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LE DERNIER JOUR DU LANCASTER LL690-JIJ Par Michel Lespagnol (Juin 2014) On ignore tout de ce qui s'est passé la nuit du 15 au 16 Juin 1944 lorsque le Lancaster LL690 du 514 Squadron s'est écrasé au lieu dit « Les Moulins » à Iwuy dans le nord de la France. Au travers des témoignages et des documents recueillis ont peut tenter de reconstituer la dernière journée des membres de l' équipage jusqu'à l'instant fatal. Revenons en arrière, nous sommes le 15 Juin 1944 à l'aérodrome de Waterbeach à environ7 km au Nord Est de Cambridge ou se trouve la célèbre université. La base de Waterbeach vue aérienne Cette base accueille depuis le 23 novembre 1943 le 514 Squadron qui fait partie du 3ème groupe du Bomber Command. Auparavant le 514 se trouvait à Foulsham dans le Norfolk avant d'être transférée ici. La base acceuille environ 30 bombardiers dont le LL690 JI-J qui est un Avro Lancaster de type II, c' est l'un des 301 appareils qui ont été fabriqués avec une version motorisée différente de celle du Lancaster I équipé habituellement de 4 moteurs Rolls Royce Merlin. Au total dans toutes ses versions le Avro Lancaster aura été produit à 7378 exemplaires (dont environ 3700 furent détruits lors des opérations ou lors d'accidents). Cet appareil est propulsé par 4 moteurs Armstrong Withworth Bristol Hercules à refroidissement par air, cette motorisation avait été pensée pour prévenir la pénurie de moteurs Rolls Royce Merlin en cas de difficulté d'approvisionnement de la célèbre firme. A pleine puissance un seul moteur développe 1735 CV. Malgré cela les performances du Lancaster type II sont moins bonnes que celles du type I notamment en ce qui concerne le plafond opérationnel et le tonnage de bombes emporté. 1

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LE DERNIER JOUR DU LANCASTER LL690-JIJPar Michel Lespagnol (Juin 2014)

On ignore tout de ce qui s'est passé la nuit du 15 au 16 Juin 1944 lorsque le Lancaster LL690 du514 Squadron s'est écrasé au lieu dit « Les Moulins » à Iwuy dans le nord de la France.

Au travers des témoignages et des documents recueillis ont peut tenter de reconstituer la dernièrejournée des membres de l' équipage jusqu'à l'instant fatal.Revenons en arrière, nous sommes le 15 Juin 1944 à l'aérodrome de Waterbeach à environ7 km auNord Est de Cambridge ou se trouve la célèbre université.

La base de Waterbeach vue aérienne

Cette base accueille depuis le 23 novembre 1943 le 514 Squadron qui fait partie du 3ème groupe duBomber Command. Auparavant le 514 se trouvait à Foulsham dans le Norfolk avant d'êtretransférée ici. La base acceuille environ 30 bombardiers dont le LL690 JI-J qui est un AvroLancaster de type II, c' est l'un des 301 appareils qui ont été fabriqués avec une version motoriséedifférente de celle du Lancaster I équipé habituellement de 4 moteurs Rolls Royce Merlin. Au totaldans toutes ses versions le Avro Lancaster aura été produit à 7378 exemplaires (dont environ 3700furent détruits lors des opérations ou lors d'accidents).

Cet appareil est propulsé par 4 moteurs Armstrong Withworth Bristol Hercules à refroidissementpar air, cette motorisation avait été pensée pour prévenir la pénurie de moteurs Rolls Royce Merlinen cas de difficulté d'approvisionnement de la célèbre firme. A pleine puissance un seul moteurdéveloppe 1735 CV. Malgré cela les performances du Lancaster type II sont moins bonnes quecelles du type I notamment en ce qui concerne le plafond opérationnel et le tonnage de bombesemporté.

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Un Lancaster type II à refroidissement par air

JEUDI 15 JUIN 9H 30 :

Les 7 membres d' équipage du LL 690 JI-J se réveillent dans leur abri de tôle ondulée Nissen enforme de demi tonneau. C'est la fraîcheur d'une belle journée de printemps qui les sort petit à petitde leur sommeil qui fut de courte durée. La nuit dernière ils sont rentrés d'une mission sur Le Havreà 2h 31 du matin, c'était la 25 ème pour le Pilote Officer Ernest Arthur Kingham. Il lui reste encore6 missions à accomplir avant d'arriver à la 30 ème qui signifiera pour lui la fin de son tourd'opérations pour un repos bien mérité. La 4ème mission n' a pas été comptabilisée car pour causede mauvais temps la cible n'a pu être identifiée et l' appareil a du rentrer à la base sans accomplirson travail. Le risque était pourtant le même, mais les règles sont les règles et en temps de guerre ilne faut pas chercher à comprendre.

Un abri de type Nissen largement utilisé sur les bases britanniques

Ernest Arthur Kingham, 23 ans est entouré de ses camarades qui l'accompagnent depuis 25 missionsdont 22 ont été effectuées avec le LL 690 JI-J. Bizarrement ils ne se sont pas décidés donner unnom à l'appareil comme certains le font habituellement.

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Voici nos hommes et leur foncion : Navigateur Sergent Raymond Harold Hutt 23 ans, Mitrailleursupérieur Sergent Frédérick Neale Ansell 34 ans on imagine facilement le surnom de « papy » quilui est attribué, le radio Benjamin Bloom 23 ans « Benji » pour les intimes qui relit une lettreenvoyée par sa fiancée, le mitrailleur arrière le Sergent Daniel George Davis 27 ans, un solidegaillard venu de sa lointaine ferme du Canada ou il a laissé son plus fidèle compagnon Queenie, sachienne cocker, le Sergent Joseph Black 21 ans mécaninien naviguant et enfin le bombardierFranck Richard Spencer âgé de 20 ans tout nouvellement marié.

L'équipage du LL 690 JI-J

Il se sont choisis et forment une vrai équipe qui fonctionne parfaitement depuis le 21 Février decette année 1944.

Depuis la nuit du 6 au 7 juin ou l'équipage était en mission sur Lisieux (la nuit du débarquement),ils ont effectué 5 missions. Le Bomber Command ne laisse pas de répit à l'ennemi et on murmureque quelque chose se prépare de nouveau pour ce soir.

JEUDI 15 JUIN 10H00 : C'est l'heure du breakfast et chacun y va de son commentaire à propos dela mission de la veille. Au rythme ou çà se déroule ils seront tous bientôt à la fin de leur tourd'opérations et chacun pourra retourner à la vie civile sauf pour ceux qui souhaiterons signer unnouvel engagement comme cela arrive souvent.

JEUDI 15 JUIN 10H 30 : Le pilote officier Ernest Arthur Kingham sort du bureau du FlightCommander, il y aura bien une nouvelle opération cette nuit. 20 équipages du 514 Squadron sontassociés à cette mission.

JEUDI 15 JUIN 11H 00 : L'équipage vérifie l'état de l'avion pour la future mission et effectue un

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run (vol d'essai) pour vérifier le bon état de marche de l'appareil. Celui ci est ensuite vérifié par leséquipes au sol qui chargent les bombes pour la mission.

Une équipe au sol prête à charger les bombes dans un Lancaster de type I

JEUDI 15 JUIN 13H 00 : L'équipage se rend au mess pour le repas du midi.

JEUDI 15 JUIN 14H 00 : L'équipage retourne dans son abri Nissen pour prendre un peu de reposavant de se rendre aux différents briefings.

JEUDI 15 JUIN 16H 30 : C'est l'heure du thé

JEUDI 15 JUIN 17H : Le sergent Raymond Harold Hutt se rend avec le bombardier Franck Spencerau briefing de navigation. Le navigateur est l' intellectuel du groupe, Franck, le bombardier leremplacera au dessus de la cible. Sur la grande carte d' Europe affichée au fond de la salle, l'objectifest pointé, ce sera la cour de la gare de Valenciennes ou se trouve un centre ferroviaire stratégiqueutilisé par la logistique allemande. La route est symbolisée par un morceau de laine rouge pourl'aller et bleu pour le retour. Le plan de vol affiché doit être scrupuleusement respecté, la marged'erreur est la demi-minute. Raymond Harold prépare sa carte, son « log » (journal de route) et son« gen » un document ou sont inscrits tous les renseignement dactylographiés sur un papier spécialque le navigateur devra manger s'il risque de tomber aux mains de l'ennemi.

JEUDI 15 JUIN 17H 30 : Dans leur salle respective, Joseph Black, Franck Spencer, Frédérik NealeAnsell, Daniel George Davis et Benjamin « Benji » Bloom se réunissent avec leurs homologuesdes 19 autres équipages de Waterbeach. Chacun est informé à son niveau sur le chargement desbombes, la quantité de carburant et d'huile emportés , les renseignements radio (fréquencesutilisées) la quantité de munitions qui sera disponible à bord. Dans le même temps, Ernest ArthurKingham qui est le commandant de bord est informé de tout ce qui vient d'être indiqué à son

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équipage. L'avion dispose d'une réserve supplémentaire d' essence d'une heure calculée sur la basede la durée de la mission.

JEUDI 15 JUIN 18H 30 : Chacun retourne dans ses quartiers pour effectuer un brin de toilette avantde se rendre au repas du soir.

JEUDI 15 JUIN 20 H 00 : C'est le repas d'avant vol composé d’œufs, de bacon, de frites et detartines de pain beurré suivant les goûts de chacun.

JEUDI 15 JUIN 20H 35: C'est le main briefing, la réunion générale ou se regroupent les 140membres de la base de Waterbeach qui vont participer à l'opération. Une grande carte identique àcelle qui a été présentée une heure plus tôt aux navigateurs trône sur le mur au fond de la salle. Enplus de la route indiquée et de l'objectif, figurent également en rouge les zones de DCA, les zonesde projecteurs en bleu, les zones interdites de survol et aussi les zones « jettison » ou il faudralarguer les bombes avant de revenir à la base au cas ou la mission serait ajournée en cours de route.Il était recommandé d’atterrir à vide pour éviter les accidents à l'atterrissage.

Membres d'équipage au cours d'un Briefing

La salle se remplit, chaque équipage possède sa table sur laquelle se trouvent 2 sacs de couleursdifférentes par personne. Dans le sac rouge chacun vide ses poches et met à l'intérieur les effetspersonnels qu'ils souhaite voir détruit s'il ne rentre pas. Dans le sac blanc sont rangés les effets quiseraient remis à la famille en cas de non retour.

On recommande à chacun d'emporter le strict minimum en effets personnels : la carte d'identité dela RAF, un peu d'argent et surtout aucun indice qui pourrait renseigner l'ennemi. Nos amisemportent avec eux quelques photos de famille, mère, épouse, fiancée …...... Raymond Haroldemporte une photo qui le représente en uniforme, sa mère en possède un double, une manière pourlui d'être avec elle dans les moments difficiles. C'est cette photo qui sera retrouvée sur les lieux ducrash le lendemain par M Alfred Trioux habitant d'Iwuy. A la fin du briefing chaque membre reçoitune « Escape Box », une boite en plastique transparent qui permettra a chacun de survivre 5 joursen cas de crash en pays occupé : comprimés de nourriture, un rasoir,une lime, de quoi pêcher, unecarte, une boussole etc......Une enveloppe avec de l'argent Français et Belge est également remise àchacun (les devises distribuées correspondaient aux pays que les membres d'équipage étaient senséstrouver sur leur route en cas d'atterissage forcé ou d'évacuation de l'appareil en parachute.)

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Chacun prend ses affaires puis le silence se fait et l'officier météo prend la parole, il indique lesconditions qui seront rencontrées au cours de la mission. L'officier de renseignements (intelligenceservice) s'exprime ensuite : Ce soir nous attaquons la gare de triage de Valenciennes dans le nord dela France. La lumière s'éteint alors et un projecteur diffuse sur un écran des photos dereconnaissance de l'objectif prises la veille. L' officier indique qu'une action similaire sera effectuéedans le même temps sur la gare de triage de Lens par un autre « stream » (vague) composé de 121bombardiers, le « stream » de Valenciennes sera composé de 123 appareils.

Les autres appareils proviendront des Squadron 105 et 109 du groupe VIII (5 Mosquitos) ,Squadron 7 du groupe VIII ( 9 Lancasters I et III de la Pathfinder force). Les Mosquitos larguerontles targets indicators rouges et verts pour marquer la cible, les 9 autres Lancasters auront pourmission de lancer des fusées éclairantes pour illuminer la cible et continuer à la marquer à l'aide dede « spot fires » jaunes et blancs. Les Squadron 75, 115 et 90 qui font partie du groupe 3 comme le514 (à ce jour je n'ai pas pu identifier le(s) autre(s) Squadron(s) qui faisaient partie du « stream »)largueront les bombes (99 Lancasters de type I, II et III).Ces autres appareils sont situés dans d'autres bases réparties dans toute l' Angleterre.

Le Master bomber survolera la zone de l'objectif et donnera des ordres codés, il pourra modifier lesparamètres prévus ou encore annuler la mission en cas de difficulté.

Le Commandant du Squadron donne ses dernières instructions

Dans leur mission de nuit les bombardiers lourds ne bénéficient pas de la protection des avions dechasse comme c'est le cas pour les bombardiers de jour américains (B17, B 24 etc....). Leur sécuritéest assurée d'une part par les attaques variées sur plusieurs objectifs souvent proches (c'est le cas iciavec l'attaque combinée sur Lens), ce qui déroute la chasse allemande. Le « stream » (la vague des123 bombardiers) va se former à un endroit indiqué par l'officier de l'intelligence service à« Bradwell Bay, » il renforce la cohésion du groupe et complique l'attaque de la chasse ennemie quicraint la collision au milieu de tant d'avions. Enfin les routes et les altitudes changent souvent pourtromper la défense ennemie. Contre la détection des radars les « windows », petites bandelettes

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métalliques sont larguées par les opérateurs radio pour brouiller les ondes de l'ennemi, des écransradars « Mandrel » sont également utilisés, il s'agit d'un mur radar derrière lequel se cache le« stream ». Chaque appareil dispose également d'un système de brouillage individuel dit « Tinsel ».Le dernier rempart de la défense sont les mitrailleuses de petit calibre, 7,7 mm dont sont équipésles Lancaster ce qui représente une faible protection et qui demande aux opérateurs une grandeprécision dans leurs tirs. Pour causer un dommage vital à un avion de chasse ennemie il faut que laballe soit tirée au maximum à 300 m de la cible, au delà l'impact n'a aucun effet sur l'avion visé....

Enfin le commandant du Squadron, le Wing Commander Michael Wyatt DFC prend la parole et àl'aide d'une longue règle indique la route à suivre et les altitudes à respecter. Il termine comme ceuxqui l'ont précédé par le traditionnel « pas de questions ? ». Comme personne ne se manifeste ildemande à chacun de régler sa montre sur la sienne afin que chacun dispose de la même mesure dutemps.

JEUDI 15 JUIN 21H 25 : Le briefing principal est terminé, chacun prend son kit de vol et vas'habiller. Les mitrailleurs sont équipés de combinaisons chauffantes afin qu'ils puissent supporterles températures extrêmes auxquelles il seront soumis.Un officier du médical distribue à chacun des pilules de « Wakey Wakey » qui les aideront à resteren éveil le plus longtemps possible (amphétamines).

JEUDI 15 JUIN 21H 45 : Un véhicule emmène l'équipage vers le LL 690 JI-J.

JEUDI 15 JUIN 22 H 00 :

L'équipage prend place :

Daniel George Davis s’engouffre dans son étroit poste de mitrailleur arrière, son parachutesoigneusement rangé à l'extérieur du minuscule espace. Frederick Neale Ansell grimpe sur son siègede toile suspendu pour accéder à sa tourelle, Raymond Harold Hutt s'installe à sa table denavigateur avec ses instruments et ses cartes, Benjamin Bloom allume ses instruments de radio eteffectue les tests. Franck Spencer prend place à l'avant dans la verrière. Ernest Arthur Kinghams'installe au poste de pilotage et commence la longue check list aidé de Joseph Black le mécaniciennaviguant qui surveille les nombreux compteurs situés en face et derrière lui.

JEUDI 15 JUIN 22H 30 :

Le premier moteur pétarade pour la mise en route puis fait entendre son bruit régulier, il est bientôtsuivi un à un par les 3 autres moteurs. La pression d'huile est bonne, la température commence àmonter bientôt le puissant quadrimoteur recevra l' ordre de s'aligner sur la piste. Ce soir le LL 690portera le numéro 19 et sera l'avant dernier appareil à décoller.

JEUDI 15 JUIN 23H 14

Le premier bombardier a décollé à 22h 56, à raison d'un appareil toutes les minutes notre équipages'envole à 23 h 14. Les appareils qui sont partis avant lui effectuent des tours d'attente, dès que ledernier bombardier aura décollé, le stream quittera l'aérodrome tous feux allumés en direction ducontinent. A partir de ce moment tout échange radio entre les avions est interdit.

VENDREDI 16 JUIN 0 H00 :

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Les 123 bombardiers du « stream » vers Valenciennes se regroupent en une seule vague au dessusde la mer du nord à « Bradwell Bay ». Chacun éteint ses feux, il n'y a plus de repère et le risque decollision entre appareils est important, chaque commandant de bord assisté de tous les membresd'équipage doit veiller à ne pas dévier de sa trajectoire. Le rôle du navigateur est primordial.

VENDREDI 16 JUIN 00H 05 :

La côte est en vue, les premiers projecteurs ennemis scrutent le ciel.

VENDREDI 16 JUIN 00H 25 :

Valenciennes est en vue

VENDREDI 16 JUIN 00H 25 BASE AERIENNE ALLEMANDE DE ATHIES LAON :

A 90 km à vol d'oiseau la NJG5 est en alerte, la défense allemande a repéré une activité aérienneanormale dans la région de Valenciennes et de Lens. L'oberleutnant Peter Ehrardt as de la chasse denuit allemande s'installe aux commandes de son Messerchmitt BF 110 équipé de radars et d'unearme terrible appelée Schrage Music (ou Jazz Music). Cette mitrailleuse à canon multiple tire enoblique des obus de 20 mm en passant au dessous des bombardiers quadrimoteurs. En aout 1943L'oberleutnant c'est rendu célèbre en abattant en une demi heure 4 bombardiers au dessus dePeneemunde en Belgique

Un Messerschmitt BF 110 au sol

VENDREDI 16 JUIN 0H 30 :

Le stream approche de la cible, le temps est clair mais les nuages sont à 8000 pieds (2400 mètres)au dessus de la cible. Le master bomber (responsable de la mission) qui se trouve dans l'un desavions éclaireurs qui vont marquer la cible donne l'ordre de bombarder en dessous des nuages, unechance, il n'y a pas de projecteurs sur la cible et il n'y a pas de flak (protection antiaérienne au sol)ce soir. Les Pathfinders (éclaireurs) larguent leur « target indicators » (indicateurs de cible) decouleur rouge, le master bomber s'aperçoit qu'ils ne sont pas bien positionnés, il donne l'ordre derefaire un nouveau marquage.

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VENDREDI 16 JUIN 00H 32 : Cette fois la cible semble correctement marquée elle est confirméepar les « targets indicators » de couleur verte. Le bombardement peut commencer mais la confusionrègne dans le « stream », ces 3 minutes de retard perturbent le déroulement de l'opération.

VENDREDI 16 JUIN 00H 33 : C'est le début du bombardement, Franck Spencer le bombardier estallongé dans la verrière de nez du Lancaster. Voici environ 10 minutes qu'il a relayé le navigateur,c'est lui maintenant qui donne les indications au pilote pour la route à suivre au dessus de la cible.

VENDREDI 16 JUIN 00H 34 BASE AERIENNE ALLEMANDE DE ATHIES LAON :

Le Messerchmidt 110 de Peter Ehrardt prend son envol, à 560 km/h le temps de quitter le circuit depiste et il sera à Valenciennes dans 10 à 11 minutes.

VENDREDI 16 JUIN 00H 45 :

Le LL 690 fait partie de la dernière vague de largage (supposition car nous n'avons pas d'élémentsur le sujet) Franck Spencer par l'intermédiaire de l'intercom (système de communication radiointerne) donne ses dernières instructions au dessus de la cible illuminée maintenant par les fuséeséclairantes, les indicateurs verts ne brulent plus ils sont remplacés par les Spots Jaunes et blancs:Ernest Arthur Kingham écoute attentivement son équipier:« à gauche....à gauche …..tout droit......c'est très bien attention.....BOMBES LARGUEES » la cibleest atteinte, l'avion prend soudainement de la hauteur, il vient de se libérer du poids des 4500 kg debombes qu'il emportait ce soir là.

Un Lancaster au dessus de sa cible

VENDREDI 16 JUIN 00H 47 :

A bord c'est le soulagement, pour la 22ème fois l'équipage du LL 690 a rempli sa mission, dans de 2heures ils seront à la maison, la route du retour est tracée, cap au Sud-Ouest, à Cambrai prendre uncap plein Est puis un cap Nord Est au dessus d'Arras pour ne plus en changer jusqu'à la base.

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VENDREDI 16 JUIN 00H 48 :

Frederick Neale Ansell vient de repérer en même temps que Daniel Davis une lueur dans le ciel, undes appareils du stream vient a été touché par un chasseur dont l'ombre s'éloigne dans le lointain.

VENDREDI 16 JUIN 00H 48 :

L'oberleutnant Peter Ehrhardt aperçoit plusieurs quadrimoteurs il a du mal à identifier le modèle del'appareil : Halifax ? Lancaster ? Au hasard il en prend un en chasse : c'est le LL 690.

VENDREDI 16 JUIN 00H 49 :

L'inquiétude des mitrailleurs est palpable, Frederick et Daniel recommandent à Ernest de prendre unpeu d'altitude, ils sont à 7000 pieds (2100 mètres) sous les nuages. En passant au dessus des nuagesla lumière serait sans doute meilleure et l'oeil exercé de ces tireurs d'exception verrait mieux unéventuel chasseur ennemi. Soudain, c'est le choc un bruit lugubre vient de résonner dans lacarlingue, l'appareil est touché. Un des moteurs gauche est en feu et la verrière de Franck vientd'exploser.

VENDREDI 16 JUIN 00H 50 :

Dans l'intercom c'est la panique, Ernest ordonne à chacun de garder son calme il demande laposition au navigateur Raymond Harold qui ne répond plus. Puis l'avion commence à piquer del'avant, Joseph indique qu'il n'arrive pas à éteindre le feu du moteur. Ernest demande à chacund'évacuer l'appareil mais il n'obtient plus de réponse. Franck qui est blessé au visage a réussi àrevenir auprès du poste de pilotage, il indique que la trappe d'évacuation est bloquée et qu'il fauttenter d'ouvrir la soute à bombes pour s'échapper. Daniel n'arrive pas à s'extraire de son poste demitrailleur, la tourelle a du être endommagée par un obus. La tête de Frédérick a heurté le dôme deson mirador et il est inconscient. Benjamin gît inanimé.....

VENDREDI 16 JUIN 00H 51 :

Le Lancaster est une boule feu, la température monte à l'intérieur, l'avion est bas , très bas, tous lesmembres d'équipage sont restés à l'intérieur, l'évacuation n'a été possible. Ernest Arthur Kinghamaidé de son mécanicien Joseph Black aperçoivent au dessous d'eux l'ombre d'un village qu'il faut àtout prix éviter pour épargner la vie des civils. C'est leur dernier réflexe : épargner les gens de cevillage dont il ne connaitront jamais le nom.

VENDREDI 16 JUIN 00H51 A TERRE A IWUY :

Melle Pierrette Dupuis (aujourd'hui veuve de M Leclercq) entend un bruit d'avion en difficulté, elledort dans une mansarde non loin de la sucrerie d'Iwuy. Elle se lève et elle aperçoit au travers de safenêtre de toit une boule de feu à très basse altitude. Un peu plus loin M Ernest Capliez qui plustard écrira un livre sur l'histoire d'Iwuy, vient de rentrer de captivité, il habite la rue du 1er mai. Ilvoit un avion en feu dont les moteurs ont des ratés et il s'aperçoit que le pilote tente de faire lemaximum pour éviter les habitations afin de s'écraser dans un lieu désert.

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VENDREDI 16 JUIN 00H 52 : C'est fini, M Capliez entend une explosion alors qu' une clartéintense illumine le lieu dit « Les Moulins » vierge de toute construction à l'époque. M Paul Sautierhabite dans la rue du 4 septembre, il voit la même chose que M Capliez à la seule différence qu'ilassiste à la chute de l'appareil qui tombe sur le ventre et explose aussitôt. L'incendie perdurejusqu'au lendemain matin à l'arrivée des allemands. A 700 mètres de là ma mère BernadetteHouriez, son frère Gaston et mes grands parents ont entendu le bruit de l'appareil en difficulté etl'explosion. Ils habitent la maison du garde barrière, ils se lèvent et derrière la maison voient unincendie qui illumine toute la plaine.

Reconstitution éffectuée sur la base des documents officiels du Bomber Command disponibles aux« National Archives de Kew à Londres », et sur la base de l'excellent livre du Docteur Jean PierreDucellier « La Guerre Aérienne dans le Nord de la France » paru aux éditions F Paillart à Abbeville.Ont été consultés également : La revue Icare avec le numéro concernant « Les groupes lourdsFrançais », le livre de Harry Dison édité par le 514 Squadron « Some of the story of 514 Squadron,le livre « Tombés du ciel » sous la direction d'Yves le Maner dans lequel Jocelyn Leclercq del'association Antique Air Artois a écrit un article complet sur le sujet. Personnellement consultéégalement Pierre Ben de l'association Somme Aviation. Avec les témoignages recueillis de MCapliez (décédé) de Me Pierrette Dupuis (Veuve Leclercq) et de M Alfred Trioux, de M PaulSautier, ceux de ma mère Bernadette Houriez (Veuve Félix Lespagnol décédée) et de mon oncle MGaston Houriez.

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