LE DROIT PRODUIT D’EXPORTATION
Transcript of LE DROIT PRODUIT D’EXPORTATION
UNIVERSITE DE MONTPELLIER I
CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE
MASTER II RECHERCHE : DROIT DU MARCHE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2010-2011
LE DROIT PRODUIT D’EXPORTATION
Par :
Tatiana BOUDISSA
Directeur de recherche :
Vincent CADORET, Doctorant à la Faculté de droit de Montpellier
Co-directeur de recherche :
Vincent CRAPONNE, Doctorant à la Faculté de droit de Montpellier
Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l‟obtention du Master II Droit du Marché
2
REMERCIEMENTS
Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à :
Monsieur Vincent CADORET, doctorant à la Faculté de droit de Montpellier et
directeur de cette étude, pour sa disponibilité, ses précieux conseils, sa patience et pour
la rigueur qu‟il a su m‟imposer tout en me laissant la liberté nécessaire à
l‟accomplissement de ce mémoire.
Monsieur Vincent CRAPONNE, doctorant à la Faculté de droit de Montpellier et co-
directeur de cette étude, pour son accompagnement dans mes recherches, sa
disponibilité, ses précieux conseils et ses encouragements
Monsieur Daniel MAINGUY, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier,
Directeur du Master Recherche Droit du Marché et Monsieur Malo DEPINCE, Maitre
de Conférences à la Faculté de droit de Montpellier, pour la richesse des enseignements
suivis cette année.
Mes parents et mes nombreux frères et sœurs pour tout leur encouragement et leur
confiance. Mes amis, Baptiste, Mathieu, Yann, Lisa pour leur soutien incroyable et si
particulier. L‟ensemble de mes collègues pour m‟avoir soulagé quand il le fallait et
enfin, Gabriel SEGUIER, pour avoir été là et avoir réussi à supporter l‟insupportable.
Et enfin, l‟ensemble de l‟équipe pédagogique et les étudiants du Master Recherche
Droit du Marché de la promotion 2010/2011 qui m‟ont aidée, d‟une façon ou d‟une
autre, à l‟accomplissement de ce mémoire.
3
4
SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE : LA CONVERGENCE ENTRE LES DROITS DES
SOCIETES CONSEQUENCES D’UNE CONCURRENCE LEGISLATIVE
TITRE 1 : LE DROIT DES SOCIETES, UN PRODUIT JURIDIQUE CONCURRENTIEL
Chapitre 1 : L‟émergence d‟un produit juridique estampille droit des sociétés
Chapitre 2 : L‟existence d‟une concurrence législative mondiale entre droit des sociétés
TITRE 2 : L’ECHANGE ENTRE LES PRODUIT « DROIT DES SOCIETES » DANS
UNE VOLONTE CONCURRENTIELLE
Chapitre 1 : L‟emprunt de solution externe par le droit français : l‟exemple de la corporate
governance
Chapitre 2 : Une convergence entre les droits nés d‟une volonté concurrentielle
DEXIEME PARTIE : LES CONSEQUENCES D’UNE CONCURRENCE
LEGISLATIVE POUR OBTENIR UN DROIT CONCURRENTIEL
TITRE 1 : LES DANGERS DE LA CONCURRENCE ENTRE LES ETATS SUR LA
REGLE DE DROIT
Chapitre 1 : La dégénérescence de la règle de droit
Chapitre 2 : L‟absence d‟optimisation de la règle de droit
TITRE 2 : LA NECESSITE D’ENCADRER EFFICACEMENT LA CONCURRENCE
LEGISLATIVE
Chapitre 1 : Les dérives de la concurrence législatives pour le sujet de droit international
Chapitre 2 : L‟insuffisance des règles pour réguler cette concurrence
5
PRINCIPALES ABREVIATIONS
CA Cour d‟appel de Paris
Cass., civ, Cour de cassation, chambre civile
Cass., com, Cour de cassation, chambre commerciale
Cass., crim, Cour de cassation, chambre criminelle
CJCE Cour de justice des communautés européennes
CJUE Cour de justice de l‟Union européenne
IS Impôt sur le revenu
JDI Journal de droit international (Clunet)
LPA Les petites affiches
AJDA Actualité juridique de droit administratif
RTD CIV Revue trimestrielle de droit civil
Rev. société Revue de droit des sociétés
6
INTRODUCTION
1 - La révolution Tunisienne qui a secoué l‟ensemble du monde arable cette
année a provoqué une onde de choc dans le monde entier. De nombreuses causes
peuvent expliquer cette révolution, l‟absence de véritable démocratie par exemple, mais
la véritable raison, le point de départ de cette contestation reste une économie
corrompue. Le rapport Doing Business en 2011, avait cependant placé la Tunisie au 55
ème rang sur 183 ou il fait bon de faire des affaires dans le monde et placé la Tunisie en
tête de l‟Afrique avec son droit des affaires.
Le rapport Doing Business a pour vocation de classer les différents droits des
affaires des Etats, de proposer des réformes et de permettre par la concurrence entre les
droits des différents Etats, l‟exportation de solution considérée comme concurrentiel.
Cela pose de nombreuses questions, tant sur la validité des classements que sur la
validité et l‟efficience de la concurrence législative. Les Rapports Doing Business dès
2004, on donc provoqué une certaines controverse, le droit pouvant désormais être
mesuré, évalué, comme un produit, le meilleur pouvant servir de modèle et s‟exporter
dans les autres Etats.
2 - Le droit, est une notion difficilement définissable, la définition du droit
pour les jus naturalistes est différentes de celle des positivistes, pour qui le droit, est
l‟ensemble des règles en vigueur dans un pays donné à un moment donné. Selon la
théorie de Hans Kelsen, fondateur du positivisme juridique qui tente d‟élaborer une
science du droit en rupture avec le courant jus naturaliste, le droit est une pure technique
au service d‟une volonté politique, chaque règle de droit devant être conforme à une
règle supérieure, fixée dans une pyramide des normes statiques. Les principales
critiques à cette théorie du droit pur, est l‟absence de prise en compte de moral ou de
valeur dans la règle de droit, la règle de droit devant juste être conforme à la norme
7
supérieur. La règle de droit est donc assimilée à la loi, l‟Etat « ayant le monopole
productif de la production du droit »1.
Pour cette étude nous nous rangeons à la théorie positiviste, et considérerons
comme droit l‟ensemble des règles régissant la vie en société et offert au sujet de droit
pour faire valoir leurs prérogatives. Le droit est donc constitué d‟un ensemble de règle
relevant un caractère obligatoire au sujet de droit concerné. Cependant, nous ne nions
pas un aspect moral de la règle de droit, cet aspect peut être décelé dans la volonté de
permettre au sujet de droit de vivre en harmonie, et de faire valoir leur prétention. Le
droit doit permettre un équilibre entre le juste et l‟injuste, « Jurs est ars boni et aequi ».
3 - Le droit étudié est donc le droit en vigueur dans un pays déterminé, et
auquel sont soumis les sujets de droit. Les frontières d‟un pays permettent donc de faire
appliquer le droit, cette barrière naturelle permettant de limiter le pouvoir de l‟Etat.
Cependant, l‟histoire a connu de nombreux bouleversements, qui ont marqué le monde
que nous connaissons aujourd‟hui, un monde ou les peuples sont de plus en plus
proches, les pays reliés entre eux, les frontières rigides diminuant peu à peu au gré des
échanges. Le droit subit lui aussi cette diminution des frontières, les sujets de droit étant
de plus en plus mobile, notamment les sociétés qui ont pleinement pris conscience que
cette mobilité pouvait être un atout dans leur stratégie commerciale. Le droit des
sociétés connait donc de profondes mutations liées à la mobilité de ses sujets de droit,
les acteurs économiques étant devenus un enjeu pour les Etats comme le démontre le
rapport Doing Business qui propose aux Etats une exportation des règles juridiques les
plus efficientes. Cette exportation du droit n‟étant pas un phénomène nouveau et ayant
déjà eu lieu dans l‟histoire.
4 - L‟exportation du droit, sous entend que le droit peut être en mouvement,
que celui peut s‟exporter d‟un pays à l‟autre. L‟exportation est définie selon le Larousse
comme l‟action d‟expédier à l‟étranger des produits nationaux. Le terme étant
1 V. Lasserre-Kiesow, « l‟ordre des sources ou le renouvellement des sources du droit », Dalloz 2006, p.
2279
8
étroitement lié au domaine commercial. De manière plus générale, l‟exportation désigne
le transfert d‟un élément d‟un endroit à l‟autre, à l‟image dans le domaine informatique
de l‟exportation de donnée. Au niveau du domaine du droit, l‟exportation du Droit
correspond à la circulation des droits, circulation qui peut se faire de différents moyens
comme le montre l‟histoire2.
Le premier véritable mouvement d‟exportation du Droit s‟est opéré avec l‟empire
romain qui s‟étendait de l‟Italie à tout le bassin méditerranéen, une partie de l‟Asie,
l‟Afrique et l‟Europe. Les romains parallèlement à l‟expansion de leur territoire, ont
imposé l‟application de leur règle de droit au population conquise. Le processus de
« romanisation » des populations conquises a donc été aussi bien juridique que culturel
et passe par l‟intégration des territoires, des personnes, et des règles dans l‟ordre
juridique romain. La citoyenneté romaine avec toutes les conséquences juridiques que
cela implique va être avec l‟édit de Caracalla en 212 après Jésus-Christ, octroyée à
pratiquement tous les habitants libres de l‟empire romain. L‟empire romain par le biais
de ses conquêtes à donc permis la circulation de son droit au territoire conquis, même si
l‟empire romain admettait le maintien des droits locaux. La redécouverte au Moyen-âge
du droit romain dans différents pays d‟Europe occidental par la découverte des
compilations justinienne en Italie, témoigne donc de cette circulation du droit romain à
travers toute l‟Europe.
Cette circulation du droit par la conquête se retrouve également avec les invasions
barbares, et l‟application sur le territoire occupé d‟un droit tels que le Bréviaire d‟Alaric
ou la loi Salique. La circulation peut donc se faire par la conquête, le vainqueur
imposant sa loi au vaincu, les exemples dans l‟Histoire ne manquant pas. Plus
récemment, la circulation du droit par la conquête s‟est opérée par les ambitions
coloniales des Etats. L‟histoire coloniale depuis la fin du XVIIIème siècle à la Seconde
2 Il ne s‟agit pas ici d‟étudier l‟intégralité des mouvements de circulation du droit d‟un point de vue
historique, l‟étude étant considérable mais plus d‟utiliser les mouvements de circulation du droit dans
l‟histoire pour démontrer et expliquer les différents causes des mouvements. Pour en savoir plus, la
lecture de l‟ouvrage de Jean Louis Halpérin, « Profil de la mondialisations du droit », collection Dalloz,
2009, est conseillée. L‟auteur analyse de manière exhaustive et enrichissante les différents mouvements
d‟échanges entre les droits, et leurs impacts sur les systèmes juridiques que nous connaissons aujourd‟hui.
9
Guerre mondiale, est l‟histoire d‟une domination des puissances occidentales sur les
populations extra-européennes, domination que nous étudierons d‟un point de vue
purement juridique. La colonisation à permis de transporter les droits occidentaux à
travers le monde. Les colonies espagnoles, portugaises, britanniques, ou françaises qui
s‟étaient implantées en Amérique depuis le XVI ème siècle, concernaient des territoire
relativement peu peuplés, les structures politiques indigènes s‟étant effondrées ou non
pris en compte, la transmission d‟élément tangible de l‟ordre juridique n‟ayant pas eu
lieu, les colonisateurs ont imposé leur modèle juridique et leur droit aux populations
colonisées. La seule possible distinction avec le droit continental pouvait être dans
l‟existence de règle particulière aux colonies. Le deuxième temps fort de la
colonisation au XIXème siècle, constitue une circulation du droit différent, les nouvelles
colonies notamment en Asie ayant cette fois leurs propres règles.
Les nouvelles colonisations ne se font plus sur le modèle des anciennes, avec une
évangélisation de la population et l‟exportation de leurs règles juridiques. Les
colonisateurs permettent donc aux colonisés de garder leur spécificité juridique ce qui
se traduit par le recours au statut personnel, tout en étant encadrée cependant par des
règles imposées issu du droit des colonisateurs. Le recours au statut personnel permet
donc de faire respecter le maintien des droits des populations colonisées. L‟un des
nombreux exemples du recours au statut personnel et du maintien de la diversité
juridique se trouve dans le Digest of Hindu Law on contracts and sucessions, voulu par
le juriste William Jones et achevé après sa mort, consacré au droit musulman.
Cependant, malgré le principe proclamé du maintient des statuts personnel, une évidente
pénétration du droit occidental dans les colonies a lieu.
Le droit pénal a été l‟un des premiers droits imposé aux colonisés, les colonies
françaises se voyaient appliquer des régimes dérogatoires, c‟est ce que les historiens
appelle l‟indigénat, à savoir un ensemble de régime dérogatoire imposé aux colonisés.
Le recours au statut personnel pouvait également se voir écarter au nom de principe
juridique supérieur. En matière civile par exemples, les autorités et juridictions
britanniques en Inde, interdisent de brûler les veuves sur le bucher de leur mari en 1819,
leur permettent de se remarier en (1856) et souhaite accroitre la vocation héréditaire des
filles. Les colonies françaises se voient également écarter le recours au statut personnel
au nom de l‟ordre public pour faire écarter l‟application de règles jugés par les
10
occidentaux comme contraire. Pour exemple, le législateur français va intervenir pour
modifier certaines coutumes kabyles, en imposant par exemple la majorité matrimoniale
des femmes à 15 ans, (l‟imposition d‟une majorité matrimoniale ayant également été
imposé en France), le droit aux femmes de divorcer en cas de faute du mari et un droit
successoral limités aux filles. Les systèmes de l‟option de législation et de l‟option de
juridiction permettent également d‟étendre l‟empire de la loi française. Les
colonisateurs ont également imposé dans leurs colonies certaines institutions telles que
la hiérarchie des juridictions civiles et pénales.
5 - La circulation des droits s‟est donc fait majoritairement dans l‟histoire
par la guerre et la conquête. Les vainqueurs gagnant de nouveaux territoires et imposant
leurs lois même si il est vrai certaines spécificités juridiques des populations vaincues
pouvant demeurer. La circulation des droits ne s‟est pas seulement fait de manière
forcée, certains pays acceptant l‟importation dans leur droit, la circulation du Code
Napoléonien en est la preuve parfaite.
L‟adoption de code dans la majorité de pays semble montrer un nouveau
mouvement de circulation du Droit et plus précisément de modèle juridique. Un modèle
juridique, à savoir ici la codification fait partie intégrante du droit et trouve donc toute
sa place dans l‟étude historique des circulations du droit. L‟exportation du modèle du
code Napoléonien à travers le monde est l‟exemple le plus souvent usité lorsque l‟on
traite de l‟exportation du droit. La circulation du code Napoléonien est liée à
l‟impérialisme napoléonien en Europe et également au rayonnement intellectuel du code
dans le monde. Le code civil napoléonien s‟est vu imposé en France ainsi que dans les
divers territoires de l‟Empire napoléonien. Au milieu du XVIIIème siècle et au début du
XIXème siècle d‟autres codifications du droit civil ont vu le jour tels que le Codex
Maximilianeus Bavaricus, Civilis de 1756 ou encore le code civil autrichien de 1811
mais aucun d‟entre eux ont connu le rayonnement intellectuel et l‟importation qu‟a
connu le code civil napoléonien.
Au XIXème siècle certains pays ont importé le code civil napoléonien par
admiration. Pour exemple, la Roumanie en élaborant son code civil en 1864, qui est la
reproduction du code civil français. D‟autres pays ont importé le code civil français, tels
que de nombreuses anciennes colonies espagnoles en Amérique latine. La Bolivie
lorsqu‟elle eu obtenue son indépendance et eu besoin de se doter un droit civil, se
11
tourna vers la France et se dota en 1831 d‟un code civil qui est une simple traduction du
code civil français. D‟autres pays vont adopter un code civil proche du code civil
français ou influencé par ce dernier comme pour exemple, le code Bellot de 1855 au
Chili. Le Québec a également pris pour exemple le code civil français tout comme le
Japon.
La circulation des droits dans l‟histoire revêt donc différentes formes, imposition
par la conquête, réception volontaire, ou encore par imitation. Même si selon la citation
de Paul Valery, « l‟histoire justifie ce que l‟on veut. Elle n‟enseigne rigoureusement
rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout »3, la circulation des droits se
fait encore aujourd‟hui à l‟exemple du code notarial et son exportation en Chine.
6 - Notre sujet traite du droit en tant que produit exportable, l‟exportation
faisant référence à une circulation du droit entre différents Etats. Aujourd‟hui, il existe
encore une circulation entre les droits malgré une apparente pacification du monde. La
circulation du droit par la conquête apparaissant aujourd‟hui obsolète.
Il existe aujourd‟hui un phénomène de convergence indéniable entre les
différents droits des affaires, tels que le droit des sociétés, qui ne peut s‟expliquer par la
conquête d‟un Etat sur l‟autre. Cette convergence peut elle être naturelle et correspondre
à un nouveau stade du droit comme l‟écrivait Condorcet, « Comme la vérité, la raison,
la justice, les droits des hommes, l‟intérêt de la propriété, de la liberté, de la sûreté, sont
les mêmes partout, on ne voit pas pourquoi toutes les provinces d‟un Etat ou même tous
les Etats, n‟auraient pas les mêmes lois criminelles, les mêmes lois civiles, les mêmes
lois de commerce, etc. Une bonne loi doit être bonne pour tous, comme une proposition
craie est vraie pour tous »4 ou cette convergence est liée à une circulation des droits et
s‟explique par une autre raison, plus complexe.
7 - Comment peut-on expliquer les mouvements de convergence entre les
différents droits des sociétés, et quelles en sont les conséquences ?
8 - Notre objectif ici, est d‟expliquer les raison de la convergence entre les
différents droits des sociétés. Pour répondre à cette interrogation, nous utiliserons notre
3 Paul Valéry,
12
propre droit, le droit français des sociétés et nous analyserons les raisons de cette
circulation de règle de droit. La convergence s‟expliquant par la concurrence législative
qui à lieux entre les Etats (Première partie). Chaque Etat voulant un droit des sociétés le
plus attractif possible pour attirer les sociétés, va permettre une circulation des droits, en
empruntant la solution législative qui apparait la plus attractif. Cette volonté d‟obtenir
un droit le plus attractif possible impliquant cependant de nombreuses conséquences sur
le droit des sociétés et le droit en général (Deuxième partie).
13
PREMIERE PARTIE 1 : LA CONVERGENCE ENTRE LES DROITS DES
SOCIETES CONSEQUENCES D’UNE CONCURRENCE LEGISLATIVE
9 - Le schéma mondial est simple, les sociétés en raison de la mondialisation
ne sont plus obligées de rester sur un territoire déterminé pour exercer leur activité. Le
monde leur est ouvert, les droits nationaux des Etats aussi. Un choix leur ai donc
possible et au regard de ce simple choix qui à l‟air si anodin va en découler une
concurrence législative, dont le principal enjeu est d‟obtenir les faveurs des acteurs
économiques.
Pour cela, les Etats vont donc se livrer à une concurrence sur l‟élément capable
d‟attirer les sociétés, leur droit des sociétés, qui va devenir un véritable produit
juridique concurrentiel (Titre 1). Cette concurrence entre les produits droits des sociétés,
va provoquer une convergence entre les différents droits, les Etats vont importer les
solutions apparaissant les plus attractifs pour les sociétés (Titre 2).
14
TITRE 1 : LE DROIT DES SOCIETES, UN PRODUIT JURIDIQUE
CONCURRENTIEL
10 - Le droit des sociétés est un droit propre à chaque Etat et ayant vocation à
s‟appliquer aux sociétés qu‟il régit. L‟Etat va donc vouloir attirer les sociétés mobiles et
pour cela offrir un droit des sociétés répondant à leurs demandes, leurs besoins, en
échange l‟Etat va obtenir le flux financier que va générer la société dans l‟Etat.
Le droit des sociétés va donc être la source d‟une concurrence législative, les
sociétés les mettant en concurrence et les Etats répondant à cette mise en concurrence
en proposant un droit des sociétés le plus apte à répondre à leur demande. Cette réponse
des Etats à la demande des sociétés, s‟apparente étrangement à la réponse des
producteurs sur les marché des biens et services. Le droit des sociétés apparait alors
comme un véritable produit juridique offert aux sociétés (Chapitre 1). Le droit des
sociétés étant un droit disponible, soumis à la volonté des sociétés, va faire l‟objet d‟une
concurrence législative mondiale (Chapitre 2).
CHAPITRE 1 : L’EMERGENCE D’UN PRODUIT JURIDIQUE ESTAMPILLE
DROIT DES SOCIETES
11 - La concurrence entre les produits droits des sociétés des différents Etats
n‟est pas un phénomène ancien. L‟admissibilité d‟un droit en tant que produit est la
conséquence d‟un contexte juridique nouveau (Section 1), ce contexte va permettre
d‟assimiler le droit des sociétés à un véritable produit (Section 2).
15
SECTION 1 : L‟ADMISSIBILITE D‟UN DROIT EN TANT QUE PRODUIT
CONSEQUENCE D‟UN CONTEXTE JURIDIQUE NOUVEAU
12 - L‟existence de la concurrence entre les différents droits des sociétés
permettant d‟assimiler les droits des sociétés à des produits, s‟explique par un contexte
juridique nouveau qui permet ce paradoxisme (Paragraphe 1). La mondialisation ayant
également un impact sur le droit, notre conception classique du droit, qui apparait
dépassé (Paragraphe 2). Ce contexte juridique nouveau et le dépassement de la
conception classique du droit, nous permet alors de dépasser les barrières intellectuelles
forgé par l‟histoire et les auteurs anciens et nous permet de penser le droit comme un
produit.
Paragraphe 1 : Un contexte juridique nouveau permettant ce paradoxisme
13 - « Avant, les évènements qui se déroulaient dans le monde n‟étaient pas
liés entre eux. Depuis, ils sont tous dépendants les uns des autres ». Cette constatation
résume bien, les effets de la mondialisation, phénomène multiple (A), qui tend a
rapprocher les peuples entre eux et touche de nombreux domaines tels que l‟économie
appelé globalisation. Se rapprochement induit de nombreuses conséquences, la
globalisation apparaissant comme créatrice et vectrice de la concurrence législative (B).
A) La mondialisation, un phénomène multiple
14 - La mondialisation est un terme récurent dans la sphère juridico-politique
de ces trente dernières années, c‟est un terme souvent utilisé pour décrire l‟évolution
que le monde a connu. La mondialisation peut être définie comme « l‟expansion et
l‟harmonisation des liens d‟interdépendance entre les nations, les activités humaines et
les systèmes politiques à l‟échelle du monde ». Les politologues John Bayles et Steve
Smith définissent la mondialisation comme « un processus de rapprochement entre les
sociétés, selon lesquels les événements survenus dans un coin de la terre ont de plus en
16
plus de répercussions sur des sociétés éloignées et leurs hommes. Dans un monde
globalisé les événements politiques, économiques, culturels et sociaux sont de plus en
plus imbriqués les uns dans les autres… De toute façon le monde semble se rétrécir de
plus en plus, ce qui entre au fur et à mesure dans la conscience des être humains »5.
La mondialisation est donc un phénomène qui a provoqué un rapprochement entre
les territoires, les individus, les états, les sujets de droit. Les effets de la mondialisation
sont souvent expliqués par les spécialistes, au point que les effets embrassent les raisons
de la mondialisation, dans un tel fusionnement qui ne permet plus de distinguer les
deux. La mondialisation tels qu‟on la connait aujourd‟hui et qu‟on la défini reste
toutefois un phénomène multiple qui trouve son origine dans les innovations qu‟a connu
notre sociétés durant le siècle dernier.
15 - Les racines du phénomène de mondialisation prennent naissance avec
l‟essor des innovations et du progrès techniques tels que l‟accélération des moyens de
transport de passager, de bien et de donnée et dans la diminution des frais de transport
subséquent. L‟essor du transport des marchandises à permis une multiplication des
échanges à travers le monde, chaque état pouvant être relié. L‟essor des moyens de
communication avec l‟apparition d‟Internet et du transfert instantané de masse de
données électroniques à des coins reculés de la terre, à également permis ce
rapprochement entre les Etats au point que certains auteurs parlent de « village
planétaire ».
La mondialisation n‟est pas seulement économique même si la mondialisation
économique demeure la plus étudiée, la mondialisation demeure un phénomène multiple
qui touche d‟autres domaines tels que la culture, ou encore la politique avec le
développement d‟organisation internationale. La mondialisation économique est
appelée aussi globalisation6, fait référence au domaine économique et financier lié à
5 J.Baylis, S. Smith, The globalization of world politics, ( 1997), spec. p. 7.
6 Anglicisme du terme « globalization », sur le débat sémantique entre mondialisation et globalisation,
voir l‟article « mondialisation » sur le site Wikipédia, ou l‟ouvrage « critique de la raison juridique : entre
mondialisation et post mondialisation » de André-Jean Arnaud, LGDJ. Dans le cadre de ce mémoire nous
utiliserons le terme globalisation pour parler de la mondialisation économique.
17
l‟internationalisation des flux financiers et commerciaux, l‟internationalisaition de
l‟économie ou encore l‟implantation à l‟étranger des entreprises.
16 - La mondialisation est un phénomène multiple qui tend à rapprocher les
nations, « en poussant l‟humanité vers plus de mobilité et le dépassement de
frontières »7. La mondialisation ayant un impact tant sur les transports, la technologie,
qu‟elle touche désormais tout les « couches des activités humaines »8. Cette mobilité
exacerbée, cette diminution des frontières dans le domaine économique notamment,
permet donc de qualifier la globalisation de créatrice et de vectrice de concurrence.
B) La globalisation, créatrice et vectrice d‟une concurrence
17 - La globalisation est le terme usité pour décrire le passage d‟une
économie internationale dans laquelle des nations politiquement autonomes assument
l‟organisation de leur espace économique, entretiennent des échanges économique plus
ou moins importants, à une économie mondiale, dans laquelle des nations sont intégrées
à un espace économique mondial qui échappe aux régulations étatiques nationales. Les
nouvelles technologies de l‟information et de la communication accélérant le processus
de dilution des frontières9.
18 - La globalisation a donc permis la diminution progressive des frontières
nationales tant productives que financières. L‟émergence de nouvelle technologie
l‟explosion des échanges et la globalisation de l‟économie à effacer peu à peu
l‟imperméabilité des frontières entre les Etats et à relié les Etats entre eux. Les
individus, les acteurs économiques ont gagné plus de mobilité, chaque Etat apparaissant
moins éloigné l‟un de l‟autre. La notion de frontière apparait de plus en plus poreuse
comme en témoigne ce passage du rapport de la Commission sur la gouvernance
globale, « les avancées technologiques ont rendu les frontières plus poreuse. Les Etats
7J. Basedow, « Vie universelle, droit national ? A propose de la mondialisation du droit », in Mélanges
offerts à X. Blanc-Jouvan, édition société de législation comparé, 2005, p 223 et s. 8 G. Rabu, « La mondialisation et le droit éléments macro juridiques de convergence des régimes
jurdique », Revue international de Droit économique, 2008, p. 335 et s. 9 Définition de la globalisation sur le site de la documentation française,
www.ladocumentationfrançaise.fr.
18
conservent leur souveraineté, mais les gouvernements ont subi une érosion de leur
autorité »10. La globalisation de l‟économie a fait baisser les frontières, les échanges se
sont multipliés tant économique, qu‟entre les individus. Cette diminution des frontières
va favoriser les rapports de concurrence entre les Etats.
19 - Les sociétés vont donc pouvoir se déplacer dans le monde et choisir
l‟Etat de leur implantation, leur présence sur le territoire de leur activité n‟étant plus
essentielle, les sociétés vont se déplacer, ce déplacement ne se faisant pas sans arrière
pensée. En effet, les sociétés ont vite compris l‟intérêt du droit dans leur stratégie
commerciale et vont en se déplaçant tenter d‟obtenir de l‟Etat voisin, ce qu‟elle
n‟obtient pas dans son Etat d‟origine, à l‟image de ses individus quittant leur pays pour
faire fortune. La globalisation de l‟économie qui résulte de l‟internationalisation des
flux économiques et financiers par l‟implantation à l‟international, des firmes
transnationales appelées communément multinationale ou des sociétés « simples », va
créer et être le vecteur d‟une concurrence entre les différents droits des sociétés, donc
entre les Etats, chacun cherchant a attirer les sociétés dans son sillage. La mobilité
n‟étant plus un frein, les sociétés vont choisir alors le droit des sociétés qui leur
convient.
20 - La mondialisation en tant que phénomène multiple, ne se résume pas
qu‟a la simple globalisation de l‟économie et à eu un impact sur la conception classique
du droit qui apparait dépassé.
Paragraphe 2 : Le dépassement d‟une conception classique du droit
21 - La mondialisation en rapprochant les peuples, en diminuant les frontières
à eu un impact sur le droit. La mondialisation a fait éclore de nouveaux producteurs
juridiques et de nouveaux moyens de règlementation qui viennent nous faire repenser le
10
Commision On Global gouvernance, extrait de l‟ouvrage de André-Jean Arnaud, Critique de la raison
juridique, gouvernements sans frontières : entre mondialisation et post-mondialisation, LGDJ, spéc. p. 34.
19
droit. La définition classique du droit concernant sa création (A) ou sa substance (B)
apparait dépassé et nous permet de repenser le droit.
A) Une définition du droit dépassé quand à sa création
22 - La conception classique du droit assimile le droit à l‟Etat. Le droit c‟est
la loi, la jurisprudence, les organes législatifs et judicaires détenteur de l‟autorité de
l‟Etat. La transformation de notre société ces 50 dernières années, a profondément
modifié le mode de création du droit. Un élargissement de la sphère de l‟autonomie de
la volonté qui touche de plus en plus de domaine du droit, la multiplication des sources
du droit nous pousse à repenser le droit. En effet, l‟Etat n‟est plus le seul producteur de
droit. La mondialisation et la globalisation de l‟économie a fait émerger de nouveaux
producteurs normatifs. Même si les Etas restent au cœur des dispositifs internationaux
de production normative, les Etats ne détiennent plus ce pouvoir de manière
monopolistique. D‟autres acteurs de normes apparaissent.
Depuis la fin de la 2nd
Guerre mondiale, de nombreuse institution internationale
ont vu le jour tels que l‟OMC ou encore OCDE. Les organisations internationales
deviennent législatrices en créant des conventions internationales que les Etats doivent
introduire dans leur droit s‟ils le souhaitent. Aujourd‟hui il existe un nombre
impressionnant de convention unilatérale ou bilatérale qui vienne limiter l‟exercice du
pouvoir de l‟Etat. Les conventions internationales ont des buts multiples, notamment
d‟unification comme en témoigne la déclaration universelle des droits de l‟Homme
adopté en 1948 par l‟assemblée plénière de l‟ONU ou encore la Convention européenne
des droits de l‟Homme.
Dans le domaine commercial, de nombreuses conventions ont trait aux contrats
commerciaux internationaux et viennent compléter les instruments privés. A cotés des
institutions, d‟autres producteurs de normes apparaissent. Les opérateurs économiques
privés se sont autorégulés par le biais de code de conduite ou encore par la création de
la lex mercatoria. Les opérateurs économiques par la consécration de l‟autonomie de la
volonté et du contrat vont pouvoir s‟autoréguler et échapper peu à peu au contrôle de
l‟Etat.
20
23 - Aujourd‟hui pour une situation donnée tels que le contrat de vente
international de marchandise, plusieurs droits sont disponibles. La norme matérielles
internationales étatiques tels que la convention de Vienne, des normes matérielles
privées, les Incoterms, des normes de conflits de loi régional ou international,
convention de Rome, des normes matériel et de conflit national. L‟Etat n‟est plus alors
le seul producteur de norme.
24 - Les sujets de droit vont alors pouvoir choisir quand cela est possible
entre plusieurs droits, la conception du droit, assimilable à l‟Etat à la loi demeure
méconnait l‟aspect internationale, cette conception étant dépassé quand à la création
mais également concernant la substance du droit.
B) Une définition du droit dépassé quand a sa substance
25 - Le droit est généralement défini comme l‟ensemble des règles régissant
la vie en société et sanctionnées par la puissance publique11. La sanction de la règle de
droit apparait comme essentielle et déterminante dans la qualification de la règle.
Aujourd‟hui, cette définition apparait comme désuète, la règle de droit ayant
évolué vers une nouvelle forme qualifiée de « soft law » ou « droit mou », qui demeure
cependant du droit, la sanction n‟étant pas une condition de la règle juridique mais une
conséquence de la règle juridique. Cette « soft law » connu dans le droit international,
apparait aujourd‟hui dans les Etats, sous la forme d‟une multitude de code de conduite,
une vingtaine notamment en France12. Ces codes de conduites s‟inscrivent dans la
perspective d‟un ordre « auto-organisé » avançant tous les avantages de souplesse et
d‟adaptabilité. La « soft law » touche également des normes techniques qui concernant
certains produit rends leur application obligatoire, et donc de donner force de loi à des
règles privés, leurs respects étant obligatoire.
26 - Les codes de conduites exemple suprême de la « soft law » formalisent
un certains nombres de principes d‟actions et de normes minimales. Les codes de
11
Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15ème édition. 12
Mireille Delmas-Marty, trois défis pour un droit mondial, édition du seuil.
21
conduites peuvent être conçus directement par les entreprises, il s‟agit des codes de
conduites les plus connus ou, par des ONG ou tout autres organismes proposant des
codes de conduite à la signature de nombreuses entreprises. Les codes de conduites
peuvent être applicables à une entreprise ou plusieurs entreprises. Les acteurs de
l‟entreprise, étant tenus de s‟y soumettre et de les respecter. Ces codes de conduites sont
appelés « droit mou » en raison de l‟absence de contrainte issus de l‟autorité publique,
mais ces codes et les règles qu‟ils proposent relèvent du caractère obligatoire pour les
personnes qui s‟y soumet. La sanction n‟est pas l‟apanage de la règle de droit, ni la
condition mais une conséquence de la règle. Ces règles bien que non édictées par
l‟autorité publique sont sanctionnées en cas de manquement et respectées par les
personnes qui s‟y soumettent. Aujourd‟hui la plupart des entreprises multinationales
sont dotés de code de conduite qui permet aux entreprises de s‟autoréguler.
27 - Le droit évolue donc, la conception classique étant dépassée, le droit
n‟étant plus édicté seulement par le législateur, d‟autres règles de droit apparaissant et
créé par des acteurs privés. Les Etats n‟ont pas cependant vocation à disparaitre, « les
Etats continuent encore de ternir dans la société internationale le rôle cardinal », mais le
droit changent et sa conception aussi. Ces éléments nouveaux qui mettent à mal la
définition du droit et sa prise en considération, nous permet de repenser le droit, et de
surmonter les frontières intellectuelles qui ne permettent pas d‟assimiler le droit à un
produit.
SECTION 2 : L‟ASSIMILATION DU DROIT DES SOCIETES A UN PRODUIT
28 - La définition classique du droit assimilant l‟Etat au seul producteur
normatif et caractérisant la règle de droit comme obligatoirement accompagnée d‟une
sanction, apparait dépassée dans ce contexte juridique nouveau. L‟assimilation du droit
des sociétés à un produit, apparait donc envisageable, les barrages intellectuels étant
dépassés.
Le droit des sociétés produit par les Etats, est un droit disponible, répondant au
plus près à leur besoin, et ayant un cout pour les entreprises (Paragraphe 2). Le droit des
sociétés apparait donc comme un produit (Paragraphe 1) choisi par les entreprises et
soumis à la concurrence.
22
Paragraphe 1 : Le droit des sociétés, un véritable produit pour les entreprises
29 - Un produit est défini comme le résultat d‟une création. Le produit dans
l‟univers économique, s‟assimile au marché des produits, le produit est alors un bien ou
un service répondant à un besoin. Les produits pouvant être substituable entre eux.
30 - Le droit des sociétés peut s‟assimiler à un véritable produit pour les
entreprises, car les Etats le produit dans un but particulier, répondre à leur besoin, en
s‟adaptant continuellement. Pour exemple, en droit français, le droit des sociétés a
connu un nombre conséquent de réforme et à fait l‟objet de nombreux rapport pour le
moderniser, à l‟image du rapport Marini sur la modernisation du droit des sociétés en
199613
. De nombreux autres droit des sociétés dans le monde ont fait l‟objet de réforme,
l‟idée étant de moderniser le droit des sociétés, d‟en faire un outil efficace pour les
entreprises, de répondre au plus près de leur besoin. Le droit des sociétés est donc
produit par les Etats pour les entreprises, pour répondre à leur besoin, afin que celui-ci
soit choisi par lui.
31 - Le droit des sociétés contrairement à d‟autre droit comme celui de la
famille ou le droit pénal, est disponible et soumit à la volonté des sociétés. Les sociétés
vont pouvoir choisir leurs droits des sociétés en décidant de se rattacher dans un Etat
plutôt qu‟un autre, la mobilité des sociétés nous l‟avons vu étant admise. Le
rattachement des sociétés va être étudié plus loin, mais l‟applicabilité du droit des
sociétés par le biais de facteur volontariste va induire de nombreuses conséquences. Le
droit des sociétés s‟il est choisi peut alors être renié, une société peut donc changer de
droit par sa volonté.
13 P. Marini, La modernisation du droit des sociétés, rapport officiel, collection La Documentation
Française, 1996
23
32 - Les différents éléments du droit des sociétés permet donc d‟assimiler le
droit des sociétés à un produit. Le droit des sociétés est le résultat d‟une production des
Etats, celui-ci est produit dans le but particulier de répondre à un besoin, celui des
sociétés. Les sociétés de manière générale, ne sont pas soumises à un droit des sociétés
obligatoire, elles peuvent choisir le droit des sociétés et donc substituer les différents
droits des sociétés entre eux. Ces différents éléments propres au droit des sociétés, sont
aussi caractéristiques d‟un produit.
Il est vrai que le droit des sociétés et particulièrement le droit est difficilement
qualifiable en produit, plusieurs obstacles s‟y oppose selon la définition que l‟on a du
droit et comme nous l‟avons vu cette conception peut avoir ces limites. Une fois
dépassée ces obstacles, le droit revêt tout les caractères d‟un produit à l‟image du
produit, biens et services échangeables. La caractéristique principale d‟un produit à
l‟image des biens et services est la notion de cout, l‟échange ne se faisant pas
gratuitement. Le droit des sociétés rempli également cette condition, il à un cout pour
les entreprises qui veulent s‟y soumettre.
Paragraphe 2 : Le cout du droit des sociétés pour les entreprises
33 - Un produit est le résultat d‟une création et à un prix. Ce prix, ce cout est
à la charge de la personne qui souhaite récupérer le produit. Le droit des sociétés à un
cout qui va être mis à la charge des entreprises. Ce cout correspond au prix
d‟immatriculation et de création du droit des sociétés (A), ainsi que par l‟aspect fiscal
(B). Afin de démontrer l‟existence d‟un cout du droit des sociétés pour les sociétés,
nous utiliserons l‟hypothèse la plus simple, une entreprise souhaitant s‟implanter dans
un Etat. Nous analyserons pas le cas d‟une sociétés multinationales et son implantation
dans différents Etats, le cout existant toujours mais étant plus complexe a étudier.
24
A) Le cout d‟immatriculation du droit des sociétés
34 - Le droit des sociétés est un produit proposé par les Etats aux entreprises
et qui à un prix. En effet, les entreprises lorsqu‟elles veulent s‟implanter dans un pays,
créer une société doivent se soumettre au droit des sociétés et à fortiori à ses règles.
L‟un des couts du droit des sociétés qui doivent être supporté par les
entreprises, est celui des frais liés à la création de la société. En effet, dans chaque Etat
et dans chaque droit des sociétés, il ne suffit pas de créer une société pour que celle ci
existe et soit soumis au droit des sociétés. Des formalités plus ou moins contraignantes
existent avec des coûts variables.
35 - En droit français, une société ne peut pleinement avoir la personnalité
morale sans l‟accomplissement de formalité prévue par le code de commerce dont
notamment une immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Cette
inscription se fait au greffe du tribunal de commerce et le cout est d‟environ une
centaine d‟euros. On doit rajouter à cette somme, la publication d‟une annonce dans un
journal d‟annonce légale qui est aux alentours de 150 €. On constate donc que le droit
des sociétés français à un cout pour l‟entreprise souhaitant s‟immatriculer et bénéficier
du droit des sociétés. Ce cout d‟immatriculation est le prix d‟achat du droit, le cout
pouvant s‟allonger durant la vie de l‟entreprise. Les différentes formalités prévues par le
droit des sociétés durant la vie de l‟entreprise, peuvent également avoir un cout qui est
supporté par les acteurs économiques tels que les modifications statutaires.
Le droit français des sociétés n‟est pas le seul à imposer des couts
d‟immatriculation et de création. Au Royaume-Unis, une société est soumise à plusieurs
couts, allant de l‟immatriculation aux différentes publications obligatoires. Le cout
d‟immatriculation est 27, 86 € ou de 111, 45 € si l‟immatriculation à lieu le jour même.
Aux Etats-Unis, le droit des sociétés imposent également un cout quant à sa création et
son immatriculation, tout comme au Canada, le cout d‟immatriculation étant de 179 €.
36 - Le rapport Doing Business qui depuis 2004 étudie les différentes
législations à travers le monde pour mettre au point un palmarès du pays où il fait le
plus « bon de faire des affaires », prend comme indice dans son classement le cout de la
25
création des sociétés. En 2011, toujours selon ce rapport le cout moyen d‟une société
dans le monde est passé de 86% à 41% du revenu par habitant. Le rapport Doing
businness prend également un autre indicateur pour mesurer l‟endroit ou pour une
société il fait le bon de vivre, la fiscalité qui s‟apparente réellement en raison de
l‟important du cout pour les entreprises, au prix du produit juridique « droit des
sociétés », un prix qu‟elle paye sur du long terme.
B) L‟impact fiscal du droit des sociétés
37 - Le droit des sociétés à un cout fiscal pour les entreprises qui passe
notamment par l‟impôt sur les sociétés et différentes taxes afférentes. En effet, les
sociétés qui génèrent des bénéfices sont dans la majorité des pays du monde soumis à
un impôt, qu‟on appelle impôt sur les sociétés et qui a pour assiette les bénéfices ou
l‟excédent brut des bénéfices des entreprises. Une société lorsqu‟elle a accompli les
formalités d‟immatriculation prévues par l‟Etat, va être soumise à un impôt pour ses
bénéfices. Le taux d‟impôt sur le revenu, tout comme l‟assiette dépend de chaque Etat,
le choix d‟un droit des sociétés à donc des conséquences fiscales pour la société, l‟impôt
sur le revenu peut s‟apparenter à un cout, qui va être payé sur le long terme.
38 - L‟impôt sur les sociétés est un cout pour les sociétés, qui a fait l‟objet de
nombreuse étude comparative pour que les entreprises puissent choisir le cout le moins
élevé14, nous prendrons l‟exemple de trois Etats puissant, la France, les Etats- Unis et le
Royaume-Uni, chaque Etat ayant une imposition propre, une étude complète ne peut
être effectuée ici15
.
En France, cet impôt sur les sociétés ou IS est à la charge de toutes sociétés de
capitaux, à savoir principalement des sociétés anonymes (SA, SAS), des sociétés à
responsabilité limitée (SARL), des sociétés en commandite par action (SCA), les
14
Rapport KPMG 2010, 15
Pour approfondir le sujet, il est conseillé au lecteur de lire les rapports KPMG relatif aux différents
impôts sur les sociétés qui dresse un état des lieux mondial des différentes taxes subies par les sociétés.
26
sociétés d'exercice libéral (SEL, SELARL…) .D‟autres sociétés peuvent également être
soumises à l‟IS en raison de leurs activités. En effet, certaines personnes morales sont
imposées même si elles n'appartiennent pas aux sociétés de capitaux. C'est le cas des
sociétés civiles qui ont une activité industrielle ou commerciale et des associations
réalisant des opérations lucratives. Enfin, les sociétés de personne telles que les SNC
sont elles aussi soumises à une taxe par le biais de l‟impôt sur le revenu sauf si les
associés optent pour une taxation au titre de l‟IS16.
Cet impôt sur les sociétés est un impôt annuel qui touche l‟ensemble des bénéfices
réalisés en France par les sociétés et autres personnes morales. En France, contrairement
aux règles en vigueur dans l‟ensemble des autres pays de l‟Union européenne qui
appliquent le régime de bénéfice mondial, seuls sont passibles de l‟IS les bénéfices
réalisés dans les entreprises exploitées en France, quelle que soit leur nationalité. Par
conséquent les bénéfices réalisés par une société française dans des entreprises
exploitées à l‟étranger ne sont pas soumis à l‟IS français, mais une société étrangère est
imposable à l‟IS à raison des bénéfices tirés des entreprises qu‟elle exploite en France.
L‟impôt sur les sociétés aux Etats-Unis qui est un Etat fédéral se situe tant au
niveau fédéral que fédéré. Les sociétés constituées sur le territoire des Etats-Unis sont
redevables de l‟impôt fédéral sur l‟ensemble de leurs bénéfices de provenance
américaine ou étrangère, les résultats des succursales étrangères sont donc inclus dans le
résultat imposable aux Etats-Unis. Les Etats fédérés peuvent également imposer les
bénéfices des sociétés par le bais d‟une taxe locale mais ces derniers sont déductible
pour le calcul de l‟impôt fédéral.
L‟impôt sur les sociétés au Royaume-Uni concerne toutes les sociétés résidentes
au Royaume-Uni c‟est-à-dire qu‟elle se soit immatriculé ou si sa gestion centrale et son
contrôle y sont exercés. L‟impôt sur les sociétés comprend comme assiette tous les
bénéfices, y compris les plus-values en capital. Si une société paie des impôts sur des
bénéfices réalisés à l‟étranger, elle bénéficie d‟un crédit d‟impôt correspondant à
l‟impôt payé à l‟étranger à valoir sur l‟impôt britannique en cas d‟accord de double
imposition avec le pays ou le bénéfice à lieu.
16
Article du CGI
27
39 - La taxation des bénéfices sur les sociétés est donc admise dans les trois
pays étudiés, mais également dans de nombreux pays du monde, seul change l‟assiette
d‟imposition. L‟assiette d‟imposition de l‟impôt sur les sociétés est différente d‟un Etat
à l‟autre mais un trait commun demeure, le taux d‟imposition des revenus de la société
dans le monde est aux alentours de 23,45%.
Le taux d‟imposition pour les revenus des sociétés en France est de 33, 33 % en
générale mais certaines entreprises ont un taux réduit de 15% pour les 38 120 premiers
€ pour un chiffre d‟affaire hors taxes inférieur à 7 630 000 € au cours de l‟exercice
concerné, dont le capital a été entièrement libéré et qui sont détenues à plus de 75% par
des personnes physiques. De plus, toutes les sociétés françaises (sauf exception prévu à
l‟article 223 septies à 223 nonies du code général des imports) se voient soumettre une
imposition forfaitaire annuelle en fonction du chiffre d‟affaire. Une contribution
additionnelle de 3% est également imposée aux personnes morales soumises à l‟IS sauf
pour les collectivités sans but lucratif. Enfin, une contribution sociale 3,3% pour
permettre le financement de la sécurité sociale est due par les sociétés soumis à l‟IS
pour le taux normal de 33, 33 % et dont le montant ne dépasse pas 763 000 €.
Les Etats-Unis ont eu un taux en moyenne de 40% d‟imposition de manière
générale pour les sociétés. Les Etats-Unis ont également un système de taux marginal
d‟imposition par palier, applicable aux revenus imposables pour les sociétés. Le taux le
plus élevé étant de 35%. Les taxes locales varient entre 1 et 12%. Le taux effectif net est
approximativement de 40% mais il peut varier et les Etats unis ont également un impôt
minimum de remplacement autour de 20%.
Le Royaume-Uni à un taux d‟imposition de 21% pour les sociétés dont le profit
est inférieur à 1 millions d‟euros. Au-delà, le taux imposable varie progressivement
allant jusqu‟à 28%. Le taux d‟imposition des revenus de la société est donc différent
d‟un pays à l‟autre, la société qui s‟immatricule au Royaume-Uni, va donc voir ses
revenus taxés à hauteur de 21%, tandis que celle immatriculé en France et exerçant son
activité en France va voir ses revenus taxés à hauteur de 33, 33%. Le cout variant du
tout au tout.
40 - Certains Etats, qualifiés de paradis fiscaux, ont un taux imposition de 0%
est donc un cout pour les entreprises quasi nul comme c‟est le cas pour les Bahamas ou
28
encore les iles Caïmans. Selon le rapport Doing business 2011, les deux Etat ou il est le
plus favorable de faire des affaires sont Singapour et Hong-Kong qui à un taux
d‟imposition en dessus de 20% à savoir respectivement 17% et 16,5%. Le cout fiscal à
donc un intérêt pour les entreprises, qui vont le regarder, le comparer, à l‟image du
consommateur qui compare le prix des biens de consommation.
41 - Le droit des sociétés à donc un cout pour les entreprises qui veulent
l‟appliquer, ce cout étant variable. Conjugué cet élément aux différentes caractéristiques
du droit des sociétés, il apparait que le droit des sociétés tels que la globalisation de
l‟économie et la mondialisation nous permet de l‟analyser, rejoint les différentes
caractéristiques du produit. A l‟image du produit sur le marché des biens et service, le
droit des sociétés va faire l‟objet d‟une concurrence mondiale entre les différents Etats.
29
CHAPITRE 2 : L’EXISTENCE D’UNE CONCURRENCE LEGISLATIVE
MONDIALE ENTRE DROIT DES SOCIETES
37 - La concurrence peut être définie comme une « compétition »,
compétition que vont se livrer les protagonistes mis en concurrence. Le droit des
sociétés est un produit crée par les Etats, qui vont le mettre à disposition des sociétés.
Cette mise à disposition, ce choix laissé au société va provoquer une concurrence entre
les différents Etats concernant leur produit, l‟idée étant d‟obtenir un produit juridique
concurrentiel, attractif. Le rapport Doing Business est l‟exemple parfait de la mise en
œuvre
38 - de cette concurrence entre les produits « droit des sociétés » (Section 2),
la concurrence entre les différents droits des sociétés étant admise en raison de leur
nature particulière (Section 1).
SECTION 1 : L‟ADMISSIBILITE D‟UNE CONCURRENCE ENTRE PRODUIT
DROIT DES SOCIETES
39 - La concurrence entre les différents droits des sociétés s‟explique par la
disponibilité de ce droit, le rattachement des sociétés à un Etat et un droit étant le fruit de la
volonté des fondateurs (Paragraphe 2). Cette concurrence entre les produits de droit a fait l‟objet
de nombreuses études, les tenants de la Law and Economics, courant de pensée américaine,
l‟admettant théoriquement (Paragraphe 1).
Paragraphe 1 : L‟admission théorique d‟une concurrence entre produit de droit
40 - L‟analyse économique du droit est issue d‟un courant de pensé américain
appelé Law and Economics, qui a émergé autour des années 50. L‟analyse économique
du droit a pour objectif d‟analyser la loi en utilisant des mécanismes propres à
30
l‟économie. Concernant la concurrence juridique largement mis en avant par l‟AED,
celle-ci peut se définir comme « un mode de relation entre offreurs de droit reposant sur
certaines hypothèses et induisant certaines conséquences sur le produit offert, elle
semble se définir essentiellement par analogie avec la concurrence économique »17.
Deux théories concurrentes portant sur la concurrence juridique ont émergé,
admettant toutes deux la concurrence entre produit de droit par analogie à la
concurrence des biens et services sur le marché. La première est développée dans le
cadre de l‟analyse économique du fédéralisme, l‟auteur étant Charles Tiebout (A) et
son fameux « vote par les pieds ». La seconde, plus récente analyse la concurrence entre
les différents systèmes juridiques d‟un point de vue comparatiste et par le biais de
l‟analyse économique du droit. Cet article de 1999 d‟Anthony Ogus (B) ayant été très
remarqué.
A) L‟analyse de la concurrence juridique de Charles Tiebout
41 - L‟une des plus fameuses théories de concurrence appliquées aux règles
juridiques est celle de Charles Tiebout18, économiste et géographe américain. Sa théorie
très critiquée fut largement complétée par la suite. Charles Tiebout dans son analyse va
étendre à la concurrence entre règle juridique, un modèle inspiré de l‟économie
publique locale appliqué à l‟offre de biens publics locaux par des juridictions
géographiquement définies.
Cette analyse repose sur l‟idée d‟une concurrence horizontale entre juridiction.
L‟objectif de ces juridictions est d‟attirer des résidents, par le biais de panier associant
certaines structures fiscales à certains biens publics locaux, considéré comme procurant
un avantage aux contribuables résidents. Mobiles, les agents économiques peuvent alors
17
J-S Bergé, S Harnay, « Concurrence entre règles juridiques et construction européenne : a propose de
l‟analyse économique du droit », in Melanges en l’honneur de Michel Bazex, Droit et économie,
interférences et interactions, Litec, p 15 et s. 18
C.Tiebout, “A Pure Théory of Local Expenditure”, Journal of Political Economy, 1956, n°64, p.416 et
s.
31
« voter avec leurs pieds »19, se déplaçant vers la juridiction offrant le panier qui
correspond le plus à leurs besoins. Par conséquent un équilibre en biens publics locaux
peut alors être atteint. Les gouvernements locaux se concurrençant sur leur offre vont
aboutir à un niveau particulier d‟offre de services, les consommateurs se regroupant en
fonction de leurs préférences. Ce système, selon Charles Tiebout va permettre la
satisfaction maximale des agents et le maintien de la diversité de l‟offre. Selon lui,
« plus le nombre de communautés et la variante entre elles sont importantes, plus le
consommateur va être proche de la pleine réalisation de ses préférences »20
.
42 - Cette théorie économique du fédéralisme proposée par Charles Tiebout,
tente de répondre au problème posé par l‟analyse du public choice sur le dévoiement du
processus législatif en raison de la captation du législateur par des lobbies. Le
législateur est donc ici dissuadé de céder au lobbying en adoptant des lois inefficiente
pour ses contribuables qui s‟ils se sentent lésées voteront avec leurs pieds. Par
extension, les législateurs peuvent rivaliser pour attirer une nouvelle clientèle mobile
génératrice de revenu, en innovant afin de mieux satisfaire leurs préférences. Le choix
opéré par les acteurs privés, regulatory arbitrage, entre les différents ressorts législatifs
va orienter le contenu des législations adoptées et pousser a l‟inventivité législative tout
en disciplinant les gouvernements.
43 - Appliqué à la concurrence juridique, cela consiste à considérer les règles
comme des produits, et qu‟une demande existe pour ces produits, par conséquent les
Etats vont vouloir satisfaire cette demande par leur production juridique car les
législateurs refusent de perdre leurs consommateurs qui sont mobiles. Par conséquent la
pression concurrentielle conduit les gouvernements à offrir leurs produits juridiques à
des prix concurrentiels. Apparait alors une analogie entre une concurrence par les prix
qui discipline les producteurs de biens privés à l‟avantage des consommateurs et une
concurrence juridique qui discipline les gouvernements au bénéfice des consommateurs
de produits législatifs, produit s‟adaptant le plus à la demande. La concurrence conduira
19
Expression utilisée par l‟auteur
20 C. Tiebout, préc. cit.
32
naturellement à une spécialisation des juridictions, chaque législateur s‟efforçant de
répondre au plus près aux besoins des catégories qui se regroupent dans son ressort. Les
opérateurs économiques se répartissant ainsi selon leurs préférences et maintenant le
pluralisme juridique selon les tenants de cette thèse.
44 - Cette analyse très innovante, ne fut pas sans critique, les principaux
détracteurs de cette thèse, la considèrant comme utopique car, « le vote par les pieds »
ne pouvant avoir lieu qu‟en présence d‟une mobilité parfaite. En effet, la compétition ne
peut exister que si les acteurs privés ont un véritable pouvoir de sortie et sont informés
des offres des autres Etats. Aujourd‟hui, avec l‟essor des moyens de communications,
les opérateurs économiques ont pleinement conscience du choix qui leur ait offert.
Prenons comme exemple, l‟impôt sur les recettes fiscales des sociétés, les rapports
KPMG du cabinet d‟audit, d‟expertise comptable et de conseil permet d‟avoir une
vision globale de la fiscalité de nombreux Etats. De plus, même si la mobilité n‟est pas
sans entrave, ou qu‟il existe des couts liés à cette mobilité, si une entreprise qui paye 10
doit pour payer 5, avoir un cout de 2, elle choisira de payer 7 une fois puis 5 après que
10 continuellement. L‟analyse de Charles Tiebout admet donc l‟existence d‟une
concurrence entre les produits juridiques, cette concurrence ayant des vertus salvatrice
sur la règle de droit.
45 - L‟analyse de Charles Tiebout fut approfondie par celle d‟Anthony Ogus
qui alla plus loin en tentant d‟expliquer l‟impact de la concurrence juridique sur les
droits concurrencés d‟un point de vue comparatiste. Cette thèse permettant d‟expliquer
la convergence entre les droits concurrencés.
B) Analyse de la concurrence juridique d‟Anthony Ogus
45 - Anthony Ogus en 1999 écrit un article très remarqué et intitulé
« Compétition between National Legal Systems : A Contribution of Economic Analysis
to Comparative Law »21. Dans cet article Ogus revient sur la théorie d‟Ugo Mattei en
21
A. Ogus, « Competition between National Legal Systems: A Contribution of Economic
Analysis to Comparative Law », International and Comparative Law Quarterly, 1999, p. 48 et s.
33
l‟explicitant. Dès les années 1990, Ugo Mattei s‟était interrogé sur l‟apport de l‟AED
dans l‟univers du droit comparé. Selon lui, l‟AED permet d‟expliquer l‟impact de la
concurrence sur la règle de droit et les mouvements entre les différents droits. Il n‟est
pas opportun ici de traiter de l‟impact de la concurrence mais de l‟affirmation qu‟il
existe bien une concurrence entre les produits de droits qu‟ Ogus qualifie
d‟ «homogène » ou d‟ « hétérogène ».
46 - Ogus dans son article, part de la constatation que sur le marché des biens
et services, les fournisseurs de produit se concurrence les uns des autres, les
consommateurs ayant le choix entre les différents produits. Ogus énonce que ces
constatations peuvent s‟appliquer à l‟offre de droit au sein même d‟un seul Etat, la
concurrence pouvant exister entre les pouvoirs exécutifs, législatifs ou judiciaire. Mais
ce qui nous intéresse dans le cadre de ce mémoire et dans l‟article d‟Ogus sont les
interactions entre les systèmes juridiques qui vont créer une compétition externe pour
l‟offre de droit.
Les acteurs privés sur le marché international s‟ils trouvent que leur système
juridique national leur impose des coûts plus élevés, comparés à ceux de leurs
concurrents étrangers opérant sous un autre Etat vont faire pression sur leur législateur
afin de faire réduire les couts, pour cela, ils utiliseront la menace de la migration vers
l‟Etat le plus favorable. Les législateurs vont donc offrir des produits juridiques
concurrentiels afin de répondre à la demande des acteurs privés. De plus, selon Ogus,
les pays dépendant du commerce international vont vouloir attirer les firmes des autres
pays et des sociétés multinationales par des produits législatifs attractifs afin de
récupérer l‟investissement créé par les multinationales.
45 - La concurrence entre les systèmes juridiques va avoir un impact sur le
contenu du droit, car à la demande des acteurs du marché, les législateurs nationaux
vont comparer leurs propres produits juridiques avec ceux disponibles dans les Etats
concurrents, et adapter leurs produits en fonction de la demande. L‟adaptation des
produits en fonction de la demande se faisant de deux manière au regard de la nature du
produit.
; A. Vellez,, Traduction et analyse de l’article A.Ogus, mémoire rédigé sous la direction de M.
Craponne et qui a servi pour l‟élaboration de ce mémoire.
34
46 - Cet article d‟Anthony Ogus à deux effets. Le premier est de démontrer
l‟existence d‟une concurrence entre les produits de droit des différents systèmes
juridiques. Et là, ou il se distingue du modèle de Tiebout, est dans son analyse de la
répercussion de cette concurrence sur le droit. Les produits juridiques en raison d‟une
concurrence vont aboutir à une convergence, convergence identique à celle que l‟on va
étudier dans le droit des sociétés.
47 - Ces deux théories admettent la concurrence législative pour des produits
juridiques qui peuvent être soumis à concurrence, c‟est-à-dire qui peuvent faire l‟objet
par les acteurs privé de choix. L‟acteur privé pouvant s‟il le faut choisir le produit
juridique de l‟Etat voisin en raison de sa mobilité. Ces théories admettent donc la
concurrence législative entre les produits juridique, le choix des produits devant se faire
de manière volontaire. Le droit des sociétés correspondant aux conditions posées dans
ces deux théories.
Paragraphe 2 : L‟admission de la concurrence par le choix de facteur volontariste : le
choix du rattachement des sociétés
48 - La concurrence entre les droits ne peut exister que si ces droits sont
soumis à la volonté de leur sujet, ceux-ci pouvant passer d‟un droit à l‟autre. Le droit
dont donc être soumis à un facteur volontariste, comme le droit des sociétés. La
nationalité d‟une société dépendant du libre choix du rattachement à un Etat (A), ce
libre rattachement permettant de choisir librement la loi applicable à la société (B).
A) Le libre choix du rattachement de la société concernant la nationalité
49 - Les acteurs économiques peuvent désormais grâce à l‟essor des moyens
de communications et des transports s‟implanter dans différents pays. Des entrepreneurs
français ou américains, peuvent choisir de créer leur société et de l‟immatriculer dans
un autre pays, l‟obstacle du territoire étant désormais inexistant. Le rattachement de la
société est un acte important car il permet de déterminer la nationalité de la société (1),
35
nationalité qui est déterminé par des critères de rattachement volontariste(2). Un choix
est désormais offert quand au choix de la nationalité de la société.
1) L‟existence de la nationalité des sociétés
50 - La nationalité est une notion classique élaborée pour les personnes
physiques et la transposition aux personnes morales à été difficile et à fait l‟objet d‟un
vif débat doctrinal22(a). En effet, contrairement à la personne physique, la détermination
de la nationalité pour les personnes morales doit forcément faire abstraction de certains
critères classiques liés à la détermination de la nationalité des individus tels que la jus
sanguinis. Cependant, la nationalité des sociétés a été affirmé tant par la jurisprudence
que la loi et devient alors incontestable (b).
a) Une naissance controversée
51 - L‟admission d‟une nationalité pour les sociétés a divisé la doctrine entre
les partisans du oui et les partisans du non.
Les figures de proue de cette doctrine est MM. Salem23 et Léon Mazeaud24 qui
considèrent que les personnes morales sont plus qu‟une simple création intellectuelle,
mais une réalité indépendante des individus qui la composent. La société en obtenant
une personnalité morale devient un sujet droit à l‟image des personnes physiques, elles
aussi sujet de droit. La nationalité apparaissant alors de facto. Pour M. Mazeaud, les
personnalités morales ne sont pas des simples fictions et par conséquent, en raison de
l'existence d'une personnalité juridique morale, indépendante de la personnalité
22
Y. Loussouarn, Nationalité des sociétés, fascicule 564-10, JurisClasseur Droit international. 23
MM. Salem, « La question de la nationalité des sociétés et les intérêts français à l'étranger », JDI 1919,
p. 23 et s. 24
L. Mazeaud, « De la nationalité des sociétés », JDI 1928, p. 30 et s.
36
juridique individuelle des associés, le concept de nationalité est applicable aux
personnes morales.
D‟autres auteurs, afin de faire admettre le concept de nationalité aux sociétés, ont
avancé un argument pragmatique. En droit international, les conventions internationales
lorsqu‟elle parle de français ou d‟étranger, ne distinguent pas entre les personnes
physiques et les personnes morales quand elles parlent de « français » et « d‟Etranger ».
Le rejet du concept de nationalité poserait alors des problèmes en droit international.
52 - La doctrine favorable à la nationalité des sociétés trouva des
contradicteurs en raison de la fictivité de la personne morale. L‟auteur le plus virulent
dans le rejet du concept de nationalité pour la personnalité morale est Niboyet25. Pour ce
dernier, la nationalité est un rapport politique entre l‟individu et l‟Etat et il ne peut
exister avec une personne morale qui est une simple entité juridique. Niboyet se refuse à
admettre une extension qui reviendrait à dire que la France, par exemple, se compose de
Français personnes physiques, et de sociétés françaises composées des premiers. Cela
reviendrait, pour le moins, à compter deux fois les mêmes et à augmenter fictivement le
nombre des nationaux. D'autre part, considérant la société comme un contrat de droit
privé, Niboyet ne voit pas comment il pourrait donner naissance à un être doté d‟une
nationalité. Niboyet compare pour affirmer son opinion la manière dont la nationalité
est admise entre une personne physique et une personne morale. Pour les personnes
physiques chaque Etat attribue souverainement sa nationalité mais ne peut attribuer une
nationalité étrangère selon ses propres critères contrairement lors de la détermination de
la nationalité des sociétés. Pour Niboyet, les sociétés n‟ont pas de nationalité mais plus
une allégeance vis à vis d‟un Etat. Les arguments de Niboyet à conduit de nombreux
auteurs à nier le concept de nationalité des sociétés
53 - Cette doctrine qui refuse l‟admission du concept de nationalité nie
l‟impact économique des sociétés dans un Etat. La société lorsqu‟on lui octroie une
nationalité va pouvoir agir dans la vie économique et nouer des relations avec des tiers.
La doctrine moderne admet l‟utilisation du concept de nationalité, car ce concept de
nationalité ne peut être identique à celle des personnes physiques. La nationalité des
sociétés va permettre d‟exprimer la relation privilégiée de la société avec un État en vue
25
J-P Niboyet, « Existe-t-il vraiment une nationalité des sociétés ? », RDIP 1927, p. 402 et s.
37
de protection diplomatique et de jouissance des droits. Le concept de nationalité résolve
plus de problème qu‟il n‟en pose, il a donc admis rapidement de manière incontestée.
b) L‟affirmation incontestée de l‟existence d‟une nationalité des sociétés
54 - La jurisprudence a admis très tôt le concept de nationalité applicable au
droit des sociétés. En effet, dès 1870, la jurisprudence a admis que les sociétés étaient
soumises à leur loi nationale ce qui revenait à admettre implicitement mais
nécessairement qu‟elles eussent une nationalité. Cette solution fut explicitée par le
tribunal civil de Nancy dans un jugement du 16 avril 1883 qui énonce, « attendu qu‟une
société commerciale constitue un être moral distinct de la personnalité des associés ;
que par suite, elle a sa nationalité propre, de même qu‟elle a son patrimoine propre et
indépendant du patrimoine personnel de ceux-ci »26. Cet attendu montre avec netteté
l‟admission par la jurisprudence des idées appartenant à la doctrine favorable à la
nationalité des sociétés.
Cependant, la jurisprudence a opéré un léger recul dès 1950. En effet, lorsque les
juges ont dû se prononcer sur le bien-fondé de l‟application de la nationalité aux
sociétés, les juges se sont montrés très prudents27. L „attendue de l‟arrêt du tribunal des
conflits du 23 novembre 1959 témoigne bien de cette prudence, « La nationalité des
sociétés, qui n'est définie par aucun texte général dont l'application ressortirait à la
compétence de l'autorité judiciaire ne peut être déterminée qu'au regard des dispositions
législatives ou réglementaires dont l'application ou la non-application à la société
intéressée dépend du point de savoir si celle-ci est ou n'est pas française. En
conséquence, la question de la nationalité d'une société doit être tranchée par la
juridiction qui a compétence pour connaître de l'action à l'occasion de laquelle elle est
soulevée et ne saurait, lorsqu'elle se pose devant une juridiction administrative,
26
Tribunal civil de Nancy, 15 avril 1883, Jurisclasseur fasicule 564-10 n°82 27
Tribunal des conflits, 23 novembre 1959 : JCP G 1960 II, 11430, note Aymond.
38
constituer une question préjudicielle, imposant à ladite juridiction l'obligation de
surseoir à statuer ». Parallèlement l‟expression « nationalité des sociétés »à continué à
être utilisé par la jurisprudence, notamment par l‟assemblée plénière de la Cour de
cassation28 et également par de nombreux textes législatifs dont notamment la loi du 24
juillet 1966 à l‟article 3, 31, 60 et 15429 ou encore l‟article 1837 du code civil30.
55 - Le concept de nationalité des sociétés est aujourd‟hui largement admis
même si aucun texte ne mentionne clairement que les sociétés ont une nationalité
propre. La nationalité étant déterminée selon certains critères, le siège social, élément de
rattachement soumis à la volonté des fondateurs.
2) Les critères de détermination de la nationalité des sociétés
56 - Le rattachement volontaire d‟une société à un Etat permet d‟octroyer à la
société la nationalité de cet Etat. Ce rattachement se faisant selon certains critères, le
siège social (a), le critère volontaire par excellence et en cas de besoin par un critère
alternatif, le critère de contrôle (b).
a) L‟affirmation du critère du siège social
57 - En droit français, le siège social est le lieu ou se situe la direction de la
société et comporte deux aspects, un aspect formel, on parle de siège social statutaire
fixé librement par les fondateurs. Cet aspect formel résulte de la mention dans les statuts
de la société du lieu de son siège social. La société doit aussi être immatriculée au greffe
du tribunal de commerce dans le ressort duquel elle à son siège. Cette conception
28
Cass. ass. plén. 21 déc. 1990, Juris-Data n° 1990-713531 , D. 1991, p. 305, conclusion Dontewille. 29
Loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. 30
Article 1837 du code civil, « Toute société dont le siège social est situé sur le territoire français est
soumise aux dispositions de la loi française.
Les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais celui-ci ne leur est pas opposable par la société si
le siège réel est situé en un autre lieu ».
39
libérale du siège social statutaire fixé librement par les fondateurs laisse indirectement
le choix de la nationalité de la société aux fondateurs en se montrant respectueux de
l‟autonomie de la volonté. La deuxième conception consiste à situer le siège social non,
au simple endroit ou il est fait mention dans les statuts mais au lieu du principal
établissement ou se situe la direction supérieure et le contrôle de la société, là ou il y a
réunion des organes sociaux, on parle alors de siège réel et cela correspond à l‟aspect
matériel du siège social. Le choix entre ces deux critères dépendant du système de
rattachement choisi par l‟Etat, incorporation ou siège réel. La majorité étant celui de
l‟incorporation, système de rattachement permettant une grande autonomie des sociétés.
58 - Le critère du siège social est le critère de principe utilisé par la
jurisprudence pour déterminer la nationalité de la société. Ce principe de détermination
de la nationalité fut affirmé dans un arrêt de la chambre civile de la cour de cassation
du 30 mars 197131 et qui énonça le principe suivant, « en principe la nationalité d‟une
société se détermine par la situation de son siège social ». Le législateur à également
affirmé à deux reprises le principe de détermination de la nationalité d‟une société par le
siège social dans les articles 1837 du code civil et L210-3 du code de commerce. Cet
arrêt de principe met donc un terme à un débat et à une hésitation jurisprudentielle et
doctrinale pour le choix du critère d‟application entre siège social et contrôle et permet
une hiérarchisation des deux critères. Le critère de principe étant celui du siège social,
le critère de contrôle étant alternatif.
b) Le critère alternatif du contrôle
59 - La nécessité de recourir au critère de contrôle est apparue avec les
guerres mondiales qui mirent en exergue la double allégeance des sociétés, juridique et
politique. Si on se fie au simple critère du siège, une société peut apparaitre de
nationalité française en raison de son immatriculation en France, alors que
31
Cass. Civ. 30 mars 1971, “Caisse centrale de réassurance des mutuelles agricoles », JCP 1972, II,
17101, note Bruno Opettit.
40
politiquement parlant, son allégeance peut aller à un autre Etat. Par conséquent, il est
apparu aux juges que le critère du siège social n‟était pas suffisant et qu‟il fallait pour
pleinement prendre conscience de la situation particulière des sociétés, un autre critère,
le critère de contrôle.
Le critère de contrôle prend en compte la nationalité des associés majoritaires ou
des dirigeants, ou encore celui du centre d‟exploitation qui est le lieu ou se développe
l‟activité principale de la société.
60 - L‟utilisation du critère de contrôle, se retrouve dans de nombreux textes
législatifs tels que la loi n°86-987 du 1er
aout 1988 relatifs aux entreprises de presse. En
effet, l‟article 7 de cette loi dispose « qu‟est étrangère toute société dont la majorité du
capital social ou des droits de vote est détenue par des étrangers ainsi que toute
association dont la majorité des dirigeants est étrangère ». On constate ici, que le critère
de contrôle tels que défini précédemment sert à déterminer la qualification de la société
comme étant étrangère. D‟autres textes législatifs font référence au critère de contrôle
sans le mentionner directement comme critère de détermination de la nationalité32. La
loi NRE du 15 mai 2001 va également dans ce sens car elle modifie plusieurs articles du
code de commerce afin de renforcer les moyens d‟identifications des actionnaires
résidents ou non-résidents. L‟article L 228- du code de commerce permet à la société
d‟identifier les actionnaires en l‟autorisant à prévoir dans ses statuts le droit d‟identifier
les porteurs de titre.
Le principal reproche fait au critère de contrôle est selon certains auteurs son
polymorphisme33 , qui en raison des différents critères qu‟il prend en compte ne permet
pas de dégager un critère unitaire. La Cour de cassation en 1971 affirma l‟alternativité
du critère de contrôle, le critère principal étant celui du siège social. Et malgré sa
présence dans des textes législatifs, le critère de contrôle demeure un critère alternatif,
32
Décret n°2005-1739 du 30 décembre 2005 qui modifie l‟article R. 151-1 du code monétaire et financier
qualifie d‟investissements directs étrangers les opérations effectuées « par une entreprise de droit français
dont le capital ou les droits de vote sont détenus à plus de 33,33% par une ou des entreprises de droit
étrangers ou une ou des personnes physiques non-résidentes » . 33
M. Menjucq, Droit international et européen des sociétés, coll. Montchrestien, 2ème
édition, spéc. 17.
41
l‟assemblée plénière de la Cour de cassation le 21 décembre 199034 réaffirma et
explicita dans l‟arrêt CCRMA en énonçant que « la nationalité … pour une société
résulte, en principe, de la localisation de son siège réel, défini comme le siège de la
direction effective et présumé par le siège statutaire ». La Cour de cassation réaffirme
donc le principe de détermination de la nationalité des sociétés par le critère du siège
social déterminé par l‟immatriculation de la société. Si ce critère demeure insuffisant,
les juges ont recours au critère de contrôle.
61 - La nationalité de la société va donc être déterminée par le siège social.
Ce siège social étant soumis à la volonté des fondateurs de la société. La nationalité est
donc choisie, la société pouvant installer son siège social dans tel ou tel Etat. Ce choix
volontaire dans l‟installation du siège social, dans le rattachement de la société à un Etat
ne va pas seulement déterminer la nationalité de la société, mais également le droit
applicable à la société.
B) L‟impact du rattachement volontaire de la société concernant la loi applicable
62 - Le rattachement volontaire de la société à un Etat à un impact sur la loi
applicable, le rattachement s‟effectuant selon le système choisi par l‟Etat (1). Ce
rattachement va permettre de déterminer la lex societatis (2).
1) La détermination de la loi applicable
63 - Le siège social de la société est un des critères de rattachement qui
permet de déterminer la loi applicable à la société. Le siège social comprend deux
aspects, un aspect formel, on parle de siège statutaire et un aspect matériel, on parle de
siège réel. Cette distinction revêt une importance concernant la loi applicable. Une
entreprise nouvelle quand elle souhaite s‟immatriculer va devoir choisir ou placer son
34
Cass. ass.plén. 21 décembre 1990, D. 1991, p 305, conclusion Dontewille
42
siège social, deux systèmes de détermination s‟affrontant, le système de l‟incorporation
(a) et le système du siège réel (b).
a) Le système de l‟incorporation
64 - Le système de l‟incorporation ou siège statutaire, est le système le plus
adopté aujourd‟hui dans le monde. Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Finlande, la
Suède, le Danemark, la Suisse ou encore l‟Italie. Le rattachement de la société à un
Etat, se fait par le siège social statutaire, le système ne prend en considération qu‟un lien
formel. La loi applicable est donc celle du pays ou la société a accompli le processus de
constitution. Le critère de rattachement de la loi est le siège social désigné dans les
statuts et corroboré par l‟immatriculation.
65 - Pour exemple, une société qui est immatriculée au Royaume-Uni et qui a
respecté les conditions de validité, sera soumis à la loi anglaise, même si son siège réel,
« Head office » se situe dans un autre Etat. Un autre critère de rattachement existe, celui
du siège réel. Ce système va permettre la mobilité des sociétés. Le système de
l‟incorporation étant conçu à l‟origine comme un moyen permettant aux sociétés
britanniques d‟étendre leur commerce à travers le monde tout en bénéficiant de la
protection diplomatique de leur pays. Le siège effectif de la société n‟ayant pas
d‟impact pour déterminer la loi applicable, une société peut bénéficier des dispositions
législatives de l‟Etat ou elle s‟est immatriculée et avoir son siège effectif ou encore
d‟autres sociétés dans différents Etats.
66 - Le système offre donc au dirigeant la liberté d‟adapter le lieu du siège de
direction, ce système étant également favorable à l‟accueil des sociétés, celles-ci étant
valablement constituées selon les dispositions de leurs Etat d‟immatriculation, ce
système s‟oppose à celui du siège réel.
43
b) Le système du siège réel
67 - La théorie du siège réel détermine la loi applicable du pays ou la société
à suivi la loi du pays pour s‟immatriculer et ou se trouve son centre de direction. Ce
système se fonde sur une situation de fait, en prenant en compte la localisation du siège
statutaire et également le centre de décision de la société. Cette solution a été adoptée
par l‟Allemagne.
L‟Allemagne impose donc que la société soit constituée dans l‟Etat ou se situe son
siège réel. L‟Allemagne impose alors la constitution des deux éléments. Une société
souhaitant bénéficier du droit allemand devra donc s‟immatriculer en Allemagne et
avoir son siège réel en Allemagne.
68 - La France, a choisi un critère de rattachement intermédiaire entre les
deux solutions, tenant compte de l‟immatriculation et du siège statutaire, ce critère
médian tendant à disparaitre, pour laisser place au critère formel. L‟article 210-3
disposant, «Les sociétés dont le siège social est situé en territoire français sont soumises
à la loi française.
Les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais celui-ci ne leur est pas opposable
par la société si son siège réel est situé en un autre lieu ». La loi française utilise donc
un critère intermédiaire, critère qui tend à disparaitre au seul profit de celui statutaire, au
regard de l‟article L210-6 disposant « les sociétés commerciales jouissent de la
personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce ». La
personnalité morale désormais ne résulte plus du contrat de société mais comme dans le
système d‟incorporation de l‟immatriculation. De plus, l‟utilisation du critère formel
comme critère de rattachement, se conforme à la volonté du juge européen, le critère
formel étant accentué et affirmé dans le cadre de trois arrêts complémentaires, l‟arrêt
Centros du 9 mars 1999, l‟arrêt Uberseering du 5 novembre 2002 et l‟arrêt Inspire art
du 30 septembre 2003, qui énonce de manière catégorique la suffisance du critère du
siège statutaire et l‟admission d‟une société incorporée dans un pays utilisant le critère
du siège réel. Il est désormais interdit à un Etat de refuser la reconnaissance sur son
territoire d‟une société incorporée dans un Etat tiers même si pour cet Etat, le critère de
rattachement est celui du siège réel.
44
69 - Le critère de rattachement permet donc à l‟Etat de reconnaitre à la société
sa personnalité morale, sa nationalité et également une loi applicable. Même si ces
critères s‟imposent aux sociétés, il demeure que la société à naitre va choisir librement
son Etat et remplir les critères de rattachement pour pouvoir bénéficier de la lex
societatis de cette Etat, le choix de la loi applicable étant important en raison de son
domaine d‟application.
2) Le domaine de la lex societatis
70 - La lex societatis va gouverner la vie de la société, des conditions de sa
création jusqu‟à sa mort. La lex societatis va d‟abord régir les conditions de
constitutions de la société et la forme de la société. Les conditions de validités,
d‟immatriculations étant également soumises à la loi de la société. Une fois la société
valablement constituée selon la loi applicable, la lex societatis va gérer le
fonctionnement de la société, les organes, les dirigeants, les associés devant y être
soumis35
. La naissance comme la mort de la société relève de la lex societatis, les règles
des entreprises en difficultés applicable sont ceux de la loi applicable à la société.
71 - Le choix de la loi applicable aux sociétés est donc un choix important,
cette loi devant régir tout les aspects de la société. Ce choix est soumis à condition, la
société doit respecter les contraintes inhérentes à son rattachement pour bénéficier de la
loi, mais ces contraintes sont minimes au regard de la possibilité de la société de choisir
son droit. Les sociétés sont mobiles, elles peuvent donc changer d‟Etat, le critère de
l‟incorporation n‟y faisant pas obstacle. De plus, si le choix d‟une loi applicable à la
société est soumis à sa volonté, la société par principe peut en changer par sa simple
35 Cass. civ. 17 octobre 1972, Société Royal Dutch, Revue critique DIP 1973, p.520, note Batifol : « les
obligations de la société envers ses actionnaires sont régies par la loi nationale de cette société … que
cette loi seule détermine, quel que soit le pays où les titres sont détenus, les conditions dans lesquelles
s‟acquiert, se conserve ou se perd la qualité d‟actionnaire ».
45
volonté. Cette accumulation de facteur volontariste va permettre une concurrence entre
les différents droits des sociétés, les Etats souhaitant attirer les sociétés ou les garder
vont donc se concurrencer entre eux afin d‟offrir un produit droit des sociétés attractifs.
SECTION 2 : LA MISE EN ŒUVRE D‟UNE CONCURRENCE ENTRE PRODUIT
DROIT DES SOCIETES
72 - Les théories de la Law and Economics, admettent un concurrence entre
produit de droit quand celui peut s‟insérer dans le schéma initial. Le droit des sociétés
s‟insère pleinement dans ce schéma, la concurrence entre les Etats pour obtenir un droit
attractif, concurrentiel est donc admit et peut avoir lieu.
Aujourd‟hui il est très difficile de prouver cette compétition que se livre les
Etats, elle peut cependant se déduire de nombreux éléments tels que les indicateurs
disponibles pour mesurer l‟efficacité d‟un droit sur l‟objectif poursuivi. Concernant le
droit des sociétés, le rapport Doing Business, véritable pilier des indicateurs va
permettre en hiérarchisant les différents droits des Etats de provoquer et démontrer la
concurrence qui se joue entre les eux (Paragraphe 1). La réponse de la France en tentant
d‟obtenir un droit des sociétés attractif, est une réponse à cette concurrence (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Le rapport Doing Business, l‟exemple de vecteur de concurrence
73 - Le projet Doing Business 2011 est le huitième rapport d‟une série
annuelle qui mesure la réglementation des affaires et son application dans 183 pays. Le
rapport mesure les différents corps de règles juridiques des différents pays, de
l‟Afghanistan au Zimbabwe dans leur aptitude à favoriser l‟aptitude à faire des affaires.
Le rapport Doing Business met donc en concurrence les différentes législations des
Etats en les hiérarchisant (A), cette hiérarchisation ayant un impact sur l‟économie
mondiale (B).
46
A) La hiérarchisation des différents droits des affaires
74 - Le rapport Doing Business opère un classement des différentes
législations du droit des affaires (1), et pour cela mesure économiquement l‟efficience
du droit analysé (2). La législation étudiée comprenant les droit des entreprises en
difficultées, le droit commercial ou encore le droit des sociétés.
1) La mesure économique de l‟efficience du droit
75 - Le rapport Doing business lors de sa première sortie en 2004 a provoqué
un vif débat notamment en France en raison de la place de la France dans le classement
mais également dans la possibilité de mesurer et d‟évaluer le droit.
Comme nous l‟avons vu, l‟idée de mesurer l‟efficacité économique du droit est
issue du courant de pensée Law and Economics. Les auteurs du rapport Doing Business
dans leurs études mesurent l‟efficacité économique du droit des affaires d‟un pays en
étudiant différents aspects de la vie économique. En 2011, l‟étude se porte sur les
réglementations ayant une incidence sur dix stades de la vie d‟une entreprise tels que la
création d‟entreprise, l‟embauche des travailleurs ou encore le paiement des taxes et
impôts36. Durant les 7 dernières éditions, la méthode d‟étude Doing Business à
profondément été modifiée notamment en raison des nombreuses critiques portées à la
méthode37.
76 - Le premier rapport portait sur 5 types d‟indicateurs pour 133 pays, alors
qu‟aujourd‟hui le rapport porte sur une longue série d‟indicateur dans 183 économies.
Pour permettre d‟évaluer ces indicateurs, le projet Doing Business utilise comme types
36
Rapport Doing Business, 2011, IFC. 37
B. Du Marais, Des indicateurs pour mesurer le droit ? Les limites méthodologiques des rapports Doing
Business, col. Perspective sur la justice, éd. La Documentation Française, 2006, p. 155 et s. ; B. Sturlèse,
« Doing Business 2007 : How to Reform », Dalloz 2006, p 2386 et s.
47
de données, les textes législatifs et règlementaires et des indicateurs de mesure du temps
et de mouvements (l‟estimation de cet indicateur se fait à partir des barèmes
d‟honoraires officiels) qui mesurent l‟efficacité avec laquelle une règlementation est
mise en œuvre.
Concernant les indicateurs, la mesure de ces indicateurs au regard de la législation
évaluée, se fait par rapport à une étude de cas type assortie d‟hypothèses particulières,
ce qui permet de faire des comparaisons à l‟échelle mondiale. L‟indicateur comprend
un classement partiel des pays en fonction des caractéristiques du droit, et pour chaque
indicateur afin de rendre plus aisée la comparaison, on crée un cas type illustrant
l‟opération évaluée et servant de référence à des questionnaires. Pour les éléments
concernant les couts, on fait appel à des juristes familiarisés avec la législation et les
formalités évaluées.
Pour exemple, concernant l‟évaluation du droit des sociétés, on va utiliser un cas
type, la création d‟un entreprise et l‟on va pour chaque Etat étudier, comparer différents
aspects de cette création à savoir, le temps, la facilité ou encore le cout. Cela permettant
d‟établir un classement entre les Etats sur les différents points étudiés puis un
classement général du droit comme étant le plus efficace pour permettre la création
d‟une société.
77 - Cette méthode permet donc mesure de l‟efficacité du droit des affaires et
bien que vivement contesté permet de proposer un classement des différentes
législations
2) La mise en œuvre d‟un classement des législations
78 - Le rapport Doing Business mesure l‟efficacité du droit des Etats
concernant 10 domaines de la vie courante des affaires. Pour chaque opération étudiée
tels que la création d‟entreprise, un classement des Etats est mis en place. Le rapport
Doing Business pour plus de clarté a également mis en place un indice synthétique de
« facilité à faire des affaires », qui correspond à la moyenne arithmétique du classement
des pays pour chacune des dix opérations qui ont été évaluées dans le rapport.
48
79 - Ce classement comporte deux types d‟informations, le rang pour le
rapport Doing business 2011 ainsi que le rang du rapport Doing Business 2010 afin de
voir l‟évolution de la « facilité à faire des affaires » des Etats d‟une année à l‟autre. Le
rapport Doing Business 2011 place la république de Singapour en tête du classement
depuis 2007, suivi du RAS de Hong Kong qui est en seconde place depuis 2008 en
détrônant la Nouvelle Zélande qui est à la 3ème place devant le Royaume-Uni et les
Etats-Unis qui se maintiennent à leur place. La France, elle apparait seulement en 26ème
position derrière la Malaisie ou la République de Corée.
80 - Le rapport Doing Business hiérarchise donc les différents droits des
affaires de plus de 183 pays par le biais d‟un classement et d‟une méthode calculant
l‟efficience des législations. Ce classement met en concurrence les Etats et à un impact
sur l‟économie mondiale.
B) L‟impact du rapport Doing Business
81 - La mise en œuvre par le Banque mondiale des rapports Doing business à
permis depuis 5 ans la mise en place dans les différents Etats audité de plus de 1 511
amélioration aux réglementations des activités commerciales. Durant les douze derniers
mois, le rapport Doing Business intitulé « agir pour les entrepreneurs » annonce que
plus de la moitié des modifications réglementaires enregistrées ont facilité la création
d‟entreprises, le commerce transfrontalier et le paiement des taxes et impôts. Selon le
rapport Doing Business, les gouvernements de 117 économies ont mis en œuvre 216
réformes réglementaires pour faciliter la vie des affaires. En 2010, toujours selon le
rapport Doing Business, 70% des Etats avaient reformé leur réglementation des affaires.
82 - Le rapport Doing Business permet donc de prendre conscience des failles
dans sa législation et de mettre en œuvre les reformes et changements nécessaires pour
faciliter la vie des affaires dans son pays et d‟augmenter sa place dans le classement. Le
rapport Doing Business en 2004 propose de standardiser le droit après avoir déterminé
la meilleure pratique juridique.
49
Cette méthode appelée « one size fits all » et élaborée par un groupe de chercheur
de l‟université de Harvard, considère qu‟il existe un standard mondial apte à favoriser le
développement économique qu‟importe le pays. Le rapport Doing business en mesurant
les droits et en classant les Etats sur neufs domaines de la vie des affaires, va pousser les
Etats « mauvais » à réformer en s‟inspirant des réformes des « bons » Etats. Pour
exemple, dans le rapport 2007 Doing business38
, dans le chapitre création d‟entreprise,
l‟accent est mis sur le Portugal qui a réformé son accès à la création d‟entreprise, les
Etats « mauvais » pouvant s‟inspirer des réformes opérées par le Portugal ou en
s‟inspirant d‟autres Etats « bons », un partie étant entièrement consacré à comment
réformer39 avec des exemples et de nombreux conseils.
83 - Le rapport Doing Business 2011, également dans le chapitre « création
d‟entreprise », fait le point sur les réformes qui ont fonctionné comme l‟instauration
d‟un guichet unique, recommandation proposée par le rapport des 2007. En 2011, 72
économies ont institué un guichet unique ou son équivalent pour l‟immatriculation des
entreprises ou encore améliorée son système de guichet pour immatriculation. On
constate donc que le classement mis en œuvre entre les Etats les mets en concurrence.
84 - L‟idée du rapport étant de comparer les réglementations qui facilitent ou
entravent l‟activité commerciale pour que les entrepreneurs puissent choisir la
législation la plus favorable à leurs activités d‟une part et d‟autre part cette comparaison
entre les Etats les poussent à réformer leurs législation selon les recommandations ou
les législations qualifiés de « bonnes » pour remonter dans le classement et attirer les
entrepreneurs. L‟exemple parfait est celui de la France qui en raison de sa place dans le
classement en 2004, a prit des mesures pour un droit des sociétés attractifs.
38 Rapport Doing Business, 2007, IFC
39 Rapport Doing Business 2007, Banque mondiale, spéc. 12.
50
Paragraphe 2 : La volonté française d‟obtenir un droit des sociétés attractif
81 - La France a prit conscience par la parution du rapport 2004 de la
concurrence qui se joue pour attirer les sociétés. En effet, le rapport Doing Business très
diffusé, sert de guide aux entreprises pour le choix de leur implantation et leur
rattachement. La comparaison des différents droits crée donc une compétition entre les
Etats, ceux-ci voulant un droit le plus attractif possible.
82 - Les économistes Benoit Coeuré et Isabelle Rabaud définissent
l‟attractivité comme « la capacité d‟un pays à attirer et retenir les entreprises »40.
L‟attractivité d‟un droit est une notion complexe qui peut se définir de plusieurs
manières, l‟idée principale étant d‟attirer les sociétés, les retenir par des propositions
législatives efficaces répondant à leur besoin. La France a prit en compte le rapport
Doing Business (A) et la concurrence qu‟elle induit. Elle a souhaité obtenir un droit des
sociétés attractif pour rentrer dans la compétition (B).
A) La prise en compte du rapport Doing business
83 - Le rapport Doing business en 2004 a provoqué un véritable séisme
auprès des juristes français. La France malgré son classement dans le top 10 des
économies les plus riches n‟a atteint sa meilleure place qu‟en 2011 en se plaçant
seulement au 26ème rang. Afin de redorer le blason du droit français, qui apparait sur la
scène internationale comme étant faible au regard de la compétition économique
internationale et, relancer l‟attractivité du droit français, une résistance s‟est mis en
place.
84 - Tout d‟abord, les juristes français sont montés au créneau, pour critiquer
la méthode de calcul des chercheurs de la Banque mondiale qui ne peut pas permettre de
40
B. Du Marais, « Attractivité économique du droit : le droit français peut il survivre dans la compétition
internationale ? », Revue Droit et Patrimoine, n°170, mai 2008, p. 38, spéc, p. 39
51
mesurer l‟efficacité du droit français. En effet, la méthodologie de la Banque mondiale
est, pour de nombreux auteurs erronée41. La première critique vient de l‟utilisation de
questionnaire et non de statistique officielle. De plus, les questionnaires ne sont délivrés
qu‟en anglais et même si l‟anglais est l‟une des langues les plus parlées dans le monde,
la compréhension des questionnaires dans certains pays peut être discutée42, ainsi que le
choix des personnes auditées.
Les cas types permettant de rendre la comparaison internationale aisée sont eux
aussi critiqués en raison de l‟absence de prise en considération des spécificités de
chaque système juridique. L‟objet de comparaison est aussi vivement critiqué, en raison
de l‟appréciation limité du droit soumis à étude et des nombreux aspects oubliés.
85 - La vive critique fait à la méthode Doing Business qu‟on appelle également
parangonnage ou « benchmarking », s‟explique par la nouveauté du rapport et sa place
sur la scène internationale. En tant que premier rapport de ce type, concernant autant de
pays sur l‟étude du droit uniquement de manière aussi détaillé, ce rapport peut
apparaitre sur la scène internationale et pour les opérateurs économiques comme étant
un indicateur fiable sur l‟Etat le plus apte à faciliter la vie des affaires. Le rapport Doing
Business renvoi à l‟idée que « les économies nationales ou les territoires sont des
offreurs sur un marché des capitaux internationaux en situation de concurrence face à
des demandeurs d‟offre territoriale qui sont rationnels. Le droit est alors l‟un des
éléments qui est mis en tension dans cette concurrence»43.
86 - Le rapport a donc placé la France dans la compétition internationale à un
niveau faible, la critique française étant compréhensive si elle ne se limite pas qu‟à une
simple critique. La France n‟a pas seulement critiquée le rapport Doing Business, elle a
41
B. Du Marais, « De Kotor à Palikir : à la recherche du paradis du droit des affaires », Dalloz 2006, p
1110 et s. ; B.Du Marais, « attractivité économique du droit : le droit français peut il survivre dans la
compétition internationale ? » préc. cit ; B. Sturlèse, « Doing Business 2007 : How to Reform », préc. cit. 42
Le terme « bankruptcy » est parfois utilisé dans le même questionnaire relatif à l‟indicateur « fermeture
d‟entreprises » dans le sens général de « procédures collectives » mais aussi pour désigner l‟une ou
l‟autre des phases spécifiques de liquidation ou de redressement judiciaire. 43
B. Du Marais, « attractivité économique du droit : le droit français peut il survivre dans la compétition
internationale ? », préc. cit.
52
également tiré les conséquences de ce rapport et à mis en œuvre des moyens pour rendre
attractif le droit des sociétés, et de lui redonner une place dans la compétition.
B) La mise en œuvre de moyen pour rendre attractif le droit français des sociétés
85 - Afin de rendre attractif le droit français des sociétés, les juristes français
et la classe politique ont réagit par deux moyens. La première est venue du comité sur
l‟attractivité du droit, l‟autre était la fondation pour la promotion du droit français à
l‟étranger.
Le comité scientifique sur l‟attractivité du droit à été mis en place le 20
décembre 2004 par l‟ancien Garde des sceaux, Dominique Perben. Ce comité porte sur
l‟attractivité économique du droit de tradition française et la sécurité juridique des
transactions économiques. Ce comité aura pour objectif d‟apporter une contribution au
débat scientifique sur la pertinence économique des normes juridiques. Ce comité
composé d‟éminent scientifique aura également pour objet de mesurer l‟efficacité
comparée des systèmes de droit écrit et de droit jurisprudentiel au regard d‟objectifs tels
que la simplicité, la rapidité et le coût des procédures, ou encore la prévisibilité des
règles de droit. Ce comité s‟est consacré à des recherches appliquées en analyse
comparée avec notamment une expertise sur les indicateurs d‟efficacité du droit du
comité Doing Business44, ou encore à l‟étude de différents instruments juridiques
utilisables par les opérateurs économiques et porteur d‟efficacité. Le comité AED a
notamment été chargé par le ministère des finances de coordonner la délégation
française qui discute le rapport Doing Business 2008. De plus, grâce à l‟expertise de
l‟AED, la France à gagné 16 places au classement Doing Business entre 2005 et 2007.
86 - La fondation pour la promotion du droit français à l‟étranger a été voulue
par le Président de la République dans son allocution du 11 mars 2004, prononcée à
44
B. Du Marais, Des indicateurs pour mesurer le droit ? Les limites méthodologiques des rapports Doing
Business , La Documentation Française, 2006
53
l‟occasion du colloque organisé à la Sorbonne pour le bicentenaire du code civil.
L‟objectif de la fondation est de renforcer le rayonnement du droit français à l‟étranger.
La fondation dont la vocation est fédératrice, agira en partenariat avec tous les acteurs
du monde juridique. Cette fondation devra mettre en œuvre diverses actions pour
permettre une meilleure diffusion du droit français à l‟étranger. La fondation aura un
partenariat privilégié avec les entreprises et les universités. Pour cela la fondation
disposera d‟un capital dont les fonds seront majoritairement privés.
87 - Le droit des sociétés est donc l‟objet d‟une concurrence entre les Etats,
l‟enjeu étant d‟obtenir le droit le plus attractif pour les sociétés afin de capter leur flux
financiers. L‟enjeu n‟est pas seulement financier comme, il en va également du
rayonnement des Etats dans les différents classements proposés. Le rapport Doing
Business sert donc d‟exemple à la concurrence entre les Etats qui nous l‟avons vu est
difficilement tangible. Le rapport en hiérarchisant les droits, va faire un classement qui
va servir aux entreprises, l‟Etat va répondre à se classement en proposant un droit
amélioré45
pour attirer les entreprises et également remonter dans le classement. Les
vigoureuses critiques contre la méthode d‟évaluation de la Banque Mondiale, montre
bien l‟importance de la notoriété du droit et son rayonnement dans le monde. Le libre
choix des entreprises, va donc pousser à la compétition, les classements étant également
des vecteurs de cette concurrence.
45 Le nombre de réforme du droit depuis l‟apparition du rapport Doing Business, va dans ce sens.
54
CONCLUSION DU TITRE 1
85 - L‟étude succincte du phénomène de la mondialisation et de la
globalisation de l‟économie sur la conception traditionnelle du droit, nous permet de
voir les limites de cette définition traditionnelle. De ce fait, une fois admis que le droit a
évolué. Que la définition classique bien que nécessaire, a par certains cotés, était
dépassée par l‟évolution du contexte juridique, l‟assimilation du droit à un produit peut
être envisagée.
86 - Le droit des sociétés s‟apparente à un produit, en étant le résultat d‟une
création législative dans un but particulier celui de répondre à une demande, celle des
sociétés. Le droit des sociétés à également un cout pour les sociétés, ce cout s‟envisage
au moment de l‟immatriculation et sur le long terme, par le paiement de l‟impôt sur les
sociétés propre à chaque Etat. Ces différentes caractéristiques propres au droit des
sociétés permettent de l‟assimiler à un produit, à l‟image du produit marchand échangé
sur le marché des biens et service et soumis à concurrence.
87 - Le droit des sociétés va également faire l‟objet d‟une concurrence en
raison de sa disponibilité, les sociétés pouvant décider du lieu de se rattacher et donc du
droit applicable à leur société. Les sociétés ayant pris conscience de l‟impact du droit
sur leur stratégie économique, les frontières n‟étant plus un frein. Le phénomène de
concurrence entre les Etats pour proposer aux sociétés un produit « droit des sociétés »
concurrentiel est donc réelle même si difficilement palpable, cette concurrence étant
admis théoriquement et de manière indirecte par les classements entre Etats tels que le
rapport Doing Business. Cette volonté de proposer un droit concurrentiel va permettre
une circulation entre les droits, un échange.
55
TITRE 2 : L’ECHANGE ENTRE LES PRODUIT « DROIT DES SOCIETES »
DANS UNE VOLONTE CONCURRENTIELLE
88 - La concurrence entre les produits droits des sociétés va permettre un
mécanisme d‟échange entre les droits des sociétés, une circulation. Cet échange
s‟explique par la volonté de l‟Etat d‟obtenir un droit attractif pour les sociétés, de
répondre à leur demande, les Etats n‟hésitant pas au regard de l‟enjeu à emprunter les
solutions législatives externes (Chapitre 1). Ces emprunts pour obtenir un droit
concurrentiel vont aboutir à une convergence entre les différents droits des sociétés
(Chapitre 2).
CHAPITRE 1 : L’EMPRUNT DE SOLUTION EXTERNE PAR LE DROIT
FRANÇAIS : L’EXEMPLE DE LA CORPORATE GOVERNANCE
89 - La « Corporate Governance », ou « gouvernement d‟entreprise » selon la
version française peut être définie comme un ensemble de principe visant à régir les
relations entre les dirigeants, le Conseil d‟administration et les actionnaires dans les
sociétés faisant appel aux marchés financiers. Ce mouvement est d‟abord apparu aux
Etats-Unis (Section 1) puis au Royaume-Uni dans les pays ou le financement des
entreprises proviennent essentiellement des marchés financiers avant d‟atteindre
l‟ensemble des autres pays dont notamment la France (Section 2).
SECTION 1 : LA CORPORATE GOVERNANCE : UN CONCEPT ANGLO-SAXON
90 - La « Corporate Governance » est un concept anglo-saxon tant en raison
de sa création qui a eu lieu aux Etats-Unis et au Royaume- Uni (Paragraphe 1), que de
son concept qui à été crée pour les entreprises américaines et anglaises particulières
(Paragraphe 2).
56
Paragraphe 1 : La naissance de la « Corporate Governance »
91 - Le concept « Corporate Governance » est un courant d‟idée venu des
Etats-Unis (1), puis a atteint le Royaume-Uni (2). Ce courant d‟idée est né en raison de
nombreux scandale financier qui ont poussé les partisans de cette doctrine à
s‟interroger sur le fonctionnement des organes des société à capitaux.
A) La naissance aux Etats-Unis
92 - Les sociétés à capitaux américaine dans les années 70 sont dirigées par le
management, qui gère la société et prend les décisions. Le point de départ de la
« Corporate Governance » aux Etats- Unis vient de l’American Law Institute, crée en
1923 et dont la mission est de promouvoir la clarification et la simplification des lois
américaines, en l‟adaptant à l‟évolution des besoins sociaux.
En 1980 la ALI met en place une commission de juriste et s‟associe avec
l’American Bar Association (association d‟avocat depuis 1878), pour élaborer un texte
qui sera publié en 1993 et intitulé « Principles of Corporate Governance- analysis and
recommandation ». Ce texte fondamental concerne l‟organisation des pouvoirs dans les
Publics Corporation, société faisant appel à l‟épargne. Ce texte vise principalement le
« Board of Directors », qu‟on appellerait en français Conseil d‟administration et qui est
l‟organe central de l‟organisation de la société. Par conséquent, ce conseil
d‟administration doit prendre pleinement conscience de son rôle.
Les rédacteurs de ce texte s‟interrogent sur l‟équilibre des pouvoirs dans les
sociétés cotées et l‟omnipotence du PDG. Pour cela, ils proposent un certains nombres
de recommandations avec l‟objectif d‟obtenir une « bonne gouvernance » de la société.
Pour les rédacteurs, la bonne gouvernance repose sur la notion de mandat, le mandataire
doit exercer sa fonction dans l‟intérêt des actionnaires et valoriser leurs actions. Le
conseil d‟administration doit avoir plus de pouvoir, la société lui appartenant. Ce
concept a été positivement accueilli au Royaume-Uni
57
B) La naissance au Royaume-Uni
93 - La « Corporate Governance » a également trouvé une terre d‟accueille
au Royaume-Uni. Les principaux acteurs de ce mouvement ont été la Bank of England,
l’Institutional Shareholders Committee et la Confédération of British Industry. Des
recommandations semblables à celles élaborées aux Etats-Unis ont été prises et se
retrouvent dans le fameux rapport Cadbury, qui fait une synthèse des différentes
propositions et est publié en 1991.
Ce rapport aboutit à la mise en place d‟un Code of Best Pratice applicable aux
sociétés cotées qui doivent le respecter ou se justifier en cas de manquement. Le rapport
Cadbury a été ensuite, complété par d‟autres rapports concernant toujours l‟organisation
des pouvoirs dans les sociétés. Tous ces rapports ont été intégrés dans le Combined
Code on Corporate Governance qui figure en annexe des règles boursières du London
Stick Exchange, dès lors quand une société sollicite son admission, le Combined Code
s‟impose à la société de manière impérative. Sous la pressions des marchés et des
investisseurs, à l‟image des fonds de pension américain, les sociétés cotées mettre en
application les recommandations proposées par le rapport. Le concept de « Corporate
Governance » est né.
Paragraphe 2 : Le concept de « Corporate Governance »
94 - « …. Les directeurs de ces sortes de compagnies étant les régisseurs de
l‟argent d‟autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s‟attendre qu‟ils y
apportent cette vigilance exacte et soucieuse que les associés d‟une société apportent
souvent dans le maniement de leurs fonds … Ainsi la négligence et la profusion doivent
toujours dominer plus ou moins dans l‟administration des affaires de la compagnie »46.
46
Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de richesse des nations, 1776
58
Cet extrait de l‟œuvre de Smith, résume la volonté de la « Corporate Governance », le
rééquilibrage des pouvoirs dans la société.
95 - La doctrine de la « Corporate Governance » place le conseil
administration (Board of Directors) comme le pivot central de l‟organisation des
sociétés. Il doit assumer le contrôle et la gestion quotidienne exercée par les dirigeants.
Pour cela, la doctrine de la « Corporate Governance » recommande d‟ouvrir le conseil
d‟administration à des personnes qualifiées extérieures appelée « non-executive
directors » pour contrebalancer l‟influence du président sur les administrateurs. En
effet, ces administrateurs indépendants pourront sans peur contester le président conseil
d‟administration.
96 - Le conseil d‟administration va aussi voir sa structure modifiée, les
fonctions de « Chairman of the Board » (président du conseil) et de « Chief executive
officer » (directeur général) ne devant pas être occupées par la même personne. Le
conseil doit également mettre en place trois comités spécialisés pour préparer ses
décisions et prolonger son action. Le plus important est le comité d‟audit, « audit
committee » qui doit mettre en œuvre et soutenir la fonction de contrôle du conseil en
revoyant périodiquement les procédures de productions des documents financiers, les
contrôles internes de la société et l‟indépendance de ses commissaires aux comptes. Il
doit être composé d‟au moins trois membres sans lien avec la société et les dirigeants.
Ce comité surveillera donc la société de l‟intérieur et peut proposer des
recommandations. Deux autres comités devant également être créés, le « nominating
committee », chargé de la sélection des mandataires sociaux et un autre comité,
« compensation comittee », chargé de la rémunération des membres du conseil et du
management.
97 - Les administrateurs doivent également avoir accès à l‟information afin de
pouvoir prendre les décisions en toute connaissance de cause. Il doit pouvoir à tout
moment avoir accès aux documents de toute la société. Les devoirs des administrateurs
devant être définis dans des codes de bonnes conduites.
98 - Les recommandations de la doctrine du « Corporate Governance »
anglo-saxonne, ont touché de nombreux Etats à économies de marché atteignant même
59
l‟Organisation internationale de coopération et de développement économique. Le
conseil de l‟OCDE ayant approuvé en 1999 une série de principe révisée en 2004 pour
aider les gouvernements à améliorer le cadre régissant l‟organisation des pouvoirs dans
l‟entreprise47. On constate donc que le thème du gouvernement d‟entreprise est un
modèle universel qui peut s‟appliquer au différents marchés, Alain Couret48 parlant
même « d‟impérialisme mondialiste », le modèle étant à l‟origine d‟un corps de normes
privées construit en dehors des souveraineté étatique et qui les affectent. Les pratiques
de « Corporate Governance » sont considérées comme indispensable aux Etats-Unis et
au Royaume-Uni mais également dans d‟autres Etats et institution internationale tels
que la Banque mondiale ou comme nous l‟avons vu l‟OCDE. Le concept de
« Corporate Governance » ayant également trouvé sa place en droit français.
SECTION 2 : LA PLACE DE LA « CORPORATE GOVERNANCE » DANS LE
DROIT FRANÇAIS DES SOCIETES
99 - La « Corporate Governance » comme nous l‟avons vu, est un concept
idéologique et normatif. L‟idéologie de la « Corporate Governance » consiste en une
bonne organisation du pouvoir dans la société afin d‟obtenir une société efficience. Pour
cela, les tenants de cette thèse ont érigé un certains nombres de règles et de
recommandations afin d‟obtenir un mode d‟exercice du pouvoir et du contrôle efficace
pour obtenir le but recherché. En France, le concept de « Corporate Governance » à été
introduit de deux manières, par le biais de recommandation privée, de « soft law » (
Paragraphe 1), ou par la loi de manière postérieure dans une volonté de reprendre le
processus de production de la norme (Paragraphe 2)
47
Principes de gouvernement d‟entreprise de l‟OCDE, 2004, Rapport officiel 48
A. Couret, « La structure juridique des entreprises (corporate governance) », Revue internationale de
droit économique, 2002/2 t. XVI, p. 339 et s.
60
Paragraphe 1 : L‟intégration de la « Corporate Governance » par des normes privées
100 - La France contrairement au Royaume-Uni et le rapport Cadbury n‟a pas
adopté un code de déontologie à l‟instar du code Hamsel. Le concept de « Corporate
Governance » est entré en France par le biais de recommandation formulées par des
personnalités politiques. Les rapports Vienot sont considérés comme les ouvrages de
référence en matière de « Corporate Governance » (A), à cotés d‟autres normes privées
(B)
A) Les rapports Vienot, un rapport Cadbury français
101 - Les études sur la « Corporate Governance » publiées aux Etats- Unis et
au Royaume-Uni apparaissent comme les ouvrages de références sur la « Corporate
Governance ». En France le patronat français et les entreprises se sont interrogés sur ce
mouvement venu des deux grandes économies mondiales, et ont à l‟image des rapports
Principle et Cadbury, porté une réflexion sur la gouvernance d‟entreprise. Le rapport
Vienot I étant le précurseur de ce mouvement (1), qui fut achevé par le rapport Vienot II
(2).
1) Le rapport Vienot I, sur le Conseil d‟administration des sociétés cotées
102 - Le premier rapport qui a introduit la « Corporate Governance » est le
rapport Vienot49 I qui développe un certains nombres de recommandations pour un
meilleur gouvernement d‟entreprise pour les sociétés cotées. Le rapport Vienot 1 a été
demandé par l‟AFEP, l‟association française des entreprises privées et CNPF, le conseil
national du patronat français. Le groupe de travail présidé par M. Marc Vienot, à
l‟époque président directeur général de la Société générale, devait examiner « dans
49
Rapport Vienot 1, « Le conseil d‟administration des sociétés cotées », 1995
61
quelles mesures la pratique française du gouvernement des entreprises appelait des
évolutions » et s‟interroger sur « la composition, les attributions et les modes de
fonctionnement des conseils au regard notamment des pratiques étrangères et des
réflexions en cours dans les principaux pays développés ». Le groupe de travail a remis
un rapport en juillet 1995 qui n‟a pas été publié mais a été remis aux membres de deux
associations, a des journalistes et a fait l‟objet de commentaires doctrinaux très
complet50.
Le rapport porte sur 3 parties, la mission et les attributions du conseil (a), sa
composition et son fonctionnement (b).
a) Les recommandations sur la mission et les attributions du conseil
103 - Le comité Vienot considère que le Conseil d‟administration à une grande
responsabilité dans la société, il précise « quelles que soient la composition ou les
modalités d‟organisations du conseil d‟administration, ce dernier est et doit demeurer
une instance collégiale qui représente collectivement l‟ensemble des actionnaires et à
qui s‟impose l‟obligation d‟agir en toutes circonstances dans l‟intérêt social de
l‟entreprise »51. Le Conseil d‟administration apparait alors comme une instance
importante de la société, garant de son intérêt.
Le rapport va préciser également la mission du Conseil d‟administration qui à
selon le comité quatre buts, « il définit la stratégie de l‟entreprise, désigne les
mandataires sociaux chargés de gérer celle-ci dans le cadre de cette stratégie, contrôle la
gestion et veille à la qualité de l‟information fournie aux actionnaires ainsi qu‟aux
marchés financiers à travers les comptes ou à l‟occasion d‟opération très
importantes »52. On constate ici, que le rapport Vienot I reprend les idées fondatrices de
la « Corporate Governance » tant américaines qu‟anglaises qui souhaite avoir un
50
A. Tunc, « Le Rapport Viénot sur le conseil d‟administration des sociétés cotées », Revue internationale
de droit comparé, vol 48 n°3, Juillet-septembre 1996 p.647et s. Pour la rédaction de ce mémoire nous
avons principalement utilisé cette revue pour étudier le rapport Vienot I en raison de l‟absence de
publication du rapport. Les citations sont issues du rapport Vienot I et ont été repris dans l‟article précité. 51
A. Tunc, « Le Rapport Viénot sur le conseil d‟administration des sociétés cotées », préc. cit 52
A. Tunc, « Le Rapport Viénot sur le conseil d‟administration des sociétés cotées », préc. cit
62
Conseil d‟administration fort et qui place le « management » sous le contrôle du conseil
d‟administration.
104 - De plus, comme dans les Principle ou dans le rapport Cadbury, le rapport
Vienot s‟annonce favorable à l‟instauration de trois comités, identique à ceux des
précédents rapports. « Le comité recommande que chaque conseil se dote au moins d‟un
comité de sélection des administrateurs, d‟un comité des rémunérations et d‟un comité
des comptes et informe les actionnaires, lors de l‟assemblée générale annuelle, de
l‟existence de ces comités, ainsi que du nombre des réunions qu‟ils ont tenues au cours
de l‟année »53. On constate donc que la recommandation du rapport Vienot I pour
l‟instauration de comité fait écho aux recommandations des Principles et du rapport
Cadbury qui recommande l‟instauration de trois comités, « l’audit committee », le
« nominating commitee » et le « compensation committee ». Ces recommandations
ayant été suivies, le rapport COB de 199954 annonçant que la France et le Royaume-Uni
sont les pays européens où le nombre de comités d‟audit était le plus élevé, chaque
comité comprenant en moyenne trois membres. Il faut rajouter que le nombre de
membres par comités, à savoir un minimum de trois avait été également recommandé
par le rapport Vienot I.
105 - Enfin, afin que le Conseil devienne un acteur central de la société, le
rapport Vienot propose de lui laisser la charge de l‟organisation et du fonctionnement de
la société. Chaque organisation devant examiner périodiquement sa composition, son
organisation et son fonctionnement. Cet examen doit porter sur certains points, aucune
règle devant être imposée de manière arbitraire en raison des diversités qu‟ils existent
entre les sociétés. Les décisions devant être prises par le conseil dans le but de
l‟efficience de la société. Des recommandations ont toutefois était proposées par le
rapport Vienot concernant la composition et le fonctionnement du Conseil.
53
A. Tunc, « Le Rapport Viénot sur le conseil d‟administration des sociétés cotées », préc. cit 54
Rapport sur le gouvernement d‟entreprise : évolution récentes en France et à l‟étranger du 1er
septembre 1999, p 3 et 4 concernant l‟instauration de comité d‟audit.
63
b) Les recommandations sur la composition et le fonctionnement du Conseil
d‟administration
106 - Comme nous l‟avons vu, le rapport Vienot refuse d‟imposer des règles
concernant l‟organisation et le fonctionnement du Conseil, cependant il émet quelques
recommandations concernant notamment la composition du Conseil.
Le comité considère qu‟il serait opportun de nommer des administrateurs
indépendants, « il est souhaitable que chaque conseil d‟une société cotée comporte au
moins deux administrateurs indépendants, étant entendu qu‟il appartient à chaque
conseil de rechercher l‟équilibre optimal de sa composition ». Cette recommandation
fait fortement écho aux propositions américaines et anglaises. Les sociétés ont pris en
compte ces recommandations divers Conseil d‟administration comportant des
administrateurs indépendants. L‟administrateur doit également avoir à sa disposition
une charte décrivant ses obligations telles qu‟agir dans l‟intérêt de la société, son
obligation de pas exercer plus de 5 mandats, être présent aux réunions et aux assemblées
générales et s‟informer.
Concernant l‟information, certains auteurs55 considèrent que le rapport Vienot
montre une certaine réserve contrairement aux Principles of Corporate Governance ou
au rapport Cadbury. En effet, comme nous l‟avons vu précédemment, l‟étude
américaine va beaucoup plus loin en permettant à « tout directeur …. d‟inspecter tous
les documents et toutes les propriétés de la société et de ses filiales nationales ou
étrangères, et cela en personne ou par mandataire. Pour faire respecter ce droit, il peut
au besoin recourir au juge qui statuera rapidement et mettra éventuellement à la charge
de la société les frais de l‟intervention »56. Il est vrai que le rapport Vienot I ne va pas
aussi loin dans sa démarche pour l‟obtention d‟information mais la jurisprudence à
l‟époque octroyait déjà un large pouvoir d‟information aux administrateurs57.
55
A. Tunc, « Le Rapport Viénot sur le conseil d‟administration des sociétés cotées », préc. cit. 56
A. Tunc, « Le Rapport Viénot sur le conseil d‟administration des sociétés cotées », préc. cit. 57
Cass. com. 2 juillet 1985, D. 1986, 951 note Y. Loussouarn
64
107 - Concernant la séparation des fonctions de président du Conseil et de
direction générale, le rapport Vienot I se montre assez frileux contrairement à ses
homologues anglo-saxons. Cela peut s‟expliquer par l‟existence dans notre droit
français des sociétés de structure dualiste, différenciant le contrôle de la direction depuis
1966. Le rapport Vienot I va être complété quelques temps après par le rapport Vienot
II, sorte de synthèse intitulé « Comité sur le gouvernement d‟entreprise ».
2) Le rapport Vienot II, Comité sur le gouvernement d‟entreprise
108 - Le rapport Vienot II fait suite au rapport Vienot I, 4 ans après. Ce rapport
a été à l‟initiative de l‟AFEP et du MEDEF et a été rendu en 1999. L‟objectif du rapport
est d‟analyser une nouvelle fois les pratiques françaises du Gouvernement d‟Entreprise
et d‟apporter des recommandations pour les sociétés. Le rapport est comme son
prédécesseur composé de trois parties sans reprendre le plan initial. Pour plus de
cohérence, nous allons analyser les recommandations du rapport Vienot II selon le plan
établi pour ce rapport, la dissociation des fonctions de président et de directeur général
(a), la publicité des rémunérations (b) et le fonctionnement et la composition du Conseil
(c).
a) Les recommandations concernant la dissociation des pouvoirs dans la société
109 - La dissociation des fonctions de président et de directeur général est
l‟une des mesures phares des rapports américains et britanniques pour permettre une
gestion efficace de la société. Le rapport Vienot I s‟est montré plus prudent concernant
cette dissociation, prudence que le rapport Vienot II écarte car il consacre sa première
partie à ce sujet.
Le rapport Vienot II recommande l‟introduction en droit français d‟une plus
grande flexibilité dans la formule unitaire choisie, en laissant comme cela est déjà le cas
au Royaume- Uni, le choix au Conseil dans l‟organisation à prendre. Certains vont
considérer que le rapport Vienot II s‟éloigne des rapports originels sur la « Corporate
65
Governance » mais cette idée revient à nier le concept même de la « Corporate
Governance ». La « Corporate Governance » à pour objectif d‟améliorer l‟organisation
de la société afin que celle-ci gagne en efficacité. A l‟époque des Principles aux Etats-
Unis, les sociétés n‟étais pas dirigées par les actionnaires ou administrateurs mais par le
« management », management qui si on reprend les propos prémonitoire de Smith
n‟avait pour seule ambition que sa propre richesse au détriment de celle de la société.
Par conséquent, un renversement du pouvoir devait être envisagé pour rendre le pouvoir
aux propriétaires de la société et permettre à la société d‟agir efficacement dans l‟intérêt
commun des actionnaires. La recommandation du rapport Vienot II qui souhaite laisser
au Conseil d‟administration le choix dans la répartition des pouvoirs58, rejoint
pleinement les idéaux de la « Corporate Governance », en laissant au Conseil
d‟administration le choix de la solution qui apparait pour la société la plus efficace.
Imposé une règle dualiste pour des sociétés qui n‟en ont pas besoin risque d‟être
contreproductif, le choix laissé étant celui de l‟efficacité. Le rapport Vienot II, propose
également des recommandations pour plus de transparence.
b) Les recommandations pour plus de transparence
110 - Aux Royaume-Uni, le rapport Greebury qui est venu compléter le rapport
Cadbury en juillet 1995, impose que l‟information sur les rémunérations des dirigeants
des sociétés cotées figure dans le rapport annuel. Aux Etats- Unis, la rémunération se
trouve dans le document de convocation des assemblées. La volonté d‟une transparence
des rémunérations des dirigeants étaient comme nous l‟avons vu mentionné dans les
Principles of Corporate Governance et dans le rapport Cadbury.
Le rapport Vienot I préconisait comme les autres rapports, l‟instauration d‟un
comité de contrôle des rémunérations. Le rapport Vienot II va plus loin en
recommandant l‟instauration comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni d‟un chapitre
concernant la rémunération des dirigeants fait en concours avec le comité des
58
Pour plus d‟information sur les recommandations proposées par le Rapport Vienot II voir le rapport
Vienot II p. 8, consultable sur le site www.ecgi.org
66
rémunérations afin que les actionnaires aient une information sur le cout de la direction
générale de la société et de la politique de rémunération, ainsi que sur les jetons de
présences.
On constate ici, que le rapport Vienot II, reprend les recommandations et les
pratiques des sociétés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni avec cependant une légère
limite dû à l‟approche particulière qu‟on les français avec l‟argent.
c) Les recommandations sur la composition et le fonctionnement du Conseil
111 - Le rapport Vienot II propose plusieurs recommandations sur la
composition, le fonctionnement du Conseil d‟administration et des comités. Le rapport
est extrêmement exhaustif proposant 19 recommandations très précises. Parmi les plus
symbolique, notons la recommandation 22 qui revient sur la définition des
administrateurs indépendant et la simplifie. Désormais, un administrateur est
« indépendant de la direction de la société lorsqu‟il n‟entretient aucune relation de
quelque nature que ce soit avec la société ou son groupe qui puisse compromettre
l‟exercice de sa liberté de jugement »59. Le nombre d‟administrateur devant également
être augmenté passant de deux minimums selon le rapport Vienot I à 1/3 minimum
recommandé par le comité Vienot II. Le rapport Vienot II reprend les recommandations
du rapport Vienot I traitant du cumul de mandat des administrateurs, le nombre
maximum restant de 5 mandats.
112 - Les rapports Vienot apparaissent comme de véritable code de « bonne
gouvernance » à l‟image des codes anglo-saxons. Après une étude approfondie, on ne
peut que constater l‟emprunt, l‟influence des codes anglo-saxons sur l‟étude française.
Même s‟il est vrai que le rapport Vienot I s‟est montré assez frileux concernant la mise
en œuvre de ses recommandations, en ne faisant appel qu‟a la bonne volonté des
dirigeants, contrairement au rapport Principles of Corporate Governance ou encore le
59
Rapport Vienot II, préc. cit.
67
rapport Cadbury qui vise de manière très précise le législateur, le juge et les sociétés ou
encore toutes les organisations concernés. Les sociétés cotées anglaise ont du très
rapidement se conformer au code ou alors expliquer leur déviation. Le rapport Vienot II
se montre plus audacieux visant à plusieurs reprises le législateur, les sociétés ayant
pour la plupart adopté si ce n‟est toutes les recommandations, les plus importantes. Les
rapports de normes privés étant de plus en plus nombreux et appliqués.
B) L‟existence de nombreuses autres normes privées
113 - Plusieurs organisations ont elles aussi élaboré des recommandations en
matière de gouvernement d‟entreprise. L‟association française de gestion financière
(AFG) publie depuis 1998 des recommandations sur le gouvernement d‟entreprise
régulièrement mis à jour afin de guider les membres de l‟association, tels que le rapport
201160 de recommandation sur la « Corporate Governance » dont le but d‟assurer une
effectivité de la société. Parmi les dispositions proposées on peut citer la séparation des
pouvoirs, l‟existence de comité du conseil, audit, sélection, rémunération, et l‟existence
d‟administrateur privé pour ne citer que les points importants que nous avons traité.
L‟association nationale des sociétés par action (ANSA), a aussi rendu un rapport sur la
bonne gouvernance en 1999.
114 - Le concept de « Corporate Governance » a donc été assimilé par les
nombreuses organisations concernées par la bonne gouvernance des entreprises. Chaque
année de nouvelles recommandations et conseils étant offerts aux membres des
organisations. Le dernier rapport important sur la « Corporate Governance » en raison
sa large diffusion est le rapport du groupe de travail présidé par Daniel Boutin à la
demande de l‟AFEP-AGREF et du MEDEF. Ce rapport intitulé « Pour un meilleur
gouvernement d‟entreprise », propose un bilan des dix dernières années et propose des
60
Recommandation sur le gouvernement d‟entreprise, janvier 2011, AFG. Pour plus d‟information sur
ces rapports, tous les documents et recommandations sur le gouvernement d‟entreprise sont en accès libre
sur le site www.afg.asso.fr
68
recommandations afin de rendre les objectifs pour une meilleure gouvernance
réalisable. Notons que le rapport s‟attaque également aux normes et pratiques
comptables.
115 - La France dispose donc d‟un corps de règle très développé en matière de
gouvernement d‟entreprise, favorisant l‟efficacité et la transparence. Même si ces
normes ne sont pas édictées par l‟autorité étatique, elles n‟en demeurent pas moins
efficaces et respectées par les membres des organisations et les personnes visées par ces
rapports. Le bulletin de la Commission des opérations de bourse (COB) en 199961,
prouve que 4 ans après le rapport Vienot I, les sociétés françaises ont pris en compte les
recommandations.
Par exemple, 73% des sociétés cotées au CAC 40 avaient mis en place un comité
d‟audit et 83% des sociétés du CAC 40 ont mis en place au moins un comité. Le
législateur est intervenu pour récupérer le monopole de l‟édiction de norme. Il a
demandé au sénateur Marini un rapport dans le but de permettre une modernisation du
droit des sociétés et préparer des réformes législatives. Le rapport sans vraiment traiter
de la « Corporate Governance », prend partie pour plusieurs orientations développées
dans le rapport Vienot.
Paragraphe 2 : L‟intégration de la « Corporate Governance » par le législateur
116 - Le législateur français à fait entrer dans notre droit français des sociétés,
le « Corporate Governance », cette intégration s‟est faite tardivement par rapport aux
normes privées, les concepts de la « Corporate Governance » étant majoritairement
rentrés dans notre droit français par la loi sur les nouvelles régulations économique en
2001 (A). La « Corporate Governance » est donc pleinement entrée dans notre droit
français aujourd‟hui et constitue un exemple de circulation du droit (B).
61
Bulletin COB n°338 Septembre 1999, les documents sont disponibles en accès libre sur le site internet
de l‟autorité des marchés financiers, www.amf-france.org
69
A) L‟intégration de la « Corporate Governance » par la loi sur les nouvelles
régulations économiques
117 - La loi NRE du 15 mai 200162
sur les nouvelles régulations économiques
est le texte qui reprend de manière la plus évidente les idées de la « Corporate
Governance ». Cette loi démontre la volonté de l‟Etat de récupérer le processus de
production de normes et de répondre aux besoins des entreprises concernant le
gouvernement d‟entreprise, comme en témoigne l‟objectif de la loi, « Face à la
mondialisation de l‟économie et aux réalités du capitalisme d‟aujourd‟hui, l‟Etat doit se
doter d‟instruments de régulations efficaces afin d‟assurer … un fonctionnement plus
équilibré et transparent des organes dirigeant des entreprises ». La loi NRE va permettre
une modification du fonctionnement des sociétés selon les principes portés par la
« Corporate Governance ».
118 - La loi NRE va permettre une meilleure définition des pouvoirs du
Conseil d‟administration. Le nouvel article L 225-35 du code de commerce dispose,
« Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société et
veille à leur mise en œuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux
assemblées d'actionnaires et dans la limite de l'objet social, il se saisit de toute question
intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la
concernent…Le conseil d'administration procède aux contrôles et vérifications qu'il
juge opportuns. Le président ou le directeur général de la société est tenu de
communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations nécessaires à
l'accomplissement de sa mission ». Le Conseil administration apparait donc par la loi
comme le pivot centrale de l‟entreprise, la vie de la société lui appartenant. Le nombre
d‟administrateur passant dorénavant de 24 membres à 18.
119 - La loi NRE reprend également, un des principes fondamentaux de la
« Corporate Covernance », la dissociation des fonctions de président et de directeur
général. Le nouvel article L225-51-1 étant rédigé ainsi, « La direction générale de la
70
société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président du conseil
d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil
d'administration et portant le titre de directeur général.
Dans les conditions définies par les statuts, le conseil d'administration choisit entre les
deux modalités d'exercice de la direction générale visées au premier alinéa. Les
actionnaires et les tiers sont informés de ce choix dans des conditions définies par décret
en Conseil d'Etat.
Lorsque la direction générale de la société est assumée par le président du conseil
d'administration, les dispositions de la présente sous-section relatives au directeur
général lui sont applicables ». Il revient donc au CA de choisir entre une dissociation du
pouvoir ou non, comme il était préconisé dans le rapport Vienot II, les actionnaires de la
société étant les plus à même de savoir ce qui était bon pour la société. Ce choix devant
s‟opérer selon les conditions prévues par les statuts. On assiste donc à une convergence
du nouveau droit des sociétés vers les principes de la « Corporate Governance ».
120 - Cette convergence ne s‟arrête pas seulement aux missions du Conseil
d‟administration, la loi NRE a également modifié les règles de limitation du cumul de
mandat passant de 8 pour les SA ayant leurs sièges sur le territoire métropolitain et de 5
maximum pour les sociétés dont le capital est détenu à concurrence de 20% au moins
par une société dont il est déjà administrateur. La loi rejoint le rapport Vienot II, en
imposant une limite maximum de cinq mandats avec des conditions nouvelles. L‟article
225-21 nouveau disposant, « Une personne physique ne peut exercer simultanément
plus de cinq mandats d'administrateur de sociétés anonymes ayant leur siège sur le
territoire français.
Par dérogation aux dispositions ci-dessus, ne sont pas pris en compte les mandats
d'administrateur dans les sociétés qui sont contrôlées, au sens de l'article L. 233-16, par
la société dans laquelle est exercé un mandat au titre du premier alinéa, dès lors que les
titres des sociétés contrôlées ne sont pas admis aux négociations sur un marché
réglementé. Cette dérogation n'est pas applicable au mandat de président. ». La loi
renforce également le pouvoir des actionnaires minoritaires en leurs autorisant certains
droits63. Cette nouvelle règle va dans le sens d‟un renforcement du pouvoir du Conseil
71
d‟administration, chaque associé qu‟importe le montant de détention du capital doit
avoir un droit de s‟exprimer et de participer à la bonne gouvernance de l‟entreprise.
121 - Enfin, la loi NRE impose une certaine transparence concernant la
rémunération et les avantages versés, transparence qui est l‟un des principes
fondamentaux de la « Corporate Covernance » et qui est appliqué aux Etats-Unis et au
Royaume-Uni. Cette transparence va passer par l‟insertion des rémunérations totales et
des avantages de toute nature versés à chaque mandataire social dans le rapport présenté
à l‟assemblée générale comme le prévoit l‟article L 225-102-1 nouveau du code de
commerce, qui dispose, « Le rapport visé à l'article L. 225-102 rend compte de la
rémunération totale et des avantages de toute nature versés, durant l'exercice, à chaque
mandataire social. Il indique également le montant des rémunérations et des avantages
de toute nature que chacun de ces mandataires a reçu durant l'exercice de la part des
sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16.Il comprend également la liste de
l'ensemble des mandats et fonctions exercés dans toute société par chacun de ces
mandataires durant l'exercice. ».
Le rapport doit également comporter la liste de l‟ensemble des mandats et
fonction exercés dans toute société par chacun de ces mandataires durant l‟exercice. Un
autre rapport a vu le jour, concernant les opérations réalisées par les mandataires en
matière d‟options de souscription ou d‟achats d‟action. Les actionnaires devant
connaitre le nombre, la date d‟échéance et le montant des stock-options réalisées au
cours de l‟année dans la société ou ses filiales.
63
Article L225-231 du code de commerce, « Une association répondant aux conditions fixées à l'article L.
225-120, ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit
individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président
du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la
société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3. Dans ce
dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être
communiquée aux commissaires aux comptes.
« A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse
satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés
de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
« Le ministère public, le comité d'entreprise et, dans les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne,
la Commission des opérations de bourse peuvent également demander en référé la désignation d'un ou
plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. »
72
122 - La loi NRE apparait comme une réponse législative au concept de
« Corporate Governance ». Le législateur reprend en leur donnant une force
contraignante les principes déjà proposés par les acteurs privés. Une évidente
convergente apparait dans la loi NRE même si de nombreux point n‟ont pas été pris en
compte par la loi tels que les administrateurs indépendant. Les codes de conduite et les
rapports de « Corporate Governance » comblant les lacunes de la loi, la « Corporate
Governance » étant pleinement introduit dans le droit français.
B) La « Corporate Governance » aujourd‟hui
123 - Aujourd‟hui le concept de « bonne gouvernance », s‟est largement
répandu en France, les sociétés l‟ayant complètement intégré. De nombreux rapports
et recommandations existent, proposés par différentes organisations et ayant vocation
à s‟appliquer aux membres. L‟ordonnance de 200864 à l„article L823-19 du code de
commerce à imposé aux sociétés cotées l‟instauration d‟un comité d‟audit chargé
d‟assurer le suivi dans les différents domaines tels que l‟information financière, le
contrôle interne et gestion des risques, le contrôle légal des comptes annuels et
l‟indépendance des commissaires aux comptes. Cependant aucune sanction n‟est
prévue en cas de manquement, la responsabilité des membres du conseil devant être
mis en œuvre si l‟absence s‟avère porter préjudice aux actionnaires.
124 - Concernant les administrateurs indépendants, la loi NRE ne précise rien
et encore aujourd‟hui aucune loi n‟est venue imposer la présence de mandataire
indépendant. Cependant, la demande d‟administrateur indépendant se retrouve dans de
nombreux codes et rapports établis par les organisations représentatives des sociétés.
En effet, le code Afep-Medef à l‟article 8.2 recommande que la part des
administrateurs indépendants soit de la moitié des membres du Conseil administration,
le code défini également ce qu‟est un administrateur indépendant et les critères de
64 Ord. 2008-1278 du 8 décembre 2008
73
qualification. Cet exemple de recommandation, que l‟on retrouve dans le code
américain et britannique montre l‟insertion dans notre droit de ce concept. De plus,
même si le législateur n‟a pas érigé en principe la présence d‟administrateur
indépendant, les ouvrages relatifs au droit des sociétés tels que le mémento Francis
Lefebvre renvoi directement au code de bonne gouvernance, les codes ayant trouvé
toutes leurs places dans le droit français des sociétés65.
125 - On peut citer également à titre d‟exemple, les deux autres comités
préconisés par les rapports anglo-saxons et français. La loi ne mentionne pas la
présence de comité des rémunérations et des nominations contrairement au comité
d‟audit. Le code Afep-Medef, recommande la mise en place de ces comités de manière
exhaustif, la composition et la mission y étant décrit. La loi du 3 juillet 200866, vient
apporter un légitimité supplémentaire à ces codes, la loi prévoyant que lorsque la
société se réfère volontairement à un code de gouvernement d‟entreprise élaboré par
les organisations représentatives des entreprises, comme le code Afep-Medef que nous
avons vu, la société doit respecter le code ou dans son rapport67
, préciser les
dispositions du code qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l‟ont été. Si
la société ne se réfère pas à un code, le rapport doit indiquer les règles retenues en
complément des exigences requises par la loi et expliquer les raisons pour lesquelles la
société a décidé de ne pas appliquer le code de gouvernement d‟entreprise.
Aujourd‟hui de nombreuses sociétés appliquent les principes de bonne gouvernance.
126 - Le droit français des sociétés à donc été très perméable au concept de
« Corporate Governance ». L‟assimilation par le droit s‟étant opérée tout d‟abord par
les acteurs privés. Les rapports, études et codes témoignant incontestablement d‟une
convergence des idées. Convergence que l‟on retrouve également dans la loi. Ce
mouvement d‟échange entre les droits témoigne donc de l‟existence encore
aujourd‟hui d‟une circulation des droits, cette circulation n‟étant pas opéré par la
conquête mais par une volonté des Etats d‟obtenir un droit concurrentiel à offrir aux
65
Mémento Francis Lefebvre, Société commerciale, 2011, n°39370, p.517 et s. 66
Loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008, portant adaptation du droit des sociétés au droit communautaire 67
Rapport du président du conseil d‟administration ou du conseil de surveillance.
74
sociétés. La globalisation de l‟économie pousse les législateurs à répondre à la
demande des sociétés, à s‟inspirer des solutions externes apparaissant comme les plus
opportunes, afin de rester concurrentiel dans une économie globalisée.
75
CHAPITRE 2 : UNE CONVERGENCE ENTRE LES DROITS NES D’UNE
VOLONTE CONCURRENTIELLE
127 - « Il est évident qu‟une approche strictement nationaliste du droit des
sociétés commerciales n‟a plus de sens aujourd‟hui. Il est, en effet, difficile d‟imaginer
que l‟on puisse avoir une certaine conception de la société à Paris, une autre à Londres,
à New York, à Tokyo, à Mexico, au Caire, etc. Les sociétés financières, industrielles,
commerciales ou de prestations de services ne se ressemblent-elles pas singulièrement
au-delà de toutes les frontières ? Seuls, peut-être, sont différents certains aspects de leur
organisation technique ou l‟importance qu‟elles accordent plus particulièrement à tel ou
tel intérêt catégoriel. Cette similarité est encore accentuée, pour certaines d‟entre elles,
par le caractère international ou multinational de leurs organisations et de leurs activités.
Par le fait, aussi, que leurs actions sont cotées dans différents pays. Ne serait-il pas
étrange que puissent exister dans différents pays des notions très étrangères de la société
commerciale, voire incompatibles alors qu‟elles pourraient concerner, par exemple, les
filiales locales d‟un même groupe multinational ? En fait, la société commerciale est
fondamentalement la même chose dans tous les pays industriels. Il est donc, là aussi,
très nécessaire d‟avoir une conception et une notion claires de la société qui ne soient ni
trop étrangères d‟un pays à l‟autre et, encore moins, contradictoires »68
. Cette citation
de J. Pailluseau en 1984 montre déjà l‟importance et la nécessité d‟une certaines
convergence entre les différents droits des sociétés.
Cette convergence du droit des sociétés que l‟on connait aujourd‟hui nait de la
volonté des Etats de proposer un droit de sociétés attractif pour les sociétés (Section 1).
Les Etats proposent leur produit juridique aux sociétés qu‟elles mettent en concurrence,
les Etats se livrant également un concurrence, on peut alors à l‟image du rapprochement
entre le droit et le produit, parler d‟un marché du droit des sociétés (Section 2).
68 J. Paillusseau, « Les fondements du droit moderne des sociétés », JCP G II, 14193, 1984.
76
SECTION 1 : LE TRANSFERT ENTRE LES DROITS DES SOCIETES NES D‟UNE
VOLONTE CONCURRENTIELLE
128 - La « Corporate Governance » est l‟exemple parfait d‟échange entre les
droits, d‟une convergence entre différents droits nationaux. La réception d‟un droit
étranger peut se faire de manière globale ou parcellaire. Les échanges entre les droits
ont une multiplicité d‟origine, différents processus d‟interactions entre les droits
(Paragraphe 1) existant et étant identifié. Concernant l‟indéniable convergence qui
existe entre les différents droits des sociétés, la principale explication étant celle de la
transplantation (Paragraphe 2), transplantation en raison d‟une concurrence entre les
différents droits nationaux.
Paragraphe 1 : L‟existence de différents processus d'interaction entre les droits
129 - Il existe différentes pratiques, processus pour relier les systèmes
juridiques entre eux et favoriser les échanges entre les droits. Les deux principales et les
plus largement répandues sont l‟harmonisation et l‟internormativité.
Le processus d‟harmonisation du droit peut être défini comme un processus de
rapprochement entre différentes législations. Les phénomènes les plus connus
d‟harmonisation, sont ceux européens par le biais de directive ou de règlement qui
harmonise les différentes législations nationales en laissant une marge de manœuvre aux
Etats. L‟harmonisation implique une relation de type «hiérarchique entre le haut (le
niveau international, régional ou mondial) et le bas (niveau national)»69
. Le processus
d‟harmonisation ne touche pas seulement l‟Union européenne, il touche également
d‟autres sources, mondiales ou régionales. En l‟espèce, la convergence entre le droit des
sociétés américain et français ne peut s‟expliquer par le phénomène d‟harmonisation,
aucune relation hiérarchique existant entre ces deux pays. La convergence entre les
69
M. Delmas-Marty, «Le pluralisme ordonné et les interactions entre ensemble juridique», Dalloz 2006,
p. 951 et s.
77
droits des sociétés pouvant également avoir lieu par le biais de l‟harmonisation
notamment en matière communautaire.
La coordination est un autre processus permettant un lien entre les normes. Le
processus de coordination s‟apparente à celui de «l‟internormativité», qui peut être
définie comme le rapprochement et les relations entre des ensembles normatifs non
hiérarchisés entre eux ou non. Les relations pouvant s‟établir d‟un niveau à l‟autre par
imitation ou par renvoi. Une norme française pouvant alors se retrouver dans une
norme étrangère. La coopération a lieu également en présence communautaire.
130 - L‟intégration de normes extérieures en absence de toute coordination ou
harmonisation peut s‟expliquer par le phénomène de transplantation. La transplantation
entre les droits expliquant la convergence entre les droits des sociétés.
Paragraphe 2 : L‟application de la transplantation en droit des sociétés
131 - Le mécanisme de la transplantation explique la circulation entre les droits
quand ceux-ci sont l‟objet d‟une concurrence (B), la transplantation doit au préalable
être définie.
A) Définition de la transplantation
132 - La transplantation, ou greffe est un terme médical qui définie l‟opération
chirurgicale par laquelle on greffe un organe étranger dans le corps du patient. En droit,
le processus de transplantation est un phénomène bien connu des comparatistes. Il
correspond à la réception d‟un droit dans un système juridique. De nombreux auteurs
considèrent que des corps entiers de règles peuvent se déplacer d‟un système juridique à
l‟autre.
133 - La transplantation entre les droits a ces dernières années trouvé un
nouveau souffle en raison de l‟ouverture des frontières liées à la libéralisation des
échanges économiques et le développement de nouvelle technologie. La globalisation
78
comme nous l‟avons vu par la perméabilité des frontières, a permis de favoriser la
concurrence législative.
La compétition législative peut conduire à une coordination spontanée par
échange croisé, mais elle peut également se traduire par une transplantation des droits, «
imposées par contrainte ... ou encore acceptées, voire recherchées au profit, d‟un
système réputé plus prestigieux »70
. La transplantation est entre les droits des sociétés
est donc une conséquence de la concurrence législative.
B) La transplantation conséquence d‟une concurrence législative
134 - La globalisation a exacerbé les phénomènes de compétition juridique.
Les acteurs économiques qui sont localisés dans un Etat disposant d‟une loi et d‟outil
juridique ont tendances à se référer à ces outils et à appliquer la loi de l‟Etat. Les acteurs
économiques peuvent également lorsqu‟ils ont connaissance, vouloir bénéficier d‟un
droit différent, étranger qu‟il trouve plus avantageux ou ayant moins d‟inconvénient que
le leurs. En effet, les acteurs économiques vont vouloir choisir leur droit applicable, un
droit qui correspond le plus à leurs besoins. De nombreuses controverses existent,
menées par les auteurs refusant de croire en l‟impact du droit sur la croissance. Il est
vrai que démontrer l‟impact du droit sur l‟économie d‟un pays n‟est pas chose facile,
encore moins pour les détracteur de l‟analyse économique du droit mais, le droit à un
impact sur le choix du rattachement des entreprises71
. Le droit n‟est peut être pas la
raison principale dans le choix des acteurs économiques mais il en fait partie intégrante
dans le choix de rattachement.
135 - Les acteurs économiques bénéficient d‟une facilité de mouvement, le
monde paraissant de moins en moins grand, le transfert de siège social, le rattachement
de la société dans un autre Etat étant facilité, les sociétés vont pouvoir choisir la loi
applicable et ce choix n‟est pas sans conséquence. L‟Etat choisi, qui apparait attractif
70
M. Delmas-Marty, « Le pluralisme ordonné et les interactions entre ensemble juridique », préc. cit. 71
Y. Dezalay, Marchands de droit
79
pour l‟entreprise va bénéficier des investissements apportés par l‟entreprise. L‟Etat doit
donc pouvoir offrir aux acteurs économiques un droit efficace, attractif, qui attire les
acteurs économiques.
Le droit des sociétés va être un enjeu pour la croissance de l‟économie, par
l‟attrait qu‟il provoque sur les sociétés étrangères ou sur les investissements étrangers.
La volonté des Etats d‟obtenir un droit attractif, et la mise en concurrence72
par les
acteurs économiques va provoquer cette convergence entre les différents droits des
sociétés par le mécanisme de la transplantation. Ce mécanisme de transplantation en
présence de concurrence législative a été démontré de nombreuses fois, notamment par
Anthony Ogus, qui explique la transplantation en présence de concurrence, « Le
raisonnement précédent semblerait mener à la prédiction que, du fait de la concurrence,
il y aura certaines convergences des droits nationaux, par l'État réformateur soit en
acceptant une "transplantation" d'un autre ou en imitant ses principes juridiques.
Satisfaire la demande des acteurs du marché par ce genre d'action est peu chère en
termes d'information et de couts administratifs »73
136 - Les Etats vont récupérer, assimiler, des droits ou même des simples
règles plus attractives, plus concurrentes, cela étant pour eux sans contrainte de cout ou
d‟innovation. La règle de droit ayant déjà fait ses preuves. La convergence entre les
droits s‟explique alors par une raison concurrentielle, le droit étant « l‟un des facteurs de
compétitivité »74
, principe confirmé par le vice président délégué du MEDEF. Les Etats
souhaitant attirer les flux des acteurs économiques vont donc proposer des produits
juridiques attractifs, concurrentiels, l‟existence d‟un marché du droit des sociétés
pouvant être démontré.
72
Table ronde, « Comment créer un espace juridique européen compétitif face à la puissance anglo-
saxonne ? », Jean-Bernard Thomas, « les droits sont des produits juridiques en concurrence », LPA 13
juillet 2000, p. 26 et s. 73
A. Ogus, « compétition between national legal systems : a contribution of economic analysis to
comparative law », préc. cit. 74
Table ronde, « comment les entreprises intègrent-elles désormais dans leurs stratégie les contextes
juridiques dans lesquels elles évoluent » LPA 13 juillet 2000, n°139, p.51et s.
80
SECTION 2 : L‟EXISTENCE D‟UN MARCHE DU DROIT DES SOCIETES
137 - Le marché est souvent considéré comme une création invisible et
indestructible, « le marché libéral … est un fait, de ces faits dont on ne dispose pas, de
l‟existence desquels on peut éventuellement se réjouir mais contre lesquels il ne sert à
rien de maugréer ou de vitupérer »75
. L‟auteur continue en ajoutant que le marché est un
modèle, une invention qui entretient une relation particulière avec les faits, les faits
servant le modèle. La notion de marché doit d‟abord être définie (Paragraphe 1) avant
de voir si le modèle du marché peut s‟appliquer au droit des sociétés (Paragraphe 2), les
faits en présence décrivant le modèle du marché.
Paragraphe 1 : La définition de la notion de marché
138 - Le concept de marché est un concept ambigu et multiple76
. En effet, il
n‟existe pas une seule définition du marché tout comme il n‟existe pas un seul marché.
Il convient d‟essayer de définir la notion théorique du marché (A), et les conditions de
son existence (B) avant de tenter de l‟appliquer au produit droit des sociétés.
A) Une tentative de définition
139 - Le marché se défini de manière générale comme le lieu de rencontre de
l‟offre et de la demande. Cette définition étant celle la plus souvent utilisée. Le marché
est également étroitement lié à la notion de produit. Le marché étant le lieu de rencontre
entre l‟offre et la demande, offre et demande qui concerne des biens et services, des
produits. Le droit communautaire liant les deux, « le marché de produit comprend tous
les produits et/ou service que le consommateur considère comme interchangeable ou
75
Marie-Anne Frisson-Roche, « Le modèle du marché », Archive philosophique du droit, n°40, p. 286 et 76
« Maintes confusion provient de ce que, d‟une discipline à l‟autre- et, à l‟intérieur d‟une discipline,
d‟une école ou d‟un courant à l‟autre- on ne désigne pas la même chose par le terme de marché »,
Critique de la raison juridique
81
substituable en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix et de l‟usage auquel ils sont
destinés ».
La jurisprudence a également tenté de définir le marché la Cour d‟appel de Paris
dans un arrêt du 17 juin 1992, défini le marché « comme le lieu théorique ou se
confrontent l‟offre et la demande de produit ou de services qui sont considérés par les
acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non substituables aux
autres biens et services offerts »77
. Les différentes définitions font ressortir des
éléments composant le marché et nécessaire à son existence.
B) Les conditions d‟existence du marché
140 - Le marché est un modèle d‟organisation des relations. Le marché est une
conception théorique, il n‟est pas physiquement tangible, c‟est un mécanisme d‟échange
abstrait, qui nécessite la présence de différents acteurs.
Pour que le modèle du marché existe, il est nécessaire que coexistent une offre et
une demande dont la libre confrontation porte sur un produit ou un service
régulièrement mis sur le marché. La notion d‟offre englobe les producteurs et les
distributeurs du produit. La demande elle, se compose de toute les personnes qui
exercent une action dans l‟acquisition du produit, tels que les consommateurs. Le
produit lui correspond aux résultats d‟une création qui peut être mis en place sur le
marché.
141 - Le marché est étroitement lié à l‟économie et dans la logique et la
conception des juristes ou tout simplement des Hommes, le marché n‟existe que pour
des biens et services marchands. Le modèle du marché touche bien d‟autres domaines,
selon Marie-Anne Frisson-Roche le marché « dévore proprement tout sur son passage
… le marché concurrentiel des biens et des services est une sorte de pieuvre théorique
qui s‟étend progressivement pour recouvrir de son modèle d‟autres marchés
77
Cour d‟appel de Paris, 17 juin 1992, BOCCRF n°13/92
82
environnants mais spécifiques, annexant également des objets jusqu‟ici hors de son
atteinte »78
, tels que le droit. Le modèle du marché des biens et service peut donc
s‟appliquer au phénomène du droit, même si cela est très controversé.
Paragraphe 2 : Son application controversée au produit droit des sociétés
142 - Les phénomènes nouveaux que nous avons vu précédemment va
permettre d‟appliquer le modèle du marché au phénomène touchant le droit des
sociétés, l‟existence des conditions d‟application du marché étant remplis (A), apparait
alors un véritable marché du droit des sociétés (B).
A) L‟existence des conditions d‟application du marché
143 - Un marché se compose d‟une offre et d‟une demande qui coexistent,
concernant un produit déterminé et substituable. L‟offre est caractérisée par le
producteur du produit, la demande par le consommateur, reste le produit.
144 - Un produit au sens du marché, est le résultat d‟une création, qui répond à
une demande. Ce produit à un cout qui est prêt à être payé par le consommateur. Le
droit des sociétés à un cout comme nous l‟avons vu. Ce cout est l‟attribution par le
consommateur de ce droit, un cout fiscal et un cout d‟immatriculation. Le droit des
sociétés est également substituable, les consommateurs pouvant choisir le « produit »
droit qui répond à leur demande. La qualification du droit comme un produit se retrouve
dans de nombreux articles79
, et rapport officiel tels que le rapport sur l‟attractivité
international du droit français. Le droit des sociétés est donc assimilable à un produit,
les principaux critères du produit se retrouvant dans le droit des sociétés.
78
Marie-Anne Frsson-Roche, Le modèle du march é, prec. cit 79
Horatia Muir Watt, concurrence d‟ordres juridiques et conflits de lois de droit privé, prec cit. « Produit
législatif
83
145 - La demande est matérialisée par les acteurs économiques, les entreprises.
Le droit et notamment le droit des sociétés à un impact pour les entreprises80
, les
entreprises ont compris que le droit est un avantage dans la réalisation de leurs objectifs.
De plus, le droit des sociétés régente la vie des entreprises, les entreprises sont
obligatoirement soumises à un droit, par conséquent quand un choix leur est offert, les
entreprises par rationalité, comme elles ont besoins du droit vont consommer le droit
des sociétés qui est le plus efficace à leur yeux.
146 - Les producteurs du produit sont les offreurs sur le marché et s‟apparente
en l‟espèce à tous les producteurs de droit. Concernant le droit des sociétés, les
producteurs de droit sont les Etats, les organisations internationales, ou encore les
opérateurs privés. Les Etats offrent leurs droits des sociétés aux Entreprises. Les Etats
n‟étant pas perdant dans l‟histoire, comme nous l‟avons vu le choix du droit va avoir un
impact tant sur l‟entreprise que sur l‟Etat, cela va être source de richesse pour ce dernier
et également une source de rayonnement international et de prestige. Les conditions
d‟existence d‟un marché sont bien présentes concernant le domaine du droit des
sociétés, l‟existence d‟un marché du droit des sociétés apparait alors même si cela reste
encore pour certains difficilement envisageable.
B) L‟existence d‟un marché du droit des sociétés
147 - Le droit des sociétés et plus particulièrement le droit en général à du mal
à être considéré comme un produit qui peut s‟échanger, comme étant l‟objet d‟un
marché. Cependant, les changements qui ont lieu dans le monde, ont profondément
bouleversé les rapports entre le droit et le marché, l‟économie, les frontières et le monde
lui-même.
Le modèle du marché, apparait comme nous le présente Marie-Anne Frisson-
Roche comme un concept s‟étendant de plus en plus à des domaines qui lui échappaient.
Le droit des sociétés en fait partie, « Le droit (des sociétés) devient lui-même, et un
marché et un objet de marché .... Mais ce sont surtout les législations entres elles qui
80
Yves Dezalay, Marchand de droit
84
sont mises en concurrence, du fait de leur attache territoriale qui les constituent comme
des produits limités et particuliers qui sont offerts à des utilisateurs aptes techniquement
à se soumettre à la législation qui leur convient. La demande s‟oriente vers l‟offre. Le
phénomène de délocalisation est une conséquence de cette mise en concurrence des
législations entre elles. L‟implantation est le prix payé pour obtenir la législation
convoitée. Ce n‟est plus la loi mise en esclavage par le marché, c‟est la loi qui est
manipulée comme un objet de marché, à la disposition de qui l‟estime apte à l‟usage
auquel il la destine »81
.
Le mécanisme du marché comme le lieu de rencontre de l‟offre et de la demande,
et comme moyen de régulation des échanges peut donc s‟appliquer au produit législatif,
comme nous l‟avons vu. Les différentes conditions d‟existence du marché étant
remplies. Cette assimilation du concept de marché aux droits à été mentionné de
nombreuses fois par différents auteurs82
, « nous ne nions pas l‟existence d‟un
phénomène qui a commencé à se développer dès le milieu du XXe siècle et qui a pris de
l‟ampleur avec la globalisation de l‟économie. Il existe bel et bien un marché
international du droit ». Les théoriciens de la Law and Economics que nous avons vu
précédemment, parle également du marché du droit, en assimilant ces mécanismes à
ceux du marché des biens et services83
.
148 - Le marché du droit des sociétés se composent des Etats qui proposent sur
ce marché leurs produits législatifs, produit qui va être choisi par les consommateurs-
entreprises. Le produit va donc être soumis à une concurrence, concurrence qui va avoir
pour effet d‟aboutir à une certaine convergence entre les différents produits, le produit
le plus attractif servant de modèle aux autres produits, l‟enjeu pour l‟Etat étant
important en raison du flux financier que peut rapporter les entreprises. Les Etats vont
donc se livrer une concurrence, ce qui n‟est pas sans conséquence.
81
Marie-Anne Frisson-Roche, « le modèle du marché », op. cit. 82
C. Kessedjian, « Le droit entre concurrence et coopération », préc. cit. 83
Pour exemple, Anthony Ogus, « a la demande des acteurs du marché, les législateurs nationaux vont
comparer leurs propres produits juridiques avec ceux disponibles produit juridiques avec ceux disponibles
dans les États concurrentes ».
85
CONCLUSION DU TITRE 2
149 - Le rapprochement entre les différents droits des sociétés, n‟est pas le fruit
du hasard, cette convergence trouvant son explication dans le caractère particulier du
droit des sociétés, qui nous permet de l‟assimiler à un produit semblable à un produit
sur le marché des biens et services.
Il existe entre les produits, une concurrence, que se livre les producteurs pour
offrir le produit le plus attractif, le plus adéquate à la demande des consommateurs.
Cette phrase qui pourrait être issu de nombreux manuel d‟économie peut s‟appliquer
tant au domaine de l‟économie et au produit marchand qu‟au phénomène mondial
propre au droit des sociétés. La concurrence que se livre les Etats pour offrir aux
consommateurs de droit, les sociétés, un droit attractif, efficace peut se voir calquer le
modèle du marché des biens et services. Ce calque peut paraitre de première vue
incongru, paradoxal, le droit des sociétés ne pouvant faire l‟objet d‟un marché, mais la
concurrence entre les droits, la convergence qui existe entre les différents droits des
sociétés, la similitude qui existe entre le droit des sociétés et la définition d‟un produit,
nous pousse à dépasser notre conception du droit et appréhender ce phénomène
nouveau. Les acteurs sur ce marché du droit des sociétés se comportent comme les
acteurs du marché des biens et services, ce modèle apportant plus de similitude que de
contradiction, nous obligent à rattacher et a expliquer les différents mouvements de
convergence entre les droits des sociétés, par l‟existence d‟un marché du droit des
sociétés, ou les Etats pour attirer les sociétés vont se livrer une concurrence qui va
permettre une convergence entre les droits, les Etats récupérant sur leurs concurrents les
solutions paraissant plaire aux sociétés ou étant selon plus efficace. La convergence
pouvant naitre également de la demande des sociétés.
86
CONCLUSION DE LA PARTIE 1
150 - La convergence des droits des sociétés s‟explique par une circulation des
droits des sociétés d‟un Etat à l‟autre, la circulation ayant pour cause, la volonté des
Etats d‟offrir un produit « droit des sociétés » concurrentiel aux sociétés afin de les voir
se rattacher à eux et obtenir en retour un avantage financier. Les sociétés n‟ont plus de
frein à leur mobilité, elles vont désormais choisir ou se rattacher, ou s‟implanter et
choisir leur droit, leur lex societatis. Comme on le sait, le rattachement des sociétés à un
Etat est soumis aux règles de l‟Etat, cependant ce rattachement se fait sur la base du
volontariat, une société qui vient d‟être créé peut décider de s‟implanter en France ou
aux Etats-Unis. Pour les groupes de sociétés, plus généralement connus sous le nom de
multinationales, cette mobilité nous allons le voir est également admise, le critère de
l‟incorporation étant le critère le plus utilisé par les Etats.
151 - Ce choix qui est offert aux sociétés va provoquer une concurrence entre
les Etats, cette concurrence étant semblable à la concurrence qu‟on trouve sur le marché
des biens et services. Le droit des sociétés est devenu un produit sur un marché
composé des Etats, producteurs, des sociétés, consommateurs. Dans le cadre de notre
étude nous avons mis l‟accent sur la concurrence législative et donc ne traitons
volontairement sur ce marché que des Etats comme producteurs de droit, mais d‟autres
producteurs sur ce marché existent, tels que les organismes privés qui proposent aux
sociétés des règles, une régulation. La convergence entre ces règles en raison d‟une
concurrence pouvant également s‟appliquer, la concurrence comme source de
convergence pour le droit des sociétés, ne peut s‟apparenter à une exception. Cette
concurrence induisant de nombreuses conséquences.
87
DEUXIEME PARTIE : LES CONSEQUENCES D’UNE CONCURRENCE
LEGISLATIVE POUR OBTENIR UN DROIT CONCURRENTIEL
152 - La concurrence est décrite comme un mécanisme sain pour permettre
l‟amélioration des produits concurrencé. Chaque producteur voulant et cherchant
l‟innovation afin de vendre son produit. On constate cependant que la concurrence
législative ne permet pas toujours, une optimisation de la règle de droit, les
conséquences néfastes de la concurrence législatives sur la règle de droit pouvant avoir
lieu (Titre 1), apparait alors la nécessité de réguler efficacement la concurrence
législative (Titre 2).
TITRE 1 : LES DANGERS DE LA CONCURRENCE ENTRE LES ETATS SUR
LA REGLE DE DROIT
153 - « Dans bien des discours, politiques ou d‟entreprise, la concurrence
apparait comme une donnée et une nécessité »84
. La concurrence, la compétition entre
les producteurs devant les pousser, les stimuler pour permettre une optimisation de leur
produit. L‟application de la concurrence sur la règle de droit des affaires, ne produit pas
l‟effet escompté, celle-ci provoquant une dégénérescence de la règle de droit (Chapitre
1). L‟optimisation de la règle de droit n‟ayant également pas lieu (Chapitre 2), les droits
des sociétés convergent mais n‟innovent pas.
84 M. Depincé, D. Mainguy, JL. Respaud, Droit de la concurrence, ed. Litec, spéc. p. 1 et s.
88
CHAPITRE 1 : LA DEGENERESCENCE DE LA REGLE DE DROIT
154 - Le droit nous l‟avons défini précédemment est composé d‟un ensemble
de règle de droit qui permet d‟assurer une cohésion et d‟organiser la vie en société. Le
droit et la morale sont deux chose différentes bien que tous consent à reconnaitre qu‟il
existe une certaine proximité entre les deux. Le droit n‟est pas la morale, mais le droit à
une valeur morale, c‟est-à-dire qu‟il poursuit un but particulier, l‟organisation de la vie
en société, par un moyen une règle de droit soumis à des principes. La concurrence est
elle morale ? Peut-on alors se demander, en reprenant et en la modifiant la fameuse
question que se pose André Comte-Sponville85
. La concurrence poursuivit par les Etats
dans l‟unique but d‟attirer les entreprises, va provoquer une perte de valeur de la règle
de droit (Section 1), et un nivellement vers le bas (Section 2).
SECTION 1 : LA PERTE DE VALEUR DE LA REGLE DE DROIT
155 - La concurrence législative que se livre les Etats dans le seul but d‟attirer
les entreprises et de répondre à leur demande, nie les valeurs morales du droit
(Paragraphe 1), en se focalisant uniquement sur une catégorie de sujet de droit, la règle
de droit perd alors sa neutralité (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La négation de la valeur morale du droit
156 - Le Digeste de Justinien défini le droit comme l‟art du bien et du juste86
.
Bien que cette vision apparaisse comme idyllique, le Droit doit permettre de faire la
balance entre le juste et l‟injuste, en organisant la vie en société par le biais de règle,
85
A. Comte-Sponville, Le capitalisme est-il moral ?, ed. 2004. 86
Jus est ars boni aequi
89
règle qui a vocation à s‟appliquer à l‟ensemble de la société et doit donc être formulé de
manière générale et impersonnelle.
157 - Le Droit doit donc être un moyen d‟obtenir une cohésion sociale, de
permettre aux individus de pouvoir vivre entre eux de manière harmonieuse par le biais
de règle, appelé aussi droit subjectif. La concurrence législative va nier cette approche
du droit, le but recherché n‟est plus alors la cohésion sociale, la recherche du juste mais
la recherche de l‟attractivité. La concurrence entre les droits va donc nier la valeur
morale du droit, le législateur poursuivant un but égoïste, augmenter les richesses de son
Etat en rendant attractif son droit mis en concurrence.
Comme nous l‟avons vu le législateur va transformer les règles du droit des
sociétés notamment, dans le but d‟attirer les entreprises, les acteurs économiques. La
règle de droit va être produite dans un but unique celle de satisfaire la société, le droit
ne fait plus alors l‟équilibre, la neutralité du droit disparait.
Paragraphe 2 : La perte de neutralité de la règle de droit
158 - Les acteurs économiques, multinationales, sociétés sont considérés
comme les nouveaux pouvoirs qui dominent le monde87
. Les multinationales génèrent
des sommes astronomiques, les Etats souhaitent alors récupérer ces flux financiers et
vont donc leurs proposer un droit correspond à leurs demandes.
159 - La règle de droit doit être neutre, elle doit s‟appliquer quand elle a
vocation à s‟appliquer au sujet de droit sans distinction possible. Cette neutralité de la
règle de droit est essentiel, elle nous protège de l‟arbitraire et de la tyrannie. La règle de
droit que proposent les Etats est basée sur une demande, une demande particulière, qui
ne correspond à l‟ensemble des sujets de droit. La concurrence législative va donc faire
perdre au droit sa neutralité. Pas tant dans l‟application, elle a vocation à s‟appliquer à
tous les sujets de droit, mais dans la création de la règle de droit, celle-ci se faisant dans
le but de « favoriser » une partie des sujets de droit. La perte de neutralité de la règle de
87
Mireille Delmas-Marty, trois défi pour un droit mondial, édition du Seuil, p. 138
90
droit, va orienter le droit en fonction de la demande. Un nivellement vers le haut ou vers
le bas.
SECTION 2 : LE DANGER INEVITABLE D‟UN NIVELLEMENT VERS LE BAS
DES LEGISLATIONS NATIONALES
160 - La mise en concurrence des Etats, va pousser ces derniers à répondre aux
demandes des sujets de droit. Les sociétés vont vouloir maximiser leur profit, optimiser
leur stratégie et cela à moindre cout. Les Etats vont donc offrir un droit des sociétés
répondant le plus proche au besoin des acteurs économiques, acteur économique qui
évidemment souhaite avoir une législation à moindre cout. L‟Etat le plus attractif va
donc être copié, les autres Etats transplantant les solutions de l‟Etat concurrencé, ce qui
va entrainer indéniablement un nivellement vers le bas.
161 - Pour de nombreux auteurs, ce « race to the bottom » peut déboucher sur un
« race to the top », un nivellement vers le haut en aboutissant à une simplification et
flexibilité du droit des sociétés. Ce « race to the top » pourrait donc avoir lieu, comme
le propose les professeurs Benedetelli et Rescio, qui croient en un « law shopping »
vertueux. Pour ces auteurs, la concurrence peut se faire par le haut en permettant une
harmonisation minimale afin de protéger les intérêts des parties les plus faibles.
Cependant, ce « race to the top » nous l‟avons vu ne pourra avoir lieu que si il existe
une demande des acteurs économiques vers un droit des sociétés flexible et efficace.
162 - Le problème vient alors de savoir si cette demande peut avoir lieu. Les
Etats selon Guzman, poursuit des objectifs égoïstes. Ce qui importe à un législateur
c‟est d‟obtenir la maximisation des ressources dont dispose la communauté dont il régit
et par conséquent si les décisions qu‟il prend ne sont pas conformes au bien être de
l‟ensemble des sujets de droit, l‟Etat ne s‟en soucie pas88
. L‟Etat va donc proposer un
91
produit législatif conforme à la demande des entreprises, les entreprises voulant un droit
à faible cout ou faible règlementation vont répondre à cette demande.
163 - Le « race to the top », s‟il ne dépend pas des Etats, doit donc dépendre des
entreprises, les Etats répondant de manière conforme à leur demande. Selon le
professeur Horatia Muir Watt, il existe un moyen d‟obtenir un nivellement vers le haut,
comme en témoigne l‟affaire Nike. Dans l‟affaire Nike, les consommateurs furent mis
en connaissance des conditions de fabrication des fameuses chaussures et notamment
des conditions de travail inhumain qui étaient appliquées dans les usines de sous-
traitance en Chine, Vietnam et Indonésie. Pour remédier à l‟image désastreuse le groupe
Nike avait mis en place une importante campagne publicitaire pour rétablir sa crédibilité
en promettant de faire respecter par ses sous-traitants les normes sociales en faveur des
travailleurs locaux. Les promesses n‟ont pas été exécutées et un consommateur saisi la
justice américaine. Le point ici, n‟est pas de savoir si le juge judiciaire qui a en l‟espèce
condamné la société Nike peut permettre un nivellement vers le haut mais si le
consommateur qui estime que le produit importé mérite l‟opprobre peut avoir un
impact. C‟est ce qu‟on voit actuellement dans le droit de l‟environnement et que l‟on
appelle communément le « Green washing». Les seuls qui peuvent avoir sur les acteurs
économiques un impact sont les consommateurs, les sociétés attirées par l‟appât du gain
recherchent une législation à moindre cout. Hélas, les consommateurs se moquent du
lieu d‟implantation des sociétés et de la législation choisie, leur principale priorité étant
de payer un produit à moindre cout, produit qui ne peut être à moindre cout, que si la
société à une stratégie efficace qui passe notamment par le choix de la loi.
164 - Le nivellement par le haut peut donc difficilement se faire par les
entreprises, le seul moyen d‟obtenir ce nivellement doit alors être mis en œuvre par
l‟Etat ce qui est difficilement envisageable comme nous l‟avons vu. La concurrence
entre les Etats conduit donc à un nivellement vers le bas ou « race to the bottom »,
principale crainte des auteurs analysant la concurrence législative. La concurrence
législative ne permettant pas non plus une optimisation de la règle de droit.
88 Guzman cité dans Horatia Muir Watt, Globalisation des marchés et économies politique du droit
international privé, Archive philosophique de droit, n° 47, 2003, p. 243
92
CHAPITRE 2 : L’ABSENCE D’OPTIMISATION DE LA REGLE DE DROIT
165 - La concurrence apparait dans le domaine économique comme une
donnée essentielle et une nécessité. La concurrence doit permettre de stimuler les
producteurs des produits concurrencés, permettre d‟adapter la valeur du produit à son
juste prix, être au plus proche de la demande en optimisant le produit ou en
l‟améliorant. La concurrence ayant des vertus positives et étant source d‟innovation.
Le basculement des vertus de la concurrence entre les produits sur la concurrence
législative devrait permettre une optimisation de la règle de droit, la concurrence ne
devant poursuivre comme autre finalité que l‟efficacité de la norme. Tels était l‟objectif
des tenants de la « Law and Economics », de permettre par la mise en concurrence une
allocation optimale des règles89
. La concurrence devant provoquer une amélioration de
la règle de droit (Section 1) et des innovations législatives (Section 2) qui brillent
aujourd‟hui par leurs absences.
SECTION 1 : L‟ABSENCE D‟AMELIORATION DE LA REGLE DE DROIT
166 - Les tenants de la doctrine de la « Law and Economics » appliquée à la
concurrence entre les droits, comme nous l‟avons vu précédemment, énonce que la
concurrence entre les droits va permettre une amélioration de la règle par une
spécialisation. Selon lui, les consommateurs vont migrer vers la règle de droit la plus
efficace au regard de leur besoin. Les Etats vont alors en présence d‟une réactivité du
89 Horatia MIUR WATT, « Globalisation des marchés et économie politique du droit international
privé », Archive philosophique de droit, 2003, n°47, p. 243 : « un courant de pensée nouveau, apparu au
sein de l‟analyse économique du droit aux Etats-Unis, … de façon à assurer l‟allocation optimale des
compétences étatiques », Horatia Miur Watt, « Concurrence d‟ordres juridiques et conflits de lois de droit
privé », préc. cit « En même temps comme sur un marché de biens privés, la concurrence législative
conduit à une différenciation des produits normatifs en fonction des préférences hétérogènes des
justiciables. Le marché législatif pourvoit donc au niveau optimal de réglementation de chaque Etat en
même temps qu‟il assure la satisfaction des préférences agrégés ».
93
législateur se spécialiser, afin de répondre à la demande de ses consommateurs. La
concurrence par le bais du pouvoir « d’exit » va agir comme un mécanisme de
correcteur sur la tentation de sur-régulation des législateurs ou de sous-régulation. Les
consommateurs se répartissant selon leurs préférences au regard du produit offert et
permettant la multiplicité des régimes juridiques.
167 - L‟amélioration de la règle de droit, doit donc être produite par les
législateurs en raison de leur spécialisation sur leurs produits proposés aux
consommateurs intéressés. Les produits juridiques ne doivent donc pas alors converger
vers le produit apparaissant comme concurrentiel, mais s‟améliorer en gardant leurs
spécificités. Cependant, nous avons constaté qu‟aujourd‟hui la concurrence législative
va provoquer une convergence des droits, le législateur souhaitant maximiser les
ressources de son territoire en captant le plus grand nombre de consommateur et pour
cela en offrant le produit le plus attractif possible. L‟amélioration de la règle de droit
par le biais d‟une spécialisation des législations apparait utopique. De plus, même si
certains opérateur économique tels les petites PME française, qui ne se soucie guère de
la concurrence législative et n‟ont pas vocation à bouger, vont rester sur le territoire
pour bénéficier de la législation de l‟Etats, la convergence aura quand même lieux,
l‟Etat va méconnaitre cette donnée financière légère au profit d‟une donnée financière
plus forte.
168 - L‟amélioration peut aussi résulter de la volonté du législateur d‟offrir un
produit toujours « à la pointe de la technologie » au consommateur. Cependant, on l‟a
constaté la concurrence provoque une convergence du droit vers la solution la plus
attractive. Il est vrai que la transplantation d‟un droit étranger peut s‟assimiler à une
amélioration du droit, mais l‟amélioration ne doit pas se faire pour favoriser un seul
groupe mais concerner tout le groupe visé par la règle. Pour exemple, le concept de
« Corporate Governance » a fait l‟objet d‟une transplantation en France comme nous
l‟avons vu précédemment. La « Corporate Governance » en soit, n‟apparait pas comme
une convergence du droit vers le bas, une course à la déréglementation, mais
l‟importation de ce concept, a été fait dans un but particulier, celui des actionnaires en
méconnaissant les autres intérêts de l‟entreprise, tels que les salariés. L‟amélioration
94
prétendue de la règle de droit dans un but de favoriser une partie du groupe, ne peut pas
pleinement s‟apparenter à une amélioration.
La concurrence ne doit pas seulement permettre l‟amélioration mais également
l‟innovation législative, innovation législative qui semble être compromise.
SECTION 2 : L‟ABSENCE D‟INNOVATION DE LA REGLE DE DROIT
169 - La concurrence entre les produits va stimuler la création des producteurs
et va favoriser l‟innovation. La concurrence législative devant également avoir cette
vertu innovante. L‟Etat à l‟image du producteur de bien va vouloir innover pour attirer
de nouveaux consommateurs ou récupérer les consommateurs partis.
170 - La concurrence législative ne va pas permettre l‟innovation mais une
simple convergence, celle-ci étant admit théoriquement par Anthony Ogus dans son
article 90
qui complète l‟œuvre de M. Mattei et considère que la concurrence va
provoquer une convergence entre les droits. Selon la thèse de Mattei, chaque droit
contient des principes efficaces et ce droit est conçu comme une chose dans le
commerce. Dans la sphère internationale, il existe un marché des droits ouvert à la
concurrence. Si un droit ou un élément d‟un système circule, c‟est qu‟il est choisi par
préférence à un autre en raison d‟une meilleure efficacité économique qui n‟est pas
seulement l‟explication de la concurrence mais également de la cause de leur
convergence. La concurrence législative est alors source de convergence mais non
d‟innovation.
171 - La concurrence de manière générale ne va pas permettre dans chaque
Etats des innovations législatives mais une simple convergence entre les différents
droits quand celle-ci est possible. Il est vrai que de nombreuses lois naissent chaque jour
dans notre pays, au point qu‟on parle de prolifération législative, ces lois ne pouvant
90 A. Ogus, « Competition between National Legal Systems: A Contribution of Economic
Analysis to Comparative Law », préc. cit.
95
s‟assimiler à des innovations. L‟Etat afin d‟attirer les acteurs économiques, n‟innove
pas, il récupère juste les solutions apparaissant plus attractifs. Il est vrai, que l‟Etat
« copié » fait lui source d‟innovation, cette innovation devenant vite la « norme », les
autres Etats n‟innovant pas, récupérant juste la solution la plus favorable.
172 - La concurrence législative lorsqu‟elle a été pensée devait permettre une
optimisation de la règle de droit en assurant la diversité des régimes juridiques
disponibles pour répondre au plus près aux différentes demandes des investisseurs. Cela
nécessitant que les forces du marché interviennent et déterminent l‟intensité optimale de
réglementation applicable apportant une solution au problème de la course vers le bas.
L‟impact néfaste de la concurrence sur le droit résulte d‟un mauvais fonctionnement du
marché qui peut s‟expliquer par l‟insuffisance des règles encadrant la concurrence
législative.
96
CONCLUSION DU TITRE 1
173 - La concurrence se retrouve dans de nombreux domaines tels que le sport,
la mode, l‟école, la musique etc… La concurrence, la compétition apparait donc
comme un mécanisme courant, sain, permettant la stimulation, l‟optimisation des
ressources. Dans le domaine du droit, la concurrence que vont se livrer les Etats sur la
règle de droit risque d‟avoir un impact néfaste sur cette dernière.
La concurrence ne va pas permettre une optimisation de la règle de droit, ni la
recherche d‟innovation, les Etats se contentant d‟importer les solutions les plus attractifs
dans leur droit. Cette absence d‟optimisation n‟est pas un véritable problème, les droits
convergeant ne pose pas de soucis particulier, sauf quand cette convergence provoque
un nivellement vers le bas. La concurrence va également nier les valeurs morales de la
règle de droit, celle-ci va en étant créée dans le but de répondre à une demande nie la
neutralité inhérente et essentielle à la règle de droit.
174 - La concurrence peut aussi s‟avérer positive, les risques envisagés ont été
analysés dans un cadre général et peuvent frapper avec parcimonie la règle de droit. La
concurrence doit donc être encadrée, régulée.
97
TITRE 2 : LA NECESSITE D’ENCADRER EFFICACEMENT LA
CONCURRENCE LEGISLATIVE
175 - La concurrence que vont se livrer les Etats pour obtenir un droit attractif
pour l‟acteur économique peut avoir de nombreux impacts sur la règle de droit. La
concurrence est un mécanisme sain lorsque celle-ci est régulée. Cependant, la régulation
législative ne se fait pas directement mais indirectement par la régulation des acteurs
économiques dans le choix de la loi applicable, cette régulation apparaissant alors
comme insuffisante (Chapitre 2). La concurrence législative doit donc être encadrer, en
raison de l‟impact sur la règle de droit, mais également en raison des dérives possibles
orchestrées par les acteurs économiques internationaux dans la mise en concurrence
(Chapitre 1).
CHAPITRE 1 : LES DERIVES DE LA CONCURRENCE LEGISLATIVES
POUR LE SUJET DE DROIT INTERNATIONAL
176 - Les sujets de droit international qui peuvent choisir leur droit applicable,
peuvent utiliser ce droit de manière abusive ou frauduleuse. Le « law shopping »
(Section 1) ou le « forum shopping » (Section 2)
SECTION 1 : LE « LAW SHOPPING »
177 - Le « Law shopping » est très peu usité en droit international privé, le
terme se retrouvant plus souvent en droit communautaire et notamment dans les
commentaires de la jurisprudence de la Cour de justice de l‟Union européenne. Le
« law shopping », consiste à choisir une loi qui apparait moins contraignante. Ce « law
shopping » s‟opère par la faculté de rattachement et d‟immatriculation des sociétés qui
va leur permettre de choisir la loi la moins contraignante parmi de nombreuses autres
lois.
98
178 - Les acteurs économiques ont pleinement pris en conscience de l‟impact du
droit dans leur stratégie économique et vont donc chercher à tirer avantage de cela en
choisissant une loi souple. Pour cela, la société va contourner le rattachement qui aurait
du être le sien à l‟origine en se constituant dans un Etat à la législation plus souple que
celle originale et continuer à exercer son activité dans le pays d‟origine, cela constitue le
siège réel. Le « law shopping » apparait alors comme une optimisation de la règle de
droit dans une stratégie économique.
Le « law shopping » se constitue donc de deux éléments, un matériel et un
intentionnel. Le matériel est constitué par le choix offert d‟un système juridique et des
règles le constituant. L‟élément intentionnel étant lui constitué du mobile, de la volonté
d‟obtenir et de tirer avantage de la lex societatis. Le « law shopping » n‟est donc
possible que pour la mobilité des sociétés. Cette mobilité devant être régulé pour éviter
ce que la doctrine appelle un « effet Delaware ».
179 - L‟Etat du Delaware est un Etat se situant sur la cote Est des Etats-Unis
proche du Maryland. Cet Etat est considéré comme un paradis fiscaux pour toutes les
sociétés off-shore la seule taxation, étant une taxation forfaitaire de 300 €. Cette Etat
attire donc de nombreuses sociétés afin de bénéficier du régime souple applicable aux
sociétés et de la fiscalité quasi réduite. Cette Etat appliquant le système de
l‟incorporation va donc permettre à une société de s‟immatriculer, de bénéficier des
produits législatifs très attractif qu‟offre cette Etat, tout en continuant à avoir ses
principales activités sur un autre territoire. Pour exemple, le cout de création d‟une
société au Delaware coute environ en moyenne 300€, l‟apport de la société étant de 500
€, modique somme à payer sachant qu‟après il n‟y a plus aucune taxe ni impôt à payer
hormis les 300 € annuel91
. L‟Etat du Delaware avec sa législation attractif héberge plus
de la moitié des 500 sociétés américaines les plus importantes. L‟Effet Delaware est
donc caractérisé par la doctrine comme la volonté d‟un Etat d‟obtenir le rattachement
des sociétés en proposant une législation attractif. Les autres Etats vont rétorquer en
91 Pour en savoir plus, plusieurs sites traitent de l‟Etat du Delaware notamment,
http://www.paradisfiscaux.com.
99
proposant eux aussi une législation attractive à moindre cout, ce qui va provoquer un
nivellement vers le bas.
SECTION 2 : LE « FORUM SHOPPING »
180 - Le forum shopping consiste pour un plaideur à s‟assurer de l‟accès au for
le plus favorable à ses intérêts, que ce soit sur le fond pour voir appliquer la solution
substantielle la plus intéressante ou sur le terrain de la procédure pour se voir faciliter
l‟action en justice. Le forum shopping a également été défini par la jurisprudence
européenne comme « le choix du for en fonction des avantages pouvant résulter du droit
matériel (voire procédural) qui y est appliqué »92
.
181 - Le forum shopping bien que discutable, reste néanmoins licite. Le forum
shopping consistant en une option de compétence devant laquelle se trouve le
demandeur, en raison d‟un lien d‟extranéité. Le forum shopping peut également être mis
en œuvre par le défendeur, en prenant l‟initiative d‟une procédure devant un for
étranger afin de court-circuiter la procédure préalablement engagée devant un for qui
risque de lui être dommageable. Le forum shopping apparaissant comme « l‟expression
d‟une préférence constituant plutôt un facteur d‟émulation entre Etats et, partant
d‟efficience globale »93
. Le forum shopping est donc juste une manière habile du
demandeur d‟exercer une option de compétence offerte par les règles de compétences
internationales et la situation la créant.
« L‟internationalisation est grande tant dans l‟actionnariat des sociétés cotées,
accentuée par la possible multi cotation, que dans les activités exercées par ces sociétés,
avec pour corollaire une absence totale de frontière »94
. Le forum shopping apparait
92
CJCE, 28 septembre 1999, affaire C-440/97, Groupe Concorde e.a. 93
H. Muir Watt, Quelles méthodes ? Vers un procès civil universel ? Les règles transnationales de
procédure civile de l’American Law Institute, sous la direction de Ph. Fouchard, LGDJ, p.43.
100
alors inévitable en raison de la diversité des règles juridiques et des systèmes juridiques.
Les demandeurs vont donc vouloir quand cela leur est offert, choisir le juge le plus apte
à satisfaire leur demande. Après tout qui refuserait quand le choix est possible, la
solution la plus facile. Cependant, le forum shopping ne peut demeurer licite qu‟a la
condition qu‟il n‟ait pas pour effet d‟opérer une rupture anormale d‟équilibre entre les
parties.
182 - Dans le domaine du droit des affaires, le forum shopping est
particulièrement présent en raison des nombreux éléments d‟extranéité. Le forum
shopping tend à s‟étendre en raison de l‟activité internationale du droit des sociétés et
des groupes de sociétés. Dans le domaine du droit des affaires, le forum shopping le
plus récent est relatif au « class action», tout les droits nationaux tels que celui de la
France ne l‟admettant pas. L‟un des exemples les plus frappants de forum shopping est
l‟affaire Vivendi. La société Vivendi et deux de ses anciens dirigeants ont été assignés
devant le juge américain. Des actionnaires américains ayant acquis des ADS aux Etats-
Unis en raison d‟information s‟avérant trompeuse ont décidé d‟agir en justice et de
mettre en œuvre la procédure de « class action » Le juge américain a admis la « class
action » et l‟a étendu à l‟ensemble de tous les actionnaires français ayant acquis leurs
titres sur le marché français pendant la période retenue.
183 - Cet exemple démontre bien tout l‟intérêt du forum shopping, bénéficier
d‟une règle de fond ou procédurales plus favorable que celle devant être obtenue. Ce
bénéfice pour qu‟il soit admis ne doit cependant pas provoquer un déséquilibre entre les
parties. Un forum shopping malus pouvant être décelé quand le choix du tribunal est
guidé non pas par la volonté d‟obtenir une solution avantageuse, mais par celle de nuire
ou de tirer parti du choix du fort de manière illégitime. Selon Pascal de Vareilles-
Sommières, le shopping malus illicite est mauvais dès lors que le choix produit certains
types de conséquences procédurales, tels que soumettre le litige à une juridiction
dépourvue de lien caractérisé avec ce dernier, de mettre en échec un jugement ou une
procédure déjà intervenue régulièrement. Le forum shopping malus est une dérive de la
94 Daniel Cohen, Contentieux d‟affaires et abus de forum shopping, Dalloz 2010, p. 975
101
mise en concurrence des différents systèmes juridiques, le choix ne se faisant pas dans
un but purement égoïste, à savoir obtenir pour soi la meilleure solution, mais au
contraire dans le but de nuire et de rompre l‟équilibre entre les parties en ayant un
avantage.
184 - La mise en concurrence législative, doit permettre une optimisation de la
règle or en l‟espèce l‟intention frauduleuse vient nuire à cette optimisation. Pour éviter
toutes dérives, des règles régulant la concurrence doivent être mises en place de manière
efficace.
CHAPITRE 2 : L’INSUFFISANCE DES REGLES POUR REGULER CETTE
CONCURRENCE
185 - La concurrence entre les Etats pour obtenir un droit concurrentiel va
avoir un impact sur le sujet droit à savoir les acteurs économiques car ces derniers vont
avoir à leurs dispositions une multitude de droit plus différent les uns que les autres. Les
règles de concurrence ne vont pas à proprement parlées permettre de réguler
directement la concurrence que va se livrer les Etats entre eux, mais va permettre de la
réguler à travers les acteurs économiques en encadrant leur volonté de choisir le droit le
plus attractif possible. Hélas, cette manière indirecte de réguler la concurrence demeure
cependant insuffisante, malgré l‟existence de règles nationale (Section 1) ou plus
général, appartenant au droit international privé (Section 2).
102
SECTION 1 : L‟INSUFFISANCE DES REGLES NATIONALES POUR REGULER
LA CONCURRENCE ENTRE LES DROITS DES SOCIETES
186 - La mobilité des acteurs économiques est un véritable vecteur de
concurrence. Les entreprises peuvent s‟implanter dans différents pays en fonction de la
législation et de leurs ambitions. Les groupes de sociétés ou multinationales sont les
sujets les plus à même d‟utiliser la règlementation des Etats. Afin d‟éviter toute dérive
et de « law shopping », des règles ont été mis en place, pour que la société ne puisse pas
frauduleusement choisir son droit. La théorie du siège réel devant encadrer le choix de
l‟Etat (paragraphe I), théorie qui se voit limité par l‟émergence de la théorie de
l‟Incorporation (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L‟insuffisance des règles propres au droit des sociétés pour limiter la
concurrence
187 - Le critère de rattachement du droit des sociétés à un Etat qui permet la
détermination de la loi applicable est propre à chaque Etat, deux critères dominant la
sphère mondiale. Quand la société est nouvelle et se rattache à un Etat, les critères de
rattachement n‟ont pas vocation à réguler le choix. Cependant, dans la situation des
transferts de siège social, le critère de rattachement permet de réguler la concurrence en
évitant toute « évasion législative », cette régulation demeurant limitée (A). Apparait
alors qu‟importe la situation de la société, un critère efficace pour réguler cette
concurrence et permettre d‟appliquer à la société, le droit le plus adéquate. Le critère de
du siège réel reste cependant le critère exceptionnel (B).
103
A) La réglementation limitée des transferts de siège social
188 - Le transfert de siège social est encadré, qu‟il emportant chmangement de
la loi applicable (1), ou non (2).
1) Transfert du siège social emportant changement de la lex societatis
189 - Le transfert du siège selon le système de rattachement ou l‟on se trouve
va provoquer un changement de lex societatis. Le changement de lex societatis dépend
également de la nature du siège transférer car comme nous l‟avons vu, les Etats qui
admettent la théorie de l‟Incorporation, permette une mobilité accrue de leur société. Le
siège statutaire correspond à l‟aspect formel et, est celui mentionné dans les statuts et
ou à lieu l‟immatriculation. Le siège réel correspond au lieu effectif de décision et au
lieu de la prise de décision. Le siège total comprenant les deux, à savoir le siège
statutaire et le siège réel. Le changement de la loi applicable peut se faire selon les
systèmes de rattachements, en cas du transfert du siège total (a) ou seul siège statutaire
(b).
a) Le transfert du siège total
190 - Le transfert de siège total va permettre un changement de la loi
applicable à la société. Que l‟Etat opte pour le système de l‟incorporation ou pour le
système du siège réel, le transfert du siège statutaire va obligatoirement changer la loi
applicable à la société. Ce transfert du siège total est difficilement admis par les Etats,
ce qui explique la disparité des règles admettant ce transfert, certains Etats refusent le
transfert (α), d‟autres l‟admettent avec des conditions rigoureuses (β), d‟autres Etats
sans le faciliter l‟acceptent (Ω).
104
α) Le refus du transfert international du siège total
191 - L‟Allemagne qui utilise comme critère de rattachement le siège réel pour
exemple, refuse le transfert du siège total d‟une société allemande dans un autres Etats.
Selon le droit positif allemand, une société allemande ne peut pas transférer son siège
social95
dans un autre Etat sans se dissoudre96
. D‟autres Etats, admettent ce transfert de
manière rigoureuse.
β) Les conditions rigoureuses de transfert international du siège total
192 - Certaines législations admettent le transfert de siège social à l‟étranger
mais cela se fait néanmoins sous des conditions qu‟on peut qualifié de rigoureuse. Pour
exemple, le droit luxembourgeois imposent pour qu‟une société transfert son siège
social l‟unanimité des associés. L‟unanimité étant aisé quand la société comporte deux
actionnaires, l‟unanimité est moins facile quand la société en comporte plus de dix.
Cette exigence d‟unanimité est donc une manière détourné d‟empêcher le transfert du
siège total, ou tout du moins de le rendre plus difficile.
193 - La législation française, choisie une position médiane, l‟unanimité étant
demandée dans certaines sociétés, la majorité qualifiée suffisant dans d‟autres formes.
Le transfert de siège social d‟une société en commandite simple (SCS) ou en
responsabilité limitée (SARL) est prévu par la loi et impose l‟unanimité des
actionnaires97
. Concernant la société anonyme, l‟article L 225-97 dispose, « l‟assemblée
générale extraordinaire peut changer la nationalité de la société, à condition que le pays
d‟accueil ait conclu avec la France une convention spéciale permettant d‟acquérir sa
95 En présence d‟un Etat utilisant le système du siège réel comme critère de rattachement, il n‟est pas
nécessaire de parler de siège total, le système du siège réel assimilant les deux. 96
Cour suprême de Bavière, 7 mai 1992, la cour prononce la dissolution d‟une société unipersonnelle du
droit allemand ayant pris la décision de transférer son siège social, statutaire et effectif en Allemagne. 97
Articles L222-9 du code de commerce et L 223-30 du code de commerce.
105
nationalité et de transférer son siège social sur son territoire, et conservant à la société
sa personnalité juridique ». La doctrine en l‟absence de convention spéciale entre la
France et le nouveaux pays d‟accueil considère que le transfert de siège social ne pourra
se faire qu‟a l‟unanimité des actionnaires98
. Les sociétés en nom collectif ne dispose
elles d‟aucune législation tout comme les sociétés par action simplifiées, mais la
doctrine considère que le transfert de siège social d‟une SAS ou d‟une SNC se fasse à
l‟unanimité comme celui d‟une SA. D‟autres législations plus souples admettent plus
facilement le transfert international de siège social.
Ω) les conditions souples de transfert international du siège total
194 - Certaines législations contrairement à la France ou au Luxembourg
n‟exigent qu‟une simple majorité simple ou qualifiée. Le droit italien, impose aux
sociétés par actions qui souhaitent transférer son siège total, qu‟une majorité simple des
actionnaires. Le droit italien prévoyant également un droit de retrait au bénéfice des
actionnaires minoritaires opposés au transfert du siège, les actionnaires minoritaires
pouvant quitter la société en obtenant le remboursement de leurs actions.
195 - Le transfert international du siège social total est donc admis, les Etats
ayant le choix de l‟admettre ou non. Au sein de l‟Union européenne, le transfert de
siège social a pris une tout autre ampleur. L‟arrêt Cartesio admettant le transfert de
siège d‟une société d‟un Etat membre vers un autre Etat membre, dès lors que ce
transfert entraine un changement de loi applicable pour la société dès lors que le droit de
l‟Etat le permet. Une société peut donc se déplacer dans un autre membre et changer sa
loi applicable si les deux Etats l‟admettent par un critère de rattachement commun ou en
cas de divergence lorsque l‟Etat d‟accueil accepte le renvoi au premier degré.
98 M. Menjucq, Droit international et européen des sociétés, préc. cit.
106
196 - Le transfert international de siège social emportant transfert de la loi
applicable est donc admis tant d‟un point de vue communautaire qu‟international, les
Etats ayant le choix de l‟admettre ou non. Cette admission pouvant se faire de manière
rigoureuse ou non.
b) Transfert du seul siège statutaire
197 - Le transfert du siège statutaire emporte changement de loi applicable
quand le transfert se fait d‟un Etat appliquant le critère de l‟incorporation à un Etat
appliquant le même critère. Quand ce transfert se fait d‟un Etat d‟incorporation à un
Etat utilisant le critère du siège réel ou de deux Etat utilisant le critère du siège réel, le
transfert n‟est pas admis nous l‟avons vu.
2) Le transfert de siège social sans changement de la loi applicable
198 - Le transfert de siège social peut également s‟opérer sans pour autant
changer la loi applicable à la société. C‟est le cas du transfert de siège réel qui à intérêt
pour la société d‟un point de vue fiscal. Ce transfert même s‟il ne change pas la loi
applicable reste toutefois encadré par les Etats selon que le critère de rattachement est
celui de l‟incorporation (a) ou du siège réel (b).
a) L‟Etat d‟origine utilise le critère de l‟Incorporation
199 - La société issue d‟un Etat utilisant le critère de l‟incorporation va
transférer son siège effectif dans un Etat utilisant le même critère de rattachement. Le
critère de l‟incorporation dissociant siège réel et siège statutaire, la société n‟a alors
aucun problème, la mobilité de la société est donc accrue.
200 - La société issue d‟un Etat utilisant le critère de l‟incorporation et
transférant son siège réel dans un Etat utilisant le critère du siège réel pose de nombreux
problèmes, les critères du siège réel étant opposés au critère de l‟incorporation. Dans ce
107
cas là, soit l‟Etat d‟accueil dispose de règle permettant d‟admettre ce transfert, la société
étant soumis à des règles protectrices du pays d‟accueil à l‟égard des tiers comme c‟est
le cas en Belgique. L‟article 56 du code de la société Belge dispose « Une société dont
le siège réel est en Belgique est soumise à la loi belge bien que l‟acte constitutif ait été
passé en pays étranger ». C‟est également le cas des droits italien, espagnol, hollandais.
Le droit français permet également la mobilité du siège effectif de direction sans
négliger la protection des tiers, la société qui aurait transféré son siège réel en France est
admis, sauf mise en œuvre du droit des tiers ou de la théorie de la fraude.
En absence de conciliation, l‟Etat ne reconnaît pas la validité du transfert comme
en Allemagne la société devant alors se reconstituer sur le territoire de l‟Etat comme le
prévoit la Cour de cassation allemande dans l‟arrêt Ûberseering.
b) L‟Etat d‟origine utilise le critère du siège réel
201 - Le transfert du siège effectif d‟une société dont l‟Etat utilise le critère du
siège réel comme rattachement vers un Etat utilisant le critère de l‟incorporation se fait
sans difficulté, l‟Etat accueillant la société admettant la dissociation des sièges. Le
problème se pose cependant pour l‟Etat quitté. Si l‟Etat admet le critère de rattachement
du siège réel de manière moins rigoureuse, alors la question se règlera par la technique
du renvoi
202 - En revanche si la société transfert son siège effectif vers un Etat utilisant
également le critère de rattachement du siège réel, le transfert ne peut avoir lieu, le
transfert n‟étant admis ni par l‟Etat d‟origine ni par l‟Etat d‟accueil, la dissociation entre
siège réel et siège statutaire n‟étant pas admise.
203 - On constate donc, que les règles encadrant le transfert de siège social
sont limitées, la mobilité des sociétés étant le plus souvent admis, le critère du siège réel
étant peu usité par les Etats malgré que ce critère permette de limiter la concurrence.
B) La théorie du siège réel, un frein à la concurrence peu usité
108
204 - Le système du siège réel impose que la loi applicable à la société soit
celle ou la société s‟est immatriculée et où elle a également son siège effectif et son
centre de direction. Le système du siège réel est donc un frein à la mobilité des
entreprises. Les sociétés doivent s‟immatriculer dans le pays ou elles ont le siège
effectif de la société, ce siège ne pouvant alors être transférer sans difficulté.
205 - En effet, selon cette conception, le transfert du siège social ne pourrait
avoir lieu sans la dissolution de la personne morale et sa nouvelle immatriculation dans
le pays accueillant. De plus, la société qui souhaite bénéficier de la législation d‟un pays
A devra s‟immatriculer dans ce pays et avoir son centre de direction dans ce pays. A
contrario si une société est immatriculée dans un pays B ou la législation est plus
favorable mais que son siège réel est dans le pays A, la société dans le pays A n‟a pas la
capacité juridique, et n‟est pas reconnu dans l‟Etats A. La théorie du siège réel, n‟admet
pas le transfert de siège social d‟un pays à l‟autre que ce soit le transfert du siège
statutaire et du siège réel, les deux devant être dans le même Etat. Si la société souhaite
changer les deux, elle doit alors se dissoudre et se reconstituer dans un autre Etat ce qui
a un cout élevé.
206 - Cette limite à la mobilité a été démontrée dans l‟arrêt Überseering du 5
novembre 200299
. La société Überseering, BV a été immatriculé au registre du
commerce d‟Amsterdam et Haarlem. En 1990, cette société acquiert un terrain en
Allemagne ou elle y fait construite un motel rénové par la société de droit allemand
Nordic Construction Company (NCC) par un contrat de maitrise. La société
Überseering invoquant des vices dans l‟exécution des travaux de rénovation, assigna la
société NCC en 1996. Sachant qu‟en 1994, les parts de la société Überseering avait été
en intégralité à deux ressortissants allemands et que par conséquent depuis la société
était dirigé effectivement en Allemagne, la société NCC fit valoir que la société
Überseering avait transféré son siège effectif en Allemagne sans modifier son
immatriculation et que par conséquent en raison du critère du siège réel applicable en
99 CJCE, 5 novembre 2002, affaire Überseering BV c/ Nordic Construction Company Baumanagement
Gmbh (NCC), JCP G, II, 10032 note M. Menjucq
109
Allemagne comme critère de rattachement, la société Überseering n‟avait pas la
capacité juridique et ne pouvait donc pas ester en justice. Les recours de la société en 1er
et 2ème
instance devant les juridictions allemandes avaient été jugés irrecevable en
raison de l‟application de la jurisprudence de la Bundesgerischtshof, la Cour fédéral
allemande et de l‟opinion majoritairement favorable de la doctrine à cette décision.
Selon cette cour, la capacité juridique d‟une société s‟apprécie conformément au
droit applicable à l‟endroit ou la société à son siège effectif et non au lieu de sa
constitution. Le Bundesgerischtsof saisi par la société Überseering, décida de sursoir à
statuer en raison de la jurisprudence communautaire dans l‟arrêt Centros et pose deux
questions préjudicielle à la Cour de justice des Communautés Européennes (CJCE)
dorénavant appelé Cour de justice de l‟Union Européenne (CJUE) qui affirma le
principe de libre établissement des sociétés et le respect par cette Etats de la capacité
juridique conféré par le droit de l‟Etat membre. Apparait ici, malgré l‟impact positif que
pourrait avoir la théorie du siège réel sur la concurrence législative, la montée en
puissance de la théorie de l‟incorporation et de la mobilité des sociétés. L‟application de
la théorie du siège réel restant l‟exception.
Paragraphe 2 : L‟existence d‟obstacles fiscaux au transfert de siège social des sociétés
207 - Afin de limiter le transfert du siège social et donc le départ de la société
les Etas ont pris des mesures fiscales. La société qui souhaite transférer son siège social
doit donc apurer sa situation fiscale dans l‟Etat d‟origine, on parle alors d‟ « Exit Taxe »
(A), qui demeure hélas souvent inefficace (B).
A) Le paiement de l‟ « Exit Taxe »
208 - Le contribuable qui se délocalise doit apurer sa situation fiscale en
réglant les plus values latentes ou encore non réalisées. Cette règle fait référence aux
règles applicables aux personnes physiques qui doivent déclarer ses revenus acquis mais
également les créances acquises mais non encore encaissées.
110
209 - En France, le paiement de « l‟Exit Taxe » est imposé par l‟article 221
alinéa 2 qui dispose « En cas de dissolution, de transformation entraînant la création
d‟une personne morale nouvelle, d‟apport en société, de fusion, de transfert du siège ou
d‟un établissement à l‟étranger, l‟impôt sur les sociétés est établi dans les conditions
prévues aux 1 et 3 de l‟article 201 ». L‟article 201 alinéa 1disposant, « Dans le cas de
cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle,
commerciale, artisanale ou minière, ou d'une exploitation agricole dont les résultats sont
imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des
bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été
imposés est immédiatement établi ».
La société française qui souhaite transférer son siège social doit donc
fiscalement être taxée comme une dissolution et aura pour effet de rendre imposable
immédiatement tout les bénéfices et plus values non imposée résultant de la différence
entre l‟actif net réel et l‟actif comptable ainsi que du boni de liquation.
D‟autres Etat utilise le système de « l‟Exit Taxe », tels que le Royaume-Uni, la
Belgique ou encore les Etats-Unis. Ces obstacles fiscaux au transfert de siège et
changement de loi applicable, cette mesure étant souvent inefficace.
B) L‟inefficience de cette mesure
210 - L‟obstacle fiscal du transfert du siège social devait mettre un frein à la
délocalisation des sociétés, cette mesure étant inefficace dans l‟Union européenne entre
les Etats membres et plus généralement dans les transferts entre Etats.
211 - La loi de finance de 2005 dans un but d‟harmonisation européenne va et
plus précisément dans son article 34 annuler l‟obstacle fiscal en complétant l‟article 221
alinéa 2 en y ajoutant un alinéa. Le nouvel alinéa de l‟article 221 dispose « Toutefois, le
transfert de siège vers un autre Etat membre de la Communauté européenne, qu‟il
s‟accompagne ou non de la perte de la personnalité juridique en France, n‟emporte pas
les conséquences de la cessation d‟entreprise ». Le transfert de siège social dans un
autre Etat membre est donc levé de tout obstacle fiscal, les sociétés des Etats membres
111
pouvant alors être transféré sans obstacle fiscal, seul sont taxé les plus values afférentes
aux actifs réellement transféré ou cédé lors du transfert de siège100
.
212 - De plus, même si le transfert de siège à un cout fiscal pour les sociétés
celle-ci vont accepter de le payer en raison de l‟avantage sur le long terme que va leur
apporter le transfert. Pour exemple si dans un pays A, la société a chaque année
imaginons un cout de 10, alors que dans un pays B se cout serait de 5. La société va
accepter de payer 10 pour le transfert du siège du pays A au pays B sachant qu‟en 3 ans
elle aura amorti les sommes. De plus, la société va économiser sur le long terme,
imaginons que le cout reste le même au bout de 10 ans, la société qui accepté de payer
le transfert aura payé, 60 (10 X 5 + 10 de transfert) alors que si elle n‟avait pas payé le
cout du transfert la société aurait payé en 10 ans, 100. La société à donc économisé 40,
213 - La mobilité des sociétés connait des freins, des règles nationales, celles-
ci demeurant marginal, voir insuffisante. Au regard du dépassement des règles national,
le droit international privé doit lui trouver toute sa place.
SECTION 2 : L‟EXISTENCE DE REGLE PROPRE AU DROIT INTERNATIONAL
PRIVE POUR REGULER LA CONCURRENCE
214 - Face à la perte significative des frontières et l‟affranchissement qu‟elle
implique, le droit international privé doit pouvoir trouver toute sa place. L‟insuffisance
de la théorie de la fraude à la loi (Paragraphe 1), véritable outil de régulation de la
concurrence doit permettre la mise en place d‟autres mécanismes (Paragraphe 2).
100 Projet de loi des finances , article 17, pour approfondir ce point, consultation du projet de loi
disponible sur le site, http://www.senat.fr.
112
Paragraphe 1 : L‟insuffisance de la théorie de la fraude à la loi, comme outil de
régulation
215 - La théorie de la fraude à la loi est un moyen efficace de faire obstacle au
choix d‟une loi pour des raisons frauduleuses. Ce choix étant possible par la
modification de l‟élément de rattachement va être sanctionnée en écartant la loi choisie.
Cette théorie de la fraude à la loi (A) est donc un outil de régulation, son application aux
sociétés demeurent cependant insuffisante (B).
A) La théorie de la fraude à la loi
216 - La fraude à la loi en droit international privé vient sanctionner la fraude
d‟une personne qui soumise à une loi qui la contrarie va tenter de se placer sous
l‟empire d‟une loi étrangère plus complaisante en modifiant volontairement le critère de
rattachement à cette loi. L‟exception de fraude à la loi ne peut être établie que si
différents éléments sont constitués, la modification de l‟élément de rattachement (1), et
l‟intention frauduleuse (2), la sanction pouvant alors avoir lieu (3).
1) La modification artificielle de l‟élément de rattachement
217 - L‟élément de rattachement doit être modifié dans le but de faire
appliquer une autre loi plus favorable. Le déplacement de l‟élément constitue alors une
fraude, mais tous les déplacements ou changements de l‟élément de rattachement ne
constitue pas toujours une fraude quand le sujet de droit a la possibilité de changer
l‟élément de rattachement et que ce changement se fait sans intention frauduleuse mais
juste par l‟exercice d‟un droit.
Le rattachement des sociétés à un Etat et le fruit de sa volonté, la fraude pouvant
alors avoir lieu en cas d‟intention frauduleuse.
113
2) L‟intention frauduleuse
218 - L‟élément frauduleux est l‟élément essentiel dans l‟exception de fraude
quand la modification du rapport de droit est admise et constitue un acte licite. La
fraude impose donc un élément intentionnel dans cet acte licite, l‟intention d‟éluder les
dispositions impératives qui lui étaient applicables. Par conséquent, le changement de
loi applicable doit non seulement être le résultat de la manœuvre mais aussi le but
exclusif, la seule finalité de la manœuvre. La manipulation du critère de rattachement,
tels que le transfert du siège d‟une société, ou l‟immatriculation d‟une société dans un
Etat utilisant le critère de l‟incorporation et ayant une législation favorable pour
finalement garder son siège effectif et ses principales activités dans le pays initiale
constituera une fraude à la loi seulement si l‟intention de bénéficier d‟une législation
favorable est prouvée. Si les éléments sont retenus la fraude peut être sanctionnée.
3) La sanction de la fraude à la loi
219 - La fraude à la loi va être sanctionnée à l‟occasion de la résolution d‟un
litige par le for ou au moment de la demande de reconnaissance de l‟exequatur. Le juge
va refuser de faire droit au raisonnement invoqué et va priver la manœuvre frauduleuse
de l‟effet attendu. La nullité peut être retenue si l‟opposabilité ne permet pas de parvenir
à l‟inefficacité de la fraude, la nullité ne pouvant pas cependant portée atteinte à la
souveraineté étrangère, ce qui limite les cas de nullité.
B) L‟application de la théorie de la fraude à la loi aux sociétés et personnes
morales, une application limitée
220 - Les sociétés sont des sujets de droit mobile, l‟implantation dans un pays
éloigné de leur centre d‟activité effectif n‟est pas un frein, l‟essor des communications
accroissant leur mobilité. Le « domicile » de la société dépend de la volonté des
fondateurs, une possibilité de fraude existe donc. La loi applicable à la société peut donc
114
être choisie par les parties par la désignation du siège social et l‟accomplissement des
formalités de constitution dans le pays choisi. La fraude consistera donc, à rattacher la
société à un Etat avec qui elle n‟a aucun lien effectif et ce, afin de soustraire la société à
la règlementation applicable dans l‟Etat auquel elle est rattachée par des liens plus
étroit. L‟objet de la fraude est alors la règlementation des sociétés et le moyen
frauduleux est le recours à une loi qui ne correspond au véritable lien que la société a
avec le pays.
221 - En France, les sociétés sont soumises à la loi française lorsqu‟elles ont
leur siège social sur le territoire. La notion de siège social nous l‟avons vu en France, à
été sujet de controverse, certains auteurs considérant que par siège social, il faut
entendre siège réel, d‟autres et nous nous rangeons à cette avis considère que la France
utilise le siège statutaire comme critère de rattachement. Avant la loi de 1966 de
nombreux arrêt ont sanctionné les sociétés qui avaient tenté de frauder la loi française
en considérant que la loi applicable à la société est celle de son siège réel101
. Depuis, la
modification de l‟article L 210-3, le critère de rattachement est celui du siège statutaire,
le siège réel ne s‟appliquant qu‟a l‟égard des tiers. La société peut donc se voir appliqué
la loi de son siège réel, à savoir la loi française si le siège réel est en France à l‟égard
des tiers.
222 - Le siège réel apparait encore une fois ici, comme un moyen de
prévention et de sanction d‟une fraude au droit. Si une société s‟est immatriculée dans
un pays A mais à son centre effectif dans un pays B, et qu‟elle s‟est immatriculée sous
la loi du pays A que pour échapper à la législation du pays B, la fraude à la loi aura du
mal a être reconnue par le for du pays B si celui-ci considère que la société est régie par
la loi de son immatriculation. Si l‟Etat utilise le critère du siège réel comme critère de
rattachement, la difficulté ne se posera pas, la société serait régie par la loi du pays B et
la fraude à la loi serait alors constituée. L‟Etat d‟accueil doit utiliser le critère du siège
réel pour que l‟exception de fraude à la loi soit retenue. Le problème ici, est que les
Etats utilisent majoritairement le système de l‟Incorporation comme critère de
101 Cass crim 21 novembre 1989, JDI 1889, p. 850
115
rattachement, la seule limite étant à l‟égard des tiers qui peuvent comme en droit
français, se prévaloir du siège réel quand celui-ci est différent.
223 - La fraude à la loi est donc un outil utile pour permettre la vraie
application de la loi écartée, cet outil étant difficilement applicable à la société, le
critère de l‟incorporation admettant le choix de la loi applicable. D‟autres outils doivent
donc être utilisés pour permettre de réguler indirectement la concurrence entre les droits
des sociétés.
Paragraphe 2 : La nécessité d‟utiliser d‟autres outils de régulation
224 - La théorie de la fraude à la loi étant insuffisante, il apparait nécessaire de
recourir à d‟autres outils déjà présents dans le droit international pénal, l‟abus de droit
(A) ou les lois de police (B).
A) La nécessité de recourir à d‟autres règles pour limiter la concurrence, l‟abus de
droit
225 - La théorie de la fraude à la loi, nous l‟avons vu n‟est pas un outil
suffisant pour réguler la concurrence, d‟autres outils devant être utilisés tels que l‟abus
du droit de choisir la loi applicable. L‟abus du droit de choisir la loi applicable découle
de l‟abus de droit dans le choix du for (1), admis en droit international privé, l‟extension
de ce régime a l‟abus du droit de choisir la loi applicable pouvant être admise (2).
1) L‟admission de l‟abus du choix du for
226 - Initialement la théorie de l‟abus d‟un droit est totalement ignorée par le
droit international privé car ce dernier n‟accorde aucun droit subjectif, il détermine
seulement les lois applicables et l‟autorité compétente pour l‟appliquer. On ne peut
également pas parler d‟abus de règle de conflit, car cela nécessiterait au préalable la
116
désignation de la loi applicable au droit subjectif moyen de l‟abus. Cependant, cette
incompatibilité disparait quand on admet une certaine influence de la volonté pour le
choix d‟un juge. Le droit international privé crée alors un véritable droit subjectif pour
le sujet de droit international, le droit de choisir la loi qui sera applicable à sa situation.
227 - Le droit d‟agir en justice, est considéré par la loi française comme un
droit fonction doué d‟une finalité propre, donc tout utilisation de ce droit dans un but
autre que de faire éclater la vérité constitue un abus102
. Pour la CJUE, une action en
justice peut constituer un abus de droit si elle a été exercé « dans le but, d‟obtenir, au
détriment de l‟autre partie des avantages illégitimes et manifestement étrangers à
l‟objectif de ladite disposition »103
.
L‟abus du choix du for est admis en droit interne, le droit français donne
compétence a la loi du for pour déterminer l‟existence ou non d‟un abus, la CJUE la
rejoignant dans l‟arrêt Kefalas, puisqu‟elle admet, « qu‟il ne saurait être considéré
comme contraire à l‟ordre juridique communautaire que les juridictions nationales
appliquent une rège nationale (…) pour apprécier si un droit découlant d‟une disposition
communautaire est exercé d‟une manière abusive ». La loi du for est donc compétente
pour déterminer les mises en œuvre de réserve de l‟abus de droit.
228 - L‟abus du choix du for peut se caractériser de deux manières, quand le
demandeur va introduire une action internationale devant un for éloigné du défendeur
dans le seul but de lui nuire ou quand le demandeur va saisir un for à la place d‟un autre
pour obtenir un résultat déterminé, qu‟il n‟aurait pas obtenu en saisissant l‟autorité
compétente. La sanction de l‟abus de droit du choix du for, étant similaire à celle de la
fraude à la loi à savoir la perte du droit abusivement invoqué.
La sanction peut être fondée sur la théorie du forum non conveniens, qui consiste
à l‟autorité saisi de refuser d‟exercer sa compétence, en raison de l‟exercice abusif de
l‟option de compétence. La théorie du forum non conveniens n‟est cependant pas admis
en droit français et dans l‟Union européenne. La sanction de l‟abus ne peut avoir lieu
102
Article 31-1 et 103 du code de procédure civil 103
CJCE 12 mai 1998, affaire C-367/96, Kefalas
117
que par la privation du droit de porter cette demande devant l‟autorité et non par la
privation de la compétence de cette autorité. La sanction peut également être fondée sur
l‟irrecevabilité de la demande. L‟abus du choix du for peut être pris comme un élément
d‟appréciation de la légitimité de l‟intérêt à agir du demandeur. La réserve de l‟abus du
choix du for n‟atteint que l‟exercice de l‟action et non la compétence de l‟autorité saisie,
par conséquent la sanction par l‟irrecevabilité va permettre de préserver le droit d‟agir
du demandeur tout en sanctionnant le choix abusif du for. La théorie de l‟abus de droit
s‟applique lorsque le choix du for est admis, elle devrait alors avoir vocation à
s‟appliquer quand le choix de la loi est admis.
2) L‟extension de la réserve de l‟abus au choix de la loi applicable
229 - L‟abus du choix du for est donc un moyen efficace de sanctionner le
forum shopping quand la théorie de la fraude à la loi est insuffisante. Dans le domaine
de la loi applicable l‟abus au choix de la loi applicable, pourra par analogie à la réserve
de l‟abus du choix du for sanctionner l‟utilisateur abusif de la loi. Contrairement à la
fraude qui sanctionne la modification frauduleuse du critère de rattachement, la réserve
de l‟abus du choix dans la loi applicable sanctionnera alors l‟utilisation abusive du droit
de choisir la loi applicable. La sanction serait alors l‟inapplicabilité de la choisi de
manière abusive, la détermination de l‟abus dépendant alors de la loi du for ou le litige
est soumis. Cette application viendrait compléter la théorie de la fraude à la loi et se
substituerait quand celle-ci ne s‟applique pas.
230 - L‟abus du choix dans le droit applicable apparait comme un moyen
efficace de réguler la concurrence car il relève de la compétence du for et dans de
nombreux droit la théorie de l‟abus de droit est appliquée. D‟autres mécanismes propres
au droit international privé peuvent être appliqués pour réguler la concurrence telle que
l‟ordre public ou la loi de police mais cela parait insuffisant.
118
B) L‟ordre public et les lois de police, des outils insuffisants
231 - L‟exception de l‟ordre public va permettre quand la loi applicable choisie
est contraire à l‟ordre public du for d‟écarter cette loi. L‟ordre public permet donc
d‟écarter une loi quand celle porte atteinte aux intérêts de l‟Etat ou est en contradiction
avec les valeurs de cet Etat. Cette exception d‟ordre public va avoir le même effet que la
fraude à la loi, la loi sera écartée mais non en raison de l‟attitude du demandeur mais en
raison de la loi elle-même. La solution apportée par la loi, apparait pour le juge du for
tellement choquante au regard des conceptions du for que celle-ci ne peut pas
s‟appliquer. L‟exception d‟ordre public permet donc d‟écarter une loi mais les
conditions d‟applications sont nombreuses et variables, et l‟exception d‟ordre public est
rarement admise pour les sociétés souhaitant une législation à moindre cout.
232 - Les lois de police sont des lois propres à chaque droit national, à chaque
Etat et elles ont une importances telles pour l‟Etat qu‟elles ne peuvent pas être écartées.
La CJUE, les définie comme des « dispositions nationales dont l‟observation a été jugée
cruciale pour la sauvegarde de l‟organisation politique, sociale et économique du pays.
On ne peut les écarter »104
. Les lois de police apparaissent donc comme une mesure de
régulation de la concurrence, ces lois devront être appliquées qu‟importe la loi choisie, à
l‟image du Sarbanes-Oxley Act américain de 2002 qui a vocation à s‟appliquer de
manière extraterritoriale. Les lois de police peuvent donc apparaitre comme un outil de
régulation associé aux autres outils, la société devant quand même se soumettre à des
dispositions impératives lorsqu‟elles existent.
104 CJUE 23 novembre 1999, Arblade, JDI 2000. 493, observation Luby
119
CONCLUSION TITRE 2
233 - « Le seul mauvais choix, c‟est l‟absence de choix »105
, les sociétés ont
bien compris cela, et vont utiliser le choix qui leur est offert pour optimiser leur
stratégie, leur économie, leur rendement. Cette optimisation est naturelle, les sociétés et
leurs dirigeants poursuivent un but propre, commun à tous, celui de s‟enrichir. Le choix
de la loi applicable ne va donc pas se faire dans un but altruiste, ce choix pouvant
entrainer des dérives, des abus tels que le « forum shopping », ou encore le « law
shopping ».
La réponse des Etats à ce choix, est un produit concurrentiel répondant à une
demande qui si elle n‟est pas orientée vers le haut va provoquer un « race to the
bottom », une concurrence à la législation à moindre cout, un « effet Delaware ». La
concurrence des Etats ne peut pas être directement régulée, aucune règle aujourd‟hui ne
saurait encadrer la législation d‟un Etat et lui dicter sa conduite législative. La
concurrence doit donc être régulée par l‟autre coté, par les personnes qui poussent à la
concurrence, les acteurs économiques mobiles.
La régulation de leur mobilité et de leur choix contient des règles tant nationale et
propre au droit des sociétés qu‟international, avec les règles de droit international privé.
Cependant malgré la profusion de règle, celle-ci demeure souvent inefficace, la mobilité
apparaissant comme un principe et la concurrence législative par son caractère si
particulier ne peut être pleinement prise en compte par des règles générales.
105 A. Nothomb, Métaphysique des tubes, extrait.
120
CONCLUSION PARTIE 2
234 - La concurrence législative existe, elle porte sur des droits biens
particuliers, des droits disponibles, pouvant être choisie, et ayant un enjeu pour l‟Etat
tels que le droit des sociétés. La concurrence législative existe mais est elle une bonne
chose ?
235 - La question ne comporte pas de réponse, la concurrence pouvant amener
tant des effets positifs que négatifs. Cependant au vue des impacts sur la règle de droit
la concurrence doit être régulée, avec un droit à sa mesure à l‟image des acteurs se
livrant compétition.
121
CONCLUSION GENERALE
236 - « Le tout est un rébus, une devinette, une interrogation béante, une
énigme. Pour avancer dans cette énigme aussi loin que possible, nous avons une seule
source de ressource : notre pensée. Et un seul outil : la science ».
237 - L‟assimilation du droit à un produit, sa place sur un marché va paraitre
pour de nombreuses personnes impossibles, paradoxales, voire même fantaisistes.
Cependant, tout au long de notre étude nous avons démontré l‟étrange similitude entre
les mouvements de convergence que connait le droit des sociétés dans le monde
aujourd‟hui et la logique du marché des biens et services. Le droit des sociétés par son
caractère si particulier permet l‟association droit/ produit/ marché/ concurrence. Le
marché du droit étant une réalité déjà admis par de nombreux auteurs, « il existe bel et
bien un marché du droit » écrivait Catherine Kessedjian106
. La convergence entre les
droits des sociétés, la circulation des droits trouve sa seule explication dans la volonté
des Etats d‟offrir sur ce marché des produits attractifs répondant à la demande. La
concurrence des Etats sur ce marché à donc un impact sur le droit, elle est source de
convergence, elle est également une source de risque.
238 - La concurrence régulée est une source d‟efficacité tant pour le marché,
tant pour les producteurs, que pour les consommateurs. La concurrence législative doit
donc être régulée, encadrée. Cependant, les Etats ne sont pas comme les simples
producteurs sur le marché des biens de consommation, il n‟existe pas d‟autorité
supérieure aux Etats, la concurrence qui se livre ne peut donc pas être régulé par une
autorité supérieure. Apparait alors toute l‟opportunité de réguler la concurrence par
l‟autre bord, les acteurs économique de ce marché, cette régulation n‟étant pas
suffisante.
106C. Kessedjan, « Le droit entre concurrence et coopération », préc. cit.
122
239 - Certains auteurs tels que Andrew Guzman, considère qu‟il est nécessaire
de recourir à « un législateur supranationale ». Sans conforter ou infirmer cette
proposition, il nous apparait essentiel que l‟Etat prennent des dispositions pour réguler
la concurrence. L‟Etat bien qu‟acteur sur le marché ne doit pas oublier qu‟il a également
des obligations, il ne peut se comporter comme un banale producteur, les conséquences
pouvant être désastreuse.
123
BIBLIOGRAPHIE
I- DOCUMENTS OFFICIELLES
A- LOI
Loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales
Loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008, portant adaptation du droit des sociétés au droit
communautaire
B- RAPPORT
Rapport Vienot 1, « Le conseil d‟administration des sociétés cotées », 1995
Rapport Vienot II
P. MARINI, La modernisation du droit des sociétés, rapport officiel, collection La
Documentation Française, 1996
C- CODE
Code civil 2011
Code de commerce 2011
Code général des impôts 2011
II- OUVRAGE GENERAUX, MANUELS TRAITES ET DICTIONNAIRES
A
P.AUGE, Droit fiscal général, Ellipse, 2002
124
B
JL.BERGEL, Théorie générale du droit, Dalloz, 4ème
ed, 2004
D. BUREAU, H. MUIR WATT , Droit international privé, tome II, Puf, 2007
C
G. LE CORNU , Vocabulaire juridique, PUF, 8ème
ed. 2007
M
E. MACKAA, S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Dalloz, 2ème
ed, 2008
D ; MAINGUY, Introduction générale au droit, Litec
D. MAINGUY, JL. RESPAUD, M. DEPINCE Droit de la concurrence, Litec 2010
P.MAYER, V.HEUZE, Droit international privé, Montchrestien, 10ème
ed. 2010
M. MENJUCQ, Droit international et européen des sociétés, Montchrestien, 2ème
éd,
2008
JM. MOUSSERON, J. RAYNARD, R. FABRE, Droit du commerce international,
droit international de l’entreprise, Litec 1997.
V
A.VIALA , Philosophie du droit, Ellipses, 2010
III- OUVRAGE SPECIAUX
A
AJ. ARNAUD, Critique de la raison juridique ; Gouvernants sans frontières entre
mondialisation et post mondialisation, LGDJ, 2003.
125
B
J. BAYLIS, S. SMITH, The globalization of world politics, 1997.
C
J CARBONNIER, Flexible droit , LGDJ 10ème
édition
D
B. DE MARAIS, Des indicateurs pour mesurer le droit ? Les limites méthodologiques
des rapports Doing Business,. La Documentation Française, 2006, p. 155 et s.
M. DELMAS MARTY Trois défi pour un droit mondial, Seuil, 1998.
Y. DEZALAY, Marchands de droit, la restructuration de l’ordre juridique
international par les multinationales du droit , Fayard, 1992.
H
HALPERIN, Profil des mondialisations du droit, Dalloz 2009.
HAYEK FA, Droit, Législation et Liberté, PUF.
E LOQUIN et C. KESSEDJIAN, La mondialisation du droit, Travaux du centre de
recherche sur le droit des marchés et des investissements internationaux, Litec 2000.
T
JY. TROCHON, F. VINCKE , L’entreprise face à la mondialisation : opportunités et
risques, Féduci.
126
IV- FASCICULE, MEMOIRE
Y. LOUSSOUARN, Nationalité des sociétés, fascicule 564-10, JurisClasseur Droit
international, 2008
A. VELLEZ, « Traduction et analyse de l‟article A.Ogus » 2011
Rapport Doing Business, 2011, IFC.
Rapport Doing Business, 2007, IFC
Rapport officiel, Principes de gouvernement d‟entreprise de l‟OCDE, 2004, officiel
V- ARTICLE DE DOCTRINE
A
M. AUDIT, « Régulation du marché intérieur et libre circulation des lois », J.D.I.,
doctrine, octobre-novembre-décembre, 2006, p. 1333.
B
J.-M. BAISSUS, « Nous n‟avons pas à craindre la compétition des systèmes
juridiques »,J.C.P.,13 juin 2007, doctr., I 162, p. 9.
L. BAZZOLI , T. KWAT , « Deux regards non hayekiens sur l‟efficience et la sélection
des règles juridiques », Archive philosophique du droit Tome 42, 1997.
Y. BENHAMOU Y, « Brève réflexions sur la place des juges face à la mondialisation.
Contribution à l‟intelligence critique de la mondialisation », Dalloz 2003, p. 3665
J-S BERGE, S HARNAY, « Concurrence entre règles juridiques et construction
européenne : a propose de l‟analyse économique du droit », in Mélanges en l’honneur
de Michel Bazex, Droit et économie, interférences et interactions, Litec, p 15 et s.
127
P. BÉZARD, 3Le droit des sociétés français face aux défis de la mondialisation3, Rev.
sociétés 2000 p.55.
P. BEZARD, « Le droit français est-il encore exportable ? », in Mélanges en l‟honneur
de Christian Gavalda, Dalloz, 1998.
T .BIEDER, D, HURSTEL, « Est-il urgent et indispensable de réformer le droit des
sociétés au nom de la « corporate governance », Rev. des sociétés, 1995, p. 633.
C
D. COHEN, « Contentieux d‟affaires et abus de forum shopping » Dalloz 2010
chronique p 975.
JP.COLSON, « Le gouvernement d‟entreprise et les nouvelles régulations
économiques », LPA 21 aout 2001 n°166 p.4
A. COURET Alain, « La structure juridique des entreprises (corporate
governance) », Revue internationale de droit économique, 2002/2, t. XVI, p. 339-367.
A. COURET, « le gouvernement d‟entreprise, la corporate governance » Dalloz 1995 p
163.
E. CORNUT, « Forum shopping et abus du choix de for en droit international privé »,
Journal du droit international (Clunet) n° 1, Janvier 2007, doctr. 2.
D
B. DEFFAINS, « Nécessité économique d‟une harmonisation du droit des contrats en
Europe », in Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde, Dalloz, p. 85.
128
M. DELMAS-MARTY, « le pluralisme ordonné et les interactions entre ensembles
juridiques », Dalloz 2006, p. 951.
B. DU MARAIS, « De Kotor à Palikir : à la recherche du paradis du droit des affaires »,
Dalloz 2006, Chroniques p. 1110.
B. DU MARAIS, « Démontrer l‟attractivité économique du droit français », LPA, 28
septembre 2006 n° 194, p. 3.
B. DU MARAIS, « Attractivité économique du droit : le droit français peut-il survivre
dans la compétition internationale », Droit et patrimoine, mai 2008, n° 170, p. 38.
F
B. FAUVARQUE-COSSON, W. VAN GERVEN, « La convergence des droits en
Europe », LPA, 19 avril 2007, n° 79, p. 63.
V. FORRAY, « La jurisprudence, entre crise des sources du droit et crise du savoir des
juristes », RTD civ. 2009 p.463
MA. FRISON-ROCHE M-A, « Le modèle du marché », Arch. Phil droit n°40, p.286-
313.
MA. FRISON-ROCHE MA, « L‟intérêt pour le système juridique de l‟analyse
économique du droit », LPA, 19 mai 2005, n°99, p. 15.
MA. FRISSON ROCHE , MA. BARANES, « le souci de l‟effectivité du droit », Dalloz
1996 p301
G
H. GAUDEMET TALLON H, « Vers de nouveaux équilibres entre ordres juridiques »,
in Mélanges offert à L.IDIOT, Dalloz, 2006.
129
G.GOUBEAUX, « Il était une fois … la Doctrine, RTD civ. 2004 p.39
M. GRIMALD, « la promotion de notre système juridique s‟organise : la construction
d‟une fondation pour le droit continental », Dalloz 2006 p. 996.
Y. GUYON, « Faut-il introduite en France la théorie de la « Corporate
Governance » ? », LPA 7 mai 1997 n°55, p 28.
L
X. LAGARDE , « Brèves réflexions sur l‟attractivité économique du droit français des
contrats », Dalloz 2005, chronique 2745.
V. LASSERRE-KIESOW, « l‟ordre des sources ou le renouvellement des sources du
droit », Dalloz 2006, p. 2279 ;
M
H. MUIR WATT, « Law and Economics » : quel apport pour le droit international
privé ? », in Mélanges en l’honneur de Jacques Ghestin, Dalloz, 2001 p. 685.
H. MUIR WATT, « concurrence d‟ordres juridiques et conflits de lois de droit privé »,
in Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde Dalloz, p.303.
H. MIUR WATT, « Globalisation des marchés et économie politique du droit
international privé », Archive philosophique de droit, 2003, n°47, p. 243
N
J-P NIBOYET, « Existe-t-il vraiment une nationalité des sociétés ? », RDIP 1927, p.
402.
130
NUYTS, « Forum shopping et abus de forum shopping dans l‟espace judiciaire
européen », LPA, 16 janvier 2007 n°12, p. 3.
O
A. OGUS, « Competition between National Legal Systems: A Contribution of Economic
Analysis to Comparative Law », International and Comparative Law Quarterly, 1999, p.
48 et s.
B. OPPETIT, « Droit et économie », Archives de philosophie du droit, T. 37, Sirey
1992, p. 17.
P
J. PAILLUSSEAU, « Les fondements du droit moderne des sociétés », JCP G II, 14193,
1984.
P.PUIG, « Hiérarchie des normes : du système au principe », RTD Civ. 2001 p. 749
R
G. RABU, « La mondialisation et le droit : éléments macro juridique de convergence
des régimes juridiques », RIDE 2008/3 - t. XXII, 3, pages 335 à 356.
RADICATI DI BROZDO, « Mondialisation, juridiction, arbitrage, vers des règles
d‟application semi-nécessaire », revue critique DIP 2003.1
F. ROLIN, « La mesure du droit : quels enjeux au-délà du rapport Doing business »,
AJDA 2007, p. 113.
131
S
JF. SAGAUT, M. VAGNIART, « Regard communautaire sur le forum shopping et le
forum non conveniens » LPA 14 avril 2005 n°74, p 51.
SIR BASIL MARKESINIS, « Constructions de systèmes et résolution de problèmes
concrets(1),Occasions manquées et naissantes pour une convergence méthodologique
entre le droit français et le droit anglais », RTD Civ. 2005 p. 47.
C. STURLÈSE, “Doing Business 2007: How to Reform”, Dalloz 2006, p. 2386.
T
C. THIBELGE, “Le droit souple”, RTD civ. 2003 p. 599
C.TIEBOUT “A Pure Theory of Local Expenditure”, Journal of Political Economy,
1956, n°64, p.416 et s.
A. TUNC , « Le rapport Vienot sur le conseil d‟administration des sociétés cotées »,
Revue internationale de droit comparé, vol. 48, n°3, Juillet-septembre 1996, p 647
V
S. VALORY, « Promouvoir le droit français », Droit et Economie, n°93, p. 6-9
VI- JURISPRUDENCE
JURIDICTION FRANCAISE
132
A- COUR DE CASSATION
Cass., civ. 30 mars 1971, “Caisse centrale de réassurance des mutuelles agricoles », JCP
1972, II, 17101, Bruno Opettit.
Cass., civ. 17 octobre 1972, Société Royal Dutch, Revue critique DIP 1973, p.520, note
Batifol :
Cass., com. 2 juillet 1985, D. 1986, 951 note Y. Loussouarn
Cass., crim 21 novembre 1989, JDI 1889, p. 850
Cass., ass., plén 21 déc. 1990, Juris-Data n° 1990-713531 , D. 1991, p. 305,
conclusion Dontewille
B- COUR D‟APPEL
Cour d‟appel de Paris, 17 juin 1992, BOCCRF n°13/92
C- PREMIERE INSTANCE
Tribunal civil de Nancy, 15 avril 1883, Jurisclasseur fasicule 564-10 n°82
JURIDICTION EUROPENNE
CJCE 12 mai 1998, affaire C-367/96, Kefalas
CJCE, 28 septembre 1999, affaire C-440/97, Groupe Concorde e.a
CJUE 23 novembre 1999, Arblade, JDI 2000. 493, observation Luby
CJCE, 5 novembre 2002, affaire Überseering BV c/ Nordic Construction Company
Baumanagement Gmbh (NCC), JCP G, II, 10032 note M. Menjuc
133
VII- SITE INTERNET
www.paradisfiscaux.com/royaumeunis.htm
www.lentrepriseeuropeenne.com/ESPACE%20CREATION/Avantages.htm
www.bluemercurysolutions.ltd.uk
www.kpmg.com
www.fondation-droitcontinental.org
www.biu-montpellier.fr
www.ecgi.org
134
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ........................................................................................................ 2
SOMMAIRE ..................................................................................................................... 4
PRINCIPALES ABREVIATIONS .................................................................................. 5
INTRODUCTION ............................................................................................................ 6
PREMIERE PARTIE 1 : LA CONVERGENCE ENTRE LES DROITS DES
SOCIETES CONSEQUENCES D‟UNE CONCURRENCE LEGISLATIVE .............. 13
TITRE 1 : LE DROIT DES SOCIETES, UN PRODUIT JURIDIQUE
CONCURRENTIEL ................................................................................................... 14
CHAPITRE 1 : L‟EMERGENCE D‟UN PRODUIT JURIDIQUE ESTAMPILLE
DROIT DES SOCIETES ........................................................................................ 14
SECTION 1 : L‟ADMISSIBILITE D‟UN DROIT EN TANT QUE PRODUIT
CONSEQUENCE D‟UN CONTEXTE JURIDIQUE NOUVEAU ................... 15
Paragraphe 1 : Un contexte juridique nouveau permettant ce paradoxisme... 15
A) La mondialisation, un phénomène multiple ....................................... 15
B) La globalisation, créatrice et vectrice d‟une concurrence .................. 17
Paragraphe 2 : Le dépassement d‟une conception classique du droit............. 18
A) Une définition du droit dépassé quand à sa création ......................... 19
B) Une définition du droit dépassé quand a sa substance ........................ 20
SECTION 2 : L‟ASSIMILATION DU DROIT DES SOCIETES A UN
PRODUIT ........................................................................................................... 21
Paragraphe 1 : Le droit des sociétés, un véritable produit pour les entreprises
........................................................................................................................ 22
Paragraphe 2 : Le cout du droit des sociétés pour les entreprises .................. 23
A) Le cout d‟immatriculation du droit des sociétés ................................. 24
B) L‟impact fiscal du droit des sociétés .................................................. 25
CHAPITRE 2 : L‟EXISTENCE D‟UNE CONCURRENCE LEGISLATIVE
MONDIALE ENTRE DROIT DES SOCIETES.................................................... 29
SECTION 1 : L‟ADMISSIBILITE D‟UNE CONCURRENCE ENTRE
PRODUIT DROIT DES SOCIETES ................................................................. 29
Paragraphe 1 : L‟admission théorique d‟une concurrence entre produit de
droit ................................................................................................................. 29
135
A) L‟analyse de la concurrence juridique de Charles Tiebout ................ 30
B) Analyse de la concurrence juridique d‟Anthony Ogus ....................... 32
Paragraphe 2 : L‟admission de la concurrence par le choix de facteur
volontariste : le choix du rattachement des sociétés ....................................... 34
A) Le libre choix du rattachement de la société concernant la nationalité
34
1) L‟existence de la nationalité des sociétés ....................................... 35
a) Une naissance controversée ......................................................... 35
b) L‟affirmation incontestée de l‟existence d‟une nationalité des
sociétés................................................................................................ 37
2) Les critères de détermination de la nationalité des sociétés ........... 38
a) L‟affirmation du critère du siège social ....................................... 38
b) Le critère alternatif du contrôle ................................................... 39
B) L‟impact du rattachement volontaire de la société concernant la loi
applicable .................................................................................................... 41
1) La détermination de la loi applicable ............................................. 41
a) Le système de l‟incorporation...................................................... 42
b) Le système du siège réel .............................................................. 43
2) Le domaine de la lex societatis ....................................................... 44
SECTION 2 : LA MISE EN ŒUVRE D‟UNE CONCURRENCE ENTRE
PRODUIT DROIT DES SOCIETES ................................................................. 45
Paragraphe 1 : Le rapport Doing Business, l‟exemple de vecteur de
concurrence ..................................................................................................... 45
A) La hiérarchisation des différents droits des affaires ........................... 46
1) La mesure économique de l‟efficience du droit ............................. 46
2) La mise en œuvre d‟un classement des législations ....................... 47
B) L‟impact du rapport Doing Business .................................................. 48
Paragraphe 2 : La volonté française d‟obtenir un droit des sociétés attractif . 50
A) La prise en compte du rapport Doing business ................................... 50
B) La mise en œuvre de moyen pour rendre attractif le droit français des
sociétés........................................................................................................ 52
CONCLUSION DU TITRE 1 .................................................................................... 54
TITRE 2 : L‟ECHANGE ENTRE LES PRODUIT « DROIT DES SOCIETES »
DANS UNE VOLONTE CONCURRENTIELLE ..................................................... 55
136
CHAPITRE 1 : L‟EMPRUNT DE SOLUTION EXTERNE PAR LE DROIT
FRANÇAIS : L‟EXEMPLE DE LA CORPORATE GOVERNANCE ................. 55
SECTION 1 : LA CORPORATE GOVERNANCE : UN CONCEPT ANGLO-
SAXON .............................................................................................................. 55
Paragraphe 1 : La naissance de la « Corporate Governance »....................... 56
A) La naissance aux Etats-Unis ............................................................... 56
B) La naissance au Royaume-Uni ........................................................... 57
Paragraphe 2 : Le concept de « Corporate Governance » ............................. 57
SECTION 2 : LA PLACE DE LA « CORPORATE GOVERNANCE » DANS
LE DROIT FRANÇAIS DES SOCIETES ......................................................... 59
Paragraphe 1 : L‟intégration de la « Corporate Governance » par des normes
privées ............................................................................................................. 60
A) Les rapports Vienot, un rapport Cadbury français ............................. 60
1) Le rapport Vienot I, sur le Conseil d‟administration des sociétés
cotées ...................................................................................................... 60
a) Les recommandations sur la mission et les attributions du conseil
61
b) Les recommandations sur la composition et le fonctionnement du
Conseil d‟administration..................................................................... 63
2) Le rapport Vienot II, Comité sur le gouvernement d‟entreprise .... 64
a) Les recommandations concernant la dissociation des pouvoirs
dans la société ..................................................................................... 64
b) Les recommandations pour plus de transparence ........................ 65
c) Les recommandations sur la composition et le fonctionnement du
Conseil ................................................................................................ 66
B) L‟existence de nombreuses autres normes privées ......................... 67
Paragraphe 2 : L‟intégration de la « Corporate Governance » par le législateur
........................................................................................................................ 68
A) L‟intégration de la « Corporate Governance » par la loi sur les
nouvelles régulations économiques ............................................................ 69
B) La « Corporate Governance » aujourd‟hui ......................................... 72
CHAPITRE 2 : UNE CONVERGENCE ENTRE LES DROITS NES D‟UNE
VOLONTE CONCURRENTIELLE ...................................................................... 75
SECTION 1 : LE TRANSFERT ENTRE LES DROITS DES SOCIETES NES
D‟UNE VOLONTE CONCURRENTIELLE ..................................................... 76
137
Paragraphe 1 : L‟existence de différents processus d'interaction entre les
droits ............................................................................................................... 76
Paragraphe 2 : L‟application de la transplantation en droit des sociétés ........ 77
A) Définition de la transplantation .......................................................... 77
B) La transplantation conséquence d‟une concurrence législative .......... 78
SECTION 2 : L‟EXISTENCE D‟UN MARCHE DU DROIT DES SOCIETES
............................................................................................................................ 80
Paragraphe 1 : La définition de la notion de marché ...................................... 80
A) Une tentative de définition ................................................................. 80
B) Les conditions d‟existence du marché ................................................ 81
Paragraphe 2 : Son application controversée au produit droit des sociétés .... 82
A) L‟existence des conditions d‟application du marché .......................... 82
B) L‟existence d‟un marché du droit des sociétés ................................... 83
CONCLUSION DU TITRE 2 .................................................................................... 85
CONCLUSION DE LA PARTIE 1 ................................................................................ 86
DEUXIEME PARTIE : LES CONSEQUENCES D‟UNE CONCURRENCE
LEGISLATIVE POUR OBTENIR UN DROIT CONCURRENTIEL .......................... 87
TITRE 1 : LES DANGERS DE LA CONCURRENCE ENTRE LES ETATS SUR
LA REGLE DE DROIT ............................................................................................. 87
CHAPITRE 1 : LA DEGENERESCENCE DE LA REGLE DE DROIT .............. 88
SECTION 1 : LA PERTE DE VALEUR DE LA REGLE DE DROIT ............. 88
Paragraphe 1 : La négation de la valeur morale du droit ................................ 88
Paragraphe 2 : La perte de neutralité de la règle de droit ............................... 89
SECTION 2 : LE DANGER INEVITABLE D‟UN NIVELLEMENT VERS LE
BAS DES LEGISLATIONS NATIONALES .................................................... 90
CHAPITRE 2 : L‟ABSENCE D‟OPTIMISATION DE LA REGLE DE DROIT . 92
SECTION 1 : L‟ABSENCE D‟AMELIORATION DE LA REGLE DE DROIT
............................................................................................................................ 92
SECTION 2 : L‟ABSENCE D‟INNOVATION DE LA REGLE DE DROIT... 94
CONCLUSION DU TITRE 1 .................................................................................... 96
TITRE 2 : LA NECESSITE D‟ENCADRER EFFICACEMENT LA
CONCURRENCE LEGISLATIVE ............................................................................ 97
138
CHAPITRE 1 : LES DERIVES DE LA CONCURRENCE LEGISLATIVES
POUR LE SUJET DE DROIT INTERNATIONAL .............................................. 97
SECTION 1 : LE « LAW SHOPPING » ............................................................ 97
SECTION 2 : LE « FORUM SHOPPING »....................................................... 99
CHAPITRE 2 : L‟INSUFFISANCE DES REGLES POUR REGULER CETTE
CONCURRENCE ................................................................................................ 101
SECTION 1 : L‟INSUFFISANCE DES REGLES NATIONALES POUR
REGULER LA CONCURRENCE ENTRE LES DROITS DES SOCIETES . 102
Paragraphe 1 : L‟insuffisance des règles propres au droit des sociétés pour
limiter la concurrence ................................................................................... 102
A) La réglementation limitée des transferts de siège social .................. 103
1) Transfert du siège social emportant changement de la lex societatis
103
a) Le transfert du siège total........................................................... 103
α) Le refus du transfert international du siège total ...................... 104
β) Les conditions rigoureuses de transfert international du siège
total ............................................................................................... 104
Ω) les conditions souples de transfert international du siège total 105
b) Transfert du seul siège statutaire ............................................... 106
2) Le transfert de siège social sans changement de la loi applicable 106
a) L‟Etat d‟origine utilise le critère de l‟Incorporation .................. 106
b) L‟Etat d‟origine utilise le critère du siège réel .......................... 107
B) La théorie du siège réel, un frein à la concurrence peu usité............ 107
Paragraphe 2 : L‟existence d‟obstacles fiscaux au transfert de siège social des
sociétés.......................................................................................................... 109
A) Le paiement de l‟ « Exit Taxe » ....................................................... 109
B) L‟inefficience de cette mesure .......................................................... 110
SECTION 2 : L‟EXISTENCE DE REGLE PROPRE AU DROIT
INTERNATIONAL PRIVE POUR REGULER LA CONCURRENCE ......... 111
A) La théorie de la fraude à la loi ......................................................... 112
1) La modification artificielle de l‟élément de rattachement ............ 112
2) L‟intention frauduleuse................................................................. 113
3) La sanction de la fraude à la loi .................................................... 113
139
B) L‟application de la théorie de la fraude à la loi aux sociétés et
personnes morales, une application limitée .............................................. 113
Paragraphe 2 : La nécessité d‟utiliser d‟autres outils de régulation ............. 115
A) La nécessité de recourir à d‟autres règles pour limiter la concurrence,
l‟abus de droit ........................................................................................... 115
1) L‟admission de l‟abus du choix du for ......................................... 115
2) L‟extension de la réserve de l‟abus au choix de la loi applicable 117
B) L‟ordre public et les lois de police, des outils insuffisants ............... 118
CONCLUSION TITRE 2 ......................................................................................... 119
CONCLUSION PARTIE 2 .......................................................................................... 120
CONCLUSION GENERALE ...................................................................................... 121
BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................ 123
TABLE DES MATIERES ............................................................................................ 134