Le DP en ville comme à l’hôpital

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7 actualités Actualités pharmaceutiques n° 520 Novembre 2012 S elon l’Association fran- çaise des industriels pour une automédica- tion responsable (Afipa), l’auto- médication est un bon levier pour « l’amélioration de la qua- lité des soins et des dépenses publiques ». Réduire le recours au médicament non remboursé exposerait, pour son président Pascal Brossard, à « une satu- ration du système de soins ». Ce que tend à démontrer une enquête menée par Celtipharm auprès de 250 généralistes et 71 personnels des services de médecine d’urgence, en réponse à une récente volonté de relistage de médicaments non rembour- sables manifestée par l’Agence nationale de sécurité du médi- cament et des produits de santé (ANSM). Le transfert de 10 % des actes d’automédication vers les cabi- nets médicaux et les services d’ur- gence entraînerait « un accroisse- ment de 15,6 consultations par semaine (soit un volume horaire hebdomadaire de 5 h 45) qui, sur une base annuelle, représenterait un supplément d’activité estimé à 45 millions de consultations par an ». Une hausse d’activité que les généralistes s’avouent inca- pables d’absorber : 49 % décla- rent ne pas arriver à recevoir leurs patients en consultation et, selon les cas, les diriger vers un confrère (47 %), décaler leur rendez-vous (37 %), leur conseiller d’appeler SOS médecins (5 %) ou les orien- tent vers les services de médecine d’urgence (11 %). À l’inverse, estime Pascal Bros- sard, « si on développe l’auto- médication, on arrivera à alléger […] la charge du médecin qui pourra mieux se concentrer sur ses patients » et à « diminuer la charge des urgences […] ». Étu- diant l’hypothèse où 29 principes actifs (15 indications bénignes) deviendraient accessibles en automédication, l’association pré- voit que les médecins gagneraient en moyenne 17 consultations par semaine, soit 49 millions par an. Toujours selon l’Afipa, ce gain de temps permettrait notamment aux généralistes de récupérer des consultations sur les 4,2 millions d’entre elles effectuées aux urgen- ces pour les patients n’ayant pu obtenir assez rapidement un ren- dez-vous chez un généraliste. Alain Noël Journaliste, Paris (75) [email protected] Officine L’automédication, stratégie de santé publique ? Effets indésirables Benzodiazépines et démence, le lien semble se confirmer A lors que la Haute Auto- rité de santé a mis récemment en garde contre l’utilisation prolongée des benzodiazépines 1 , le Bri- tish Medical Journal publie une étude qui ne manquera pas de renforcer l’avertissement de nos autorités de santé 2 . Ainsi, 1 063 patients de plus de 50 ans (moyenne 78,2 ans) ont été suivis pendant 15 ans. Ils bénéficiaient d’une consul- tation tous les 2 à 3 ans. Ils ne devaient pas avoir utilisé de benzodiazépines pendant les 3 premières années de suivi (T3) ni présenter de démence avant la visite des 5 ans (T5). Les résultats sont sans appel : l’utilisation de benzodiazépines est associée à une augmenta- tion d’environ 50 % du risque d’apparition de démence, quel que soit le mode de calcul. L’ajustement pour les éventuels facteurs confondants, dont un déclin cognitif préexistant ou des signes de dépression, ne modifie pas le résultat, qui reste stable aussi dans une analyse poolée en fonction de la date de début du traitement. Cependant, ce type d’études ne permet pas d’affirmer un lien de causalité. Ainsi, à côté des risques connus de chutes et de frac- tures imputables à l’usage de benzo- diazépines chez les personnes âgés, des travaux de plus en plus nombreux met- tent en garde contre le risque de démence associé à cette utilisa- tion. En France, environ 30 % des plus de 65 ans consomment des benzodiazépines, 20 % au Canada et en Espagne et envi- ron 15 % en Australie. Loin d’être ponctuelle, cette utilisation est souvent chronique, malgré les nombreuses recommandations qui préconisent une prescription limitée à quelques semaines. Roseline Péluchon © jim.fr Notes 1. Haute Autorité de santé. Des mesures contre le mésusage des benzodiazépines. Communiqué de presse du 25 septembre 2012. 2. Billioti de Gage S. et al. Benzodiazepine use and risk of dementia: prospective population based study. BMJ. 2012;345:e6231. Le DP en ville comme à l’hôpital Au 8 octobre 2012, l’Ordre national des pharmaciens comptait 22 534 638 dossiers pharmaceutiques (DP) créés dans 21 814 officines. Après le temps du déploiement du DP à l’officine est venu celui de sa mise en œuvre à l’hôpital, validée par le décret paru le 5 octobre 2012 1 . Ainsi, conformément à l’article L. 1111-23 du Code de la santé publique 2 , du 29 décembre 2011, les pharmaciens exerçant dans une pharmacie à usage intérieur (PUI) peuvent dorénavant, dans les mêmes conditions que les pharmaciens d’officine, consulter et alimenter le DP. Pour Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre, ceci représente « un grand pas pour la coordination entre pharmaciens ». Les pharmacies hospitalières peuvent désormais partager l’information avec les officines de ville et réciproquement, quand les patients le souhaitent. Pour l’Ordre, il s’agit donc d’une véritable avancée permettant « de favoriser et de sécuriser la prise en charge personnalisée du patient, de renforcer la coordination des soins entre ville et établissements de santé ou entre établissements de santé et de faire bénéficier les pharmaciens hospitaliers du même système de réception d’alertes sanitaires que les officinaux ». L’Ordre annonce un objectif : un raccordement d’environ 30 % des PUI à l’horizon 2014. E.D. Source Ordre national des pharmaciens. Notes 1. Décret n° 2012-1131 du 5 octobre 2012 relatif à la consultation et à l’alimentation du dossier pharmaceutique par les pharmaciens exerçant dans les pharmacies à usage intérieur. JORF n° 0234 du 7 octobre 2012 :15679. http://www.legifrance.gouv.fr/ affichTexte.do;jsessionid=?categorieLien=id &cidTexte=JORFTEXT000026461694&dateT exte=&oldAction=rechJO 2. http://www.legifrance.gouv.fr/ affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT00 0006072665&idArticle=LEGIARTI00002089 0580&dateTexte © Fotolia.com/Robert Kneschke

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Actualités pharmaceutiques • n° 520 • Novembre 2012

Selon l’Association fran-çaise des industriels pour une automédica-

tion responsable (Afipa), l’auto-médication est un bon levier pour « l’amélioration de la qua-lité des soins et des dépenses publiques ». Réduire le recours au médicament non remboursé exposerait, pour son président Pascal Brossard, à « une satu-ration du système de soins ». Ce que tend à démontrer une enquête menée par Celtipharm auprès de 250 généralistes et 71 personnels des services de médecine d’urgence, en réponse à une récente volonté de relistage de médicaments non rembour-sables manifestée par l’Agence nationale de sécurité du médi-cament et des produits de santé (ANSM).

Le transfert de 10 % des actes d’automédication vers les cabi-nets médicaux et les services d’ur-gence entraînerait « un accroisse-ment de 15,6 consultations par semaine (soit un volume horaire hebdomadaire de 5 h 45) qui, sur une base annuelle, représenterait un supplément d’activité estimé à 45 millions de consultations par an ». Une hausse d’activité que les généralistes s’avouent inca-pables d’absorber : 49 % décla-rent ne pas arriver à recevoir leurs patients en consultation et, selon les cas, les diriger vers un confrère (47 %), décaler leur rendez-vous (37 %), leur conseiller d’appeler SOS médecins (5 %) ou les orien-tent vers les services de médecine d’urgence (11 %).À l’inverse, estime Pascal Bros-sard, « si on développe l’auto-

médication, on arrivera à alléger […] la charge du médecin qui pourra mieux se concentrer sur ses patients » et à « diminuer la charge des urgences […] ». Étu-diant l’hypothèse où 29 principes actifs (15 indications bénignes) deviendraient accessibles en automédication, l’association pré-voit que les médecins gagneraient en moyenne 17 consultations par semaine, soit 49 millions par an. Toujours selon l’Afipa, ce gain de temps permettrait notamment aux généralistes de récupérer des consultations sur les 4,2 millions d’entre elles effectuées aux urgen-ces pour les patients n’ayant pu obtenir assez rapidement un ren-dez-vous chez un généraliste. ■

Alain NoëlJournaliste, Paris (75)

[email protected]

Officine

L’automédication, stratégie de santé publique ?

Effets indésirables

Benzodiazépines et démence, le lien semble se confirmer

Alors que la Haute Auto-rité de santé a mis récemment en garde

contre l’utilisation prolongée des benzodiazépines1, le Bri-tish Medical Journal publie une étude qui ne manquera pas de renforcer l’avertissement de nos autorités de santé2.Ainsi, 1 063 patients de plus de 50 ans (moyenne 78,2 ans) ont été suivis pendant 15 ans. Ils bénéficiaient d’une consul-tation tous les 2 à 3 ans. Ils ne devaient pas avoir utilisé de benzodiazépines pendant les 3 premières années de suivi (T3) ni présenter de démence avant la visite des 5 ans (T5). Les résultats sont sans appel :

l’utilisation de benzodiazépines est associée à une augmenta-tion d’environ  50 % du risque d’apparition de démence, quel que soit le mode de calcul. L’ajustement pour les éventuels facteurs confondants, dont un déclin cognitif préexistant ou des signes de dépression, ne modifie pas le résultat, qui reste stable aussi dans une analyse poolée en fonction de la date

de début du traitement. Cependant, ce type d’études ne permet pas d’affirmer un lien de causalité.Ainsi, à côté des

risques connus de chutes et de frac-tures imputables à l’usage de benzo-diazépines chez

les personnes âgés, des travaux de plus en plus nombreux met-tent en garde contre le risque de démence associé à cette utilisa-tion. En France, environ 30 % des plus de 65 ans consomment des benzodiazépines, 20 % au Canada et en Espagne et envi-ron 15 % en Australie. Loin d’être ponctuelle, cette utilisation est souvent chronique, malgré les nombreuses recommandations qui préconisent une prescription limitée à quelques semaines. ■

Roseline Péluchon

© jim.fr

Notes1. Haute Autorité de santé. Des mesures contre le mésusage des benzodiazépines. Communiqué de presse du 25 septembre 2012. 2. Billioti de Gage S. et al. Benzodiazepine use and risk of dementia: prospective population based study. BMJ. 2012;345:e6231.

Le DP en ville comme à l’hôpitalAu 8 octobre 2012, l’Ordre national des pharmaciens comptait 22 534 638 dossiers pharmaceutiques (DP) créés dans 21 814 officines. Après le temps du déploiement du DP à l’officine est venu celui de sa mise en œuvre à l’hôpital, validée par le décret paru le 5 octobre 20121. Ainsi, conformément à l’article L. 1111-23 du Code de la santé publique2, du 29 décembre 2011, les pharmaciens exerçant dans une pharmacie à usage intérieur (PUI) peuvent dorénavant, dans les mêmes conditions que les pharmaciens d’officine, consulter et alimenter le DP.Pour Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre, ceci représente « un grand pas pour la coordination entre pharmaciens ». Les pharmacies hospitalières peuvent désormais partager l’information avec les officines de ville et réciproquement, quand les patients le souhaitent. Pour l’Ordre, il s’agit donc d’une véritable avancée permettant « de favoriser et de sécuriser la prise en charge personnalisée du patient, de renforcer la coordination des soins entre ville et établissements de santé ou entre établissements de santé et de faire bénéficier les pharmaciens hospitaliers du même système de réception d’alertes sanitaires que les officinaux ». L’Ordre annonce un objectif : un raccordement d’environ 30 % des PUI à l’horizon 2014.

E.D.

SourceOrdre national des pharmaciens.

Notes1. Décret n° 2012-1131 du 5 octobre 2012 relatif à la consultation et à l’alimentation du dossier pharmaceutique par les pharmaciens exerçant dans les pharmacies à usage intérieur. JORF n° 0234 du 7 octobre 2012 :15679. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?categorieLien=id&cidTexte=JORFTEXT000026461694&dateTexte=&oldAction=rechJO

2. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000020890580&dateTexte

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