Le Genevois Libéré n°23

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S on œil de verre a cessé de scintil- ler. Sa tendre et rocailleuse voix ne résonnera plus à nos oreilles. Jean- Marie Le Pen a quitté le navire, laissant nos existences orphelines. Esseulé depuis des mois, politiquement et socialement isolé, il s’est semble-t- il noyé dans une gouille à proximité du Paquebot de Saint-Cloud, ancien siège historique du Front national. Certains ne manqueront pas d’accuser sa fille Marine d’assassine, elle qui ne lui a rien épargné. A force de censure, d'invectives et après cette malheureuse exclusion du parti qu'il a lui-même bâti, le vieux marin bre- ton a fini par sombrer. L'homme n'était pas celui qu'on croit. Né en 1928, en cette période bénie du siècle passé, Jean-Marie Le Pen veut très tôt “ BON ÉTÉ BORDEL ” N O 23 – ÉTÉ 2015 Le Genevois Libéré SOMMAIRE Ronard c’est le Nouvelliste Mikroutch Zzz… Jéjé tient des propos djihadistes Gros Tony se brique le four crématoire Pylone inspecte le douloureux chemin de la maternité SGU cire les pompes de Ronard Olive se big murge une 2 ême fois Finis les pet mentaux, Ptidjoule crotte à tout va ! JE CROIS QUE LE JOURNAL EST MORT TEXTE : Ptidjoule Mes jolis petits lecteurs chauves, je crois que nous avons un problème. J'ai largement dépassé la deadline mais je n'ai toujours pas reçu de lettre d'insultes de la part du nou- veau rédac' chef, ah oui faut que je vous explique : Ronard n'est plus le patron, enfin si, toujours un peu quand même, mais vu qu'il a vêlé et qu'il a d'autres projets de plus grosse envergure (des trucs capables de satisfaire au mieux son ego presque aussi gros que son périmètre crâ- nien), il a refilé le poste de rédac' chef à Mikroutch. Et donc celui-ci, fidèle à sa réputation de fantôme, ne donne aucune nouvelle, ah si on a bien eu un petit sermon d'une tren- taine de secondes à l'anniversaire de Bruce mais noyé dans l'alcool ingéré ce soir-là, je crois que nous pouvons appeler ça un coup d’épée dans l'eau. Donc je vous le dis haut et fort, le journal est mort. En même temps, tant mieux, moi ça commençais à me péter un peu les couilles de rabâ- cher toujours les mêmes choses sur la vie interne du journal et sur cette merde d'Emile Frey. Voilà je crois que ça devrait le faire étant donné que ces lignes ne seront jamais imprimées (ben oui le journal est mort faut vous le répéter en quelle langue), je crois que j'ai pas besoin de me faire chier à en écrire plus. Par contre si vous lisez ces lignes c'est que je me suis trompé et donc longue vie au Genevois Libéré et mort à Emile Frey. PS : Depuis il y a eu le numéro spécial opportuniste, euh pardon, « Charlie » et Ronard est revenu aux manettes. On vous avait manqué ? NECROLOGIE JEAN-MARIE LE PEN 1928-2015 TEXTE Gros Tony ILLUSTRATION Charbu

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journal d'opinion

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Page 1: Le Genevois Libéré n°23

Son œil de verre a cessé de scintil-ler. Sa tendre et rocailleuse voix ne résonnera plus à nos oreilles. Jean-Marie Le Pen a quitté le navire, laissant nos existences orphelines.

Esseulé depuis des mois, politiquement et socialement isolé, il s’est semble-t-il noyé dans une gouille à proximité du Paquebot de Saint-Cloud, ancien siège historique du Front national. Certains ne

manqueront pas d’accuser sa fille Marine d’assassine, elle qui ne lui a rien épargné. A force de censure, d'invectives et après cette malheureuse exclusion du parti qu'il a lui-même bâti, le vieux marin bre-ton a fini par sombrer.

L'homme n'était pas celui qu'on croit. Né en 1928, en cette période bénie du siècle passé, Jean-Marie Le Pen veut très tôt

“ Bon été Bordel ” no23 – été 2015

Le Genevois Libéré

Sommaire

Ronard c’est le NouvellisteMikroutch Zzz…Jéjé tient des propos djihadistesGros Tony se brique le four crématoire Pylone inspecte le douloureux chemin de la maternitéSGU cire les pompes de RonardOlive se big murge une 2ême foisFinis les pet mentaux, Ptidjoule crotte à tout va !

Je CroiS QUe le JoUrnal eSt mortt e x t e : Ptidjoule

Mes jolis petits lecteurs chauves, je crois que nous avons un problème. J'ai largement dépassé la deadline mais je n'ai toujours pas reçu de lettre d'insultes de la part du nou-veau rédac' chef, ah oui faut que je vous explique : Ronard n'est plus le patron, enfin si, toujours un peu quand même, mais vu qu'il a vêlé et qu'il a d'autres projets de plus grosse envergure (des trucs capables de satisfaire au mieux son ego presque aussi gros que son périmètre crâ-nien), il a refilé le poste de rédac' chef à Mikroutch. Et donc celui-ci, fidèle à sa réputation de fantôme, ne donne aucune nouvelle, ah si on a bien eu un petit sermon d'une tren-taine de secondes à l'anniversaire de Bruce mais noyé dans l'alcool ingéré ce soir-là, je crois que nous pouvons appeler ça un coup d’épée dans l'eau. Donc je vous le dis haut et fort, le journal est mort. En même temps, tant mieux, moi ça commençais à me péter un peu les couilles de rabâ-cher toujours les mêmes choses sur la vie interne du journal et sur cette merde d'Emile Frey. Voilà je crois que ça devrait le faire étant donné que ces lignes ne seront jamais imprimées (ben oui le journal est mort faut vous le répéter en quelle langue), je crois que j'ai pas besoin de me faire chier à en écrire plus. Par contre si vous lisez ces lignes c'est que je me suis trompé et donc longue vie au Genevois Libéré et mort à Emile Frey.

PS : Depuis il y a eu le numéro spécial opportuniste, euh pardon, « Charlie » et Ronard est revenu aux manettes. On vous avait manqué ?

neCroloGie

Jean-marie le Pen 1928-2015

t e x t e

Gros Tony

i l l U S t r at i o n

Charbu

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2 Le Genevois Libéré

découvrir le monde. De son Morbihan natal (la Trinité-sur-Mer), il part étudier à l'étranger, à Vannes puis à Lorient, où il se confronte à des cultures différentes. L'aventurier fait le grand saut quelques années plus tard, en 1947, lorsque ses études de droit le mènent à Paris. Un choc. Jamais Jean-Marie n'avait imaginé un monde si coloré, ouvert et excitant.

Dès lors, son envie de partir à la ren-contre de l'autre devient insatiable. Ce sera d'abord l'Indochine, où il apprend et pratique le parachute, qui restera long-temps son sport favori. Puis l’Algérie, un an plus tard, deviendra la terre de tous ses désirs. De manière très inattendue, Jean-Marie Le Pen se découvre une atti-rance pour les hommes au teint bronzé.

Issu d'une famille conservatrice, des-cendant de chouans, le jeune homme est meurtri dans son identité profonde.

Mais rien n'y fait. Le bel Algérois dé-nommé Ahmed hante ses esprits. La rencontre est passionnelle. Des nuits durant, les tourtereaux s'amusent au jeu polisson dit de la «gégène», alors très à la mode. Bien des années plus tard, de virulents détracteurs l'accuseront d'avoir pratiquer la torture, ni plus ni moins. Mais ce n'est qu'un détail de l'histoire. L'épisode amoureux change le cours de son existence. Jean-Marie regagne alors fièrement cette France «gouvernée par des pédérastes», comme il disait quelques an-nées plus tôt à propos de Sartre, Camus et Mauriac.

Il ne révèlera toutefois jamais son homo-sexualité, qu’il peine à accepter. Les sail-lies homophobes qu’on lui imputera au cours de sa vie ont probablement été une

manière de se dédouaner, voire d’écarter tout soupçon. Dans le Marais de Paris, on peut chasser le chapon sans date d’ouver-ture ou de fermeture, mais dans le marais de Picardie, on ne peut chasser le canard en février, rigolait-il par exemple en 2007, devant un parterre de chasseurs.

Fragile, humble, naïf parfois, Jean-Ma-rie Le Pen n’a probablement pas tout fait juste. Au long de sa carrière politique, quelques maladresses lui ont d’ailleurs valu des ennuis. Raciste, antisémite, négationniste, aucun quolibet ne lui a été épargné. Derrière des propos un brin provocateurs, nous préférons retenir son intérêt sincère et jamais démenti pour les minorités de France. Juifs, Maghré-bins, Roms, homosexuels ou encore «sidaïques», tous ont reçu son attention infaillible.

Cette ouverture d’esprit, les Français l’ont reconnue en le portant au se-

cond tour de l’élection présidentielle de 2002, son heure de gloire politique. Tombé quelque peu en désuétude de-puis, le vieil homme a tenté à plusieurs reprises de revenir sur le devant de la scène en usant de son humour grinçant mais trop souvent mal compris. Récem-ment, son évocation de «Monseigneur Ebola» comme une solution au problème migratoire, illustre ce goût sans faille du bon mot.

Quoi qu’il en soit, Jean-Marie Le Pen aura marqué son temps. Pour rendre hommage à son œuvre, l’œil de verre du patriarche a été vendu aux enchères la semaine passée, dans le salon feu-tré d’une banque suisse. Un admi-rateur anonyme a empoché la mise pour 250 anciens francs français. Pour autant qu’un établissement accepte de faire le change en euro, le montant sera reversé à titre caritatif à l’Amicale des jeunes pétainistes du Limousin. ×

“ Bien des années plus tard, de virulents détracteurs l'accuseront d'avoir pratiquer la torture, ni plus ni moins. Mais ce n'est qu'un détail de l'histoire. ”

J’espère que vous aimez bien le titre. Parce que pour cette pre-mière chronique transparente, je

me suis donné. En fait, c’est toujours la même chose aux séances de rédaction. L’air devient lourd et chargé quand je vais présenter mon pro-jet. Donc j’ai pris la décision de labéliser mon travail et de prendre les devants : je fais une chronique chiantissime, et je le revendique, point barre.

En quoi cela consiste-t-il, une chronique chiante ? Le premier point, c’est qu’il faut trouver un sujet qui sent bon le moisi, le déjà-vu, un peu vague et qui sonne tout creux. Le savoir numérique remplit par-faitement ce rôle. Mais précisons : le savoir numérique dont on parle dans ce papier, c’est surtout les livres numériques ou numérisés ainsi que les journaux aca-démiques et scientifiques, eux aussi, ac-cessibles online.

Pourquoi ai-je choisi ce sujet chiant ? Sim-plement parce qu’il y a aujourd’hui une gigantesque lutte qui se met en place. Elle va déterminer qui aura demain accès à la production mondialisée du savoir. D’un côté, il y a les géants privés qui se camouflent sous des côtés cool. En gros : Google et ses supers outils conçus par ses supers employés qui font du toboggan. Ils numérisent les livres tombés dans le domaine public à tour de bras et gratuite-ment. Qui dit mieux ? Où est le problème ? Pas besoin d’être devin : mettre le patri-moine des connaissances dans les mains du privé, c’est tout simplement s’expo-ser au risque d’une monétarisation de

ce bien public. Soit des contenus seront rendus plus visibles par certaines forces

obscures qui paieront pour cela, soit l’accès au contenu de qua-lité deviendra extrêmement cher et réservé à une élite. Pour ne donner qu’un exemple, c’est ce qui se passe aujourd’hui déjà pour l’accès aux articles scienti-fiques dans le domaine médical.

De gigantesques conglomérats, comme Elsevier-Masson ou Springer, contrôlent cette production et font exploser le coût des abonnements pour avoir accès à ces contenus. En France, la bibliothèque des institutions de santé à Paris, qui depuis trois siècles répertorie les informations du domaine, a dû renoncer à souscrire à trois revues de premiers plans au niveau scientifique. Parce que les prix avaient trop augmenté. Un scandale, grave et risqué pour la démocratie, mais tout le monde s’en fout.

Le contexte étant posé, venons-en au cœur de la chronique chiante. La réfé-rence historique. Et là permettez-moi d’introduire Robert Darnton. Historien génial des Lumières et responsable de la bibliothèque d’Harvard aux Etats-Unis, c’est un des plus grands adversaires de cette privatisation rampante des savoirs. Il a lancé un projet fou : donner accès gra-tuitement à tous les contenus numériques disponibles dans toutes les bibliothèques publiques américaines. Son idéal : éviter que le monde retombe dans des temps obscurs, comme ceux que rappellent l’ar-chitecture de la bibliothèque d’Harvard elle-même. Un château du Moyen-Âge, protégé par des grilles et des piques, où seuls certains élus pouvaient entrer. Pour lui, cette époque où le savoir était cloi-sonné est de retour à l’ère du numérique. Comme le capital qui se concentre en de trop rares mains, le savoir est lui aussi en train de se regrouper dans les mains de quelques acteurs majeurs. Alors les outils seront cool et friendly. On pourra passer au genius bar d’Apple (eux n’ont pas peur de prendre les gens pour des cons) pour apprendre à les utiliser. Mais l’offre sera réservée aux plus riches ou à ceux qui défendent des intérêts particuliers. C’est une catastrophe démocratique. Une vraie et tout le monde s’en fout. Parce que c’est vrai que c’est un sujet bien chiant. ×

la CHroniQUe CHiante le SaVoir

nUmeriSe eSt-il Vraiment

demoCratiQUe ?

t e x t e

Mikroutch

i l l U S t r at i o n

Eisbär

“ Comme le capital qui se concentre en de trop rares mains, le savoir est lui aussi en train de se regrouper dans les mains de quelques acteurs majeurs.”

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3 No23 - été 2015

on a commencé le barathon au Café de la Limite. La Feld' de 3 décis est à 3.20 Frs (et du coup on en a repris une tournée). Il paraît que le nom vient du

fait que le signal du bip du concierge de l'école d'ingé-nieur s'arrêtait pile au bar et que du coup il pouvait venir boire des coups sans risquer de manquer un appel. Une autre version raconte que c'est en lien avec la propriété de Jean-Jacques Rousseau. Mais c'est moins marrant.

On embraye sur le Fraich’Club. À la télé, une pub pour un médicament contre les problèmes d'érections illumine un tro-phée de tête de Caribou en peluche. On descend deux Feld' à 3.40 Frs les 2.5 dl. En revenant des chiottes, mon compère Jérèm me raconte que la chasse d'eau est planquée dans un repli du mur décoré de faux marbre en scotch. J'ai préféré écou-ter la prise de tête des deux pochetrons qui se disputent sur les qualités compa-rées des Audi et des Mercedes, alors qu'ils ont plutôt une tronche à rouler en Maxi Puch.

Prochaine étape : le Café des Charmilles. Une énorme pièce vide, un club privé à l'arrière, des pizzas à 10 balles. Décora-tion zen, odeur de chlore. À la télé, une chaîne médicale nous montre une opé-ration en gros plan tandis qu'on nous amène un bol d'olives et deux Cardinal à 3.50 Frs les 3 dl. À l'entrée, il y a un mi-nuscule fumoir vitré, avec une machine à clopes cassée. Alors que je ne fume pas, je demande une tige à la serveuse afin de visiter la pièce. Raaahk teheu teheu. On se tire au prochain Café-Restaurant.

Au Morena, on boit deux Feld de 3 dl à 3.40 Frs en commentant un match de boxe tandis que les 7 pêchés capitaux nous observent depuis un tableau.

On accoste au Art-Kfé, anciennement J-Mo Bar dont on avait usé les canapés et les canettes pendant des années, au son des chansons cochonnes et des odeurs d'égouts qui refoulaient. Tant de souve-nirs nous apparaissent. La fois où on avait acheté une caisse de bières dont la poi-gnée s'était cassée à un mètre de l'entrée, la fois où le molosse complètement barjot d'une vieille pocharde m'avait mordu, la fois où le patron avait offert une raclette à gogo à tout le bar. Maintenant je crois que J-Mo s'est reconverti dans les assurances. La déco a pas trop bougé, il y a des petites ardoises avec des citations « typiques » comme « Ya pas l'feu au lac tcheu c'té-kipe » ou encore « Ach les Welches tushur rigol schamè travail ». On enquille deux

Feld' à 3.30 Frs les 3 dl tout en essayant de suivre simultanément les trois matches différents qui défilent sur les trois télés.

Juste à côté, on entre au Marie-Ciel, où on boit des Feld' « sélection » ( ?) à 4.40 Frs les 3 dl. Au mur, un tableau nous in-dique : « Vin au verre : Caïprinha 12 Frs ». À la télé, une série romantique brési-lienne illumine de guimauve le comptoir où se côtoient bonbons, carottes, pots de fleurs en tasses géantes et statue de girafe. Au dessus de la porte des chiottes, le Diplôme de la Bière Pression nous in-dique que la serveuse a passé les tests de tirage. Je m'abstiens de faire de l'esprit ici, vous y arriverez très bien tout seuls.

On arrive tant bien que mal au Centre Commercial de Luserna, qui est un peu notre fief. Sous l'appellation de Centre Commercial il s'agit en fait d'un conglo-mérat de débits de boissons. On pousse la porte du Tilt Saloon, on se pose dans les fauteuils comme à la maison et, sans rien commander, on nous amène nos tra-ditionnelles canettes de… merde j'ai pas noté la marque, à combien ? Merde j'ai pas noté le prix non plus. 5.70 Frs je crois.

Jérém abandonne le barathon. Je me retrouve seul et décide de finir en beauté au Billard Academy, qui est le bar d'en face. Une Feld' à 3.50 les 3 dl se matéria-lise sur le zinc. La serveuse me montre

son tatouage tribal un peu bancal dans le bas du dos. Je cause avec Luis, le patron. La discussion part un peu dans tous les sens. Je reprends une bière, je la bois vite car l'heure tourne. En partant, je sers la main à tout le monde. Un client, au bar, me tend la main pour un « check ». Je rate sa main et manque de m'étaler. Ça va faire des histoires à raconter, me dis-je en rentrant dans le clair de lune. ×

dernier BaratHon aVant la Fin dU monde

- ePiSode 2 - t e x t e

Olive

i l l U S t r at i o n

Bruce

“ On enquille deux Feld' à 3.30 Frs les 3 dl tout en essayant de suivre simultanément les trois matches différents qui défilent sur les trois télés. ”

Facture de la soirée : 37.20 Frs / personne.Quantité de bière ingérés : 3.15 litres par personne.

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4 Le Genevois Libéré

avec son gros bide, Snackie bump en plein dans Grou-pie et lui donne une grande tape dans le dos : Alors ça monte ? Moi, je décolle là! Groupie, les yeux roses, regarde Snackie

fixement quelques instants avant d’aboyer : Snackie t’es mon meilleur pote! Snackie est comme d’habitude complè-tement baffé et normalement s’en fout mais cette fois ça lui fait plaisir. Il colle un gros smack sur la truffe de Groupie et s’éloigne dans la foule en agitant les bras vers le haut comme des spaghettis volants. C’est à cet instant que le type de la lumière inonde la scène de jaune et de bleu, donnant un effet super barge alors que le groupe arrive. C’est que des meufs. Hey cool, se dit Groupie. Mais lorsque débarque Etna, la chan-teuse, Groupie se dit Oh merde..! Elle est beaucoup trop… bien ! Son esprit se met à turbiner à cent à l’heure. Je peux même pas dire bonne, c’est pas le mot, elle a… elle a du chien quoi ! Je veux être son ami, je veux que les gens me voient avec elle! Elle est top! Un accord de guitare résonne, la salle ful-mine, la batteuse tape sur ses baguettes pour donner le départ... Boum ! Groupie a un mouvement de recul tellement le morceau est bon. Il a l’impression d’avoir un sèche-cheveux dans la gueule. Un bras sort de la foule, c’est Snackie qui tire Groupie à l’intérieur. Une véritable cen-trifugeuse. Groupie pogote et ne touche plus terre. Il a le tournis, prend des coups et en donne pas mal. En plein mayhem humain, camé comme c’est pas possible, il regarde la frontwoman, Etna, bouger la tête comme au ralenti. Son immense nez flappote d’un côté à l’autre de son visage aussi certainement qu’une pale d’hélicoptère. Groupie se faufile jusqu’à la scène, grimpe et essaie de l’embrasser. T’es mignon toi, s’exclame-t-elle avant de lui envoyer un coup de pied dans l’esto-mac qui rebalance direct Groupie dans

le marasme humain qui gesticule en des-sous d’elle.

Au carrefour, Groupie salue d’un geste de la main Snackie qui zigzague. Il continue sa route à vélo à travers la ville endormie.

Elle, Elle, Elle, Elle, Elle. Il n’y a qu’Elle dans sa tête. Son vélo est pourri, elle est géniale. Même sa guitare est baisable. Il est nul. Elle est sublime. C’est pas com-pliqué. Et son nez… Bordel son nez. Combien il donne-rait pour que son museau ne serait-ce que frôle son

nez… et lui raconter la Bretagne. Alors qu’il passe devant un monument d’an-ciens combattants, il se dit qu’il pourrait faire la guerre pour elle.

Après avoir brûlé tous les feux rouges, Groupie arrive chez lui. Il cadenasse son vélo comme d’habitude. Puis il prend mécaniquement l’ascenseur. Arrivé à son étage, il peine à trouver la serrure. Alors qu’il s’attend à s’endormir tout habillé dans son lit tant la came lui a cassé les jambes, il remarque avec surprise Etna allongée dans son salon en train de lire une de ses bédés. On a les mêmes goûts en bédé ! S’exclame t’elle en slip. Grou-pie est sonné. Etna, la meuf la plus ter-rible des groupes qu’il a jamais vus, est là dans son salon en train de lire une bédé en slip ! Pardon ? Groupie switch. Comment t’es arrivée dans mon salon ? T’as volé des trucs ? Tu touches pas à ma bédé, pigé ? Etna se lève avec autorité. Son nez se balance avec la certitude d’une pen-dule, ce qui n’échappe pas à Groupie qui ravale sa salive de clébard et se tient prêt à lui faire face. Pour qui tu te prends petit bâtard ? C’est moi qui commande et c’est toi qui obéis pigé ? Groupie opine docilement de la tête. Maintenant enlève ton pantalon, on va baiser. Etna part à la salle de bain pendant que Groupie se déboutonne. Le pantalon sur les chevilles au milieu de son salon, il ne sait pas quoi faire et prend

l’initiative de s’installer dans le canapé. Il espère qu’il sera à la hauteur. Stressé comme pas deux, Groupie entame de s’astiquer en attendant. Quelques ins-tants plus tard, Etna sort enfin de la salle de bain, entièrement nue cette fois, ses huit tétines toutes dures. Groupie est pas loin de jouir. Tu te branles ? s’exclame Etna qui prend soudain les traits de Snac-kie un pack de bières sous le bras. Grou-pie est mortifié et hurle : Oh non pas lui..! Ce qui ne l’empêche pas de jouir avec comme dernière image cette face de pet de Snackie.

Je te promets que je dirai rien aux copains. Snackie finit tranquillement sa bière alors que Groupie n’y a pas touché. A la télé, une émission de téléréalité mixe chien et chats sur une île déserte. L’air sombre, Groupie éteint la TV. Merci Snackie. Tu veux pas te casser maintenant ? Conscient de la honte de son pote, Snackie ne fait pas d’histoires et prend ses cliques et ses claques. Une fois son pote parti, Groupie éteint la lumière et reste une demi-heure dans le noir assis sur son canapé. Les yeux grands ouverts.

Groupie trace à travers la ville sur son vélo. Il retourne au concert. Arrivé à la salle, le videur ne laisse plus personne entrer car ils sont proches de la ferme-ture. Que dalle ! Groupie supplie le videur, sa meuf est à l’intérieur et son portable n’a plus de batterie. Nada. Groupie se dit qu’il est vraiment nul pour ce genre de parlotte et fonce la tête la première dans le videur. C’était sans compter le deu-xième videur qui débarque derrière et lui casse une bouteille sur le crâne. Groupie s’effondre. Alors que le premier videur se venge en lui donnant des coups de pieds dans la tronche, Etna sort de la salle avec son crew et se dirige vers le tour-bus. Elle calcule la baston et croit reconnaître le mignon qui a essayé de monter sur scène.

Etna demande aux videurs d’arrêter. Mais rien n’y fait. Les types s’y sont mis à deux maintenant, c’est l’effet de meute, ils vont le tuer. Etna plante ses ongles dans les yeux du premier videur, le sang gicle et écrase d’un coup de talon dans les tes-ticules du deuxième. Les videurs sont HS. Une foule s’agglutine autour de la scène. Etna s’agenouille près de Groupie qui

murmure les yeux fiévreux : Je vous adore. Avant sombrer dans une sorte de coma.

Le lendemain, Groupie se réveille dans une couchette de bus qui fuse sur une au-toroute allemande. Groupie regarde un instant les éoliennes défiler, puis zieute en contre-bas dans le bus. Ses côtes le font atrocement souffrir, certainement cassées, mais le bonheur de voir Etna dis-cuter avec ses les autres filles du groupe apaise instantanément tous ses maux. Etna le remarque et lui sourit. Elle vient s’asseoir à côté de lui sur sa couchette. La bagarre a dégénéré le soir précédent, les flics sont venus, ils ont dû quitter le ter-ritoire rapidement. S’ils l’avaient laissé, Groupie aurait pu avoir de sérieux pro-blèmes. Ca te dirait de travailler comme roadie sur la tournée ? Je suis du genre dic-tatoriale, mais la plupart des gens arrivent à dealer avec ça. Groupie remue la queue sur sa couchette et ironise : Oui, maîtresse. Etna frôle le bout du museau de Groupie avec son nez. Tu commences à me plaire toi. ×

t e x t e

Ronard

i l l U S t r at i o n S

CilFlatus

GroUPie !

“ Combien il donnerait pour que son museau ne serait-ce que frôle son nez… et lui raconter la Bretagne. ”

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5 No23 - été 2015

PoéSie

Bienvenue dans les colonnes promo-tion canapé du journal. En effet, cher lecteur, la soussignée SGU est la Carla Bruni du Ge-

nevois libéré, la femme aux côtés du grand marionnet-tiste, bref je suis la meuf de Ronard.

Lecteur intègre, ne crie pas à la république bananière, je vais commencer par te raconter com-ment je me suis retrouvée dans cette galère, moi qui pensais que pour vivre heureux, il fallait vivre caché.

Pour être dans mes petits papiers (mes good books), Ronard, parmi ses 335 ac-tivités extraprofessionnelles et autres hobbies (voir GL n° 19, le reportage où la diseuse de bonne aventure lui annonce en regardant sa paume qu’il a « la fourche à projets »), organise régulièrement les

séances du conseil de rédaction à la maison. Cela lui permet d’exhiber notre génial enfant aux autres membres de

la rédaction. Pour moi, ces réunions n’ont eu d’intérêt qu’avec la présence occa-sionnelle de Véro Pipo et Ins-pecteur Pylône, la feminine touch. J’ai ainsi des copines avec qui parler bouquins et slips effet fausses fesses.

Or voilà pas mal de temps que Ronard insiste pour que je ponde quelques lignes sur un sujet qui me tient à cœur (comme les réfugiés). Peu inspirée, j’ai toujours poliment refusé, ne me sentant pas à ma place parmi ces filles et garçons à fortes personnalités.

La dernière réunion du conseil de rédac-tion a été organisée par Mikroutch qui, comme chacun sait, a un bon coup de

fourchette. J’ai failli ne pas venir appre-nant qu’Inspecteur Pylône avait un em-pêchement, même si Ronard m’a rappelé que ce n’était pas la bouffe mensuelle du club des amis de Pylône. Hélas, la gour-mandise est la faiblesse qui me perdra : à l’annonce du lieu (la pizzeria du Jet d’eau) je n’ai pas résisté. Si si, le Jet d’eau est le resto des Eaux-Vives qui me perdra.

Et c’est pendant le repas, devant une salade de carottes sympa, qu’afin de justifier ma présence, je me suis sentie obligée de balancer un sujet. J’ai dit que j’allais écrire sur Ronard. Vaste sujet. Je pourrais vous décrire les dix mille fa-cettes de son bon caractère, les petits tra-vers qui font son charme et ceux qu’il ne montre qu’à moi. Mais je vais vous parler de cette histoire d’amour qu’il entretient avec son journal.

Mon Ronard est un besogneux. Cela fait 12 années qu’il tient comme il peut les rênes de ce journal gratuit que presque personne ne lit. Il se bat contre les em-plois du temps surchargés de tous, et la difficulté universelle d’entreprendre lorsqu’il n’y a pas de contrainte. Il pédale dans la ville histoire de placer à ses quatre coins des caissettes à journaux de 50 kilos qu’il prend encore le temps de remplir au fur et à mesure que la pile diminue. Il rap-pelle à chaque rédacteur bienaimé son délai, et relit, toujours tard dans la nuit, chaque article à la recherche de coquilles.

Vous vous dites sûrement, comme je me le suis souvent demandé, mais pourquoi est-ce qu’il fait ca ? Pas pour la gloire. Pas pour l’argent. Pas même pour l’art. Peut-être au nom de cette forme d’amour, si-nueuse et robuste comme le sont des ra-cines, qu’est l’amitié ? Ca me fait penser à une citation de Brassens tirée d’une lettre à l’un de ses amis : « Tu es l’ami du meilleur de moi-même. » L’entreprise collective afin de se mériter les uns les autres.

Je crois que la réponse est par nostalgie, une autre forme d’amour, qui s’attache au passé, aux rêves d’alors… Chaque nu-méro qui sortira, jusqu’au dernier, quand ils auront plus de cent ans, sera un pont avec les Bruce, Mikroutch, Jéjé, Ptidjoule et compagnie d’il y a douze ans, tous justes sortis de l’adolescence... On dirait presque une chanson de Didier Barbeli-vien. C’est poétique, la nostalgie. Oui, je crois que c’est là qu’on touche à l’essen-tiel : la poésie. Mais on va s’arrêter là, je laisse la poésie à Ptidjoule. ×

Pa r San Kukaï & Sela Bataï

la Vie dU JoUrnal le GeneVoiS liBere

eSt Un aCte d’amoUr

“ On dirait presque une chanson de Didier Barbelivien. C’est poétique, la nostalgie. ”

t e x t e

SGU

i l l U S t r at i o n

Bruce

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6 Le Genevois Libéré

Si VoUS êteS néS entre le 20 oCtoBre et le 12 marS

Vous êtes DAVID CARADINE :Le carré planétaire entre la Ceinture, la Poignée de Porte et la Veuve Poignet vous emmène très loin. Attention vous risquez de manquer d'air.

Si VoUS êteS néS entre le 13 marS et le 10 SePtemBre

Vous êtes JEAN-MARIE LE PEN : L'influence des Chambres dans la Constellation du Gaz vous fera faire des jeux de mots douteux. Risque de problèmes familiaux.

Si VoUS êteS néS le 11 SePtemBre Vous êtes OUSSAMA BEN LADEN : Les Avions dans la région des Tours ne sont pas un signe bénéfique. Attention aux migraines.

Si VoUS êteS néS entre le 12 SePtemBre et le 18 0CtoBre

Vous êtes CHUCK NORRIS : Les Highkicks passant dans la Constel-lation de la Gueule démontre que vous êtes extrêmement violent. Une carrière dans la police s'impose.

Si tU eS né le 19 oCtoBre

Tu es PTIDJOULE : Les Fées en Ber-ceau font que tu es non seulement très intelligent mais aussi très beau et la vie te réussit. Reste chez toi et tout te tom-bera tout cuit dans la bouche.

HoroSCoPe miSantHroPe

Mauvais réveil la bouche pâteuse. Les abus de la veille se font sentir.Mais j'ai réussi à me procurer ce dont j'avais besoin.Il est là.Tout proche.Un 344.Je vais enfin pouvoir accomplir ma mission.Et devenir une légende.Je vais exterminer la vermine.Dans son berceau.Avant qu'elle ne grandisse.Tout est prêt.Ne manque que le bon moment.Je prends une douche froide.Mes idées se remettent en place.Je m'habille.Mets mon trésor dans mon fal-zar.Sa crosse chaude et son canon froid me font me sentir bien.Je me dirige maintenant vers mon objectif.Lentement.Comme dans un rêve.J'arrive les enfants.La faucheuse est là.La Treille.Un dimanche midi.Il est encore un peu tôt.Je m'installe sur un banc près des balançoires.Et m'allonge.Je repense à ce qui m'amène ici.Faire un massacre.Descendre des gosses de riches.Les supprimer dans leur inno-cence.Avant qu'ils ne deviennent cou-pables.Comme leur parents.De diriger la vie des autres.Je m’assoupis doucement.

En tenant la crosse chaudement dans ma main.Sous mon t-shirt.Le canon caché dans mon short.Je la caresse légèrement.Comme un doudou.Puis m'endors.D'un sommeil heureux.C'est une double détonation qui me sort de mon rêve.La première ressemble à un coup de feu.Je regarde rapidement au loin.Un abruti qui regonflait son vélo.À exagérer sur la pompe et le pneu à éclaté.La deuxième est beaucoup plus proche.En entendant la première ma main c'est crispée.Et le coup est parti.Une douleur intense.Dans le bas ventre.Et un jet chaud.Ce qui fût mon service trois pièces.Tombe mollement en bouillie.Sur le sol.Un geyser de sang. Dont l'origine est ma jambe.Asperge les enfants sur la balan-çoire.J’entends des hurlements.Vite je dois en emmener le plus avec moi de l'autre côté.Je me lève.Sort l'arme.Commence à viser.Mais mon bras retombe.Je n'ai plus la force nécessaire.Je m’effondre.Trou noir.J'entends la sirène au loin.Puis le silence total.Le froid m’enveloppe.Ma pensée se fige. ×

eSSai de noUVelle tentatiVe nUmero 1Par aBaraHam PitCHoVSki

Finalement j’écris. Entre un biberon et un caca. Voilà. C’est pas un petit chia-leux qui m’en empêchera. Inspecteur

Pylone se bat contre le trou noir de la ma-ternité, pour vous servir bien-sûr. Mais ça m’a mis des siècles pour en arriver là. Faut dire que l’arri-vée de la chair de ma chair a verrouillé mon temps plus fort qu’un zip de perfecto. C’est un truc de fou. Je répète aux non-initiés : c’est un truc de fou! (Ne vous embarquez pas dans l’aventure de la reproduction sans être averti de ce fait simple : votre vie ne vous appartient plus, vous n’avez plus de vie.)

Cela étant dit, ce n’est pas ce dont je souhaite parler, bien que c’est devenu l’unique sujet de mes préoccupations. Oui, parce qu’avant de démarrer vérita-blement, il faut que je vous dise que l’arri-

vée de la chair de ma chair, qui, soit dit en passant, n’a rien d’un petit chialeux mais ressemble à une boule d’amour illuminée en permanence, a tout changé. Enfin, ce que je souhaite vous expliquer peut-être c’est bien que l’arrivée d’un adorable rejeton est inexorablement horrible et extraordinairement géniale. (Les deux en même temps, oui. Mais probablement plus géniale qu’horrible, puisque j’ai tou-jours envie de retenter l’expérience. Il faut croire que la maternité force à l’ab-

négation.) Cela ne doit pas empêcher les mères de continuer à vivre leur vie. Vivre leur vie… Ne sachant que répondre à cette injonction sociétale forte, j’écris.

Peut-être pour vous prouver que rien ne change, quand bien même la venue d’une chair de sa chair change tout, et par-dessus tout le temps qui s’étiole comme peau de chagrin. Mais pour le meilleur bien sûr, puisqu’il

s’agit somme toute de l’expérience d’une vie comme on dit. Et là encore c’est une injonction sociétale forte, qui, vous en conviendrez, s’inscrit complètement en porte à faux avec la première. Etre mère dévouée, mais continuer sa vie d’avant au risque de sombrer dans la béatitude crasse de la maternité/chien/Renault Espace/jardinet avec balançoires. Ou

alors je n’ai rien compris. Enfin j’essaye de mon mieux là, de vous prouver que j’y arrive. Ou bien ? Bref, ce n’est pas ce dont je voulais parler, comme je vous le disais. Toutefois, avant de rentrer dans le vif du sujet, je me dois de préciser que ces cinq minutes là, que je vous accorde, oh lecteurs du Genevois Libéré, sont prises sur le temps (précieux) que je m’étais réservé à cloper. Entre un biberon et un caca, voilà ce qu’est devenu mon temps pour vous. Donc entre deux injonctions

sociétales fortes, ma vie est devenue l’er-satz d’un citron vite pressé. Et se résume aujourd’hui à la respiration qui subsiste entre une compote et un Pampers, dans la volupté d’une sieste de mon cher et tendre, la chair de ma chair, dans laquelle il a fini par sombrer après mes efforts in-considérés pour l’y faire plonger. Bref, ce temps-là est infiniment cher et je le passe avec vous. Inspecteur Pylône ne vous abandonne pas. Mais.

Tout ça pour vous promettre que ce n’est pas le bambin qui m’empêche de torcher un papier, car je continue ma vie moi ? Ou est-ce moi que je cherche à convaincre ? Bah, ce n’est pas ce dont je rêvais de par-ler. Encore que, sachez-le, le fruit de mes entrailles est la plus belle chose qui me soit jamais arrivée et sur laquelle je puisse écrire. Finalement ce doit être ça que j’es-saye de dire, tout en m’en dérobant.

Faire un enfant est une expérience divine. Elle devrait forcer le respect. Parce qu’il a fallu le sortir, ce rejeton-là, l’amour de ma vie, au prix d’une longue bagarre avec mon corps et mon système de recapture de la sérotonine. Sans anesthésie. Et je n’ai pas honte de dire que je l’aime plus que l’univers et la terre toute entière, même si j’ai les seins qui pendent, trois ou quatre kilos en trop, une fatigue longue comme le tunnel sous la manche.

Donc oui je continue ma vie et je suis une maman dévouée. Impossible ? Probable-ment. Comme je vous le disais, l’arrivée du bébé a tout changé. Et cette nouvelle histoire d’amour me bouleverse tous les jours. Même si cela signifie que, comme Ptidjoule, je ne pondrai plus jamais d’article sensé dans ce foutu canard. J’aurais au moins essayé de vous dire ça. Entre un biberon et un caca. ×

le CHialeUx de ma Vie

t e x t e

Inspecteur Pylône

“ Faut dire que l’arrivée de la chair de ma chair a verrouillé mon temps plus fort qu’un zip de perfecto. ”

Pa r Malsaine

Page 7: Le Genevois Libéré n°23

7 No23 - été 2015

le terme terrorisme est devenu si courant dans les médias qu’il donne l’impression de désigner une réalité claire, et pourtant quand on y regarde de

plus près, on se rend compte que c’est tout le contraire. Le terrorisme est un mot traitre qui, tout en semblant évident, n’a pas de définition unique et universelle. D’après nos dictionnaires et encyclo-pédies, le terrorisme est l’ensemble des actes de violence commis par une organi-sation contre des civils dans un but d’inti-midation politique. Difficile de faire plus général… et le nœud du problème est là. Le terrorisme n’ayant pas de définition précise, il comprend une grande part de subjectivité. Le même acte peut être dé-crit comme un acte de terrorisme ou de guerre ou encore de résistance selon le point de vue qu’on adopte. Plus troublant encore, le même acte peut être considéré comme terroriste à une certaine période historique et comme héroïque quelques dizaines d’années plus tard.

L’exemple de Nelson Mandela est frap-pant : durant les années d’apartheid, alors qu’avec l’ANC, il usait de moyens violents pour combattre la politique légalisée de ségrégation raciale en Afrique du Sud, il fut appelé un terroriste par les USA et le Royaume-Uni. Aujourd’hui, bien sûr, le couplet a bien changé. De terroriste, Mandela s’est mué en héros de la libéra-tion des noirs dans le monde. Tant mieux pour lui et pour sa cause, mais jusqu’à la fin de sa vie Mandela n’oublia jamais ces accusations faites contre lui. Par la suite, il tint à mettre en garde les générations futures contre l’instrumentalisation du mot terrorisme pour éviter que d’autres résistants comme lui soient salis dans leur réputation pour des raisons poli-tiques ou économiques. J’ai été appelé un terroriste hier, dit Mandela, mais quand je suis sorti de prison, beaucoup de gens m’ont

embrassé, y compris mes ennemis. C’est ce que je dis aux gens qui affirment que ceux luttant pour la libération dans leurs pays sont des terroristes.

L’exemple de Mandela montre à quel point la barrière peut être poreuse entre

le terrorisme maléfique et la sainte guerre de libération. Certains terroristes peuvent s’avérer des héros et, inverse-ment, certains héros de la liberté et de la démocratie peuvent s’avérer des terro-ristes. Le grand acteur et humaniste an-

glais, Peter Ustinov, a eu cette phrase fa-meuse en 2003 : « Le terrorisme est la guerre des pauvres, et la guerre est le terrorisme des riches. » Difficile de le contredire. L’exemple de Mandela, de Che Guevara, ou d’autres prouve la première partie de cette cita-tion; l’exemple des Etats-Unis prouve la

seconde chaque jour où ils continuent de tuer, d’enfermer et de torturer des civils innocents.

A Guantanamo, 600 des 779 détenus depuis 2001 ont été relâchés sans charges après des années d’incarcération. Cette

action de garder des civils enfermés pen-dant plusieurs années sans procès ni in-culpation n’est rien d’autre, à mon sens, qu’une prise d’otages. C’est d’ailleurs une des tactiques préférées des terro-ristes, l’autre étant le meurtre en masse de civils innocents. Les Etats-Unis l’em-ploient aussi, sans aucun remords. En effet, depuis 2004, les attaques de drones menées par le gouvernement américain au Pakistan et au Yémen ont tué plus de mille civils. Tout ça pour liquider une quarantaine de djihadistes. Mille pour quarante ? Ça en fait du dommage colla-téral, mais les USA ne sont pas prêts de s’arrêter ni encore moins de s’excuser.

Ce sont essentiellement pour ces deux raisons que beaucoup d’intellectuels majeurs comme Noam Chomsky n’hé-sitent pas à affirmer que la guerre contre le terrorisme menée par les Etats-Unis est en fait une nouvelle forme de ter-rorisme que le reste du monde devrait chercher à stopper. Tout le monde veut lutter contre le terrorisme, dit Chomsky. Eh bien c’est simple : arrêtez d’y partici-

per. Ce serait un début. Ne pas se laisser berner par des termes qui, comme celui de terrorisme, sont utilisés pour instal-ler un climat de peur et de division dans lequel les USA et leurs alliés peuvent faire leur loi sans avoir de comptes à rendre à personne. Si l’on veut vraiment faire face au terrorisme, il faudra oser regarder en face les vraies raisons de l’apparition de groupes tels que l’Etat Islamique et

Al-Qaïda. Pour moi, il y en a deux : l’in-justice et l’inégalité. Le terrorisme est la guerre des pauvres, nous dit Ustinov, et il a raison. Pour l’éradiquer, il faudrait donc chercher à réduire la pauvreté dans le monde, offrir un avenir moins sombre à ces misérables qui préfèrent se sacrifier au nom d’une cause extrémiste plutôt que de continuer à vivre dans leur triste réalité. ×

CHroniQUe d’Un PoÈte imPoPUlaire

C’eSt CelUi QUi dit QUi eSt

“ Certains terroristes peuvent s’avérer des héros et, inversement, certains héros de la liberté et de la démocratie peuvent s’avérer des terroristes. ”

t e x t e

Jeje

i l l U S t r at i o n

Bruce

Addendum :Pour ceux qui ne le sauraient pas, le mot terrorisme a été employé pour la première fois en 1793-1794 en pleine Terreur. Son grand défenseur, Robespierre dit le Sangui-nocrate, entre deux têtes coupées, s’enorgueillissait de l’emploi vertueux de la terreur à des fins démocratiques et patriotiques : La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible; elle est donc une émanation de la vertu; elle est une conséquence (…) de la démocratie appliquée aux plus pressants besoins de la patrie. Le parallèle entre sa façon de penser et la politique des Etats-Unis est des plus saisissants.

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8 Le Genevois Libéré

mes petits lecteurs chéries, Je vais vous parler moi aussi de terrorisme tel ce gauchiste de Jéjé

mais d'un terrorisme beau-coup plus soft et beaucoup plus amusant. Je vais vous narrer dans cette petite en-volée lyrique : le terrorisme culturel que j'ai fait subir à un groupe de rock and roll de mes amis, car il y a peu je suis parti en tournée/vacances avec Marechal, si tu connais pas c'est que t'es pas genevois.

Ayant toujours rêvé d'être une rock star, surtout pour la drogue et les filles de petite vertu, mais étant beaucoup trop occupé à ne rien faire pour avoir le courage d'apprendre à jouer d'un ins-trument de musique, car depuis peu je suis au chômage et putain c'est le pied,

j'ai décidé de vivre une vie de rock star par procuration. Donc j'ai menti aux membres de Marechal en leur vantant

mes gros muscles et mes talents de vendeur de chaussures, et c'est ainsi que je suis parti avec eux dans le grand ouest fran-çais (enfin pas vraiment la France.. : la Bretagne) en qualité de « roadie ». En gros je devais porter le matos avant et après les concerts et vendre le mer-chandising durant ceux-ci, les concerts abruti. Mais étant fainéant et de faible constitution, je me suis contenté de la vente.

Mais passons aux choses sérieuses, à savoir le sexe, la drogue et le rock and roll, j'avais fait pour mienne la devise des roadies : « Tout ce qui est blanc

se sniffe, tout ce qui est rouge se boit et tout ce qui bouge se baise », et bien laissez-moi vous dire qu'en vérité il n'y a pas eu grand-chose qui a bougé, pour le reste nous sommes dans un journal sérieux et je ne pense pas, mes chers petits amours que mes histoires d'or-gies de drogues, d'alcools, de gueules de bois et de descente de speed dans un camion rempli de mâles malodorant vous intéresseraient.

Je vais plutôt vous parler du deuxième objectif de ce voyage, il y quelques temps dans cette belle cité de Calvin,

il n'y avait pas de « Tur-bojugend » - tu sais pas ce que c'est, ça ne m'étonne pas, tu peux toujours utiliser un moteur de recherches quelconque si tu veux en savoir plus, si t'as pas envie, arrête ta lecture, t'es libre mec (ou

meuf ) - et voyant cette lacune cultu-relle, la décision fut prise d'en créer une. C'est laborieux ? Non. Je trouve un peu chiant ce que j’écris présentement, on dirait du Mikroutch, j’abrège, je m'emmerde, il faut dire que c'est quand même le troisième texte que je ponds pour ce putain de journal et que je suis censé en faire encore un après, nom de Dieu ça devient le « Ptidjoule Libéré » ce foutu canard. Bref des Turbojugends il y en a partout et l'idée était d'aller rencontrer les bretons du club.

Bisous les chauves. ×

la rédaCtionRonard : DroopyMikroutch : MorphéeJéjé : Barack al-BaghdadiGros Tony : Le MenhirInspecteur Pylone : La CicciolinaSGU : Nicolas CageOlive : 100% 3dlPtidjoule : Docteur OctopusBruce : Intérieur Queer

Graphisme : giganto.ch

Votre gazette est disponible en caissette à la Petite Reine, à la Barje des Volon-taires et à la librairie Papiers Gras!

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Je GiFle aVeC ma BiteLes Républicains

t e x t e

Ptidjoule

P H oto

Bruce

“ Tout ce qui est blanc se sniffe, tout ce qui est rouge se boit et tout ce qui bouge se baise. ”

PtidJoUle CHez leS BreizH