent ma secrtaire, en lui disant quils nont plus qu mourir.

    Autre reproche, plus profond, adress aux mdecins par deux tiers des Franais : ils ne consacrent plus assez de temps aux soins depuis dix ans. Une cri-tique trs largement partage par les principaux intresss, comme ce psychiatre de Dole : Le nombre de burn-out explose et nous sommes de moins en moins nom-breux. Moins on a de temps, plus on prescrit des psychotropes, au dtriment de la psychothrapie.

    Un confrre du Languedoc ajoute que la valeur ajoute dun mdecin rside dans son acte mdical, mais aussi dans le temps pass la prvention. Sinon, les patients vont devenir des surcons-ommateurs .

    74 % sont inquiets pour lavenir de la profession

    Jai eu des difficults mins-taller, puisque jai mis environ dixans, et jai choisi un exercice en groupe, car ctait plus facile. Mais dixans aprs je dchante, car plusieurs de mes associs sen vont et quon se retrouve payer une charge norme qui met en pril mon cabinet. Une position qui nest pas isole, puisque seulement 35 % des m-decins interrogs par Elabe dans le cadre de la Grande consulta-

    tion sont satisfaits et optimistes quant leur avenir personnel. Certains allant mme jusqu en-visager de ne plus exercer, comme ce mdecin de Lille : Aujourdhui, si on moffrait une reconversion, jaccepterais.

    Peur de la disparition de la mdecine telle quelle a tou-jours exist , peur dune mde-cine sans mdecin , grande in-certitude sur lvolution du mtier les marques dinqui-tude sont multiples et touchent aussi bien les praticiens hospi-taliers que les libraux, les m-decins expriments que les nouveaux installs.

    Un jeune gnraliste marseil-lais effectuant des remplace-ments avoue quil hsite sinstal-ler : Le diktat conomique pse sur les mdecins. Jai limpression que ceux que je remplace ont de plus en plus de pression des caisses dassurance maladie.

    Last but not least, 46 % des m-decins interrogs dans le cadre de la Grande consultation se disent insatisfaits de leurs possibilits dvolution de carrire (contre 40 % satisfaits et 14 % sans opi-nion). Rsultat : si lattachement la profession reste puissant, en dpit des contraintes exprimes, le mtier semble de moins en moins attractif.

    Seulement 53 % des mdecins encourageraient une jeune personne de leur entourage devenir mdecin

    Le constat de la perte dattractivi-t du mtier est largement parta-g par les Franais : 66 % des son-ds sont daccord pour dire que les jeunes gnrations nont plus envie de devenir mdecin. Ce nest pas faute davoir alert, pointe un professionnel de Nan-cy : Nous sommes des lanceurs dalerte depuis des dizaines dan-nes. La situation devient de moins en moins tenable et de moins en moins de jeunes veulent sinstaller.

    Un confrre rennais affirme, lui, que les jeunes mdecins qui sortent de la facult de mde-cine prfrent pratiquer lhpi-tal plutt que de rentrer dans le systme de mdecine gnrale

    Le temps administratif ronge le temps mdical. UN MDECIN DE NANCY

    Lart mdical reprsente dsormais 30 % de notre travail, contre 70 % dvolus aux contraintes administratives. UN MDECIN DE RENNES

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  • quon leur propose . Ajoutant : Il y a cinqans, jtais encore serein et fier dtre un artisan, dans un pays qui avait la meilleure mdecine au monde et mainte-nant je suis inquiet et en colre.

    Comment encourager les jeunes venir travailler en zone semi-rurale, si lon dcourage ceux qui sont dj prsents par des tracasseries administratives, et notamment des contrles tatil-lons sur les arrts de travail , ajoute un mdecin de Toulouse.

    Les craintes exprimes par les mdecins sur lavenir de leur profession stendent en fait lensemble du systme de sant, puisque 8 mdecins sur 10 affichent leur pessimisme, lunisson avec leur patientle (7Franais sur 10 partageant cette vision).

    86% des mdecins sont pessimistes quant lavenir du systme de sant

    Certes, les mdecins assurent trs majoritairement que le sys-tme de sant est de qualit, per-formant, efficace, mais une mino-rit estime que lorganisation de loffre de soins est adapte. Lorga-nisation et le fonctionnement du systme hospitalier ne sont jugs satisfaisants que par 25 % des m-decins ayant particip la Grande consultation. Une proportion qui tombe 20 % pour la mdecine du travail et 11 % pour lorganisation et le fonctionnement de la mde-cine scolaire.

    En fait, le niveau de satisfac-tion lgard du systme de san-t est trs variable, selon le point de vue que lon adopte, mdecin ou patient. Prs de 8 mdecins sur 10 jugent le systme satisfai-sant pour les patients, une pro-portion que lon retrouve chez les

    patients eux-mmes. Mais seule-ment 3 mdecins sur 10 lesti-ment satisfaisant pour leur pro-fession. Le systme se rvle donc profondment inadapt lgard de ses principaux acteurs.

    Il y a beaucoup de dsarroi chez les mdecins hospitaliers, souvent insrs dans des struc-tures pesantes , tmoigne un m-decin de Pessac, en Gironde. Un anesthsiste hospitalier parisien relate les pressions exerces par les directeurs dtablissement hospitalier pour intensifier lacti-vit et la rentabilit de lexercice de la mdecine, des pressions qui ont, selon lui, un impact sur la qualit de service et qui peuvent remettre en cause lindpendance professionnelle .

    Un mdecin hospitalier de Rennes dplore la place prpon-drante prise par les directeurs dtablissements : Nous avons de moins en moins de temps pour les

    patients et nous nous retrouvons parfois en opposition en ce qui concerne la prescription mdi-cale . Pour un praticien de Cayenne, les prrogatives des commissions mdicales dtablis-sement sont insuffisantes .

    82 % des mdecins estiment que le systme de sant se dtriore depuis dix ans

    Le systme de sant est peru par la profession comme tant en fin de cycle, 8 mdecins sur 10 assurant quil se dgrade. Unavis partag par 6 Franais sur 10. Tant le systme de sant que lavenir de la protection sociale paraissent compromis.

    Pour les mdecins, la gnra-lisation du tiers payant est sou-vent considre comme la goutte deau qui fait dborder le vase Un mdecin de Guyane craint des difficults de recouvrement

    Ce qui me pose problme, cest le manque de visibilit dans notre profession. UN MDECIN DE NMES

    De nombreux jeunes temporisent, avant de dcider de sinstaller en libral. UN JEUNE GNRALISTE DE PARIS

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  • dhonoraires avec les petites mu-tuelles et des charges supplmen-taires pour les mdecins . Tandis quune gnraliste lilloise, qui re-jette le tiers payant et parle de har-clement de la scurit sociale et du gouvernement, va jusqu dire : Aujourdhui, si on moffrait une reconversion, je laccepterais. Jai toujours aim mon mtier, mais l, je suis cure .

    De nombreux mdecins d-noncent galement une logique de rentabilit financire de plus en plus prgnante, notamment dans les tablissements de sant. Je suis pris entre mon hpital qui me demande de multiplier les actes, et la Scu qui me demande dco-nomiser. Cest compltement aberrant , estime ainsi un prati-cien de Seine-et-Marne.

    La dsertification mdicale et les difficults rcurrentes dans la permanence des soins ambula-

    toires sont aussi juges par les mdecins comme un gros point noir du systme de sant. Sans que les perspectives dvolution soient rjouissantes. Le nombre de mdecins gnralistes scroule dans le Tarn et le Gers; jai 48 ans, et sur mon territoire, je suis le plus jeune mdecin , salarme un libral. Je lance un SOS sur la permanence des soins , avertit un mdecin n-mois. Nous manquons de volon-taires, nos tableaux de perma-nence comportent de nombreux trous et les mdecins non volon-taires nacceptent pas toujours la participation de remplaants.

    Consquence de cette ingale rpartition territoriale des mde-cins et de cette permanence des soins alatoire, tout dborde sur les urgences , constate un mde-cin urgentiste de Gosier. Malgr des tonnes dingniosit de nos services, on ne rpond pas aux besoins de la population. Lhospi-talo-centrisme a vraiment ses limites. Selon le sondage effec-tu par Elabe auprs de 4060 Franais, 46 % d'entre eux d-clarent avoir dj d renoncer des soins, en raison des dlais pour obtenir une consultation. Je travaille dans une zone si-nistre en psychiatrie, il y a au moins trois mois dattente , confirme un mdecin de Lille.

    Une consur de Fort-de-France constate une trs mauvaise communication et coordination entre la ville et lhpital, gn-rant une grande perte de temps .

    93% des mdecins jugent insatisfaisant le pilotage de la sant par les pouvoirs publics

    Les critiques des mdecins sont le plus souvent diriges vers les ins-tances de rgulation, les Agences rgionales de sant (ARS) en par-ticulier, vers lassurance maladie obligatoire et vers les compl-mentaires. Les ARS ont une vo-lution autoritaire avec des d-marches coercitives, humiliantes et vexatoires , se plaint un mde-cin de Haute-Garonne. On a des obstacles dans mon hpital avec ladministration, on est victimes de lARS qui change davis comme de chemise , peste un confrre de Meurthe-et-Moselle. Le pouvoir est dtenu par les statisticiens .

    Tous les gouvernements veulent tre normatifs avec les professions de sant, cest un danger , renchrit un confrre lorrain. Le manque dcoute du ministre de la Sant est aussi frquemment pingl. Ce qui nous drange, cest lindiffrence du gouvernement, qui dshuma-nise, cest ce quil a de pire , in-siste un mdecin de Pessac. Une majorit de Franais (53 %) es-time dailleurs que la sant nest pas une priorit des pouvoirs pu-blics, selon le sondage dElabe.

    Nous, mdecins salaris, nous sommes maintenant recru-ts par des entreprises du CAC40

    Comment le systme va-t-il seffondrer? Je ne sais pas, mais cest sr que cela va arriver. UN MDECIN DORLANS

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  • et par la CPAM pour des actions de soin , dplore un professionnel dOrlans. Lindpendance nest pas facile mettre en application dans ce type de structures, car on est en face dune machine admi-nistrative bien huile au point que le turn-over est impressionnant. Nous sommes soumis trop dad-ministration, pour ne pas dire dabus de pouvoir.

    Une ancienne mdecin lib-rale met en cause le poids de las-surance maladie dans la ferme-ture de son cabinet : Jai claqu la porte de mon cabinet suite des oukases qui venaient de lAssu-rance maladie qui mont laiss penser que nous, mdecins, ntions pas reconnus avec notre indpendance desprit.

    Seulement 21 % des mdecins sont satisfaits de la rpartition des rles entre lAssurance maladie et les complmentaires

    La loi Sant, adopte fin 2015, se retrouve particulirement dans le viseur des mdecins. La loi San-t, cest un tat surpuissant, des rgles trs contraignantes et lin-trusion des complmentaires. Jenvisage, tant en fin de carrire, de dvisser ma plaque et de faire autre chose , se dsole un mde-cin marseillais. Le but final des

    gouvernements nest-il pas dabandonner la Scurit sociale et de laisser les mutuelles re-prendre le flambeau? sinterroge un gnraliste.

    Pour un de ses confrres du Rhne, la loi Sant est une priva-tisation : On est en train de vendre les professionnels de san-t et les patients aux mutuelles. Un sentiment largement rpandu dans la communaut mdicale, et exprim maintes fois dans le cadre de la Grande consultation et des rencontres rgionales entre les mdecins et lOrdre.

    Je ne comprends pas pour-quoi les organismes privs viennent sinsrer dans le sys-tme de remboursement , dplore ainsi un mdecin de Dole. Cest inquitant au regard du partage des informations de sant. Quest-ce qui les empche-ra, demain, dadapter les cotisa-

    tions en fonction des symptmes et de dicter leur vision aux mde-cins?

    Autre tmoignage convergent, dun collgue du mme territoire : Allons-nous devenir des pions, des carrossiers, au service des mutuelles? Les pouvoirs publics vont-ils sorienter vers la conser-vation du systme de scurit so-ciale ou se vendre aux mu-tuelles? Un confrre francilien relve que les mdecins sont de plus en plus labelliss par les com-plmentaires sant et pronos-tique que le libre choix du mde-cin par le patient et la confiance rciproque vont exploser .

    95 % des mdecins veulent adapter ou rformer le systme de sant

    Loin de souhaiter que rien ne bouge, les mdecins prconisent des changements de manire quasi unanime. Ils sont 56 % plai-der pour une adaptation, moyen-nant certains amnagements, et 39 % rclamer une rforme en profondeur, selon les rsultats de la Grande consultation. Soit un total de 95 % favorables des mu-tations, les mdecins rejoignant ainsi leurs patients, partisans 87 % dune transformation.

    Si de nombreux mdecins se disent dsabuss, la plupart ne

    Le tiers payant risque de gnrer des difficults de recouvrement dhonoraires avec les petites mutuelles. UN MDECIN DE CAYENNE

    Le ministre de la Dfense dfend les militaires, la ministre de la Sant casse du mdecin du matin au soir. UN MDECIN DE DOLE

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  • baissent pas pour autant les bras. Exemples de verbatim recueillis dans le cadre de la Grande consultation : jespre un sur-saut , a peut pas aller plus mal, alors cherchons des solutions , les ides existent, en avant . Un mdecin de lle de la Runion in-siste sur la ncessit de revalo-riser le mtier de mdecin, de redorer son image dans la socit et de rtablir la cohsion de la profession pour y parvenir .

    En dpit des critiques formu-les lencontre des pouvoirs pu-blics (cf. ci-dessus), une large ma-jorit de mdecins (61 %) jugent que la mutation du systme de sant ne doit pas remettre en cause le pilotage par ltat et les pouvoirs publics, alors quils ne sont que 20 % souhaiter une plus grande ouver-ture aux acteurs privs.

    Toutefois, la plupart dentre eux estiment ne pas avoir suffi-samment de prrogatives par rapport aux instances de rgula-tion, un sentiment que les nom-breux tmoignages rapports plus haut ont largement mis en vidence. Ainsi, 83 % des mde-cins interrogs se disent favo-rables au partage de lautorit des ARS avec les professionnels lib-raux et hospitaliers dans la ges-tion territoriale des soins.

    Je crains le dsengagement progressif de ltat au profit des mutuelles et ses consquences sur lindpendance du mdecin UN MDECIN DE GOSIER

    La profession doit retrouver son unit, pour dfinir sa vision du systme de sant et la faire prvaloir auprs des politiques. UN GNRALISTE DE PESSAC

    92% des mdecins veulent rquilibrer leurs relations avec lAssurance maladie et les pouvoirs publics

    Au plan de la gouvernance natio-nale et territoriale, prs de 8 m-decins sur 10 plaident pour une association des organisations professionnelles de mdecins. Les mdecins hospitaliers en par-ticulier jugent prioritaire dtre associs la gouvernance des nouveaux Groupements hospita-liers de territoire (GHT).

    La Grande consultation d-montre aussi un fort attache-ment des mdecins et de len-semble de la population la proximit des soins. Une majori-

    t de mdecins (59 %) estiment quil faut la privilgier dans lorga-nisation du systme de sant, plutt que de promouvoir le ni-veau technique des quipements (27 %), ce qui pourrait conduire la fermeture dtablissements en contrepartie de matriels plus performants. Idem chez les patients : 57 % veulent un sys-tme qui investit dans des ta-blissements plus nombreux et plus proches de leur domicile, mme sils ne disposent pas de tous les quipements.

    Pour lutter contre la dsertifi-cation mdicale, les deux tiers des mdecins refusent linstau-ration de contraintes dinstalla-tion. Si certains voquent la possibilit damliorer les incita-tions, une partie dentre eux en soulignent les limites et incri-minent labsence de politique damnagement du territoire, avec notamment de nombreuses fermetures de services et de commerces dans certaines loca-lits. Pour faire revenir les m-decins, il faut faire revivre les territoires! fait ainsi remarquer un mdecin de Toulouse. Il ny a pas de dserts mdicaux, il y a des dserts globaux , abonde un confrre de Dole.

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  • Dautres prconisent de sap-puyer sur les nouvelles techno-logies pour pallier les dysfonc-tionnements territoriaux et dsengorger les consultations auprs des spcialistes. La t-lmdecine est trs peu co-teuse, elle permet de rorienter les patients de faon positive, notamment pour les CHU, et donne plus de responsabilits aux mdecins en rgions , argu-mente une chirurgien orthop-dique de Marseille.

    Au total, 85 % des mdecins jugent important de structurer le parcours de soins entre la mde-cine de ville et lhpital.

    79% des mdecins souhaitent des passerelles entre spcialits et des cooprations fortes entre la ville et lhpital

    Je suis prte aller plus loin dans la coopration, dans le par-tage de comptences , assure un mdecin salari du Rhne. Je souhaiterais quon puisse regrouper les projets des jeunes mdecins, pour quon puisse en discuter. Un de ses confrres indique quil va crer une asso-ciation pour mettre en relation les mdecins entre eux, ce qui

    permettra aussi de trouver plus facilement des remplaants.

    Un mdecin lyonnais ex-prime le souhait de travailler en groupe pour avoir des plages de formation mdicale, pas forc-ment en soire mais dans la jour-ne, pour pouvoir faire de la re-cherche mdicale, pour avoir de la formation continue avec ven-tuellement des spcialistes.

    Pour de nombreux mdecins, lavenir est linterdisciplinarit : les mdecins sont actuellement confronts une explosion du nombre de maladies chroniques, de plus en plus compliques g-rer , observe un mdecin de Tou-louse. Dun autre ct, ils conti-nuent pratiquer un grand nombre dactes anodins pour les-quels ils sont surqualifis. Il fau-drait constituer des quipes de

    soins primaires et dautres pour des soins de second niveau . Coo-prer, oui, mais sans imposer de modle unique, insiste un mde-cin de Mamoudzou (Mayotte) : Il faut favoriser le regroupement en ples de sant pour les libraux, mais lexercice salari en dispen-saire est un modle apprci et efficace Mayotte, tant sur le plan fonctionnel que de la rmunra-tion des mdecins.

    Un gnraliste remplaant, qui va bientt sinstaller, mentionne une autre piste dvolution, via la formation la dermoscopie quil suit. Ce nest pas de la dlgation de tches, cest de la superposition des comptences. Les dermatolo-gues du coin mont identifi et coo-prent davantage avec moi, car ils savent que je suis de plus en plus comptent sur le sujet. Un chirur-gien parisien, praticien hospitalier et install en libral, voque le rap-prochement ncessaire des ac-teurs de sant du territoire et met lide dun nouveau systme conventionnel entre lhpital et la mdecine de ville, qui favorise une pratique mixte.

    98 % des mdecins veulent retrouver le temps du soin!

    Au-del de la gouvernance et de lorganisation du systme de san-t, les mdecins jugent important

    Il faut conserver notre libert dinstallation, tout en amliorant la permanence des soins ambulatoires. UN MDECIN DE LILLE

    Jaimerais pouvoir travailler en groupe pour avoir des plages de formation mdicale. UN GNRALISTE DE LYON

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  • de rcuprer du temps pour prendre en charge les patients, la quasi-unanimit (98 %), prs de 86 % estimant mme quil sagit dune priorit. Tous consi-drent quil sagit dune urgence, avec de multiples tmoignages en ce sens. Je veux retrouver mon temps de mdecin, je nai pas t form pour faire de la compta , estime un profession-nel Orlans. Nous devons re-trouver notre place de soignant et dcoute , plaide un confrre du Jura. On arrive un empri-sonnement administratif. Nous demandons pouvoir faire notre mtier de mdecin , renchrit un mdecin marseillais

    Une certitude, pour les pa-tients : lvolution du systme de sant passe en priorit par les m-decins. Cest eux que lensemble des Franais font le plus confiance pour engager des volutions, de-vant les hpitaux publics et les pharmaciens, suivis par les asso-