LE CREUSOT, SYMBOLE DE LA VILLE INDUSTRIELLE … · la société après 1845, il profite des...

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LE CREUSOT, SYMBOLE DE LA VILLE INDUSTRIELLE AU XIX° SIÈCLE À l’origine petit hameau bourguignon (Saône et Loire) situé au cœur d’un bassin houiller (charbon) et à proximité de minerais de fer, l’histoire du Creusot commence dès la fin du XVIIIe siècle. En 1785, une première fonderie s’installe dans la plaine des Riaux. Les hauts-fourneaux sont équipés de quais de déchargement des minerais de fer, de fours à coke (charbon), de souffleries, de chaudières… De son côté, la famille royale installe un an plus tard en face de cette manufacture une cristallerie. Déstabilisée par la Révolution française, cette première aventure périclite, mais prépare le terrain aux Schneider, riche famille de Lorraine arrivée en 1836

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LE CREUSOT, SYMBOLE DE LA VILLE INDUSTRIELLE AU XIX° SIÈCLE

À l’origine petit hameau bourguignon (Saône et Loire)

situé au cœur d’un bassin houiller (charbon) et à

proximité de minerais de fer, l’histoire du Creusot

commence dès la fin du XVIIIe siècle. En 1785, une

première fonderie s’installe dans la plaine des Riaux. Les

hauts-fourneaux sont équipés de quais de déchargement des

minerais de fer, de fours à coke (charbon), de souffleries, de chaudières… De son côté, la

famille royale installe un an plus tard en face de cette

manufacture une cristallerie. Déstabilisée par la Révolution

française, cette première aventure périclite, mais prépare le terrain aux

Schneider, riche famille de Lorraine arrivée en 1836 …

LE CREUSOT EN 1847 Le Creusot, vue prise du nord, lithographie d’après l’aquarelle de Trémaux, 1847, Écomusée du Creusot

1. Le château de La Verrerie, résidence des Schneider. 2. L’église Saint-Laurent. 3. Les cités ouvrières. 4. L’ancienne fonderie de 1785. 5. Les hauts-fourneaux qui produisent de la fonte. 6. Forge. 7. Les ateliers de construction.

8. Le canal pour l’acheminent du fer et du charbon avant l’arrivée du train en 1860.

COUPE D’UN HAUT FOURNEAU

CHRONOLOGIE

1838 : les Etablissements Schneider produisent leurs premières locomotives. 1853 : début de la construction de ponts métalliques 1857 : début de la construction de charpentes métalliques 1870 : début de la production d’acier au Creusot 1876 : construction d’un marteau-pilon de 100 tonnes 1895 : électrification des usines et production de matériel électrique 1897 : début de la production d’artillerie « Schneider Canet » (canon de 75) 1900 : première locomotive électrique d’essai

Eugène Schneider (1805 – 1875) Né dans la Meurthe, dans une famille bourgeoise, il rachète la fonderie du Creusot avec son frère Adolphe et le banquier Seillière. Devenu directeur de la société après 1845, il profite des besoins en chemins de fer, bateaux de fer, charpentes métalliques pour la développer considérablement. Il étend son pouvoir au monde politique : il est député sous le Second Empire et maire du Creusot de 1866 à 1870. Il est aussi président de la Société générale, une nouvelle banque. Après la guerre de 1870, à la demande du gouvernement, il se tourne vers la fabrication de canons en acier. À sa mort, en 1875, son fils Henri lui succède à la tête de l’entreprise.

BIOGRAPHIE

EN 1870, ON COMPTE 15 HAUTS FOURNEAUX AU CREUSOT

Plus de 130 000 tonnes de fonte et 75 000 tonnes d’acier y sont produits en 1870.

Dans la halle de forgeage : « Saisissant de longues tenailles, ils retiraient des fours les masses de fer rouge; puis, les plaçant dans des charriots qu’ils poussaient devant eux, ils les amenaient en face d’énormes enclumes pour être frappées par le marteau. Mais ce marteau ne ressemblait en rien aux marteaux ordinaires; c’était un lourd bloc de fer qui, soulevé par la vapeur entre deux colonnes, montait jusqu’au plafond et retombait droit de tout son poids sur l’enclume. (…) Là, le fer rouge passait entre des rouleaux, sortait aplati en lames semblables à de longues bandes de feu. » Le tour de France de deux enfants, 1877.

Le marteau pilon à vapeur dans les

forges (Cliquer sur le

lien)

Huile sur toile de J.F. Layraud,

1889, Écomusée de la

Communauté Le Creusot-

Montceau-les-Mines

http://www.ecomusee-creusot-montceau.fr/IMG/bonhomme/

L'évolution du capital de l'entreprise

« L'importance de notre fonds de roulement est loin d'être en rapport avec nos opérations (... ) Nous avons pu faire face jusqu'ici à tous ces découverts au moyen de divers dépôts de fonds et des crédits éventuels de banquiers qui avec les commissions ne retiennent pas à moins de 6%, mais la prudence veut que nous pensions à l'avenir et aux temps plus difficiles qui peuvent survenir […], il a paru au conseil de surveillance comme à nous-mêmes [les Schneider] qu'en présence des chemins de fer en cours d'exécution et en projet, des commandes à venir qui peuvent nécessiter encore de plus grandes avances (…) il était plus convenable de subvenir aux besoins jusqu'à concurrence de un million en créant 20 nouvelles actions de 50 000 F qui jouissent des mêmes titres et des mêmes droits que les 80 actions de première création. "

Assemblée Générale du 24 décembre 1844 cité par L. BATSCH, cahier de recherche CEREG n°9514, Université

de Paris IX Dauphine

« Quand le train débouche dans la vallée du Creusot, on croirait pénétrer dans un cratère d’où s’échappent des torrents de fumée sillonnés de langues de feu. À peine à travers ces tourbillons est-il permis d’entrevoir la forme confuse des objets : les colonnes de fonte, une cheminée qui émerge d’un lit de vapeur ».

Louis Reybaud, Le fer et la houille, 1874.

« Il y a trois grandes usines distinctes dans l’établissement du Creusot dit le patron qui le connaissait de longue date : fonderie, ateliers de construction et mines mais voyez, ajouta-t-il en montrant des voies ferrées sur lesquelles passaient des locomotives et des wagons pleins de houille, chacune des parties de l’usine est reliée à l’autre par des chemins de fer, c’est un va-et-vient perpétuel. »

G. Bruno, Le tour de France de deux enfants, 1877.

Population du Creusot et effectifs de l’usine

« Elle était d’une famille de sabotiers qui avait été attirée comme tant d’autres

par cette usine alors naissante du Creusot, où venaient s’engouffrer les paysans d’alentour, attirés par l’appât

d’un salaire un peu plus élevé. »

Jean Baptiste Dumay (1841 – 1926), Souvenirs d’un militant ouvrier.

Les étrangers en Saône et Loire

Histoire et mémoire des immigrations en Bourgogne, Pierre Jacques Derraine, 2005-2008.

Résidence de la famille Schneider à partir de 1837

Eugène Schneider, son épouse et leurs trois fils le 11 juin 1905

Ouvriers en 1881

Extraits du règlement des ateliers de construction du Creusot (1848)

Art 2 – La durée de la journée sera fixée selon les besoins des travaux par l’administration de l’Établissement, sans pouvoir toutefois dépasser 12 heures de travail effectif.(…) Art 3 – Le montant du salaire est réglé à tant par heure, suivant la force de l’ouvrier, dans la partie où il est occupé. Art 4 –Tout ouvrier, en entrant dans l’Établissement, doit déposer son livret ou ses papiers au bureau du comptable de son atelier, où ils seront immédiatement enregistrés. Art 5 – Après la rentrée, aucun ouvrier ne doit s’éloigner de son travail, à moins de justifier son absence par une permission du chef d’atelier (…). Art 8 – Il est défendu : - De fumer durant les heures de travail; - De faire entrer dans les ateliers aucune liqueur spiritueuse, sans une permission expresse; - D’y lire des imprimés, journaux ou autres écrits, et d’y former des groupes.

Ouvriers en 1881

Cité ouvrière de la Villedieu

Groupant 80 maisons construites en 1865, l’ensemble s’étend sur un plan

orthogonal. Il s’agrandit en 1872 de 25 unités. Cette cité, édifiée par les

Schneider, se compose de maisons individuelles de deux pièces sur un seul

niveau. Toutes sont rigoureusement identiques.

« Etre le père de vos ouvriers, voilà bien, Monsieur, la constante

préoccupation de votre cœur. Toutes les œuvres de bienfaisance dont vous

avez doté votre cité, en donnent un vivant et magnifique témoignage.

L’enfant a ses écoles, le vieillard sa Maison de famille pour abriter ses

infirmités ; les blessés et les malades trouveront ici l’Hôtel du bon Dieu (…)

Cette pensée constante de votre vie, vouée au bien-être moral et matériel

de votre grande famille ouvrière, vous l’avez recueillie, Monsieur, de votre

illustre père, le grand génie qui a créé cette cité industrielle dont vous

contribuez à maintenir et étendre la glorieuse renommée. »

J.A.Burdy, adjoint au maire du Creusot, discours pour l’inauguration de l’Hôtel-Dieu,

15 septembre 1894.

LE PATERNALISME DES SCHNEIDER

Ecole Schneider, 1881

https://www.histoire-image.org/etudes/greve-creusot-

1899-0

Cliquer sur ce lien pour découvrir le tableau …

Les grèves sont

suivies par des milliers de salariés. Ainsi, au Creusot,

environ 4000 grévistes furent dénombrés le 29 mai 1899. A cette date, les établissements

emploient environ 9000 personnes s. (…) Elles ont coïncidé largement avec

l’arrivée des radicaux au pouvoir en juin 1899 desquels les ouvriers attendaient des

réformes susceptibles d’améliorer des conditions de

vie et de travail difficiles, même dans les sites du Creusot et de Montceau où le paternalisme patronal assurait une relative

sécurité matérielle en contrepartie de laquelle

sévissait un autoritarisme pesant de la part de la direction

de l’entreprise.

http://www.ecomusee-creusot-montceau.fr