Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel.doc

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Le drame de la fin des temps par le P. Emmanuel Ces articles reprennent une suite d’articles publiés dans le bulletin N-D de la Sainte Espérance http://www.salve-regina.com/salve/Le_drame_de_la_fin_des_temps#Huiti.C3.A8me_article_.28octobre_1885.29_-_La_crise_finale Premier article (mars 1885) I. – Nous avons considéré l’Église dans le passé et dans le présent ; il nous reste à la contempler dans l’avenir. Dieu a voulu que les destinées de l’Église de son Fils unique fussent tracées d’avance dans les Écritures, comme l’avaient été celles de son Fils lui-même ; c’est là que nous irons chercher les documents de notre travail. L’Église, devant être en tout semblable à Notre Seigneur, subira, avant la fin du monde, une épreuve suprême qui sera une vraie Passion. Ce sont les détails de cette Passion, en laquelle l’Église fera voir toute l’immensité de son amour pour son divin Époux, qui se trouvent consignés dans les écrits inspirés de l’Ancien Testament et du Nouveau. Nous les ferons passer sous les yeux de nos lecteurs. Nous n’avons l’intention d’épouvanter personne, en traitant un semblable sujet. Nous dirons plus : il nous semble renfermer, à côté de grands enseignements, de grandes consolations. II. – C’est assurément un triste spectacle que de voir l’humanité, séduite et affolée par l’esprit du mal, tenter d’étouffer et d’anéantir l’Église sa mère et sa tutrice divine. Mais de ce spectacle sort une lumière qui nous fait apparaître l’histoire tout entière sous son vrai jour. L’homme s’agite sur la terre ; mais il est mené par des puissances qui ne sont pas de la terre. A la surface de l’histoire, l’œil saisit des bouleversements d’empires, des civilisations qui se font et qui se défont. En dessous, la foi nous fait suivre le grand antagonisme entre Satan et Notre Seigneur ; elle nous fait assister aux ruses et aux violences de l’Esprit immonde, pour rentrer dans la maison de laquelle l’a expulsé Jésus-Christ. A la fin, il y rentrera, et il voudra éliminer Notre Seigneur. Alors les voiles seront déchirés, le surnaturel éclatera partout ; il n’y aura plus de politique proprement dite ; un drame exclusivement religieux se développera et enveloppera l’univers entier.

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Le drame de la fin des temps

Le drame de la fin des tempspar le P. Emmanuel

Ces articles reprennent une suite darticles publis dans le bulletin N-D de la Sainte Esprance

http://www.salve-regina.com/salve/Le_drame_de_la_fin_des_temps#Huiti.C3.A8me_article_.28octobre_1885.29_-_La_crise_finalePremier article (mars 1885)I. Nous avons considr lglise dans le pass et dans le prsent ; il nous reste la contempler dans lavenir.

Dieu a voulu que les destines de lglise de son Fils unique fussent traces davance dans les critures, comme lavaient t celles de son Fils lui-mme ; cest l que nous irons chercher les documents de notre travail.

Lglise, devant tre en tout semblable Notre Seigneur, subira, avant la fin du monde, une preuve suprme qui sera une vraie Passion. Ce sont les dtails de cette Passion, en laquelle lglise fera voir toute limmensit de son amour pour son divin poux, qui se trouvent consigns dans les crits inspirs de lAncien Testament et du Nouveau. Nous les ferons passer sous les yeux de nos lecteurs.

Nous navons lintention dpouvanter personne, en traitant un semblable sujet. Nous dirons plus : il nous semble renfermer, ct de grands enseignements, de grandes consolations.

II. Cest assurment un triste spectacle que de voir lhumanit, sduite et affole par lesprit du mal, tenter dtouffer et danantir lglise sa mre et sa tutrice divine. Mais de ce spectacle sort une lumire qui nous fait apparatre lhistoire tout entire sous son vrai jour.

Lhomme sagite sur la terre ; mais il est men par des puissances qui ne sont pas de la terre. A la surface de lhistoire, lil saisit des bouleversements dempires, des civilisations qui se font et qui se dfont. En dessous, la foi nous fait suivre le grand antagonisme entre Satan et Notre Seigneur ; elle nous fait assister aux ruses et aux violences de lEsprit immonde, pour rentrer dans la maison de laquelle la expuls Jsus-Christ. A la fin, il y rentrera, et il voudra liminer Notre Seigneur. Alors les voiles seront dchirs, le surnaturel clatera partout ; il ny aura plus de politique proprement dite ; un drame exclusivement religieux se dveloppera et enveloppera lunivers entier.

On peut se demander pourquoi les pripties de ce drame sont dcrites si minutieusement par les crivains sacrs, alors quil noccupera que peu dannes ? Cest quil sera la conclusion de toute lhistoire de lglise et du genre humain ; cest quil fera ressortir, avec un clat suprme, le caractre divin de lglise.

Toutes ces prophties ont dailleurs pour but incontestable de fortifier lme des croyants dans les jours de la grande preuve. Toutes les secousses, toutes les pouvantes, toutes les sductions qui viendront les assaillir, ayant t si exactement prdites, formeront autant darguments en faveur de la foi combattue et proscrite. Elle saffermira en eux, prcisment par ce qui devrait la dtruire.

Mais nous avons nous-mmes de grands fruits retirer de la considration de ces vnements tranges et redoutables. Aprs en avoir parl, Notre Seigneur dit ses disciples : Veillez donc et priez, pour que vous soyez trouvs dignes de fuir ces choses qui surviendront dans (avenir, et de vous tenir debout en prsence du Fils de lhomme. (Luc, XXI, 36.)

Ainsi donc, lannonce de ces vnements est un solennel avertissement donn au monde : Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation. (Matt., XXVI, 41.)

Vous ne savez pas quand ces choses arriveront : veillez et priez, pour ne pas tre surpris.

Vous savez que ds maintenant la sduction agit sur les mes, que le mystre diniquit fait son uvre, que la foi est rpute un opprobre (s. Grg.) ; veillez et priez, pour conserver la foi.

Voici lheure de la nuit, lheure de la puissance des tnbres : veillez afin que votre lampe ne steigne pas, priez afin que lengourdissement et le sommeil ne vous gagnent pas.

Mais plutt levez vos ttes vers le ciel ; car lheure de la rdemption approche, car les premires lueurs de laube blanchissent dj la nuit. (Luc, XXI, 28.)

III. Aprs avoir parl des enseignements, disons un mot des consolations.

Jamais on naura vu le mal plus dchan ; et en mme temps plus contenu dans la main de Dieu.

Lglise, comme Notre Seigneur, sera livre sans dfense aux bourreaux qui la crucifieront dans tous ses membres ; mais il ne sera pas permis de lui briser les os, qui sont les lus, pas plus qu lagneau pascal tendu sur la croix.

Lpreuve sera limite, abrge cause des lus ; et les lus seront sauvs ; et les lus, ce seront tous les vrais humbles.

Enfin lpreuve se terminera par un triomphe inou de lglise, comparable une rsurrection.

Dans ces temps-l, et mme parmi les prludes de la crise suprme, elle verra se convertir les restes des nations. Mais sa plus vive consolation sera le retour des juifs.

Les juifs se convertiront, soit avant soit durant le triomphe de lglise ; et saint Paul, qui annonce ce grand vnement, ne se tient pas de joie en en contemplant les suites.

On le voit, la parole des Psaumes peut sappliquer ici lglise : Suivant la multitude des afflictions qui ont rempli mon cur, vos consolations, Seigneur, ont rjoui mon me. Deuxime article (avril 1885) - Les signes avant-coureursI. La question de la fin du monde a t agite ds lorigine de lglise. Saint Paul avait donn sur ce sujet de prcieux enseignements aux chrtiens de Thessalonique ; et comme, malgr ses instructions orales, les esprits ne laissaient pas dtre inquits par des prdictions et des rumeurs sans fondement, il leur adresse une lettre trs grave pour calmer ces inquitudes.

Nous vous en prions avec instance, leur dit-il, mes frres, ne vous laissez pas branler dans vos rsolutions, ni effrayer lgrement, soit par quelque vision, soit par quelque bruit, soit par une lettre quon supposerait venir de nous, comme si le jour du Seigneur tait proche.

Que personne ne vous trompe en aucune faon ! Car il faut auparavant que vienne lapostasie, et que se rvle lhomme de pch, le fils de perdition

Ne vous rappelez-vous pas que, tandis que jtais auprs de vous, je vous disais ces choses ?

Et maintenant vous savez ce qui empche quil ne se rvle. Car le mystre diniquit fait dj son uvre. Que celui qui tient tienne bon, en attendant quil soit mis de ct. (2 Thes., II, 1, 6.)

Ainsi la fin du monde narrivera pas, sans que se rvle un homme effroyablement mchant et impie, que saint Paul qualifie en lappelant lhomme de pch, le fils de perdition. Et celui-ci son tour ne se manifestera quaprs une apostasie gnrale, et aprs la disparition dun obstacle providentiel sur lequel lAptre avait renseign de vive voix ses fidles.

II. De quelle apostasie saint Paul veut-il parler ? Il ne sagit pas dune dfection partielle ; car il dit dune manire absolue, lapostasie. On ne peut lentendre, hlas ! que de lapostasie en masse des socits chrtiennes, qui socialement et civilement renieront leur baptme ; de la dfection de ces nations que Jsus-Christ, suivant lnergique expression de saint Paul, a rendues Con-corporelles son glise. (Eph., III, 6.) Seule, cette apostasie rendra possible la manifestation, et la domination de lennemi personnel de Jsus-Christ, en un mot de lAntchrist.

Notre Seigneur a dit : Pensez-vous que le Fils de lhomme, sa venue, trouvera la foi sur la terre ? (Luc, XVIII, 8.) Le divin Matre voyait la foi dcliner, dans le monde vieillissant. Ce nest pas que les vents du sicle puissent faire vaciller cet inextinguible flambeau, mais les socits, enivres du bien-tre matriel, le repoussent comme importun.

Tournant le dos la foi, le monde sen va dans les tnbres, et il devient le jouet des illusions du mensonge. Il prend pour des lumires de trompeurs mtores. Il irait jusqu prendre pour les premiers feux du jour les rougeurs de lincendie.

Reniant Jsus-Christ, il faut quil tombe bon gr mal gr dans les griffes de Satan si bien nomm le prince des tnbres. Il ne peut rester neutre ; il ne peut se crer une indpendance. Son apostasie le met directement sous la puissance du diable et de ses suppts.

Le docte Estius, tudiant le texte de lAptre, dit que cette apostasie a commenc en Luther et en Calvin. Cest le point de dpart. Depuis elle a fait un chemin effrayant. Aujourdhui elle tend se consommer. Elle sappelle la Rvolution, qui est linsurrection de lhomme contre Dieu et son Christ. Elle a pour formule le lacisme, qui est llimination de Dieu et de son Christ.

Cest ainsi que nous voyons les socits secrtes, investies de la puissance publique, sacharner dchristianiser la France, en lui enlevant un un tous les lments surnaturels dont quinze sicles de foi lavaient imprgne. Ces sectaires nont quun but : sceller lapostasie dfinitive, et prparer les voies lhomme de pch.

Il appartient aux chrtiens de ragir, de toutes les nergies dont ils disposent, contre cette uvre abominable ; et pour cela de faire rentrer Jsus-Christ dans la vie prive et publique, dans les murs et dans les lois, dans lducation et dans linstruction. Il y a longtemps, hlas ! quen tout cela Notre Seigneur nest plus ce quil devrait tre, savoir tout. Il y a longtemps que rgne une demi-apostasie. Comment par exemple, depuis que linstruction est paganise, aurions-nous pu former autre chose que des demi-chrtiens ?

En travaillant dans le sens directement oppos la Franc-Maonnerie, les chrtiens retarderont lavnement de lhomme de pch ; ils mnageront lglise la paix et lindpendance dont elle a besoin, pour saisir et convertir le monde qui souvre devant elle.

Toute la lutte de lheure prsente est donc concentre l : laisserons-nous, oui ou non, nous baptiss, se consommer lapostasie qui amnera bref dlai lAntchrist ?

III. LAptre parle, en termes pour nous nigmatiques, dun obstacle qui soppose lapparition de lhomme de pch Que celui qui tient, dit-il, tienne bon, jusqu ce quil soit mis de ct.

Par ce tenant, les plus anciens Pres grecs et latins entendent presque unanimement lempire romain. Consquemment ils expliquent ainsi saint Paul : Tant que subsistera lempire romain, lAntchrist ne paratra pas.

Des interprtes plus rcents rpugnent cette glose ; ils nadmettent pas que le sort de lglise semble li celui dun empire ; mais ils cherchent vainement une autre explication qui soit satisfaisante.

Nous avouons ingnument que la pense des anciens interprtes ne nous parat pas si mprisable, pourvu que nous lentendions avec une certaine ampleur.

Remarquons que saint Paul, en annonant aux fidles une apostasie alors que la conversion du monde tait peine bauche, avait d leur donner une vue de tout lavenir de lglise. Il leur avait fait connatre que les nations se convertiraient, quil se formerait des socits chrtiennes, puis que ces socits perdraient la foi. Il leur avait montr sans aucun doute lempire romain transform, un pouvoir chrtien surgissant la place dun pouvoir paen, lautorit des Csars passant des mains baptises qui sen serviraient pour tendre le royaume de Jsus-Christ. Et il avait pu ds lors ajouter : Tant que durera cet tat de choses, soyez tranquilles, lAntchrist ne paratra pas.

Le sens de lAptre, entendu largement, serait donc celui-ci : Tant que la domination du monde restera entre les mains baptises de la race latine, lennemi de Jsus-Christ ne se montrera pas.

Remarquons, comme corollaire de cette interprtation, que les francs-maons sopposent avant tout et par-dessus tout la restauration du pouvoir chrtien. Quun prince sannonce comme chrtien, tous les moyens sont mis en uvre pour se dbarrasser de lui. Cest ce quil ne faut aucun prix ([1]).

Donc le pouvoir politique chrtien est ce qui empcherait la secte darriver son but.

Dun autre ct, les races latines sont voues exercer dans le monde une influence catholique, ou bien abdiquer. Leur mission est de servir la diffusion de lvangile ; et leur existence politique est lie cette mission. Du jour o elles y renonceraient par lapostasie complte, elles seraient annihiles ; et lAntchrist, surgissant probablement en Orient, les foulerait facilement aux pieds ([2]).

Ici encore il incombe aux chrtiens dagir sur lesprit public, de faire reprendre aux gouvernements les traditions chrtiennes, en dehors desquelles il ny a que dcadence pour les nations europennes et spcialement pour notre pauvre patrie.

Troisime article (mai 1885) - Lhomme de pchI. Il est dans les choses possibles, bien que lapostasie soit fort avance, que les chrtiens, par un effort gnreux, fassent reculer les meneurs de la dchristianisation outrance, et procurent ainsi lglise des jours de consolation et de paix avant la grande preuve. Ce rsultat, nous lesprons, non pas des hommes, mais de Dieu, non tant des efforts que des prires.

Dans cet ordre dides, quelques pieux auteurs attendent, aprs la crise prsente, un triomphe de lglise, quelque chose comme un jour des Rameaux, dans lequel cette Mre serait salue par les longs cris damour des fils de Jacob, runis aux nations dans lunit dune mme foi. Nous nous associons volontiers ces esprances, qui visent un fait formellement annonc par les prophtes, et dont nous reparlerons en son lieu.

Quoi quil en soit, ce triomphe, si Dieu nous laccorde, ne sera pas de longue dure. Les ennemis de lglise, un moment tourdis, reprendront leur uvre satanique avec un redoublement de haine. On peut se reprsenter ltat de lglise alors, comme tout semblable ltat de Notre Seigneur durant les jours qui ont prcd sa Passion.

Le monde sera profondment agit, comme ltait le peuple juif rassembl pour les ftes pascales. Il y aura des rumeurs immenses, chacun parlant de lglise, les uns pour dire elle est divine, les autres elle ne lest pas. Elle sera en butte aux attaques les plus insidieuses de la libre-pense ; mais jamais elle naura mieux rduit au silence ses contradicteurs, en pulvrisant leurs sophismes.

Bref, le monde sera mis en face de la vrit ; il sera frapp en plein visage par le rayonnement divin de lglise mais il dtournera la tte, et dira : Je nen veux pas !

Ce mpris de la vrit, cet abus des grces amneront la rvlation de lhomme de pch. Lhumanit aura voulu ce matre immonde : elle laura. Et par lui se produira une sduction diniquit, une efficace derreur (cest ainsi que Bossuet traduit saint Paul) qui punira les hommes davoir rejet et ha la Vrit.

En parlant ainsi, nous ne faisons pas dimagination, nous suivons lAptre. Daprs lui, en effet, toute sduction diniquit agira sur ceux qui prissent, comme nayant pas reu lamour de la Vrit qui les et sauvs. Cest pour cette raison que Dieu leur enverra une efficace derreur, afin quils croient au mensonge ; et ainsi seront jugs ceux qui nauront pas cru la vrit, mais qui auront consenti liniquit . (2 Thes., II, 11, 12.)

II. Quand lhomme de pch paratra, ce sera donc, comme dit saint Paul, en son temps ; cest--dire un moment o le corps des mchants, endurci contre les traits de la grce, rendu compact et intraitable par lobstination de sa malice, rclamera cette tte.

Elle surgira, et Satan fera clater en elle toute ltendue de sa haine contre Dieu et les hommes.

Lhomme de pch, lAntchrist, sera un homme, un simple voyageur vers lternit. Quelques auteurs ont souponn en lui une incarnation du dmon ; cette imagination est sans fondement. Le diable na pas la puissance de prendre et de sunir la nature humaine, de singer ladorable mystre de lIncarnation du Verbe.

Les Pres pensent unanimement quil sera juif dorigine. Ils ajoutent mme quil sera de la tribu de Dan, se fondant sur ce que cette tribu nest pas nomme dans lApocalypse comme fournissant des lus au Seigneur. Saint Augustin fait cho cette tradition, dans son livre des Questions sur Josu. Elle est rendue fort vraisemblable par ce fait que la franc-maonnerie est dorigine juive, que les juifs en tiennent les fils dans le monde entier ; ce qui donne croire que le chef de lempire antichrtien sera un juif. Les juifs, dailleurs qui ne veulent pas reconnatre Jsus-Christ, attendent toujours leur Messie. Notre Seigneur leur disait : Je suis venu au nom de mon Pre et vous ne me recevez pas : si un autre vient en son nom propre, vous le recevrez. (Joan., V, 43.) Par cet autre, les Pres entendent communment lAntchrist.

Quoique lAntchrist soit nomm lhomme de pch, le fils de perdition, il ne faut pas croire quil sera vou au mal, comme fatalement et irrmissiblement. Il recevra des grces, il connatra la vrit, il aura un ange gardien. Il sera mis en voie de parvenir au salut, il ne se perdra que par sa faute. Toutefois saint Jean Damascne nhsite pas dire quil sera, ds sa naissance impure, tout imprgn des souffles de Satan. Et il est croire que, ds lge de raison, il entrera en rapports si constants et si troits avec lesprit des tnbres, il se portera au mal avec une telle opinitret, quil ne laissera pntrer dans son me aucune lumire surnaturelle, aucune grce den haut. Il restera immuablement rebelle tout bien.

Cest ce qui lui vaudra le nom dhomme de pch. Il poussera le pch son comble, en ne faisant de toute sa vie quun long acte de rvolte contre Dieu ; par cette constante application au mal, il atteindra un raffinement dimpit auquel aucun homme nest jamais parvenu.

La qualification de fils de perdition, qui lui est commune avec Judas, veut dire que sa perte ternelle est prvue de Dieu, voulue de Dieu, en punition de son pouvantable malice, ce point quelle est inscrite dans les critures et comme enregistre davance. Il est probable et cest la pense de saint Grgoire que le monstre connatra, une lumire sortie des gouffres de lenfer, le sort qui lattend, quil renoncera toute esprance pour har Dieu plus son aise, quil se fixera ds cette vie dans lirrmdiable obstination des damns. Et il ralisera ainsi le nom terrible de fils de perdition.

Il sera de la sorte vraiment lAntchrist, savoir lantipode de Notre Seigneur. Jsus-Christ tait lev au-dessus des atteintes du pch ; lui se mettra en dehors des atteintes de la grce, par un abandon de tout son tre lesprit du mal. Jsus-Christ se portait son Pre de tous les lans dune nature divinise et soustraite aux influences mauvaises : lui se portera au mal de tous les lans dune nature profondment vicie et qui renoncera mme lesprance.

III. tant ainsi diamtralement oppos Notre Seigneur, il fera des uvres en opposition directe avec les siennes.

Il sera pour Satan un organe de choix, un instrument de prdilection.

De mme que Dieu, envoyant son Fils au monde, la revtu de la puissance de faire des miracles, et mme de rendre la vie aux morts, ainsi Satan, passant un pacte avec lhomme de pch, lui communiquera le pouvoir de faire de faux miracles. Cest pourquoi saint Paul dit que son avnement aura lieu suivant lopration de Satan, avec dploiement de puissance, de signes et de prodiges menteurs . Notre Seigneur na fait que des miracles de bont, il a refus de faire des prodiges de pure ostentation ; lAntchrist sy complaira, et les peuples, par un juste jugement de Dieu, se laisseront prendre ses jongleries.

Il est clair, daprs ce qui prcde, que lAntchrist se prsentera au monde comme le type le plus complet de ces faux prophtes qui fanatisent les masses, et qui les entranent tous les excs sous le prtexte dune rforme religieuse. A ce point de vue, Mahomet semble tre son vrai prcurseur. Mais il le dpassera immdiatement en sclratesse, en habilet, comme aussi par la plnitude de son pouvoir satanique.

Nous tudierons dans un prochain article les origines et les dveloppements de sa puissance, ainsi que les phases de la guerre dextermination quil dchanera contre lglise de Jsus-Christ.

Quatrime article (juin 1885) - LEmpire de lAntchrist - Vision du prophte DanielI. Une nuit, le prophte Daniel eut une vision formidable. Tandis que les quatre vents du ciel se combattaient sur une vaste mer, il vit surgir du milieu des flots, quatre btes monstrueuses.

Ctaient une lionne, un ours, un lopard quatre ttes, puis je ne sais quel monstre dune force prodigieuse, ayant des dents et des ongles de fer, et dix cornes sur le front.

Il fut rvl au prophte que ces quatre btes signifiaient quatre empires qui slveraient successivement sur les flots mouvants de lhumanit.

Or, tandis que Daniel considrait avec pouvante la quatrime bte, il vit une petite corne natre au milieu des dix autres, en abattre trois, et grandir par-dessus toutes ; et cette corne avait comme des yeux dhomme, et une bouche qui tenait de grands discours ; et elle faisait la guerre aux saints du Trs-Haut, et elle lemportait sur eux.

Le prophte demanda le sens de cette vision trange. Il lui fut rpondu que les dix cornes reprsentaient dix rois ; que la petite corne tait un roi qui finirait par dominer sur toute la terre avec une puissance inoue.

Il vomira, lui fut-il dit, des blasphmes contre Dieu, il broiera sous ses pieds les saints du Trs-Haut ; il pensera pouvoir changer les temps et les lois ; et tout lui sera livr pendant un temps, deux temps, et la moiti dun temps. (Dan., VII.)

II. Par ce roi, tous les interprtes entendent lAntchrist.

Quelle est la bte sur laquelle surgit, au temps marqu, cette corne dimpit ? cest la Rvolution, par laquelle on entend tout le corps des impies, obissant un moteur occulte, et sinsurgeant contre Dieu : la Rvolution, puissance la fois satanique et bestiale, satanique comme anime dun esprit infernal, bestiale comme livre tous les instincts de la nature dgrade. Elle a des dents et des ongles de fer : car elle forge des lois despotiques, au moyen desquelles elle broie la libert humaine. Elle cherche semparer des rois et des gouvernements, qui doivent passer un pacte avec elle. Quand paratra lAntchrist, elle aura dix rois son service, comme dix cornes sur le front. LAntchrist, nous dit Daniel, paratra comme une petite corne ; il aura des commencements obscurs. Il ne sera pas issu de famille royale ; ce sera un Mahomet, un Mahdi, qui slvera peu peu par la hardiesse de ses impostures, secondes de toute la complicit du diable.

La corne en effet qui le reprsente est trs diffrente des autres. Elle a des yeux comme des yeux dhommes ; car le nouveau roi est un voyant, un faux prophte. Elle a une bouche disant de grands mots ; car il simpose non moins par lclat de la parole et la sduction des promesses, que par la force des armes et les ruses de la politique.

Tout le monde aura bientt les regards tourns vers limposteur, dont les trompettes dune presse complaisante clbreront les hauts faits. Sa popularit portera ombrage plusieurs des souverains apostats, qui se partageront alors lempire de la bte rvolutionnaire. Il sensuivra une lutte gigantesque, dans laquelle, suivant Daniel, lAntchrist abattra trois de ses rivaux.

A ce moment tous les peuples, fanatiss par ses prodiges et ses victoires, lacclameront comme le sauveur de lhumanit. Et les autres rois nauront dautre ressource que de lui faire leur soumission.

Ce sera le commencement dune crise terrible pour lglise de Dieu. Car la corne dimpit, parvenue au fate de la puissance, fera la guerre aux saints et prvaudra contre eux.

III. Il est probable que, durant toute cette premire priode qui pourra durer de longues annes, lhomme de pch affectera des airs de modration hypocrite.

Juif, il se prsentera aux juifs comme le Messie attendu, comme le restaurateur de la loi de Mose ; il essaiera de tourner en sa faveur les mystrieuses prophties dIsae et dzchiel ; il rebtira, au dire de plusieurs Pres, le temple de Jrusalem. Les Juifs, au moins en partie, blouis par ses faux miracles et son faste insolent, le recevront, lui le faux Christ ; et ils mettront son service la haute finance, toute la presse, et les loges maonniques du monde entier.

Il est trs croyable aussi que lAntchrist mnagera, pour slever, tous les partisans des fausses religions. Il sannoncera comme plein de respect pour la libert des cultes, une des maximes et un des mensonges de la bte rvolutionnaire. Il dira aux bouddhistes, que lui-mme est un Bouddha ; aux musulmans, que Mahomet est un grand prophte. Il nest mme rien dimpossible ce que le monde musulman accepte le faux messie des juifs comme un nouveau Mahomet.

Quen savons-nous ? Peut-tre ira-t-il jusqu dire, en son hypocrisie, pareil Hrode son prcurseur, quil veut adorer Jsus-Christ. Mais ce ne sera quune drision amre. Malheur aux chrtiens qui supportent sans indignation que leur adorable Sauveur soit mis, ple-mle avec Bouddha et Mahomet, dans je ne sais quel panthon de faux Dieux !

Tous ces artifices, pareils aux caresses du cavalier qui veut monter en selle, gagneront insensiblement le monde lennemi de Jsus-Christ ; mais une fois affermi sur les triers, il fera jouer le frein et les perons ; et la plus pouvantable tyrannie psera sur lhumanit.

IV. Saint Paul nous fait connatre dun seul trait toute lextrmit de cette tyrannie, la plus odieuse qui fut et qui sera jamais.

Lhomme de pch, dit-il, le fils de perdition, limpie, se posera en adversaire, slvera au-dessus de tout ce quon nomme Dieu ou de ce quon honore comme Dieu, jusqu sasseoir dans le temple de Dieu, comme Dieu lui-mme . (2 Th., II, 4.)

Daniel lavait prdit avant saint Paul. Il ne comptera pour rien le Dieu de ses Pres ; il se plongera dans les dbauches ; il naura cure daucun Dieu, il se dressera contre tout. (Dan., XI, 17.)

Ainsi, quand lAntchrist aura asservi le monde, quand il aura plac partout ses lieutenants et ses cratures, quand il pourra faire jouer son profit tous les ressorts dune centralisation pousse son comble : il lvera le masque, il proclamera que tous les cultes sont abolis, il se donnera comme le Dieu unique, et, sous les peines les plus affreuses et les plus infamantes, voudra forcer tous les habitants de la terre adorer, lexclusion de toute autre, sa propre divinit.

Cest l que viendra aboutir la fameuse libert des cultes, dont on fait tant dtalage ; la promiscuit des erreurs exige logiquement cette conclusion.

Tandis quil tait sur la terre, ladorable Jsus, doux et humble de cur, ne sest jamais propos ladoration de ses aptres, lui qui tait Dieu ; tout au contraire, il sest mis genoux devant eux, en leur lavant les pieds. LAntchrist, monstre dimpit et dorgueil, se fera adorer, lui, par lhumanit affole et sduite ; elle aura choisi ce matre, de prfrence au premier.

Et quon ne pense pas que le pige sera grossier ! Noublions pas, dit saint Grgoire, que le monstre disposera de la puissance du diable pour faire de faux prodiges : au lieu quau commencement les miracles taient du ct des martyrs, ils sembleront alors tre du ct des bourreaux. Il y aura un blouissement, un vertige. Seuls les vrais humbles, affermis en Dieu, dmleront le mensonge et chapperont la tentation.

Mais o lAntchrist tablira-t-il son nouveau culte ? Saint Paul dit dans le temple de Dieu ; saint Irne, presque contemporain des aptres, prcise davantage, et dit dans le temple de Jrusalem quil fera rebtir. Ce sera le centre de lhorrible religion. Saint Jean dailleurs nous fait connatre que limage du monstre sera propose partout ladoration des hommes. (Ap., XIII, 24.)

Alors bouddhisme, mahomtisme, protestantisme, etc., seront supprims et abolis. Mais il va sans dire que la fureur du monde se dirigera contre Notre Seigneur et son glise. Il fera cesser le culte public ; il enlvera, dit Daniel, le sacrifice perptuel. On ne pourra plus clbrer la sainte messe que dans les cavernes et les lieux cachs. Les glises profanes ne prsenteront aux regards que labomination dans la dsolation, savoir limage du monstre leve sur les autels du vrai Dieu. (Daniel, passim.) Il y a eu un essai de tout cela dans la Rvolution franaise.

Cest ici que la main de Dieu se fera sentir. Il abrgera ces jours de suprme angoisse. Cette perscution, qui fera vaciller les colonnes du ciel, ne durera quun temps, deux temps et la moiti dun temps, savoir trois ans et demi.

Cinquime article (juillet 1885) - Les prdicateurs de lAntchrist - Vision de saint JeanI. Les livres saints, qui entrent en tant de dtails sur lHomme de pch, nous font connatre un agent mystrieux de sduction qui lui soumettra la terre. Cet agent, la fois un et multiple, est selon saint Grgoire, une sorte de corps enseignant qui propagera partout les doctrines perverses de la Rvolution.

LAntchrist aura ses lieutenants et ses gnraux ; il possdera une arme innombrable. On ose peine entendre, au pied de la lettre, le chiffre que saint Jean nous donne en parlant de sa seule cavalerie (Ap., IX, 16) ([3]). Mais il aura surtout son service de faux prophtes comme lui, des illumins du diable, des docteurs de mensonges ; ennemi personnel de Jsus-Christ, il singera le divin Matre, en sentourant daptres rebours.

Parlons donc, daprs saint Jean, de ces docteurs impies, que nous nommerons avec saint Grgoire les prdicateurs de lAntchrist.

II. Saint Jean, au chapitre XIII de son Apocalypse, dcrit une vision toute semblable celle de Daniel. Il voit surgir de la mer un monstre unique, runissant en lui-mme par une horrible synthse tous les caractres des quatre btes aperues par le prophte. Ce monstre ressemble au lopard ; il a les pieds de lours, la gueule du lion ; il a sept ttes et dix cornes.

Il reprsente lempire de lAntchrist, form de toutes les corruptions de lhumanit. Il reprsente lAntchrist lui-mme qui est le nud de tout cet assemblage violent de membres incohrents et disparates. On croit voir limposteur, avec le cortge de chrtiens apostats, de musulmans fanatiss, de juifs illumins, qui le suivra partout.

Or, tandis que saint Jean considrait cette Bte, il vit une des ttes comme frappe de mort ; puis la plaie mortelle fut gurie. Et toute la terre smerveilla aprs la Bte. Les interprtes voient l un des faux prodiges de lAntchrist ; un de ses principaux lieutenants, ou peut-tre lui-mme, paratra bless grivement, on le croira mort, quand soudain, par un artifice diabolique, il se dressera plein de vie. Cette imposture sera clbre par tous les journaux, ce jour-l fort crdules ; et lenthousiasme ira jusquau dlire.

Alors, continue saint Jean, les hommes adorrent le dragon qui donna cette puissance la Bte ; et ils adorrent la Bte, en disant : Qui est semblable elle, et qui pourra la combattre ?

Ainsi le diable sera publiquement ador, ainsi que lAntchrist ; et ce ne sera pas un culte double, le premier tant ador dans le second. Saint Jean nous fait assister ensuite la perscution contre lglise.

Et il fut donn la Bte une bouche disant de grands mots et des blasphmes ; et elle eut puissance dagir durant 42 mois.

Ceci est la parole mme de Daniel, et dsigne le temps de la perscution arrive son paroxysme. 42 mois, cela fait juste trois ans et demi.

Et elle ouvrit sa bouche en blasphmes contre Dieu, blasphmes son nom, son tabernacle, ceux qui habitent dans le ciel.

Et il lui fut donn de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. Et elle reut puissance sur toute tribu, langue, peuple et nation.

Et tous ceux qui habitent la terre ladorrent, hormis ceux dont les noms sont crits au livre de vie de lAgneau, qui a t tu ds lorigine du monde.

Si quelquun a des oreilles, quil entende !

Qui sera conduit en captivit, ira en captivit ; qui tombera sous le glaive, ne pourra chapper au glaive. L se montreront la patience et la foi des saints. (XIII, 3-11.)

Cest ainsi que laptre bien-aim dcrit la terrible perscution. A toutes les menaces se joindront toutes les sductions ; il en rsultera un fanatisme dlirant qui jettera le monde entier aux pieds de la Bte. Mais tous les assauts de lenfer choueront devant la patience et la foi des saints .

III. Saint Jean nous peint ensuite le grand agent de sduction qui pliera les esprits des hommes au culte de la Bte.

Je vis, dit-il, slever de terre une autre Bte ; elle avait deux cornes comme celles de lAgneau, et elle parlait comme le dragon.

Et elle exerait toute la puissance de la premire Bte, en sa prsence ; et elle fit en sorte que toute la terre et ses habitants adorrent cette Bte, dont la plaie mortelle avait t gurie.

Et elle fit de grands prodiges, jusqu faire descendre le feu du ciel en terre, en prsence des hommes.

Et elle sduisit les habitants de la terre par les prodiges quil lui fut donn de faire, leur persuadant de fabriquer limage de la Bte qui avait reu la blessure du glaive et avait survcu.

Et il lui fut donn danimer limage de la Bte, de manire la faire parler ; et de forcer tous les hommes, sous peine de mort, adorer la Bte.

Et elle fera porter tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, un caractre la main droite ou au front ; en sorte que nul ne puisse acheter ou vendre, quil nait ce caractre, soit le nom de la Bte, soit le chiffre de son nom.

Ici est la sagesse. Que quiconque a reu lintelligence, suppute le chiffre de la Bte. Cest un nombre dhommes, et ce nombre est 666. (Ap., XIII, 11-18.) Telle est la seconde partie de la prophtie de saint Jean. Saint Grgoire interprte ce mystrieux passage en ce sens que, comme nous lavons dit, lAntchrist aura son collge de prdicateurs et daptres rebours. Et ces docteurs de mensonge seront quelque chose comme nos savants modernes, doubls dun magicien ou dun spirite.

Ils auront lapparence de lAgneau. Ils singeront les maximes vangliques de paix, de concorde, de libert, de fraternit humaine ; et sous ces dehors, ils propageront lathisme le plus hont.

Ils auront lapparence de lAgneau. Ils se donneront comme des agents de persuasion, respectueux pour les consciences ; et puis ils feront mourir dans les tourments ceux qui refuseront de les couter.

Leurs auditeurs, dit fortement saint Grgoire, ce seront tous les rprouvs ; leur tactique, dit-il encore, consistera proclamer que le genre humain, durant les ges de foi, tait plong dans les tnbres ; et ils salueront lavnement de lAntchrist comme lapparition du jour et le rveil du monde. (Mor. in Job. lib. XXXIII.)

Ces prdications seront appuyes par de faux prodiges. Instruits par le diable et son suppt de secrets naturels encore inconnus, les missionnaires de lAntchrist pouvanteront et sduiront les multitudes par toute espce de sortilges ; ils feront descendre le feu du ciel, et parler les images de lAntchrist quils auront riges.

Mais ce nest pas tout. Ils forceront les hommes, sous peine de mort, adorer ces images parlantes. Ils les obligeront porter, la main droite ou au front, le chiffre du monstre. Et quiconque naura pas ce chiffre ne pourra ni acheter ni vendre.

L se montre leffroyable raffinement de la perscution suprme. Celui qui ne portera pas lestampille du monstre sera par l mme hors-la-loi, hors-la-socit, passible de mort.

Mais ne voyons-nous pas ds prsent se dessiner quelque essai de cette tyrannie ?

Que sont tous ces matres de lenseignement sans Dieu, sinon les prcurseurs de lAntchrist ? La Rvolution veut avoir son corps enseignant, charg officiellement de dchristianiser la jeunesse, et dimprimer au front de tous, petits et grands, pauvres et riches, lestampille du Dieu-tat. Lenseignement obligatoire et laque na pas dautre but. Dj on prpare des lois pour interdire lentre des carrires publiques quiconque naura pas reu la griffe des coles de ltat. Le jour o passeront ces lois abominables, on pourra prendre le deuil de la libert humaine. Nous entrerons sous une tyrannie sombre, touffante, infernale. LAntchrist pourra venir.

Nous voulons lesprer, la conscience publique est trop chrtienne encore pour supporter une pareille torture. Aussi cherche-t-on, par tous les moyens possibles, lendormir. Dailleurs, que les croyants se consolent ! Toutes ces extrmits ne serviront, dans les desseins de Dieu, qu faire clater la patience et la foi des saints. Cest ce que nous verrons au chapitre suivant.

Sixime article (aot 1885) - Lglise durant la tourmenteI. Saint Grgoire le Grand, en ses lumineux commentaires sur Job, ouvre les aperus les plus profonds sur toute lhistoire de lglise. Il est visiblement anim lui-mme de cet esprit prophtique rpandu dans toutes les critures.

Il contemple lglise, la fin des ges, sous la figure de Job humili et souffrant, expos aux insinuations perfides de sa femme et aux critiques amres de ses amis ; lui devant qui autrefois les vieillards se levaient, et les princes faisaient silence !

Lglise, dit maintes fois le grand pape, vers le terme de son plerinage, sera prive de tout pouvoir temporel ; on cherchera lui enlever tout point dappui sur la terre.

Mais il va plus loin encore, et il dclare quelle sera dpouille de lclat mme qui provient des dons surnaturels. La puissance des miracles, dit-il, sera retire, la grce des gurisons enleve, la prophtie aura disparu, le don dune longue abstinence sera diminu, les enseignements de la doctrine se tairont, les prodiges miraculeux cesseront. Ce nest pas dire quil ny aura plus rien de tout cela ; mais tous ces signes nclateront pas ouvertement et sous mille formes comme aux premiers ges. Ce sera mme loccasion dun merveilleux discernement. Dans cet tat humili de lglise, grandira la rcompense des bons, qui sattacheront elle purement en vue des biens clestes ; quant aux mchants, ne voyant plus en elle aucun attrait temporel, ils nauront rien dguiser, ils se montreront tels quils sont. (Mor, 1. XXXV)

Quelle parole formidable : les enseignements de la doctrine se tairont ! Saint Grgoire proclame ailleurs que lglise aime mieux mourir que se taire. Elle parlera donc : mais son enseignement sera entrav, sa voix couverte ; mais plusieurs qui devraient crier sur les toits noseront plus le faire par crainte des hommes.

Et ce sera loccasion dun discernement redoutable.

Saint Grgoire revient souvent sur cette donne, quil y a dans lglise trois catgories de personnes : les hypocrites ou les faux chrtiens, les faibles et les forts. Or, en ces moments dangoisses, les hypocrites lveront le masque, et manifesteront leur secrte apostasie ; les faibles, hlas ! priront en grand nombre, et le cur de lglise en saignera ; enfin plusieurs forts eux-mmes, trop confiants en leur force, tomberont comme les toiles du ciel.

En dpit de toutes ces tristesses poignantes, lglise ne perdra ni le courage ni la confiance. Elle sera soutenue par la promesse du Sauveur, consigne dans les critures, que ces jours seront abrgs cause des lus. Sachant que les lus seront sauvs quand mme, elle se vouera, dans le plus fort de la tourmente, au sauvetage des mes avec une nergie infatigable.

II. Malgr laffreux scandale de ces temps de perdition, il ne faut pas penser en effet que les petits et les faibles seront ncessairement perdus. La voie du salut restera ouverte, et le salut sera possible tous. Lglise aura des moyens de prservation proportionns la grandeur du pril. Et ceux-l seulement, parmi les petits, tomberont sous la serre de loiseau de proie, qui auront quitt les ailes de leur mre.

Quels seront ces moyens de prservation ? Les critures ne nous laissent pas sans indication ce sujet ; et nous pouvons sans tmrit formuler quelques conjectures.

Lglise se souviendra de lavertissement donn par Notre Seigneur pour les temps de la prise de Jrusalem, et applicable, du consentement des interprtes, la dernire perscution.

Quand vous verrez labomination de la dsolation, prdite par le prophte Daniel, debout dans le lieu saint (que celui qui lit, comprenne !), alors que ceux qui sont en Jude senfuient vers les montagnes Priez afin que votre fuite nait pas lieu en hiver, ni le jour du Sabbat ! Car il y aura une grande tribulation, telle quil ny en a pas eu depuis lorigine du monde, et quil ny en aura jamais. Et si ces jours ntaient pas abrgs, nul ne serait sauv ; mais ils seront abrgs cause des lus. (Matth., XXIV, 15, 23.)

Conformment ces instructions du Sauveur, lglise mettra en sret par la fuite les petits du troupeau ; elle leur mnagera des retraites inaccessibles, o la dent de la Bte ne les atteindra pas.

On peut se demander comment il y aura des retraites inaccessibles, alors que la terre sera perce et sillonne de voies de communication. Il faut rpondre que Dieu pourvoira lui-mme la scurit des fugitifs. Saint Jean nous fait entrevoir cette action de la Providence.

Au chapitre XII de lApocalypse, il nous prsente une femme vtue du soleil et couronne dtoiles ; cest lglise. Cette femme souffre les douleurs de lenfantement ; car lglise enfante Dieu des lus, parmi de grandes souffrances. Devant elle se tient un grand dragon roux, image du diable et de ses continuelles embches. Mais la femme senfuit dans la solitude, en un lieu prpar par Dieu lui-mme, et l elle est nourrie durant 1260 jours (V, 6). Ces 1260 jours, qui font 3 ans et demi, indiquent le temps de la perscution de lAntchrist, comme il est manifeste par les autres passages de lApocalypse. Donc, durant ce temps, lglise, en la personne des faibles, senfuira dans la solitude ; et Dieu lui-mme prendra soin de la tenir cache et de la nourrir.

La fin du mme chapitre contient des dtails sur cette fuite. Il est donn la femme deux grandes ailes daigle, pour la transporter au dsert. Le dragon cherche la poursuivre ; et sa gueule vomit contre elle de leau comme un fleuve. Mais la terre vient en aide la femme et absorbe le fleuve. Ces paroles nigmatiques dsignent quelque grande merveille que Dieu fera paratre en faveur de son glise ; la rage du dragon viendra expirer ses pieds.

Cependant, tandis que les faibles prieront en sret dans une solitude mystrieuse, les forts et les vaillants engageront une lutte formidable, en prsence du monde entier, avec le dragon dchan.

III. Il est hors de doute en effet quil y aura, dans les derniers ges, des saints dune vertu hroque. Au commencement, Dieu a donn son glise les Aptres, qui ont abattu lempire idoltrique, et qui lont fonde et cimente elle-mme dans leur sang. A la fin, il lui donnera des enfants et des dfenseurs, quon peut dire non moins saints et non moins grands.

Saint Augustin scrie, en pensant eux : En comparaison des saints et des fidles qui seront alors, que sommes-nous ? Car, pour les mettre lpreuve, le diable sera dchan, lui que nous ne combattons quau prix de mille dangers, maintenant quil est li. Et toutefois, ajoute-t-il, il est croire quaujourdhui mme le Christ a des soldats assez prudents et assez forts, pour pouvoir au besoin djouer avec sagesse les embches, et subir avec patience les assauts de leur ennemi mme dchan. (De Civ. Dei, XX, 8.)

Saint Augustin se demande ensuite : Y aura-t-il encore des conversions, en ces temps de perdition ? Baptisera-t-on encore les enfants, malgr les prohibitions du monstre ? Les saints dalors auront-ils la puissance darracher des mes la gueule du dragon furieux ? Le grand Docteur rpond affirmativement toutes ces questions. Sans doute les conversions seront plus rares, mais elles nen seront que plus clatantes. Sans doute, en rgle gnrale, il faut que Satan soit li pour quon puisse le dpouiller (Mat., XI, 29) ; mais, en ces jours, Dieu se plaira montrer que sa grce est plus forte que le fort lui-mme, en son plus furieux dchanement.

Chacun remarquera combien ces donnes sont consolantes.

Mais quels seront les saints des derniers ges ? Parmi eux nous aimons penser quil y aura des soldats. LAntchrist sera un conqurant, il commandera des armes ; il trouvera devant lui des Lgions thbaines, des hros de cette ligne glorieuse et indomptable qui a les Macchabes pour anctres, et qui compte dans ses rangs les Croiss, les paysans de la Vende et du Tyrol, enfin les Zouaves pontificaux. Ces soldats, il pourra les craser sous le poids de ses hordes innombrables ; il ne les fera pas fuir.

Mais lAntchrist sera surtout un imposteur ; par consquent il rencontrera comme adversaires principalement des aptres arms du crucifix. Comme la perscution dernire revtira laspect dune sduction, ceux-ci uniront la patience des martyrs la science des docteurs. Notre Seigneur les fit voir un jour sainte Thrse, tenant en main des glaives lumineux.

A la tte de ces phalanges intrpides, apparatront deux envoys extraordinaires de Dieu, deux gants de saintet, deux survivants des anciens ges ; nous avons nomm Hnoch et lie, dont nous parlerons larticle suivant.

Septime article (septembre 1885) - Hnoch et lieLes faits merveilleux que nous allons retracer ne sont pas des suppositions aventures ; ce sont des vrits prises dans lcriture sainte et quil serait au moins tmraire de nier.

Avant la fin des temps, et durant la perscution de lAntchrist, on verra rapparatre au milieu des hommes deux personnages extraordinaires, nomms Hnoch et lie.

Quels sont ces personnages ? Dans quelles conditions feront-ils leur rentre providentielle sur la scne du monde ? Cest ce que nous allons examiner, la lumire des critures et de la Tradition.

I. Hnoch est un des descendants de Seth fils dAdam, et souche de la race des enfants de Dieu. Il est le chef de la sixime gnration partir du pre du genre humain. Voici ce que la Gense nous apprend son sujet :

Jared vcut 162 ans et engendra Hnoch Or Hnoch vcut 365 ans, et engendra Mathusalem. Et Hnoch marcha avec Dieu, et il vcut, aprs avoir engendr Mathusalem, 300 ans, et il eut des fils et des filles. Et les jours dHnoch furent de 365 ans. Et il marcha avec Dieu, et il disparut, parce que Dieu lenleva. (Gen., V, 18-25.)

Dieu lenleva g de 365 ans, cest--dire, vu cette poque dextrme longvit, dans la maturit de lge. Il ne mourut pas, il disparut. Il fut transport, vivant, en un lieu connu de Dieu seul. Voil pour Hnoch patriarche de la race de Seth, trisaeul de No, anctre du Sauveur.

Quant lie, son histoire est mieux connue. Hnoch, antrieur au Dluge, naquit plusieurs milliers dannes avant Jsus-Christ. lie parut dans le royaume dIsral moins de mille ans avant le Sauveur ; cest le grand prophte de la nation juive.

Sa vie est on ne peut plus dramatique (Reg., III, IV). On pourrait dire quelle est une prophtie en action de ltat de lglise, au temps de la perscution de lAntchrist. Il est toujours errant, toujours menac de mort, toujours couvert sous la main de Dieu. Tantt Dieu le cache au dsert, o des corbeaux le nourrissent ; tantt il le prsente au fier Achab, qui tremble devant lui. Il lui remet les clefs du ciel, pour en faire sortir la pluie ou la foudre ; il le favorise sur le mont Horeb dune vision pleine de mystres. Il le fait grandir en un mot jusqu la taille de Mose le thaumaturge, de faon quavec Mose il escorte Notre Seigneur sur le Thabor.

La disparition dlie rpond une vie dune tranget si sublime. On le voit cheminer avec lise son disciple ; il souvre un passage dans le Jourdain, en frappant les eaux de son manteau. Il annonce quil va tre enlev au ciel. Tout coup tandis quils allaient et parlaient ensemble, un char de feu et des coursiers de feu les sparrent, et lie monta au ciel dans un tourbillon. lise le voyait et criait : Mon pre, mon pre, toi le char dIsral et son conducteur. Et puis il ne le vit plus (IV Reg., II, 11-12). Et cest ainsi qulie, lami de Dieu, le zlateur de sa gloire, fut enlev et transport, lui aussi, en une rgion mystrieuse, o il retrouva son anctre le grand Hnoch.

Quelle est cette rgion ? Hnoch et lie sont vivants, cela est certain. O Dieu les a-t-il cachs ? Est-ce dans une contre inaccessible de ce bas monde ? Est-ce dans quelque plage du firmament ? Nul ne le peut dire. On peut seulement affirmer que pour le moment ils sont en dehors des conditions humaines ; les sicles coulent leurs pieds, sans les atteindre ; ils restent dans la maturit de lge, et tels sans doute quils ont t enlevs du milieu des hommes.

II. Leur rapparition sur la scne du monde nest pas moins certaine que leur disparition.

Voici en effet comment parle de ces grands personnages lauteur inspir de lEcclsiastique, exprimant toute la tradition juive.

Hnoch plut Dieu, et fut transport dans le paradis, pour prcher la pnitence aux nations. (Eccles., XLIV 15.)

Qui peut se glorifier lgal de toi, lie ? Toi qui as t enlev par le tourbillon de flammes, et par le char aux coursiers de feu ; toi qui es inscrit dans les jugements des temps futurs, pour apaiser la colre du Seigneur, pour rapprocher le cur du pre vers le fils, et pour rtablir les tribus dIsral. (Jb., XLVIII, 1-11.)

Ces paroles dun livre canonique nous font clairement connatre quHnoch et lie ont une mission ultrieure remplir. Hnoch doit prcher la pnitence aux nations, ou, si lon prfre cette traduction, amener les nations la pnitence. lie doit rtablir un jour les tribus dIsral, cest--dire leur rendre le rang dhonneur auquel elles ont droit dans lglise de Dieu.

Lunanimit des docteurs a compris que cette double mission se raliserait simultanment vers la fin du monde. lie en particulier est considr comme le prcurseur de Jsus-Christ venant du ciel comme juge ; cette pense ressort manifestement des vangiles. (Matt., XVII ; Marc, IX.)

Donc, les hommes verront un jour, et non sans pouvante, Hnoch et lie redescendre au milieu deux, et leur prcher la pnitence avec un clat extraordinaire. Saint Jean les nomme les deux tmoins de Dieu, et il les dpeint comme il suit dans son Apocalypse (XI, 3-7) :

Ils prophtiseront durant 1.260 jours, revtus de sacs.

Ce sont les deux oliviers, et les deux candlabres qui se tiennent en prsence du Seigneur de la terre.

Si quelquun veut leur nuire, le feu sortira de leur bouche et dvorera leurs ennemis. Si quelquun porte la main sur eux, il prira ncessairement de la sorte.

Ils ont la puissance de fermer le ciel, pour quil ne pleuve pas durant les jours de leur prdication. Ils ont galement la puissance de changer les eaux en sang, et de frapper la terre de toutes sortes de plaies toutes les fois quils voudront.

Qui ne reconnat ce portrait llie de lAncien Testament, fermant le ciel durant trois annes, et en faisant descendre la foudre sur les soldats qui viennent le saisir ?

Les 1.260 jours marquent le temps de la perscution finale, comme nous lavons dj fait observer. Ainsi lapparition des tmoins de Dieu concidera avec la perscution de lAntchrist.

Il faut reconnatre que le secours apport lglise sera proportionn la grandeur du pril.

Les deux tmoins de Dieu, revtus des insignes de la plus austre pnitence, iront partout, et partout ils seront invulnrables ; une nue pour ainsi dire les couvrira, et lancera la foudre contre quiconque osera les toucher. Ils auront dans leurs mains tous les flaux, pour les dchaner leur gr sur la terre. Ils prcheront avec une libert souveraine, en prsence mme de lAntchrist.

Celui-ci frmira de rage ; et ce sera un duel formidable entre le monstre et les deux missionnaires de Dieu.

Huitime article (octobre 1885) - La crise finaleI. Arrtons un instant nos regards sur les intrpides missionnaires de Dieu, et remarquons la divine opportunit de leur apparition.

Daprs saint Pierre, il viendra la fin des temps des sducteurs, des trompeurs, marchant au gr de leurs convoitises, qui diront : O est la promesse et la venue (de Jsus-Christ) ? Depuis que nos pres sont endormis, tout demeure dans le mme tat depuis lorigine de toutes choses. (2 Pet., III, 3-4.)

Ces sducteurs, ces trompeurs, nous les voyons de nos yeux, nous les entendons de nos oreilles. Ils sappellent rationalistes, matrialistes, positivistes ; ils nient a priori toute cause suprieure, tout fait surnaturel ; ils ne veulent pas soccuper de savoir do ils viennent, ni o ils vont ; pareils aux insenss du livre de la Sagesse, ils regardent la vie comme une de ces nues du matin qui ne laisse pas de trace au lever du soleil. Ce qui est au del du tombeau, ils lappellent le grand inconnu ; ils se refusent absolument y porter la lumire. Par suite, le tout de lhomme, leurs yeux, est de jouir le plus possible du moment prsent, car tout le reste est incertain.

Ces faux savants relguent les rcits de Mose parmi les cosmogonies fabuleuses. Ils refusent de reconnatre aux livres saints aucune valeur historique. Suivant leurs dires, tous ces documents, en contradiction avec la science, seraient luvre dun juif exalt, Esdras, qui a voulu rehausser sa nation. Quant la venue de Jsus-Christ, la rsurrection gnrale, au jugement dernier, aux rcompenses et aux peines ternelles, ils traitent tout cela de rveries absurdes. Ils assurent que lhumanit, en voie de progrs indfinis, trouvera un jour son paradis sur la terre.

Or, pour confondre ces imposteurs, Dieu suscitera Hnoch, reprsentant de la priode antdiluvienne, Hnoch presque contemporain des origines du monde. Il suscitera lie reprsentant du judasme mosaque, lie qui dun ct touche Salomon et David, de lautre Isae et Daniel.

Ces grands hommes viendront, avec une autorit indiscutable, tablir lauthenticit de la Bible, et montrer le christianisme se rattachant lre des prophtes jusqu Mose, et celle des patriarches jusqu Adam. En eux, tous les sicles se lveront pour rendre tmoignage la vrit de la rvlation. Jamais la divinit de lAgneau, qui a t tu ds lorigine du monde (Ap., XIII, 8), naura resplendi dune manire plus fulgurante.

En mme temps ils annonceront avec force les approches du jugement. Reprenant les paroles de saint Jean, ils crieront tous les coins du monde : Faites de dignes fruits de pnitence dj la cogne est place la racine des arbres Il a le van dans sa main, il nettoiera son aire, il ramassera son grain dans le grenier, il brlera les pailles dun feu inextinguible. (Mat. III, 8-13.)

Suivant la prdiction de lEcclsiastique, Hnoch prchera la pnitence aux nations, par quoi lon entend tous les peuples hors le judasme ; il leur parlera avec la majest dun anctre, il leur fera connatre et reconnatre Jsus-Christ le Dsir des nations. lie sadressera spcialement aux juifs, qui attendent sa venue ; il se fera reconnatre eux par des signes de la dernire vidence ; il fera briller Jsus leurs regards, Jsus qui est los de leurs os et la chair de leur chair.

Il est hors de doute que ces prdications, en dpit des menaces et des tourments, seront suivies de conversions nombreuses et clatantes, notamment du ct des juifs ; cela est formellement prdit.

Les deux tmoins de Dieu prcheront tantt ensemble, tantt sparment ; et, durant leurs trois ans et demi, ils parcourront vraisemblablement toute la terre. Les journaux auront beau faire autour deux la conspiration du silence (comme autour des miracles de Lourdes) ; ils simposeront lattention du monde. LAntchrist essaiera vainement de les saisir ; car le feu dvorera quiconque osera les toucher. Ils passeront, avec le glaive de la justice de Dieu, au milieu des hommes de plaisir et de dbauches ; et ils les frapperont de plaies hideuses.

Toutefois, de mme que celle de Notre-Seigneur, leur mission naura quun temps. A un moment donn, ils perdront lassistance surnaturelle qui les aura protgs jusqualors. Mais coutons saint Jean.

II. Quand ils auront fini leur tmoignage, la bte qui monte de labme fera contre eux la guerre ; elle les vaincra et les tuera.

Et leurs corps seront gisants sur les places de la grande ville qui sappelle spirituellement Sodome et gypte, l o leur Seigneur a t crucifi.

Et il y en aura de toute tribu, peuple, langue et nation, qui verront leurs corps durant trois jours et demi ; et ils ne laisseront pas placer leurs corps dans les tombeaux.

Et les habitants de la terre se rjouiront leur sujet ; ils senverront lun lautre des prsents, parce que les deux prophtes les auront tourments.

Et aprs trois jours et demi, un souffle de vie envoy de Dieu entra en eux. Et ils se tinrent debout ; et une grande pouvante se rpandit sur tous ceux qui les virent.

Et ils entendirent une voix puissante qui leur criait du haut du ciel : Montez ici ! Et ils montrent au ciel dans un nuage, et leurs ennemis en furent tmoins.

Et cette heure, il se fit un grand tremblement de terre ; et la dixime partie de la cit fut renverse ; et sept mille hommes furent tus par la secousse ; et les autres remplis de crainte rendaient gloire au Dieu du ciel. (Ap., XI, 7-14).

Quelle conclusion dun drame inou ! Quelle affirmation du surnaturel ! Les deux prophtes se donneront rendez-vous Jrusalem, o leur Seigneur a t crucifi. L ils participeront aux divines faiblesses de Jsus ; comme lui ils seront saisis, comme lui jugs, comme lui tourments, comme lui mis mort, peut-tre sur la croix.

On croira que cest bien fini. LAntchrist semblera triompher sur toute la ligne. On bafouera les deux prophtes ; on rira, on dansera autour de leurs cadavres ; on les laissera sans spulture, pour sen mieux repatre les yeux tout loisir.

Mais tout dun coup ils ressusciteront ; une grande voix retentira du haut du ciel, et ils y monteront la vue dune foule innombrable frappe dune soudaine pouvante. Il y aura un grand tremblement de terre dans la ville dicide ; sept mille hommes y perdront la vie, les autres se frapperont la poitrine et rendront gloire Dieu.

Nous le rptons, quel drame ! quel dnouement !

Que fera lAntchrist en face de ces prodiges ? Il cumera de rage ; il sentira que tout lui chappe, que lheure de la justice approche.

On pourrait croire qu linstant mme clatera sa punition dcrite par saint Paul, que Jsus-Christ le tuera du souffle de sa bouche et le dtruira par lclat de sa venue . (2 Th., II, 8.)

Toutefois, daprs la supputation de Daniel, il semble que le chtiment du monstre sera retard trente jours aprs lassomption triomphante dHnoch et dlie. Daniel dit en effet que, depuis le moment o sera enlev le sacrifice perptuel, o paratra labomination de la dsolation, il scoulera 1290 jours (Dan., XII, 11), par consquent 30 jours en outre du temps de la prdication dHnoch et dlie.

Durant ce dlai, lAntchrist tentera par tous les moyens de ressaisir son influence perdue. Nous ne voulons admettre aucune vision dans le cadre de ce rcit ; si nous faisons exception pour celle queut sainte Hildegarde sur la fin de lennemi de Dieu, cest quelle nest quun commentaire du mot de saint Paul : Jsus le tuera du souffle de sa bouche !La Sainte vit en esprit le monstre, entour de ses officiers et dune foule immense, gravir une montagne. Arriv au sommet, il annona quil allait slever dans les airs. Il fut soulev en effet, comme Simon le magicien, par la puissance du dmon. Mais en ce moment un effroyable coup de tonnerre retentit ; et il retomba foudroy. Son corps aussitt dcompos rpandit une puanteur intolrable, et chacun senfuit pouvant.

Ainsi, ou dune manire analogue, finira lennemi de Dieu.

Et son immense empire svanouira comme une fume. Le monde se sentira soulag dun poids crasant. Et il y aura une conversion gnrale, qui, au dire de saint Paul, paratra une rsurrection. Nous en parlerons larticle suivant.

Neuvime article (novembre 1885) - La conversion des JuifsLcriture sainte nous signale un grand vnement, quelle nous montre comme entrelac dans la guerre que lAntchrist dchanera contre lglise ; cest la conversion des Juifs. Nous avons diffr den parler jusquici, pour traiter ce sujet avec plus de dtails. Il sera dailleurs fort bien sa place au point o nous en sommes. Car la conversion du peuple juif nous est prsente comme le fruit de la prdication dElfe.

I. Le peuple juif est le point autour duquel roule lhistoire de lhumanit. Il a reu lattouchement de Dieu, en la personne dAbraham duquel il sort ; il est, avant Notre-Seigneur, le peuple sacerdotal par excellence, dont ltat, au tmoignage de saint Augustin, est tout entier prophtique ; il a donn naissance la Sainte Vierge et au Sauveur du monde ; il a form le noyau de lglise naissante. Tous ces privilges font de la race juive une race exceptionnelle, dont les destines sont toutes mystrieuses.

Par un renversement trange et lamentable, du moment o elle produit le Sauveur du monde, la race lue, la race bnie entre toutes, mrite dtre rprouve. Elle refuse de reconnatre, en son humilit, celui dont elle ne sait pas adorer les invisibles grandeurs. Il semble que Dieu ait voulu montrer par l quil ny a rien de la chair et du sang dans la vocation au christianisme, puisque ceux mmes desquels tait le Christ selon la chair (Rom., IX, 5), en sont rejets pour leur orgueil tenace et charnel.

Leur rprobation toutefois est-elle dfinitive ? Resteront-ils la proie de Satan, exclus du reste du monde par la croix du Sauveur ? A Dieu ne plaise ! Dieu mnage au peuple qui fut le sien de suprmes misricordes. A ce peuple, auquel il fut dit : Vous ntes plus mon peuple , on dira un jour : Vous tes les fils du Dieu vivant. (Ose, I, 10.) Aprs tre rests de longues annes sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, les enfants dIsral chercheront le Seigneur leur Dieu ; et cela se fera sur la fin des temps. (Id., III, 4, 5.)

lie sera linstrument de ce merveilleux retour. Je vous enverrai, dit le Seigneur dans Malachie, le prophte lie, avant que vienne le jour du Seigneur grand et terrible. Et il tournera le cur des pres vers les enfants, le cur des enfants vers les pres. (Matt, IV, 5, 6.) Cest--dire il rtablira lharmonie des mmes amours, des mmes adorations entre les saints anctres du peuple juif et leurs derniers descendants.

Saint Paul appuie son tour sur cet vnement si consolant. Il voit dans la rprobation des Juifs la cause occasionnelle de la vocation des Gentils. Puis il ajoute : Je ne veux pas vous laisser ignorer ce mystre, mes frres, cest que laveuglement a frapp partiellement Isral jusqu ce quentrt la plnitude des nations, et qualors tout Isral ft sauv. (Rom., XI, 25.)

Tel est donc le dessein de Dieu. Il faut que toute la gentilit entre dans lglise ; et quand sera termin le dfil des nations, Isral son tour entrera. Ce sera le grand jubil du monde ; la grce se rpandra par torrents. A prendre les prophties au pied de la lettre, tous les Juifs vivant alors, fussent-ils nombreux comme les sables de la mer, seront sauvs jusquau dernier. (Rom. IX, 27.)

Pour comprendre les tressaillements profonds que ce grand vnement fera courir dans le monde, il faut avoir recours aux figures prophtiques, par lesquelles Dieu sest plu de mille manires lannoncer.

Le peuple juif entrant dans lglise, cest sa se rconciliant avec Jacob. Avec quelle tendresse ! Courant au-devant de son frre, sa lembrassa ; et, lui serrant le cou et le baisant, il pleura.

Mais cest surtout Joseph reconnu par ses frres, qui est le vrai symbole de Jsus reconnu par ses frres les Juifs ! Ils lont autrefois vendu et crucifi, et voici quun imprieux besoin de vrit et damour les amne ses pieds sur la fin des temps. Quelle rencontre ! Quel spectacle ! Jsus, dans tout lclat de sa puissance, dvoilant aux Juifs les trsors de son cur, et leur disant : Cest moi Joseph, cest moi ce Jsus que vous avez vendu ! (Gen., XLV.)

Ouvrez enfin lvangile, la page de lenfant prodigue. (Luc, XV.) Ce prodigue, qui vient de si loin, ce sont les pauvres Gentils entrant dans lglise. Les Juifs sont reprsents par le fils an, jaloux et goste, qui sobstine rester dehors parce que son frre a t reu dans la maison. Le pre sort et lui fait des instances touchantes, coepit illum rogare. Ce dnatur refuse dcouter son pre ; mais la fin il lcoutera, il entrera, et ce sera double rjouissance la maison paternelle.

Non ! on ne peut se figurer les allgresses de lglise, quand elle ouvrira son sein de mre aux enfants de Jacob. On ne peut se figurer les larmes, les transports damour de ceux-ci, quand, le voile tant retir de leurs yeux, ils reconnatront leur Jsus. A quel moment prcis aura lieu ce grand vnement ? L est le point de la difficult. Sans prtendre la rsoudre, nous esprons quelque peu lclaircir.

II. Il semble certain, daprs la tradition, que lAntchrist sera de nationalit juive. Il apparatra comme le produit de cette fermentation de haine qui, depuis des sicles, aigrit le cur des Juifs contre Jsus leur tendre frre, leur incomparable ami.

Il semble galement certain que les Juifs en bonne partie accueilleront ce faux messie, lui faisant cortge, et lui soumettront le monde par la mauvaise presse et la haute finance.

Mais, ds les temps qui prcderont la venue de lhomme de pch, il se formera, parmi les Juifs, un courant dadhsion lglise ! Les grands vnements ont toujours des prludes qui les annoncent.

Saint Grgoire dclare que la fureur de la perscution de lAntchrist portera principalement sur ces Juifs convertis, dont nul ngalera la constance supporter tous les outrages et tous les tourments pour le nom mille fois bni de Jsus.

Ce passage de saint Grgoire est trop important, pour que nous lomettions ici.

Le grand pape explique une des mystrieuses prophties en action dzchiel. (Ezech., III.) Cest un drame en trois actes.1 Dieu ordonne au prophte de sortir dans la campagne ; cette sortie reprsente la diffusion de lvangile parmi les Gentils.2 Il le fait rentrer dans sa maison, o il est charg de liens, emprisonn et rduit au silence : ceci indique comment lvangile sera prch par les Juifs aux Juifs mmes, dont les uns se convertiront, les autres saisiront les prdicateurs et les accableront de mauvais traitements, savoir durant la perscution de lAntchrist.3 Dieu parat, ouvre la bouche au prophte qui parle avec plus de force que jamais : cest ce qui aura lieu la venue dlie, lequel, par ses prdications enflammes et irrsistibles, convertira les restes de sa nation (In Ezech. lib. I, hom. XIII). On ne saurait assez admirer ici la lucidit prophtique de saint Grgoire. Il dmle davance les phases du grand vnement qui nous occupe : scission du peuple juif en deux parties, oppression des convertis par les rfractaires, conversion totale opre par lie.

Le saint pape assure, en ses commentaires sur Job, que ce retour dfinitif des restes dIsral aura lieu sous les yeux mmes et en dpit de la rage de lAntchrist. (Mor., lib. XXXV, c. XIV.) Si lglise jouit de semblables consolations sous le feu mme de la perscution, que sera-ce lheure du triomphe ! Cest ce que nous allons rapidement considrer.

III. Il y a des destructions ncessaires, pour lesquelles Dieu emploie les mauvais anges. LAntchrist, sa manire et malgr lui, sera la verge de Dieu.

Cette verge de fer pulvrisera les schismes, les hrsies, les fausses religions restes du paganisme, le mahomtisme et le judasme lui-mme ; elle broiera le monde pour une prodigieuse unit.

Quand ce colosse dimpit aura t abattu par la petite pierre, celle-ci deviendra une montagne immense et couvrira la terre ; lvangile, nayant plus dobstacle daucune sorte, rgnera sans contradiction sur lunivers entier.

Les Juifs seront les principaux ouvriers dans cet tablissement du royaume de Dieu. Saint Paul sextasie devant les grandes choses qui rsulteront de leur conversion. Si le pch des Juifs, scrie-t-il, a fait la fortune du monde, si leur retranchement a fait les richesses des nations, combien plus leur adhsion totale ? si leur perte a t la rconciliation du monde, que sera leur entre dans lglise sinon une rsurrection ? (Rom. XI, 12, 15.) Nous craindrions daffaiblir, en les commentant, ces antithses nergiques. Il est lgitime den conclure que les Juifs convertis mettront au service de lglise une inexprimable ardeur de proslytisme. Rajeunie par cette infusion de vie, lglise sortira des treintes de la perscution comme de la pierre dun tombeau ; et elle prendra possession du monde, avec la majest dune reine et la tendresse dune mre.

Ces vnements seront-ils le prlude immdiat du jugement dernier, ou laurore dune re nouvelle ? Nous dirons les conjectures quon peut formuler sur cette question.

Dixime article (janvier 1886) - Lavnement du souverain Juge I. Il est superflu de chercher prciser lheure laquelle aura lieu le second avnement de Notre Seigneur. Il y a l un secret impntrable toute crature. Quant ce jour et cette heure, nous dit Jsus-Christ, personne ne la connat, pas mme les anges du ciel, si ce nest le Pre tout seul. (Matth., XXIV, 36.)Toutefois ce moment suprme, qui mettra fin ce monde de pch, sera prcd de signes clatants, qui fixeront lattention non seulement des croyants, mais des impies eux-mmes. Il y aura dabord, nous lavons montr, la perscution de lAntchrist, lapparition dHnoch et dlie. Quand saint Paul nous dit que Jsus-Christ tuera limpie du souffle de sa bouche, et le dtruira par lclat de sa venue, il semble mme que le chtiment de lAntchrist concidera avec lavnement du souverain Juge. Nanmoins ce nest pas l le sentiment gnral des interprtes. On peut expliquer saint Paul en disant que la destruction de limpie ne sera consomme quau jour du jugement gnral, bien que sa mort ait eu lieu quelque temps auparavant. Dun autre ct, les vangiles insinuent assez clairement quil y aura un certain laps de temps, quoique relativement court, entre la punition du monstre et la consommation de toutes choses. Que dit en effet Notre Seigneur ? Il commence par peindre une tribulation telle quil ny en a ja-mais eu depuis le commencement du monde ; cest la perscution de lAntchrist. Puis il ajoute : Aussitt aprs la tribulation de ces jours, le soleil sera obscurci, la lune ne donnera plus sa lumire, les toiles tomberont du ciel, les puissances des cieux seront branles ; et alors paratra dans les cieux le signe du Fils de lHomme ; et toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de lHomme venir sur les nues du ciel avec une grande puissance et une grande majest. (Matth., XXIV, 29, 30.) Voil les signes qui prcderont immdiatement lavnement de Jsus-Christ comme juge. Mais comment concilier, avec tous ces prludes formidables, cette soudainet et cet imprvu qui, daprs dautres textes de lvangile, caractrisent cet avnement ? Un peu plus loin en effet Notre Seigneur nous reprsente les hommes des derniers jours du monde, en tout semblables aux contemporains de No, que le Dluge surprend mangeant et buvant, se mariant et faisant des noces. (Id, ibid., 36-40.) Saint Thomas rpond cette objection que tous les bouleversements prcurseurs de la fin du monde peuvent tre considrs comme faisant corps avec le jugement lui-mme, pareils ces craque-ments sinistres quon ne distingue pas de leffondrement qui les suit. Avant tous ces prsages terribles, les hommes pourront se moquer des avertissements de lglise. Mais en entendant craquer la machine du monde, ils pliront ; et comme dit saint Luc, ils scheront de crainte, dans lattente de ce qui va survenir lunivers. (Luc, XXI, 26.) Le mme saint Thomas rpand une vive lumire sur les temps qui scouleront entre la mort de lAntchrist et la venue de Jsus-Christ, quand il dit : Avant que commencent paratre les signes du jugement, les impies se croiront en paix et en scurit, savoir aprs la mort de lAntchrist, parce quils ne verront pas le monde finir, comme ils lestimaient auparavant. (Suppl. Q. LXXI, art. I, ad 1) A laide de ce petit mot, nous pouvons former sur les derniers temps du monde les conjectures les plus plausibles ; et nos lecteurs ne manqueront pas de sy intresser, tout en ne les recevant qu titre de simples probabilits.

II. Nous avons dit, et nous maintenons comme incontestable que la mort de lAntchrist sera suivie dun triomphe sans gal de la sainte glise de Jsus-Christ. Les allgresses prophtiques de Tobie recouvrant la vue en mme temps quil retrouve son fils, lenivrante joie des Juifs la chute dAman et de ses satellites, les transports des habitants de Bthulie, dlivrs par Judith du cercle de fer qui les treignait ; la purification du temple par les Macchabes, vainqueurs de limpie Antiochus ; enfin et surtout le calme et paisible triomphe de Job rtabli par Dieu dans tous ses biens, voyant accourir ses pieds ses amis et ses parents repentants, les runissant tous un religieux banquet : toutes ces images expriment insuffisamment ltat de la sainte glise, ouvrant son cur et ses bras maternels ses en-nemis comme ses enfants, aux Juifs convertis comme aux hrtiques rconcilis, aux descendants de Cham comme aux fils de Sem et de Japhet, en un mot ralisant la grande unit achete au prix du sang dun Dieu, un seul bercail et un seul pasteur !

Assurment, et mme dans cette priode de triomphe, il y aura encore des mchants, des impies ; mais il est permis de penser quils se cacheront, et quils disparatront dans limmensit de la joie publique. Ces beaux jours ne dureront, hlas ! que le temps de pouvoir oublier les solennels vnements qui les auront fait natre. On verra peu peu la tideur succder la ferveur ; et ce passage insensible se fera dautant plus vite, que lglise naura pour ainsi dire plus dennemis combattre. Voici comment un auteur estim, M. labb Arminjon, dpeint ltat dans lequel alors tombera le monde : La chute du monde, dit-il, aura lieu instantanment et limproviste : veniet dies Domini sicut fur (2 Pet., III, 10). Ce sera une poque o le genre humain, plong dans le sommeil de la plus profonde incurie, sera mille lieues de songer au chtiment et la justice. La divine mi-sricorde aura puis tous ses moyens daction. LAntchrist aura paru. Les hommes rpandus dans tous les espaces auront t appels la connaissance de la vrit. Lglise catholique une dernire fois se sera panouie dans la plnitude de sa vie et de sa fcondit. Mais toutes ces fa-veurs signales et surabondantes, tous ces prodiges se seront de nouveau effacs du cur et de la mmoire des hommes. Lhumanit, par un abus criminel des grces, sera revenue son vomis-sement. Tournant toutes ses aspirations vers la terre, elle se sera dtourne de Dieu, au point de ne plus voir le ciel, et de ne plus se souvenir de ses justes jugements (Dan., XIII, 9). Toute foi sera teinte dans les curs. Toute chair aura corrompu sa voie. La divine Providence jugera quil ny a plus de remde. Ce sera, dit Jsus-Christ, comme au temps de No. Les hommes vivaient alors insouciants, ils faisaient des plantations, ils construisaient des maisons somptueuses, ils se raillaient agrablement du bonhomme No, se vouant au mtier de charpentier et travaillant jour et nuit construire son arche. Ils disaient : quel fou, quel visionnaire ! Cela dura jusquau jour o le dluge survint, et engloutit toute la terre : venit diluvium et perdidit omnes. (Luc, XVII, 27.) Ainsi la catastrophe finale se produira lorsque le monde sera le plus en scurit ; la civilisation sera son apoge, largent abondera sur les marchs, jamais les fonds publia nauront t plus la hausse. Il y aura des ftes nationales, de grandes expositions ; lhumanit, regorgeant dune prosprit matrielle inoue, dira comme lavare de lvangile Mon me, tu as des biens pour de longues annes, bois, mange, amuse-toi Mais tout coup, au milieu de la nuit, in media nocte car ce sera dans les tnbres, et cette heure fatidique de minuit o le Sauveur apparut une premire fois dans ses abaissements, quil reparatra dans sa gloire ; les hommes, rveills en sursaut, entendront un grand fracas et une grande clameur, et une voix se fera enten-dre qui dira : Dieu est l, sortez sa rencontre, exite obviam ei. (Matth. XXV, 6.) Et lauteur ajoute que les hommes nauront pas le temps de se repentir. Ici nous nous sparons de lui. La grande catastrophe sera en effet prcde de signes effrayants dont lensemble formera un suprme appel de la divine misricorde ; bien aveugle et bien endurci quiconque y rsistera ! Le soleil sera obscurci, comme puis par une dperdition de lumire. La lune nen recevra plus un rayonnement assez vif, pour briller elle-mme. Le ciel se pliera comme un livre, envahi par une obscurit paisse. Les puissances des cieux seront branles ; car les lois des mouvements des corps c-lestes paratront suspendues. Il y aura un trouble profond dans la mer, un grand fracas de flots soulevs, la terre tant secoue de mouvements insolites ; et les hommes ne sauront o se jeter pour fuir les lments dchans. Enfin la terre souvrira, et lancera des globes de flammes qui produiront un em-brasement gnral, tandis que paratra dans les airs une croix clatante annonant la venue du souverain Juge. Combien de temps dureront ces signes ? Nul ne le sait. Ce que lcriture nous dit, cest que les hommes scheront dpouvante. Il en sera deux comme des contemporains de No. Tandis que celui-ci continuait larche, chacun le raillait : mais quand le Dluge commena tout envahir, chacun trembla, et plusieurs au tmoignage de saint Pierre se convertirent.

Il est permis desprer de mme quaux approches du jugement, une partie des hommes, voyant les cieux se voiler et sentant la terre manquer sous leurs pieds, feront un acte de contrition suprme et rentreront en grce avec Dieu. Quant aux justes, ils lveront la tte avec confiance ; et la croix qui brillera les remplira dallgresse. La carrire mortelle de lglise sera termine. Le monde attendra pour finir quelle ait recueilli le dernier de ses lus.

Onzime article (fvrier 1886) - ConclusionNous sommes arriv au terme de notre tude. En jetant un regard sur ses destines futures, nous nous sommes uniquement appuy sur ces prophties qui forment partie intgrante de lcriture divinement inspire. La substance de notre travail est donc puise aux sources mmes o vient salimenter la foi catholique ; et nous ne pensons pas quon puisse nier sans tmrit ce que nous avons avanc touchant lavnement de lAntchrist, lapparition dHnoch et dlie, la conversion des Juifs, les signes prcurseurs du jugement. L o nous aurions pu nous tromper, cest dans les commentaires que nous avons donns de plusieurs passages de lApocalypse, ainsi que dans lenchanement que nous avons cherch tablir entre les vnements cits plus haut. Mais si nous avons err, cest en suivant des interprtes autoriss et le plus souvent des Pres de lglise. Avons-nous eu tort de voir dans ltat prsent du monde les prludes de la crise finale qui est dcrite dans les Saints Livres ? Nous ne le pensons pas. Lapostasie commence des nations chrtiennes, la disparition de la foi de tant dmes baptises, le plan satanique de la guerre mene contre lglise, larrive au pouvoir des sectes maonniques, sont de tels phnomnes que nous ne saurions en imagi-ner de plus terribles. Toutefois nous ne voudrions pas quon fort notre pense. Lpoque o nous vivons est indcise et tourmente. Lhumanit est inquite et hsitante. A ct du mal, il y a le bien ; ct de la propagande rvolutionnaire et satanique, il y a un mouvement de renaissance catholique, manifest par tant duvres gnreuses et de saintes entreprisesLes deux courants se dessinent chaque jour plus clairement lequel des deux entranera lhumanit ? Dieu seul le sait, lui qui divise la lumire et les tnbres, et leur marque leur place respective. (Job, XXXVIII, 19, 20.) Il est certain dailleurs que la carrire terrestre de lglise est loin dtre ferme : peut-tre mme na-t-elle jamais t plus largement ouverte. Notre Seigneur nous a fait connatre que la fin des temps narriverait pas avant que lvangile ait t prch dans tout lunivers, en tmoignage toutes les na-tions. (Matth., XXIV, 14.) Or, peut-on dire que lvangile ait t prch au cur de lAfrique, dans la Chine, au Tibet ? Quelques rares lumires ne font pas le plein jour ; quelques phares allums le long des rivages ne chassent pas la nuit des terres profondes qui stendent derrire eux. Comment lglise fournira-t-elle cette carrire ? Sous quels auspices portera-t-elle aux nations qui lignorent, ou qui lont insuffisamment reu, le tmoignage promis par Notre Seigneur ? Sera-ce une poque de paix relative ? Sera-ce parmi les angoisses dune perscution religieuse ? On peut formuler des hypothses dans les deux sens. Lglise se dveloppe dune manire qui dconcerte les prvisions humaines ; quon se souvienne des merveilleuses conqutes faites sur linfidlit, au moment le plus aigu de la crise du protestantisme ! En ralit, la confiance la plus absolue dans les magnifiques destines futures de lglise nest aucunement incompatible avec nos rflexions et nos conjectures sur la gravit de la situation prsente. En estimant que nous assistons aux prludes de la crise qui amnera lapparition de lAntchrist sur la scne du monde, nous nous gardons bien dailleurs de vouloir prciser les temps et les moments ; ce que nous regarderions comme une tmrit ridicule. Quon nous permette une comparaison qui expliquera toute notre pense. Il arrive au voyageur de dcouvrir, certain point de sa route, toute une vaste tendue de pays, borne lhorizon par des montagnes. Il voit se dessiner clairement les lignes de ces montagnes lointaines ; mais il ne saurait valuer la distance qui len spare. Lorsquil entreprend de franchir cette distance intermdiaire, il rencontre des ravins, des collines, des cours deau ; et le but semble sloigner mesure quil sen rapproche. Ainsi en est-il pour nous, notre humble avis, dans les temps prsents. Nous pouvons pressentir la crise finale, en voyant s'ourdir et se dvelopper sous nos yeux le plan satanique dont elle sera le cou-ronnement. Mais, du point o nous en sommes lheure de cette crise, que de surprises nous rserve lavenir ! Que de restaurations du bien toujours possibles ! Que de progrs du mal possibles, hlas ! eux aussi ! Que dalternatives dans la lutte ! Que de compensations ct des pertes ! Cest ici quil faut reconnatre, avec Notre Seigneur, quil appartient au Pre seul de disposer les temps et les moments. Non est vestrum nosse tempora vel momenta, quae Pater posuit in sua potestate. (Act., I, 7.) Dans cette incertitude, domine par la pense de la Providence, que faire ? Veiller et prier. Veiller et prier, parce que les temps sont incontestablement prilleux, instabunt tempora periculosa (2 Tim., III, 8) ; parce que le danger est grand, cette poque de scandale, de perdre la foi. Veiller et prier, pour que lglise fasse son uvre de lumire, en dpit des hommes de tnbres. Veiller et prier, pour ne pas entrer en tentation. Veiller et prier en tout temps, pour tre trouvs dignes de fuir ces choses qui surviendront dans lavenir et de se tenir debout en prsence du Fils de lhomme, Vigilate, omni tempore orantes, ut digni habeamini fugere ista omnia quae futura sunt et stare ante filium hominis. (Luc, XXI, 24.)

1. (1) Le P. Deschamps donne de curieux dtails sur la haine vivace que la franc-maonnerie porte aux reprsentants du pouvoir chrtien. En une certaine preuve, liniti reoit cette devise nigmatique : L. D. P. Or cette devise est double sens. Dans le premier, elle signifie : Libert de penser. Cest la rvolte contre Dieu. Dans le second : Lilia destrue pedibus. Foule aux pieds les lis : cest le renversement des monarchies chrtiennes2. (2) Cest la tradition des premiers ges de lglise, consigne dans Lactance, quun jour lempire du monde retournera en Asie : Imperium in Asiam revertetur.3. (1) Ce passage, dailleurs, se rapporte peut-tre des temps antrieurs ceux de lAntchrist. (Cornelius a Lapide.)