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LE DESIGN & L’OBJET- LIVRE

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LE DESIGN &

L’OBJET-

LIVRE

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Année 2009 – 2010

Lionel De Oliveira Sciences Po Lyon

Master 2 « Communication, Culture & Institutions »

LE DESIGN &

L’OBJET-LIVRE

Mémoire professionnel

Tutrice enseignante

Mme Valérie COLOMB

Maître de Conférences

Sciences Po Lyon

Tutrice de stage

Mme Marie-Haude CARAËS

Directrice de la recherche

Cité du design

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Remerciements

À l’heure de mettre un terme à ce mémoire, il convient de

remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont été

pour moi d’une précieuse aide durant cette année.

Je remercie Jean-Michel Rampon, responsable

pédagogique du master « COMCI », Fabrice Buisson, en

charge de la formation continue, et Nadine François qui tous

trois m’ont conseillé et accueilli avec sympathie à Sciences Po

Lyon. Je pense également à Valérie Colomb, ma tutrice-

enseignante, qui a été présente quand j’en avais besoin. Une

pensée particulière à mes camarades de master qui ont su me

montrer avec force, et beaucoup de convivialité, combien

mes a priori sur les étudiants de Sciences Po étaient faux.

Je remercie toutes les personnes de la Cité du design

à Saint-Étienne qui m’ont accueilli cordialement, et tout

spécialement le département recherche & édition dans son

grand complet (salariés et stagiaires) : Astrid, Blandine,

Caroline, Delphine et Émilie. Durant 6 mois, je suis venu avec

plaisir à la Cité du design. Des remerciements très sincères à

Marie-Haude Caraës, directrice du département recherche &

édition et tutrice de mon stage, qui a choisi pour stagiaire un

spécialiste de l’histoire romaine faisant un master à Sciences

Po et qui ne connaissait pas grand-chose au design. Je la

remercie de m’avoir fait découvrir et apprécier véritablement

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ce qu’est le design, de m’avoir fait confiance et de ne m’avoir

jamais réduit à un rôle de simple stagiaire.

Je remercie toutes les personnes qui m’ont aidé

durant mes recherches, qui ont répondu à mes mails et à mes

questions : Nawal Bakouri (directrice de la galerie Anatome),

Oscar Diaz (designer), Damien Cabrol (Cité du design), Carole

Rinaldi (Cité du design), Julien Bergignat (designer), Amaury

Poudray (designer), Chloé Heyraud (artiste-designer), Goliath

Dyèvre (designer), Patrick Nadeau (designer).

Le travail et la volonté n’étant pas tout, je souhaitais

ardemment et sincèrement remercier l’intégralité de mes

amis pour leur soutien inconditionnel et indéfectible : Lydie et

ses sms, Émilie et ses passages éclairs mais inestimables,

Laurent pour les pauses bière-piscine et tous les autres qui

étaient avec moi par la pensée. Un très grand merci à Manuel

de Souza, un ami précieux, qui a assuré les relectures.

Je désirerais conclure en remerciant mes parents et

ma famille qui depuis le début de mes études m’ont

continuellement soutenu, également ces dernières années et

cela même si les tenants et les aboutissants de mes

recherches ne sont pas toujours très clairs pour eux.

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ans les livres, je vois les morts revivre ; dans les livres, je

prévois l’avenir ; dans les livres les affaires guerrières

sont dévoilées ; des livres sortent les droits légitimes de la

paix. Tout s’altère et se gâte au fil du temps, et ceux que

Saturne engendre, il ne cesse de les dévorer. L’oubli recouvrirait

toute la gloire du monde si Dieu n’avait donné aux mortels les livres

comme remède. *…+ Enfin, regarde quel superbe enseignement se

trouve dans les livres. Avec quelle simplicité, quelle discrétion, quelle

sûreté, les livres mettent à nu sans honte la pauvreté de l’ignorance

humaine. Voici des maîtres qui enseignent sans baguette ni férule,

sans un mot de colère, sans se faire payer en argent ou en

vêtements. Qu’on les approche, ils ne sont point endormis, qu’on les

interroge, ils ne se cachent pas, si l’on se trompe, ils ne vous

grondent pas, et si vous faites preuve d’ignorance, ils ne se moquent

pas de vous. Ô livres ! Vous êtes libres et généreux.

Richard de Bury (1287 – 1345), évêque anglais fondateur de la bibliothèque d’Oxford

our moi, le design est une façon de discuter de la vie, de la

société, de la politique, de l’érotisme, de la nourriture et

même du design. Au fond, c’est une façon de construire

une sorte d’utopie figurative ou métaphorique de la vie. En

tout cas, je ne pense pas que le design doive se contenter de donner

une forme à un produit plus ou moins imbécile pour le compte d’une

industrie plus ou moins sophistiquée.

Tout est design, c’est une fatalité.

Ettore Sottsass (1917 – 2007), architecte et designer italien

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TABLE DES MATIERES

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Remerciements p.4

Avant-propos p.7

Table des matières p.11

INTRODUCTION p.17

PARTIE 1 : ÉTAT DES LIEUX

IL ÉTAIT UNE FOIS LE LIVRE p.23

L’Antiquité p.24 Les temps pré-alphabétiques

L’Antiquité gréco-romaine

Du volumen au codex

Le Moyen-Âge p.30 L’Âge monastique

Le temps des universités

La révolution de l’imprimerie

L’époque moderne p.38 L’hégémonie du livre

De l’accalmie à l’effervescence

L’époque contemporaine p.42 L’industrialisation du livre

Le livre partout

La révolution numérique

DESIGN, WHAT ELSE ? p.53

Un peu d’histoire p.54 Au commencement était le design

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L’évolution des objets

L’affirmation du design

Une définition, des visions p.63 Le design est-il omnipotent ?

LE LIVRE ET L’ÉDITION AUJOURD’HUI p.67

Pourquoi le livre ? p.68 Le livre, moule de la pensée occidentale

Les détracteurs

Livre-papier vs Ordinateur

La politique du livre p.71 Les aides

Le prix unique du livre

L’édition en France p.76 Quelques chiffres

La concentration éditoriale

Les problèmes de l’édition (et du livre) aujourd’hui

PARTIE 2 : QUAND LE DESIGN RENCONTRE LE LIVRE

L’AVIS DES DESIGNERS p.87

Le livre, une passion dévorante ? p.88

Le livre, une muse ? p.92

Un avenir en rose ? p.94

LE LIVRE INTERACTIF p.101

Les traditionnels p.102

Les connectés p.104

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Les novateurs p.1088

LE LIVRE ÉLECTRONIQUE p.113

L’arrivée du numérique p.114

Les projets p.118

LE TRAVAIL GRAPHIQUE & ARCHITECTURAL p.133

Impression p.135

Pliage p.137

Reliure p.142

Format p.145

Matériaux p.147

Interaction p.149

LE LIVRE COMME SOURCE D’INSPIRATION p.155

Le livre facilité p.156

Le livre repensé p.161

Le livre réutilisé p.169

OUVERTURE p.175

CONCLUSION GÉNÉRALE p.183

Bibliographie p.189

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INTRODUCTION

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Le design & l’objet-livre … drôle de mariage ! Qu’y-t-il

de plus abstrait que le design et qu’existe-t-il de plus

concret qu’un livre ? Toutefois, comme le disait

Plutarque (46 – 125 ap. J.-C.), « la barbe ne fait pas le

philosophe1 » et n’est pas si abstrait ou concret celui

qu’on pense.

À la croisée des chemins entre ma passion pour

l’histoire, mon master 2 « Communication, Culture et

Institutions » à Sciences Po Lyon et ma découverte du

design et du monde de l’édition durant mon stage, se

trouvait le livre. Sans se lancer dans une surenchère de

termes élogieux, quoi de plus merveilleux qu’un livre ? Il

est l’hôte de tous les superlatifs et attire les opposés,

petit mais renfermant des milliards d’univers, plat mais

avec tellement de profondeur, support de l’écriture mais

également tremplin de l’imagination, etc. Mon goût

(couteux) pour le livre m’a donc guidé et c’est avec un

autre regard que j’ai souhaité l’aborder.

Le design & l’objet-livre … un vaste sujet ! C’est sans

aucune restriction que l’objet-livre va être évoqué, qu’il

s’agisse du contenant ou de la forme, du contenu, mais

sans se focaliser sur un aspect en particulier.

Le livre est souvent présenté comme une forme

stable qui paraissait, jusqu’à aujourd’hui, immuable.

1 Barba non facit philosophum.

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Malgré le très grand nombre d’éditeurs existant, et par

conséquent de livres qu’ils publient chaque année, il n’y

a jamais eu la moindre modification dans leur forme.

Celle-ci est donc restée inchangée depuis l’invention du

codex. À partir des années 1980, l’électronique a

bouleversé le monde ; aujourd’hui la révolution

numérique est en passe d’entraîner des changements

tout aussi profonds dans notre civilisation et finalement

de rattraper l’objet-livre. C’est face à ces évolutions que

le monde du livre s’agite et s’interroge. La question de

sa matérialité, de sa morphologie, est à la mode. « Tant

que le règne du papier était sans partage, il était difficile

de voir l’objet sous le concept. Pour observer le bocal,

dit-on, mieux vaux ne pas être poisson2. » C’est donc en

tachant de ne plus être un poisson que nous allons

étudier l’objet-livre.

Les designers semblent être particulièrement

doués à ce genre d’exercice schizophrénique. Mais au

fond se demande-t-on depuis notre bocal, qu’est ce que

le design ? Une philosophie ? Une science ? Un art ?

Une pratique vaudou ? À notre niveau, la réponse la plus

pertinente semble être un peu tout cela à la fois. C’est

donc à travers les yeux de ces sorciers des temps

modernes que nous allons aborder l’objet-livre.

2 M. Melot, Livre, Paris, L’œil neuf éditions, 2006, p. 18.

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Le design & l’objet-livre … quelle pertinence ? L’un est

un processus, l’autre un produit sacralisé par le temps,

mais tous deux ont des origines nimbées de mystères,

une longue et riche histoire, et tous deux arrivent à un

tournant de leur évolution. Le livre, unique écrin des

pensées de la société, et le design, qui aborde cette

société, l’analyse, s’en nourrit et la nourrit pour

solutionner tous ses problèmes, sont inévitablement

amenés à travailler ensemble et à réfléchir l’un sur

l’autre.

Nous allons donc voir dans quelle mesure

l’approche du design répond aux défis qui attendent

l’objet-livre ?

Afin de bien cerner tout l’étendue et la

complexité du sujet, nous débuterons par un large état

des lieux qui abordera l’histoire du livre, tâchera

d’éclairer les tenants et les aboutissants du design et

finira en étudiant la situation du livre aujourd’hui. Dans

un second temps, nous nous confronterons à l’avis des

designers sur l’objet-livre et à leur travail à travers

différents projets qui traitent le thème sous des angles

différents.

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ETAT

DES LIEUX

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IL ETAIT UNE FOIS LE LIVRE

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Déambuler face à des étagères, avoir le regard attiré par

une couverture, la saisir, la toucher, sentir le papier sous

ses mains puis, finalement, feuilleter les pages de ce

livre. Voici des gestes que nous faisons quotidiennement

sans y réfléchir, ils sont devenus banals, voire anodins.

Néanmoins, le livre peut s’enorgueillir d’une histoire

riche et quasi bimillénaire qu’il est fondamentale de

connaître pour appréhender et étudier l’objet-livre.

L’ANTIQUITÉ

Les temps pré-alphabétiques

Depuis la nuit des temps, figures, images, inscriptions

archaïques et proto-écritures constituent autant de

marques et de traces laissées par les passages humains

et par les sociétés successives. Ils livrent témoignages,

fragments de mémoires, de présences et de signes.

« Ces signes, images, inscriptions et motifs

préhistoriques constituent, pour les chercheurs, un état

originaire du graphisme et de la graphie qui anticipe

l’écriture de plusieurs milliers d’années3 ». Cette

dernière, Roxane Joubert la définit « comme un

ensemble de signes pouvant s’organiser spatialement,

relever d’un arrangement spécifique, fonctionner

3 R. Joubert, Graphisme, Typographie, Histoire, Paris, Flammarion,

2005, p.18.

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comme un code et inscrire un langage ». L’apparition de

l’écriture est habituellement située par la communauté

scientifique dans la seconde moitié du IVe millénaire av.

J.-C.

Dites « pré-alphabétiques », les premières

formes connues d’écriture apparaissent en

Mésopotamie (cf. image 1), au Proche-Orient et en

Egypte. Elles s’associent à de nombreux matériaux –

comme le bois, l’argile, la pierre, l’ardoise, l’os, la

coquille, le tissu, la brique, le papyrus, ou encore la peau

animale – dont les propriétés et caractéristiques ont une

influence sur les formes du support et donc sur

l’écriture. Les Égyptiens collent des pages successives de

papyrus afin de constituer une longue bande roulable

(cf. image 2). Les rouleaux égyptiens, précurseur du

volumen gréco-romain, sont donc au nombre des

principaux ancêtres du livre.

1 – Tablette pictographique pré-cunéiforme,

argile, basse Mésopotamie, v. 3100 av. J.-C.

Env. 4,5 x 4 cm. Compte de vache (angle

surmonté d’une courbe) et de moutons

(croix dans un cercle).

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L’Antiquité gréco-romaine

Les premiers textes littéraires de l’Antiquité n’existaient

parfois qu’en un seul exemplaire, le manuscrit original

rédigé par l’auteur en personne. L’oral restait la règle,

comme le rappelle Pierre Hadot : « les textes antiques

s’inséraient dans un contexte énonciatif davantage que

nos livres modernes4 ». Pour un philosophe comme

Platon l’écriture, tout comme la peinture, est suspecte

car elle n’est que l’image des paroles. Parce qu’on ne

peut le questionner ni être questionné par lui, un livre

ne contient rien d’autre qu’un savoir figé, mort. Pour

4 P. Hadot, La philosophie comme manière de vivre, Paris, Albin

Michel, 2001.

2 – Papyrus inscrit enroulé, rouleau, Égypte,

époque ptolémaïque, IIIe-IIe siècles av. J.-C.

3 – Jeune femme lisant un

volumen, fresque de

Pompéi (détail), Ier siècle.

3 – Jeune femme lisant un

volumen, fresque de

Pompéi (détail), Ier siècle

après J.-C.

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Platon la pensée, afin de rester vivante, doit suivre la

voie du dialogue5. Des œuvres comme L’Iliade et

l’Odyssée sont fixées, vraisemblablement après la mort

de leur(s) créateur(s). Les textes sont rédigés à partir

d’un enseignement oral, en présence des élèves, ou lus

en public.

L’Antiquité gréco-romaine voit se multiplier les

supports du texte et de l’image mais la forme du

volumen domine (cf. image 3). Les origines du codex

sont obscures, mais essentielles pour l’affirmation et

l’avenir de ce qui deviendra notre livre, et car elles ont

marqué notre subconscient.

Du volumen au codex

Le codex a été inventé à Rome. Salluste6 nous rapporte

que Jules César aurait rédigé ses célèbres « cahiers »

dessus. Le poète Martial, vers 85 ap. J.-C., conseille, dans

une de ses épigrammes, à ses lecteurs qui veulent

emporter leur livre partout avec eux d’acheter ces

nouveaux exemplaires compacts écrits sur une peau,

que l’on peut tenir d’une seule main7. Comme nous le

5 Ph. Ricaud, « Contre le livre : le biblioclasme comme posture

intellectuelle », in P. Lardellier, M. Melot (dir.), Demain, le livre,

Paris, L’Harmattan, 2007, p. 160. 6 Homme politique, militaire et historien romain (86 –34 av. J.-C.),

ami de Jules César. 7 Martial, Epigrammes, I, 3.

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dit Michel Melot8 :« les avantages du codex sur le

rouleau paraissent évidents *…+ : le codex est compact,

ne risque pas de s’écraser ; on peut l’ouvrir et le fermer

sans avoir à le “rembobiner” ; il se manipule avec

facilité, même d’une seule main, ce qui permet de

libérer l’autre pour écrire ; il se tient plus près du corps

du lecteur, dans presque n’importe quelle posture, et

favorise l’intimité avec le contenu et notamment la

lecture silencieuse, tandis que le rouleau a quelque

chose de solennel et d’encombrant qui convient mieux

aux lectures publiques *…+ ; le codex s’empile et se range

plus facilement que les rouleaux qu’on devait glisser

dans des alvéoles ou laisser s’effondrer sous le poids des

autres ; son étiquetage aussi est visible, sur le plat ou le

dos, alors que le repérage des rouleaux nécessitait des

bandelettes spéciales peu visibles et des enveloppes,

puisque, une fois rangé, le rouleau ne présente aux yeux

que l’axe, souvent vide, autour duquel il s’enroule ; le

codex permet l’indexation de ses parties puisqu’il se

divise en pages auxquelles le lecteur a accès de manière

presque immédiate ; etc.» Malgré tout le rouleau

continua d’être utilisé dans les milieux littéraires de

manière presque exclusive, l’usage du codex mit quatre

siècles à s’imposer.

8 M. MELOT, Livre, Paris, L’œil neuf éditions, Collection L’âme des

choses, 2006, p. 19.

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Le développement du codex semble lié à celui du

christianisme ; les rares fragments, parvenus jusqu’à

nous et datés des premiers siècles, sont des objets

chrétiens. Les chrétiens seraient, en effet, devenus les

promoteurs de ce nouveau support. Pour un de ses

spécialistes, Joseph Van Haelst, le phénomène « peut

s’expliquer aisément pour trois raisons : l’Évangiles n’est

pas un livre littéraire ordinaire, c’est un manuel de vie

qu’il fallait constamment utiliser aussi bien dans la

liturgie que dans la vie privée. Ensuite, c’est un livre

nouveau, il subissait donc moins que les œuvres

classiques les contraintes culturelles du volumen. Enfin,

dans les communautés hiérarchisées comme l’étaient les

premières communautés chrétiennes *…+, la circulation

des idées et des choses était plus rapide et plus

cohérente9 ». Selon C. H. Roberts et T. C. Skeats, la

préférence des chrétiens pour le code n’a pas que des

raisons techniques, pratiques ou économiques : « Elle

postule une motivation puissante de caractère religieux.

Un Évangile écrit dès le départ sur codex aurait, en

raison de son autorité, imposé sa forme aux autres écrits

bibliques et ensuite à toute la littérature chrétienne10 ».

9 J. Van Haelst, Les Débuts du codex, Actes de la journée d’études

organisée à Paris les 3 et 4 juillet 1985 par l’Institut de papyrologie

de la Sorbonne et l’IRHT, A. Blanchard (éd.), Turnhout, Brepols,

1989, p. 34. 10 Ibid., p.28.

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Michel Melot de conclure : « le codex, ce livre que vous

tenez entre vos mains et lisez seul en silence, est donc

cet objet particulier, solidaire d’un contenu définitif,

figé, intangible, un objet qui enclot la Vérité dans une

forme pratique et privative. Voilà ce que n’étaient ni la

stèle ni le rouleau *…+. À ce titre, tout rouleau est une

proclamation, tout codex est un évangile11 ».

LE MOYEN-ÂGE

L’Âge monastique

Après l’effondrement de l’Empire romain, et finalement

sa chute en 476 ap. J.-C., l’activité de reproduction des

textes, auparavant répartie entre les grandes

bibliothèques publiques et les ateliers de copistes, se

concentre dans les monastères et les couvents (cf. image

4). La majorité de la production est à caractère religieux

(Bible, œuvres des pères de l’Église, etc.) mais il existe,

tout de même, une certaine variété des textes copiés

(ouvrages pédagogiques, œuvres antiques) (cf. images 6

et 7). La dispersion géographique des monastères

favorise une grande diversité esthétique des ouvrages.

Des styles régionaux très nettement différenciés se

développent dans l’ornementation comme dans

l’écriture. Charlemagne (742-814) tente d’harmoniser le

11 M. Melot, op. cit., p. 24.

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monde du livre (emploi du latin, règle d’écriture, etc.),

notamment en cherchant à imposer l’emploi de la

minuscule carolingienne (cf. image 5).

4 – Scribe médiéval, gravure

sur bois, Paris, 1526.

6 – Page de la Bible de

Winchester, Grande-

Bretagne, XIIe siècle.

7 – Ugo Cappellarii

(scribe), ouvrage de textes

médicaux, Paris, v. 1280.

5 – Minuscules carolingiennes,

France et Allemagne. De haut en bas

v.800, IXe siècle, VIIIe siècle, v. 993.

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Les pratiques de l’écrit, même si elles se montrent déjà

évoluées durant l’Antiquité, découvrent de nouvelles

transformations qui vont traverser les siècles : l’usage de

l’abréviation pour accélérer le travail du scribe, celui de la signature

et de la réclame, qui permettent au relieur de retrouver l’ordre des

cahiers au moment de les assembler définitivement, la

hiérarchisation du texte par l’utilisation d’initiales plus ou moins

grandes ou plus ou moins enluminées, la mise en évidence de

certains passages importants par la rubrication, etc.

Le codex antique pouvait être formé de tablettes de bois

reliées, le livre médiéval est constitué à partir de feuilles pliées,

assemblées en cahiers et finalement cousues. Ces pages, ou

parchemins, étaient confectionnées avec une peau animale

spécialement préparée pour recevoir l’écriture et réaliser des

ouvrages. Somptueux, le livre médiéval est un objet de luxe

accessible à une minorité lettrée et aisée.

Le temps des universités

Aux douzième et treizième siècles, les monastères

perdent l’exclusivité de l’écrit. Les universités

commencent leur développement12, les savoirs

dispensés se diversifient : textes historiques, juridiques,

philosophiques ou scientifiques, écrits par des auteurs

anciens – Aristote, Ptolémée – ou contemporains –

Abélard, Thomas d’Aquin – et même musulmans –

Avicenne, Averroès. Par ailleurs, la demande

quantitative et qualitative s’accroît considérablement :

12 Bologne en 1119, Oxford en 1133, Padoue en 1221, la Sorbonne

en 1257, Cambridge en 1284, etc.

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pour suivre les cours, chaque étudiant doit disposer du

texte que commente le maître, dans une version aussi

fiable que possible (cf. image 8) : « Les grandes

universités mettent alors en place le “ système de la

pecia ”, qui permet une meilleure diffusion des textes

par l’intermédiaire de libraires assermentés appelés

“stationnaires”13 ». Ces derniers disposent d’un

manuscrit, qui a été vérifié par un maître universitaire,

et sont autorisés à en louer individuellement les cahiers

à des étudiants souhaitant le copier pour leur usage. Ils

peuvent, également, engager des copistes pour en

fabriquer et vendre de nouveaux exemplaires.

Le livre va sortir doucement des espaces

monastiques, les métiers du livre vont se réunir en

corporations au sein d’ateliers laïques. L’Europe va

traverser une phase d’alphabétisation, cependant

encore limitée. Le livre est accessible à la bourgeoisie,

aux marchands, enseignants et étudiants des

universités : « Pour répondre à une demande croissante

de textes, liées à une commande toujours plus

pressante, une tendance à la simplification et à la

normalisation de l’écrit succède à l’étonnante diversité

des genres qui avait pu se déployer auparavant14. »

13 St. Darricau, Le livre, Paris, Pyramyd NTCV et Centre National de

Documentation Pédagogique (CNDP), 2004, p. 14. 14 R. Joubert, op. cit., p. 31.

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L’écriture gothique (cf. image 9) tend à remplacer la

minuscule carolingienne, la foliation apparait, les chiffres

arabes s’imposent, etc.

La multiplication des manuscrits que connait

l’Occident est facilitée par l’apparition du papier (cf.

image 10). Venu de Chine, où il est fabriqué depuis près

de mille ans, il est introduit en Europe par les Arabes au

XIIe siècle. Les techniques évoluent elles aussi, le livre

devient un objet d’art et les artisans font des prouesses

(cf. image 11). Le procédé xylographique, qui utilise

comme forme imprimante une planche de bois gravée

en relief, est utilisé dès le quatorzième siècle. Inventée

en Chine, où les premiers livres imprimés prennent la

forme de rouleaux comme le célèbre Sûtra du Diamant

(868 ap. J.-C.), la xylographie demande une patience et

un savoir-faire exceptionnels. C’est encore des contrées

asiatiques que viendra la prochaine révolution.

Une nouvelle fois l’innovation arrive de l’Est. Un

texte chinois de la fin du XIe siècle mentionne les

expérimentations d’un forgeron du nom de Bi Sheng. Ce

dernier aurait confectionné des caractères gravés dans

l’argile puis durcis à la cuisson et finalement enchâssés

sur une plaque de fer. « Les signes découvrent solidité et

longévité avec le recours au métal fondu15 » et sont

utilisés en Corée dès 1230.

15 R. Joubert, op. cit., p. 36.

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La révolution de l’imprimerie

8 – Un cours de droit à l’université

de Bologne au XVe siècle.

9 – Gothique bâtarde classique,

manuscrit extrait d’un livre ayant

appartenu à l’empereur

Maximilien Ier, v. 1467.

10 – Gravure représentant un

moulin à papier médiéval, XVIe

siècle.

11 – Livre d’heures à l’usage

d’Amiens, double page

cordiforme, Picardie, XVe siècle.

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En Europe différents facteurs s’associent

(multiplication des universités, apparition du papier,

alphabétisation) pour augmenter la pression sur les

éditeurs et, ainsi, favoriser la recherche et les

innovations. Les ouvrages se rapprochent encore du

livre tel qu’on le connait, justification des lignes, page de

titre, caractères italiques, etc. Finalement plusieurs

imprimeurs européens réfléchissent à un procédé plus

facile et performant pour la reproduction en grande

quantité des textes. Johannes Gensfleish zur Laden zum

Gutenberg – dit Gutenberg – semble avoir été le premier

à réunir les différentes solutions techniques nécessaires.

Vraisemblablement vers 1440, il finalise son procédé

d’impression typographique à base de lettres mobiles en

métal et d’un pressoir en bois emprunté aux vignerons

(cf. image 12). Entre 1452 et 1455, Gutenberg imprime

sa célèbre Bible à 42 lignes (cf. image 13) qui est sa

démonstration à l’Europe du savoir-faire de son atelier. Jalousement gardés par quelques initiés, les

secrets de l’imprimerie typographique vont, malgré tout,

se répandre rapidement dans les grands centres urbains

et engendrer, ainsi, une évolution majeure pour les

sociétés occidentales. Comme le dit Stéphane Darricau :

« la rencontre du procédé typographique et de la pensée

italienne de la Renaissance constitue un événement aux

formidables conséquences *…+. La diffusion des textes de

l’Antiquité qu’affectionnent les intellectuels humanistes

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connaît un accroissement considérable : en quelques

décennies les auteurs classiques latins et grecs

détrônent dans la production imprimée les docteurs de

la scolastique médiévale, changeant à jamais le visage de

la culture européenne16. »

16 St. DARRICAU, op. cit., p. 20.

12 – Presse à imprimer, gravure,

v. 1500. Cette gravure représente

la marque de Josse Bade, libraire

imprimeur de 1503 à1535.

13 – Bible de 42 lignes, Gutenberg,

imprimée à Mayence entre 1452 et

1455.

14 – Première édition

de la Bible de Luther

traduite en allemand,

Wittenberg, 1534.

Page de titre.

Page 38: LE DESIGN - DoYouBuzz

38

L’EPOQUE MODERNE

L’hégémonie du livre

D’importants centres de production ouvrent à travers

l’Europe en suivant les routes du commerce : Mayence,

Strasbourg, Lyon, Paris, Venise, Bâle, Anvers, etc. Le livre

voyage, les grands libraires ouvrent des succursales dans

différentes villes. L’aspect général des ouvrages tend à

se faire moins massif, on cherche la lisibilité et la clarté.

L’humanisme venu d’Italie va apporter avec lui les

caractères romains.

L’influence et le pouvoir de l’imprimerie vont se

manifester pleinement avec la Réforme. La Bible de

Luther sort de presse par centaines de milliers

d’exemplaires et inonde l’Europe dès 1518 (cf. image

14). Alors qu’en 1454, le premier témoignage sur

l’invention de l’impression typographique émane d’un

homme d’Église et parle d’un ars mirabilis, en 1564 le

concile de Trente créé l’Index où sont listés les ouvrages

interdits à la production. Malgré tout, le livre se répand

partout, jusque dans les campagnes où il est apporté par

les colporteurs ambulants et leurs almanachs,

abécédaires, etc.

En France, les autorités publiques favorisent,

globalement, l’édition et se veulent protectrices des

lettres, attitude qui va perdurer jusqu’à nos jours. En

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39

1537, François Ier créé le dépôt légal à mi-chemin entre

le contrôle des éditions et leur protection. Les éditeurs,

imprimeurs et libraires se retrouvent obligés de déposer

auprès des autorités un exemplaire de tout livre

imprimé. C’est également François Ier qui commande à

Claude Garamond les célèbres caractères qui portent

son nom. Si au début du XVIe siècle la France se

distingue, le poids du contrôle et la pression religieuse

vont avoir raison de cet essor.

De l’accalmie à l’effervescence (XVIIe-XVIIIe siècles)

Au sortir de la Renaissance, le climat politique et social

est extrêmement tendu à cause d’importantes guerres

religieuses et de la montée de l’absolutisme. Le livre

semble reposer sur les legs du passé (caractères

typographiques, équipement, format, etc.), certaines

grandes dynasties d’imprimeurs et d’éditeurs se

perpétuent et peu d’innovations marquantes sont à

relever. Les évolutions dans le monde du graphisme et

de l’imprimé se déplacent vers la presse et les affiches

qui apparaissent et se développent.

Avec le XVIIIe siècle, la création typographique

reprend. L’Imprimerie royale, créée par Richelieu en

1640, lance la création du romain du roi, un caractère

qui lui est réservé et qu’elle utilisera jusqu’en 1811. Le

siècle sera marqué par de profondes mutations, les

Lumières changent les esprits en Europe. La période est

Page 40: LE DESIGN - DoYouBuzz

40

pleine d’effervescence dans tous les domaines,

intellectuels, techniques, sociaux, politiques, etc. En

Angleterre, les débuts de la révolution industrielle

annoncent de grands changements17. La Révolution

française, à partir de 1789, achèvera de faire s’échauffer

le continent.

Les modifications du caractère romain, le

développement des alphabets fantaisie, l’expansion de

certains supports, l’esthétique intérieure du livre, etc.,

l’époque enregistre un important renouveau. Les

écrivains entreprennent des expériences autour de la

mise en page et de la composition. Ainsi, Laurence

Sterne (1713-1768) laisse volontairement des pages

blanches, voire noires (cf. image 15). Il joue, également,

avec la ponctuation, la regroupe, l’associe ou l’organise

afin de créer des effets visuels justifiant tout cela ainsi :

« La meilleure preuve de respect que l’on puisse donner

à l’intelligence du lecteur, c’est de lui laisser

amicalement quelque chose à imaginer18. » William

Blake, aux alentours de 1790, essaie des associations

inhabituelles entre texte et image (cf. image 16). À

l’approche du XIXe siècle, le livre se démarque des

traditions et explore de nouvelles voies (cf. image 17).

17 James Watt fabrique la première machine à vapeur en 1776. 18 Cité dans le dictionnaire Le petit Robert, Paris, 1980, p. 1744.

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41

15 – Laurence Sterne,

doubles pages de The Life

and Opinions of Tristram

Shandy, Gentleman,

Grande-Bretagne, 1759-

1767.

16 – William Blake, deux

pages du livre illustré

America a Prophecy,

édité en 1793. Gravure

à l’eau-forte.

17 – Manuscrit, recueil

de traités grammaticaux,

Turquie, XVIIIe siècle.

Page 42: LE DESIGN - DoYouBuzz

42

L’ÉPOQUE CONTEMPORAINE

L’industrialisation du livre

La Révolution industrielle, qui transforme l’Europe

durant la première moitié du dix-neuvième siècle, va

bouleverser en profondeur le monde du livre. Grâce au

progrès de la scolarisation19, le nombre de lecteurs

augmente de manière remarquable. Le livre va pouvoir

suivre ce développement sans précédent grâce à

plusieurs innovations qui en font un objet industriel.

Le Français Louis-Nicolas Robert invente, en

1798, une machine pour fabriquer le papier en continu

(cf. image 18). En plus de permettre une augmentation

spectaculaire de la production de papier, cette invention

autorise aux éditeurs, auteurs, artistes de se dégager de

la contrainte de la taille de la feuille de papier. Le

chiffon, matériau principal de l’industrie papetière

depuis le treizième siècle, venant à manquer

rapidement, l’Allemand Henri Voelter invente le procédé

pour fabriquer du papier à partir de la cellulose de bois.

Ces nouveautés permettent de répondre à la demande

croissante en papier car l’imprimerie n’échappe pas au

processus d’industrialisation. À partir de 1797, les

premières presses entièrement métalliques doublent les

19 En France, la loi Guizot (1833) et la loi Ferry (1881) rendent

obligatoire, mais gratuit, l’enseignement primaire.

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43

capacités de la presse à bras de Gutenberg passant de

1500 à 3000 feuilles par jour. Finalement apparait, en

1814, la presse mue par la vapeur avec son tirage de

1000 feuilles par heure. Utilisée à Londres pour le

journal The Times, cette dernière fait entrer l’imprimerie

dans le monde industriel.

Le contenu même des livres évolue grâce à

l’invention de la lithographie20 en 1796. La part de

l’iconographie augmente considérablement. L’image se

répand dans les éditions scientifiques et techniques,

mais aussi dans la littérature. Ainsi, les romans de Jules

Vernes sont ornés d’une riche iconographie (cf. image

19). L’invention de la photographie, annoncée en 1839 à

Paris, va encore élargir les possibilités iconographiques

grâce à la photogravure qui permet la reproduction des

images.

Après les innovations du début du siècle, les

techniques de l’imprimerie connaissent à nouveau des

transformations. En 1840, la presse rotative est inventée

aux États-Unis. Un cylindre rotatif et encré

mécaniquement va remplacer l’impression à plat (cf.

image 20). C’est un américain également, Ottmar

20 L’artiste exécute le tracé sur une pierre calcaire, ensuite celle-ci

est humidifiée puis finalement l’encre grasse est déposée. L’encre

est repoussée par l’eau partout sauf sur le tracé. On peut ensuite

déposer une feuille de papier et passer sous presse.

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44

Mergenthaler, qui dévoile en 1886 sa machine linotype.

Celle-ci associe la fonte et la composition des caractères

(cf. image 21).

Combinées avec les bobines de papier, la

mécanisation de la composition typographique et la

rotative vont permettre un gain de temps considérable

et une inflation des tirages. Le livre est accessible à tous

et partout.

18 – Machine à faire du

papier en continu.

20 – La presse rotative

(1867) construite par

Hippolyte Marinoni pour

Le Petit Journal.

Page 45: LE DESIGN - DoYouBuzz

45

Le livre partout

Le XIXe siècle voit l’association des innovations

techniques, avec l’évolution de la société pour

multiplier, diffuser et désacraliser l’objet-livre : « La

lecture n’est plus cette activité mystérieuse réservée à

une élite de gens cultivés, mais devient un passe-temps

accessible au plus grand nombre21. » Les bibliothèques

de prêt apparaissent à l’initiative d’associations

philanthropiques ou des pouvoirs publics. Les éditeurs

comprennent rapidement que leur intérêt est de

proposer des ouvrages plus variés et accessibles à toutes

sortes de populations.

21 St. Darricau, op. cit., p.29.

19 – Jules Verne, Vingt Mille

lieues sous les mers, 1869,

gravure, Alphonse de Neuville

et Édouard Riou.

21 – Machine linotype,

modèle 8, États-Unis.

Page 46: LE DESIGN - DoYouBuzz

46

Le mouvement de scolarisation va encourager le

développement de l’édition pédagogique, le livre

scolaire devient très lucratif et soumis à une importante

concurrence. Les ouvrages de vulgarisation scientifiques

et techniques se multiplient dans tous les domaines

(cuisine, physique-chimie, techniques industrielles, etc.)

(cf. image 22). La production de livres illustrés, de

romans, d’almanachs, de récits de voyages, recueils de

contes et de nouvelles, etc. s’envole.

L’expansion des transports accélère également le

mouvement en ouvrant l’ère de « la lecture en

mouvement22 ». Le livre ne reste plus confiné à des

domaines très littéraires, il accompagne l’évolution de la

société. En France, l’éditeur Louis Hachette lance sa

Bibliothèque des chemins de fer (1853). Il est le premier

à prendre conscience de l’intérêt du livre de poche,

vendu à bas prix dans les kiosques de gares. Les textes

sont choisis pour plaire au plus grand nombre. En

parallèle aux transports, le développement des voyages

donne naissance au guide touristique (cf. image 23).

Le développement du livre continue au XXe

siècle. Le livre de poche connait un essor important

durant l’entre-deux-guerres avec des collections comme

Albatross (1932) en Allemagne, ou Penguin Books (1935)

(cf. image 24) en Grande-Bretagne. Le livre devient un

22 St. Darricau, op. cit., p. 34.

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47

objet de consommation. Il est donc nécessaire d’en

assurer la promotion comme pour n’importe quel objet.

L’aspect physique commence à prendre de l’importance.

Les éditeurs s’attachent les services de graphistes pour

donner une identité visuelle à leur collection.

22 – Planche I extraite de

la 6ème édition (1830) du

livre de Georges Cuvier,

Discours sur les

révolutions du globe et

les changements qu'elles

ont produits dans le

règne animal.

23 – Publicité des années

1920 pour le Guide

Michelin.

24 – Couverture de Jan

Tschichold pour la

collection fiction de

Penguin Books.

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48

La révolution numérique

Souvent en quête d’expressions personnalisées, voire

libératrices, le graphisme, la typographie et l’édition ont

précédé de peu l’arrivée de l’informatique.

La révolution numérique s’annonce au milieu des

années 1980. Elle prend la suite de la longue succession

des inventions dans l’imprimerie. Depuis la mise au

point du procédé typographique par Gutenberg, au XVe

siècle, la technique a été grandement améliorée au

cours des siècles, mais elle n’a pas fondamentalement

évoluée. La rotative moderne est une variante

perfectionnée et industrielle de la presse à bras

artisanale d’origine.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, les délais

d’adoption des techniques de communication ont

raccourci : plusieurs décennies pour le téléphone, une

trentaine d’années pour la télévision, une quinzaine

pour l’informatique, trois pour Internet : « Les moyens

numériques que sont le traitement de texte, la retouche

d’image et la mise en ligne personnelle d’informations,

confronte chaque utilisateur aux données. La percée de

l’informatique dans la sphère de la communication

visuelle induit de profondes transformations, opérées à

différents niveaux. Elle procure aux pratiques une base

de travail entièrement renouvelée – se faisant tout à la

fois instrument, moyen d’expression, de réalisation et de

production, support, espace de stockage *…+, modalité

Page 49: LE DESIGN - DoYouBuzz

49

de génération et d’affichage *…+, lieu d’interactivité,

programme et système d’exploitation *…+, etc.23 » Le

travail des intervenants de la chaine du livre s’en trouve

bouleversé. De plus, l’imprimante constitue un élément

essentiel de l’équipement informatique. Elles atteignent

à présent des niveaux de résolution proche de la

perfection, pour la vision oculaire. Néanmoins, ces

techniques ne sont pas encore adaptées à des tirages en

très grosse quantité. L’impression numérique reste

coûteuse, trois à quatre fois plus cher, mais son prix de

revient est à peu près constant quel que soit le nombre

d’exemplaires. Il n’y a ni plaque, ni calage préalable, ni

papier gâché. Il peut donc convenir à de petits tirages

pour lancer une nouveauté sans grand engagement

financier, redécouvrir un ouvrage introuvable. Le

procédé offset reste le plus employé (cf. image 25). Le

numérique autorise aux auteurs, éditeurs et artistes

d’aborder le livre d’une nouvelle manière. Les

contraintes s’effacent ; les limites de taille, format, mise

en page, contenu, etc., n’existent quasiment plus. Les

artisans, du Moyen-âge et de l’époque moderne,

réalisaient déjà de véritables pièces d’orfèvrerie avec

des matériaux rares, ornées d’émaux et de pierres

précieuses. Le livre d’aujourd’hui, s’il ne peut pas

rivaliser avec la qualité de réalisation du travail artisanal,

23 R. Joubert, op. cit., p. 395.

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50

dispose néanmoins de techniques modernes pour

obtenir une finition séduisante (cf. image 26).

Témoignage de ce phénomène, le développement dans

le courant du XXe siècle, en parallèle des innovations, du

livre d’artiste. Les créateurs utilisent le livre comme

support à leur travail artistique (cf. image 27).

En plus de révolutionner la façon de créer et de

fabriquer des livres, les technologies numériques

cherchent à faire évoluer notre manière de lire. Les

lecteurs sont, aujourd’hui, habitués à travailler et donc à

lire sur ordinateur. L’arrivée, maintes fois annoncée, du

livre numérique et le déferlement d’Internet accentue

encore le phénomène. Les relations entre l’homme et le

livre sont en train de basculer.

Des questions se posent donc naturellement : le

livre numérique est-il encore un livre ? Le livre est-il

encore dans le livre ? Quelles formes le livre peut-il

emprunter pour demeurer un livre ? Et tout simplement,

le livre est-il encore à la page24 ?

Autant de questions auxquelles il sera intéressant

de confronter l’approche du design.

24 Formule empruntée à l’article d’Emmanuelle Garcia, « Édition, le

livre reste-t-il à la page ? », publié dans la revue Sciences Humaines,

n°161, juin 2005, p. 53.

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51

26 – Antonio Gallego, Un

moment, 2002, Édition

Incertain Sens. Livre

poème.

25 – Le procédé offset.

25 – Couverture plastique souple,

bloc-titre en tissu synthétique

imprimé. Mutations, co-édition

Actar et Arc en rêve

d’architecture.

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52

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53

DESIGN, WHAT ELSE ?

Page 54: LE DESIGN - DoYouBuzz

54

Qu’est ce que le design ? Question simple et complexe à

la fois, mais qui fait débat. Aujourd’hui, tout le monde

parle de design. Beaucoup revendiquent faire du design.

Nombreux disent l’apprécier, ou le détester. Rarement

une « chose » a fait autant palabrer tout en restant aussi

mystérieuse, voire totalement incomprise.

UN PEU D’HISTOIRE

Au commencement était le design

Habituellement, l’histoire du design est restreinte à celle

du design industriel né dans le contexte de la révolution

industrielle. Il convient de ne pas s’arrêter à cette seule

et unique activité, donc de ne pas exclure les trois

millénaires antérieurs. Andréa Branzi nous dit : « en

séparant l’histoire du design et l’histoire (bien plus

ancienne) des objets, on sépare aussi les événements

modernes de l’histoire qui les a précédés, asséchant

ainsi les composantes anthropologiques et les traditions

qui sont le plancton au milieu duquel évoluaient les

objets anciens et qui constituent le liquide amniotique

dans lequel les objets contemporains se forment et

ancrent leur indiscutable capacité d’attraction sur tous

les marchés du monde25. »

25 A. BRANZI, Qu’est ce que le Design ?, Paris, Gründ, 2009, p. 9.

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55

L’homme a toujours entretenu une relation forte

avec les objets qui l’entourent, ces derniers

représentent donc des témoins privilégiés de notre

histoire. Les détails mineurs arrivent à faire émerger des

informations éclairantes sur les grands thèmes d’une

époque. Il ne faut pas y voir « qu’une question de

chaises et de tables26. » Ces objets domestiques, au sens

large du terme, n’ont jamais cessé de s’adapter au

quotidien. Les formes et les matériaux ont su évoluer

pour rester appropriés à nos usages. C’est dans ce sens

que l’on peut affirmer que l’histoire du design ne peut

être cantonnée au XXe siècle. L’impact de l’objet ne doit

pas être minoré, comme le dit encore Andrea Branzi,

« toutes les civilisations se sont développées en

investissant *…+ dans des énergies " superflues " comme

l’art, la poésie, la musique et tout ce qui n’était pas

directement fonctionnel, mais plutôt le fruit d’un surplus

créatif27.»

Étudier les objets, c’est comprendre leurs usages,

les problématiques auxquelles ils répondent et donc, en

finalité, c’est mieux appréhender les hommes et les

civilisations qui les ont développés.

Cette réalité, qui a traversé les âges, s’affirme

d’autant plus haut et fort qu’aujourd’hui les objets ont

26 A. Branzi, op. cit., p. 10. 27 Ibid., p. 11.

Page 56: LE DESIGN - DoYouBuzz

56

acquis une position centrale. Au sein de nos métropoles

en constante évolution et en perpétuel mouvement, nos

objets nous ancrent dans la réalité et affirment, plus que

jamais, notre identité. Montre-moi ce que tu as, je te

dirai qui tu es !

L’évolution des objets

Les objets ont évolué de façon similaire à l’évolution des

formes de vie, du plus simple des objets préhistoriques,

au plus complexe et sophistiqué des objets modernes.

Les familles d’objets ont pris vie à partir d’une

forme initiale, d’un objet primordial répondant à un

besoin précis. Ensuite, avec le temps, les évolutions et

les innovations l’homme va adapter l’objet à ses usages,

l’optimiser, l’améliorer (cf. images 1 à 7). Toutefois,

même si cet objet voit ses caractéristiques changer, sa

fonction primaire reste souvent la même. Il peut, par

contre, engendrer de nouveaux besoins à satisfaire et

ainsi être à la base d’une nouvelle famille d’objets et

accélérer, ainsi, leur prolifération et leur production.

La production d’objets en série n’est une pas une

caractéristique moderne, elle existe depuis la plus haute

antiquité, voire avant. Le design n’est pas, comme

beaucoup aiment le croire, le fossoyeur de l’approche

esthétique dans les abîmes de la production en série.

Page 57: LE DESIGN - DoYouBuzz

57

1 – Sagaie, Pise, Institut

d’anthropologie.

2 – Couteau en silex à

manche en ivoire, v. 3100

av. J.-C., Londres, British

Museum.

3 – Couteau en bronze

provenant de Pompéi.

Naples, musée

archéologique national.

5 – Couteau, XVIIe siècle.

Florence, musée Horne.

4 – Couteau milanais,

début XVIe siècle. Milan,

musée Poldi Pezzoli.

6 – Josef Hoffman,

couverts plats, 1905. New-

York, musée d’Art

moderne.

7 – Couteau de cuisine

Delphic, 1973. New-York,

musée d’Art moderne.

Page 58: LE DESIGN - DoYouBuzz

58

Le monde gréco-romain a inventé la fabrication

en masse des vases décorés, des statues, etc. Le vase

d’Arezzo, au Ier siècle après J.-C., est produit dans de

telles quantités qu’il est possible de satisfaire la

demande de tout l’Empire romain. Les corporations

médiévales d’artisans laissent, également, peu de place

à la personnalisation. Les règles de fabrication et la

production sont strictement encadrées. L’objet de série

n’est donc pas une invention moderne, mais une

évolution naturelle, une adaptation aux besoins et aux

usages.

L’affirmation du design

Chaque société humaine a développé ses objets et son

art qui se sont adaptés à un espace géographique, une

période, un contexte et des usages particuliers. Si toutes

les époques sont intéressantes, seule l’époque

contemporaine a su institutionnaliser le design.

La révolution industrielle a changé le visage du

monde. Le début du XIXe siècle est une période

charnière, le design se trouve institutionnalisé. En 1903,

Josef Hoffmann, Koloman Moser et le mécène industriel

Fritz Waerndorfer créent l’Atelier viennois. Il revendique

une pratique attachée à la tradition de l’artisanat, tout

en visant la modernité avec une production

pluridisciplinaire. En 1905, Josef Hoffmann et Koloman

Moser définissent ainsi leurs objectifs et les moyens

Page 59: LE DESIGN - DoYouBuzz

59

envisagés : « Nous voulons *…+ créer des ustensiles

simples. Nous partirons de la fonction ; la condition

première en sera la valeur de l’usage *…+. Chaque fois

que cela sera possible, nous ferons place à

l’ornementation, mais sans nous y forcer28. » Les artistes

viennois travaillent sur un large éventail d’objets et de

matériaux. Ils aspirent à intégrer l’art aux formes et aux

objets de l’espace quotidien. L’année 1907 est également marquante. Elle voit

la création, en Allemagne, du Werkbund qui se donne

pour mission d’associer l’art à l’industrie. Rassemblant

architectes, artisans, designers, éditeurs et industriels, il

a pour objectif « d’améliorer le design et la qualité des

produits allemands ». C’est au sein du Werkbund

qu’éclate la querelle entre les partisans de la production

de masse, uniformisée et mécanisée, et les partisans

d’un retour au travail manuel artisanal, qui pensent que

l’apport de l’artiste doit refléter l’épanouissement de

l’individu. Les partisans du rationalisme et du

fonctionnalisme surent s’imposer pour longtemps.

L’architecte Peter Behrens, membre du

Werkbund, est engagé, en 1907 également, par la firme

AEG *Société générale d’Electricité+ pour se charger d’un

vaste projet de design global. Cette collaboration est la

28 R. Joubert, Graphisme, Typographie, Histoire, Paris, Flammarion,

2005, p. 137.

Page 60: LE DESIGN - DoYouBuzz

60

première du genre et sera très fructueuse (construction

de logements ouvriers, de magasins, logotypes, affiches,

design de produits). Elle marque, pour les historiens

contemporains, la naissance du design industriel.

L’ensemble de ces précurseurs montrent la voie à

suivre jusqu’à l’affirmation et la prééminence du design

que nous connaissons. Les ateliers du Bauhaus, créés à

Weimar en 1919, servent de référence à des générations

de créateurs qui vont chercher une synthèse entre les

arts et l’industrie (cf. image 8). Des maîtres comme

Walter Gropius (1883-1969), Marcel Breuer (1902-1981)

et Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969) proposent une

esthétique très rationnelle inspirée du mouvement

hollandais De Stijl (cf. image 9). L’entre-deux-guerres et

la crise économique de 1929 achèvent de convaincre les

industriels de l’importance de l’esthétique de leurs

produits. Le français Raymond Loewy fonde, aux Etats-

Unis, l’une des premières agences indépendantes de

design. À la suite de la seconde guerre mondiale, les

designers s’installent définitivement dans les entreprises

et se structurent avec la création, en 1944, du Council of

Industrial Design. L’École d’Ulm, en Allemagne, prend la

suite du Bauhaus et produit des objets épurés mais

d’une grande qualité technique (cf. image 10). La

Scandinavie et son design social commence sa montée

en puissance qui se poursuit jusqu’à nos jours (cf. image

11). Le style italien connaît sa grande époque aussi, dans

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61

les années 1960 (cf. images 12 et 13). Le design devient

contestataire, didactique, radical, primaire, écologique,

et sa pratique se répand dans le monde.

Le XXe siècle assiste donc à l’affirmation du

design, dans une incroyable effervescence de

mouvements, d’écoles et de styles. Le design devient

prééminent, touche à tout, est partout et donc se

complexifie. Néanmoins, au cœur de ce bouillonnement

perpétuel, on peut finalement se demander qu’est ce

que le design aujourd’hui ?

9 – Marcel Breuer, Chaise

d’enfant modèle n°B33 ½,

1929. New-York, musée

d’Art moderne.

8 – Gerrit Rietveld

Fauteuil rouge et bleu en

hêtre laqué, v. 1918. New-

York, musée d’Art

moderne.

Page 62: LE DESIGN - DoYouBuzz

62

10 – Hans Gugelot, Gerd

Alfred Müller, rasoir

électrique Sixtant SM31,

Braun, 1962. Paris, Musée

National d’Art Moderne.

11 – Arne Jacobsen, chaise

empilable, Fritz Hansen,

11951. New-York, musée

d’Art moderne.

12 – Ettore Sottsass,

machine à écrire portative

Valentine, Olivetti, 1969.

New-York, musée d’Art

moderne.

12 – Miroir « ultrafragola »,

Poltronova, 1966.

Page 63: LE DESIGN - DoYouBuzz

63

UNE DEFINITION, DES VISIONS

Le design est-il omnipotent ?

Le design n’est donc pas une discipline codifiée, il évolue

au fil de temps, colle à la société, se complexifie avec

elle. De nos jours, le design ne s’arrête pas aux objets et

à leurs usages, mais qu’est-il vraiment ? Le plus simple

est de le juger à travers les définitions que lui donnent

les institutions et les designers.

L’ICSID (International Council of Societies of

Industrial Design) donne la définition suivante: « activité

créatrice dont le but est de présenter les multiples

facettes de la qualité des objets, des procédés, des

services et des systèmes dans lesquels ils sont intégrés

au cours de leur cycle de vie. C’est pourquoi il constitue

le principal facteur d’humanisation innovante des

technologies et un moteur essentiel dans les échanges

économiques et culturels29. »

L’Encyclopædia Universalis introduit sa définition

de cette manière : « les termes "design", "art décoratif",

"création industrielle" et "métiers d'art" nomment non

pas des secteurs différents, mais le même, à savoir celui

des objets utilitaires. » Le Robert, quant à lui, fait

uniquement référence à un style, « un objet design. »

29 http://www.icsid.org/

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64

L’historien français Raymond Guidot, spécialiste

de l’histoire du design, précise que : « le terme "design"

s’emploie quand il s’agit d’affirmer le souci de maîtriser

globalement la production des objets utiles conçus par

l’homme30. »

À l’opposé de ces définitions restrictives, Ettore

Sottsass, designer et architecte italien, explique : « pour

moi, le design est une façon de discuter de la vie, de la

société, de la politique, de l’érotisme, de la nourriture et

même du design. Au fond, c’est une façon de construire

une sorte d’utopie figurative ou métaphorique de la vie.

En tout cas, je ne pense pas que le design doive se

contenter de donner une forme à un produit plus ou

moins imbécile pour le compte d’une industrie plus ou

moins sophistiquée31. » Très englobante, cette approche

semble, en partie, être retenue par les designers.

Ainsi Mathieu Lehanneur pour qui le design « n'a

pas de frontière, ni de définition. Il interagit avec les

autres champs32 ». Anne Asencio complète, « le design

est une approche humaniste, entre savoir-faire et

professionnalisme associant créativité, pragmatisme et

travail en équipe. Il est à la fois, conscience, vision,

30 M.-H. Caraës, Cité du design, Saint-Etienne, Cité du design

Éditions, 2007, p. 29. 3131 M.-H. Caraës, « Art ? Artisanat ? Industrie ? Tout cela et bien

plus. », Azimut, N°33, 2009, p.39. 32 Portrait de Mathieu Lehanneur sur http://www.lintermede.com/

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65

écoute, compréhension, interprétation de notre

environnement, de notre société : il les traduit, il en est

le symbole33. » Andrea Branzi finalement nous dit que le

design « ne veut pas résoudre des problèmes, mais

plutôt en poser de nouveaux34 ».

Le design est donc l’inverse d’une science exacte.

Les designers semblent plutôt s’accorder autour d’un

état d’esprit, d’une philosophie du bon sens qui touche à

tous les domaines, aiment s’entourer et s’appuyer sur

des compétences différentes. Finalement, le design, afin

de proposer des solutions à nos usages, nos besoins et

nos problèmes quels qu’ils soient, est un incomparable

observateur et décrypteur de la société.

Les métiers du design sont donc très variés : le

design produit, le design graphique, le design de

packaging, le design d’espace, le design de service, le

design numérique, le design management, le design

sonore, le design textile et le design culinaire35.

33 A. Asencio, dans M.-H. Caraës, Cité du design, Saint-Etienne, Cité

du design Éditions, 2007, p.36. 34 F. Burkhardt et C. Morozzi, Andrea Branzi, éditions Dis Voir, 1997,

p. 99. 35 Pour une définition complète des différents métiers du design

voir M.-H. Caraës, Cité du design, Saint-Etienne, Cité du design

Éditions, 2007, p. 19 à 28.

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LE LIVRE ET L’EDITION

AUJOURD’HUI

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68

Comme nous l’avons vu, l’histoire du livre et celle du

design sont longues et riches. Toutefois, avant d’aborder

leurs interactions, il est nécessaire de s’interroger sur

qu’est ce que le livre aujourd’hui ?

Pourquoi le livre ?

Le livre, moule de la pensée occidentale

Pourquoi le livre est-il la cible d’autant d’attention

respectueuse ? Le codex est auréolé d’une dimension

symbolique forte qui fonde son prestige et son

influence. Malmener les livres, les détruire fait souvent

partie des premiers actes d’une dictature. Le livre

incarne la culture, matérialise le savoir et son

apprentissage. Cette adéquation remonte à ses origines.

Michel Melot va plus loin en écrivant : « la forme du livre

*…+ non seulement épousa, mais sans doute moula, celle

de la pensée occidentale moderne36. » Jeremy Rifkin

défend, lui aussi, le fait que la généralisation du livre, à

partir de l’invention de l’imprimerie, a redéfini la

manière dont l’Homme organisait son savoir. Il

démontre que « l’imprimerie forgea une vision du

monde et un état d’esprit parfaitement adaptés aux

exigences d’un mode de vie et d’une façon d’être au

36 M. Melot, Livre, L’œil neuf éditions, Paris, 2006, p. 58

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69

monde marqués par l’"industrie"37. » Leszek Brogowski

explique que l’invention de la table des matières a

habitué notre pensée à aller du général au particulier38.

Le lecteur connait les qualités de son livre, il sait se qu’il

va y trouver : respect des règles syntaxiques et

grammaticales, rigueur orthographique, complétude du

sujet.

Le livre serait un miroir de notre pensée et cela

expliquerait ses succès passés et sa pérennité, même de

nos jours. Le livre est la seule forme qui capte, accueille

et recueille notre pensée. C’est lui qui la préserve des

aléas des évènements et du temps. C’est une forme

stable, permanente, durable et rassurante.

Les détracteurs

Néanmoins, il a toujours existé des personnes que le

livre n’exaltait pas. Suivant en cela Platon, Jean-Jacques

Rousseau exprime toute sa rancœur car, pour lui, les

livres « sont les instruments de leur plus grande

misère », « ils n’apprennent qu’à parler de ce qu’on ne

sait pas » et « à faire de présomptueux ignorants »39.

37 J. Rifkin, L’âge de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme, Paris,

Éditions La Découverte, 2005, p.265. 38 L. Brogowski, Éditer L’art. Le livre d’artiste et l’histoire du livre,

Paris, Les éditions de la transparence, 2010, p. 80. 39 J.-J. Rousseau, Émile ou de l’éducation, Paris, Garnier-Flammarion,

1966.

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70

Plus proche de nous, Emmanuel Kant disait : « un

livre est l’instrument muet de la transmission d’un

discours de l’auteur au public. » Dans sa pensée, le livre

est une condition nécessaire mais non une garantie de la

réflexion. Il complète en affirmant : « aie le courage de

te servir de ton propre entendement ! 40 ».

Livre papier vs Ordinateur

Souvent la mort du livre a été annoncée, la presse, les

loisirs, le cinéma, la radio, la télévision, les jeux vidéo ;

tous ont suscité de grandes craintes, des interventions

des auteurs, des éditeurs, des pouvoirs publics, etc.,

mais le livre est encore là. Aujourd’hui, l’ordinateur et

Internet seraient les nouveaux ennemis mortels de

l’objet-livre. Les résignés se défendent en arguant que

lire un texte sur son ordinateur branché à Internet, ou

lire ce même texte dans un livre est identique. Les

défenseurs de répondre que l’intimité avec un livre n’est

pas la même ; qu’un livre, à la différence de l’ordinateur,

n’oubliera pas notre texte ; que la lecture sur écran est

plus fatigante ; la pensée occidentale serait tellement

moulée et adaptée à la forme du livre qu’il ne

conviendrait pas de s’inquiéter. Michel Melot de

conclure « le livre que vous tenez entre vos mains et

lisez seul en silence, est donc cet objet particulier,

40 E. Kant, Qu’est ce que les Lumières ?, 1784

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solidaire d’un contenu définitif, figé, intangible, un objet

qui enclot la Vérité dans une forme pratique et privative.

*…+, voilà ce que ne sera plus jamais votre

ordinateur41. »

La politique du livre en France

La politique de soutien au monde du livre remonte loin

en France. Comme nous l’avons vu, avec François Ier qui,

en 1537, crée le dépôt légal et officialise, en 1539,

l’usage obligatoire de la langue française pour les actes

officiels. Les rois de France ont jusqu’à la Révolution

perpétué une forte tradition de protecteur des Arts et

des Lettres. La Convention nationale institue le droit

d’auteur en 1793, à partir de ce moment la République

se mit à imiter les souverains de l’Ancien Régime et

multiplia les actions, les lois et les institutions jusqu’au

décret du 24 juillet 1959 qui crée le ministère chargé des

Affaires culturelles.

Les aides

Le monde du livre présente plusieurs

caractéristiques structurelles. D’un point de vue

économique, le livre est, comme tout produit de

41 M. Melot, op. cit., p. 24.

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contenu, un bien d’expérience, ce qui implique une forte

incertitude sur la réception de tout nouvel ouvrage. Le

risque porte, de plus, sur un grand nombre d’ouvrages

chaque année pour chaque éditeur. Autre

caractéristique économique, le monde du livre compte

en son sein des structures de dimension très différentes,

des groupes de grande taille et des petites maisons à

l’avenir, souvent, incertain.

Le soutien à la filière du livre s’organise donc sur

deux axes : le soutien à la production éditoriale et aux

éditeurs d’un côté, le soutien à la librairie d’un autre

côté. Le soutien à la production éditoriale est le fait du

CNL, Centre National du Livre. Il aide les genres reconnus

comme habituellement déficitaires (théâtre, poésie,

actes de colloque), mais aussi d’autres moins en

difficulté (littérature, philosophie, art, bande dessinée,

etc.) au titre de la promotion de la qualité, ou encore

pour des publications ciblant des lacunes dans la

production (ouvrage introuvable, traduction jugée

indispensable). Le budget d’intervention du CNL s’élevait

en 2008 à plus de 29 millions d’euros. Près de 1220

ouvrages (1544 aides) furent aidés, soit une nouveauté

sur trente. Depuis 2005, le choix a été fait de soutenir

moins de projets, mais avec un appui ciblé et

financièrement plus conséquent. Le soutien aux éditeurs

a pour but principal le développement des petites et

moyennes maisons d’édition dynamiques sur le plan

Page 73: LE DESIGN - DoYouBuzz

73

culturel. Cette aide se fait au cas par cas. L’État assure

également un rôle de caution pour les prêts bancaires à

travers divers mécanismes.

L’aide aux librairies s’est rapidement développé

et est en constante augmentation. Le consensus dans le

monde du livre veut qu’elles soient le maillon faible de la

filière. Différents organismes dépendant du ministère de

la Culture leurs octroient des aides structurelles, pour la

constitution de fonds, ou encore l’accès au crédit. La

principale mesure restant la régulation du marché du

livre.

Le prix unique du livre

Concernant le marché du livre, la loi du 10 août

1981 sur le prix unique du livre est une mesure

significative, qui a ensuite été adoptée par de nombreux

pays européens. Quel que soit le lieu de vente, les

vendeurs sont obligés d’appliquer le prix fixé par

l’éditeur au moment de la publication, avec une marge

de réduction possible de 5%. Avant cette législation, les

grosses enseignes étaient libres de pratiquer de très

importantes réductions compensées par le nombre de

ventes. Cette attitude ne pouvait que mener à

l’élimination progressive des petites librairies et au

retrait des ouvrages à faible tirage. Cette loi reconnaît

une nature spécifique aux biens culturels et la nécessité

d’intervenir pour rectifier les défaillances du marché. La

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74

loi Lang a permis de maintenir la diversité de l’offre

accessible au consommateur, qu’on parle en termes de

points de ventes ou de richesse du catalogue. L’État s’est

aussi impliqué à travers le Centre français d’exploitation

du droit de copie (CFC), l’interdiction de la publicité

télévisée pour le livre et la création d’un médiateur de

l’édition publique.

Les aides en 2008

(Source : Rapport d’activité 2008 du CNL)

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L’édition

Contre toute attente et en contradiction de tous les

mauvais présages annoncés, le livre bénéficie en ce

début de XXIe siècle d’un grand dynamisme. Alors qu’on

annonçait sa disparition au détriment de la montée des

nouvelles technologies, celui-ci semble, au contraire,

s’adapter et continue d’afficher une belle vitalité. Après

avoir abordé la place du livre dans notre subconscient et

la politique publique en faveur de ce dernier, il convient

d’examiner de plus près le monde de l’édition en France,

sa production, son organisation, ses doléances, etc.

Quelques chiffres

En 2008, les maisons d’éditions ont sorti plus de 76 000

titres (dont la moitié de nouveautés). La progression a

été constante et importante depuis des années (29 455

en 1985 ; 43 057 en 1995 ; 68 410 en 2005). La même

année, l’Espagne produisait 70 000 titres et la Grande-

Bretagne plus de 110 000. Il ne s’agit donc pas d’une

tendance exclusivement française, bien que l’Espagne et

la Grande-Bretagne puissent se prévaloir d’un bassin

linguistique bien plus étendu. Ces chiffres représentent

un chiffre d’affaire total de 2,7 milliards d’euros et plus

de 468 millions d’ouvrages vendus …

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La concentration éditoriale

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Comme nous avons pu le voir, le monde de l’édition vit

une véritable scission. D’un côté, les maisons qui

appartiennent à de grands groupes financiers, des

acteurs ayant une logique qui n’est pas purement

éditoriale et des obligations de résultat imposés par des

actionnaires : exigence de retour sur investissement sur

le court terme, attente d’une marge bénéficiaire alignée

sur les demandes exigées par les marchés financiers. La

marge bénéficiaire attendue par ces actionnaires est

souvent autour de 20%, voire plus, bien supérieure aux

bénéfices classiquement dégagés par une maison

d’édition inscrite dans un projet culturel. De l’autre côté,

les maisons moyennes ou petites, dites indépendantes,

qui n’ont pas d’investissements extérieurs. La majorité

de leur capital reste en effet aux mains de leurs

fondateurs ou de leurs dirigeants et l’exigence de

rentabilité est celle que leurs patrons se donnent, elle ne

leur est pas imposée de l’extérieur. Ces dernières

publient souvent des livres qualifiés de difficiles

(romans, essais, poésie, théâtre, etc.) et jouent le rôle de

« dénicheur de talent » pour dégager des idées neuves.

Selon les chiffres du Ministère de la Culture et de

la Communication, les quatorze plus grosses maisons

d’éditions représentent 55,7% du chiffre d’affaire du

secteur. Les cent quatorze maisons, qui ont un chiffre

d’affaire inférieur à un million d’euros, ne totalisent que

1,3% du chiffre d’affaire du secteur. Les poids lourds du

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79

secteur pèsent plusieurs centaines de millions d’euros

(Hachette Livre, 2159 millions d’euros de chiffre

d’affaires en 2008), l’activité artisanale originelle est très

loin.

La situation est identique dans tous les pays

occidentaux, toutefois en France les choses ont basculé

soudainement durant l’hiver 2003-2004. Le groupe

Vivendi Universal, en faillite, a dû se séparer de sa

colossale activité éditoriale. Après des mois de

tractations et de pressions politiques, Hachette se

positionne pour racheter Vivendi Universal Publishing.

En décembre 2003, la Commission Européenne contraint

le groupe à acquérir seulement 40% de l’activité pour

cause de loi antitrust. Les 60% restant, nouvellement

nommé Editis, sont rachetés par la holding Wendel et

pesaient en 2009 près de 759 millions d’euros de chiffre

d’affaire. Les années suivantes ont été marquées par le

rachat des éditions Cherche-Midi et Gründ par Editis,

Masson par le groupe anglo-néerlandais Reed-Elsevier,

et des éditions Le Rocher par le groupe Privat.

Les maisons que l’ont dit indépendantes ne sont

pas en reste, dès janvier 2004, Le Seuil est racheté par La

Martinière. Actes Sud acquiert les éditions de

l’Imprimerie nationale et Thierry Magnier. Afin de tenter

de se protéger, ces éditeurs adoptent les techniques des

grands groupes en se concentrant.

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Les problèmes de l’édition (et du livre) aujourd’hui

Bien que traditionnellement alarmiste, le milieu de

l’édition fait réellement face à un nombre croissants de

problèmes.

Une part importante provient de la

prépondérance de la logique financière, logique qui

n’était pas absente auparavant, mais qui ne se voulait

pas exclusive. Antoine Gallimard souligne, dans une

interview, qu'hier, un éditeur pouvait « publier et

diffuser un auteur pendant vingt ans, trente ans, jusqu'à

ce que son talent s'impose et soit reconnu42 » :

aujourd'hui, c'est beaucoup plus difficile. La mentalité

qui prévaut dans les grands groupes de communication

est, en effet, radicalement étrangère à celle de la

rentabilité sur le long terme et de la péréquation entre

les titres, ceux qui se vendent finançant les autres et

permettent une prise de risque sur des ouvrages moins

porteurs et le développement d’un catalogue riche.

Cette donnée toute simple de la péréquation entre les

titres fait partie des fondements de l’édition, elle est née

avec elle, a fait son prestige et participé à la richesse de

notre Culture.

Malgré ce que l’on peut croire, l’augmentation du nombre de titres n’est pas un signe de bonne santé :

42 A. Gallimard, « Le métier d’éditeur », Le débat, n°86, sept.-oct.

1995, p. 184.

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les éditeurs lançant sur le marché un grand nombre d’ouvrages, dont beaucoup termineront au pilon, en espérant que l’un d’entre eux rencontrera le succès. On assiste donc à une course au best-seller et à la sélection d’ouvrages de moindre qualité, dont la notoriété de l’auteur assurera le succès. Comme se plaisait à le remarquer le fondateur des Éditions de Minuit, Jérôme Lindon, « l’édition est le seul secteur de l’économie qui réponde à une baisse de la demande par une hausse de l’offre43 ». Le tirage des ouvrages, en revanche, baisse régulièrement. Les ventes ont augmenté, mais cela cache de grandes disparités. Des secteurs comme les sciences humaines sont en grande difficulté. L’augmentation de la population étudiante ne s’est pas accompagnée d’un accroissement des ventes des ouvrages spécialisés. Les spécialistes incriminent l’école et l’université de ne plus donner le goût du livre. Ils fustigent les photocopies et Internet. L’édition scientifique souffre également, principalement de la concurrence des revues.

Le public des « grands lecteurs » (plus de 25 livres par an) semble avoir beaucoup diminué (22% en 1973 ; 17% en 1988 ; 15% en 2005)44. Acheteurs fidèles auparavant, ils se replient sur les valeurs sûres promues par les critiques. Le livre perd de sa légitimité et se

43 J. Valade, « L’avenir du secteur de l’édition », in Rapport

d’information du Sénat, n° 468, 2006-2007, p. 5. 44 Y. Gaillard, « La politique du livre face au défi numérique », in

Rapport d’information du Sénat, n° 338, 2009-2010.

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retrouve en concurrence avec les autres activités de loisirs (musique, dvd, concert, etc.).

En dehors de toutes ces difficultés, le problème principal des maisons indépendantes reste le souci de la distribution et de la diffusion. Même si leur vitalité est réelle, sans possibilité d’accéder à un réseau national de points de vente, les petits éditeurs sont contraints à rester dans les marges. La distribution recouvre le stockage, le traitement des commandes, l’expédition, la facturation et le recouvrement. La diffusion est une activité commerciale, traditionnellement assurée par des représentants qui vont informer les points de vente des nouveautés, présenter certains ouvrages en particulier et au final prendre les commandes. Ces activités très rationnelles, voire industrielles pour la distribution, sont aux mains des grands groupes de communication (Hachette, Editis, Flammarion). De petites structures existent, comme Harmonia Mundi ou les Belles Lettres, et de nouvelles apparaissent, comme le Collectif des Editeurs Indépendants, mais les difficultés restent bien réelles pour les petits éditeurs face aux grosses organisations.

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QUAND LE

DESIGN

RENCONTRE

LE LIVRE

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L’AVIS DES DESIGNERS

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Avant de prendre des exemples concrets,

commercialisés, en cours de développement, ou encore

au stade du projet, il est intéressant d’avoir l’avis

objectif de designers sur l’objet-livre.

Un point est toutefois évident : le design, qui se

fonde sur une analyse des problèmes posés, a toujours

eu besoin, tant les domaines qu’il touche sont variés, de

s’alimenter en connaissances. La fréquentation de

l’objet-livre peut donc sembler naturelle ou, au

minimum, essentielle et impérative

Ce recueil, bien qu’ayant l’aspect fastidieux d’un

catalogue, est un baromètre de la pensée des designers.

Au fil des lignes, ils apportent avec leurs mots un

éclairage, intéressant et indispensable, avant la

présentation des différents projets dans les parties

suivantes.

LE LIVRE, UNE PASSION DÉVORANTE ?

Samuel BARON

« J’aime le papier, l’imprimerie, les pages que l’on

tourne, le livre que l’on range dans sa bibliothèque, que

l’on pose sur son chevet, que l’on emporte dans la

poche d’une veste, que l’on niche dans sa valise pour les

vacances. Un livre, c’est comme un trésor, c’est un

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univers, une boite magique qui va nous révéler des

secrets en tournant simplement ses pages45. »

Julien BERGIGNAT

« Lorsqu’on prend un livre, on ne l’aborde pas comme

n’importe quel objet. Il y a une gestuelle *…+. C’est

presque une relation charnelle46. »

Dorothée BOISSIER

« Chaque lecture est pour moi un vrai moment de

bonheur47. »

Nathalie DU PASQUIER

« L’objet-livre, *…+ est un des plus beaux objets qui

existent : il peut être petit, transportable, économique

et pourtant contenir un monde avec ses milliards

d’interprétations possibles48. »

Bruno FRISONI

« J’aime beaucoup acheter des livres, même si je ne les

lis pas tout de suite : romans, nouvelles, essais, livres

45 E. Henwood, Design & Littérature, une liaison inspirée, Paris,

Norma Éditions, p.22. 46 Entretien avec Julien Bergignat, août 2010. 47 E. Henwood, op. cit., p. 30. 48 Ibid., p. 40.

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d’art, de photographies, d’architectures, de design, etc.

L’objet-livre est très important pour moi49. »

Elizabeth GAROUSTE

« En vacances, mes valises sont toujours pleines de

bouquins que je choisis d’après les conseils de mes amis.

Je lis de huit à dix livres par mois *…+50. »

Hubert LE GALL

« Je suis volontiers boulimique : lecteur et relecteur. Je

relis souvent mes livres préférés51. »

India MAHDAVI

« Ma relation avec le livre est passionnelle *…+52. »

Laurent MASSALOUX

« Lire seul à l’ombre d’un arbre, les pieds dans l’herbe

reste un de mes moments favoris53. »

Lena PESSOA

« Le livre est pour moi l’objet parfait, l’objet du désir :

c’est beau, simple et complexe à la fois, ça peut contenir

49 E. Henwood, op. cit.,. p. 60. 50 Ibid., p. 66. 51 Ibid., p. 88. 52 Ibid., p. 96. 53 Ibid., p. 98.

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un monde, c’est riche, c’est mystérieux, c’est

l’expérience, c’est le savoir. Rien n’est plus beau que des

murs couverts de livres54. »

Amaury POUDRAY (USIN-e)

« Un livre inspire par le simple fait qu’il soit une chose

matérielle. Il implique une gestuelle, un touché, une

odeur. Ainsi, tout cela s’associe au contenu et nous fait

vivre une vraie expérience matérielle55. »

Olivier SIDET

« Le livre est indispensable. Un livre réussi à l’épaisseur

d’un monde. Il m’est impossible d’imaginer sa

disparition56. »

Catherine LEVY & Rohinton MISTRY

« Je lis, je dévore *…+ Je crois que je ne pourrais pas vivre

sans l’idée du livre et sans l’idée de bibliothèque57. »

54 E. Henwood, op. cit., p. 102. 55 Entretien Amaury Poudray, août 2010. 56 E. Henwood, op. cit., p. 114. 57 Ibid., p. 124.

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LE LIVRE, UNE MUSE ?

Julien BERGIGNAT

« J’aime quand un livre vient combler un manque en

moi, quand il m’informe ! Quand je lis je cherche à

apprendre58. »

Claudio COLUCCI

« Toutes mes lectures adolescentes et les réalisations

fantasques qui en découlaient on été, pour une grande

part, à l’origine de mon activité de designer59. »

Oscar DIAZ

« Les livres sont des outils de recherche

indispensables60. »

Florence DOLÉAC

« En réalité, je ne sais plus trop ce qui m’a le plus

influencé ; j’ai lu davantage d’ouvrages de philosophie,

de sociologie, de psychanalyse sur le bouddhisme … que

d’ouvrages sur le design. *…+ Ils m’ont probablement

poussé vers un travail imaginaire sur la dérision de la

58 Entretien avec Julien Bergignat, août 2010. 59 E. Henwood, op. cit., p. 32. 60 Entretien avec Oscar Diaz, août 2010.

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fonction, avec un désir de propositions fictives décrivant

des besoins peu réalistes61. »

Maurizio GALANTE

« Mes lectures m’inspirent souvent pour mes

collections de mode et mes projets de mobilier puisque

j’essaie, dans ces deux versants du design, de raconter

des histoires à ma manière62. »

Elizabeth GAROUSTE

« *…+ dans plusieurs de mes meubles et objets, je

retrouve des signes de mes lectures63. »

Tejo REMY

« Les livres *…+ furent importants pour me donner et

former mes idées du design *…+64 »

Jerszy SEYMOUR

« Un livre est une question complexe à laquelle

répondre. Je construis mes idées en faisant d’un collage

de références, une chance de collision65. »

61 Florence Doléac citée par M. Lejault, « Design & Edition »,

Archistorm, 2010, n° 40, p. 107. 62 E. Henwood, op. cit., p. 62. 63 Ibid., op. cit., p. 66. 64 Tejo. Rémy citée par M. Lejault, op. cit., p.107. 65 Jerszy. Seymour citée par M. Lejault, op. cit., p. 106.

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UN AVENIR EN ROSE ?

Samuel Baron

« Un livre, c’est comme un trésor, c’est un univers, une

boîte magique qui va nous révéler des secrets en

tournant simplement ses pages. On ne peut pas trouver

cette magie sur écran66. »

Julien Bergignat

« Je pense qu’il y aura toujours des sentimentaux, qui

comme des collectionneurs de vinyles à l’heure du MP3

gardent précieusement leurs disques. D’ailleurs pour le

moment les versions électroniques ne font qu’imiter le

livre, en donnant l’impression que l’on tourne une page,

alors que l’on passe son doigt sur un écran froid par

exemple67. »

Christian BIECHER

« On pourra télécharger toutes les formes de littérature,

ça n’empêchera pas un renouveau, un regain d’intérêt

pour les éditions de livres traditionnelles. Je suis

convaincu que les nouvelles, romans, poésies seront

66 E. Henwood, op. cit., p. 22. 67 Entretien avec Julien Bergignat, août 2010.

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publiés sur de très beaux papiers avec des illustrations et

des typographies très recherchées68. »

Dorothée BOISSIER

« Aucun autre "divertissement" ne m’apporte cette

plénitude que me procure un livre. Je lui prédis un avenir

glorieux, sur papier ou sur écran *…+ On ne se lassera

jamais de lire, de raconter, d’écrire, de s’écrire69. »

Oscar DIAZ

« Je pense que dans le futur le livre va partager le terrain

avec le format digital. *…+ Il ne va pas disparaître mais les

lecteurs numériques vont faire qu’on l’utilise

différemment. Le plaisir et le rapport au livre comme

objet physique va continuer à exister70. »

Noé DUCHAUFOUR-LAWRANCE

« Ce sont deux domaines irremplaçables [la littérature et

le design+ dont l’avenir est assuré *…+ Seules la

consistance, la forme, les modalités vont évoluer. On

peut imaginer une multitude de formats, de

compositions, d’interactions entre virtuel et réel, etc.71 »

68 E. Henwood, op. cit., p. 26. 69 Ibid., p. 30. 70 Entretien avec Oscar Diaz, août 2010. 71 E. Henwood, op. cit., p. 48.

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96

Vincent DUPONT-ROUGIER

« Il y a évidemment la question du support classique et

de sa disparition, mais il ne faut pas avoir peur. Depuis

que je me suis mis à "écouter" des livres, cette question

de la disparition du support livre papier ne me paraît pas

une catastrophe. On peut lire sur écran, on peut aussi

"lire en écoutant". Le développement du livre

numérique est de toute façon inéluctable72. »

Pierre GONALONS

« Pour la musique, le CD a très bien remplacé le vinyle !

De même, pour le livre, on pourra désormais choisir

entre le support papier et le support numérique73. »

Jacques JARRIGE

« Je ne crois pas au livre sur écran électronique ;

j’entends : uniquement sur écran. Il y aura toujours des

livres papier, le livre est inscrit dans une relation, un

échange d’humain à humain ; il continuera à être un

support. *…+ La littérature et le livre-livre sont

irremplaçables, indispensables ; ils seront de plus en

plus présents dans la vie de demain. Le numérique aura

72 E. Henwood, op. cit., p. 53. 73 Ibid., p. 74.

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97

évidemment sa place, mais ne détrônera jamais le

livre !74 »

Sans revendiquer une quelconque exhaustivité, ce

recueil ambitionne tout de même de refléter un certain

consensus dans la pensée des designers. À travers les

différents ouvrages, articles et rencontres personnelles,

c’est plus de quatre-vingt-dix designers – débutants ou

confirmés, hommes ou femmes, indépendants ou non –

qui ont abordé ce thème.

Au-delà d’une fréquentation naturelle, comme

évoquée en préambule, les designers semblent faire

valoir une relation presque charnelle avec l’objet-livre.

Comme le dit si justement Esther Henwood : « Je

craignais *…+ d’avoir peu de succès auprès de ces

concepteurs pragmatiques, plus préoccupés de la

courbe parfaite d’un canapé et de son confort que de la

saveur d’une métaphore proustienne, *…+, de la beauté

du renoncement chez la duchesse de Langeais de Balzac,

*…+, du sarcastique désespoir de Houellebecq ou de son

goût des lolitas, partagé avec Nabokov et quelques

autres … Ce fût très exactement le contraire !75 » Ainsi

74 Ibid., p. 78. 75 E. Henwood, op. cit., p. 12.

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98

les designers aiment le livre et la lecture, et ils le disent

avec intensité. Beaucoup de ceux qui n’étaient pas

amateurs enfant le deviennent adulte. La référence et la

tendresse pour l’objet-livre sont souvent évoquées. Ils

parlent de la couverture, du grain du papier, de son

odeur ; ils vantent l’infini des contenus, sa facilité

d’utilisation et les qualités de sa conception. Nombreux

regrettent le peu de temps qu’ils peuvent consacrer à la

lecture-loisir.

Au-delà de cet hommage appuyé, les designers

plébiscitent le livre et leurs lectures comme source

d’inspiration. Si certains avouent lire principalement

pour leurs recherches, nombre disent en retirer leurs

idées et être influencés par des œuvres variées. Claudio

Colucci déclare même devoir sa vocation de designer

aux romans d’espionnage de Ian Flemming. Quand au

designer Lars Müller, il est tout simplement devenu

éditeur lui-même afin de pouvoir travailler sur les livres

qui l’attiraient : « Je n’ai pas le choix que d’être éditeur

si je veux avoir le choix !76 »

Il n’est donc pas étonnant de voir que la quasi

majorité d’entre eux croit en l’avenir du livre. Quelques-

76 Lars Müller cité par C. Geel, « Lars Müller, éditeur car designer »,

Archistorm, 2010, n°40, p. 90.

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99

uns, comme Dorothée Boissier, lui prédisent un avenir

radieux. Tous demeurent tout de même pragmatiques et

sont unanimes sur la place grandissante que vont

prendre les technologies numériques dans ce domaine.

Ils pensent, néanmoins, que la disparition pure et simple

de l’objet-livre est hautement improbable, voire

impossible. Un peu à contre courant des autres, le

designer Vincent Dupont-Rougie, adepte du livre audio

de longue date, souhaite nous dire qu’il ne faut pas être

effrayé par le trépas du support classique du livre.

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100

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101

LE LIVRE INTERACTIF

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102

Depuis quelques années se développe l’idée qu’il est

possible de marier les technologies. À mi-chemin entre

le livre-papier et le livre électronique, le concept du livre

interactif prend son essor. Il rejoint l’idée d’interactivité

appliquée, depuis longtemps, aux livres pour enfants qui

intègrent musique, récit, expérience tactile, etc.

LES TRADITIONNELS

Donner aux livres une dimension supplémentaire n’est

pas une notion nouvelle. Néanmoins, le concept a été

peu ou mal, exploré avec l’intégration de contenu sur CD

ou DVD. Voici quelques exemples qui sont révélateurs

des différentes possibilités.

Entomophonia

Ce livre, qui présente la faune des insectes en France, a

une approche originale en étant accompagné d’un CD

sur lequel les espèces sont enregistrées dans leur milieu

naturel. Les deux supports sont pensés pour être

totalement complémentaires.

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103

À la découverte du Lean Six Sigma

Ce livre de management a été construit par son auteur

comme un roman. L’intégralité des pièces et documents,

qui accompagnent le héros dans la construction de son

projet, sont sur le CD-Rom et rendent la lecture très

interactive.

Ma grande sœur m’a dit

Dans ce livre pour enfants, on suit

les aventures d’une grande sœur et

de son petit frère qui se promènent

et observent la nature, les animaux,

etc. Leurs déambulations sont

accompagnées par des musiques

composées spécialement pour ce

livre.

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104

LES CONNECTÉS

Ces nouvelles orientations s’appuient sur Internet pour

ajouter au livre une nouvelle dimension interactive. Les

auteurs et designers peuvent faire plusieurs choix lors

de la création de l’ouvrage. Ils peuvent s’aider du

développement de la technologie du flashcode. Il

s’agit d’un pictogramme composé de carrés, il est

décodé par les téléphones mobiles équipés de

lecteur. Il déclenche alors la connexion à un site

internet, la lecture d’une vidéo, d’une musique

ou encore l’affichage d’un article. Les flashcodes sont

dispersés dans le livre et permettent d’élargir le champ

du récit. Sinon, les auteurs peuvent intégrer au fil des

pages de simples codes. Le lecteur doit alors avoir la

démarche de se rendre sur le site créé pour le livre et

entrer le code pour accéder au contenu additionnel.

Néanmoins, dans ces deux cas le support papier reste

indispensable. Les contenus internet sont là pour

compléter l’histoire, le livre reste compréhensible sans

les textes, musiques et vidéos additionnels.

The Night of the Living Dead Pixels

The Night of the Living Dead Pixels est un livre graphique

à lecture combinatoire utilisant un système de pliage

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105

original. Grâce à un téléphone et aux flashcodes

intégrés, ce livre, créé par les éditions volumiques77, suit

le choix de cheminement du lecteur dans les pages et,

en fonction de ce parcours, complète l’histoire avec des

vidéos originales.

77 Les éditions volumiques sont une maison dédiée au livre papier

considéré comme une nouvelle plateforme informatique mais aussi

un laboratoire de recherche sur le livre, le papier et leur rapport

avec les nouvelles technologies. L’idée principale de ces travaux est

de ne plus opposer le numérique au monde du « papier » mais au

contraire de trouver une synergie et une complémentarité ; de

travailler sur des livres tangibles, connectés et magiques.

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106

Le sens des choses

En septembre 2009, les éditions Robert Laffont, en

association avec Orange, ont publié Le sens des choses

sous la direction de Jacques Attali et Stéphane Bonvicini.

Cet ouvrage, présenté comme le premier hyperlivre, est

enrichi de 83 flashcodes. Leonello Brandolini, le

Président Directeur Général des éditions Robert Laffont,

a justifié son choix de la sorte : « il ne s’agit pas de

remplacer le livre papier par un écran mais d’enrichir le

papier grâce à un écran. L’hyperlivre peut être lu mais,

grâce à la technologie, être écouté, visionné voire même

actualisé ».

Publié à 50 000 exemplaires avec un prix de

vente normal (21€), l’idée est, à terme, de créer un

nouveau modèle économique en faisant payer l’accès

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107

aux contenus additionnels. Cette perspective semble

intéresser les éditeurs qui étudient plusieurs projets.

Level 26

La maison Michel Lafon a publié, début 2010, son

hyperlivre, Level 26 d’Anthony E. Zuiker. Le livre, le

premier de plusieurs tomes, se présente comme un

roman multimédia. Le site associé propose des contenus

postés par l’auteur et de nombreuses vidéos,

débloquées par les codes présents tout au long des

pages. Le lecteur peut aussi créer son profil afin de

pouvoir échanger avec les autres lecteurs78. Il est

possible de laisser son numéro de téléphone, lors de la

création du profil, et ainsi d’être contacté par le tueur en

série du thriller. Venu des États-Unis, cet ouvrage a été

lancé comme une nouvelle série télévisuelle. Il cherche à

reconquérir la communauté des internautes qui ne lisent

plus.

78 Présentation / Bande annonce : http://www.level26.com/about.

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108

LES NOVATEURS

Duckette

Duckette est un prototype de livre-jeu électronique qui

utilise des encres électroniques, permettant de faire

apparaître et disparaître des formes dynamiquement sur

le papier.Un petit joystick permet de jouer avec le

canard pour tenter d’ouvrir une porte vers la page

suivante. L’encre électronique, ou papier électronique,

est une technique d’affichage sur un support souple,

modifiable électroniquement, imitant l’apparence d’une

feuille de papier et qui, comme elle, ne nécessite pas de

retro-éclairage ou d’énergie pour laisser un texte ou une

image affichée.

Le livre qui tourne ses pages tout seul

Le livre qui tourne ses pages tout seul est un prototype

de livre qui, comme son nom l’indique, tourne ses pages

tout seul. Suivant l’action du lecteur, qui manipule un

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109

petit joypad intégré aux pages, le livre tourne ses pages

jusqu’à la suite choisie de l’histoire. Le livre peut

communiquer avec un téléphone portable, qui peut

également faire tourner les pages du livre. Le livre

intègre, également par l’intermédiaire du téléphone, la

technologie de la réalité augmentée. Elle permet au

lecteur d’interférer dans le déroulement de l’histoire.

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The Land of Me

Livre interactif pour les enfants, Land of Me n’a pas de

support papier. Il est disponible uniquement sur

Internet. Il ne s’agit pas d’un site de jeu mais réellement

d’un livre que le jeune lecteur lit et où les personnages

lui parlent.

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111

Les romans participatifs

Les expériences de roman participatif se multiplient,

elles visent toutes à impliquer le lecteur dans le

processus créatif de façon plus ou moins poussée.

Le chemin qui menait vers vous est conçu tout

spécialement pour l’iphone. Les lecteurs envoient leurs

commentaires à l’auteur, William Réjault, qui les prend

en considération pour écrire les deux chapitres suivants.

L’échappée belle, lancée par la rédactrice en chef

du magazine France Loisirs, se sert du réseau social

Facebook. Les lecteurs et écrivains amateurs peuvent y

déposer leur texte qui fait suite aux premières lignes

écrites par l’auteur. Les contributions sont notées et

s’intègrent, ou pas, au fil de l’histoire.

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112

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113

LE LIVRE ELECTRONIQUE

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114

L’arrivée du livre numérique est une sorte de mirage :

souvent annoncée, mais rien ne se concrétise. Le terme,

livre numérique, regroupe plusieurs évolutions : la

numérisation des documents, qui elle est bien avancée,

le développement des habitudes de lecture sur Internet,

puis au final le lancement d’un nouvel appareil

électronique le reader, ou liseuse en français.

L’ARRIVÉE DU NUMERIQUE

Même si nos habitudes de travail et de consommation

ont fait de l’ordinateur et d’Internet des outils

incontournables, l’usage de ces derniers pour la lecture,

qu’elle soit loisir ou apprentissage, ne s’est pas installé.

Comme nous l’avons vu, nous restons très attachés,

pour différentes raisons, à l’objet-livre. À nos yeux la

lecture sur Internet reste un processus, le jeu des liens

n’a pas de début ni de fin. Au final, nous disons « lire »

un livre, mais « surfer » ou « naviguer » sur Internet :

« Ce que concurrence l’ordinateur est plus la

bibliothèque que le livre. Internet n’est pas un livre,

mais c’est bien une nouvelle forme de bibliothèque79. »

Apparus en 2001, les premiers prototypes de

livres électroniques ont suscité un intérêt éphémère. Le

79 M. Melot, Livre, Paris, L’œil neuf éditions, Collection L’âme des

choses, 2006, p. 40.

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prix, le poids et le confort de lecture semblent ne pas

avoir satisfait les acheteurs. Neuf ans et plusieurs

faillites plus tard, il existe 3 principaux modèles sur le

marché français : le reader touch de Sony développé

avec la Fnac et Hachette, le Kindle de la librairie en ligne

Amazon et le Cybook-Opus du fabricant français

Bookeen.

Tout en étant bien loin de rivaliser avec le papier, le

reader commence à trouver son public (350 000 readers

vendus aux États-Unis entre 2008 et 2010). Les

spécialistes du secteur misent également sur la mise en

vente de l’IPad, de la firme Apple, pour relancer le

marché. La tablette tactile s’est vendue à plus de

700 000 exemplaires le jour de sa sortie aux États-Unis,

le samedi 3 avril 2010. Particulièrement orienté vers les

médias tels que les livres, journaux et magazines, l’Ipad

Reader touch

de Sony

Cybook-Opus

de Booken

Kindle

d’Amazon

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116

est en capacité de faire accélérer le développement des

livres numériques. La taille de l’écran, l’autonomie

appréciable, sa facilité d’utilisation et l’esthétique

soignée peuvent jouer en sa faveur. Toutefois, certains

pointent du doigt la luminosité trop importante de

l’écran comme pouvant nuire à une lecture prolongée.

Il est aisé de constater que livre électronique

cherche à se différencier par rapport à l’ordinateur

classique et à se rapprocher du livre papier, notamment

par sa forme générale, son poids, son épaisseur et la

lisibilité du texte. Les publicitaires mettent même en

avant ces arguments et cette similitude.

De façon anecdotique, on peut notre que cette

vision du livre « augmentée » n’est pas nouvelle. Ainsi

Andersen imagine dans un de ses célèbres contes : « Il

était une fois un empereur qui avait onze fils et une fille

qui s’appelait Elise. *…+ *Elle+ restait assise sur une chaise

de verre et feuilletait un livre à images qui avait coûté à

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117

son père la moitié de son royaume. *…+ Tout, dans le

livre, était devenu vivant, les oiseaux chantaient, les

hommes sortaient du livre et parlaient à Elise et à ses

frères. Mais une fois la page tournée, ils sautaient vite,

chacun exactement à sa place afin que l’ordre des

images fût ainsi préservé80. »

Face au reader classique apparait un concurrent

sérieux, le papier électronique. Comme nous l’avons

rapidement vu, ce procédé qui est développé par le

Massachusetts Institute of Technology (MIT) consiste à

insérer dans une feuille A4 de plastique souple, des

capsules emplies de microbilles et de les activer par

impulsions électriques. L’électronique nécessaire au

fonctionnement est minime, tout comme la

consommation d’énergie qui est restreinte au seul

changement de page. Les spécialistes prévoient le

lancement des premiers exemplaires en 2015.

80 H.C. Andersens, Les cygnes sauvages, 1822.

Schéma de la couche

d’encre électronique

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118

Les designers se sont donc emparés des différentes

technologies pour imaginer les supports de lecture du

futur.

LES PROJETS

Les exemples que nous avons vus montrent que, jusqu’à

présent, les designers adoptent des concepts

sensiblement identiques.

Afin d’aborder des projets avec des idées plus

innovantes, prospectives, voire loufoques, les modèles

présentés ci-dessous sont ceux d’étudiants en design ou

de jeunes designers. Ils proviennent, principalement, du

site internet, new-yorkais, de design Core 7781, qui

organise un concours autour du thème du reader de

demain.

Nu*book

Design : Michael DiTullo

Le designer a choisi une esthétique simple mais efficace,

très proche du livre-papier, soulignée par un dos et une

tranche recouverts de cuir. L’interface est entièrement

tactile.

81 http://www.core77.com/.

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eScroll

Design : Christian Holland

Prenant le volumen comme base de travail, eScroll

dispose d’un système de navigation unique avec sa

roulette qui permet, également, de sélectionner.

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retroBook

Design : Andreas.S

Une nouvelle fois le designer a opté pour une esthétique

copiant le livre classique et une interface très simple.

Book Dome

Design : Mark Veljkovich

Concept original d’ebook qui tient dans la paume de la

main. Le designer l’a pensé pour être confortable

d’utilisation.

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eBook

Design : non communiqué

Le créateur a intégré à son eBook un stylo numérique

qui permet d’écrire sur n’importe quelle surface, ou sur

la partie prévue à cet effet, et de les enregistrer dans le

lecteur.

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122

Walkbook Sports

Design : non communiqué

Le maitre mot de ce concept est la solidité. Le designer

est parti du fait qu’un livre était résistant, qu’on pouvait

le faire tomber sans avoir peur de le casser. Notre mode

de vie requiert des objets que l’on peut transporter,

bouger, faire tomber, etc. Le reader est donc protégé

par du caoutchouc.

eBook TS

Design : non communiqué

Une nouvelle fois, le design s’inspire grandement de

l’esthétique du livre-papier. Ici le lecteur peut choisir de

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123

mettre un livre comme couverture, il tourne les pages en

déplaçant son doigt en diagonale. A l’aide du stylet, il

peut prendre des notes.

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Flutter

Design : non communiqué

Le flutter se veut un véritable outil multimédias, à la fois

lecteur MP3, livre et presse numérique, cadre photo,

etc.

Ebook light

Design : Emese Mandzaik

En partant du constat que le goût de la lecture

s’acquérait petit, le designer développe un ebook qui

peut permettre à la maman de raconter une histoire,

puis qu’elle peut poser à côté du lit pour servir de

veilleuse et aider son enfant à s’endormir.

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Leaf

Design : Kyle Loughlin

Ce concept est construit autour de la page. Le designer a

voulu un livre numérique avec différentes pages qu’on

puisse physiquement tourner.

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Skiff reader

Design : Fubiz82

Utilisant la nouvelle génération de papier électronique

en couleur, l’écran tactile et flexible a une épaisseur de

seulement 6 millimètres pour une diagonale de 11,5

pouces.

Boc

Design : non communiqué

82 http://www.skiff.com/.

Page 127: LE DESIGN - DoYouBuzz

127

Le Boc est pensé comme un livre numérique

écologiquement responsable, réalisé avec des matériaux

recyclables et alimenté par un panneau solaire.

proEbook

Design : Kallol Mohanty

Ce projet d’anticipation développe un livre numérique

sous la forme d’un stylo. Ce dernier projette sur

n’importe quelle surface son contenu.

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Scroll

Design : Ed Burdick

Une nouvelle fois inspiré par le volumen antique, ce

projet utilise lui aussi la technologie du papier

électronique. Les contenus peuvent être acheté chez soi

et intégré dans le scroll ou directement dans les

magasins.

Bookuff

Design : Alison Uljee

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129

Dans ce concept, la designer a intégré une feuille de

papier électronique à un terminal qui se porte au

poignet. Ce dernier peut-être personnalisé pour

répondre au goût de chacun. L’utilisateur peut retirer la

feuille qui se trouve dans le terminal et y retrouver le

dernier livre ou magazine qu’il a acheté et téléchargé.

Read while you write

Design : Bea Joyce Enmil

Ce concept original apparait sous la forme d’un stylo.

Celui-ci contient une œuvre précise et pour pouvoir la

lire vous devez passer le stylo sur une feuille de papier.

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Le stylo va imprimer ligne après ligne le texte en

respectant l’écriture de l’auteur.

BookLight

Design : Kicker studio

BookLight est un mini projecteur qui peut donc afficher

son contenu sur n’importe quel support, petit ou grand.

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LE TRAVAIL GRAPHIQUE &

ARCHITECTURAL

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134

Dans l’univers du livre, le contenu a longtemps

complètement effacé le contenant. Le livre était alors

quelque chose de désincarné, envisagé uniquement par

rapport au texte et aux images.

Toutefois, chronologiquement dans notre

relation avec le livre, on le perçoit d’abord comme un

objet avec des dimensions spécifiques, un poids

particulier, une texture, un graphisme, une architecture,

etc. : « Malgré l’adage qui veut qu’on ne puisse juger un

livre d’après sa couverture, la première impression du

lecteur est déterminée par des facteurs généralement

indépendants de la volonté de l’auteur et qui relèvent

plus des sens *…+ que de l’intellect83. » Malgré cette

relation particulière, le contenant reste transparent pour

bien des lecteurs. Ces derniers prennent conscience de

la forme du livre lorsqu’elle se révèle déficiente

(caractère trop petit, poids excessif, format inadapté,

etc.). : « Le livre la partage *l’injustice+ avec tous les

autres objets design : leur conception n’apparaît

clairement à nos yeux que lorsqu’elle vient

compromettre leur bon fonctionnement84. » Le design

graphique et les autres branches du design portent donc

83 St. Daricau, Le livre en pages, Paris, Pyramyd NTCV et CNDP, 2006,

p.9. 84 Ibid., p.9

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135

une attention toute particulière au graphisme et à

l’architecture du livre.

IMPRESSION

Revival

Design : Hideki Nakajima

Format : 300 x 216mm

Pages : 108

Année : 1999

Pays : Japon

Créée pour un magazine de cinéma japonais, Cut, la

couverture a subi un traitement très original. Sa surface

semble couverte de petites goutte d’eau, qui sont en fait

des perles de résine fixées par un laminage.

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Make it Bigger

Design : Pentagram (Paula Scher)

Format : 165 x 235mm

Pages : 272

Année : 2002

Pays : États-Unis

La designer a choisi de faire déborder les caractères de

la couverture sur les tranches afin de produire un bloc

typographique noir et orange franc.

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PLIAGE

Project M

Design : Project M Team

Format : 228 x 150mm

Pages : 260

Année : 2004

Pays : États-Unis

Il s’agit d’un livre très simple en apparence. Cependant,

en pliant le coin supérieur de chaque page le long du

dos, les fragments de caractères blancs forment des

lettres reconnaissables. Une fois transformé, le livre

devient un objet en 3D, impossible à refermer.

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Ogenschijnlijk

Design : Will van Sambeek

Format : 315 x 240mm

Pages : 128

Année : 2000

Pays : Pays-Bas

Ce livre présente presque à chaque page des pliages,

leur point culminant étant la représentation de la

fresque murale d’Andreas Pozzo (1642-1709),

« Glorification de saint Ignace ».

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Petit arbre

Design : Katsumi Komagata

Format : 210 x 260mm

Pages : 30

Année 2009

Pays : France

Grâce au découpage et au pliage, l’auteur évoque avec

poésie et légèreté la vie d’un arbre qu’on retrouve tout

au long des pages.

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Popville

Design : Les associés réunis

Format : 140 x 280mm

Pages : 16

Année : 2009

Pays : France

Les designers ont travaillé avec les auteurs pour vivre la

ville de pop-up. Le petit village du début du livre évolue

à chaque page, les infrastructures s’emboitent jusqu’à

devenir une ville.

Labyrinthe

Design : les éditions volumiques

Format : prototype

Pages : prototype

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Année : 2010

Pays : France

Labyrinthe est un prototype de livre à lecture

combinatoire. Pour chaque nouvelle page trois

nouveaux choix sont proposés. Ce livre offre donc la

possibilité d’avoir de très nombreuses fins.

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RELIURE

Freistil

Design : Raban Ruddigkeit

Format : 240 x 175mm

Pages : 476

Année : 2003

Pays : Allemagne

Le designer a choisi pour cet ouvrage de faire une reliure

à nu. La couverture est imprimée sur un miroir

métallique qui réfracte la lumière et les couleurs.

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Gutenberg-Galaxie II

Design : Irma Boom (2002)

Format : 290 x 193mm

Pages : 2 x 208

Année : 2002

Pays : Pays-Bas

Alors qu’elle apparait comme un grand livre au format

français (format portrait), cette monographie se plie en

deux pour former deux petits livres au format à

l’italienne (format paysage). Elle recèle d’autres astuces

qui en font un bon exemple de ce qu’il est possible

d’obtenir avec de l’encre et du papier.

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The Order of Things

Design : David James Associates

Format : 185 x 260

Pages : 176

Année : 2001

Pays : Royaume-Uni

Ce livre de photographie n’a ni début ni fin, et ni page de

titre ni couverture. Le logo de l’éditeur, le copyright et

les crédits sont imprimés sur l’étiquette qui se trouve sur

l’étui en plastique.

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Super : Welcome to Graphic Wonderland

Design : Benzin

Format : 240 x 166mm

Pages : 412

Année : 22003

Pays : Suisse

La reliure des cahiers cousus est exposée à l’état brut.

Les lettres du titre sont découpées dans la couverture.

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FORMAT

Once in a Lifetime – Talking Heads

Design : Sagmesiter Inc.

Format : 135 x 427

Pages : 80

Année : 2003

Pays : États-Unis

Pour ce livre consacré à un groupe de pop, les designers

ont conservé l’échelle du CD mais sous une forme

linéaire : les dimensions sont obtenues en plaçant les

trois CD côte à côte.

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MATERIAUX

Zumtobel – Rapport annuel 2001-2002

Design : Sagmesiter Inc.

Format : 271 x 211mm

Pages : 112

Année : 2003

Pays : États-Unis

La couverture présente des formes plastiques extrudées

en relief.

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148

Spoon

Design : Eggers + Diaper

Format : 210 x 300mm

Pages : 448

Année : 2002

Pays : Allemagne

La couverture a été créée en gravant le titre sur des

plaques métalliques incurvées mécaniquement. Ce choix

lui donne une douce ondulation, telle une cuillère

(« spoon »).

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149

INTERACTION

Le livre qui disparait

Design : les éditions volumiques

Format : non communiqué

Pages : non communiqué

Année : 2010

Pays : France

Pour les lecteurs pressés ; le livre devient illisible et

disparaît 20 minutes après sa première ouverture.

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150

Bodas : Cotton Basics

Design : Rose design

Format : 220 x 170mm

Pages : 12

Année : 2001

Pays : États-Unis

Pour ce catalogue le designer a imaginé de faire

photographier le mannequin dans la même pose, de

face comme de dos, avec tous les modèles de la

collection. Les pages sont coupées au milieu et

permettent de comparer, ainsi, différentes

combinaisons.

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151

Sagmeister : Hand Arbeit

Design : Stefan Sagmesiter et Anna-Maria Friedl

Format : 148 x 105mm

Pages : 84

Année : 2002

Pays : États-Unis, Autriche

Ce livre est très conventionnel, à un détail près : un trou

de 10mm de diamètre a été découpé d’un bout à l’autre

du livre. Il est intégré à l’illustration de couverture et à la

mise en page du reste du livre.

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152

Westzone Publishing – Preview Autumn 2001

Design : Rose Design

Format : 148 x 116mm

Pages : 52

Année : 2001

Pays : Royaume-Unis

Le designer a intégré tout au long du catalogue des

zones en encre à gratter argentée. Elle recouvre des

éléments clés de l’image. Le lecteur doit intervenir dans

son ouvrage pour en percevoir la vraie nature.

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153

Paradoxales

Design : les éditions volumiques

Format : non communiqué

Pages : non communiqué

Année : 2010

Pays : France

Paradoxales est une bande dessinée en volume dont la

lecture se fait en profondeur. Les pages translucides

permettent au héros de voir loin derrière les

apparences.

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154

Page 155: LE DESIGN - DoYouBuzz

155

LE LIVRE COMME SOURCE

D’INSPIRATION

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Après avoir envisagé le travail des designers sur l’objet-

livre en tant que support à la connaissance, nous allons

voir de quelles manières ils abordent le livre comme

source d’inspiration.

LE LIVRE FACILITÉ

Book Cup

Design : Rie Akutsu & Koji Shimizu

Pays : Japon

Il n’est pas toujours aisé de transporter ses livres, voilà

le problème résolu avec cette couverture pour livre qui

possède une poignée.

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Sleeve blanket

Design : Andrea Ayala

Pays : Espagne

En hiver il est désagréable de devoir maintenir les bras

sur la couette pour pouvoir lire dans son lit. La designer

propose des draps avec des manches pour passer les

bras et, ainsi, pourvoir lire tout en ayant les bras au

chaud.

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Paperbax

Design : non communiqué

Pays : États-Unis

Il peut devenir pénible de tenir son livre à bout de bras,

partant de ce constat le designer a imaginé ce support

pour faciliter la lecture.

Book shelves

Design : Stanislav Katz

Pays : Lettonie

Afin de lire pendant plusieurs heures, il est essentiel

d’avoir une position confortable. Le designer a imaginé

une bibliothèque qui intègre cette problématique.

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L’arbre à livres

Design : Matali Crasset

Pays : France

La designer Matali Crasset a imaginé cette bibliothèque

avec un fauteuil cocon en hauteur. Ainsi isolé et entouré

des ses livres favoris, le lecteur peut profiter des plaisirs

de la lecture.

The bookcase chair

Design : Gail Peter Borden

Pays : États-Unis

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Une nouvelle fois le designer a recherché le confort de

lecture et la proximité avec le livre. Ce fauteuil

bibliothèque peut accueillir près de 200 ouvrages.

Espresso Book Machine (EBM)

Design : on demand books

Pays : États-Unis

L’EBM permet de limiter la consommation de papier et

d’énergie, mais aussi les transports, la taille des stocks

dans les librairies, etc. À partir d’un fichier personnel ou

d’un livre numérique, elle imprime un livre en 3 minutes.

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LE LIVRE REPENSÉ

Workaholic Pillow

Design : non communiqué

Pays : Japon

Taille : 210 x 100 x 300mm

Il peut arriver qu’à force de lire nous finissions par nous

endormir sur notre livre. Parti de ce constat, le designer

propose un oreiller en forme de livre.

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Bookworms go green

Design : Soo-Yeon Yang

Pays : Corée du Sud

Nos habitats domestiques manquent souvent de verdure

et de contact avec la nature. Le designer a imaginé ce

récipient qui prend la forme d’un livre afin de se glisser

dans la bibliothèque.

Readable book of Hotel Bedcovers

Design : Tiago da Fonseca

Pays : Royaume-Uni

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Il peut nous arriver de nous retrouver seul dans un hôtel

et de ne pas avoir de livre à parcourir avant de nous

endormir. La solution existe avec cette couverture et ces

draps sur lesquels sont imprimés des passages d’œuvres.

Book of lights

Design : Takeshi Ishiguro

Pays : Japon

Dans ce livre posé sur une table se dissimule une lampe

pliée.

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164

Good ideas glow in the dark

Design : Adris

Pays : Croatie

Ce livre renferme en réalité une lampe afin de mettre un

peu d’animation dans votre bibliothèque la nuit.

Take a seat

Design : Darris Hamroun

Pays : France

Ce livre de taille normale renferme un siège.

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Fauteuil livre

Design : Gruppo Dam

Pays : Italie

Ce fauteuil est inspiré par les pages d’un livre ouvert.

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Reader’s Nest

Design : Agence David Design

Pays : Royaume-Uni

Le designer propose ce repose livre original qui prend la

forme d’un abri pour les oiseaux.

Book Clock

Design : Perpetual Kid

Pays : États-Unis

Une nouvelle fois, le format du livre a inspiré le designer

pour créer un tout autre objet. Cette horloge très

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colorée s’insère, ainsi, très facilement dans une

bibliothèque.

MultiBook

Design : Dante Donegani et Giovanni Lauda

Pays : Italie

Derrière MultiBook, qui a l’apparence d’un livre, les

designers ont intégré plusieurs fonctions : lampe,

horloge, chargeur pour différents supports, etc.

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168

BookBook

Design : twelvesouth

Pays : États-Unis

Les designers ont imaginé cet étui, imitant un vieux livre,

pour protéger les ordinateurs portables.

Mirror Book

Design : David Dubois

Pays : France

Le designer a imaginé ce miroir qui révèle un livre rangé

en sa partie arrière.

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LE LIVRE REUTILISÉ

Book Pot

Design : Kamoshi Shimasu

Pays : Japon

Vous n’êtes pas bibliophile et vous ne savez plus quoi

faire de vos vieux livres ? Ce designer japonais propose

de les transformer en pot de fleur.

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Livre porte-monnaie

Design : Caitlin Phillips

Pays : Royaume-Uni

La designer propose d’utiliser les vieux livres pour les

transformer en porte-monnaie ou en sac à main.

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The Michelberger Hotel

Design : non communiqué

Pays : Allemagne

Dans cet hôtel berlinois, les murs de plusieurs chambres

ont été recouverts de livres, qu’il est possible d’ouvrir.

Le bar et l’espace détente disposent de lustres en livres,

de meubles en livres avec des livres dedans.

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Book Letters

Design : Byggstudio

Pays : Suède

Les designers ont laissé leur inspiration créer, à partir de

livres, cet alphabet.

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Le livre trophée

Design : Tom & Caro

Pays : France

Ce couple de designers a imaginé ces trophées, à partir

d’anciens livres, pour la fête du livre de Saint-Etienne.

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OUVERTURE

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Après avoir approché la manière dont les designers

abordent le livre, qu’il s’agisse du contenu comme du

contenant, il convient de poser concrètement les

questions soulevées, les pistes de recherches, les

ouvertures et d’y apporter quelques éclairages,

commentaires sans toutefois ambitionner d’y répondre

tant le champ exploré est vaste et pourrait être la cible

d’une véritable recherche en design.

Concernant le livre interactif, de nombreuses

questions se posent. Il est ainsi curieux de voir que les

livres accompagnés d’un CD, CD-ROM ou DVD-ROM,

sont rares. À la fin des années 1980, l’édition a connu

une vague de livres interactifs pour la jeunesse.

Gallimard lança la collection Le livre dont vous êtes le

héros où le lecteur choisissait ses options de lecture et

participait à la construction de l’histoire. Malgré

quelques succès, ils étaient chers à produire, trop chers

à la vente, long à concevoir et très vite dépassés. Le

modèle s’est donc essoufflé. L’édition, que l’on peut

qualifier d’électronique, s’est déplacée vers d’autres

secteurs comme les dictionnaires, les encyclopédies, le

juridique et le médical. Il s’agit de domaines où elle s’est

durablement implantée, car elle apporte la légèreté des

supports, facilite grandement les recherches et

l’actualisation des données qui leur est indispensable.

Ces données illustrent donc la situation actuelle de ces

supports. Par rapport au développement des ouvrages

Page 177: LE DESIGN - DoYouBuzz

177

avec des contenus additionnels sur Internet, on peut

sincèrement se demander s’il ne s’agit pas uniquement

d’un concept marketing ? Les exemples sont peu

nombreux mais caractéristiques. Lancés à grand renfort

de publicité, voire même présentés comme une série

télévisuelle hollywoodienne pour Level 26, le lecteur

devient un simple consommateur. L’obligation d’utiliser

un téléphone de dernière génération pour lire les

flashcodes ne va-t-il pas constituer un sérieux frein ? En

France, seuls 26 % des téléphones sont compatibles avec

cette technologie. De plus, si à moyen terme ses

contenus ne sont plus gratuits, les lecteurs vont-ils

accepter de payer ? Il convient clairement de

s’interroger sur ce qui intéresse ces derniers. Les

lecteurs sont-ils sensibles à l’hyperlivre ? Les livres avec

des contenus additionnels ont-ils un public ou restent-ils

un marché de niche ? Il est très fréquemment fait

référence au fractionnement de la lecture induit par la

consultation des contenus en ligne. Ne sont-ils pas tout

simplement un obstacle au développement de

l’imagination, et à l’évasion que les lecteurs disent

rechercher dans leurs livres ?

Si l’apparition et le développement du livre

numérique ont bien eu lieu, la déflagration tant

annoncée ne s’est pas encore produite. Il est intéressant

de noter que la totalité des modèles mis sur le marché

se ressemblent. Le livre numérique ne peut-il s’incarner

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que sous une seule forme ? Parmi les projets présentés,

nombreux plagient le livre-papier, sa forme, son

apparence, son fonctionnement. Pour exister, le livre

numérique doit-il copier le livre-papier ? L’attachement

très profond au livre, pour toutes les raisons –

historiques, culturelles, pratiques – que nous avons

évoquées ne confine-t-il pas le développement du livre

électronique, à court et moyen termes, dans un marché

de niche ? La tablette numérique, ipad, du fabriquant

Apple est récente mais s’est déjà vendue à plusieurs

millions d’exemplaires rien qu’aux États-Unis.

L’engouement provoqué par les produits de cette

marque lui assure un succès sans égal. Sa bonne fortune

va-t-elle faire basculer les choses ?

Certains modèles imaginés par les jeunes

designers adoptent des formes originales. Sont-ils

viables et les modifications des pratiques de lecture,

qu’ils induisent, sont-elles envisageables ? À fin

d’exemple, le développement du livre numérique sur les

smartphone85 se fait au ralenti. Au Japon, qui fait

référence en termes de nouvelles technologies et de

progression du livre électronique, le marché des

85 Téléphone de dernière génération qui regroupe de nombreuses

fonctionnalités autour de leur connexion à Internet.

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contenus est dominé à 65%86 par le manga87 numérique,

les autres genres sont minoritaires. Celui-ci, avec ses

épisodes courts en noir et blanc, est très adapté pour la

lecture sur écran. Le livre numérique sur les téléphones

portable est-il donc amené à se développer ou à

disparaitre ? La taille des écrans, que ce soit pour un

téléphone ou un livre électronique, est-elle un obstacle ?

La majorité des gens avouent vite se fatiguer en lisant

sur un écran. Les concepteurs de futurs modèles de

livres électroniques prennent-ils en compte cette

donnée ? Le rétro-éclairage des écrans nuit au confort

de la lecture, quelles sont les technologies alternatives ?

Le papier électronique créé par le MIT se

contente de la lumière naturelle. Les projets de

designers s’emparent de cette nouvelle technologie. Les

fabricants annoncent que des prototypes sont en cours

de test. Sont-ils viables ? Quel serait le coût d’un tel

support ? Ce dernier rend-il envisageable le

développement commercial à court terme d’ouvrages

interactifs ? Beaucoup des projets utilisant cette

technique paraissent se diriger vers la presse, celle-ci est

86 V. Bonneau et M. Leiba, Les modèles économiques du livre

numérique : perspectives internationales, étude réalisée pour le

Ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre du

Conseil du livre, mars 2010. 87 Bande dessinée japonaise.

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elle plus adaptée et ouverte à l’apparition du support

électronique ?

Les défenseurs du livre numérique mettent en

avant l’argument écologique pour justifier leur position

et leur choix. Qu’en est-il aujourd’hui ? Selon une étude

commandée par Hachette Livre à la société Carbone 4,

un reader dégage 250 fois plus de CO² par an qu’un livre

papier : il faudrait lire au moins 80 livres numériques par

an pendant trois ans avec le même livre électronique

pour l’amortir écologiquement88.

Le problème de la conservation des œuvres est

aussi une question soulevée par le livre numérique car,

comme nous le dit Georges Vignaux, il est sans doute

plus facile de lire un livre écrit en 1480 qu’une disquette

créée en 198089. La technologie évoluant à un rythme

accéléré, les formats de fichier, comme les supports,

deviennent rapidement périmés. Aucun support de

données numériques n’a survécu plus d’une décennie

depuis les années 1970. Des études sérieuses doivent

être entreprises, sur ce point, l’UNESCO même ayant été

interpellée.

88 http://www.sne.fr/pages/informations/livre-electronique-03-

09.html. 89 G. Vignaux, Le livre électronique : perspectives, rapport pour la

Plateforme de Production de Ressources Éditoriales, 2007.

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Avant de développer de nouveaux supports, les

designers se sont intéressés à la forme du livre. Cet

intérêt s’est fait en parallèle de l’importance prise par

les concours des plus beaux livres. Il en existe, à présent,

dans un grand nombre de pays (France, Suisse, Suède,

Belgique, Canada, États-Unis, Royaume-Uni, etc.).

Toutefois, même si la qualité globale des livres publiés

s’est améliorée, quel est le coût de telle expérience

graphique ? Ce dernier ne les enferment-ils pas dans un

marché de niche ? Le lecteur est-il toujours sensible aux

architectures complexes d’œuvres ou gardent-elle une

part de futilité ?

Quoiqu’il en soit les designers sont nombreux à

travailler sur le livre sous toutes ses formes. Il reste pour

eux une source d’inspiration, revendiquant même une

relation charnelle avec l’objet. Ce consensus transparait

dans les différents projets abordés. Les idées se

recoupent souvent. Les designers sont-ils trop immergés

dans l’ère culturelle du livre pour l’aborder, l’imaginer, le

penser sous un autre angle ? Il est intéressant de noter

que, le plus souvent, les projets originaux sont ceux de

designers asiatiques qui culturellement sont moins

attachés au format livre.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

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Barba non facit philosophum90. Après tant de mots,

d’images et de projets, la frontière et les certitudes

entre concret et abstrait sont d’autant plus atténuées.

Entre les premiers codex, fabriqués à Rome au Ier siècle

ap. J.-C., les manuscrits enluminés par les moines

médiévaux, l’apparition des livres de poche avec le

développement des transports modernes et les derniers

modèles de livre électronique commercialisés, la route

fut longue et riche. Celle du design ne l’est pas moins,

mais il ne jouit pas de la même reconnaissance. Trop

méconnu et complexe pour faire l’unanimité, il a encore

des difficultés pour trouver sa place et s’affirmer.

Aujourd’hui, malgré cela, le design est partout. Le terme

est souvent employé à mauvais escient, ce qui n’aide pas

à sa compréhension et à son assimilation. Toutefois, s’il

n’est pas omnipotent, il est quasiment omniprésent. Les

designers avec leur état d’esprit, leur philosophie du bon

sens et leur goût pour aborder tous les domaines sont

devenus d’intrépides analystes de notre société.

L’objet-livre, qui est plébiscité pour de multiples

et originelles raisons, se voit accorder tous les bienfaits,

on le juge capable de tous les miracles. Toujours est-il

qu’il occupe une place à part dans notre société et qu’il

est la cible de toutes les attentions. La création et le

90 « La barbe ne fait pas le philosophe », Plutarque.

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développement du ministère de la Culture a permis la

mise en place d’une véritable politique du livre et

l’intérêt des pouvoirs publics ne diminue pas. Orchestré

par le Centre National du Livre, en collaboration avec la

profession, cette politique a permis le maintien de la

diversité des lieux d’accès, mais, aussi, la richesse des

catalogues. Les maisons d’éditions n’ont jamais autant

publié de titres, l’industrie n’a jamais autant vendu

d’exemplaires, le livre est présent dans une majorité des

foyers français. Même si des difficultés existent, elles

semblent plus le fait des orientations de l’industrie du

livre et de la concentration éditoriale. Nombreux sont

ceux qui dénoncent la domination de la logique

strictement économique. Ils l’accusent d’oublier les

valeurs du monde de l’édition, qui par le passé ont fait

sa renommée et ont permis le développement de la

Culture. Le dernier ennemi de l’objet-livre est son

jumeau électronique, mais, comme le dit le rapport

Palatino, « la production d’un reader, dont les

potentialités techniques rivaliseraient avec celle du livre

papier, est un défi91. »

C’est donc cet objet aux multiples facettes, deux

fois millénaires, que beaucoup pensent malade, voire en

phase terminale, que nous avons confronté au design et

91 B. Patino, Le devenir numérique de l’édition, rapport du ministère

de la Culture et de la Communication, 2008, p. 37.

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il s’est avéré que les designers étaient des passionnés de

livres. Loin de le voir mal en point, ils assimilent les

évolutions à venir mais pensent que le support papier va

résister et perdurer. À travers leur travail sur le livre en

termes de graphisme et d’architecture, sur le livre

interactif, le livre numérique, ou dans d’autres

domaines, ils soulèvent des questions et des pistes de

recherche intéressantes. Par son approche différente,

réfléchie et concertée, le design va jouer un rôle dans les

défis qui attendent le livre. Comme le note le designer

Olivier Marcellin : « le salut du livre passe par une

approche plus innovante dans son approche esthétique

globale, en incluant l’approche design92. » Le philosophe

Gilbert Simondon nous dit : « La découverte de la beauté

des objets techniques ne peut pas être laissée à la seule

perception : il faut que la fonction de l’objet soit

comprise et pensée93. » L’approche design peut-être un

enjeu majeur pour l’avenir du livre.

Celui-ci a toujours été un objet design mais sa

technicité se développant d’une part, et, d’une autre

part, son support traditionnel étant remis en cause, le

livre a d’autant plus besoin de se réfléchir pour évoluer

dans le bon sens. Le designer industriel Julien Bergignat

92 http://www.objetslivres.fr/. 93 G. Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Paris,

Éditions Aubier, 2001, p. 186.

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conclue : « la relation que l’homme entretient avec le

livre, surtout de nos jours, est très intéressante. Peut-

être qu’un designer se penchera un jour dessus et la

re-poétisera !94 » Toutefois, comme nous l’avons déjà

évoqué, les designers sont probablement encore trop

marqués par l’objet-livre pour le re-poétiser.

Pour conclure, les mots élogieux de Bruno Patino,

dans sont rapport sur Le devenir numérique de l’édition,

qualifient le livre de « technologie parfaite » … peut-être

son évolution n’est elle juste pas possible ou

souhaitable.

« Le livre, contrairement à la musique ou au film,

qui ont changé de supports plusieurs fois au cours des

dernières décennies, garde pour référence un modèle

séculaire. La version papier est, il est vrai, un modèle

assez époustouflant : mobilité, présence d’un moteur de

recherche sous forme d’index, système en partie ouvert

(on peut écrire dessus, corner les pages, voire, in fine,

les déchirer), autonomie parfaite (aucune source

d’énergie n’est nécessaire), possibilité d’usage en tous

lieux, et chargement instantané et définitif lors de l’acte

d’achat95. »

94 Entretien avec Julien Bergignat, août 2010. 95 B. Patino, op. cit., p.37.

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188

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Bilans – Rapports

BARLUET Sophie, Rapport Livre 2010, Ministère de la

Culture et de la Communication, 2007.

BONNEAU Vincent et LEIBA Marc, Le modèle

économique du livre numérique : perspectives

internationales, Ministère de la Culture et de la

Communication, mars 2010.

GAILLARD Yann, La politique du livre face au défi du

numérique, Rapport de Commission des finances du

Sénat, 24 février 2010.

PATINO Bruno, Le devenir numérique de l’édition,

Ministère de la Culture et de la Communication, 2008.

REPAIRE Virginie et TOUITOU Cécile, Les 11-18 ans et les

bibliothèques municipales, Bibliothèque Centre

Pompidou, 2009.

VIGNAUX Georges, Le livre électronique, PPRE, 2007.

Ministère de la Culture et de la Communication, Chiffres

clés 2010, Statistiques de la culture, 2010.

Centre national du Livre, Rapport d’activité, 2008.

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Ressources en ligne

http://www.objetslivres.fr

http://www.theoriedesigngraphique.com

http://www.volumique.com/fr/

http://www.galerie-anatome.com/

http://www.lesplusbeauxlivres.fr/

http://www.etapes.com/

http://www.core77.com/

http://www.bookpatrol.net/

http://territoiredessens.blogspot.com/

http://www.theoriedesigngraphique.org/

http://www.theoriedesigngraphique.org/

http://www.centrenationaldulivre.fr/

http://www.lekti-ecriture.com/contrefeux/

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CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES

Tous droits réservés.

Les images proviennent des ouvrages suivants, les

crédits photographiques y sont référencés :

BRANZI Andrea (dir.), Qu’est ce que le Design ?, Paris,

Gründ, 2009, 287 p.

DARRICAU Stéphane, Le livre, Paris, Pyramyd NTCV et

Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP),

2004, 96 p.

FAWCETT-TANG Roger, Éditions expérimentales, Paris,

Pyrmayd NTCV, 2005, 160 p.

JUBERT Roxane, Graphisme, Typographie, Histoire, Paris,

Flammarion, 2005, 431p.

Les projets de designers proviennent de différents sites

internet. Le nom du designer a été cité chaque fois que

celui-ci était clairement identifié.

P. 14 : Michel-Ange, Chapelle Sixtine, 1508-1512.

P. 52 : Peter Behrens, Bouilloire électrique, AEG, 1909.

P. 86 : Raphaël, L’école d’Athènes, 1509-1512.

P. 132 : Asger Jorn, Pas de puissance d’imagination sans

images puissantes, 1968.

p. 154 : Kylie Stillman.

p. 174 : Saul Steinberg, sans titre, 1961.

p. 182 : Saul Steinberg, dessin, 1970.

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