Le Jihad: le débat actuel sur la guerre et la violence en Islam

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Le Jihad: le débat actuel sur la guerreet la violence en IslamSami Aoun aa Université de Sherbrooke , CanadaPublished online: 03 Dec 2009.

To cite this article: Sami Aoun (2009) Le Jihad: le débat actuel sur la guerre et la violence enIslam, International Review of Sociology: Revue Internationale de Sociologie, 19:3, 509-525, DOI:10.1080/03906700903239253

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RESEARCH ARTICLE

Le Jihad: le debat actuel sur la guerre et la violence en Islam

Sami Aoun*

Universite de Sherbrooke, Canada

(Received January 2008; final version received April 2009)

Le Jihad s’avere le vecteur identitaire mobilisateur par excellence par l’islamismeradical dans sa guerre ouverte contre les pouvoirs en place et ceux de l’occidentet les Etats-Unis en tete. Pour ce radicalisme et d’autres tendances islamistestraditionnelles la lutte contre les croisades et les expansions coloniales esttoujours engagee. Leurs lectures de l’Islam sont empeignees par la fonctionnalitedu dogme dans leur projet politico-social, intellectuel et guerrier. D’un autre cote,la confusion dans l’interpretation et l’application de l’enseignement du Jihad, entant qu’une obligation ou un ‘sixieme pilier’, une guerre sainte ou legale, est aucentre des preoccupations des theologiens, des penseurs activistes et des decideursmusulmans. Ce qui explique le phenomene de la ‘cacophonie’ dans les cercles desUlemas autour de l’instrumentalisation de la notion du Jihad pour des finsactivistes. Pour ce, le present article se veut une analyse du debat au sein de laculture musulmane selon des ecrits des mouvements islamistes, et autresjihadistes, des penseurs sunnites et chiites, des intellectuels arabes laıques,et aussi des pouvoirs en place, sur l’importance, la fonctionnalite, les limiteset la finalite de l’usage de la violence en terre d’islam. L’article soumettra desconclusions sur la pertinence de l’usage de la notion du Jihad et ses derapagesdans l’alimentation de la violence sectaire.

Keywords: Islam; Jihad; Islamism; Al Qaeda; violence

Introduction

Les rivalites musulmanes pour se prevaloir des privileges du statut de porte-parole de

l’islam et la concurrence vive de se privilegier d’offrir l’interpretation la plus

adequate du ‘vrai islam’ mettent l’epineuse question du Jihad au cœur de la culture

politique islamique. En effet, occupant une position centrale dans la vision du monde

articulee par des elites musulmanes a travers les ages, le jihad1 reste au centre de la

reflexion sur les liens entre la Foi a traves les textes sacres fondamentaux et l’usage de

la violence. Tout au long de leur histoire politique et dans leurs relations avec les

autres entites, les pouvoirs musulmans ont eu recours a la notion du Jihad pour

justifier ou legitimer leurs actes et leurs decisions. La survie de l’Umma ou la

legitimite de ses representants en dependait largement.2 D’une communaute de foi a

la Mecque au pouvoir ‘constitutionnel’ de Medine, l’histoire musulmane sera

inspiree apres la conquete de la Mecque par le Hadith du prophete, en reponse a

une question de quelques compagnons sur l’emigration si elle continuait apres la

prise de La Mecque: ‘Il n’y a plus d’emigration apres la conquete, mais combat

*Email: [email protected].

ISSN 0390-6701 print/ISSN 1469-9273 online

# 2009 University of Rome ‘La Sapienza’

DOI: 10.1080/03906700903239253

http://www.informaworld.com

International Review of Sociology � Revue Internationale de Sociologie

Vol. 19, No. 3, November 2009, 509�525

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(jihad) et intention’,3 ou par plusieurs versets coraniques appuyant le jihad comme:

‘Faites la guerre a ceux qui ne croient point en Dieu ni au jour dernier, qui ne

regardent point comme defendu ce que Dieu et son apotre ont defendu, et a ceux

d’entre les hommes des Ecritures qui ne professent pas la vraie religion. Faites-leur la

guerre jusqu’a ce qu’ils payent le tribut de leurs propres mains et qu’ils soient soumis’

(Coran 9: 29), et ‘O croyants! Combattez toujours les infideles qui vous avoisinent;

qu’ils vous trouvent toujours severes a leur egard. Sachez que Dieu est avec ceux qui

le craignent’ (Coran 9: 124).Il faut noter que le Coran prone a la fois et la paix4 et la guerre selon les

circonstances historiques et concernant la guerre que doivent mener les musulmans,

elle est parfois defensive et dans d’autres cas offensive.Dire autant du regard pose par les non musulmans sur le phenomene de la guerre

musulmane (les entreprises guerrieres [Ghazawat] ou les conquetes selon la

terminologie arabe: foutouhat), qui s’inscrivait dans la logique de l’expansion de

l’empire. La violence jihadiste, sans qu’elle soit le seul facteur, reste decisive dans la

formation historique de la civilisation musulmane.

Dans cette perspective, le jihad serait une guerre legale defensive et offensive a la

fois. C’est une etape prealable a l’instauration de la predominance de l’islam dans le

monde. Le ‘petit jihad ’, celui que l’imaginaire occidental retient, a naturellement

evolue a travers le temps et relativement aux circonstances historiques. D’obligation

rituelle conferee par la tradition au debut des guerres entre la petite communaute

musulmane entourant le Prophete et l’aristocratie Qoraichite, alors non convertie a

l’islam, la notion de jihad a evolue jusqu’a etre erigee en sixieme5 ‘pilier (ou

obligation) de l’islam’ par la litterature jihadiste contemporaine. Elle a ete meme

largement instrumentalisee par l’islam politique. En effet, durant l’ere imperiale

islamique, le jihad est rentre dans les dynamiques conflictuelles entre les entites

politiques (califats, principautes, etc.). Chaque pouvoir islamique se cherchait a

prevaloir par sa capacite de lancer des assauts du jihad et consolider la defense de la

societe islamique, ainsi que sa domination sur les soumis en son sein. Cette

comprehension dominante sinon courante dans la tradition fiqhiste se repose en

premier sur le modele de vie prophetique et celui des premiers compagnons et

califats.

Le Jihad des premiers temps a eu comme principales consequences de victoires

musulmanes, entre autres: Badr (624), la bataille du fosse (al khandaq) (627) Khaybar

(628�629), la conquete de La Mecque en 630 (Fath Makka) par les troupes de

Mahomet. Les guerres de la ridda (apostasie) entre 632 et 634, sous le premier calife

Abou Bakr (570 � env. 634), qui ont eu pour cause principale, le refus de certaines

tribus islamisees de l’Arabie de payer l’aumone (zakat), apres la mort de Mahomet,

ont ete ordonnees par Abou Bakr sous forme de Jihad contre les dissidents jusqu’a

ce qu’ils se soumettent au calife et payent leurs impots. Sous le califat d’Omar (581�644), l’islam a connu une expansion grace notamment a plusieurs victoires: Mu’ta,

en 629, Tabuk, en 630 celle du Yarmouk (636) contre l’empire byzantin, puis de

Qadisiya (637) et de Nihawend (642) contre l’empire sassanide, et grace a la conquete

de l’Egypte (642).6

Cela etant, comprendre les particularites de ce premier age est important pour

saisir l’evolution du jihad dans l’histoire musulmane. Et du fait meme dans

l’imaginaire et la memoire collective des adeptes de cette Foi.

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Mais le present article se concentre sur les utilisations de cette notion dans

l’epoque contemporaine avec la nouvelle donne geopolitique.

De toute evidence, le jihad demeure un critere dans la configuration et aussi dans

l’evaluation de la solidite de la foi du musulman. Pour le moins, comme vehicule par

leurs propres ecrits et publications, le jihad s’avere un vecteur mobilisateur des

jihadistes.

A priori ces islamistes jihadistes sont similaires, eu egard a leur referentiel

religieux commun. Toutefois, le facteur essentiel qui differencie chaque mouvement

est sa base ideologique. En effet, ces mouvements se distinguent par la relation qu’ils

etablissent entre leur projet intellectuel, politico-social et guerrier et les principes et

bases de la religion musulmane. Sur cette base, on peut diviser les mouvements

jihadistes en trois grands courants:

. Les mouvements jihadistes locaux: la guerre sainte, en leur sens, doit etre meneea l’interieur de leurs pays et leurs milieux comme premiere etape contre

‘l’ennemi proche’, avant ‘l’ennemi lointain’ selon les termes rapportes par

Gilles Kepel (2003a). L’ennemi est defini par ce courant inclut les gouverne-

ments et les pouvoirs en place chez eux. A titre d’exemple, on peut citer, le

groupe islamique ‘Al Jamaa Al islamia; et le groupe du Jihad ‘Jamaa Al jihad’

en Egypte; le Groupe Islamique Arme ‘Al Jamaa Al islamia Al moussalaha’ en

Algerie et le groupe islamique combattant ‘Al jamaa Al islamia Al mouqatila’

en Libye.. Les mouvements separatistes: en general ceux-la se situent au sein des minorites

musulmanes dans les pays non musulmans. Les exemples les plus frappants

sont le Hizbul Moudjahidin au Cachemire, et la guerilla islamiste en

Tchetchenie.

. Les mouvements jihadistes internationaux: ces mouvements adoptent la notion

du Jihad contre ceux qui, selon eux, constituent une menace et un danger contre

la Umma. Cette forme de mouvement a pris naissance, en Bosnie et en

Tchetchenie dans les annees 1990. Dans ces pays la guerilla s’est internationa-lisee grace au recrutement des combattants arabes et d’autres pays musulmans.

Et aussi et surtout en Afghanistan lors de l’invasion sovietique (1979�1989).

Cela etant, il est souvent plus tentant et facile d’associer le vocable du jihad aux

actes de violence qui surgissent ici et la dans le monde musulman ou meme en

Occident. D’ou une reflexion sur l’emergence de la notion du Jihad et les premisses

de son declin s’impose.

Mais avant d’essayer de demontrer que le Jihad n’est plus une idee-mobilisatrice

dans l’espace musulman, il est utile de signaler que toute reflexion actuelle critique et

analytique sur le Jihad ou la violence devrait considerer le double contexte

geopolitique et ideo-culturel qui entoure le vif debat autour de l’eclosion de la

violence dans l’espace islamique.Dans l’etude du jihad plusieurs approches ont ete mises en evidence, entre autres:

l’approche anthropologique comme on l’a retrouve dans les travaux de Bernard

Lewis (2002, 2003) qui se rattache plus au texte qu’au contexte historique.

On ajoute aussi la methode historique attenuante du phenomene du jihad, qui

inscrit ce dernier dans la logique de l’expansion de l’empire musulman comme chez le

juriste egyptien Muhammad Saıd Al-Ashmawy (1989), et mettant plus l’accent sur la

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dimension pacifiste de l’islam qui dans certains pays, a ete introduit sans guerre

sainte.Il est clair que dans ces deux approches, on met en exergue des textes et des

references (versets coraniques, hadiths, etc.), plus que d’autres pour servir

l’approche. Ainsi le choix des textes, souvent arbitraire pour des fins de polemique

et de controverse, determine lui-meme l’approche.

Sans etre aussi optimiste que David Cook, qui dans son ouvrage Understanding

Jihad (2005) estime que ‘la forme excessive du djihad pratiquee actuellement par

Al-Qaida et d’autres pourrait . . . mener a un ‘‘rejet decisif ’’ par une majorite de

Musulmans. Le djihad reviendrait alors a sa forme non violente’ (Pipes 2005), nous

avons opte dans notre travail pour une methode analytique du jihad a travers

les protagonistes dans ce phenomene. A savoir les Ulemas de l’establishment et

les theoriciens du jihad actuel eux-memes, sans oublier les intellectuels musulmans

laıques ou rationalistes qui ont une lecture toute differente. Pour ce on procedera

comme suit: presenter les circonstances historiques qui ont conduit a l’emergence de

la notion du Jihad dans le discours islamiste contemporain, puis examiner ses

interpretations actuelles par divers tendances de la pensee musulmane, ensuite

discuter de sa contestation au sein meme de la tendance islamiste radicale qui l’a mis

en evidence dans ses discours.

Cela etant, qu’en est-il maintenant des circonstances qui ont conduit a

l’emergence du jihad dans la periode contemporaine?

L’emergence du concept du jihad dans le discours islamiste contemporain

L’islam politique, dans nombreuses de ces tendances, incluant l’activisme islamiste,

se considere comme l’heritier du salafisme de Jamal Eddine Al Afghani (1839�1897)

et de Mohamed Abdou (1849�1905) dans leur combat contre le colonialisme de la fin

du XIXeme siecle. Il existe une similitude fondamentale entre l’islam politique d’Al

Afghani et Abdou et celui articule par des jihadistes actuels: c’est la montee de

l’hegemonie etrangere et la frequence et l’ampleur des incursions des pouvoirs ‘non-

musulmans’ dans l’espace islamique. Ce sera le premier facteur declencheur. A vrai

dire, la reaction islamique au colonialisme puiserait ses argumentaires dans la

tradition des ages classiques qui repondait aux exigences de la defense de la Umma

contre les menaces exterieures. En effet, a partir du XIXeme siecle, le but se clarifie

(au moins aux yeux des salafistes): s’approprier les ressources naturelles et controler

les routes commerciales de cette region du monde ou l’islam est la religion

dominante ou Dar al Islam! Tandis que le Jihad actuel des mouvements violents a

pris de l’ampleur devant les incursions exterieures (l’URSS en Afghanistan, les Etats-

Unis en Irak et en Afghanistan . . . etc.) ou consideree comme imposee par la force

par l’Occident (comme le cas de l’implantation de l’Etat d’Israel).

Le second facteur est le choc de la modernite porteuse des ideaux et des valeurs

areligieuses ou anti religieuses qui bousculent la vision du monde islamique. Une

modernite produit de la secularisation et une vision qui prend note du recul du

religieux et meme l’accentue ou au moins l’accompagne.

Depuis le debut du XVIIIeme siecle, l’espace arabo-musulman est tombe sous

son emprise. La modernite devient a la fois source de menaces et de defis et une

opportunite de sortie de crise. Elle s’impose comme un referent et un modele de vie.

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Precisement, sur cet aspect, le courant islamiste, interprete le declin du monde

musulman a la renonciation des musulmans au Jihad.

C’est pour faire revivre cette idee dans la societe musulmane que l’on a assiste a

l’emergence des mouvements dits ‘reformistes’. L’appel de ces mouvements sur la

base du retour a l’islam des ancetres (salaf, d’ou le vocable salafiste) est une critique

acerbe de la societe musulmane qui bat en retraite devant l’avance de la modernite

par le fait de la puissance militaire ou l’avance economique ou la participation dansles innovations et les sciences.

Ainsi au XVIIIeme siecle, par exemple, le mouvement du wahhabisme (relative-

ment a Mohamed Ibn Abdel Wahhab 1703�1791), qui a pris naissance dans la

peninsule arabique, avait pour objectif religieux et ethique la correction des

deviations dans les pratiques des musulmans (le grand Jihad). Tandis que le

‘petit Jihad’ wahhabite etait declenche contre les ottomans consideres comme des

usurpateurs du califat originellement arabe.

Par ailleurs, si le wahhabisme est reste dans ses enseignements aux antipodes de la

modernite, en revanche, le salafisme d’Al Afghani et Abdou en Egypte va saisir l’idee

de ‘progres’, et la considerer comme centrale. Le ‘petit Jihad’ des salifistes cible

plutot la colonisation et appelle a la liberation du domaine de l’islam. L’approche

de ce salafisme moderniste s’efforcait de se liberer du joug de la puissance coloniale.

C’est ainsi que plusieurs mouvements s’inspirant d’Al Afghani et Abdou, ont emerge

comme mouvements de resistance nationale, sans avoir de visee internationaliste au

moins au sein de la galaxie islamique (la revolution de l’Emir Abdel Kader en

Algerie [1832�1847], d’Omar Al Mokhtar en Libye [1922�1931], et d’Abdelkrim Al

Khattabi au Maroc [1915�1925], Habib Bourguiba [1903�2000] dit le moujahid al

akbar [Le Combattant supreme], etc.). Cela etant, qu’en est-il du jihadisme actuel?D’une part, ce mouvement s’attribue plusieurs idees du wahhabisme, notamment

le rapport spirituel qu’entretiennent ses adeptes avec l’image du prophete et ses

compagnons (assalaf assaleh), mais, il le depasse en evoquant l’idee du jihad contre

l’Occident.

Dans ses origines le wahabisme est un pietisme et un moralisme puritain. D’autre

part, il depasse aussi le salafisme moderniste d’Al Afghani et Abdou, car il exporte

sa lutte au niveau international, comme dans le cas d’al Qaıda qui alterne son

combat contre l’ennemi proche interne et l’ennemi lointain.

Cette forme du Jihad est devenue plus presente, ce qui a exige des interpretations

oscillant entre legitimation et discreditation.

Le jihad dans les interpretations actuelles

En depit de l’emergence de cette notion chez les groupes jihadistes actuels, plusieurs

Ulemas surtout de l’establishment traditionnaliste, semblent considerer le jihad dans

sa forme perpetuelle, comme un concept desuet, ou meme qu’il est contre l’interet

general des musulmans. Tandis que d’aucuns le soutiennent encore, mais avec

reserves et sous plusieurs conditions. Et comme dit Kepel, ‘en regle generale, les

oulemas sont preoccupes par les risques que fait courir a la communaute la

proclamation du jihad, en ce qu’il rend legitime une violence qui peut subvertir tout

l’ordre social et engendrer sedition, anarchie, voire dissolution de la communaute. Ils

s’efforcent de n’y recourir qu’en ultime ressort et de specifier precisement son objet,

son lieu et sa duree’ (Kepel 2003b).

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La notion du jihad chez les elites musulmanes

Il sera donc utile de presenter les points de vue de certains Ulemas et intellectuels qui

soutiennent l’idee du Jihad et d’autres qui la rejettent.

Des Ulemas pour le Jihad avec des reserves

Mohamed Sayyed Tantaoui7 insiste sur la difference entre le terrorisme et le jihad.

Pour le Cheikh de la mosquee Al Azhar, le jihad est un pilier de l’islam, mais il doit

etre autorise par wali al amr (le responsable de la chose publique en terre d’islam) qui

peut etre identifie au haut responsable politique, roi ou president . . . etc. Tantaoui

conteste la validite du jihad des groupes islamistes dont la decision ne provient pas de

wali al amr et qui, ainsi, transgressent une loi fondamentale de la Chari’a qui est

l’obeissance a wali al amr.8

Dans la meme perspective, Youssef al Qaradaoui9 distingue la violence et le jihad

legal. Ce dernier est caracterise par ses buts et ses moyens, sa soumission aux

fondements de la Chari’a et aussi par sa conformite aux principes de l’ethique

musulmane tels qu’exprimes dans le Coran et les pratiques du prophete. La nuance

apportee par Qaradaoui, par rapport a Tantaoui et autres Ulemas traditionalistes,

c’est son point de vue10 concernant l’obeissance a wali al amr (le detenteur du

pouvoir). Qaradaoui stipule que si les gouvernants en terre d’islam ont laisse tomber

cette obligation sacro-sainte du jihad defensif, l’elite intellectuelle musulmane

(Ulemas, precheurs, penseurs . . . etc.) doit faire pression sur l’elite politique pour

que celle-ci ordonne le jihad defensif.Plus radical encore, le penseur egyptien Mohamed Aamara11 considere le jihad

comme obligatoire pour tout musulman, depuis la naissance de l’Etat d’Israel en

Palestine en 1948. Selon lui, tout debat sur la necessite du jihad ne peut qu’affaiblir la

Umma a cause des divergences qui peuvent survenir entre les Ulemas.

Du cote chiite, la position de Mohammad Hussein Fadlallah12 est favorable au

jihad en Palestine, en Irak et partout dans le monde musulman contre toute agression

etrangere. Fadlallah approuve les attentats suicides qu’il considere comme le plus

haut niveau du jihad.13 Il considere leurs auteurs comme des martyrs qui vont heriter

du paradis. Toutefois, le grand dignitaire libanais condamne severement les attentats

contre les musulmans et tout autre civil en terre d’islam (Arabie saoudite, Maroc,

etc.), d’ou sa position contre les attentats perpetres par Abou Mossab Zarqaoui en

Irak contre tout civil, musulman ou non. Fadlallah estime que le recours a la violence

de Zarqaoui contre les autres musulmans chiites et meme les sunnites qui ne

partagent point ses convictions religieuses (violence pretendument jihadiste qui

se fonde sur l’excommunion) vient de son ignorance des preceptes de l’islam et

surtout de sa mentalite reactionnaire et raciste.

Des Ulemas contre le jihad . . . sans reserve!

D’un autre cote, Abdel Hamid Al Ansary14 considere que le concept du jihad a change

depuis son apparition. D’apres lui, tel que defini dans le Coran et les pratiques du

prophete, le jihad est un moyen de protection du droit a la difference religieuse et de la

pluralite des convictions. A l’epoque contemporaine, la metamorphose de la notion du

jihad par ce qu’Al Ansary appelle les neo-kharidjites,15 (dont Ben Laden, Zawahiri et

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Zarqaoui, etc.) vient essentiellement des idees d’Al Maoudoudi (1903�1979) et Sayyed

Qutb (1906�1966). Pour ces deux penseurs et ideologues islamistes, la pensee jihadiste

part de l’idee que les musulmans sont responsables et ‘tuteurs’ de l’espece humaine, et

ont pour mission de la liberer de l’oppression des nouveaux ‘idoles (tawaghit)’. En cesens, le Jihad est l’unique et juste voie pour le faire. Ceci passe par l’instauration d’un

gouvernement islamique qui doit regner sur le monde entier.

En outre au niveau local pour Qutb ‘l’Egypte nasserienne, incarnation du

‘‘paganisme du XXeme siecle’’, doit etre combattue par les militants islamistes qui,

apres s’etre retires de la societe, a l’instar du Prophete fuyant La Mecque impie vers

Medine, reviendront la detruire, en recourant non seulement a la predication, mais

aussi au ‘‘mouvement’’, c’est-a-dire a la violence’ (Kepel 2003b, p. 83).

Ce qui retient l’attention dans les ecrits d’Abdel Hamid Al Ansary c’est qu’ilimpute les actes de violence, perpetres dans le cadre du Jihad a la pensee rancuniere,

hostile a toute difference et malveillante qu’on trouve dans certains ecrits (Al Ansary

2004).

Plus clair encore, l’intellectuel syrien Jaoudat Saıd16 appelle a la non-utilisation

du jihad comme dogme religieux contre le monde occidental. Il ajoute que les

problemes entre le monde musulman et l’Occident ne peuvent etre resolus par la

violence. Selon lui, la confrontation avec l’Occident doit se situer dans une

perspective culturelle. Les musulmans doivent faire valoir leur culture et la defendrecontre la culture occidentale grace aux mecanismes ideels qu’elle permet et non par

les armes. Jaoudat Saıd prend pour exemple l’Irak pour illustrer la vacuite du jihad

dans sa forme actuelle. Il incite les musulmans a ne pas considerer de telles guerres

sous l’angle du jihad ni de la religion.

Quand a Abdel Mohsen al-Abyakan, son point de vue sur la question du Jihad a

suscite beaucoup de reactions en Arabie saoudite et ailleurs dans le monde arabo-

musulman. En l’absence des conditions legales du jihad en Irak contre les

Americains, il en stipule l’interdiction. Al Abyakan estime que le monde musulmann’est pas pret pour se defendre sous la banniere du jihad qui, par consequent, est

inutile. Il donne l’exemple des villes d’Al Najaf et Al Fallouja en Irak, qui ont ete

detruites.17

La notion du jihad chez les penseurs musulmans rationalistes ou ‘laıques’

Tout en refusant le Jihad dans ses formes traditionnelles et surtout toute

interpretation allant dans le sens de proner la violence, plusieurs penseurs arabesdits rationalistes, inscrivent leurs points de vue dans une perspective laıque ou

moderne. C’est pourquoi leurs idees ne pourraient qu’aller a l’encontre des points

de vue islamistes. Par exemple, Mohamed Abed Al Jabri,18 dans ses analyses, estime

que la violence pronee par les mouvements islamistes n’est qu’une reaction contre

une autre violence qui vient soit de l’Autre (Occident), soit de l’Etat lui meme,

l’exemple le plus frappant etant celui de l’Egypte de Sadate et de Moubarak pendant

les annees 1980 et 1990. Il ajoute que la violence exercee par des mouvements

islamistes radicaux puise ses racines dans des interpretations erronees des versetscoraniques, sans egard a leur contexte historique.19

Par ailleurs, l’intellectuel egyptien Sayyed Al Qomni20 met l’accent sur la

legitimite de la resistance pour la protection du pays, donc non pour Dieu ni pour le

Paradis, ce que le la culture politique contemporaine accepte et appuie. Cette

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resistance est un devoir pour tous les nationaux sans egard a leurs convictions

religieuses.

Par contre le jihad tel qu’il est preche par les mouvements islamistes radicaux est

un concept raciste et inacceptable dans le paradigme moderniste. Ce jihad qui exclut

la participation d’autres nationaux approfondit de la sorte les divisions internes dans

les pays arabo-musulmans.21

D’un autre cote Abdullahi Ahmed An-Na’im22 inscrit sa reflexion dans le cadre

de la legalite internationale et la primaute du droit afin d’encourager les musulmans

a abandonner les notions traditionnelles du jihad (An-Na’im 2006). Toutefois ce

juriste trouve aberrant d’interdire le Jihad islamique agressif comme recours a

une violence legitime au nom du droit international et la charte onusienne, sans faire

autant pour tout usage de la force en dehors du cadre de la Charte des Nations Unies

au nom de l’interet national. An-Naim voit meme qu’il n’y a pas de difference entre

le terrorisme international au nom du jihad islamique et la guerre preventive au

nom de la legitime defense ou l’interventionnisme humanitaire revendiquee par les

Etats-Unis en Irak, par exemple (An-Na’im 2006, p. 788).

Le concept du jihad chez les mouvements jihadistes (le cas problematique d’Al Qaıda)

Entame par des intellectuels qui ne le pratiquent pas, le debat sur le Jihad est tout

autre pour les ideologues et les leaders des groupes jihadites qui en font leur raison

d’etre.

Le jihad chez Ben Laden23 va prendre des dimensions internationales a partir de

1998 avec son memorandum historique Faites sortir les mecreants de la peninsule

arabique, et la constitution du ‘Front international islamique pour le combat contre

les juifs et les croises’. Il y met l’accent sur la guerre sainte contre les nations qui

‘s’accordent pour attaquer les musulmans comme des sangsues’ (Kepel et Millelli

2005, p. 63). Oussama Ben Laden insiste24 depuis lors sur le fait que le jihad exerce

par les musulmans aujourd’hui et depuis deux siecles (contre le colonialisme) est un

jihad defensif. Parce que, selon lui, les croisades n’ont pas cesse depuis la premiere

attaque sur Jerusalem en 1098. Il est de la responsabilite de chaque musulman de

mener le jihad contre Israel et les Etats-Unis, qui incarnent l’image des ‘croises’ des

temps modernes. Signalons au passage que pour Ben Laden, les evenements du 11

Septembre entrent dans cette categorie du jihad defensif et non pas offensif.Parmi les notions utilisees par Al Qaıda, notamment en Irak, est al-tatarrus.

Selon laquelle pour le bien de la communaute musulmane et la protection de la

religion, certains Ulemas ont autorise d’attaquer l’ennemi, meme s’il utilise des civils

musulmans comme boucliers humains. La meme notion a ete pronee par les Groupes

Islamiques Armes en Algerie durant les annees 1990, et elle a ete largement exploitee

par les ecrits du leader et reference des groupes islamistes contemporains Abou

Qatada.25

Le Jihad: l’autocritique au sein des jihadistes revisionnistes

Les critiques ou le rejet dans certains cas de la notion du Jihad par des musulmans

laıcs, ou meme par certains Ulemas traditionnalistes de l’establishment proches des

pouvoirs en place, ne seront aussi significatives que comme celles qui proviennent du

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sein meme de la mouvance jihadiste. Encore plus si ces critiques proviennent du

theoricien principal du jihadisme actuel lui-meme.

En effet, le theoricien du jihad moderne Sayyed Imam26 (Abdelaziz Al-Sharif, dit

aussi Docteur Fadl), emprisonne en Egypte depuis 2004, s’est donne a une revisioncritique et en profondeur des fondements et des objectifs de l’activisme islamiste,

dans son nouveau manifeste Wathiqat Tarshid Al-’Aml Al-Jihadi fi Misr w’Al-’Alam

(Guide du Jihad en Egypte et dans le monde).

Maitre de pensee de la plupart des activistes islamistes connus en Occident

comme les palestiniens Abou Mohammed Al-Maqdissi27 et Abou Qatada a eu effet

de surprise sans precedent.

Son nouvel apport reflexif renverse ses argumentaires etales dans son ancien

manifeste ideologique paru en 1988, Al-‘omda fi i’dad al-‘oda (la Base de la

preparation au Jihad) ou il etablit que la preparation au Jihad est le critere principal

pour differencier les vrais croyants des hypocrites (al mounafiqoun). Et surtout son

Al-Jami’ fi Talab Al-’Ilm Al-Sharif (Traite des etudes religieuses) paru en 1993, encore

plus radical, et qui trace le cadre theorique de la necessite du Jihad comme moyen

legal et obligatoire.

La nouvelle reflexion vise a rationaliser l’activisme des mouvements islamistes et

l’amener vers le realisme politique, surtout en ce qui a trait a la violence politique,

notamment contre les pouvoirs en place. Aussi, ce document jette de la lumiere sur laformation des groupes jihadiste egyptiens et d’Al Qaıda et reecrit histoire de leur

formation.

Sans aucun doute, cette reevaluation ideologique de Sayyed Imam aura des

repercussions sur l’islamisme en general et sur l’islamisme combatif en particulier.

D’ailleurs, cet opus de Sayyed Imam s’impose comme l’epine dorsale du revision-

nisme au sein de la mouvance islamiste actuelle.

D’emblee, Imam explique les raisons de sa reevaluation de la matrice dogmatique

dominante dans la litterature islamiste et son revisionnisme ideologique. Le livrecommence par:

Compte tenu de la tendance de plusieurs jeunes ces jours-ci au Jihad au nom de Dieu etvu que nous avons remarque qu’ils ont commis certaines erreurs se rapportant a lalegalite islamique, nous avons ecrit ce Conseil afin de rationaliser l’action jihadiste et lapurifier de ses erreurs . . .

Causes de la these revisionniste sur le Jihad

A dire vrai, ces revisions ont plusieurs raisons d’etre: entre autres: cette appreciation

que la violence jihadiste est prise dans un cul de sac. D’ailleurs aucun objectif

politique substantiel n’est atteint. La violence des pouvoirs en place dans l’espace

musulman s’est averee plus efficace pour ne pas dire plus meurtriere. Le degout

general et mondial du recours a la violence au nom de la religion apres le 11 septembre

a fait ses effets contre la rhetorique radicale et les actes violents des jihadistes. Le recul

de l’enthousiasme pour la popularite des actes de violence gratuits ou haineux et

legerement justifies contre d’autres musulmans, est une des raisons interpretatives decette revision. Il est tres difficile de justifier en Islam des actes de violence contre

d’autres musulmans. La violence destructrice et autodestructrice, les derapages dans

l’usage non reflechi de la violence sectaire d’Al Qaıda en Irak et la sanglante tentative

d’imposer par le feu et le sang la construction de l’Etat islamique. Les vagues de

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xenophobie contre les combattants arabes en Afghanistan et au Pakistan. Les

repercussions economiques negatives sur les explosions et les attentats suicides contre

des sites touristiques. La pression des islamistes des tendances majoritaires afin

d’opter pour la voie electorale et les appels des liberaux arabes a mettre fin auxverrouillages des regimes et surtout a donner plus de liberte aux islamistes.28

Ce qui a commence a se faire sentir reellement dans les prisons egyptiennes. En ce

sens, il faut signaler le role encourageant du gouvernement egyptien embarrasse de

plus en plus par les rapports d’Amnesty International. Sans oublier, les transforma-

tions du mouvement islamiste dans la region du Moyen-Orient, a savoir l’attraction

du modele turc qui concilie, au moins pour le moment, avec succes entre valeurs

republicaines et laıques et gouvernance islamiste, l’echec du Hamas et l’effusion du

sang palestinien par des palestiniens eux-memes dans les luttes au pouvoir entreislamistes et leurs rivaux, ainsi que l’echec des islamistes en Malaisie, d’une part et

leur participation au pouvoir irakien, d’autre part.

Et enfin, au niveau strictement institutionnel religieux, surtout sunnite, les

Ulemas de l’establishment ou les traditionalistes ont severement critique les theses et

les interpretations de la jurisprudence combative ou al-Fiqh al-moqatil des groupes

jihadistes. En ce sens, les revisions de Sayyed Imam se font dans le sillage de la

reconstitution du discours islamiste et constitue un retour aux interpretations

traditionalistes axees sur la moderation.Cela etant, quid du nouveau manifeste de Sayyed Imam? Avant de voir comment

il a ete accueilli au sein de la mouvance jihadiste radical.

Le nouveau manifeste de Sayyed Imam: revision des fondements et rationalisation desobjectifs

Dans son opus d’une centaine de pages, Imam revoit du fond en comble plusieurs

themes et rectifie plusieurs dispositions de ses anciens ecrits concernant le Jihad. Iljette de la lumiere sur ce qu’il appelle des irregularites dans l’application des

enseignements de la Loi islamique. Ces irregularites ont marque les pratiques de

certains groupes islamiques dans leur recours a la violence au nom du Jihad contre

les autorites de leurs pays, et contre les pays etrangers et leurs ressortissants.

Sayyed Imam consacre un chapitre particulier sur la facon dont les musulmans

doivent selon lui, traiter avec les adeptes des autres religions. Il estime que la

citoyennete, notion de la modernite occidentale, est le lien devant prevaloir pour

regir les rapports entre les gens dans l’absence d’un Etat islamique. Il souligne aussila necessite de traiter avec les gens du Livre ‘Ahl al Kitab’, (principalement les juifs et

les chretiens) avec la meilleure facon. Cette bonne maniere de traiter avec l’Autre

chez Dr Imam, devient une condition de la foi en Islam. L’auteur fait entrer toute

attaque contre le non musulman dans la categorie des grands peches ‘AlKaba’ir’.

Ce qui laisse entendre une prise de conscience de la part d’Imam concernant les

evenements sanglants qui surviennent, frequemment, entre musulmans et coptes en

Egypte, ainsi qu’un repentir concernant les fatwas contre les kuffars (apostats ou

mecreants).Par ailleurs, l’ouvrage en question interdit les attaques contre les touristes ou les

residents etrangers dans les pays musulmans. Meme s’ils commettent des actions

contraires a l’islam et meme si leurs pays sont en guerre avec ces derniers. Imam

ajoute que le tourisme est une activite legitime en Islam. Les touristes sont premunis

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d’une autorisation d’etre en terre d’islam et par le fait meme, ils sont sous la

protection des musulmans.

D’autre part, pour les chretiens dans les pays musulmans, Dr Imam renverse

l’approche dominante a la fois chez plusieurs traditionalistes, les salafistes et les

islamistes activistes. Ces gens du livre ne sont pas des Dhimmis mais des citoyens,

aussi il n’est pas legal de les tuer. Ce qui est contraire a toute la litterature anterieure

de Sayyed Imam et aux convictions des groupes jihadistes actuels qui visentprincipalement ce secteur vital pour des pays comme l’Egypte.

D’un autre cote, Imam aborde aussi un point dans lequel il s’oppose a Al Qaıda.

Il interdit aux musulmans toute violence dans les pays etrangers ou ils vivent ou sont

juste de passage, meme si leurs gouvernements sont en guerre avec un pays

musulman. Sayyed Imam incrimine de tels actes et les considere comme insidieux

et de traitrise a la confiance de l’Etat hote. Il insiste aussi et d’une maniere presque

redondante sur l’interdiction totale des attaques contre les civils, soit dans le pays

musulmans soit dans les pays occidentaux, meme en cas de guerre. Cette derniere,

pour Imam ne legitime pas la violence contre les civils.

Par ailleurs, Imam critique aussi les idees et les pratiques des groupes d’Al Qaıda

concernant leurs positions par rapport aux autres branches de l’Islam. Il ajoute que

l’assassinat des chiites apparu dernierement est contraire aux preceptes de l’Islam.

Dans le meme ordre d’idee, pour montrer les limites de la guerre contre

l’occupant, Imam critique aussi la notion d’at-tatarrouss, puise dans les ouvrages

arabes anciens de strategie militaire. Imam avoue que ses anciens manifestes etpublications ont largement contribue a la situation actuelle crispee de l’islamisme

militant. Celle-ci est empreinte de la justification legale de la violence au nom du

Jihad, qui s’avere hative avec des retombees negatives sur les populations

musulmanes. Mais il garde sa conviction que le Jihad est un fondement de l’islam

mais dans une forme plus proche de celle esquisse par les Ulemas traditionnalistes ou

proches de l’establishment politique et culturel.

Cela etant et concernant le derapage ideologique de l’orthodoxie de l’Al Qaıda,

Dr Fadl porte aussi des jugements severes et dresse des evaluations accablantes sur

les personnes des leaders d’Al Qaıda et leur performance. Ben Laden est considere

par Imam non pas moins qu’un renegat, ayant trahi le chef des Taliban le Mollah

Omar, et en plus, il a provoque des derapages religieux et des transgressions dans

l’interpretation des textes sacres, d’autant plus qu’il n’est pas apte a jouer ce role

religieux. Mais l’accusation la plus grave sur le niveau geopolitique est de rendre Ben

Laden responsable de la perte de l’Afghanistan. Signifiant l’effondrement du regime

des Taliban qui hebergeait Al Qaıda.

Cette derniere a commis un acte de suicide et de traitrise a l’egard des Etats-Unis,

et une deloyaute et un desastre pour les musulmans avec les evenements du11 septembre. D’ailleurs, d’apres lui, Al Qaıda, n’a ni un plan, ni une pensee, ni un

theoricien, ni un mufti. Elle est tributaire du bon gre de Ben Laden. Ce dernier a

purge son entourage de tous les contestataires, ce qui a mene au desastre du

11 septembre. Ces evenements ont provoque de la desolation et de la discorde dans

chaque pays, sinon dans chaque maison musulmane. Ce qui le laisse dire que le

partisan engage d’Al Qaıda est soit un ignorant de l’islam, soit un profiteur

opportuniste et egoıste.

A la fin, Dr Imam voit une obligation d’entreprendre une revision critique d’al-

Fiqh al-moqatil (le droit musulman de la guerre). Il anticipe un contre argument et

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defend la validite de cette autocritique qui sort de derriere les barreaux. Il donne

des exemples des juristes celebres et des Ulemas qui ont eu un apport intellec-

tuel important, meme incarceres en prison. Entre autres le celebre Ibn Taymya

(1263�1328), illustre inspirateur de la mouvance salafiste actuelle, et le theoricien del’ecole hanafite Al Sarkhassi (mort vers 1091). La replique d’Ayman Al-Zawahiri

ne s’est fait pas attendre: ces Ulemas cites n’ont pas change leurs idees comme

Dr Imam l’a fait!

Sayyed Imam s’est engage dans une reflexion sur le concept du Jihad, qui est

sujet de litige et de divergences entre traditionnalistes et activistes radicaux, surtout

Al Qaıda. C’est en fait un retour du Dr Fadl aux interpretations classiques et

traditionnalistes de la notion du jihad.

Le nouveau manifeste islamiste entre acceptation et refutation

Cela etant, la nouvelle position d’Imam par rapport a ces points, a ete critiquee par

ses anciens compagnons et ideologues du mouvement.

En effet, la reevaluation ideologique de Sayyed Imam nourrit une polemique

dans les milieux islamistes. D’aucuns ont refuse son mea culpa. Tandis que plusieurs

observateurs ont insinue que cette revision est le fruit d’un marche conclu avec les

autorites egyptiennes. D’ailleurs les revisions de Sayyed Imam et celles qui les ontprecedees depuis 1997, attestant d’un repentir de centaines de jihadistes, ont ete

accompagnees de la liberation des dizaines d’entre eux.

Mais, d’autre part, est-il convaincant de ceder a la tentation de croire facilement

en la faiblesse d’un homme tel Sayyed Imam devant la pression exercee par l’Etat

egyptien? Son parcours jihadiste a transmettre un message dogmatique, qu’il croit

divin, ne le permet guere . . .Au dela de la controverse sur les intentions derriere la reevaluation de Sayyed

imam et de son acceptation par l’Etat egyptien, son refus est venu principalement desdirigeants d’Al Qaıda.

En effet, dans une declaration signee par ‘Majliss Choura Gamaat al-Jihad al-

Missrya fi al-kharij’ (le Conseil de consultation du groupe egyptien Gamaat al-Jihad

a l’exterieur), groupe qui a integre le reseau d’Al Qaıda en 1996, Al-Zawahiri rend

Sayyed Imam responsable de toutes les erreurs commises par le groupe du Jihad

islamique en Egypte. Il avance que l’ouvrage intitule le Tarchid est une tentative

desesperee pour regagner sa liberte. Il ajoute que les accusations d’Imam contre les

combattants ou les moudjahidin sont une preuve de sa responsabilite principale dulourd passe du groupe, puisqu’Imam etait leur Emir. Meme le conseil de consultation

du groupe etait dans l’impossibilite de prendre une decision sans le consulter

personnellement. Al Zawahiri se demande pourquoi donc Dr Imam a accepte de

diriger le Jihad pendant 25 ans? Puisqu’il accuse maintenant ses membres. Le

numero deux d’Al Qaıda laisse entendre a la fin de la declaration que le conflit est

personnel entre lui et Sayed Imam et que les jeunes n’y sont pour rien.

Al Zawahiri va repondre a sayyed Imam, d’une facon encore plus virulente

mais structuree et avec plus de soin, dans un opus de 189 pages avec des dizaines denotes infranationales pour se referer aux ouvrages du fiqh ou meme aux grands

poetes arabes.

Zawahiri reitere ses interpretations en faveur du Jihad et de son idee centrale de la

justification de la violence. Cela meme contre des musulmans et non musulmans,

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suivant sa conception de ‘Al tatarous’. L’ouvrage, qu’il a appele ‘At-tabriaa’

(l’exoneration), est une offensive contre Sayyed Imam et ses idees contre le Jihad.

Al Zawahiri y insiste sur ce que peuvent gagner les Etats-Unis, si les idees de Docteur

Fadl contenues dans le Tarchid se repandent entre les Moudjahidin.29

La reponse de Sayyed Imam ne s’est pas fait attendre. Ce dernier replique par un

autre document a son ancien compagnon d’armes. Le document s’intitule ‘mozakirat

at-taariya li kitab at-tabriaa’30 (La honte de l’exoneration). Imam accuse al Zawahiri

d’avoir travaille pour les services secrets soudanais contre l’Egypte et d’avoir touche

de l’argent. Concernant al Qaıda, Imam avance que le reseau a transforme la lutte

contre les Etats-Unis en une affaire personnelle pour le compte de ses dirigeants

notamment Oussama Ben Laden et Khalid Cheikh Mohamed.De son cote, le fervent partisan du Jihad et d’Al-Qaıda, l’islamiste egyptien Hani

Al-Siba’i, directeur du centre Al-Makrizi des etudes historiques a Londres, precise

lui aussi et sans equivoque que les revisions de Sayyed Imam sont elaborees sous la

pression psychologique et la torture en prison. Elles sont donc caduques et non

recevables. Mais il tient a confirmer que Sayyed Imam restera toujours un grand

savant religieux de l’islam.

Cela etant, le rejet virulent de la revision de Sayyed Imam est venu des islamistes

radicaux egyptiens. En effet, l’ex-membre de la ‘Gamaa Islamiya’, Muhammad

Khalil Al Hakayma, actuellement actif sous l’etendard d’Al-Qaıda en Egypte, a

publie son communique pour repondre a Sayyed Imam. Il y precise que ce dernier

aurait du vanter les actions positives des moudjahidine et leur heroısme en Irak, en

Afghanistan et d’autres pays musulmans, au lieu de s’etaler sur leurs erreurs.

Al Hakayma refuse aussi qu’Imam decrive les moudjahidine comme des

mercenaires, des vendus ou des ignorants.

Dans la meme perspective, une lettre que les agences de presse ont fait circuler,

attribuee a un groupe d’une trentaine de detenus appartenant au ‘Jihad islamique’,

depuis les prisons egyptiennes, atteste de leur refus categorique des revisions de

Sayyed Imam. La lettre accuse sans ambages le revisionniste d’avoir conclu un

marche avec les autorites egyptiennes.31

Cela etant, le nouveau revisionnisme de Sayyed Imam ne constitue pas une

rupture avec son passe. Toute sa reflexion se deroule dans les parametres de la

tradition islamique. Malgre ses allusions, il reste en deca du seuil de l’acquisition des

ideaux de la modernite, telle concue en occident, ou au moins comme sont entendus

par les liberaux de l’Islam. Cela n’empeche que son auteur a eu l’audace d’ouvrir une

porte sur l’autocritique au sein de la mouvance islamiste contemporaine.

Conclusion

En guise de conclusion, on peut reaffirmer notre these principale qui est celle de la

vacuite du jihad et son incapacite a rester une idee-mobilisatrice dans l’espace

musulman, grace notamment au revisionnisme de ces principaux theoriciens.

Cela etant, la reflexion sur le jihad revele les ambiguites et les ambivalences de la

pensee politique musulmane. En effet, en l’absence d’une seule reference theologique

en islam, et devant la multiplicite des interpretations qui, parfois, s’eloignent du juste

milieu recherche par toute religion monotheiste, la communaute des penseurs et

theologiens musulmans est dans l’embarras.

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En effet, l’apprentissage de la realite politique au moyen d’une hermeneutique

religieuse qui transcende l’histoire et ne tient point compte du poids des change-

ments qu’elle impose a suscite une ‘cacophonie’ dans les cercles des Ulemas de

l’islam.Le consensus recherche dans de delicates questions, telles le jihad, n’est point a

l’ordre du jour, comme on vient de le demontrer a travers les points de vue

contradictoires.

En fait la violence pronee par certains mouvements jihadistes a depasse le cadre

du jihad defensif. Elle prend des allures arbitraires: contre soi ou contre l’autre. Cette

violence puise ses fondements dans des lectures theologiques rigoristes et activistes

du texte sacre. Le jihad devient alors une ideologie au service d’une fuite en avant

devant l’impasse geopolitique et la crise identitaire. Aussi une justification de l’actesuicidaire, comme procede de combat. Voire meme chercher un acces a un paradis

fantasme et donc fuire sa misere d’ici-bas. Et l’eveil islamiste (Sahwa) s’avere une

ideologie et non pas un regain de spiritualite et s’inscrit dans le sillage des

transformations du phenomene religieux et ses imbrications avec la politique.

Notes

1. Etymologiquement, le mot arabe jihad veut dire ‘effort accompli en vue de la realisationd’un objectif ’. On distingue le ‘grand jihad’ et le ‘petit jihad’. Le premier doit etre menepar le musulman en vue d’une purification spirituelle, en suivant fidelement lesenseignements de Mahomet. La seconde forme du jihad ou ‘petit jihad’ est le combat‘saint’ et guerrier, que les musulmans doivent mener pour se defendre face a, ou s’imposera, leurs ennemis. La pensee musulmane classique a travers plusieurs ouvrages a avanceplusieurs principes du jihad, qu’on peut formuler ainsi:

. la bonne intention du musulman, afin de participer au jihad, pour Dieu et non pour

un gain materiel

. l’autorisation des parents ou tuteurs

. le commandement d’un Imam � Emir (prince) musulman

. la bonne preparation a la guerre

. l’obeissance complete a l’Imam � Emir.

2. Soit la premiere communaute sortie de la condition de la persecution au statut de lacroissance et de l’elargissement a Medine, soit sous les califats, ou dans les empires et lesdynasties venus apres.

3. Le hadith est cite par le rapporteur Al Boukhari. Voir Al Boukhari, Al Jamiı as-sahih almokhtassar, Dar Ibn Kathir, al-Yamam (Arabie Saoudite), 1987, vol. III, p 15, Hadith n2631.

4. ‘Point contrainte en matiere de religion. La verite se distingue assez de l’erreur. Celuiqui ne croira pas au Thagout (les idoles) et croira en Dieu aura saisi une anse solide atoute brisure. Dieu entend et connaıt tout’ (Coran 2: 257), ou ‘Si quelque idolatre tedemande un asile, accorde-le-lui afin qu’il puisse entendre la parole de Dieu, puis fais-lereconduire a un lieu sur. Ceci t’est prescrit, parce que ce sont des gens qui ne savent pas’(Coran 9: 6).

5. Rappelons que les cinq piliers de l’islam sont l’attestation de l’unicite de Dieu et de laprophetie de Mahomet, la priere canonique, l’aumone legale, le jeune et le pelerinage a laMecque. Ils constituent les obligations de base pour chaque musulman qui est en age deles accomplir.

6. Pour plus de details, voir Djaıt (1989).7. Tantaoui (Mohamed Sayyed) [1928�]. Grand Imam, mufti d’Egypte depuis 1986 et

Cheikh d’Al Azhar depuis 1996. Il a œuvre pour le dialogue islamo-chretien.

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8. Cette idee est reiteree en 2008 lors d’une reunion de l’Academie de Recherche Islamique,dirigee par Mohamed Sayed Tantaoui, qui a refuse la commission de crimes et d’actes devandalisme au nom de l’islam. Voir Amer (2008).

9. Qaradaoui (Al), Youssef. Theologien egyptien, ne en 1926. Al Qaradaoui est considerecomme le savant religieux le plus ecoute par les musulmans. Cela est du notamment a sesemissions televisees hebdomadaires, surtout Ash-Sharı‘ah Wal-Hayah [La legislationislamique et la vie] sur la chaıne panarabe Al Jazeera. Il est l’auteur de plus de quatre-vingts ouvrages, dont Al-Halal wal-Haram fil-Islam [Le licite et l’illicite en Islam] (1960),Al-aql wa al-’ilm fi al-qur’an al-karim [La raison et la science dans le Coran] (1996),Khitabouna al-islami fi ‘asr al’’awlama [Notre discours islamique au temps de lamondialisation] (2004).

10. Voir par exemple ses reponses a des questions posees dans la rubrique des fatwas sur leportail islamonline (page consultee le 7 novembre 2008) [en ligne], adresse URL:http://www.islamonline.net/servlet/Satellite?c�ArticleA_C&cid�1190886460120&pagename�Zone-Arabic-Shariah%2FSRALayout.

11. Aamara (Mohamed). Ancien marxiste egyptien devenu un fervent defenseur del’islamisme. Parmi ses ouvrages: L’impasse du christianisme et de la laıcite en Europe(1999), L’Islam et l’Autre: qui accepte qui? Et qui renie qui? (2001) et L’Occident et l’islam:Ou resident le faux et le vrai? (2004).

12. Fadlallah (Mohamed Hussein). Autorite religieuse hautement respectee de l’islam chiiteduodecimain, ne a an-Najaf al-Achraf (en Iraq). Fadlallah est ouvert aux autres courantsde l’islam dans les questions legales, politiques, intellectuelles et doctrinales de l’islam.Parmi ses ouvrages: Concepts islamiques generaux (2001).

13. Pour plus de details voir son entrevue sur le Jihad en islam disponible sur son site officiel(page consultee le 17 aout 2005) [en ligne], adresse URL:http://arabic.bayynat.org.lb/mbayynat/nachatat/jihad050202.ht.

14. Ansary (Abdel hamid, Al). Penseur liberal et academicien qatari, ancien doyen de lafaculte de la Shari’a, du droit et des etudes islamiques. Parmi ses ouvrages: Les droitspolitiques de la femme, Le monde musulman contemporain entre la choura et la democratie(2001) et L’organisation du pouvoir en islam (1985).

15. Rappelons que les kharidjites forment avec les sunnites et les chiites les trois principalesbranches de l’islam. Cette branche est nee du refus de l’arbitrage entre Ali et Mu‘awıya al’issue de la bataille de Siffin qui les avaient opposes en 657 et qui a ete fatale pour lacoherence de l’islam originel. Ali y accepta l’arbitrage pour arreter la guerre. En principepartisans d’Ali, les kharidjites se sont retires et ont condamne les deux camps (celui deMu‘awıya et celui d’Ali). Ils ont postule que ‘l’arbitrage n’appartient qu’a Dieu’.

16. Saıd (Jaoudat). Penseur islamiste d’origine syrienne ne en 1931. Parmi ses etudes: Lis! Tonseigneur est le tres noble (1993), Le travail: capacite et vouloir (1980) et L’islam, l’occidentet la democratie (1996), dans lesquelles il montre que la non-violence est fondee en islam.

17. Voir par exemple l’entretien accorde par Al Abyakan a la chaine satellitaire arabe AlArabia le 10 decembre 2004 (barnamaj idaat).

18. Al Jabri (Mohamed Abed). Penseur d’origine marocaine ne en 1935. Il est l’un des pluseminents penseurs arabes contemporains, grace notamment a sa monumentale Naqd al-‘aql al-‘arabı [Critique de la raison arabe] en 4 tomes. Parmi ses principaux ouvrages:Nahnu wa al-turath. Qira’at mu’asira fi turathina al-falsafı [Nous et notre tradition.Lectures contemporaines de notre tradition philosophique], Al-Turath wa al-hadatha[Tradition et modernite] et Al khitab al-‘arabı al- mo’assır: dirasa tahlıliyya naqdiyya [Lediscours arabe contemporain: etude analytique et critique].

19. Voir par exemple son article ‘La violence et l’accommodement ideologique’. Articledisponible sur le site web de l’auteur, mis en ligne le 10 juin 2003: http://www.aljabriabed.net/terrorism3.htm.

20. Sayed Al Qomni. Penseur et historien marxiste egyptien ne en 1947, auteur de nombreuxouvrages contre les theses islamistes sur l’histoire musulmane: ‘Le parti hachemite et laconstitution de l’Etat islamique’, ‘Les guerres de l’Etat du prophete: Badr et Ohoud’ et ‘Lemythe et la tradition’. Al Qomni a renonce a l’ecriture apres avoir recu des menaces demort de la part d’integristes egyptiens.

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21. Voir entre autres l’entretien accorde par Sayyed Al Qomni a la revue Middle�EastTransparent disponible sur le lien suivant: http://www.metransparent.com/texts/sayyed_qimni.htm. Page consultee le 2 juillet 2006. Le cas de Hezbollah au Liban: sa lutte contreIsrael ne le rend pas immune a etre percu comme un mouvement chiite. Ce qui suscite lesreserves et les apprehensions dans les milieux sunnites libananais.

22. Abdullahi Ahmed An-Na’im est professeur de droit a Emory University School of Law aAtlanta (EUA) d’origine soudanaise. Specialiste des droits de la personne, il est directeurdu programme religion et droits de l’Homme a la meme universite et defend pour unecompatibilite et une interdependance entre les droits de l’homme, la religion et la laıcite. Ila ecrit notamment Islam and the secular state: negotiating the future of Shari’a et Towardan Islamic Reformation: civil liberties, human rights and international law.

23. Ben Laden (Oussama). Chef et fondateur d’Al Qaıda. D’origine yemenite, ne en 1957 aRiyad (Arabie saoudite), il est issu d’une famille riche, et il etait lui-meme un hommed’affaires. Il a rejoint les combattants moudjahiddines en Afghanistan en 1979. Il areconnu sa responsabilite des attentats du 11 septembre 2001.

24. Tous les discours de Ben Laden sont disponibles (avec une mise a jour) sur le site d’Al-Jazeera (page consultee le 7 novembre 2008), [en ligne], adresse URL:http://www.aljazeera.net/NR/exeres/392BC4D7-E9AA-4E5A-8F33-877EEB0C0781.htm.

25. Abou Qatada. Activiste d’origine palestinienne de son vrai nom Omar ibn MahmoudAbou Omar. Il est le chef presume d’Al-Qaıda en Europe. Militant pour un islam salafisteradical. Docteur en droit islamique et membre fondateur du comite des fatwas d’Al-Qaıdaa la fin des annees 1980. A la fin de la premiere guerre d’Afghanistan, il emigre en Europepour former de futurs salafistes. Installe a Londres avec sa famille, il obtient le statut derefugie politique en juin 1994. Accuse par le gouvernement britannique d’avoir ’inspire’les attentats du 11 septembre 2001. Arrete en 2005, suite aux attentats de Londres et a etelibere en juin 2008.

26. Sayyed Imam Abdelaziz Al-Sharif a ete entoure d’un halo de respectabilite dans lamouvance jihadiste et surtout au sein de la nebuleuse d’Al-Qaıda. Sayyed Imam a etudie ala faculte de medecine a l’Universite du Caire. Il est de la meme promotion du celebreAyman al-Zawahiri, le numero deux d’Al Qaıda. A l’instar de ce dernier, Dr Imam aappartenu au groupe egyptien le ‘Jihad islamique’ fonde en 1965. Imam va suspendre sesactivites au sein de cette organisation apres l’assassinat de l’ex-president egyptien AnouarSadate en 1981. Imam s’est rendu au Pakistan, ou il s’est engage dans un hopital ausecours des refugies afghans, De son nouveau lieu de travail, Imam tisse des liens avec desmoudjahidines arabes. Il va meme se hisser dans leurs milieux et s’imposer comme unereference principale pour leur action jihadiste. En 1998, un jugement de la couregyptienne le condamne par contumace a 25 ans de prison. En 2001, Imam est arreteau Yemen par les autorites du pays et est deporte en Egypte en 2004. Depuis il estemprisonne a la fameuse prison egyptienne ‘Liman Tora’, d’ou il a emis son derniermanifeste revisionniste sur le Jihad.

27. Grand leader spirituel, fameux gourou des mouvements jihadistes salafistes, et mentord’Abou Moussab Al-Zarkaoui, responsable emir ou dirigeant d’Al-Qaıda en Irak,assassine en 2006.

28. Les cas des Freres Musulmans en Syrie en Egypte et en Irak, sont exemplaires.29. Le document est disponible et telechargeable sur le lien: http://www.aljazeeratalk.net/

forum/showthread.php?t�168879. Page consultee le 5 novembre 2008.30. Le texte est disponible en 12 episodes dans le site du journal Asharq al Awsat sur le lien

suivant: http://www.asharqalawsat.com/files.asp?fileid�56, Page consulte le 29 novembre2008.

31. Voir par exemple la lettre de l’un des principaux leaders du ‘Jihad islamique’, AhmadSalama Mabrouk, disponible sur: http://www.muslm.net/vb/showthread.php?t�271779.Page consulte le 30 octobre 2008.

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