Le don de la Torah au Mont Sinaï : Textes bibliquesde la Torah (Chavouoth, la fête des semaines),...

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1 @Francine Kaufmann Le don de la Torah au Mont Sinaï : Textes bibliques Introduction de Francine Kaufmann: La fête de la Torah Dans le texte de la Torah, l’événement du « Don de la Torah » (matane Torah) au Mont Sinaï scelle l’Alliance entre Dieu et les Enfants d’Israël qui, une fois sortis d’Égypte, constituent désormais un peuple. Contrairement à la plupart des révélations de textes sacrés, cette Révélation n’est pas réservée à un prophète inspiré par Dieu mais elle s’effectue devant l’ensemble du peuple, hommes, femmes et enfants, qui en sont les témoins (‘èd) visuels et auditifs. Dans le calendrier juif, la mémoire collective est réactualisée chaque année par la fête du Don de la Torah (Chavouoth, la fête des semaines), qui commémore l’anniversaire du don de la Torah, le 6 Sivan 2448 (selon le comput hébraïque), sur le Mont Sinaï, sept semaines après la sortie d’Egypte, commémorée quant à elle par la fête de Pessa’h (Pâque). Chevouoth signifie également « serments », et la littérature juive a comparé l’Alliance du Sinaï à un mariage entre Dieu et Israël, après la période de fiançailles que constitue l’errance dans le désert. Chaque année, Israël renouvelle son serment de fidélité et fête Chavouoth en décorant la synagogue avec des fleurs. L’on consomme des mets lactés, notamment parce que la Torah est comparée au lait, selon l’interprétation donnée à ce verset du Cantique des Cantiques : « Comme le miel et le lait, [la Torah] coule sous ta langue » (IV,11) et pour évoquer le pays de Canaan « où coulent le lait et le miel » (Exode III,18). Il est coutume de veiller toute la nuit pour étudier la Torah et à l’office du matin, toute la communauté vient écouter la lecture des Dix Commandements.

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1 @Francine Kaufmann

Le don de la Torah au Mont Sinaï :

Textes bibliques

Introduction de Francine Kaufmann: La fête de la Torah

Dans le texte de la Torah, l’événement du « Don de la Torah » (matane Torah) au Mont Sinaï

scelle l’Alliance entre Dieu et les Enfants d’Israël qui, une fois sortis d’Égypte, constituent

désormais un peuple. Contrairement à la plupart des révélations de textes sacrés, cette

Révélation n’est pas réservée à un prophète inspiré par Dieu mais elle s’effectue devant

l’ensemble du peuple, hommes, femmes et enfants, qui en sont les témoins (‘èd) visuels et

auditifs.

Dans le calendrier juif, la mémoire collective est réactualisée chaque année par la fête du Don

de la Torah (Chavouoth, la fête des semaines), qui commémore l’anniversaire du don de la

Torah, le 6 Sivan 2448 (selon le comput hébraïque), sur le Mont Sinaï, sept semaines après la

sortie d’Egypte, commémorée quant à elle par la fête de Pessa’h (Pâque). Chevouoth signifie

également « serments », et la littérature juive a comparé l’Alliance du Sinaï à un mariage

entre Dieu et Israël, après la période de fiançailles que constitue l’errance dans le désert.

Chaque année, Israël renouvelle son serment de fidélité et fête Chavouoth en décorant la

synagogue avec des fleurs. L’on consomme des mets lactés, notamment parce que la Torah

est comparée au lait, selon l’interprétation donnée à ce verset du Cantique des Cantiques : «

Comme le miel et le lait, [la Torah] coule sous ta langue » (IV,11) et pour évoquer le pays de

Canaan « où coulent le lait et le miel » (Exode III,18). Il est coutume de veiller toute la nuit

pour étudier la Torah et à l’office du matin, toute la communauté vient écouter la lecture des

Dix Commandements.

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2 @Francine Kaufmann

Le don de la Torah au Mont Sinaï :

Textes bibliques

Exode 19-20 et 24

Traduction du Rabbinat en ligne sur : http://www.sefarim.fr/

EXODE XIX

1 A la troisième néoménie depuis le départ des Israélites du pays d'Égypte, le jour même, ils

arrivèrent au désert de Sinaï. 2 Partis de Refidim, ils entrèrent dans le désert de Sinaï et y

campèrent, Israël y campa en face de la montagne. 3 Pour Moïse, il monta vers le Seigneur et

le Seigneur, l'appelant du haut de la montagne, lui dit : "Adresse ce discours à la maison de

Jacob, cette déclaration aux enfants d'Israël : 4 ‘Vous avez vu ce que j'ai fait aux Égyptiens;

vous, je vous ai portés sur l'aile des aigles, je vous ai rapprochés de moi. 5 Désormais, si

vous êtes dociles à ma voix, si vous gardez mon alliance, vous serez mon trésor entre tous les

peuples ! Car toute la terre est à moi, 6 mais vous, vous serez pour moi une dynastie de

pontifes et une nation sainte.’ Tel est le langage que tu tiendras aux enfants d'Israël."

7 Moïse, de retour, convoqua les anciens du peuple et leur transmit toutes ces paroles comme

le Seigneur le lui avait prescrit. 8 Le peuple entier répondit d'une voix unanime: "Tout ce

qu'a dit l'Éternel, nous le ferons !" Et Moïse rapporta les paroles du peuple au Seigneur.

9 L'Éternel dit à Moïse : "Voici, moi-même je t'apparaîtrai au plus épais du nuage, afin que le

peuple entende que c'est moi qui te parle et qu'en toi aussi ils aient foi constamment." Alors

Moïse redit à l'Éternel les paroles du peuple. 10 Et l'Éternel dit à Moïse: "Rends-toi près du

peuple, enjoins-leur de se tenir purs aujourd'hui et demain et de laver leurs vêtements, 11 afin

d'être prêts pour le troisième jour; car, le troisième jour, le Seigneur descendra, à la vue du

peuple entier, sur le mont Sinaï. 12 Tu maintiendras le peuple tout autour, en disant : ‘Gardez-

vous de gravir cette montagne et même d'en toucher le pied, quiconque toucherait à la

montagne serait mis à mort. 13 On ne doit pas porter la main sur lui, mais le lapider ou le

percer de flèches ; homme ou bête, il cesserait de vivre. Mais aux derniers sons du cor, ceux-

ci monteront sur la montagne’". 14 Moïse descendit de la montagne vers le peuple, lui

enjoignit la pureté et ils lavèrent leurs vêtements. 15 II dit au peuple : "Tenez-vous prêts

pour le troisième jour ; n'approchez point d'une femme." 16 Or, au troisième jour, le matin

venu, il y eut des tonnerres et des éclairs et une nuée épaisse sur la montagne et un son

de cor très intense. Tout le peuple frissonna dans le camp. 17 Moïse fit sortir le peuple du

camp au-devant de la Divinité et ils s'arrêtèrent au pied de la montagne. 18 Or, la montagne

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de Sinaï était toute fumante, parce que le Seigneur y était descendu au sein de la flamme ; sa

fumée montait comme la fumée d'une fournaise et la montagne entière tremblait violemment.

19 Le son du cor allait redoublant d'intensité ; Moïse parlait et la voix divine lui répondait."

20 Le Seigneur, étant descendu sur le mont Sinaï, sur la cime de cette montagne, y appela

Moïse ; Moïse monta, 21 et le Seigneur lui dit : "Descends avertir le peuple : ils pourraient se

précipiter vers le Seigneur pour contempler sa gloire et beaucoup d'entre eux périraient.

22 Que les pontifes aussi, plus rapprochés du Seigneur, s'observent religieusement ; autrement

il pourrait sévir parmi eux." 23 Moïse répondit au Seigneur: "Le peuple ne saurait monter sur

le mont Sinaï, puisque tu nous as avertis par ces paroles : ‘Défends la montagne et déclare-la

sainte !’" 24 Le Seigneur lui repartit : "Descends, dis-je, puis tu remonteras accompagné

d'Aaron. Mais que les pontifes et le peuple ne s'aventurent pas à monter vers le Seigneur, il

pourrait sévir contre eux." 25 Moïse redescendit vers le peuple et lui en fit part.

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4 @Francine Kaufmann

COMMENTAIRE DE RACHI sur EXODE XIX (Traduction

Jacques Kohn)

Sur Rachi, (Rabbi Shlomo ben Itzhak HaTzarfati plus connu sous les noms de Rachi, Rabbi

Salomo et Salomon de Troyes), né à Troyes vers 1040 et mort dans la même ville le 13 juillet

1105, rabbin et exégète, voir :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rachi

Sur la Mekhilta (midrach sur le livre de l’Exode) citée par Rachi, voir sur Wikipedia :

Mekhilta de-Rabbi Shimon

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mekhilta_deRabbi_Shimon

Voir aussi, sur la Mekhilta de-Rabbi Ishmael:

https://en.wikipedia.org/wiki/Mekhilta

Sur le Targoum Onkelos, voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Targoum_Onkelos

*****

v. 1 : En ce jour-ci Le premier du mois. Le texte aurait dû porter : « ce jour-“là” » (hahou) !

Pourquoi : « ce jour-“ci” » (hazè) ? Pour que les paroles de la Tora te soient toujours aussi

neuves que si elles t’avaient été données aujourd’hui même (TB Chabath 86b).

v. 2 : ils partirent de Refidim Pourquoi le texte s’impose-t-il de répéter d’où ils sont partis ?

Il a pourtant déjà été indiqué plus haut qu’ils ont campé à Refidim (supra 17, 1), de sorte qu’il

est évident qu’ils en sont partis ! C’est pour assimiler leur départ de Refidim à leur venue dans

le désert de Sinaï : De même que celle-ci s’est faite dans le repentir, de même celui-là s’est-il

fait dans le repentir (Mekhilta).

Israël y campa Comme un seul homme, d’un seul cœur [d’où l’emploi du singulier], tandis

que les autres étapes ont eu lieu dans des récriminations et des querelles (Mekhilta).

En face (nèguèd) de la montagne : A l’est. Toutes les fois que l’on trouve le mot nèguèd

(« en face »), il s’agit de la face est (Mekhilta).

v. 3 : Et Mochè monta Le deuxième jour. Et toutes ses montées ont eu lieu de bon matin,

comme il est écrit : « Mochè se leva de bon matin » (infra 34, 4).

Tu diras ainsi Dans ce langage et dans cet ordre (Mekhilta).

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A la maison de Ya‘aqov Ce sont les femmes. Tu leur parleras avec douceur.

Et tu raconteras (wethaguéd) aux fils d’Israël Il a commenté à l’intention des hommes les

punitions et les détails, employant à cet effet des paroles aussi dures que des tendons (guidin)

(TB Chabath 87a, Mekhilta).

v. 4 : Vous, vous avez vu Ce n’est pas par tradition que vous l’avez appris, ni par des paroles

que je vous le transmets, ni par des témoins que je vous en fais attester, mais vous-mêmes

« avez vu ce que j’ai fait à l’Egypte ». Ils se sont rendus coupables envers moi de bien des

fautes avant de s’en prendre à vous, mais je ne les ai punis que pour les torts qu’ils vous ont

causés (Mekhilta).

Je vous ai portés C’est le jour où Israël est arrivé à Ra‘amsés. Car ils étaient éparpillés dans

tout le pays de Gochèn, et en un instant, quand le moment est venu pour eux de partir, ils ont

tous été rassemblés à Ra‘amsés. Le Targoum Onqelos le rend par : « je vous ai fait mettre en

route », par égard au respect dû au Tout-Puissant (Mekhilta).

Sur des ailes d’aigles Comme un aigle qui porte ses petits sur ses ailes. Car tous les autres

oiseaux déplacent leur progéniture en la soulevant entre leurs pattes, de crainte d’un autre

volatile pouvant voler au-dessus d’eux. L’aigle, en revanche, qu’aucun autre oiseau ne peut

dominer, n’a peur que de l’homme et des flèches qu’il pourrait lui lancer. C’est pourquoi il

installe ses petits sur ses ailes, en se disant : « Mieux vaut que ce soit moi que transperce la

flèche plutôt que mes enfants ! » J’ai agi de la même manière : « l’ange de ha-Eloqim

partit… » (14, 19), « [la colonne de nuée] vint entre le camp des Égyptiens et entre le camp

d’Israël » (14, 20). Les Egyptiens lançaient des flèches et des projectiles de pierre, et c’est la

nuée qui les recevait.

Je vous ai amenés à moi Ainsi que le rend le Targoum Onqelos.

v. 5 : Et maintenant Si vous l’acceptez dès maintenant, cela vous sera agréable ensuite, car

tous les débuts sont difficiles (Mekhilta).

Vous gardez mon alliance Que je conclus avec vous pour l’observance de la Tora.

Un trésor Un trésor bien-aimé, comme dans : « et le trésor des rois » (Qohèleth 2, 8)

constitué par les objets de valeur et les pierres précieuses amassés par les rois. De même

serez-vous pour moi un trésor plus cher que les autres peuples. Mais ne dites pas que vous

seuls m’appartenez, et que je n’en ai pas d’autres que vous ! Qu’ai-je d’autre qui puisse rendre

évident l’amour que je vous porte ? « Car à moi est toute la terre ». Mais à mes yeux et devant

moi ils ne comptent pas.

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Et vous, vous serez pour moi un royaume de pontifes Des princes, comme dans : « Et les

fils de David étaient pontifes (kohanim) » (II Chemouel 8, 18).

Celles-là sont les paroles Rien de moins ni rien de plus.

v. 8 : Mochè rapporta les paroles du peuple… Le lendemain, à savoir le troisième jour, car

il était monté de bon matin. Mais Mochè avait-il besoin de les rapporter ? Le texte enseigne

ici une règle de bonne conduite, en ce que Mochè n’a pas dit : « Du moment que celui qui m’a

envoyé connaît la réponse, je n’ai pas besoin de la lui faire savoir. »

Dans l’épaisseur de la nuée Dans ce que la nuée avait d’épais, à savoir l’obscurité [dont il

est question plus loin (infra 20, 18)].

Et qu’en toi aussi Y compris les prophètes qui viendront après toi.

Mochè raconta… Le lendemain, qui était le quatrième jour du mois.

Les paroles du peuple… La réponse que j’ai entendue de leur part, c’est qu’ils veulent

entendre de toi-même. Celui qui entend de la bouche d’un intermédiaire n’est pas comme

celui qui entend de la bouche du roi lui-même. Nous voulons voir notre roi !

v. 10 : Hachem dit à Mochè Si vraiment ils ont besoin qu’on leur parle, va vers le peuple !

Tu les consacreras Tu les prépareras. Qu’ils se tiennent prêts aujourd’hui et demain !

v. 11 : Ils seront prêts Séparés de leur femme (Mekhilta).

Pour le troisième jour Qui sera le sixième jour du mois. Le cinquième jour, Mochè a

construit l’autel situé sous la montagne et les douze monuments dont il est question plus loin

(infra 24, 4), la Tora n’observant pas l’ordre chronologique des événements (Mekhilta).

Aux yeux de tout le peuple Cela nous apprend qu’il n’y avait pas d’aveugle parmi eux : ils

avaient tous été guéris (Mekhilta).

V 12 : Tu limiteras Fixe-leur des barrières qui leur servent de signes afin qu’ils n’approchent

pas de la limite.

En disant La limite leur dira : « Gardez-vous de monter à partir d’ici ! » Et toi, tu leur

donneras des instructions à ce sujet.

Et d’en toucher l’extrémité Pas même l’extrémité.

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v. 13 : Car lapider, il sera lapidé D’où nous apprenons que les condamnés à être lapidés

étaient précipités en contrebas du lieu de la lapidation, lequel était d’une hauteur de deux

tailles d’homme (TB Sanhèdrin 45a).

Il sera lapidé Il sera projeté en bas, vers la terre, comme dans : « Il les a lancés dans la mer »

(supra 15, 4).

Quand s’étendra le son du cor Quand le cor « tirera » un son prolongé, ce sera signe du

retrait de la chekhina et de l’arrêt de Sa voix. Et lorsque Je me serai retiré, ils auront le droit

de monter.

Du cor C’est le chofar fait à partir de la corne du bélier. Le mot « bélier » se dit en arabe :

« yovla ». C’était le chofar du bélier de Yits‘haq.

v. 14 : De la montagne vers le peuple Ce qui nous apprend que Mochè n’est pas allé vaquer

à ses affaires, mais qu’il s’est rendu « de la montagne vers le peuple ».

v. 15 : Soyez prêts dans trois jours Pour la fin du troisième jour, c’est-à-dire le quatrième

jour. Car Mochè, de son propre mouvement, a ajouté un jour supplémentaire, comme

l’enseigne rabi Yossi (Chabath 87a). Et pour celui qui professe que les Dix Commandements

ont été donnés le six du mois, Mochè n’a rien ajouté, de sorte que les mots : « pour trois

jours » doivent être compris : « pour le troisième jour ».

Ne vous avancez pas vers une femme Pendant tous ces trois jours, afin que les femmes

s’immergent rituellement le troisième jour et qu’elles soient dans un état de pureté pour

recevoir la Tora. Car il aurait pu arriver, si elles avaient eu des rapports pendant ces trois

jours, qu’elles laissent échapper de la semence après leur immersion et qu’elles redeviennent

impures. En revanche, en attendant pendant trois jours, elles laissaient à la semence le temps

de se putréfier et de perdre sa fertilité, l’empêchant de rendre impure celle qui en aurait suinté.

v. 16 : Quand c’était le matin Cela nous apprend qu’Il les y a précédés, ce qui est contraire

aux usages humains où l’on ne voit pas le maître attendre l’arrivée du disciple. Il en est de

même dans : « Lève-toi ! Va dans la plaine, et là je te parlerai ! […] Je me suis levé et suis

allé dans la plaine, et voilà que s’y tenait la gloire de Hachem » (Ye‘hezqel 3, 22-23).

v. 17 : A la rencontre de ha-Eloqim Cela nous apprend que la chekhina est sortie à leur

rencontre, comme le fiancé sort pour accueillir la fiancée. Cela correspond au verset :

« Hachem est venu “du” Sinaï (missinaï) » (Devarim 33, 2), et non : « est venu “au” Sinaï

(lessinaï) » (Mekhilta).

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8 @Francine Kaufmann

Dans le bas de la montagne Au sens littéral : « au pied de la montagne ». Mais le midrach

explique que la montagne a été arrachée à son endroit et a été renversée sur eux comme

une coupole (TB Chabath 88a).

v. 18 : Toute fumante (‘achan) Le mot ‘achan n’est pas un substantif, étant donné que la

lettre chin est ponctuée ici d’un pata‘h. Mais c’est un verbe [conjugué à la troisième personne

du masculin singulier du passé] : « il fumait », tout comme amar (« il disait »), chamar (« il

gardait »), chama’ (« il écoutait »). D’où la traduction du Targoum Onqelos : « le mont Sinaï

fumait », et non : « en fumée ». Toutes les fois que le mot ‘achan, dans le texte, est ponctué

d’un qamats, il s’agit d’un substantif.

Une fournaise A chaux. Serait-ce comme ce genre de fournaise et pas davantage ? Aussi le

texte ajoute-t-il : « et la montagne brûlait dans le feu jusqu’au cœur du ciel » (Devarim 4, 11).

Et pourquoi est-il question ici d’un four à chaux ? C’est pour que l’oreille reste accoutumée

à entendre ce qu’elle a l’habitude de comprendre, le texte lui fournissant des données

qui lui sont familières. Il en est ainsi de : « Il rugit comme un lion » (Hoché‘a / Osée11, 10).

Et pourtant, qui a donné sa force au lion si ce n’est Lui, alors que le texte Le compare à cet

animal ? C’est donc que nous Le décrivons en le comparant à Ses créatures, afin que l’oreille

reste accoutumée à entendre ce qu’elle a l’habitude de comprendre. De même dans : « Et Sa

voix était comme le son des grandes eaux » (Ye‘hezqel 43, 2). Et pourtant, qui a donné leurs

voix aux eaux si ce n’est Lui, alors que le texte Le compare à ce qu’Il a créé ? C’est pour que

l’oreille le comprenne.

v. 19 : Allait se renforçant beaucoup Habituellement, lorsqu’un homme sonne de la

trompette, le son va s’affaiblissant avec le temps. Ici, il « allait se renforçant beaucoup ». Et

pourquoi cela ? Pour que l’oreille reste accoutumée à entendre ce qu’elle a l’habitude de

comprendre.

Mochè parla Quand Mochè a parlé et a fait entendre les Commandements à Israël – qui n’a

entendu de la bouche du Tout-Puissant que : « Moi-même suis Hachem, ton Eloqim… » et : «

Tu n’auras pas d’autres dieux sur ma face » (infra 20, 2 et 3) – le Saint béni soit-Il l’a aidé en

lui donnant la force d’amplifier sa voix et de la faire entendre.

Répondit par un son Il lui a répondu au sujet du son, comme dans : « qui répondra par le

feu » (I Melakhim /1Rois 18, 24), c’est-à-dire au sujet du feu, pour le faire descendre.

v. 20 : Hachem descendit sur le mont Sinaï Serait-ce qu’Il est vraiment descendu sur elle ?

Aussi le texte précise-t-il : « depuis le ciel j’ai parlé avec vous » (infra 20, 19). Ceci nous

apprend qu’Il a incliné les cieux supérieurs et inférieurs et qu’Il les a étendus par-dessus la

montagne comme un drap sur le lit. Le trône divin est alors descendu sur eux (Mekhilta).

v. 21 : Avertis le peuple Avertis-les pour qu’ils ne montent pas sur la montagne.

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9 @Francine Kaufmann

De peur qu’ils ne détruisent… Pour qu’ils ne compromettent pas leur position, dans le désir

qui les porte vers Hachem, pour Le voir, et qu’ils s’approchent de la montagne.

Et il en tombera beaucoup Même s’il ne devait en tomber qu’un seul, il compterait

« beaucoup » pour moi (Mekhilta).

De peur qu’ils détruisent Toute destruction compromet l’ordonnancement d’une

construction. De même, ceux qui se séparent d’un groupe humain en compromettent

l’ordonnancement.

v. 22 : Et aussi les pontifes Y compris les premiers-nés qui étaient chargés du service (TB

Zeva‘him 115b).

Qui s’avancent vers Hachem Pour présenter les sacrifices. Eux non plus ne se prévaudront

pas de leur privilège pour monter.

Qu’ils se consacrent Qu’ils se tiennent prêts à se tenir à leur place (voir verset 10).

De peur qu’Il ne fasse brèche L’idée de brèche correspond à celle de « tuer » et à faire une

brèche dans leurs rangs.

v. 23 : Le peuple ne pourra pas Je n’ai pas besoin de les avertir, car cela fait trois jours

qu’ils sont soumis à l’interdiction. Ils ne pourront pas monter, car ils n’en ont pas le droit.

v. 24 : Va, descends Et avertis-les une seconde fois. Car on doit mettre en garde celui qui n’a

pas encore agi, et répéter l’avertissement au moment de l’action (Mekhilta).

Tu monteras, toi et Aharon avec toi, et les pontifes Se pourrait-il qu’ils soient avec toi ?

Aussi le texte précise-t-il : « tu monteras, toi ». On en conclura que tu auras une place bien

délimitée, que Aharon aura une place bien délimitée, et que les pontifes auront une place bien

délimitée. Mochè s’est approché de plus près que Aharon, et Aharon de plus près que les

pontifes. Quant au peuple, qu’il ne franchisse pas ses barrières pour monter vers Hachem !

De peur qu’Il ne fasse brèche (yifrats) contre eux Bien que le mot yifrats soit ponctué d’un

qamats bref, il ne change pas sa forme grammaticale. Voici la règle : lorsqu’un mot ponctué

d’un ‘holem est suivi d’un trait d’union, cette voyelle est remplacée par un qamats bref.

v. 25 : Il leur dit Cet avertissement.

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10 @Francine Kaufmann

SUITE : EXODE XX : Les dix commandements

1 Alors Dieu prononça toutes ces paroles, savoir : 2 (1) "Je suis l'Éternel, ton Dieu, qui t'ai fait

sortir du pays d'Égypte, d'une maison d'esclavage. (2) "Tu n'auras point d'autre dieu que moi.

3 Tu ne te feras point d'idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, ou

en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. 4 Tu ne te prosterneras point

devant elles, tu ne les adoreras point ; car moi, l'Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui

poursuis le crime des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et à la quatrième générations,

pour ceux qui m'offensent ; 5 et qui étends ma bienveillance à la millième, pour ceux qui

m'aiment et gardent mes commandements. 6 (3) "Tu n'invoqueras point le nom de l'Éternel

ton Dieu à l'appui du mensonge; car l'Éternel ne laisse pas impuni celui qui invoque son nom

pour le mensonge. 7 (4) "Pense au jour du Sabbat pour le sanctifier. 8 Durant six jours tu

travailleras et t'occuperas de toutes tes affaires, 9 mais le septième jour est la trêve de l'Éternel

ton Dieu: tu n'y feras aucun travail, toi, ton fils ni ta fille, ton esclave mâle ou femelle, ton

bétail, ni l'étranger qui est dans tes murs. 10 Car en six jours l'Éternel a fait le ciel, la terre, la

mer et tout ce qu'ils renferment et il s'est reposé le septième jour; c'est pourquoi l'Éternel a

béni le jour du Sabbat et l'a sanctifié. 11 (5) "Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se

prolongent sur la terre que l'Éternel ton Dieu t'accordera. 12 (6) "Ne commets point

d'homicide. (7) "Ne commets point d'adultère. (8) "Ne commets point de larcin. (9) "Ne rends

point contre ton prochain un faux témoignage. 13 (10) "Ne convoite pas la maison de ton

prochain ; Ne convoite pas la femme de ton prochain, son esclave ni sa servante, son bœuf ni

son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain."

14 Or, tout le peuple fut témoin de ces tonnerres, de ces feux, de ce bruit de cor, de cette

montagne fumante et le peuple à cette vue, trembla et se tint à distance. 15 Et ils dirent à

Moïse : "Que ce soit toi qui nous parles et nous pourrons entendre mais que Dieu ne nous

parle point, nous pourrions mourir." 16 Moïse répondit au peuple : "Soyez sans crainte ! c'est

pour vous mettre à l'épreuve que le Seigneur est intervenu ; c'est pour que sa crainte vous soit

toujours présente, afin que vous ne péchiez point." 17 Le peuple resta éloigné, tandis que

Moïse s'approcha de la brume où était le Seigneur. 18 L'Éternel dit à Moïse : "Parle ainsi aux

enfants d'Israël : 'Vous avez vu, vous-mêmes, que du haut des cieux je vous ai parlé. 19 Ne

m'associez aucune divinité ; dieux d'argent, dieux d'or, n'en faites point pour votre usage.'

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11 @Francine Kaufmann

COMMENTAIRE DE RACHI sur EXODE XX (Traduction

Jacques Kohn)

v. 1 : Eloqim déclara Le mot Eloqim s’applique à l’idée de juge, comme dans : « Ne maudis

pas les èlohim » (infra 22, 27), que le Targoum Onqelos traduit effectivement par : « juges ».

Car il existe des préceptes de la Tora où l’homme, s’il leur obéit, obtient une récompense, et

n’est passible, sinon, d’aucune punition. J’aurais pu penser qu’il en fût de même des Dix

Commandements. Aussi est-il écrit : « Eloqim déclara », en tant que juge apte à punir

(Mekhilta).

Toutes ces paroles-là Ceci nous apprend que le Saint béni soit-Il a prononcé les Dix

Commandements en une seule parole, ce qui n’est pas possible à l’homme de réaliser. Dans ce

cas, pourquoi le texte continue-t-il en détaillant : « Moi-même suis Hachem, ton Eloqim… »

et : « Tu n’auras pas d’autres dieux… » ? C’est parce qu’Il les a repris et les a explicités

chacun séparément.

En disant Ceci nous apprend qu’ils ont répondu par un « oui » à chaque commandement

actif, et par un « non » à chaque interdiction (Mekhilta).

v. 2 : Qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte Il valait la peine que vous sortiez, afin que vous

soyez soumis à ma puissance (Mekhilta). Autre explication : Tandis qu’Il s’est manifesté sur

la mer comme un puissant guerrier, Il s’est montré ici comme un vieillard rempli de

miséricorde, comme il est écrit : « et sous Ses pieds comme un ouvrage du brillant du saphir »

(infra 24, 10) – cette expression s’applique à la période de servitude – « et comme la

substance des cieux quant à la pureté » (ibid.) – ceci s’applique à celle qui a suivi la

délivrance. Et comme je me suis manifesté successivement sous des apparences différentes,

ne dites pas qu’il existe deux pouvoirs : C’est moi-même qui vous ai fait sortir d’Egypte, et

aussi celui qui vous ai sauvés sur la mer. Autre explication : Etant donné qu’ils ont entendu de

nombreux sons, comme il est écrit : « Et tout le peuple voit “les sons” » (verset 15) – des sons

qui venaient tout à la fois des quatre points cardinaux, du ciel et de la terre – ne dites pas

qu’il existe plusieurs pouvoirs. Et pourquoi le texte emploie-t-il le singulier : « ton »

Eloqim ? Pour procurer un argument à Mochè lorsqu’il prendra leur défense lors de l’affaire

du veau d’or, où il dira : « Pourquoi, Hachem, ta colère s’enflammera-t-elle contre ton

peuple ? » (infra 32, 11), ce qui voudra dire : « Ce n’est pas à eux que tu as ordonné : “Tu

n’auras pas d’autres dieux !”, mais à moi seul ! »

De la maison des esclaves Faut-il comprendre : « de la maison de Pharaon, dont vous étiez

les esclaves » ? Ou bien : « de la maison d’esclaves, dont vous étiez vous-mêmes les

esclaves » ? Le texte précise : « Il t’a racheté de la maison des serviteurs, de la main de

Pharaon, roi d’Egypte » (Devarim 7, 8), ce qui permet de répondre qu’ils ont été les esclaves

d’un roi, et non les esclaves d’autres esclaves.

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12 @Francine Kaufmann

Tu n’auras pas Pourquoi cela est-il stipulé ? Etant donné qu’il est écrit : « Tu ne te feras pas

de sculpture » (verset 4), j’aurais pu en déduire que seule la fabrication est interdite. D’où

aurais-je su qu’il en est de même de ce qui est déjà fait ? Aussi le texte précise-t-il : « Tu

n’auras pas d’autres dieux » (Mekhilta).

D’autres dieux Qui ne possèdent pas de caractère divin, mais que d’autres ont établis comme

divinités sur eux (Mekhilta). Et il ne faut pas expliquer : « d’autres dieux » comme voulant

dire : « d’autres que moi », car il serait irrespectueux envers le Tout-Puissant de comparer leur

« divinité » à la sienne. Autre explication : « D’autres dieux », c’est-à-dire des dieux qui sont

étrangers à ceux qui les adorent. Ils crient vers eux, mais ils ne leur répondent pas, se

comportant comme s’ils étaient « autres », comme s’ils n’avaient jamais connu ceux qui les

servent.

Sur ma face Aussi longtemps que je serai là. Afin que tu ne dises pas : « Seule cette

génération-là s’est vu interdire l’idolâtrie » (Mekhilta).

v. 3 : De sculpture (pèssel) Parce qu’elle est sculptée (nifsal).

Et toute image De tout objet dans le ciel.

v. 4 : Un Qél jaloux Rempli de zèle pour punir, et non enclin à oublier et à pardonner le

péché d’idolâtrie (Mekhilta). Toute expression de « jalousie » correspond au français

médiéval : « enprenment » et désigne celui qui est porté à réclamer des comptes.

Pour ceux qui me haïssent Comme le rend le Targoum Onqelos : « qui persévèrent dans les

actions de leurs pères » (TB Sanhèdrin 27b).

v. 5 : et qui fais du bien Celui que fait un homme, pour récompenser jusqu’à des milliers de

générations. Il en résulte que la mesure du bien est plus abondante que celle de la punition, et

ce à raison d’une contre cinq cents : celle-ci s’exerce sur quatre générations, celle-là sur

[deux] mille [le minimum du pluriel : « milliers » étant deux mille] (TB Sota 11a).

v. 6 : En vain (lachav) Le deuxième : « en vain » du verset exprime l’idée de « mensonge »,

ainsi que le rend le Targoum Onqelos. Qu’est-ce qu’un serment vain ? C’est un serment qui

modifie une réalité connue, comme l’affirmation, à propos d’une colonne de pierre, qu’elle est

en or. Quant au premier : « en vain », il exprime l’idée de ce qui est oiseux, ainsi que le rend

le Targoum Onqelos. Il s’agit de celui qui prête un serment inutile, comme celui d’affirmer

du bois qu’il est du bois, de la pierre qu’elle est de la pierre (TB Chevou‘oth 29a, Mekhilta).

v. 7 : Souviens-toi (zakhor) « Souviens-toi du jour du Chabath » et « garde (chamor) le jour

du Chabath » (Devarim 5, 12) ont été prononcés simultanément. Il en est de même de :

« Celui qui le profanera, mourir, il sera mis à mort » (infra 31, 14) et : « Et au jour du

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13 @Francine Kaufmann

Chabath, deux agneaux » (Bamidbar 28, 9). De même : « Tu ne te vêtiras pas d’une étoffe

mixte » (Devarim 22, 11) et : « Tu te feras des tresses » (Devarim 22, 12). De même : « La

nudité de la femme de ton frère, tu ne la découvriras pas » (Wayiqra 18, 16) et : « Son beau-

frère viendra sur elle » (Devarim 25, 5). Comme l’écrit le verset : « Eloqim a parlé une seule

fois, j’en ai entendu deux » (Tehilim 62, 12). Le mot zakhor (« souviens-toi ») est à

l’infinitif, comme dans : « Mangeons (akhol) et buvons (wechatho), car demain nous

mourrons » (Yecha’ya 22, 13), « Son mari alla avec elle, allant (halokh) et pleurant (ouvakho)

derrière elle » (II Chemouel 3, 16). Le mot zakhor signifie : Appliquez-vous à vous souvenir

toujours du jour du Chabath, de telle manière que s’il vous advient un bel objet, vous le

mettrez de côté pour Chabath (TB Beitsa 16a).

v. 8 : Tu feras tout ton travail Quand vient le Chabath, qu’il en soit à tes yeux comme si tout

ton travail était achevé, de manière que tu ne penses pas à celui-ci (Mekhilta).

v. 9 : Toi et ton fils et ta fille S’agit-il ici des jeunes enfants, ou de ceux déjà grands ? Il faut

considérer que ceux-ci sont déjà inclus dans l’interdiction, et donc que le texte vient ici avertir

les grands pour qu’ils veillent au repos des petits. C’est ce que nous enseigne la michna : « Un

enfant qui vient éteindre un feu, on ne doit pas le laisser faire, parce que c’est toi qui es

responsable de son repos » (TB Chabath 121a).

v. 10 : Il s’est reposé le septième jour Hachem parle ici, si l’on peut dire, d’un repos pour

Lui-même, afin d’en dégager un enseignement a fortiori pour l’homme, dont le travail est

source de peine et d’efforts, et qui est donc tenu de se reposer le Chabath.

A béni… Il l’a sanctifié Il l’a béni par la manne, dont il doublait la ration le sixième jour, et

Il l’a consacré par la manne, puisqu’il n’en tombait pas le Chabath.

v. 11 : Afin que se prolongent tes jours Si tu les honores, ils se prolongeront, et sinon ils se

raccourciront. Les paroles de la Tora sont laconiques : L’interdiction se déduit du

commandement actif, et inversement.

v. 12 : Tu ne commettras pas d’adultère L’adultère ne s’entend que de la femme mariée,

comme il est écrit : « mourir, ils seront mis à mort, l’homme adultère et la femme adultère »

(Wayiqra 20, 10) et : « la femme adultère, celle qui prend des étrangers à la place de son mari

» (Ye‘hezqel 16, 32).

Tu ne voleras pas Il s’agit ici du vol de personnes. Quant à : « Vous ne volerez pas »

(Wayiqra 19, 11), il s’agit du vol d’argent. Mais ne s’agirait-il pas ici du vol d’argent, et là-

bas du vol de personnes ? Appliquons le principe selon lequel une règle doit s’expliquer

selon son contexte : De même que l’interdiction de tuer et celle de l’adultère sont

sanctionnées par la peine de mort prononcée par le tribunal, de même l’interdiction de voler

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14 @Francine Kaufmann

mentionnée ici est-elle celle sanctionnée par la peine de mort prononcée par le tribunal (TB

Sanhèdrin 86a).

v. 14 : Et tout le peuple voit Ceci nous apprend qu’il n’y avait pas un seul aveugle parmi

eux. Et d’où sait-on qu’il n’y avait pas de muet ? De : « Tout le peuple répondit » (supra

19, 8). Et d’où sait-on qu’il n’y avait pas de sourd ? De (infra 24, 7) : « Nous ferons et nous

écouterons » (Mekhilta).

Vit les sons Il vit ce qui est normalement entendu, chose impossible ailleurs (Mekhilta).

Les sons Qui sortaient de la bouche du Tout-Puissant.

Ils tremblèrent (wayanou‘ou) Le verbe no‘a veut dire frémir.

Ils se tinrent au loin Ils ont reculé de douze milles, autant que la longueur de leur camp (TB

Chabath 88b). Et les anges de service sont arrivés et les ont aidés à revenir, comme il est

écrit : « Les anges de tsevaqoth les ont fait bouger, les ont fait bouger » (Tehilim/ Psaumes

68, 13).

v. 16 : Afin de vous mettre à l’épreuve Pour vous grandir aux regards du monde, afin de

développer votre renommée auprès des peuples et qu’ils sachent que c’est dans toute Sa gloire

qu’il s’est révélé à vous.

Mettre à l’épreuve (nassoth) Le mot nassoth exprime l’idée d’élévation et de grandeur,

comme dans : « Elevez un étendard (ness) sur les peuples » (Yecha’ya 62, 10), « J’élèverai

mon étendard (nissi) vers les peuples » (Yecha’ya 49, 22), « et comme l’étendard (wekha-

ness) sur la colline » (Yecha’ya 30, 17). Un « étendard » se dit ness parce qu’il se dresse en

hauteur.

Et afin que Sa crainte Parce que vous L’avez vu craint et redouté, vous saurez qu’il n’y en a

pas d’autre que Lui et vous Le craindrez.

v. 17 : s’approcha du brouillard (‘arafel) A l’intérieur des trois séparations : les ténèbres, la

nuée et le brouillard, comme il est écrit : « Et la montagne brûlait dans le feu jusqu’au cœur

du ciel, obscurité, nuée, et brouillard » (Devarim 4, 11). Le brouillard, c’est l’épaisseur de la

nuée, comme il est écrit : « Voici, moi-même je viens vers toi dans l’épaisseur de la nuée »

(supra 19, 9).

v. 18 : Ainsi diras-tu Dans ce langage-ci.

Vous, vous avez vu Il existe une différence entre ce que l’homme voit lui-même et ce que lui

rapportent les autres, dont il arrive qu’il ait peine à le croire.

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15 @Francine Kaufmann

Que depuis le ciel j’ai parlé avec vous Il est pourtant écrit ailleurs : « Hachem descendit sur

le mont Sinaï » (supra 19, 20). Vient donc un troisième verset pour les départager : «

Depuis le ciel, Il t’a fait entendre Sa voix pour te châtier, et sur la terre Il t’a fait voir son

grand feu » (Devarim 4, 36). Sa gloire est dans le ciel, Son feu et Sa puissance sont sur la terre

(Mekhilta). Autre explication : Il a incliné les cieux et les cieux des cieux, et Il les a étendus

par-dessus la montagne, comme il est écrit : « Il a penché le ciel et Il est descendu » (Tehilim

18, 10).

v. 19 : Vous ne ferez pas avec moi. Vous ne ferez pas d’image de mes serviteurs qui me

servent là-haut (Mekhilta).

De dieux d’argent Il s’agit d’un avertissement au sujet des chérubins que tu fabriqueras pour

se tenir près de moi. Ils ne devront pas être en argent, car si tu devais changer d’avis et les

confectionner en argent, je les considérerais comme des divinités.

Et de dieux d’or Il s’agit d’un avertissement pour qu’il n’en soit pas fait plus de deux

[chérubins] : Si tu devais en faire quatre, je les considérerais comme des divinités d’or.

Vous ne ferez pas pour vous Tu ne dois pas dire : « Je vais fabriquer des chérubins dans les

maisons de prières et dans les maisons d’études, tout comme j’en fabriquerai dans le Temple

éternel. » Aussi est-il écrit : « Vous ne ferez pas pour vous. »

*****

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16 @Francine Kaufmann

EXODE XXIV

1 Or Dieu avait dit à Moïse: "Monte vers l'Éternel, avec Aaron, Nadab, Abihou et soixante-

dix des anciens d'Israël et vous vous prosternerez à distance. 2 Puis, Moïse s'avancera seul

vers le Seigneur et eux ne le suivront point; quant au peuple, il ne montera pas avec lui."

3 Moïse, de retour, transmit au peuple toutes les paroles de l'Éternel et tous les statuts;

et le peuple entier s'écria d'une seule voix: "Tout ce qu'a prononcé l'Éternel, nous

l'exécuterons." 4 Moïse écrivit toutes les paroles de l'Éternel. Le lendemain, de bonne

heure, il érigea un autel au pied de la montagne; puis douze monuments, selon le nombre des

tribus d'Israël. 5 Il chargea les jeunes gens d'Israël d'offrir des holocaustes et d'immoler,

comme victimes rémunératoires, des taureaux au Seigneur. 6 Alors Moïse prit la moitié du

sang, la mit dans des bassins et répandit l'autre moitié sur l'autel. 7 Et il prit le livre de

l'Alliance, dont il fit entendre la lecture au peuple et ils dirent: "Tout ce qu'a prononcé

l'Éternel, na’assé venichma, nous l'exécuterons docilement." 8 Moïse prit le sang, en

aspergea le peuple et dit: "Ceci est le sang de l'alliance que l'Éternel a conclue avec vous

touchant toutes ces paroles." 9 Moïse et Aaron remontèrent, accompagnés de Nadab,

d'Abihou et des soixante-dix anciens d'Israël." 10 Ils contemplèrent la Divinité d'Israël. Sous

ses pieds, quelque chose de semblable au brillant du saphir et de limpide comme la substance

du ciel. 11 Mais Dieu ne laissa point sévir son bras sur ces élus des enfants d'Israël et après

avoir joui de la vision divine, ils mangèrent et burent. 12 L'Éternel dit à Moïse: "Monte

vers moi, sur la montagne et y demeure: je veux te donner les tables de pierre, la

doctrine et les préceptes, que j'ai écrits pour leur instruction." 13 Moïse partit, avec Josué

son serviteur; puis il gravit la divine montagne. 14 Il avait dit aux anciens : "Attendez-nous ici

jusqu'à notre retour. Comme Aaron et Hour sont avec vous, celui qui aura une affaire devra

s'adresser à eux." 15 C'est alors que Moïse s'achemina vers la montagne, qu'enveloppait le

nuage. 16 La majesté divine se fixa sur le mont Sinaï, que le nuage enveloppa six jours ;

le septième jour, Dieu appela Moïse du milieu du nuage. 17 Or, la majesté divine

apparaissait comme un feu dévorant au sommet de la montagne, à la vue des enfants d'Israël.

18 Moïse pénétra au milieu du nuage et s'éleva sur la montagne ; et il resta sur cette

montagne quarante jours et quarante nuits.

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17 @Francine Kaufmann

COMMENTAIRE DE RACHI sur EXODE XXIV (Traduction

Jacques Kohn)

v. 1 : Et à Mochè Il dit : Monte Ce passage a été dit avant les Dix Commandements, et c’est

le quatre siwan qu’il lui a été dit de monter (TB Chabath 88a).

v. 2 : Mochè s’approchera lui seul Du brouillard.

v. 3 : Mochè vint, il relata au peuple Ce même jour.

Toutes les paroles de Hachem L’ordre de se séparer de leurs femmes et de marquer des

limites.

Et toutes les ordonnances Les sept commandements donnés aux Noa‘hides, le Chabath, le

respect des père et mère, la vache rousse et l’institution de tribunaux, déjà donnés à Mara

(Mekhilta).

v. 4 : Mochè écrivit Depuis le mot beréchith jusqu’au don de la Tora, ainsi que les

mitswoth prescrites à Mara (Mekhilta).

Il se leva de bon matin Le cinq siwan (TB Chabath 88a).

v. 5 : Les jeunes gens (ne’arey Bné Israël) Les premiers-nés (TB Zeva‘him 115b).

v. 6 : Mochè prit la moitié du sang Qui donc l’avait partagé ? Un ange était venu et l’avait

partagé (TB Zeva‘him 97b).

Dans des bassins Il y avait deux bassins, l’un pour la moitié du sang de l’holocauste et l’autre

pour la moitié du sang des rémunératoires dont il aspergera le peuple. D’où l’enseignement de

nos maîtres : Nos ancêtres sont entrés dans l’alliance par la circoncision, par le bain

rituel et par l’aspersion du sang, car il ne peut y avoir aspersion sans bain rituel (TB

Kerithoth 9a).

v. 7 : Le livre de l’alliance Depuis la création du monde jusqu’au don de la Tora, ainsi que

les mitswoth prescrites à Mara.

v. 8 : Il aspergea C’est l’acte de l’aspersion, que le Targoum Onqelos rend par : « Il aspergea

l’autel en expiation pour le peuple. »

v. 10 : Ils virent le Eloqim d’Israël Ils ont regardé, ils ont contemplé, se rendant ainsi

passibles de la peine de mort. Toutefois, le Saint béni soit-Il n’a pas voulu troubler la joie de

la Tora, et Il a attendu, en ce qui concerne Nadav et Avihou, jusqu’au jour de l’inauguration

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18 @Francine Kaufmann

du tabernacle, et en ce qui concerne les Anciens d’Israël, jusqu’à : « Le peuple fut comme des

gémissants, […] le feu de Hachem brûla contre eux, il consuma dans l’extrémité (biqetsè) du

camp » (Bamidbar 11, 1). Il faut comprendre le mot biqetsè comme s’il était écrit : biqetsinim

(« les nobles ») qui étaient dans le camp.

Comme un ouvrage du brillant (livnath) du saphir Il était devant Ses yeux pendant le

temps qu’a duré la servitude afin de lui rappeler les souffrances d’Israël qui était asservi à la

fabrication de briques (levénim).

Et comme la substance des cieux quant à la pureté Dès l’instant de leur libération, il devint

devant Lui lumière et joie.

Et comme la substance Comme le rend le Targoum Onqelos : « comme l’apparence du

ciel ».

Quant à la pureté Expression de splendeur et d’éclat.

v. 11 et vers les nobles Ce sont Nadav, Avihou et les Anciens.

Il n’a pas envoyé Sa main D’où l’on apprend qu’ils auraient mérité qu’Il « envoie » Sa main

sur eux.

Ils virent ha-Eloqim Selon le Midrach Tan‘houma, ils L’ont regardé avec une effronterie qui

leur venait d’avoir mangé et bu. Quant au Targoum Onqelos, il ne traduit pas ainsi. Le mot

atsilei (« les nobles ») désigne les « grands », comme dans : « et d’entre ses grands (oumé-

atsiléha) je t’ai appelé » (Yecha’ya 41, 9), « Il préleva (wayatsél) de l’esprit qui [était] sur

lui » (Bamidbar 11, 25), « six coudées dans sa grandeur (atsila) » (Ye‘hezqel 41, 8).

v. 12 : Hachem dit à Mochè Après le don de la Tora.

Monte vers moi vers la montagne et sois là Quarante jours.

Les tables de pierre, et la Tora et la mitswa que j’ai écrites pour les enseigner Ce sont

toutes les six cent treize mitswoth incluses dans les Dix Commandements. Rabi Sa‘adia Gaon

a énuméré, dans ses azharoth, les mitswoth qui se rattachent à chacun de ces Dix

Commandements.

v. 13 : Mochè se leva, et Yehochou‘a son serviteur Je ne sais quel rôle joue ici Yehochou‘a

(Josué). Je pense que le disciple a accompagné son maître jusqu’à l’endroit qui marquait les

limites de la montagne, n’ayant pas le droit de les franchir. De là, Mochè est monté seul vers

la montagne de ha-Eloqim, tandis que Yehochou‘a y a planté sa tente et y a demeuré pendant

tous les quarante jours. Nous lirons en effet, quand Mochè est descendu : « Yehochou‘a

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19 @Francine Kaufmann

entendit le bruit du peuple dans sa clameur » (infra 32, 17), d’où nous apprenons que

Yehochou‘a n’était pas avec eux.

v. 14 : Et aux anciens il dit A sa sortie du camp.

Tenez-vous pour nous ici Et attendez ici dans le camp avec le reste du peuple afin d’être

disponibles pour rendre la justice dans chaque litige.

‘Hour C’était le fils de Miryam, et son père était Calev fils de Yefounnè, comme il est écrit :

« Calev prit pour lui Efrath, elle lui enfanta ‘Hour » (I Divrei Hayamim 2, 19). Or, Efrath

n’était autre que Miryam, comme indiqué dans le traité Sota (11b).

Celui qui aura des affaires s’approchera d’eux Celui qui aura un procès.

v. 16 : La nuée la couvrit Nos maîtres sont en désaccord à ce sujet. D’aucuns soutiennent

qu’il s’agit des six jours qui s’étendent de Roch ‘hodech à Chavou‘oth, jour du don de la Tora

(TB Yoma 4a et b).

La nuée la couvrit La montagne.

Il appela Mochè le septième jour du milieu de la nuée Pour proclamer les Dix

Commandements. Cela s’est passé en présence de Mochè et de tout Israël, mais le texte a tenu

ici à faire honneur à Mochè. D’autres soutiennent que la nuée a couvert Mochè pendant six

jours, et ce après la proclamation des Dix Commandements. Ces six jours se situent au début

des quarante que Mochè a passés sur la montagne pour recevoir les tables de la loi, et cela

t’enseigne que celui qui pénètre dans le camp de la chekhina est tenu à un isolement préalable

de six jours (ibid.).

v. 18 : Au milieu de la nuée (‘Anan) Cette nuée était comme de la fumée, à l’intérieur de

laquelle le Saint béni soit-Il a ménagé un chemin à l’intention de Mochè (TB Yoma 4b).

*****