le jeu au coeur des processus d'engagement

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1 Faculté des Lettres et Civilisations Département des Sciences de l'Information et de la Communication Le jeu au cœur des processus d’engagement, de mémorisation et de compréhension. Dans quelles mesures l'aspect ludique compte dans la logique d'appréhension de projets culturels sur le web ? Agence Turbulent, Montréal, QC Présenté par Elsa Lançon Master 2 Communication des organisations Année universitaire 2012-2013 Tuteur(s) en entreprise : Claire Buffet Tuteur universitaire : Martine Vila-Raimondi

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Le jeu au coeur des processus d'engagement, de mémorisation et de compréhension. Dans quelles mesures l'aspect ludique compte dans la logique d'appréhension de projets culturels sur le web ?

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Faculté des Lettres et Civilisations

Département des Sciences de l'Information et de la Communication

Le jeu au cœur des processus d’engagement, de mémorisation et de

compréhension. Dans quelles mesures l'aspect ludique compte dans la

logique d'appréhension de projets culturels sur le web ?

Agence Turbulent, Montréal, QC

Présenté par Elsa Lançon

Master 2 Communication des organisations

Année universitaire 2012-2013

Tuteur(s) en entreprise : Claire Buffet

Tuteur universitaire : Martine Vila-Raimondi

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Mots Clés Gamification – Industrie culturelle télé et web. Engagement. Convergence et

projet web innovant

Résumé Durant mon stage à Turbulent, agence web Montréalaise spécialisée dans la

création et la production de contenu innovant, j’ai pu me familiariser avec

l’expérience utilisateur dans l’appréhension de projet web.

Ce mémoire développe et questionne les rapports de la gamification adaptée

à l’industrie culturelle, dans le contexte actuel d’évolution des comportements

des utilisateurs.

Key words Gamification. Cultural industry of television and web. Commitment.

Convergence and innovative web projects

Abstract

During my internship in Turbulent, Montreal ; a web agency specializing in the

creation and production of innovative content, I was able to familiarize myself

with the user experience in web project apprehension.

This dissertation develops and questioned the gamification reports, adapted

to the cultural industry in the current context of changing user behavior.

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! 4!

Glossaire

Les mots surmontés d’un astérisque * dans le texte seront expliqués ici.

A

ARG (Alternate Reality Game) : Un jeu en réalité alternée (Alternate Reality

Game - ARG) est un jeu multimédia, qui de manière délibérée entretient le

flou entre les expériences perçues lors du jeu et hors du jeu.

B

Back office / CMS : Un système de gestion de contenu ou SGC (Content

Management System ou CMS) est une famille de logiciels destinés à la

conception et à la mise à jour dynamique de sites web ou d'applications

multimédia.

Bonification : L’action de compter des bonus

C

Crowfunding : Le Crowdfunding est une approche permettant le financement

de projets en faisant appel à un grand nombre de personnes ordinaires

(internautes, réseaux de contact, amis, etc.) pour faire de petits

investissements.

F

Flash : Pour faire simple, le « Flash » est un langage de création de site web

appartenant à Adobe, qui permet de créer des sites animés.

Footer : Le footer (« pied de page » en français) est, dans un site Internet, la

zone située tout en bas, et qui contient généralement des liens de navigation

secondaires, des mentions légales, un copyright, etc…

H

Header : Dans un site Internet, le header (« en-tête » en français) désigne la

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! 5!

partie du site située tout en haut, et qui sert généralement de titre.

M

Mouse over : Un mouse over est une action de "survol" d’un objet publicitaire,

d’un élément de menu ou d’une image par la souris de l’internaute.

P

Page 404 : Une page 404 est une page renvoyée par le serveur d’un site web

lorsque la page demandée n’existe plus ou lorsqu’il y a une erreur dans la

partie de l’URL demandée située après le nom de domaine. Inspiration :

http://www.bonjour404.fr/

Pointification : L’action de compter des points

Point d'entrée (Rabbit Hole) : Dans la narration transmedia, les différents

éléments qui composent un univers peuvent être explorés et compris

indépendamment les uns des autres : Il s’agit de points d’entrée multiples

dans l’histoire.

Pré-roll : Le pré-roll vidéo est un format d’affichage des publicités vidéos sur

Internet qui consiste à afficher le message publicitaire vidéo pendant

quelques secondes avant la visualisation d’une vidéo de contenu

R

Responsive web design : Le responsive web design englobe les techniques

de conception de contenus Internet qui permettent de proposer des contenus

auto-adaptables en fonction des interfaces de consultation utilisées par le

visiteur.

Retina : Retina Display aux États-Unis, est une marque utilisée

par Apple pour les écrans de ses appareils électroniques ou informatiques.

La densité de pixels serait suffisamment haute pour que l'œil humain ne soit

pas en mesure de constater la pixellisation même à une très courte distance.

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! 6!

U

UX (User Experience) : Expérience Utilisateur

V

Version BETA : Le bêta-test est la deuxième période d'essai (version d’un

logiciel) d'un produit informatique avant sa publication. Un produit en période

de bêta test est généralement soumis à un nombre important ou représentatif

de personnes.

Sources des définitions : www.definitions-webmarketing.com et

http://www.definition-marketing.net

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! 7!

Sommaire

Partie 1 : La production de contenu culturel dans les projets web

innovants

A. La production culturelle via les nouveaux médias

a. L’industrie culturelle………………………………………… p 10

b. La production de contenu culturel sur internet …...……. p 11

B. La production culturelle liée à l’économie de marché

a. La consommation de produits culturels en France et au

Québec ……………………………………………………... p 13

b. Les moyens de financement ……………………………… p 14

C. Turbulent Média, dans un environnement innovant et

compétitif

a. L’agence Turbulent ……………………………………….. p 17

b. Les projets ………………………………………………….. p 18

c. Analyse sectorielle ………………………………..……….. p 21

Partie 2 : Mes mission en tant que chargée de contenu

A. Contextualisation ………………………………………………… p 26

B. Un projet en particulier …………………………………………. p 26

a. Logistique du projet ……………………….……………….. p 27

b. La veille …………………………………….……………….. p 29

c. Ergonomie ………………………………….…………….… p 31

d. Stratégie de contenu …………………….………………… p 34

e. Design ………………………………………………………. p 36

f. Production ………………………………………………….. p 36

g. Entrée de contenu …………………………………………. p 37

h. Mise en ligne ……………………………………………….. p 38

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! 8!

Partie 3 : La gamification dans les projets web innovants.

A. L’évolution des pratiques culturelles

a. Historique de la télévision des années 1950 à nos jours p 40

b. L’avènement du numérique ………………………………. p 42

c. 2nd screen : l’écran affectif ………………………………… p 45

B. La gamification aujourd’hui sur internet : une mode ?

a. La culture : de l’Entertainment à la réflexion …………… p 47

b. Des projets convergents …………………………………. p 48

c. La gamification en quelques mots ……….……………… p 48

d. L’engagement et la fidélisation ………………………….. p 50

C. Pourquoi et comment le ludique s’insère dans le web ?

a. La nécessité du jeu ………………………………………. p 54

b. Le jeu partout ? …………………………………………… p 56

Conclusion …………………………………………………………………… p 58

Bibliographie ………………………………………………………………… p 59

Annexes .................................................................................................. p 62

- Entretien avec Florent Maurin

- Benchmark préparatoire WIXX

- Benchmark client WIXX

- Benchmark de dépôt Dis-moi tout

- Rapport de Québec en Forme

- Liste des tests Yucentrix

- Protocole de Test Yucentrix

- Entretien Yucentrix

- Game Design Document

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Introduction

Apprentissage. Voilà le mot par lequel je commencerai ce mémoire car il fut le

concept en fil d’Ariane de ce stage et ses recherches. Un nouveau pays, une

nouvelle ville, un nouveau domaine, une nouvelle façon de travailler, des

nouveaux projets, des nouvelles compétences, des nouveaux concepts…

Le rapport au web comme moyen de diffusion et de compréhension de

contenu culturel m’avait déjà enthousiasmé lors de mon précédent stage,

c’est donc avec envie que j’intègre l’agence web Turbulent.

Dans ce mémoire, je commencerai par présenter le contexte de l’agence

Turbulent, le marché dans lequel il s’insère ainsi que ses procédures de

projets. Puis, dans une seconde partie, je développerai les missions les plus

importantes que j’ai pu réaliser durant ces mois de stage. La mission phare

de mon stage m’amènera à me questionner sur les rapports du jeu sur le

web, ces liens avec le monde réel, ses procédés, ses ambitions… Ainsi, la

dernière partie proposera une mise en contexte et des pistes de réflexion sur

le jeu comme outil d’engagement, de mémorisation et de compréhension.

Dans quelles mesures l'aspect ludique compte dans la logique

d'appréhension de projets culturels sur le web ? Ces pages de réflexion

relèveront un état des lieux du marché actuel par rapport aux évolutions des

comportements des utilisateurs, de son aspect marketing et une mise en

perspective des techniques de gamification. Cette partie permettra de

comprendre les enjeux et d’insister sur les notions d’engagement et

d’expérience par l’utilisateur.

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Partie 1 : La production de contenu culturel dans les

projets web innovants

A. La production culturelle via les nouveaux médias

a. L’industrie culturelle

Pour comprendre la production culturelle, il faut avant tout se référer à

l’industrie culturelle et ses évolutions. Le contenu symbolique est une notion

clé de cette industrie : créer des biens ou services avec comme valeur

centrale la culture au sens large. On retrouve l’industrie du livre, de la

musique, du cinéma, de la télévision, de la radio, des jeux vidéo et plus

récemment d’internet (multimédia)

T.Adorno et M.Horkheimer ont introduit le concept d’industrie culturelle dès

1947. Il s’agissait plutôt d’une critique de la standardisation et de la

production en masse des produits de contenu (radio, télévision et cinéma). Ce

concept d’industrie a été pour eux un moyen de critiquer la manipulation de la

culture populaire. Edgar Morin en 1961 dans L’Industrie Culturelle, parle lui de

« seconde industrialisation » et « d’industrialisation de l’esprit ». Il met en

lumière la notion d’avancée technique nécessaire au développement de cette

industrie1. Ce qui est une des caractéristiques de l’évolution actuelle de la

production culturelle : la technique au service de son temps, de ses

utilisateurs et de la production. Le parallèle avec la production culturelle sur le

web est là facile. La technologie change constamment les rapports que

l’industrie culturelle entretient avec l’utilisateur, le consommateur… Edgar

Morin insiste aussi sur le concept de production, qui donne tout son sens à la

notion d’industrialisation de cette culture.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1!Morin!Edgar,!L’industrie+culturelle,!1961,!page!39!

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! 11!

En 2009, d’après le rapport de l’UNESCO, ces industries ont été définies

comme « toute industrie qui a pour origine la créativité individuelle, l’habileté

et le talent et qui a le potentiel de produire de la richesse et de l’emploi à

travers la création et l’exploitation de la propriété intellectuelle ». A la

différence des autres formes d’industrie, celle-ci requiert un contenu culturel,

relevant de l’art ou du patrimoine.

b. La production de contenu culturel sur internet

La production culturelle sur le web regroupe un ensemble de contenu diffusé

sur internet. Ainsi, il existe de nombreux registres et techniques attachés à la

production culturelle : site convergent, web-documentaire, application mobile,

expérience transmédia... Pour vulgariser, on pourrait parler de moyens de

diffusion de la culture en générale par d’autres moyens plus interactifs, plus

participatifs et plus innovants. Le web étant encore un outil génial de liberté,

de création peu normé et doté d’avancées technologiques perpétuelles ; les

possibilités de diffusion de la culture sont grandes.

Les industries culturelles étaient autrefois beaucoup plus cloisonnées

qu’aujourd’hui et ce, en raison de l'importance des coûts de production

analogique (cinéma, télévision, photographie et impression) 2 . Ainsi

aujourd'hui, les médias de transforme et se mélange sous une forme

numérique plus uniforme. Il est de même intéressant à noter – d'après les

statistiques culturelles de l'UNESCO 2009 – que la « culture » au sens

général est en constante augmentation, que ce soit par les produits ou les

expériences culturels. Ce fait s'explique en grande partie par l'accroissement

du pouvoir d'achat, la culture n'est plus perçue comme superflue. On voit

donc une recrudescence des projets culturels sur internet : la demande est là,

la qualité et l’innovation aussi. Les projets doivent donc se diversifier pour se

faire remarquer. La tendance à l’expérience utilisateur est très prégnante en

ce moment. L’usager doit être au centre de l’expérience et doit pouvoir créer

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!2!1 Cadre de l'UNESCO pour les statistiques culturelles 2009!

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! 12!

son propre parcours de visite. Après avoir été spectateur durant l’hégémonie

télévisuelle, l’utilisateur souhaite interagir, créer, partager, communiquer,

participer.... A cela, le web tente de trouver des pistes de réponses.

Effectivement, le web intègre plus la partie participative que les autres médias

traditionnels. L’utilisateur peut devenir auteur et acteur du web, l’information

ne se fait plus comme sur les autres médias. Le récepteur peut aussi être

émetteur.

Aujourd'hui la production de contenu culturel sur internet…

D’après ce même rapport, il est important de noter que les caractéristiques

des industries culturelles et créatives sont :

« - L’intersection entre l’économie et la culture

- La créativité au cœur de l’activité

- Le contenu artistique, culturel ou inspiré de la création du passé

- La production de biens et de services fréquemment protégés par la propriété

intellectuelle

- L’innovation et le renouvellement créatif

- Une demande et des comportements du public difficiles à anticiper

- Un secteur marqué par la non-systématisation du salariat comme mode de

rémunération du travail et la prédominance de micro-entreprises. »

Ces points synthétisent bien ce que j’ai pu apprendre lors de mon stage chez

Turbulent ainsi que les objectifs de l’agence. Les objectifs et les finalités

essentiels pour rester créatif et innovant dans ce marché. Comme le rappel

un point, les comportements du public et ses demandes sont difficiles à

anticiper, la veille ainsi que les enquêtes sont à privilégier.

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B. La production culturelle attachée à l'économie de marché

a. Consommation de produits culturels en France et au Québec

En France, comme au Québec, la majorité des produits culturels sont en

diminution (livres, cd…). Seule progression, la consommation de jeux vidéo.

Avec un consommateur type en dehors des clichés, le jeu vidéo se

démocratise. En effet, les femmes sont de plus en plus nombreuses à jouer

en ligne (55 %), surtout grâce aux jeux sociaux. L’âge moyen est de 43 ans.

Par contre, les consoles de jeu restent réservées aux jeunes hommes et

adolescents. D’après une enquête Insee sur l’équipement des ménages en

multimédia en France, le nombre de joueurs est passé de 17 à 28 millions de

personnes en 5 ans.

D'après le rapport du cefrio 20123

« Divertissement en ligne : des

activités qui se confirment au

Québec », un tiers des adultes

québécois jouent en ligne ou en

réseau. Avec presque 20 %

pratiquant le jeu en ligne sur des

sites web spécialisés.

Les habitudes de consommation

entre français et québécois (voir Amérique du Nord) évoluent sensiblement à

la même vitesse.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!3!Dossier!Net!Tendances!«!Divertissement!en!ligne!:!des!activités!qui!se!confirment!au!Québec!»!Cefrio!http://www.cefrio.qc.ca/media/uploader/2_divertissement_ligne.pdf!

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! 14!

b. Le financement de projets innovants en France et au Québec.

Comme vu précédemment, Turbulent fait appel à des financements publiques

en média numérique. Il faut savoir qu’au Canada - comme en France - la

culture est une industrie subventionnée. Le Canada est un des pays qui

accorde le plus de fonds à la production numérique. De plus, il est dorénavant

obligatoire pour une chaîne télé Canadienne d'avoir son versant web.

L’obtention de financement est liée à trois formes de systèmes :

- Les aides sélectives, qui sont obtenues par concours. L’agence doit

présenter un projet, qui est examiné par des analystes. C’est par le nombre

de points que les projets sont retenus.

- Les aides automatiques. La décision de ce type d’aide est déclenchée par

un tiers (le diffuseur tv par exemple) et basée sur la conformité du projet.

- Les aides sous forme de crédits d’impôt. Ces aides sont attribuées

automatiquement si le projet et ses dépenses sont admissibles. À Turbulent,

la plupart des projets bénéficiant de ce type d’aide sont des projets de

recherche et développement. De plus en plus, l’agence souhaite se

concentrer sur des projets de conception.

Ce système d’aide est bureaucratique, les demandes vont solliciter beaucoup

de temps et de la documentation conséquente. L’approbation finale du projet

est partagée entre plusieurs « joueurs » (diffuseurs, institutions de

financement et partenaires - producteurs TV, co producteur, etc.) qui ont tous

des intérêts différents.

Il y a quatre fonds principaux ayant chacun leur intérêt et leurs exigences.

- Le fonds Quebecor qui demande une licence de TV et nécessite un projet

multiplateforme. Il donne le droit à environ 50000 $ de financement. Par

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! 15!

exemple, Turbulent a obtenu ce fonds sur le projet L’Oeil du dragon grâce à la

synchronisation tv du jeu sur mobile.

- Le fonds Bell est lui axé sur l’excellence du projet. En général, ce fonds est

obtenu neuf fois sur dix. Projets : Mixmania 2, JAM, Les Rescapés. Le

mandat du Fonds Bell est de contribuer à l’avancement du système canadien

de la radiodiffusion. Ces projets convergents

- Le fonds des Médias du Canada (expérience) mise sur l’innovation, la

compétitivité est extrême. Projets retenu : La boîte à malle, Burquette (Décrit

en C)

- Le fonds des Médias du Canada (convergence) n’a lui pas de compétitivité.

Seul la conformité du projet importe. Projets : Mixmania 2, JAM, Les

Rescapés, Il Dansent.

Pour Turbulent, ce système de fonds est primordial, sans cela moins d’un

quart des projets seraient porté à l’écran. Bien qu’essentiel, le dépôt pour une

demande de fonds est un travail conséquent qui nécessite une analyse

complète du projet et de son marché. Mais je décrirai plus amplement la

rédaction de dépôt en deuxième partie.

En France aussi, des systèmes d’aides à la création numérique existent.

Le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) offre des fonds

d’aide aux projets pour les nouveaux médias, à la particularité que ceux ci

intègrent à leur démarche artistique et de diffusion, des spécificités de

l’internet et/ou des écrans mobiles. Le CNC a permis d’aider 360 projets en

cinq ans en France, tous incluant la télévision et/ou le cinéma. Les conditions

d’éligibilité reprennent les grandes lignes des fonds Québécois4 : concept

original pour les nouveaux médias, convergence et transmédia, dimension

interactive et / ou participative.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

4!http://www.cnc.fr/web/fr/aide-aux-projets-nouveaux-medias

!

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! 16!

Les aides publiques nationales avec entres autres le SCAM (Brouillon d’un

rêve multimédia) et la fondation d’entreprise France télévisions. Cette

fondation produit et soutien des projets innovants favorisant l’accès à la

culture. Ce type d’aide est une volonté du gouvernement d’aider et de

soutenir l’innovation dans le secteur audiovisuel. 5 Et enfin, les aides

régionales et européennes. Les fonds européens - hormis la volonté de

soutien à la création - sont là pour aider aux liens et à la mise en commun des

compétences entre régions. Les aides plus locales ont elles des

caractéristiques de sélection orientées vers la mise en valeur du patrimoine

ou des compétences de la région du fonds

Pour terminer, les aides via les sites de Crowfunding* (finance participative) et

les aides privées. Des sites comme KissKissBankBank ou Kickstarter

demandent à la personne lambda de participer au financement d’un projet

(don), en échange de contreparties définies. Ces plateformes participatives

ont été lancées, avec l’émergence des réseaux sociaux et de la

consommation collaborative. De nombreux projets de divers horizons ont pu

voir le jour grâce à l’émergence de ces nouveaux moyens de financement,

véritable coup de pouce à l’entreprenariat.

On pourra noter le développement de nombreuses aides privées qui

attribuent des bourses. Parmi celles ci la fondation Jean-Luc Lagardère et la

Bourse Orange s’engagent pour les nouveaux médias.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!5!http://www.mediafrance.eu/IMG/pdf/Guide_des_financements_publics_au_transmedia_Juin_2012.pdf !

Page 16: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 26!

Partie 2 : Mes missions en tant que chargée de

contenu.

A. Contextualisation

Dans cette partie, je mets en parallèle mes missions et un projet en

particulier. Je m'attache aux étapes importantes du projet en ayant une vue

d'ensemble sur :

- les interactions avec les autres personnes de l'agence

- le client

- le public

À l’agence, je suis intégrée à l’équipe de contenu, elle s’occupe, comme son

nom le laisse à entendre, de tout le contenu d’un projet web. L’équipe est

constituée d’une productrice, d’une productrice déléguée, de trois chargées

de contenu et de deux personnes chargées des wireframes. Le poste de

chargée de contenu à productrice déléguée est surtout dût à l’expérience

acquise. Bien que des statuts soient donnés pour définir les postes, les rôles

ne sont pas cloisonnés.

B. Un projet en particulier

Dans cette partie, je vais lier les différentes tâches d'un chargé de contenu

avec un projet sur lequel j'ai eu le plaisir de travailler : WIXX. En effet, j’ai pu

suivre ce projet à ces débuts et donc me familiariser avec les étapes du

processus de contenu.

Concernant les autres types de missions, je décrirai les plus importantes dans

les parties qui leurs sont incombées. En les liant, à chaque fois au projet

travaillé, à mon rôle en tant que chargée de contenu et à l’étape du processus

dans lequel je me trouve.

Page 17: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 27!

Ce projet web est destiné à un public enfant (9-13 ans) est a pour but de faire

sortir les jeunes. Le constat est le suivant : Les jeunes ne savent plus jouer,

bouger, se dépenser seul, en dehors des heures de sport à l’école. De là, naît

une « injonction paradoxale » : Comment arriver à créer un site internet de

qualité avec du contenu, tout en encourageant les jeunes à fermer leur

ordinateur pour aller jouer dehors ?

Les commanditaires du projet bénéficient de financement de la part du

ministère de la santé du Québec ainsi que du travail conjoint d'un centre de

test utilisateur : Yucentrix. Il est à noter que WIXX a déjà un site internet

« évènementiel » créé par une agence de publicité dans le but est d'ancrer

leur image de marque.

Il y a différentes étapes que doit gérer la chargée de contenu sur un projet : la

logistique, la conception, les wireframes, le design, le contenu et la

production. En sachant que le contenu n’est pas à faire sur une période

donnée du projet mais en continu. Elle travaille tout au long du projet à

différentes phases. La phase initiale commence par un brief du projet par le

client.

a. La logistique du projet

Avant de commencer, il est important de mettre à plat tout ce qui concerne la

logistique du projet avec le client.

Le chargé de contenu doit déterminer avec le client quel sera le processus

d’approbation du projet, quels sont les délais requis entre la production, la

diffusion, la conception... Il est important de clarifier ces éléments en début de

projet pour la bonne marche de celui ci. Pour cela, faire un échéancier de

conception qui prévoit des périodes d’approbation pour les wireframes et le

design est primordial. Cet échéancier doit définir une date de livraison BETA

et un livrable final. Le BETA* est le projet qui n’est pas arrivée à sa phase

finale (il y a encore des bugs) mais qui laisse comprendre comment le site va

Page 18: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 28!

fonctionner. Il est important de valider avant, toutes les dates avec le client,

surtout celles qui l’impliquent (approbations, livraisons de logo, de photos

etc.)

Ensuite, le chargé de contenu doit travailler avec un chargé de projet pour la

validation de l’échéancier, des wireframes et du développement tout au long

de la conception. En effet, le chargé de projet est en lien direct avec les

développeurs. Il est donc plus à même de connaitre les limites et possibilités

techniques de chaque demande. Pour les projets convergents (différents

médias pour le même concept, chez Turbulent il s’agit souvent de sites en

lien avec des émissions télé), il est vraiment essentiel de se faire confirmer la

date de diffusion de l’émission. Ce qui équivaut à une réelle dead line de mise

en ligne du projet.

La phase de questions avec le client est fondamentale pour faire avancer le

projet et avoir toutes les clés en main. Ces questions peuvent ne pas sembler

déterminantes, mais pourtant elles ont toutes leurs importances sur la viabilité

du projet. En effet, chaque réponse aura des répercussions sur le

développement et la programmation du site :

- Sur quelle(s) plateforme(s) le projet sera t’il déployé ? Les réponses

amènent à prévoir des délais supplémentaires ou de meilleures qualités de

résolution (Retina*)

- Quels contenus sont, ou seront disponibles ?

- Doit-on utiliser le player vidéo du diffuseur ?

- Le client a t’il des requis en termes de statistiques ? Cela peut par exemple

modifier la composition du site : si le client veut connaitre les statistiques de

chaque vidéo, il faudra donc attribuer une vidéo à une page, et non pas des

vidéos sur une même page. (Essentiel au partage par exemple)

- Que veut on tracker ? Quelle est la cible ?

- Doit on prévoir de la place pour intégrer un header , un footer* ? De la

publicité sur les pages ? Et si oui, de quels types ? (leaderboard : bandeau

publicitaire classique, bigbox : carré de publicité...)

- Si il y a des vidéos, faut il insérer des pré-rolls* ? (affichage du message

publicitaire vidéo pendant quelques secondes avant la visualisation d’une

Page 19: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 29!

vidéo de contenu)

- Est ce qu’il y aura des commanditaires ? (sponsors). Si oui, sur l’ensemble

du site ou sur un contenu précis ? Cela conduira à prévoir un espace pour les

logos de ceux ci.

Ainsi, après cette phase de questions, le projet peut aller vers les étapes de

réflexion et d’ergonomie. Pour le projet WIXX, il a été important de clarifier les

dates de livraison. En effet, le travail de la compagnie de test utilisateur en

dépendait.

Sur le projet WIXX, le client demande une phase de test utilisateur avant le

travail de conception du site, c'est à dire, au moment où les wireframes sont

terminés et que le design est lancé. L'entreprise Yuce6ntrix sur Montréal est

spécialisé dans les tests utilisateur, elle travail de diverses façons selon le

projet. Pour le projet WIXX, elle souhaite faire les tests sur le public cible

(enfants de 9-13 ans) dans leur environnement familier qu’est la maison, avec

une connexion par internet et un double écran. A l'agence nous écrivons une

liste de questions (que ce soit sur l'ergonomie, le contenu ou le graphisme)

puis Yuentrix posera. Le double écran est là très important (écran de l'enfant

connecté en miroir à celui de Yucentrix) car, on peut voir les endroits

« d'attaches », les hésitations. L'environnement familier est lui primordial car

on peut voir l'enfant évoluer dans son véritable élément : chat avec ses amis

en même temps, musique, interaction avec les parents ou d'autres enfants...

b. La veille

Dans le milieu du web toujours en changement, être au courant de ce qui se

passe au niveau des tendances design, du graphisme, de l’ergonomie, des

études utilisateur... est primordial. C’est dans cette optique qu’une de mes

missions “de fond” est la recherche et la veille active sur ces sujets.

Ainsi, comme Turbulent travaille dans le domaine des médias et du web,

l’équipe de contenu est en recherche permanente sur tout ce qui se fait ou qui

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!6!En!annexe,!les!procédures!ainsi!que!les!résultats!de!Yucentrix!

Page 20: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 30!

peut se faire concernant la convergence, le deuxième écran, le transmedia,

crossmedia... Toutes les formes usant du site internet ou de l’application sur

tablette et mobile pour relayer l’information. Les recherches se tournent

essentiellement sur les États Unis, précurseurs dans ce type de technologie.

Ainsi, les grands évènements médiatiques (les oscars, les grammy...) sont

souvent liés à des dispositifs communautaires sur le web.

Avec la plupart des informations en main sur le projet, la phase de benchmark

est essentielle. Cela permet de situer le projet dans son marché, de voir ce

qui se fait chez les concurrents, de trouver de nouvelles idées et surtout de

s’inspirer ! Pour la plupart des projets chez Turbulent, j’étais en charge de

cette étape. Cela me permettait d’avoir une vision complète de l’actualité sur

un sujet, de me tenir informer sur les avancées technologiques et l’UX de site,

de mieux comprendre et connaître la cible et d’avoir plus de matière à

réflexion.

Pour la plupart des sites internet, une demande de fond est déposée (voir

partie plus haut sur les Fonds), et chaque demande nécessite un benchmark.

Cette analyse n’est pas seulement là pour donner de l’inspiration et

comprendre son environnement, elle est présente surtout pour justifier de la

demande de financement. Le benchmark va au delà d’une recherches de

sites inspirants mais se positionne réellement comme un dossier de mise en

contexte du projet proposé dans son marché, dans son rapport aux cibles

(données chiffrées et qualitatives) et dans le système d’offre et de demande.

Les sites mis à jour dans le benchmark se placent en tant que :

- Exemples de réussites > Si ce site fonctionne, la demande est là. Le projet

proposé ne prend pas de risques démesurés. Si les financements sont

accordés, le projet trouvera une demande.

- Contre-exemple > Si le site a un succès mitigé, l’analyse de celui-ci doit

pouvoir faire comprendre pourquoi. Ainsi, en repérant les inconvénients, on

positionne le projet en tant que « projet aguerri ».

Ensuite, chaque projet est noté en fonction des attributs que l’on souhaite

donner à notre projet. Le but étant de trouver divers sites internet réunissant

une ou deux caractéristiques différentes que l’on souhaite donner à notre

Page 21: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 31!

projet. Finalement, le dossier proposé réuni un ensemble d’avantages des

sites trouvés dans le benchmark.

Pour le benchmark de WIXX, je me suis inspirée des concepts clés du site

que nous souhaitions mettre en avant :

- la création d’un compte

- la personnalisation d’avatar

- la simplicité d’un site internet en plusieurs étapes

- le langage enfant-adolescent

- le graphisme stimulant

- le système de points et de badges

- les sites jeunesse 9-13 ans

A partir de ces catégories, j’ai pu mettre en relation divers sites en spécifiant à

chaque fois les avantages, les inconvénients et comment lier le site à notre

projet WIXX. C’est grâce à ces recherches que nous pouvons imaginer de

nouvelles façons de navigation, des techniques de jeu… En effet, le

benchmark sert d’un côté à l’équipe de Turbulent qui s’appuie sur des

données tangibles, prouvées et efficaces (ou pas), et de l’autre au client qui

est rassuré sur les façons de procéder d’un système de gain de points par

exemple (lier à une façon de faire d’un site en particulier), ou de s’inspirer

d’une méthode de navigation qui fonctionne… L’exemple sert et renforce.

(Benchmark de WIXX en annexes.)

c. L'ergonomie (UX Design)

Après cette phase de logistique, le chargé de contenu, en collaboration avec

l'ergonome imagine l'armature du site. Les wireframes (ou maquettes fil de

fer en français) sont des maquettes de site où tous les emplacements de

contenu sont déterminés, les liaisons entre chaque page ainsi que toutes les

actions réalisables. Ils permettent de mettre “à plat” l’arborescence générale

du site. Les wireframes mettent en exergue l’ergonomie et la praticité d’un site

Page 22: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 32!

internet. Le wireframe peut varier énormément. Il peut être statique ou peut

simuler certaines fonctionnalités, ceci aide à visualiser comment certains

éléments du site seront programmés et ainsi tester les fonctionnalités avant la

programmation. L’expérience utilisateur (UX) est mise en avant : Comment

adapter son site pour donner à l’utilisateur la meilleure expérience possible ?

Il faut prévoir les wireframes pour toutes les plateformes requises, penser aux

différentes résolutions possibles (iPad, 13 pouces...) et vérifier la compatibilité

- sur iPad par exemple (pas de flash*, éviter les mouse-over*...). Si la

disposition change selon les résolutions, prévoir comment y remédier (le

responsive design* peut alors être une solution). Mais avant tout, l’équipe

technique doit valider les wireframes avant l’exposé au client.

Au cours de mon stage, j'ai pu voir deux aspects dans le travail d'ergonomie :

La vision du chargé de contenu et la praticité de l'ergonome. Ainsi, j'ai pu me

rendre compte que cette étape est primordiale dans la compréhension

générale d'un site. Pour cela, il est important de toujours contextualiser :

- A qui s'adresse le site internet ? (Enfant, adulte aguerri, grand public...)

- Quels sont les objectifs du site ? (Événementiel, informatif, source de

contenu, amusement, pédagogie...)

- Quels sont les ressources disponibles ? (Financières, technologie, contenu,

navigation...)

Toutes ces questions sont à se poser pour bâtir une première maquette du

site internet.

Pour le projet WIXX, cette étape a demandé plus de temps que prévu, en

effet, le double objectif ainsi que la densité de contenu nous ont demandé

beaucoup de réflexion.

Les grandes problématiques étant :

- Comment faire bouger l'utilisateur dehors grâce à un contenu online ?

Les éléments de réponse ont été orientés vers la praticité et la clarté du site

dans son ensemble. Il faut que les objectifs du site soient compréhensibles

rapidement par un enfant.

Page 23: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 33!

- Comment le faire revenir sur le site ?

Pour répondre à cet objectif de fidélisation, nous avons créé un système de

récompenses sous la forme de badges (virtuels et réels) et de points. Ainsi,

les missions effectuées rapportent à l'enfant des points et des badges. Les

missions proposées par WIXX sont de deux sortes :

- Les missions de terrain (évènementiel), organisées par WIXX ou des

parents. Ces missions rapportent des badges (appelés macarons au Québec)

qui, grâce à un code, se transforment sur le web en badge virtuel.

- Les missions à la maison (à faire chez soi grâce aux fiches activités). Une

fois l'activité réalisée, l'enfant télécharge une preuve (vidéo, photo ou dessin)

et après modération, se voit offrir des points. Trois activités réalisées

permettent d'obtenir un badge.

Nous avons suivi la logique des tiny steps / « petits pas » du Docteur Foag. Il

étudie le design de persuasion, c'est-à-dire comment arriver à créer de

nouvelles habitudes, comment changer progressivement le comportement.

Pour lui, la notion d'étapes est primordiale dans le suivi d'une habitude :

commencer progressivement et ajouter des étapes.

Dans cette optique, nous avons créé différents badges à gagner, des points à

capitaliser sur le long terme et cela, sans limite dans le temps. L'enfant doit

toujours avoir un feedback sur ses expériences, et c'est en voyant sa courbe

de progression qu'il se verra encourager. Voilà les questions importantes que

nous nous sommes posées au fur et à mesure du projet :

- Comment créer un sentiment d'appartenance à la communauté WIXX ?

Le projet WIXX va au-delà d'un site pour bouger : il s'agit d'une véritable

communauté organisant des activités dehors et proposant des jeux pour jouer

chez soi. Ainsi, si l'enfant s'inscrit sur le site c'est pour « devenir WIXX ». Sur

le site, c'est le travail de contenu qui est le plus important pour donner ce

sentiment.

- Comment créer de nouvelles habitudes (la pratique sportive) sur le long

terme ?

Page 24: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 34!

Comme vu précédemment, c'est par les petites étapes cumulées que l'enfant

va se créer de nouvelles habitudes. Au début, pour lui donner l'envie de

pratiquer, le côté ludique, fun et l'image de marque de WIXX vont être mis en

avant. Pour le site internet, l'ergonomie et le graphisme vont alors être

essentiels.

La phase d’UX* s’est déroulée sur presque un mois. A la fin de cette période,

les wireframes ont été testés par des enfants (cf étape 1). Avant de passer

aux étapes impliquant le chargé de contenu dans la création et la réalisation

d’un site web, il est primordial de mettre en contexte la notion de stratégie de

contenu dans le domaine du web aujourd’hui.

L’autre aspect est celui plus opérationnel de l’ergonome : l’apprentissage et la

création de wireframe via le logiciel Axure. Ainsi que la conception d’un GDD

(Game Design Document), sorte de document de mode d’emploi du jeu. Ce

document est destiné principalement aux développeurs, qui s’en servent

comme document de travail dans la création du jeu. J’ai pu créer avec un

ergonome, le GDD d’un jeu sur une émission télé « Le Choc des

Générations ». Turbulent a créer pour ce programme de divertissement un

site internet avec un jeu simple. Le but de ce document est d’expliquer de

façon concise les calculs de jeu nécessaires à son fonctionnement ainsi que

tous les stades du jeu. En annexe, le GDD du choc des générations.

d. La stratégie de contenu

Le contenu d’un site internet a, pour l’agence Turbulent, autant d’importance

que son aspect technologique ou son ergonomie. La résultante d’une

stratégie de contenu est de se faire comprendre par l’utilisateur et d’atteindre

des buts donnés (marketing, éducatif...) via une utilisation appropriée de mots

et de données.

Page 25: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 35!

Cette partie n’est pas appliquée à un moment particulier du projet web mais

est comme un fil rouge. À partir des wireframes finaux, le chargé de contenu

doit faire un plan de contenu. Ensuite, il doit s’entendre avec le client sur la

production et la livraison des contenus en fonction des échéanciers.

L’importance du chargé de contenu se concentre sur la bonne transmission

des informations selon les échéances prévues. Ainsi, dès que possible, le

client doit connaître la taille des photos à fournir, le nombre de caractères

pour les textes, etc

Aux USA et au Canada, la stratégie de contenu est bien développée. Kristina

Halvorson, auteur de “Content strategy for the web” définit la stratégie comme

“le fait de planifier la création de contenu, les livrables et leur gouvernance

avec comme objectif de livrer à l’utilisateur du contenu utile, utilisable, et

pertinent”. Ce à quoi elle ajoute : “Il revient au stratège de contenu de définir

quel contenu doit être publié et pourquoi il doit l’être”. C'est dans cette optique

que chaque mot est soigneusement choisi. Pour le projet WIXX, la plus

grosse partie de la création de contenu s'effectue en même temps que les

wireframes, car c'est en mettant des mots concis sur des éléments que le

client ainsi que les enfants du test vont réellement comprendre le mécanisme

du site. Grâce à cette phase de test, le contenu pourra être réadapté par la

suite.

À partir du design final, le chargé de contenu devra rédiger un document

comportant l’intégralité des contenus du site internet (le copydeck). Le

copydeck doit vraiment intégrer tous le contenu du site : messages d’erreur,

texte de partage, titre de courriel, confirmation d'envoi etc. En effet, c’est

grâce à ce document que l’équipe de développeurs va créer l’armature du

site.

Pour le projet WIXX, le choix des mots est capital étant donné l’objectif

de compréhension rapide du site. L’enjeu est de trouver le ton juste qui

rassemble le langage « jeune mais pas ringard », celui plus formel pour les

parents et celui dynamique et entraînant. Nous avons passé de nombreuses

heures de brainstorming pour trouver le ton approprié au projet. (cf

wireframes dans les annexes)

Page 26: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 36!

e. Design

Dès le début du design, il faut prévoir des réunions d’approbation avec le

client. C’est le rôle du chargé de contenu de faire un tableau récapitulatif de

toutes les pages du site (wireframes et page photoshop). Ce tableau sera mis

à jour au fil du projet. La partie design doit envelopper toutes les parties du

site internet (la page 404*, la page crédits, les messages d’erreurs, les

formulaires, les changements d’états : états rollovers* et sélectionnés...)

Le design est vraiment la partie visible du site internet et chaque designer

graphique est sélectionné avec attention en fonction des projets. Chez

Turbulent, il n’y a pas de graphiste intégré à l’entreprise. Cette volonté de ne

pas travailler avec une seule personne s’explique par la polyvalence des

projets et l’envie de renouvellement des idées. D’ailleurs, le graphisme n’a

pas la même importance selon les sites : discret pour des sites à contenu très

important (site de presse par exemple), entraînant pour les sites jeunesse,

thématique pour les sites d’émissions télévisuelles…

Ainsi pour le projet WIXX, Turbulent a fait appel à un graphiste spécialisé en

jeunesse et avec de l’expérience. Un autre atout de ce graphiste est qu’il

travaille souvent en collaboration avec l’ergonome de WIXX. La

compréhension n’en sera que plus facile. Comme pour les wireframes, les

graphismes (deux choix) vont être testés par les enfants. La difficulté de ce

projet réside dans l’adaptation graphique à toutes les plateformes (responsive

web design*). Ce choix technologique a une incidence sur la création

graphique : il laisse moins de liberté et d’originalité au graphiste.

Page 27: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 37!

f. Production

La dernière étape est la production par l’équipe technique du site. À ce stade,

le chargé de contenu doit valider toute demande auprès du chargé de projet

avant d’en avertir le client. C’est la période où le chargé de contenu doit

suivre le projet pour connaitre les dates de QA* (Assurance Qualité).

À divers stade de la production du site, l’équipe de QA vérifie toutes les

fonctionnalités du site. En général, un projet doit passer par plusieurs tests de

QA afin de valider sa “sortie officielle”. Mais cette phase est bien plus qu’une

vérification, elle permet de diminuer le processus d’erreur, de maximiser la

navigation et l’expérience utilisateur. De plus, le QA explore tous les scénarii

utilisateurs, ce qui leur permet de mieux comprendre les schémas de pensée

et donc d’influer sur la phase de développement.

Pour le projet WIXX, cette phase n’est pas encore arrivée.

g. Entrée de contenu

L’entrée de contenu est une des missions du chargé de contenu. Ne l’ayant

pas fait pour WIXX, je vais en faire la description via un autre projet « L’œil du

dragon ». Ce projet combine un site convergent (dont un jeu) et une

application mobile (avec ce même jeu). L’émission se déroule chaque lundi

pendant 10 semaines, et propose un jeu en direct. Ma mission pour ce projet

était d’entrer le contenu du site internet et du jeu. Concernant la partie du site,

l’entrée se faisait de manière rapide et simple : copier du texte venant des

diffuseurs dans les endroits appropriés, insérer des liens, des images et des

vidéos. Turbulent créé pour chaque site le CMS* (Content Management

System), le « tableau de bord du site » permettant d’insérer et de gérer son

contenu. L’œil du dragon étant un site conséquent, cette partie m’a pris du

temps. Le contenu est la partie visible et lisible par l’internaute, son entrée

doit se faire de manière rigoureuse, sans oublis, ni fautes et de façon

homogène.

Page 28: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 38!

J’ai du effectuer la même tâche pour le jeu en direct. Cette partie incluait les

mêmes actions que celles du site, avec en plus la vérification. En effet, le jeu

se joue en direct, il est donc essentiel de vérifier avant les exactitudes des

données. Pour cela, j’utilise la version BETA* du site qui n’est pas visible par

le public pour faire mes tests. Et en plus, je copie le contenu dans la version

« Online » qui sera la version définitive. Nous recevons la vidéo de l’émission

du lundi quelques jours avant, ce qui nous permet de faire toutes les

vérifications de direct (Le jeu est synchronisé via le son de l’émission). Vidéo

de l’émission en lecture et iPad en main pour jouer, je peux effectuer via la

time machine, les tests au complet, avant que l’utilisateur le fasse en direct.

Cette phase demande de la concentration et surtout du temps, le temps

nécessaire à faire toutes les vérifications avant le direct. En effet, les

interactions sur twitter ne sont pas forcément toutes dirigées vers l’émission

en elle même, l’agence a les retours en direct via les réseaux sociaux si

l’application ne fonctionne pas à la perfection !

Un autre projet sur lequel j’ai eu le loisir de travailler pour entrer du contenu

est « Sur les traces de Naïm Kattan ». Ce site internet en flash* a été conçu

comme une exploration de l’univers dédiée au poète et écrivain. Pour ce

projet, j’ai du insérer du contenu non pas dans un CMS, mais dans le code

directement. Pour cela, j’ai du comprendre les principes du langage du XML.

Il s’agit de langage similaire au HTML avec l’ajout de nos propres balises.

Cette tâche m’a demandé de nouvelles connaissances car je n’en avais

aucune sur ce type de langage. Grâce à cette mission intéressante j’ai pu voir

la vision d’un développeur flash dans le processus de projet ainsi que ses

rapports avec l’équipe de contenu et de projet.

h. Mise en ligne

L’étape de mise en ligne annonce pour certains projets, leurs fins au sein de

l’agence de Turbulent. WIXX en est un exemple, hormis quelques

modifications et entrée de contenu annuellement. Pour les sites internet

relatifs aux émissions télé, la mise en ligne est loin d’être la dernière phase du

projet. Car comme vu précédemment, l’entrée de contenu ainsi que les

Page 29: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 39!

ajustements des développeurs se fait continuellement jusqu’à la fin de

l’émission.

Voilà dans ses grandes phases, la vie d’un projet au sein de Turbulent ainsi

que mes missions pendant ces quelques mois. Les descriptions ont été faites

sous l’œil du chargé de contenu, et cette même vie de projet ne serait pas la

même pour un développeur ou un chef de projet. Ma formation m’a vraiment

soutenu pour l’étape de conceptualisation ainsi que celle sur l’entrée de

contenu. Pouvoir structurer un texte, argumenter dans mes idées et

conceptualiser un projet, sont aussi des exercices que m’ont appris mes

cours à l’université. Bien sûre, le cours de web m’a permis de comprendre au

sein du stage, les bases du langage html ainsi que les grandes lignes de la

création de site internet.

N’étant pas exactement dans un domaine relatif à la communication des

organisations, ma formation m’a donnée des outils qu’une formation web

n’aurait pu le faire. En effet, la rédaction et la structuration d’un texte, apprises

en cours m’ont réellement aidé pour le développement de projet. La

recherche et

Page 30: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 40!

Partie 3 : La gamification dans les projets web

innovants.

Au fur et à mesure de mes recherches, j’ai pu me rendre compte que, outre le

changement dans les comportements des individus devant leur télévision

ainsi que le déplacement de l’attention et des envies des consommateurs au

niveau du divertissement culturel ; c’est le jeu et ses techniques qui prennent

le plus d’ampleur. La ludification dans les projets web culturels et divertissants

devient une réelle initiative pour engager l’utilisateur et appréhender le

contenu.

Le jeu au cœur des processus d’engagement, de mémorisation et de

compréhension. Dans quelles mesures l'aspect ludique compte dans la

logique d'appréhension de projets culturels web ?

A. L'évolution des productions culturelles

Comme vu précédemment, la culture au sens large se renouvelle et ses

moyens de diffusion et de production aussi. Le public en est plus demandeur,

les financeurs aussi et les moyens technologiques se multiplient. Dans cette

partie, comme dans le reste de ce mémoire, la culture est vue au sens large,

c’est à dire relevant plus de l’industrie culturelle au sens économique, de la

culture populaire au vrai sens du terme, que de la culture plus « réservée ».

a. Historique de la télévision des années 1950 à nos jours…

« Nous vivons les dernières heures de la télévision traditionnelle ».

Jean Louis Missika7

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!7!Jean-Louis Missika, sociologue, auteur de La fin de la télévision,!

Page 31: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 41!

La télévision est dans ce sens un bel exemple de la culture publique,

accessible et souvent aussi, divertissante. En France comme en Amérique du

Nord, la télévision a longtemps été le média préféré des foyers.

Historiquement, c’est dans les années cinquante que la télévision prend de

l’ampleur. Le nombre de téléviseurs passe de 59 971 à 125 088 en l’espace

d’un an. La télévision devient alors rapidement le reflet de la société et de ses

évolutions. Devenu familier à une majorité de personne et de famille, le petit

écran ne cesse de connaître des bouleversements et des analyses. Les

premières études d’audience ont commencé dès les années cinquante, ce qui

a permis d’affiner de suite l’offre des producteurs, des programmateurs et la

demande des téléspectateurs. L’entreprise Médiamétrie met en place en 1985

un système de mesure d’audience par la création de son propre audimat

(auparavant il s’agissait de questionnaires). Fin 2012 en France, environ 5000

foyers composaient le panel de mesure de l’audience de Médiamétrie. Ces

études permettent aujourd’hui de se rendre compte des changements

d’habitudes des consommateurs.

En effet, les français passaient en 2011 plus de deux par jour devant leur

poste (même constat depuis 1999).8 L’évolution se situe au niveau des plus

jeunes (15-24 ans), leur temps passé devant la télévision est moindre

comparé à celui passé devant l’ordinateur. Une tendance qui se confirme : 7

personnes sur 10 font usage presque quotidiennement d’internet en France

en 2010. La progression la plus spectaculaire est le temps passé sur le

mobile, et notamment sur l’internet mobile.

Aux Etats-Unis, même constat : le numérique détrône la télévision cette

année. Les plus jeunes passent plus de temps en ligne (5h09) que devant

leur poste (4h31), soit une augmentation de 15,8 % par rapport à 2012.

L’évolution continue avec les appareils mobiles (tablette, smartphone et

téléphone portable) qui sont plus utilisés pour surfer sur le net que les

ordinateurs. Des changements fondamentaux se font donc ressentir dans les

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!8!Consommation!et!équipements!des!ménages,!Vincent!Gombault,!division!Conditions!de!vie!des!ménages,!Insee!

Page 32: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 42!

comportements des utilisateurs ces dernières années, ce qui influe sur la

consommation et l’offre du marché. D’un côté, la consommation concernant le

déclin du marché des PC et l’augmentation des ventes de tablettes

numériques et de Smartphones. Derniers chiffres significatifs pour

comprendre l’ampleur de la mobilité : Cette année, environ 40 % des

Américains possèdent une tablette, près de 30 % de plus qu’en 20119. Et de

l’autre, l’offre de marché se spécialise avec des investissements nouveaux

dans le secteur mobile : jeu, marque, publicité, vidéo… Le mobile devient

aussi un enjeu important, voir plus que l’internet sur ordinateur.

b. L’avènement du numérique

Selon un article des Echos, la tendance lourde - due à l’explosion du mobile -

est le « multitasking » : le fait de se servir, de visionner plusieurs supports en

même temps. Ainsi, tweeter sur son smartphone en regardant une émission

télévisée devient fait courant.

La télévision a bien compris les enjeux de ces nouvelles formes de

consommation, et se renouvelle pour ne pas se laisser dépasser. Ainsi, la

télévision devient plus sociale, plus connectée, plus dans son temps. La

« télévision sociale » voit ses débuts en 2010, au moment où les débats, les

avis, les blagues et autres s’échangent sur twitter au sujet d’émission en

cours. L’instantanéité devient le nouvel eldorado du monde connecté : le

hashtag est partout, et rare est l’émission télé qui ne le communique pas.

Dorénavant on interagit, on donne son avis grâce à ce fameux sigle pour plus

d’interactivité. TF1 l’a bien compris et essai d’organiser ses échanges sociaux

grâce à son application MyTF1 qui a aujourd’hui 18 millions de fans et 13

millions de tweets (l’année dernière). En 2013, d’après une étude du CSA-

NPA Conseil, 76% des français utilisent un second écran en regardant la

télévision, la plupart pour partager et échanger sur les réseaux sociaux.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!9!Article,!Aux+Etats2Unis,+la+télévision+dépassée+par+les+supports+numériques,!V.Ca,!Les!Echos,!13!aout!2013!

Page 33: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 43!

D’après « 2013 : les tendances du numérique » par 33 Digital et Hotwire, les

trois tendances en télévision sont :

- Le super événement.

C’est à dire le fait d’actualité immanquable, celui qui se disperse et se partage

à une vitesse effarante et entraine avec lui une explosion médiatique. Cette

tendance à l’évènementielle est surtout entraînée par une communauté qui

partage, qui admire, qui aime ou déteste. L’utilisateur ressent, commente et

partage.

- Immersion et interactivité.

Créer un univers interactif autour d’une émission télé est une des nouvelles

tendances de cette année. L’émission ne peut plus se contenter de présenter

du contenu « platement », mais peut aller plus loin dans l’expérience. Ainsi,

des microsites, des jeux sur internet ou sur mobile, des applications etc. sont

mis en place pour donner une cohérence globale à l’émission. Par exemple,

lors de mon stage, l’agence Turbulent a développé des outils

complémentaires à une l’émission télévisée « L’œil du dragon ». Le principe

de cette émission diffusée en prime-time sur Radio Canada, est de présenter

son projet d’entreprise à une équipe de cinq personnes (les dragons). Ce jury

décide si il souhaite investir ou non dans la création d’entreprise du candidat.

Pour compléter cette diffusion, un site internet et une application mobile ont

été créés. Le site internet recense les informations propres à l’émission, des

conseils de création d’entreprises, les vidéos des anciens épisodes, les

présentations détaillées des candidats, la progression des scores, le flot des

réseaux sociaux et des vidéos bonus. Pour plus de divertissement et de

fidélité, un jeu en direct a été produit. Ce jeu est disponible en ligne sur écran

d’ordinateur et en application sur smartphone et tablette numérique. Le but

est de deviner les mises des dragons, de gérer son portefeuille et d’avoir le

portefeuille le plus garni à la fin des 10 épisodes pour gagner un prix, qui lui,

sera réel. Les médias sociaux sont intégrés au jeu, disponible à chaque

Page 34: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 44!

pause publicitaire et en partage après le jeu. Le jeu est en direct, il est

connecté par ondes intrasonic au poste de télévision. En encourageant les

téléspectateurs à jouer et à communiquer sur les réseaux sociaux, l’émission

a gagné la fidélité et l’intérêt de certains. En effet, le téléspectateur a aussi

son rôle a jouer dans l’émission, il n’est plus seul, peut partager ses émotions

avec ses pairs, comparer son score et vivre d’autres émotions que le seul

visionnement d’une émission sur écran. Cette approche offre un nouveau

point d’attache à l’utilisateur.

Mais L’événement social par excellence reste le SuperBowl aux USA, avec

en 2012 plus de 30 millions d’interactions (twitter, facebook et getglue). En

France, la première place est détenue avec « The Voice » et ses 300 000

tweets.

- La fin de l’anonymat.

L’enquête met en lumière le fait que l’utilisateur aime se voir comme étant une

« personne à part entière », et non un numéro intégré à une masse de

consommateur. Les publicités géolocalisées ou en fonction de nos

recherches précédentes nous « étonnent » toujours dans leur justesse et leur

précision. L’utilisateur, même si il est « tracké » sur internet se sent plus pris

en main et reconnu que lorsqu’il a son rôle de spectateur devant la télévision.

La télévision est donc en ce moment en pleines mutations et cela, grâce aux

évolutions des comportements des consommateurs, à la tendance à être ultra

connecté et de tout partager et à la volonté d’être reconnu en tant que

personne unique.

De ce constat, naissent de nouvelles formes autour de la télévision. Les outils

et les supports se mélangent pour servir l’utilisateur. On entend de plus en

plus parler de deuxième écran, de webdocumentaire, de télévision

connectée… Les émissions se complètent, se créées en ligne ou sur mobile.

Avoir une application mobile ou un site mobile a aussi de nombreux

avantages pour les diffuseurs et la publicité. Le marché de la publicité devient

Page 35: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 45!

de plus en plus important sur mobile car il contourne la réglementation en

vigueur à la télévision (Pas de publicité après 20h pour les chaînes du service

public et moins de 14 minutes de publicité par heure pour les chaînes privées.

Les diffuseurs valorisent les relais d’information de la publicité. L’utilisateur

sur les réseaux sociaux qui aime une émission, une vidéo ou une citation

devient un réel ambassadeur, un influenceur auprès de ses pairs. Sorte de

bouche à oreille digitale, les producteurs commencent à organiser leurs grilles

de programme en fonction des tweets et des interactions.

c. Le deuxième écran, plus affectif

Le second écran ou 2nd screen, qu’est ce que c’est ? Pour résumer, le second

écran correspond au deuxième écran que l’on utilise en plus de regarder la

télévision : Ecran d’ordinateur, de smartphone ou de tablette. Après les

constats sur les habitudes des consommateurs vue plus haut, les diffuseurs

s’implantent doucement vers ce marché du deuxième écran. France 5, a

lancé il y a quelques mois son application complémentaire à l’émission « C à

vous ». Synchronisé par le son de la télévision, cette application permettra

aux utilisateurs de naviguer dans l’appartement décor de l’émission. Ainsi,

chaque pièce aura son lot de contenu et de liens marchands : commander

des aliments de la recette du jour dans la salle cuisine, écouter ou acheter de

la musique dans la salle à manger via Deezer ou La Fnac… Et enfin, le petit

plus social : les spectateurs pourront interagir avec les internautes sur Twitter

et Facebook. Cette idée géniale permet à l’utilisateur d’avoir une vision

complète de son émission de télévision, et permet surtout aux marques de

faire leur publicité et d’augmenter leurs ventes.

Page 36: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 46!

B. La gamification sur internet aujourd'hui : une mode ?

a. La culture au sens large pour les publics : de l’Entertainment à la

réflexion.

Après avoir vu les évolutions de la télévision et des habitudes de vie des

consommateurs, la diffusion de la culture tv ne peut faire qu’évoluer.

L’industrie culturelle tv fait partie de la « culture du flot »10 , c’est à dire la

télévision fournit un ensemble continu de contenu, sans interruption, avec des

programmes et des émissions qui se succèdent. Pour comprendre les

évolutions, une brève remontée dans le temps est nécessaire… Dans les

années 1950, la télévision se veut évènementielle et de qualité. Les premiers

feuilletons, la retransmission d’évènements, les émissions cultes naissent en

même temps que les publicités. Des publicités qui n’ont rien à voir avec ce

que nous connaissons, on vante le produit générique plutôt que la marque11

et on annonce les évènements culturels de la capitale. Avec les années 1960,

les émissions de variétés éclosent. Les nombres de téléviseurs augmentent

en flèche durant la décennie 70, la publicité se rapproche de celle que nous

connaissons, les émissions de vulgarisation aussi et le direct arrive. Les vingt

années suivantes servent l’avancée technique avec l’enregistrement via le

magnétoscope et la qualité du son. C’est dans les années 2000 qu’internet et

télévision se rencontrent : France 5 diffuse quelques programmes sur son site

internet. Puis les liens entre télévision et internet n’ont cessées de se mêler

pour aujourd’hui redéfinir de nouvelles stratégies de communication.

Les programmes télévisés ne peuvent plus se contenter de dérouler un

contenu linéaire. Les orientations peuvent être du transmedia storytelling, de

l’interaction social, de la convergence etc.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!10!La!télévision!comme!industrie!culturelle,!Paul!Beaud,!Patrice!Flichy!et!Monique!Sauvage,!1984,!!11!Vidéo : http://www.ina.fr/video/PUB3212131057!

Page 37: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 47!

b. Des projets convergents

A l’agence Turbulent, la plupart des sites internet relevaient de la

convergence. Par exemple, le site internet en lien avec l’émission « Toute la

vérité » sur Radio Canada bénéficie d’un jeu en ligne. L’objectif de ce jeu

appelé « Faites vos preuves » est de se mettre à la place d’un enquêteur, de

faire une enquête et d’incriminer ou non le suspect. L’utilisateur a ensuite une

option de partage facebook ou Twitter. Cet outil de jeu, outre le

divertissement qu’il propose, permet aux utilisateurs de s’engager dans

l’univers de l’émission et de comprendre les mécanismes judiciaires qu’il

regarde à la télévision. Divertissement, apprentissage, compréhension et

partage sont les maîtres mots de ce jeu. Le site internet de l’émission tv

« L’œil du dragon » et son jeu sur supports mobiles sont dans la même veine

que le précédent projet, le direct en plus. Déjà décrit plus haut, ce jeu a

bénéficié (comme les autres) d’un GDD* (Game Design Document), sorte de

« document de méthodes de jeu » qui permet d’asseoir les concepts, les

stratégies, les étapes et toutes les possibilités de jeu. Cette application de jeu

a connu un réel succès car l’utilisateur avait sa place au sein de l’émission. Il

pouvait commenter via les réseaux sociaux, retrouver le flot d’interactions sur

l’application, miser comme un jury et surtout suivre l’une après l’autre

chacune des 10 émissions. L’engagement était de taille car la participation

pour gagner un lot se faisait sur les dix semaines d’émission.

Le point commun entre ces projets de jeu liés aux émissions tv est le passage

du divertissement télévisuel à la réflexion liée au jeu. Le propre du jeu est de

conceptualiser : Conceptualiser le monde, conceptualiser un schéma virtuel

de pensée, conceptualiser la spatialité…

c. La gamification en quelques mots

La gamification ou ludification est un terme de plus en plus utilisé. La création

de jeux sur internet, les bonifications d’un site marchand, les récompenses

sur les réseaux sociaux et autres, fait de ce concept un nouvel investissement

Page 38: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 48!

innovant. Mais bien qu’on en entende beaucoup parler en ce moment, le jeu

et le ludique sont bien présents dans nos vies depuis la nuit des temps. Les

plus anciennes traces du jeu remonte à l’antiquité et fut alors une technique

détournée pour sauver le peuple Lydien de la famine : jouer pour ne plus

penser. Chez l’enfant le jeu demeure le premier moyen d’appréhender la

réalité mais aussi l’outil pour construire sa pensée et développer son

imagination et sa créativité. Depuis, le jeu est utilisé pour ses finalités de

divertissement et de motivation dans de nombreux secteurs de la vie

quotidienne. Les programmes de fidélité des compagnies aériennes dans les

années 80 utilisent pour la première fois le concept de gamification. Quelques

décennies plus tard, les réseaux sociaux entrent en scène et avec eux,

quantité de jeux simples et addictifs (Farmville, Cityville, Monster World,

Candy Crush etc.). Actuellement, le jeu a envahi nos vies réelles et virtuelles

de plusieurs façons pour des objectifs aussi différents que le nombre de

cases du Monopoly.

La gamification est en quelques mots une adaptation de processus de jeu à

des contenus web. C’est à dire, insérer une dimension ludique aux sites

quelque soit son contenu. La raison première de l’arrivée sur le marché de

cette nouvelle technique est due principalement à la démocratisation des jeux

vidéos. Auparavant, surtout réservés aux gamers, les jeux vidéo font partie

intégrante du quotidien des français. Un article du Monde12 en juillet 2013

nous apprend que les français jouent 12h par semaine à des jeux vidéo sur

mobile (50% d’augmentation en un an), tandis que la consommation de jeux

sur PC et consoles reste stable. Ainsi, le jeu vidéo a dépassé la musique et le

cinéma en France (les plus importantes consommations culturelles).

La montée des jeux sur internet va de pair avec différents changements et

critères dans la vie des utilisateurs. Tout d’abord, la publicité sur internet :

grand fléau pour la plupart des internautes. Les bannières, les vidéos

publicitaires et autres interstitiels se succèdent, et créent ainsi un sentiment

d’intrusion et de lassitude de la part des usagers. 83 % des français trouvent

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!12!Les+Français+consacrent+12+heures+12+par+semaine+aux+jeux+vidéo+sur+mobile,!Le!Monde!avec!AFP,!17!juillet!2013!

Page 39: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 49!

que la publicité dérange la navigation. 13 De ce constat, sont nés

les advergames ou jeux publicitaires. Il s’agit de jeux vantant les mérites

d’une marque ou d’un produit, facile d’utilisation et de compréhension. La

publicité est toujours présente mais choisie et sous forme différente.

L’exemple le plus réussi est le jeu de la marque Nike avec son bracelet

FuelBand14. Destiné à tous, ce jeu intègre la technologie du bracelet (GPS,

nombre de mouvements, calories etc.), un site de tableau de bord avec vue

des évolutions ainsi qu’une partie plus sociale où l’utilisateur peut se

comparer à ses amis.

d. L’engagement et la fidélisation

Pour Gabe Zichermann, expert en gamification et président du Gsummit « La

gamification est une technique marketing qui exploite les mécaniques et les

processus cognitifs du jeu pour engager les utilisateurs ». Cette phrase

résume à elle seule les différents objectifs que peut avoir la technique de jeu.

L’aspect marketing des advergames versus la « gamification de contenu ».

D’un côté, se servir des avantages du jeu pour engager le consommateur

dans un univers de marque sans qu’il ne s’en rende compte, ou dans le but

qu’il oublie la marque pour ne voir que le côté attractif du jeu. Sorte de

manipulation marketing qui permet aux publicités de se détourner des

réglementations ou de trouver de nouvelles méthodes d’engagement. Il s’agit

souvent de pointification* et de bonification*, de progression par niveaux, de

classements… Dans ce cas plus marketing, l’armature de jeu est souvent

conçu « par dessus » le contenu. C’est à dire, la création du contenu et du

concept général se fait avant que naissent les premiers scénarii de jeu. D’un

autre côté, le jeu est au cœur du processus de contenu. C’est par le jeu que

sont insérés les divers éléments de contenu, la trame du projet.

Les deux façons de penser le jeu sont complètement différentes et les

expériences aussi. Dans l’optique du réel jeu immersif, l’expérience est plus

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!13!digiworks.fr!14!Voir!le!benchmark!de!WIXX!en!annexe!

Page 40: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 50!

intense au sens général : l’utilisateur découvre, cherche, apprend etc. Il est

moins guidé que dans la première approche. L’expérience utilisateur n’est

simplement pas la même, l’engagement et la mémorisation aussi.

L’exemple français de Plus Belle La Vie.

Contexte : Lors d’un épisode, les téléspectateurs découvrent des caméras de

surveillance dans le quartier de la série. Un personnage central : Ninon,

journaliste décide de créer un blog pour en parler dans le but de les faire

disparaître.

La série a créée un ARG* (Alternate Reality Game), avec comme point

d’entrée* ce fameux blog. Les indices relevés dans la série se retrouvent sur

le blog, et les aides pour résoudre les énigmes affluent de tous côtés.

L’instant culminant de cette expérience transmedia est le moment où les

caméras de surveillance sont détruites sous l’œil des internautes. Ainsi, une

action virtuelle en entraîne une autre dans le scénario de la série. Grâce aux

internautes qui ont réussi à résoudre l’énigme, le scénario de Plus Belle La

Vie a pu être modifié. Le spectateur de la série devient acteur, il a sa place

dans le déroulement de sa série préférée et son engagement et sa fidélité

redouble d’intensité.

Grâce à cet exemple, on a pu mettre en exergue la notion d’engagement. Ce

concept clé du jeu ne peut naître que d’une interaction. Un acte ou un fait

peut avoir des répercussions sur le comportement et l’attitude d’une

personne. C’est à ce sens que la notion d’engagement renvoie. A une prise

de décision par rapport à un acte donné lors d‘une situation. Il est essentiel de

comprendre que ce n’est pas l’individu qui s’engage par son attitude ou sans

stimulus extérieur, mais bien par la situation qu’il vit. Le jeu est un exemple

Page 41: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 51!

parfait de la notion de stimuli et réponse par l’engagement, qui provoque un

changement chez l’individu. Par le jeu on ne demande pas à l’individu de

changer son comportement, mais on essaie d’influencer son attitude pour

modifier par la suite son comportement, une sorte de manipulation

persuasive.

Pour la série Plus Belle La Vie, l’engagement nait au moment où l’utilisateur

se prend au jeu de résoudre l’enquête. Il va alors tenter de trouver des indices

sur internet, chercher, imaginer… Ce qu’il n’aurait pas fait en tant que simple

spectateur de la série.

L’exemple d’un projet de ludification de contenu par Turbulent.

« Sur les traces du photographe inconnu ». Cette application (uniquement sur

iPad) se découvre comme une expérience par l’utilisateur. Une vieille boîte en

fer a été retrouvée dans un grenier au Québec, celle ci recèle d’ancienne

photo de la première guerre mondiale. Mais qui a pris ces photos ? C’est avec

cette question en tête que l’utilisateur entre dans l’application et découvre les

photographies d’époques en faisant son propre chemin, sa propre

expérience. Pour cela, pas de points, ni de badges, mais une découverte à

son rythme et grâce aux fonctionnalités de l’iPad. En effet, il faut secouer,

gratter, souffler…sur l’écran pour aller plus loin. On ne pourrait pas parler d’un

jeu, mais plus d’une expérience utilisateur reposant sur le ludique et la

découverte. Ce projet a sa place dans cette partie car il engage l’utilisateur

plus qu’un autre site linéaire.

Un autre exemple, avec le jeu Wonder

Fnac proposé par la Fnac via

Facebook. Ce jeu simple et ludique

demande à l’utilisateur de trouver des

objets dans un décor, dans un temps

imparti. Le but du jeu : trouver le

maximum d’objets pour gagner des

prix. Les objectifs de la Fnac sont de

Page 42: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 52!

redynamiser sa communication et son branding.

Cet exemple, qui se situe dans la catégorie des jeux publicitaires, a sans

conteste, un lien fort avec la gamification. En effet, il utilise les techniques du

jeu pour engager l’utilisateur. Les résultats ne sont cependant pas les mêmes

sur le long terme. En effet, la différence réside dans la fidélité. Donc, ce type

de procédé voit ses objectifs se réaliser (publicité, image de marque, intérêt,

engagement…) mais le jeu marketing a aussi ses limites. Dans ce jeu, les

utilisateurs sont fidèles, mais pour un temps seulement. En effet, ce dispositif

de jeu n’étant ni évolutif, ni très complet ; l’utilisateur s’en délaisse peu à peu.

Une autre différence entre ces dispositifs réside donc dans la fidélité. La

définition est d’ailleurs intéressante : « la fidélité est un attachement a ses

devoirs et ses affections, régularité à remplir ses engagements. » On peut

alors supposer que les deux processus de jeu n’ont pas les mêmes visées, et

que ces différences résident dans l’investissement de la fidélisation. D’un

côté, une approche de promotion des ventes avec un jeu très évènementiel,

facile, rapide et divertissant. Un jeu qui nous amuse mais que l’on oublie peu

de temps après. De l’autre, une approche plus sur le long terme et qui

demande un investissement plus important de l’utilisateur. Mais qui récolte

aussi ses fruits dans la mémorisation et la fidélisation apportées.

Pour en aborder le sujet que superficiellement, les serious games peuvent

être placés à l’inverse des advergames dans la logique d’appréhension de

l’utilisateur et surtout des finalités du jeu. Le premier, sur un socle de

marketing et de publicité pose une armature de jeu pour booster ses ventes.

Le troisième exemple passe par le jeu pour faire passer ses messages

d’éducation. Ainsi, l’engagement n’est pas le même dans ces deux cas : le

premier mise sur l’engagement de l’utilisateur a court terme pour qu’il se

divertisse. Le dernier mise sur le changement d’attitude de l’utilisateur qui

commence à comprendre des logiques de système grâce au jeu.

Page 43: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 53!

C. Pourquoi et comment le ludique s'insère dans nos vies ?

La compréhension de système complexe grâce au jeu.

a. La nécessité du jeu

Pourquoi les gens ont besoin d’autant de ludique ? Que se passe t’il dans la

relation conversationnelle dans le numérique ?

La phrase de Nietszche pourrait résumer à elle seule les pourquoi du

comment du besoin de ludification :

« Chaque homme cache en lui un enfant qui veut jouer »

En effet, le jeu est le meilleur outil d’apprentissage connu. A l’école les

enfants apprennent par le jeu, c’est par le sport et ses jeux que l’on apprend

certaine règles de vivres ensembles…

Le système d’acquisition des connaissances que nous faisions enfant par le

jeu, ne change pas une fois devenu adulte. Alors, comme Florent Maurin15,

créateur de The Pixel Hunt le suggère : « Il n'y a pas de raison de renoncer à

un outil aussi puissant de conceptualisation du monde sous prétexte qu'on est

devenu "grand" et que le jeu, "c'est pour les enfants". »

Le jeu, on l’a compris est un moyen incroyable de conceptualisation,

d’apprentissage et de mémorisation par l’expérience. On peut alors se

demander pourquoi, les mots qui reviennent dans les définitions de la

gamification plus marketing ne sont pas les mêmes ? En quoi est-ce

intéressant pour moi de gagner un badge en me rendant à une place sur

foursquare ? Qu’est ce que j’apprends quand je gagne un point d’avancement

ou une vie sur CandyCrush ?

Les réponses immédiates sont de l’ordre de l’amusement rapide, du fun et de

la « reconnaissance ». Le scénario pourrait être le suivant : A un moment

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!15!Voir!l’entretien!de!Florent!Maurin!en!annexe!

Page 44: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 54!

donné, j’ai fait une action que l’on m’a proposée de réaliser et je l’ai réussi.

On m’a récompensé d’un badge et je monte dans le top 3 des meilleurs

joueurs. Ce résumé, certes simpliste, montre les étapes d’une technique de

gamification sur un site marchand par exemple. L’engagement est stimulé sur

un temps, le sens réside dans le seul fait de gagner des points et la fidélité

est au rendez-vous sur le court terme. Par contre, la marque a pu capter

l’attention du consommateur. Le chercheur américain Ian Bogost appelle ce

type de mécanique de jeu, « exploitation ware », c’est à dire utiliser les

mécaniques du jeu pour tenter de manipuler les gens.

Cette gamification repose sur des composantes clefs différentes de celle du

jeu. Le jeu doit produire sur l’utilisateur des sensations de découverte,

d’émerveillement, de frayeur… en ayant comme structure des points, des

badges ou autres permettant d’avancer dans le jeu. Ainsi, l’essentiel du

premier est la structure du second. Le sens n’est pas au même endroit et

donc, les finalités et objectifs aussi. L’intérêt du jeu n’est plus où il devrait être

initialement.

Ainsi, les exemples vues plus haut concernant les jeux liés à des programmes

télévisés tiennent plus de la gamification que du réel jeu au sens de game

design. En effet, dans les projets de game design, il est nécessaire d’avoir en

tête que le projet et le contenu sont le jeu. Le jeu est le processus qui permet

d’entrée dans le projet mais aussi, il est le projet. Pour les projets convergents

en second écran, surtout en direct, il peut être difficile de produire ce même

type de structure. L’émission tv est le média premier et la source d’attention

principale, qui permet de créer sur un média convergent un complément de

contenu. Créer des dispositifs de jeu complet ne serait peut être pas en

adéquation avec les objectifs de l’émission. Concernant, l’augmentation des

sites internet gamifiés, le questionnement ne se situe pas au même endroit.

En effet, comme développé plus haut, la technique marketing de gamification

sur les sites web a d’autres visés et objectifs que les projets web de game

design.

Bien que l’approche purement marketing de la gamification soit à l’inverse des

principes de création de « projet web de jeu » ; les motivations finales ne sont

Page 45: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 55!

pas non plus les mêmes. On peut alors de demander s’il est judicieux de

comparer ces deux approches ? Un parisien reçoit en moyenne 3000

informations par jour, il faut aujourd’hui que les marques se réinventent pour

se différencier et se faire remarquer des consommateurs. La technique de

gamification est sur le court terme une possibilité pour ces marques. Mais, il

est dommage de ne prendre qu’une partie de cette technique puissante et

géniale qu’est le jeu, pour l’amener à ces propres fins. Est ce finalement la fin

qui importe ? Les projets culturels de ludification sont ils dans cette approche

de finalité ? Nous pouvons faire un parallèle avec la structure culturelle en elle

même et ses finalités : L’importance d’une visite au musée se situe t’elle dans

le divertissement provoqué ou dans une appropriation du sens ? Les deux

dans une certaine mesure. Mais dans une idée de transmission,

d’apprentissage et de médiation culturelle, la deuxième se rapproche bien

plus des objectifs initiaux du jeu. Est ce que finalement l’idée derrière la

gamification sur les projets culturels sur le web ne serait pas la médiation ?

Guider l’utilisateur, lui poser des questions, lui créer sa propre expérience de

jeu… Le projet du Photographe Inconnu16 illustre le rapport à la médiation

culturelle via le jeu sur le web.

b. Le jeu partout ?

On peut se poser la question de la viabilité de la gamification pour tout type

de contenu. Seth Priebatsch, jeune entrepreneur prône le « tout ludique » :

rien n’est plus puissant pour engager l’utilisateur que le jeu. L’engagement est

vérifié mais, est ce le jeu qui changera les comportements des individus dans

leurs actions les plus habituelles ? Doit-on passer par le ludique pour tenter

de modifier des comportements ? Quelles sont les limites de la gamification ?

Le jeu en lui même permet de conceptualiser le monde. Les gestes anodins

d’un enfant qui joue avec un ballon ou un cerceau sont finalement d’une très

grande importance pour qu’il puisse intégrer la spatialité, la maîtrise de son

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!16!Voir!page!53!

Page 46: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 56!

corps, son rapport aux éléments… Le jeu est essentiel. Il permet d’accéder à

une gymnastique mentale de compréhension de systèmes simples pour en

appréhender de plus complexes. Mais peut-il servir à un modèle de

compréhension simple ? Des articles17 évoque un futur sous l’égide du jeu et

présente le quotidien d’une personne de façon ludifié. Ainsi, le travail, la

santé, l’écologie, le sport, la sympathie… sont traités sous la forme du jeu.

“Comme il va travailler en vélo et dépense 400 calories aller-retour, il gagne

50 points santé supplémentaires, ce qui lui permettra sûrement de réduire sa

cotisation Sécurité Sociale à la fin du mois.” La lecture de cet article fait plutôt

penser à l’éducation d’un tamagochi qu’à une réalité quotidienne. Nous

pouvons nous demander dans quelles mesures le contrôle et la récompense

(et donc le jugement) par le jeu peuvent engager et motiver une personne ?

Le jeu, nous l’avons compris, est un mécanisme simple permettant d’en

comprendre de plus complexes. Ajouter à cela des bénéfices d’engagement

et de mémorisation, il reste un outil efficace dans la logique d’appréhension

du monde. Adapté au numérique, le jeu propose des moyens de médiation

réelles et adapté à la découverte de projet culturel par l’utilisateur. En effet,

l’utilisateur évolue dans ces manières de consommer, l’arrivée du social

media (entre autre) fait passer le consommateur d’un rôle de spectateur à

celui d’acteur. On ne fait plus que regarder, observer mais on commente, on

interagit, on expérimente. L’arrivée du web documentaire et son choix de

scénario, l’explosion de la consommation du jeux-vidéo en France, les projets

interactifs, le second écran et les nouvelles pratiques télévisuelles modifient

les rapports entre médias traditionnels et utilisateur. Les projets web se

ludifient, l’expérience utilisateur est mise en avant et devient une clé de

réussite d’un projet web. Les techniques marketing on repris aussi ces

notions pour engager le consommateur : adapter certains concepts de game

design pour donner un aspect ludique, évènementiel, nouveau et visible à leur

stratégie marketing. Dans un marché où il faut se différencier, nous pouvons

nous poser la question de la visibilité de certain projet au détriment de leur

aspect qualitatif ? Peut-on gamifier tout contenu ?

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!17!http://www.elgamificator.com/gamification/histoire/futur!!

Page 47: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 57!

Conclusion

La progression dans le master, découvrant une approche professionnalisante

sur des bases théoriques, ainsi que les stages enrichissants effectués ; m’ont

permis de suivre un parcours composé de choix, de rencontres,

d’apprentissage et de compréhension. Mes quelques mois en tant que

chargée de contenu m’ont vraiment conforté dans les idées de recherche et

de créativité : recherche des meilleurs stratégies pour amener l’utilisateur

dans l’essence d’un projet, pour l’amener à avoir envie de comprendre et de

poursuivre l’expérience. Grâce à mes stages et ma formation, j’ai pu me

rendre compte que les techniques de création et de production d’un projet ne

peuvent que se lier à une analyse profonde et réfléchie des comportements,

du marché et des envies et besoins de l’utilisateur. Se poser des questions à

chaque instant, repenser les habitudes et ne pas rester sur des acquis

semblent être les connaissances que m’on appris mes stages en entreprise

au service des publics.

Mon expérience à Turbulent m’aura permis d’acquérir des connaissances sur

les nouveaux médias, sur les systèmes de production et de diffusion ainsi que

sur la création d’un projet web par rapport à une demande, une cible, un client

et un support de diffusion. J’ai acquis des techniques professionnelles

opérationnelles dans le domaine de la gestion de projets innovant sur le web,

ce qui m’encourage grandement à en apprendre d’autres. Je reste

convaincue que l’utilisateur doit se situer au centre de tout projet, et que c’est

par lui que la médiation et les techniques pourront s’affiner.

Page 48: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 58!

Bibliographie

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économie numérique, Paris, Dalloz-Sirey, 2008

http://questionsdecommunication.revues.org/1209

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http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-

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Article

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http://www.mediascreationrecherche.com/spectateur.pdf

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- Guy Boulanger, « Social TV » ou l’ère du deuxième écran (1ère partie), Février 2013, Narominded. http://www.narominded.com/2013/02/social-tv-ou-lere-du-deuxieme-ecran-1ere-partie/

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Janvier 2013 http://www.strategies.fr/etudes-

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Dossier

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http://www.digitaltrendsreport.com/

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http://www.cnc.fr/web/fr/etudes/-/ressources/2873261

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Mémoire

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des patrimoines, Octobre 2012

Conférence

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changeait le monde ? 7 février 2013, Montréal. http://toutlemonde-

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- http://www.ergonomie-interface.com/

- http://www.elgamificator.com/

- http://lostremote.com/

- http://www.cnc.fr

- http://www.advergame.fr

- http://florentmaurin.com/

- http://www.therabbithole.fr/

- http://www.transmedialab.org/

Page 51: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 61!

Annexes Entretien avec Florent Maurin

Questions à Florent Maurin, fondateur de PixelHunt et spécialisé en gaming. Il

collabore fréquemment avec Upian sur des projets de webdocumentaire.

http://florentmaurin.com/

Depuis quelques années, on entend beaucoup parler de

« gamification », est-ce une mouvance qui tend à perdurer dans les

projets culturels ? Avez-vous vu une évolution ?

Effectivement, depuis 3 ans, le mot "gamification" s'est répandu comme une

trainée de poudre, dans de nombreux domaines. Le problème... c'est qu'il

désigne un peu tout et n'importe quoi. La gamification telle que des

entreprises ont essayé de la vendre à des grands groupes, c'est l'application

de mécaniques de jeux extrinsèques pour tenter de rendre plus attrayante

une activité qui ne l'est pas intrinsèquement. Par exemple, mettre des points

et des badges sur un site qui vend des chaussures pour que les clients aient

envie d'en acheter encore plus, ou faire un concours entre les employés d'une

centrale d'appels téléphoniques pour qu'en entrant en compétition ils soient

tous plus performants. Le chercheur américain Ian Bogost appelle ça de

l'"exploitationware", et je trouve que le terme résume bien les choses : utiliser

les mécaniques du jeu pour tenter de manipuler les gens, de leur faire

prendre des vessies pour des lanternes, non seulement c'est éthiquement

répréhensible, mais en plus c'est pas efficace sur le long terme.

Du coup, pour les projets culturels, je préfère parler de game design.

Pourquoi pensez-vous que l'aspect ludique soit devenu un enjeu aussi

important ? Pourquoi l'expérience utilisateur ludique est devenue aussi

forte dans les projets web culturels?

L'idée c'est de produire quelque chose qui soit d'abord, vraiment,

intrinsèquement un jeu. C'est à dire, une expérience régie par des règles,

dans laquelle l'utilisateur a un objectif à atteindre, et qui est différente selon

Page 52: le jeu au coeur des processus d'engagement

! 62!

ce que l'utilisateur décide de faire. C'est une définition large de ce qu'est le

jeu, elle inclut plein de possibilités intéressantes. L'idée générale derrière ça,

c'est finalement une médiation : ne pas laisser l'internaute ou le spectateur

seul devant l'immensité d'une proposition culturelle, le guider et l'aiguiller en

lui proposant un défi à relever, et l'intéresser en lui construisant une

expérience sur mesures. Quand on voit la somme des choses qui existent sur

le web, la guerre de l'attention que se livrent tous les émetteurs pour capter et

retenir les internautes, on comprend que les émetteurs de projets culturels ne

peuvent pas se contenter de mettre un contenu à disposition des internautes

et de les laisser se débrouiller avec. Il faut les accompagner, et le jeu est une

bonne façon de le faire - de la même manière que jouer avec un enfant lui

apprendra une multitude de choses (non pas que les adultes soient des

grands enfants, mais le mode d'acquisition des connaissance ne change pas

quand nous grandissons, à mon avis). C'est une piste encore en

développement, mais il y a des tentatives intéressantes.

Est-ce que tous les projets web peuvent avoir leur part de jeu ? Car de

nombreuses marques se mettent à avoir des sites avec des systèmes de

bonifications, de badges... Qui n'est pas forcément (pour moi), une

réelle avancée dans le jeu mais plus une technique marketing d'attrait.

Qu'en pensez-vous ?

J'ai déjà un peu répondu en question 1, mais pour être plus précis, je pense

que pour "utiliser le jeu", il ne faut pas croire qu'on va plaquer 2-3 éléments

sur un contenu qui existe déjà. C'est ce que les marques font avec la

gamification, sans grande réussite. Si vous voulez faire un jeu, il faut le faire

vraiment, repenser complètement la façon dont vous vous adressez aux

gens, au public, à vos clients. Donc pour en revenir à votre question je ne

pense pas que ce soit le fait que le jeu n'est pas adapté à tous les dispositifs

web le problème. C'est plutôt que le jeu est un dispositif à part entière, et que

vouloir le greffer sur d'autres dispositifs (comme le catalogue d'articles, le

travail, ou d'autres choses) risque d'être compliqué, voire inefficace.

Lors de mon stage à Turbulent, nous avons réfléchi à un aspect ludique

sur un site permettant de « changer les habitudes » des enfants. Ce site

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pousse les enfants à aller jouer dehors et pour cela nous avons mis en

place un système de récompenses (badge et point). Chaque

récompense étant obtenu grâce aux activités faites à l'extérieur. Que

pensez-vous du mix entre réalité et virtuel, de faire une action réelle qui

nous donne un badge virtuel ?

Je suis modérément convaincu par ces dispositifs, parce que c'est

exactement ce que je vous disais plus haut : ce sont des récompenses

extrinsèques. Qu'est-ce qu'un enfant a à faire d'avoir un badge sur Turbulent

? Pourquoi est-ce que ça aurait de la valeur pour lui ? La seule réponse à ça,

est que Turbulent est une communauté sociale assez forte, dans laquelle

l'enfant se sent assez investi pour avoir envie que les autres membres de la

communauté puissent voir ses badges et le congratulent, par exemple. Mais

avoir des badges pour avoir des badges, c'est comme collectionner les pins

ou les images dans la cour de récré : ça fonctionne un temps, parce qu'on

découvre et qu'on a l'impression d'un univers à conquérir, mais au bout d'un

moment, la plupart des gens s'en lassent parce que l'activité n'a pas de valeur

intrinsèque. Ou alors ils lui en donnent une : ils font commerce de leur

collection, font des échanges, essaient de compléter un album Panini...

Quelles sont selon vous les plus-values à une gamification d'un site à

contenu culturel ? Pour des sites comme « Gol ! Ukraine » ou

« Primaires à gauche » par exemple.

J'ai un peu l'impression d'avoir déjà répondu à cette question, mais je

rajouterais que pour moi, un jeu, c'est un objet profondément interactif. C'est

un média qui fonctionne comme une discussion entre le dispositif de jeu et le

joueur. Le joueur "pose des questions" (qu'est-ce qui se passe si je fais ça, ou

ça, ou ça ?), et le jeu lui répond, et ainsi de suite. Cette façon de transmettre

l'information en représentant (en simulant) un système, avec ses acteurs et

les liens qui les rapprochent ou les opposent, et en laissant le joueur explorer

ce système pour le comprendre, est très différente de la forme classique,

linéaire, d'un article ou d'un reportage vidéo. Dans un article, le journaliste

raconte une histoire avec un début, un milieu et une fin, et le lecteur n'a pas

voix au chapitre. C'est ce que nous avons essayé de faire avec Primaires à

Gauche : donner une place à l'utilisateur, lui donner un objet avec lequel il

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puisse discuter.

Gol! Ukraine, en revanche, c'était un système de badges, mais qui était lié

avec l'univers de Gol!, puisque chaque badge représentait un des meilleurs

joueurs de foot de l'histoire de l'Ukraine. Mais pour être honnête, je ne suis

pas très satisfait de ce dispositif, je le trouve justement un peu artificiel, et

d'ailleurs il n'a pas extrêmement bien fonctionné.

Comment fonctionnez-vous au niveau du contenu ? Comment, à partir

d'une armature de web-documentaire, intégrez-vous la partie ludique ?

A quelles étapes de la conception du projet arrivez-vous ?

Toujours trop tard ! Dans l'idéal, il ne faut pas concevoir une armature d'abord

et rajouter une partie ludique par-dessus... il faut concevoir une armature de

jeu ! Mais ça, vous l'aurez compris je l'espère.

Pensez-vous que la gamification soit une technique actuelle pour établir

des ponts entre les choses ? Qui donne une gymnastique mentale de

compréhension de systèmes simples pour pouvoir en appréhender de

plus complexes ?

Je pense que c'est absolument ça. Et c'est comme ça que marche tout

l'apprentissage par le jeu. Quand vous étiez un bébé, vous avez

probablement essayé de faire rentrer des formes dans des trous, de faire

tomber des objets, de courir derrière un ballon... Toutes ces activités de

compréhensions de systèmes simples ne servaient pas qu'à devenir

constructeur de légo professionnel ou testeuse de verres Duralex. Ce sont

des exercices qui vous ont fait comprendre les lois finalement complexes de

la physique, de la spatialité, du déplacement, de la maîtrise de votre corps.

Une fois que vous aviez appris comment tombait votre biberon, votre cerveau

a été en mesure de transmettre ces caractéristiques à tous les objets, et si

demain vous trouvez un objet que vous n'avez encore jamais vu (disons un

CD de Johnny Halliday dédicacé), vous saurez par avance ce qui se passera

si vous le laissez tomber.

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Ce que j'essaie de faire, c'est de concevoir des jeux pour les adultes, parce

qu'il n'y a pas de raison de renoncer à un outil aussi puissant de

conceptualisation du monde sous prétexte qu'on est devenu "grand" et que le

jeu, "c'est pour les enfants.

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