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1 Le comportement de l’Etat néo-patrimonial comme facteur des guerres civiles Albert Tcheta-Bampa* 1 Version très préliminaire Résumé L’objet de cet article est d’étudier l’impact de comportement de l’Etat néo-patrimonial sur la guerre civile dans une perspective africaine. Nous démontrons que ce régime politique constitue un facteur de mauvais choix et mauvaise politique économique et de faible croissance pour deux raisons principales : il suscite l'accaparement privé des ressources collectives (par une taxation excessive alimentant des transferts au profit d'une minorité) et entraîne une augmentation des coûts de transaction pour le secteur privé par généralisation la corruption. Il en découle que la domination de la rationalité politique sur la rationalité économique. La corruption indique que le contrðle de l’Etat peut être la source des revenus élevés, de pouvoir, et incite les coalisations des individus exclus des réseaux de clientèles, d’opposition, à surinvestir dans la conquête du pouvoir enfin de contrðler une partie de rentes. I. Introduction, caractérisation de fonctionnement du régime néo-patrimonial Depuis la fin de la guerre froide, plusieurs études ont tenté de mettre en lumière, l’influence que les ressources naturelles, les inégalités, la diversité ethnique et culturelle et le rôle de la colonisation ont exercé sur les guerres civiles dans les pays en développement (Collier et Hoeffer, 2000 2 ; Hugon, 2009 3 et Gahama, 2006 4 ). Ces études au demeurant peu nombreuses, ne prennent pas en compte les facteurs institutionnels et leurs effets sur les comportements des Etats néo-patrimoniaux. En dehors des quelques études en science politique et de quelques études d’économie politiques sur l'essence du pouvoir politique en Afrique et de la faiblesse de l’Etat ( Cartier- Bresson, 2010 5 ; Quantin, 1999 6 , Englebert, 2003 7 ,), il n'y a pas, à notre connaissance, d'études économiques systématiques et approfondies sur la relation entre les institutions néo-patrimoniales et les guerres civiles en Afrique. Nous soutenons dans cette étude que ces facteurs exercent une influence significative, qui peut être observée de façon concrète sur des guerres civiles en Afrique. La raison supposée en est principalement l’existence d’un comportement prévaricateur des entrepreneurs politique qui servent à la tête des Etats patrimoniaux ou néo- patrimoniaux 8 . Les notions de patrimonialisme et de néo-patrimonialisme expriment le fait qu’un individu ou un groupe d’individus parvenu à occuper une fonction publique, administrative ou politique, utilise leur position ou leur poste et les attributions qui en découlent, comme s’il les avaient hérité, ou comme si c’étaient les siens propres * 1 CES, Université Panthéon-Sorbonne, Paris1. Une version étendue de ce travail reposant sur des estimations économétriques est en préparation. Je tiens à remercier Patricia Vornetti, François Facchini et Jean Cartier-Bresson pour leurs commentaires. Les opinions exprimées sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l'Institution à laquelle il appartient. 2 Collier, P. and Hoeffer, A. (2000). « On Economic Causes of Civil Wars », Oxford Economic Papers, vol. 50, pp.563 573. 3 Hugon, P. (2009). « Le rôle des ressources naturelles dans les conflits armés africains », Hérodote, 3, n°134, pp.63 79. 4 Gahama, J. (2005 2006). « Les causes des violences ethniques contemporaines dans l’Afrique des Grands Lacs : une analyse historique et socio-politique », Afrika Zamani, n°13 & 14, pp.101 115. 5 Cartier-Bresson, 2010, Cartier-Bresson (2010), « Le comparatisme à la croisée des chemins : La corruption entre analyse normative et positive ». In Le comparatisme à la croisée des chemins Autour de l'œuvre de Jean-François Médard. Karthala 2010. L’idée de cette recherche est née à la suite ce travail. 6 Englebert, P. (2003). « Souveraineté, Sous-Développement et le Paradoxe Nationaliste Congolais », Monde en développement, vol.31, n°123. 7 Quantin, P. (1999). « L’Afrique Centrale dans la Guerre : Les Etats Fantômes ne meurent jamais », African Journal of Political Science, vol.4, n°2, pp.106 125. 8 Le patrimonialisme renvoie à un mode de domination historique, analysé pour la première fois par Max Weber. Dans l’Etat patrimon ial, c’est la référence à la tradition qui confère une légitimité au pouvoir du chef politique et à l’appropriation privative des ressources de l’Etat qu’il fait. Dans l’Etat néo-patrimonial, le détenteur du pouvoir fait le même usage des ressources publiques. Mais il le fait dans le cadre d’un Etat doté de structures légales et formelles modernes. L’administration de cet Etat fait usage du droit écrit, et se réfère à des normes de fonctionnement légales-rationnelles. Ses tenants prétendent souscrire aux idéaux de la construction étatique et nationale et tiennent un discours sur l’intérêt général.

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Le comportement de l’Etat néo-patrimonial comme facteur des guerres civiles

Albert Tcheta-Bampa*1

Version très préliminaire

Résumé

L’objet de cet article est d’étudier l’impact de comportement de l’Etat néo-patrimonial sur la guerre civile dans une perspective africaine. Nous démontrons que ce régime politique constitue un facteur de mauvais choix et mauvaise politique économique et de faible croissance pour deux raisons principales : il suscite l'accaparement privé des ressources collectives (par une taxation excessive alimentant des transferts au profit d'une minorité) et entraîne une augmentation des coûts de transaction pour le secteur privé par généralisation la corruption. Il en découle que la domination de la rationalité politique sur la rationalité économique. La corruption indique que le contrðle de l’Etat peut être la source des revenus élevés, de pouvoir, et incite les coalisations des individus exclus des réseaux de clientèles, d’opposition, à surinvestir dans la conquête du pouvoir enfin de contrðler une partie de rentes.

I. Introduction, caractérisation de fonctionnement du régime néo-patrimonial

Depuis la fin de la guerre froide, plusieurs études ont tenté de mettre en lumière, l’influence que les ressources naturelles, les inégalités, la diversité ethnique et culturelle et le rôle de la colonisation ont exercé sur les guerres civiles dans les pays en développement (Collier et Hoeffer, 20002 ; Hugon, 20093 et Gahama, 20064). Ces études au demeurant peu nombreuses, ne prennent pas en compte les facteurs institutionnels et leurs effets sur les comportements des Etats néo-patrimoniaux. En dehors des quelques études en science politique et de quelques études d’économie politiques sur l'essence du pouvoir politique en Afrique et de la faiblesse de l’Etat (Cartier-Bresson, 20105 ; Quantin, 19996, Englebert, 20037,), il n'y a pas, à notre connaissance, d'études économiques systématiques et approfondies sur la relation entre les institutions néo-patrimoniales et les guerres civiles en Afrique. Nous soutenons dans cette étude que ces facteurs exercent une influence significative, qui peut être observée de façon concrète sur des guerres civiles en Afrique. La raison supposée en est principalement l’existence d’un comportement prévaricateur des entrepreneurs politique qui servent à la tête des Etats patrimoniaux ou néo-patrimoniaux8. Les notions de patrimonialisme et de néo-patrimonialisme expriment le fait qu’un individu ou un groupe d’individus parvenu à occuper une fonction publique, administrative ou politique, utilise leur position ou leur poste et les attributions qui en découlent, comme s’il les avaient hérité, ou comme si c’étaient les siens propres *1 CES, Université Panthéon-Sorbonne, Paris1. Une version étendue de ce travail reposant sur des estimations économétriques est en

préparation. Je tiens à remercier Patricia Vornetti, François Facchini et Jean Cartier-Bresson pour leurs commentaires. Les opinions

exprimées sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l'Institution à laquelle il appartient. 2 Collier, P. and Hoeffer, A. (2000). « On Economic Causes of Civil Wars », Oxford Economic Papers, vol. 50, pp.563 – 573. 3 Hugon, P. (2009). « Le rôle des ressources naturelles dans les conflits armés africains », Hérodote, 3, n°134, pp.63 – 79. 4 Gahama, J. (2005 – 2006). « Les causes des violences ethniques contemporaines dans l’Afrique des Grands Lacs : une analyse historique et socio-politique », Afrika Zamani, n°13 & 14, pp.101 – 115. 5 Cartier-Bresson, 2010, Cartier-Bresson (2010), « Le comparatisme à la croisée des chemins : La corruption entre analyse normative et

positive ». In Le comparatisme à la croisée des chemins Autour de l'œuvre de Jean-François Médard. Karthala 2010. L’idée de cette recherche est née à la suite ce travail. 6 Englebert, P. (2003). « Souveraineté, Sous-Développement et le Paradoxe Nationaliste Congolais », Monde en développement, vol.31, n°123. 7 Quantin, P. (1999). « L’Afrique Centrale dans la Guerre : Les Etats Fantômes ne meurent jamais », African Journal of Political Science, vol.4, n°2, pp.106 – 125. 8 Le patrimonialisme renvoie à un mode de domination historique, analysé pour la première fois par Max Weber. Dans l’Etat patrimonial,

c’est la référence à la tradition qui confère une légitimité au pouvoir du chef politique et à l’appropriation privative des ressources de l’Etat

qu’il fait. Dans l’Etat néo-patrimonial, le détenteur du pouvoir fait le même usage des ressources publiques. Mais il le fait dans le cadre d’un Etat doté de structures légales et formelles modernes. L’administration de cet Etat fait usage du droit écrit, et se réfère à des normes de

fonctionnement légales-rationnelles. Ses tenants prétendent souscrire aux idéaux de la construction étatique et nationale et tiennent un

discours sur l’intérêt général.

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(Médard9). Les deux notions renvoient donc à l’appropriation privative des charges, richesses publiques par leurs détenteurs. On s’intéresse dans cet article qu’au système institutionnel néo-patrimonial dans lequel, les élites au pouvoir détournent des richesses pour s’enrichir et offrir à leurs réseaux de clientèle des faveurs. C’est avec la consolidation des régimes africains issus des indépendances, qu’on a assisté à l’émergence d’une telle classe politique habituée à utiliser l’Etat comme son arène pour l’action et sa source de pouvoir, de statut, de rente et autres formes de richesses (Lafay et Lecaillon, 1993 p 28)10. Ce syndrome a été renforcé par des dispositions politico-culturelles précoloniales et coloniales favorisant les structures clientélistes et l’idée que la fonction politique était la voie primordiale pour atteindre la richesse, un statut social et le pouvoir. Contrairement au choix productif que peut faire un dictateur bienveillant11 afin d’augmenter les ressources à distribuer légalement et de réduire la rébellion d’opposition, le patriarche néo-patrimonial et ses serviteurs affectent quasiment pas leurs ressources sous forme de biens publics productifs ou de transfert. Ils les utilisent illégalement pour s’enrichir personnellement et un usage politique :corruption, clientélisme politique permettant d’améliorer sa probabilité de rester au pouvoir (Cartier-Bresson, 201012). Cette prévarication apparait comme une dépense néo-patrimoniale (gouvernementale) qui, agit, car elle est improductive, négativement non seulement sur la productivité du travail mais sur le taux de croissance de l’économie. Plus ce système institutionnel perdure et devient culturel, plus l’économie devient généralement rentière, corruptible et la performance économique se dégrade. Elle est en conséquence, la source de désinstitutionnalisation, de la faiblesse de l’Etat et l’instabilité du gouvernement. La désinstitutionnalisation se manifeste à travers la personnalisation du pouvoir à laquelle se livrent les leaders néo-patrimoniaux, et à travers leur gestion informelle des affaires publiques. La faiblesse de l’Etat quant à elle, se traduit par l’incapacité du gouvernement à s’engager de façon crédible sur les dépenses publiques productives pour maintenir la paix (Azam, 200113 ; Azam, Berthélemy et Calipel, 199614 et Alesina et Perroti,199415). Enfin, l’instabilité se manifeste notamment par la violence politique qui, est l’une des variables de l’environnement que l’on peut associer à la stagnation économique de l’Afrique16. C’est cette prédominance des comportements d’Etat néo-patrimonial qui pour cet article, expliquerait fondamentalement la guerre en Afrique, parce qu’elle favoriserait la domination de la rationalité politique sur la rationalité économique et produirait de profondes conséquences, en créant des conditions peu favorables à la croissance et en instaurant un système institutionnel d’incitation qui généraliserait les comportements de recherche de rente et de la corruption (Lafay et al.). Puisque la croissance est négative dans cette situation, il s’ensuit de moins en moins de rente (fiscale17) pour les entrepreneurs politiques au pouvoir. En conséquence logique, la rareté des ressources entraîne de plus en plus de la concurrence pour capturer le pouvoir et le contrôle de la rente. Les élites au pouvoir renforcent l’exclusion et les obéissances clientélistes, ensuite le pouvoir se ressert autour du patriarche-

9 Médard J.-F. « L’État patrimonialisé », Politique africaine, n° 39, septembre 1990, p. 25-36. 10 Lafay J.-D. et Lecaillon J. 1993, La dimension politique de l’ajustement économique, Paris, Centre de Développement de l'OCDE. 11 Les choix de dépenses publiques et de taxation dépendent des objectifs de politique poursuivis par les autorit6s, qui peuvent varier selon la nature du régime politique. Dans le régime de type dictateur-bienveillant, le gouvernement adopte une attitude laissez faire, s'abstenant de

toute intervention susceptible d'altérer les incitations des agents. La détermination des politiques par maximisation du bien-être du

consommateur représentatif aboutit alors a des choix assez proches de ceux effectues en démocratie par maximisation du soutien électoral. II en est tout a fait autrement dans un régime type dictateur-malveillant d’Etat néo patrimonial, où les choix de politique économique sont

fondamentalement biaisés. 12 Cartier-Bresson, 2010, Cartier-Bresson (2010), « Le comparatisme à la croisée des chemins : La corruption entre analyse normative et

positive ». In Le comparatisme à la croisée des chemins Autour de l'œuvre de Jean-François Médard. Karthala 2010. 13 Azam, J.-P. 2001, « Capacité d'engagement de l'Etat, redistribution et croissance ». Revue économique, Vol. 52, No. 3 14 Azam J.-P., Berthélemy J-C, et Calipel S. « Risque politique et croissance en Afrique ». Revue

économique. Volume 47, n°3, 1996. pp. 819-829. 15 Alesina A., Özler S., Roubini N. et Swagel P. (1992), « Political Instability and Economic Growth”, Working Paper 4173, NBER, Cambridge (Mass.). 16 Si nous définissons comme politiquement instables les pays qui ont connu deux ou plusieurs épisodes de violence politique (révolution,

rébellion, coup d’Etat, insurrection) depuis les années indépendances, il s’ensuit que la majorité des pays néo-patrimoniaux est instable. 17 Etant donner le comportement prédateur du régime néo-patrimonial, l’Etat n’a pas d’engagement crédible pour financer les investissements

publics productifs, mais son souci est seulement de maximiser des ressources ou impôts discrétionnaires, il est incité ainsi à alourdir de plus

en plus la fiscalité.

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chef d’Etat et sa petite cour ethnique, régionale, lignagère, népotique. La stratégie clientéliste multiplie ainsi les exclus du système, les frustrations relatives et les ressentiments chez ces derniers. La compétition entre individus pour obtenir des rentes ne correspond pas seulement à un gaspillage de ressources productives, elle incite aussi les groupes exclus du pouvoir à s’approprier par la violence politique les rentes que peut procurer le contrðle du gouvernement. Dans cette logique, la corruption va être alors traitée comme un conflit de répartition opposant, fondamentalement (dans un « état de nature »), deux catégories d'agents (deux groupes sociaux) : des politiciens-prédateurs et des populations; ces deux catégories d'agents étant en compétition pour l'attribution à leur profit du montant de l'impôt collecté (Ventelou, 2001)18. Dès lors, le néo-patrimonial explique les conflits violents qui explique la pauvreté et les inégalités, les insiders sont les élites qui contrôlent les revenus (des rentes fiscales, des ressources naturelles), les outsiders sont ceux qui souhaitent contrôler ces revenus, mais qui restent exclus et pauvres en attendant. Les inégalités, l’exclusion exacerbent les violences et la pauvreté, mais le facteur clé reste l’existence de la prévarication des institutions néo-patrimoniales. Enfin, ce système est autodestructeur parce qu’il contribue à travers sa prédation, à la faiblesse de l’Etat, à l’instabilité, à la perte de son monopole légitime, à la déchéance et effondrement de l’État. Notre étude se base à l’effet direct de cette défaillance institutionnelle. Dans la mesure où la défaillance institutionnelle de l’Etat néo-patrimonial rend incapable le gouvernement de s’engager de façon crédible, à réduire les prévarications des rentes de manière à augmenter les dépenses publiques à caractère redistributif, ce système politique influence négativement la croissance et que celle-ci a elle-même une influence sur la guerre civile, il existe un effet indirect passant par la défaillance de choix économique.

La suite de l’article est organisée de la manière suivante. A partir d’un modèle macroéconomique de croissance endogène avec externalité de la dépense publique nous montrons dans une deuxième partie que le néo-patrimonialisme à travers son comportement de prévarication, clientéliste, népotiste, détériore la productivité économique du pays et contribue au recul du développement en détournant les recettes publiques pour l’enrichissement personnel des élites au pouvoir et leurs réseaux de clientèle. On détermine l’équilibre intertemporel du gouvernement et les effets économiques de ce genre de gouvernement (et des conditions sociales et économiques qu’il reflète) se mesurent donc par le gaspillage des ressources publiques, par le découragement de l’investissement productif et par la généralisation des activités de la recherche de rente de la corruption grâce à la manipulation politique. Ensuite, nous démontrons dans la troisième partie que cette organisation politique a aussi à travers la généralisation de la corruption, de profondes conséquences politiques parce que la corruption signale que le contrðle de l’Etat peut être la source de revenus élevés et incite les coalitions d’opposition à surinvestir dans la conquête du pouvoir et elle rend le gouvernement en place plus instable et fragile en érodant son soutien populaire. Dans la quatrième partie les équilibres de jeu stratégique des entrepreneurs politiques sont déterminés. Finalement, la cinquième partie conclut et discute les pistes futures de recherche.

II. Le choix de politique économique du régime néo-patrimonial : prédation, prévarication, clientélisme et exclusion.

Notre idée principale est qu’il y a la guerre civile, c’est parce que la démarche néo-patrimoniale obéit à une logique particulariste, à savoir, le service d’intérêts particuliers, et non la poursuite du bien public, et qu’elle est la source de défaillance institutionnelle en particulier le dysfonctionnement politique et administratif de l’Etat, et la source de

18 Ventelou, B., « Equilibres et stabilité de la corruption dans un modèle de croissance : l’effet de la rémunération des politiciens »

L'Actualité économique, vol. 77, n° 3, 2001, p. 339-356.

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blocage de la croissance économique du pays qu’il chapote. Le déclin de l’économie est dit d’une part à la prévarication des publiques et d’autre part à l’instauration d’un système d’incitation qui a généralisé les comportements de recherche de rente et de corruption. Dès lors cette organisation politique est contraire au développement économique. D’abord, parce que l’élite politique néo-patrimoniale n’est pas concernée par le développement, mais par l’accumulation de ressources économiques et politiques pour ses membres. Ensuite, parce qu’en faisant dépendre les décisions publiques des intérêts et du bon vouloir des leaders patrimoniaux, elle est source d’arbitraire, et induit une incertitude chez les investisseurs privés vis à vis du pouvoir politique. Enfin, parce qu’elle soustrait des ressources économiques destinées au développement pour que les leaders patrimoniaux puissent en faire usage, ou les investir politiquement. Elle va pour toutes ces raisons à l’encontre de la logique de développement capitaliste, et constitue de ce fait un obstacle au développement économique et cause les conflits politiques. Dans cette perspective, nous considérons que le gouvernement néo-patrimonial est uniquement préoccupé par la maximisation de son propre utilité, c’est-à-dire de s’enrichir et offrir aux réseaux de clientèle des faveurs. Son souci est dès lors de maximiser des ressources ou impôts discretionnaires, il est incité par exemple à alourdir de plus en plus la fiscalité (Varoudakis, 1996)19. Il en résulte une baisse de la rentabilité du capital qui réduit le taux de croissance économique. La baisse de la croissance signifie aussi baisse de rente que le groupe au pouvoir devrait détourner pour s’enrichir et distribuer à ses clients. Celle-ci, vraisemblablement, dépend du niveau de consommation des membres du pouvoir et de ses soutiens politiques ou réseaux de clientèle20. Ce choix constitue le début de la crise de système institutionnel néo patrimonial ou modèle de rente. Nous montrons alors, non seulement l’impðt nuit à la croissance, c’est-à-dire une trop forte fiscalité réduit l’activité productive, le processus d’accumulation du capital et favorise une mauvaise affection des ressources, il peut être dans un pays néo-patrimonial une source d’accroissement de la corruption et, par effet logique une source de conflit politique entre la classe dominante qui gouverne et contrôle la corruption (insiders) et la classe dominée et exclue du pouvoir (outsiders) qui, cherche à introduire sa stratégie de contrôle de la corruption afin de défendre ses droits de propriété. On est là au début de la contestation de la domination qui nous permet donc de compléter la théorie des conflits par une théorie des insurrections et des révolutions (Grossman, 1995)21. L’idée est qu’un Etat est approprié par un groupe social minoritaire prédateur. L’impðt est la concrétisation de la domination de ce groupe sur la majorité de la population. Il est prélevé sur la production marchande de la population laborieuse. Il finance la consommation non productive (voitures, villas…..) du groupe dominant. L’objectif du pouvoir en place est de la maximiser. Une limite naturelle à la pression fiscale tient à l’arbitrage opéré par la population laborieuse entre production marchande et production non-marchande. Une augmentation du taux de prélèvement tend à diminuer la production marchande donc l’assiette de l’impðt. Cette optimisation du prélèvement fiscal évoque l’apologue du bandit sédentarisé d’Olson (1982)22. Un bandit errant (nomade), en prenant le contrðle d’un territoire et en se sédentarisant, acquiert un « intérêt englobant » à la richesse de la population sur laquelle il prélève désormais l’impðt. Initialement simple prédateur, il devient gestionnaire d’un prélèvement à long terme. L’exercice durable

19 Varoudakis, A., 1996, « Régimes non démocratiques et croissance : théorie et estimation » . In: Revue économique. Volume 47, n°3, pp. 831-840. 20 En l’évidence l’augmentation des dépenses publiques a un effet d’éviction sur l’investissement privé et de ce fait, conduit à réduire considérablement le niveau

de vie de la population, l’activité des entrepreneurs et les opportunités de profit qui se nourrissent, notamment des changements dans la demande des

consommateurs. 21 Grossman, 1995, « Insurrections », in Hartley K. and Sandaler T., Editors, Handbook of Defense Economics, Vol. 1, Amsterdam, Elsevier,

p. 191-212. 22

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d’un pouvoir de coercition incontesté implique qu’un autocrate rationnel, pourtant préoccupé de son seul intérêt, choisisse une gestion partiellement ou totalement conforme aux intérêts de toute la population. Tout se passe comme si une main invisible le conduisait à limiter son prélèvement fiscal et à financer les biens publics essentiels à la croissance (McGuire et Olson, 1996)23. Ce résultat dépend cependant de façon cruciale de l’adoption d’un horizon temporel long par le bandit sédentarisé. Pour ce qui nous concerne ici, nous montrons que l’Etat néo-patrimonial a rarement cette attitude. Il sape les capacités de l’Etat et entretient un climat dans lequel les responsables publics prennent des décisions à court terme ou concernant leur propre enrichissement, sans prendre en considération les conséquences économiques à long terme ; à moins qu’ils ne se sentent eux-mêmes concernés. McGuire et Olson l’expliquent par le risque de perdre le pouvoir et par les incertitudes de la succession. Le chef du régime prédateur à l’horizon très court se conduirait comme le ferait un bandit errant. Dès lors, notre modèle explique le risque de rébellion par une incitation de l’autocrate à ne pas modérer son prélèvement, mais à le maximiser pour détourner les ressources au profit de ces réseaux clientèles.

I.1 Le cadre formel de corruption et de la prévarication

Nous utilisons le modèle macroéconomique de la croissance endogène avec externalité de la dépense publique de Ventelou (2001)24, ce dernier s’inspirant du modèle désormais canonique de Barro (1990). Formellement, partant de l’hypothèse effets externes des dépenses publiques de Barro (1990)25, on pose les dépenses publiques par tête

un revenu par tête , et un capital privé par tête :

(1)

La fonction de production est supposée homogène de degré 1. L'introduction de dans la fonction de production macroéconomique traduit une sensibilité de la productivité du capital à la dépense publique. Le gouvernement effectue toutes sortes de prélèvements sur l’économie avec un taux d'imposition Comme chez Ventelou (2001), ce que nous introduisons dans le cadre de Barro est que le gouvernement affecte ses ressources fiscales soit à la dépense productive future26 , soit à une « consommation néo patrimoniale »,

, montant des fonds publics qui sont détournés d'une allocation productive au profit des serviteurs du pouvoir et leurs clients. Pour un déficit budgétaire nul, on aura l'égalité ressources-emplois suivante :

(2)

Ayant le monopole suprême, le gouvernement a deux possibilités d’affecter ces ressources. Premièrement, il peut en distribuer une partie sous forme de biens publics (qui croient la productivité de travail) ou de transferts27. C’est ce qu’on appelle le choix productif fait par un dictateur bienveillant afin d’augmenter les ressources à distribuer légalement et de réduire la rébellion de l’opposition. Deuxièmement, il peut choisir l’utilisation illégale (détournement) des ressources publiques entre l’enrichissement personnel et un usage politique, c’est-à-dire la 23 McGuire M. et Olson M. 1996, "The Economics of Autocracy and Majority Rule: The Invisible Hand and the Use of Force", Journal of

Economic Literature, 34, p. 72-96. 24 Ventelou, B., (Ibid.). 25 L’idée centrale du modèle de Barro est que les activités publiques, telles que la fourniture de l’infrastructure publique et la protection des droits

de propriété, complètent le capital privé. De façon spécifique, Barro a considéré la fonction de production suivante pour la firme , avec

, où est le stock de capital détenu par entreprises, le montant de travail utilisé par et désigne le flux de dépenses

publiques25. Cette spécification implique que pour chaque firme , la fonction de production ait des rendements de et constants. 26 Un décalage est introduit de manière à rendre compte d'une véritable dimension intertemporelle du choix de dépense publique. 27 C’est l’idée de Barro et d’autres qui selon cette thèse, les dépenses du gouvernement peuvent, car elles sont productives, agir positivement non seulement sur

la productivité du travail mais aussi sur le taux de croissance de l’économie.

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corruption, le clientélisme politique permettant d’améliorer sa probabilité de rester au pouvoir (Cartier-Bresson, ibid.). C’est ce qu’on nomme la consommation néo patrimoniale

(qui, est un élément nouveau, introduit dans

le modèle de Barro 1990), de manière à rendre compte d’une logique de fonctionnement, à savoir, la confusion du public et du privé qui engendre la prédation, la corruption, le clientélisme, le patronage, le copinage, le népotisme, le tribalisme, le prébendalisme (Médard, 1990)28. Elle est à considérer comme une source profonde de guerre civile ou un « pouvoir destructeur-fatal » de l'intermédiation gouvernementale (même si son montant sera contrôlé par les agents lésés). Comme l’ont écrit Jean-Dominique Lafay et al (1993, p 28.), « l’interventionnisme public offre en effet un large potentiel pour la création de situation de rente, c’est-à-dire de position qui permettent à un individu, une entreprise ou un groupe d’obtenir des gains supérieurs à leur coût d’opportunité 29».

En suivant, Jean Cartier-Bresson (Ibid.), le système fonctionne grâce d’abord aux rentes légales qui permettent, à travers le budget ou la fiscalité, d’offrir aux réseaux de clientèle des faveurs (accès privilégiés publics et sociaux) et des postes dans la fonction publique. On suppose que les agents économiques fraudent la fiscalité, puisqu’ils savent que le souci du gouvernement néo patrimonial est la maximisation des ressources discrétionnaires qui le conduit à alourdir la fiscalité et les ressources fiscales ne seront pas investies de façon à entraîner une croissance endogène par externalité des dépenses publiques d’infrastructure. Par conséquent la fraude affecte fortement les finances publiques et tout particulièrement le niveau des recettes publiques. Les réductions budgétaires diminuent l’offre clientéliste, donc le réseau de soutien, augmentant alors les exclus du réseau, d’où le rejet, la contestation de l’autorité de l’Etat par la population. L’argent issu des rentes illégales (hors budget, budget discrétionnaire, despotique…) est indispensable pour offrir des faveurs si l’argent ou services publics ne peuvent être utilisés. L’achat de soutien politique ou l’achat de biens et services offerts à la clientèle est un achat privé qui renforce la probabilité de se maintenir au pouvoir par les dépenses sociales.

On appellera « prévarication » ce détournement, ce népotisme, ce despote, etc. Le terme est choisi de préférence à corruption pour éviter la connotation juridique de l'analyse. On peut poser « taux de prévarication », tel que , la contrainte budgétaire du gouvernement patrimonial devient :

. (4)

Cette hypothèse pourrait paraitre a priori paradoxale, étant donné le fort déficit budgétaire souvent observé dans le cas de ce régime néo-patrimonial de pays d’Afrique. Deux points doivent cependant être rappelés a cet égard : d'une part, les recettes fiscales sont entendues au sens large, incorporant des revenus extrabudgétaires provenant de la réglementation des activités. D'autre part, les dépenses publiques apparentes ne coïncident pas nécessairement avec les dépenses réelles (qui génèrent des effets externes), dans la mesure où elles sont soumises à des prélèvements et détournements de la part des autorités. La part des recettes fiscales détournée par le chef et serviteurs néo patrimoniaux constitue une déperdition nette pour l'efficacité productive de l'économie et une source de conflit.

Dans cette perspective, on suppose que le gouvernement qui constitue le groupe dominant est purement prévaricateur. Ces entrepreneurs politiques dominants valorisent le flux actualisé des détournements de fonds publics (

. On obtient la fonction objectif d’entrepreneur politique au pouvoir :

28 Médard, J.-F., (Ibid.). 29 Lafay et al. (Ibid.).

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(5)

où est satisfaction du politicien en place, sous contrainte

, avec

tel que (6)

Précisons les points de cette relation. Nous avons dit plus haut que l'introduction de dans la fonction de production macroéconomique traduit une sensibilité de la productivité du capital à la dépense publique. Ceci est interprété comme internalisation par les entrepreneurs politiques de la fonction d’accumulation du secteur privé , autrement dit, les politiciens au pouvoir savent que plus de dépenses publiques productives implique plus de rentabilité du capital privé, qui implique plus d'accumulation et plus de revenu. Pour une fonction homogène de degré 1, la dépense publique intervient dans le revenu avec un rendement constant (comme il est montré en annexe dans le cadre de Barro, l'effet total de sur le revenu est linéaire). Ce résultat, ainsi que la forme et les arguments de g, s'interprètent bien avec notre hypothèse un programme de maximisation du profit par une firme représentative30. La sensibilité à traduit l'effet désincitatif de l'impôt sur l'accumulation. Enfin, la sensibilité au taux d'intérêt r, donné par les marchés internationaux, est classique.

On se donne enfin des paramètres du choix intertemporel du politicien : un taux d'actualisation , défini très classiquement : avec une probabilité qui se surajoute au modèle standard du choix intertemporel et vient affecter le facteur d'actualisation d’élite au pouvoir. Le paramètre intervient comme une probabilité de survie politique de l’entrepreneur politique en place31 ; elle mesure son aptitude à se maintenir au pouvoir dans le futur32. C'est à partir de ce paramètre que nous intégrerons l'aspect politique d’un ensemble de pratiques caractéristiques de l’Etat néo patrimonial en particulier la corruption. La réduction de ces pratiques permet au gouvernement de s’engager de manière crédible à diminuer les détournements de fonds et à investir dans les biens publics productifs. Dans ce cas, elle constitue évidemment une probabilité de rester au pouvoir plus longtemps sans être menacer par la rébellion. L’équilibre intertemporel du gouvernement néo patrimonial

Pour calculer l'équilibre du gouvernement, il faut réécrire sa contrainte budgétaire. D’après (5) et (6) on obtient :

(7)

Le gouvernement fait face à un double problème. D'une part, en statique, il doit maximiser ses rentrées fiscales compte tenu de l'effet désincitatif de l'impôt sur l'accumulation de capital. D'autre part, en dynamique, il doit choisir une trajectoire optimale pour sachant que la réalisation d'une dépense publique productive, si elle réduit sa consommation politique courante, a cependant un effet positif retardé puisqu'elle est la base d'une activité privée et de rentrées fiscales futures. Intuitivement on conçoit bien déjà que ni le taux d’imposition , ni le taux de prévarication choisis par les entrepreneurs politiques, ne se fixeront à leurs valeurs triviales (égales à 1). Malgré la

30 La maximisation du profit d'une firme représentative, tel que , donne, pour une fonction homogène de degré 1, la

demande de capital suivante :

avec La fonction dérive simplement de ; On pose telle que :

.

31 La préférence pour le présent peut être définie - symétriquement - comme le résultat d'une probabilité de survie biologique égale à

Le taux d'intérêt international n'est égal à que par accident - l'économie est soldée par des échanges internationaux de capitaux. 32 Dans une démocratie, elle constitue évidemment une probabilité de réélection.

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vénalité des politiciens, un taux d'imposition et un taux de détournement des fonds seront déterminés à des niveaux intermédiaires, afin de préserver l'activité privée, « vache à lait » des gouvernements corrompus.

Formellement, pour un instant t donné, les deux conditions du premier ordre de maximisation (en et ) de la fonction objectif des entrepreneurs politiques (relation 5) sont :

(8)

et

(9)

La relation (8) indique que le gouvernement fixe le taux d'imposition au maximum de sa courbe de Laffer : il existe une valeur du taux d'imposition strictement comprise entre 0 et 1 qui maximise les rentrées fiscales (voir annexe). Remarquons que cette valeur, notée est stationnaire. L'équation (9) retrace la dynamique de la consommation optimale. On a supposé, dans l’équation (3) que le taux de préférence temporelle subjective élasticité de substitution intertemporelle constante égale à ρ on peut alors exprimer les consommations gouvernementales en termes de taux de prévarication, on obtient :

(10)

Nous remarquons que le « taux de prévarication » courant ( ) apparaît comme une fonction décroissante de la probabilité de survie du gouvernement ( . Cette relation traduit une sensibilité de la prévarication à l'incertitude politique vécue par le dictateur-patriarche au pouvoir et son équipe. Moins le gouvernement a de chances de retrouver le pouvoir à la période suivante, plus il détourne les ressources publiques à sa disposition. La rentabilité espérée de son « investissement » en dépenses productives, ou encore, ses chances de récupérer sa « mise » par la fiscalité sont trop faibles. A l'extrême, un gouvernement sans aucune chance de gouverner à la période suivante détourne l'ensemble des recettes fiscales

et sa dépense productive est nulle ( = 0). C'est ce qu’on appelle « la trappe de détournement de rente publique » ou de la corruption, qui nous démontrons ici comme cause profonde de guerre civile. Pour calculer rigoureusement l'équilibre de détournement du modèle, il nous reste cependant à observer le comportement des agents.

Le recul du développement économique (de la croissance) et la réaction politique des agents.

La politique économique affecte la croissance d’un pays et à travers elle, le développement humain : le niveau de vie et la satisfaction des agents. Pour montrer cela on pose

, satisfaction d’agent représentatif, telle que :

sachant que (11)

où représente la variable d’accumulation des agents ( réparti entre l’actif national et un actif international quelconque). Les profits d’accumulation et de consommation optimales s'ajustent au taux d'intérêt international

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33 ; donc, dans ce modèle nous considérons que, c'est par la redistribution du profit des firmes que les agents peuvent ressentir les effets (positifs) de la croissance du secteur productif. Le taux de croissance du bloc productif de l'économie est déterminé par les deux taux contrôlés par le gouvernement. On a par les équations (4) et (6) :

(11’)

Les taux d'imposition et de prévarication stationnaires optimaux choisis par les agents sont alors d'après la maximisation de ( :

(12)

(13)

L'équation (12) reprend un résultat de Barro : le taux d'imposition qui maximise la croissance est le résultat d'un arbitrage entre un effet désincitatif (le fait que décourage l'investissement privé) et un effet positif (le fait que permet de constituer des recettes fiscales, elles-mêmes sources de la dépense publique productive). La comparaison de l'équation (8) et de l'équation (12) permet alors de constater qu'il n'y a pas de conflit entre les agents et le gouvernement dans la détermination de ce taux : la même valeur stationnaire est solution des deux conditions d'optimisation, manifestement identiques. On peut alors supposer un accord politique sur le taux d'imposition, mais c’est la prévarication qui crée le conflit entre le groupe dominant (les élites au pouvoir) et le groupe dominé (agents privé producteurs) (Caro, 2010 ; Grossman1995 ; Ventelou, 2001). Ceci correspond à l’idée selon laquelle, en pratique, les dépenses publiques peuvent affecter le taux de croissance économique au moins par deux canaux : (1) directement en augmentant le stock de capital de l’économie à travers, par exemple, l’investissement public en infrastructure (qui comme on l’a noté déjà, peut être complémentaire de l’investissement privé) ou l’investissement des entreprises publiques ; (2) indirectement en augmentant la productivité marginale des facteurs de production offerts par le secteur privé, à travers les dépenses d’éducation, de santé et d’autres services qui contribuent à l’accumulation du capital humain. Cependant, comme système institutionnel et mode d’exercice des relations politiques, le néo-patrimonilisme (qui caractérise l’Eta que nous analysons), tend à détourner de plus en plus toutes les ressources publiques pour l’enrichissement personnel du chef et ses serviteurs et, par effet logique, à diminuer la croissance économique et à empêcher le développement d’une classe des entrepreneurs privés.

C’est sur la variable de prévarication que les oppositions (divorces) entre la classe politique dominante et les agents privés dominés sont, à l'inverse, extrêmement forts. Elle constitue fondamentalement la variable prise en compte par les élites opposantes pour affronter politiquement le pouvoir en place. L'équation (13) indique que le taux de prévarication préféré des agents privés est nul, dans la mesure où ils sont exclus du réseau clientéliste et, par conséquent ils ne profitent pas des détournements. Les agents exclus (la quasi-totalité de la population) chercheront donc à sanctionner politiquement les prévarications opérées sur les finances publiques.

33 La condition du premier ordre

donne

ce qui fixe le taux de croissance de la consommation et la règle

d’accumulation de richesse. En revanche,

reste supérieur à 0.

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I.2 Conséquences pratiques de logique d’Etat néo-patrimonial. Généralisation des activités de recherche de rente et ses conséquences

L’objectif poursuivi des dirigeants des Etats néo-patrimoniaux tel qu’on a démontré ci-haut crée des conditions inefficaces à la croissance en instaurant un système d’incitations qui généralise les comportements de recherche de rente.

L’idée est qu’étant donner que le caractère non démocratique, les agents privés disposent d'une modalité d'expression, leur participation à la recherche de rente. C'est par cette voie que nous allons envisager, la stratégie de contrôle de la corruption. On suppose que la définition de la participation aux activités de recherche de rente est « prospective » : les agents anticipent les choix de politiques publiques à venir; sachant cela, ils fraudent par effet logique, la fraude affecte fortement les finances publiques et tout particulièrement le niveau des recettes publiques (Shleifer et Vishny, 1993; Mauro, 1995; Ades, 1997; Rose-Ackerman et Coolidge, 1997; Vornetti, 1998 ; Wei, 1997; World Bank, 1997; Mauro, 1998; Hindriks, Keen et al, 1999) et enfin de compte le développement économique du pays recule. La fraude affecte la distribution de la charge fiscale dans la mesure où le gouvernement pour parvenir à un niveau de recettes fiscales donné accroît la pression fiscale sur d’autres catégories de contribuables ou sur d'autres assiettes. La fraude fiscale dans le sens de ce travail, est ainsi un moyen de sanctionner le pouvoir politique corruption (Attila, Chambas et Combes, 2007)34 ; et elle fait accroitre la corruption dans la société.

La corruption est comme conséquence de fonctionnement du néo-patrimonial, peut à son tour être la source d’importantes externalités négatives, par les moyens qu’elle utilise et par la dilution des normes sociales qu’elle implique. Les corrupteurs et corrompus sont incités à adopter, comme dans toute forme de recherche de rente, des comportements contraires à l’efficacité productive et cette inefficacité se manifeste notamment par une tendance constate à l’accroissement des dépenses néo-patrimoniales. Le népotisme et la vénalité paralysent l’administration, réduisent son niveau de compétence et sont source de redistribution socialement injustes (Cartier-Bresson, 2008). La présence de mécanismes rapidement cumulatifs fait que les coûts de contrôle social du phénomène sont fortement croissants. En effet plus la corruption est importante, plus il est difficile d’identifier les coupables et plus les résultats des politiques d’assainissement sont aléatoires (Lafay et al. 1993).

Plus généralement, les conséquences de la corruption sont largement répandues. Parce que les pots de vin pour corrompre les officiels agissent comme une taxe implicite, ils réduisent l’incitation à investir et donc, en définitive, affectent la croissance économique. Ils ont aussi un effet adverse sur l’allocation des talents et des compétences, comme l’ont souligné Murphy, Shleifer et Vishny (1991) et comme dans un environnement où le rendement de la corruption est élevé, les individus les plus talentueux et les plus éduqués seront ceux qui s’engageront le plus probablement dans des activités de recherche de rente plutôt que dans des activités productives, ceci impliquant encore des effets adverses sur la croissance à long terme. Cela implique aussi une perte des recettes fiscales (en raison par exemple d’une utilisation illégale des exemptions d’impðts), des dépenses publiques plus élevées (à travers, par exemple, des subventions plus élevées) et des services publics de qualité plus faible. Enfin, la corruption peut aussi réduire l’efficacité de l’aide extérieure en drainant des fonds vers des dépenses publiques improductives.

34 Attila, G., Chambas, G, Combes, J.-L., 2007, « Corruption et mobilisation des recettes publiques : une analyse économétrique. CERDI-

CNRS Université d'Auvergne.

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Au total, le système de redistribution budgétaire des Etats néo-patrimoniaux entraîne un environnement défavorable à la croissance, décourage la production et l’effort et a un effet adverse sur les performances économiques. Une bureaucratie très corrompue, par exemple, opère comme une taxe sur les activités de production. Les entrepreneurs doivent allouer une partie de leur temps et de leurs ressources à corrompre les autorités publiques pour obtenir les autorisations nécessaires (telles que les permis et licences) pour opérer. Comme l’ont affirmé Shleifer et Vishny (1993), si la structure du gouvernement est telle que différents groupes de bureaucrates ont un pouvoir de blocage du projet d’investissement, le résultat peut être un niveau de formation de capital qui est dramatiquement plus faible que celui qui aurait été réalisé en des circonstances différentes : parce que les bureaucrates peuvent ne pas s’entendre ou ne pas se coordonner, le montant total des pots-de-vin requis pour l’approbation du projet peut dépasser les gains privés de l’investissement. Comme l’ont souligné Baumol (1990) et Murphy, Shleifer et Vishny (1991), l’opportunité de disperser les ressources de cette façon par l’intermédiaire du gouvernement peut avoir des conséquences dynamiques importantes pour l’allocation des talents. Les individus qui devraient choisir de devenir entrepreneurs peuvent plutôt consacrer leur énergie à la recherche de rentes ou d’autres formes de diversion dans le secteur public. Les individus peuvent être tentés d’accumuler non pas le type de compétences qui augmenteraient la capacité productive de l’économie mais plutðt celles qui maximisent leur propre chance d’assurer une position stratégique dans la bureaucratie gouvernementale. Plus généralement, comportement prévaricateur des Etats néo-patrimoniaux, quels que soient leurs motifs, politiques, économiques ou sociaux, a été la source des autres dysfonctionnements importants, sur lesquels il convient de s’interroger maintenant.

II. Atres types de financement des consommations néo- patrimoniales Outre les canaux des types de dépenses publiques et différents types de taxes soulignés dans la discussion précédente, on peut identifier plusieurs autres mécanismes par lesquels l’intervention publique des Etats néo-patrimoniaux peut affecter, directement ou indirectement, le taux de croissance économique à long terme et dégrade l’efficacité du système de redistribution patrimoniale. Cette section offre une analyse causale de certains de ces mécanismes. Elle se concentre, en particulier, sur le rðle de l’endettement et de l’inflation qui sont les autres utilisés par les Etats néo-patrimoniaux pour combler le déficit de ses ressources. II.1 Endettement extérieur Dans le système néo-patrimonial la raison de recourir au financement extérieur est sans doute de combler le déficit des ressources à distribuer aux serviteurs et leurs réseaux clientèles, étant donner la généralisation de la corruption (la fraude fiscale) qui affecte les recettes publiques. Dans un tel Etat redistributeur, le choix d’une politique déficitaire prend rapidement un caractère irréversible, sauf à accepter un risque très élevé de perte du pouvoir. Comme l’écrivent Lafay et al. (1993 p 36), « …les choix budgétaires s’appuient non sur des calculs économiques mais sur un bilan des gains et des pertes politiques que les différents types des budgets, d’impðts et de dépenses procurent aux gouvernements... »35. Par ailleurs, la myopie relative des individus et l’espérance de vie du gouvernement sont d’autres facteurs de recourir au déficit. La myopie joue un rðle plus important dans les pays envoi de développement, où le niveau d’éducation et d’information sont sensiblement plus faibles. Les gouvernements retiendrons d’autant plus facilement la solution de déficit budgétaire que les individus en sous-estimeront les conséquences fiscales à terme pour eux-mêmes mais non pour l’ensemble de la collectivité. Cette myopie relative correspond à une forme particulière d’illusion budgétaire (sous-estimation par les agents de coût

35 Lafay et al. 1993, citent sur ce point les travaux de Buchanan et Wagner (1977).

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fiscal des dépenses publiques). Fondamentalement, l’illusion budgétaire provient de la séparation entre les décisions de dépense et les décisions de financement fiscal. Les particularités techniques des économies en développement (structure des systèmes fiscaux, étroitesse des marchés financiers nationaux) font que le financement de déficit public passe le plus souvent par un appel aux marchés extérieurs, appel qui a sa dynamique propre de déséquilibre. De plus, les nombreux pays en développement en état crise, c’est-à-dire de ne plus pouvoir financer le déficit de leurs paiements extérieurs, sollicitent souvent l’intervention des organismes internationaux. Mais, ce recours au financement intéressant qu’il soit, comporte des coûts politiques parce que, d’une part, le simple fait de solliciter une aide constitue un aveu d’échec, quelle que soit l’habilité des dirigeants politiques à trouver un bouc émissaire ou à mettre en avant des causes exogènes du son régime. et d’autre la conditionnalité associée à l’aide réduit les possibilités d’action, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, et implique des mesures souvent très impopulaires. Autrement dit, les gouvernements doivent en partie sacrifier des objectifs plus politiques (distribution clientéliste, idéologie paternaliste…) au profit de la recherche d’une efficacité économique accrue. II.2 Seigneuriage et financement inflationniste

L’inflation est dans les Etats néo-patrimoniaux a été essentiellement un phénomène politique. Dans le contexte de la littérature36 sur le thème du seigneuriage, nous procédons, dans ce point à une étude de ce moyen considéré comme impðt permettant à l’Etat d’augmenter son revenu pour financer ses dépenses non productives. Comme on l’a souligné plus tðt, parce qu’une capacité administrative limitée et des contraintes politiques empêchent la collecte des impðts et parce que plusieurs pays continuent à avoir une capacité limitée d’émission de la dette intérieure (en raison des marchés de capitaux insuffisamment développés, comme indiqué ci-haut), les pays en développement tendent à dépendre plus du seigneuriage que les pays industrialisés. Le seigneuriage consiste au montant des ressources réelles extraites par le gouvernement au moyen de la création de la base monétaire. L’inflation tire principalement son origine des larges déséquilibres budgétaires du régime politique. Confrontés à des taux d’inflation extrêmes, les travailleurs, par exemple refusent de s’engager dans des contrats salariaux nominaux. La plupart des salaires et des prix deviennent indexés à la monnaie étrangère, et plusieurs transactions sont en fait effectuées en une devise étrangère. L’inflation apporte un tel environnement social et économique chaotique que le public est convaincu que la situation est intenable, créant éventuellement les conditions des troubles politiques. Un exemple en annexe tiré de mon mémoire de master illustre cette analyse. Il montre que l’inflation peut être un facteur amplificateur de crise économique et un facteur déclencheur de troubles politiques. Au total, la discussion précédente suggère que dans les pays où le système de collecte des impôts, les marchés de capitaux et les institutions sont sous-développés, les déséquilibres budgétaires sont souvent à la source de l’hyperinflation et de l’inflation chronique ; les gouvernements n’ont souvent pas une autre option que de monétiser leurs déficits budgétaires. Toutes les politiques (redistribution fiscale, financement de déficit budgétaire par endettement et par l’inflation) mises en œuvre dans un système néo-patrimonial que nous venons d’évoquer précédemment, contribuent à la crise économique. La crise quant à son tour affaibli l’Etat (car, elle diminue les ressources que le régime néo-patrimonial doit distribuer pour se maintenir au pouvoir) et provoque la crise politique que nous analysons maintenant.

36 La littérature se rapportant à la relation entre création monétaire et inflation qui dataient depuis les années 50 et 70 avec les économistes

Cagan (1956), Friedman (1971) et Sargent e t Wallace (1973).

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III. L’effet politique des institutions néo-patrimoniales : de la crise politique non violente à la guerre civile.

Tous ces facteurs que nous avons évoqués les déterminants d’inefficacité économique et contribuent à l’affaiblissement et au déclin de l’Etat patrimonial. Ils constituent les opportunités pour que la menace de l’opposition soit prise en compte par le régime en place. L’affaiblissement du régime en place est l’élément central car (il découle du fonctionnement interne des institutions politiques et économiques) permet aux opposants de dépouiller un pouvoir affaibli. L’idée est qu’on ne s’en prend jamais à un Etat fort dont il aurait tout à redouter. Les opposants rebelles évitent aussi l’autocratie militaire aux forces de nuisance entraînés pour qui la reddition sans lutte est probablement impensable. La cible de prédilection de la rébellion, c’est le pouvoir manifestement faible et qu’il presse peureux. Pour la cible bien sélectionnée, céder sans lutter son pouvoir, est de loin la décision la plus raisonnable. Mais, avant que l’opposition décide de s’attaquer violement au pouvoir, il y a une phase de négociation pour le partage de pouvoir entre le membre du régime et les opposants officiels. Et la guerre intervient que si la négociation échoue. Si les élites au pouvoir acceptent de négocier avec l’opposition c’est parce qu’elles considèrent que les menaces de l’opposition et des institutions internationales (ONU, FMI…)37 sont crédibles.

III.1 La lutte politique non violente et échec de la transition institutionnelle

Dans le cadre que nous avons développé ci-haut on n’a pas introduit l’opposition. On a montré seulement que le gouvernement détournait les ressources publiques pour la redistribution de sa clientèle politique et à travers l’articulation de celle-ci, à la vie politique conduit à l’associer à la corruption, prédation, patronage... La crise conséquence de la prédation ou l’accaparement de ressources publiques, à entraîné la formation d’opposition des populations exclues du réseau de pouvoir. Nous introduisons alors ce groupe dans notre modèle.

En effet, la « corruption néo-patrimoniale » indique que le contrðle de l’Etat peut être la source de revenus élevés et incite les coalitions d’opposition, l’égales ou illégales, à surinvestir dans la conquête du pouvoir. Elle rend le gouvernement en place plus fragile en érodant son soutien populaire. La dénonciation de la corruption du régime devient le thème de propagande privilégié par l’opposition.

On suppose que la population se repartit en deux groupes , où désigne þ le groupe au pouvoir, et le groupe exclu du pouvoir, l’opposition. On normalise la population de chaque groupe à 1 (agent). Donc, soit deux agents : président et opposant , qui sont initialement en conflit non-violent pour gagner un enjeu le pouvoir rentier de valeur . C’est pourquoi le terme lutte politique est préféré à ce stade par rapport à la guerre civile. Le groupe des opposants cherche à s’accaparer du pouvoir officiel de manière pacifique d’abord (avant d’envisager le conflit armé), enfin d’avoir le monopole ou un accès privilégié aux rentes légales. Cette phase est appelée la transition démocratique qu’on peut assimiler soit à la période de fin de la colonisation le début des années 1960 qui, coïncide avec le début d’émergence du néo-patrimonial, soit à la période de la fin de guerre froide, c’est-à-dire le début des années 1990 qui, coïncide avec le déclin et la crise du système néo-patrimonial né avec les régimes issus des indépendances. Dans la mesure où le retour sur investissement est positif, chaque agent consacre des ressources

37 Les nombreux pays en développement en état crise, c’est-à-dire de ne plus pouvoir financer le déficit de leurs paiements extérieurs,

sollicitent souvent l’intervention des organismes internationaux. La conditionnalité associée à l’aide réduit les possibilités d’action, aussi

bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, et implique des mesures souvent très impopulaires.

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à l’affrontement politique qui détermine ce partage. La part de l’enjeu qui lui revient dépend positivement de son investissement dans la lutte politique et négativement de l’investissement de l’autre agent.

Nous supposons que l’encours de la dette des économies que nous étudions a atteint un niveau plus élevé et cela en dépit des multiples opérations de réaménagement et de remise de dette effectuées par les créanciers. Les pays n’ont plus facilement recours aux modes extérieurs de financement, leurs politiques d’endettement devient non soutenable (car le taux d’intérêt réel est supérieur au taux de croissance de leurs économies). Enfin, les aides publiques au développement sont suspendues ou deviennent conditionnées aux institutions de la bonne gouvernance.

Cette crise économique et la faillite de l’Etat vont entraîner d’autres facteurs institutionnels tels que l’introduction de la démocratie dans un Etat crise économique profonde et en déchéance ; échec de négociation entre le groupe au pouvoir et l’opposition ; irrationalité du dictateur et comportement non coopératif des opposants ; ou encore faiblesse de l’Etat. La conjonction de ces facteurs et autres internes et externes, répondant à des causalités totalement ou partiellement indépendantes les unes des autres, fait déclencher les guerres civiles.

Le changement majeur sur la scène internationale qui a déclenché le processus de démocratisation des pays africains est la chute du Mur de Berlin à la suite de la fin de la guerre froide. La plupart des élites de régime néo-patrimonial ont été profondément déstabilisés en raison de privations des protections et des complaisances que le contexte de la guerre froide leur assurait. Ce changement s’est manifesté dans l’évolution des politiques dites de conditionnalité, les premières exigences formulées à l’égard des dirigeants africains par leurs partenaires occidentaux et les organisations internationales étant désormais celles de la démocratisation et/ou de l’adoption des principes et règles de la bonne gouvernance De Villers (2006)38. Etant donné cette contrainte budgétaire, le dictateur prédateur accepte l’introduction de la démocratie. La communauté internationale initie le processus démocratique par une phase transitoire et accepte le retour d’aide. La phase de la lutte politique commence qui, correspond dans notre modèle à la période de négociation ou transitoire des institutions dysfonctionnelles (régime néo patrimonial) vers des institutions de meilleure qualité qui augmenteront la taille du gâteau social. Au début de cette période le groupe d’élites au pouvoir négocie avec les opposants pour le partage du pouvoir. Sa suspension au début de ce processus démocratique est un jeu à deux périodes. En première période, les entrepreneurs politiques (du pouvoir et d’opposition) investissent simultanément et indépendamment en moyens de conflit non violent. Au début de la seconde période, ils constatent quel est le rapport de force et donc la probabilité de gagner la lutte d’appropriation du pouvoir rentier. Si la négociation aboutit, le pouvoir est partagé pacifiquement. Si elle n’aboutit pas, il y a conflit violent ouvert en seconde période dont l’issue détermine le partage final. A l’équilibre du jeu, si les entrepreneurs politiques sont neutres au risque, la solution de partage pacifique conformément aux probabilités de gain du conflit non violent et celle de conflit violent sont strictement équivalentes. L’existence d’une véritable incitation à négocier exige soit d’introduire l’aversion au risque soit d’imaginer un autre dispositif économique incitatif39.

38 De Villers G., 2006, « La guerre dans évolutions du Congo-Kinshasa ». Section d’Histoire du temps présent, Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique 39 La modélisation a cependant pour effet de rendre impossible un accord négocié ex ante faute d’introduire un mécanisme crédible

d’engagement entre les entrepreneurs politiques en particulier, dans les pays en développement.

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Une incitation évidente à négocier existe lorsque le conflit violent est destructeur des richesses physique et humaine. Cette caractéristique s’introduit simplement dans les modèles en supposant qu’une fraction donnée de l’enjeu est détruite lorsqu’il y a une guerre civile (on y reviendra). Plus elle est élevée plus l’espace de négociation s’élargit. La réalité des transitions institutionnelles en Afrique montre que la plupart ont échoué. La question est lors de savoir pourquoi.

Nous avançons que l’échec de changement du régime néo patrimonial vers de bonnes institutions est du principalement par l’attitude des élites qui ont le pouvoir politique et leurs revendications de rentes économiques qui reposent sur les institutions de pillage existantes. Dans ce modèle, on montre donc qu’à la suite de la réussite de Jean Cartier-Bresson (2010), que la négociation pendant la transition est fonction de plusieurs paramètres. Premièrement, du degré de faillite de l’Etat et de l’aide extérieure pour le pouvoir officiel (on l’a déjà dit), du rðle de la surenchère souvent liée au nombre de tendances dans chaque camp et aux stratégies pour accéder au monopole de la représentation.

Deuxièmement, de la concurrence entre le pouvoir officiel et l’opposition semble en effet fonction : (i) du nombre d’acteurs et de tendances dans les deux camps (les coûts de transaction s’élèvent avec le nombre d’acteurs à coordonner ; (ii) des opportunités de négociation qui sont fonction des objectifs : domination ou extermination et de la qualité des acteurs (les niveaux de capitaux humain, physique, social, organisationnel, et les diverses ressources à leur disposition et leurs quantités respectives).

Troisièmement, de comportement non-coopératif des opposants au régime prédateur : S’il n’y pas de comportement coopératif ou d’engagement crédible au sien de l’union de l’opposition, il y a risque en cas de blocage qu’un opposant non influent et moins connu par la population déclenche la rébellion. C’est le cas la RDC où improbable successeur de Mobutu que fut Laurent-Désiré Kabila40, qui n’avait guère de prédisposition à exercer la fonction de chef d’État (De Villers, 2006). En revanche, si l’opposition est unie par un engagement crédible et dirigée par un seul leader, le dictateur à l’issue de la transition (négociation) et des élections démocratiques, est remplacé par une nouvelle équipe des élites. Si le pays n’est pas doté de ressources naturelles abondantes et le capital humain est suffisant, l’ancien dictateur peut revenir ou non au pouvoir que par la voie démocratique, c’est le cas de pays comme Benin, Sénégal, … Mais, si le pays est doté des matières premières non diffuses et il y a des inégalités horizontales, l’ancien dictateur peut revenir au pouvoir par la guerre pour détruire le sentier de la démocratie et peut se réinstaller durablement au pouvoir : c’est le cas du Dictateur Denis Sassou Guesou en République du Congo Brazzaville.

Schématiquement, pendant la transition, on suppose que le pouvoir est partagé entre l’ancien groupe de politiciens au pouvoir dirigé par le président dictateur et qu’on appelle Mouvance Présidentielle et (MP) le groupe d’opposants dirigé par un leader charismatique et qu’on nomme Union Sacrée de l’Opposition (USO). De plus, on avance l’hypothèse que pendant cette période le multipartisme est autorisé et que les populations commencent à exprimer librement leur préférence politique.

40 Il s’agit un ancien entrepreneur politique qui, faisait parti des rebelles des années 1960 et était à la tête des mouvements armés ….. Au début des années 1990, il était un simple un outsider de la classe politique congolaise. Souvent on le qualifiait d’un leader affairiste d’un

vrai-faux maquis révolutionnaire des bords du lac Tanganyika qui, décimé par les Forces armées zaïroises, avait perdu toute consistance dès

le milieu des années 1970, était devenu étranger aux évolutions de son pays du fait d’un long exil et d’une personnalité rebelle et marginale.

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Elles disposent d'une modalité d'expression, leur réaction politique. On envisage que pendant la transition politique la quasi-totalité de la population soutient l’opposition (ce qui était vraie dans les transitions en Afrique des années 1990), et est prête à voter pour le gouvernement alternatif, si les élections ont eu liées. Le dictateur prend en considération cette information et va réagir pour modifier les préférences des peuples en manipulant par corruption certains opposants. Cette force de nuisance lui donne un avantage comparatif par rapport à l’opposition. En effet, le dictateur est leader incontestable dans son groupe parce qu’il est toujours considéré comme avant la période transitoire, un père patriarcal, un chef traditionnel qui domine sur un réseau complexe d’obligations. Tous les membres de sa coalition ont abdiqué leur pouvoir de décision entre ses mains. Ils ont en quelque sorte signé des engagements fermes ou pacte entre chef et ses serviteurs, et sont contraints de s’y tenir : ces engagements prennent la forme de menaces que le chef suprême profère à ses serviteurs.

En revanche, le chef de fil de l’union sacrée de l’opposition n’a pas cet avantage à cause de comportement non coopératif des membres de son club. La raison est double. Premièrement, la quasi-totalité d’opposants au dictateur appartenaient et ont servi le dictateur avant d’être exclus des réseaux du pouvoir (à cause de l’amplification de la crise économique qui a réduit la rente ou le don) ou pour certains d’y s’opposer ouvertement en raison de la mauvaise gouvernance du régime. Leur union est formée par circonstance ou par défaut41 et non par engagement idéologique commune. Deuxièmement, ils n’ont pas confiance entre eux parce que lorsqu’ils étaient serviteurs néo-patrimoniaux du régime du dictateur, il y avait entre eux aucune solidarité, aucune confiance, aucune conscience d’intérêts publics, mais entre eux, il régnait que la jalousie, la délation, et ils s’entretenaient pas mais ils s’entrecraignaient42. Ils étaient tous prêts à toutes les flatteries nécessaires pour garder leurs privilèges souvent importants, mais temporaires, et avec obligation d’en rétrocéder une partie à leur clientèle, ils n’hésitaient pas à éliminer leur concurrent. Ces mêmes sentiments de la jalousie, de la défiance, de la déloyauté l’emportent toujours au sien de leur coalition d’opposants. Par ailleurs, même s’ils s’opposent à la prédation du dictateur, presque tous ne cherchent pas le bien-être social de la population. Ils s’avent que être chef rend riche et être riche donne le droit d’être chef. Donc, comme chacun cherche à tout prix à accumuler des ressources dans le but de consolidation de son pouvoir et de sa survie politique. L’accumulation de plus en plus de richesses lui permet de contrðler les accès des quasi-totalité des ressources matérielles afin de pouvoir redistribuer et, par le patronage, accumuler un capital symbolique de nature politique. En conséquence, on les considère comme des joueurs qui communiquent entre eux, ne serait-ce que par l’intermédiaire des coups (ou idées) qu’ils jouent et qu’ils s’observent jouer. Ils peuvent échanger directement de l’information, se mettre d’accord sur telle stratégie (par exemple la manifestation politique, la désobéissance…), mais ils ne contractent pas d’accord contraignant, tels que, l’exclusion en cas de déloyauté. Ils peuvent convenir de jouer telle stratégie mais que jamais ceci ne constitue un réel engagement : ils n’abdiqueront jamais la moindre parcelle de souveraineté dans le choix de leur propre stratégie. D’où, comme on l’a montré dans un autre travail que le comportement non-coopératif des opposants en Afrique rend difficile la création et le changement institutionnels : ce comportement bloque les négociations pendant la transition du système politique et augmente la frustration relative au sein de la population.

41 Beaucoup de partis politiques ont été formés qu’à la suite de la fin de la guerre froide quand la communauté internationale avait imposé aux à tous les dictateurs africains de démocratiser leur Etat. Donc, l’engagement

politique de la plupart d’élites africaines ne découle pas de leur propre idéologie, leur conception sociétale ou de la vie politique.

42 Ces sentiments l’emportaient car tous les serviteurs néo-patrimoniaux ne disposent de privilège que dans la limite de tolérance de Mobutu. A n’importe quel moment celui-ci limoge les ministres, les gouverneurs, les

généraux, les PDG… Mais, bien entendu, dans la mesure où, seul, il ne peut rien, il a besoin de relais à son pouvoir ; il s’assure leur fidélité par des prébendes importantes et des conditions d’extorsion de fonds qui les

compromettent irrémédiablement aux yeux de population.

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C’est à partir de ce comportement que le dictateur qui, était déjà désavoué par le peuple retrouve le moyen de se maintenir au pouvoir malgré son comportement prévaricateur. Etant donné son avantage comparatif et ses ressources accumulées par la prédation, il peut infiltrer les mouchards (les faux opposants) au sein de l’USO, soit il corrompt directement certains entrepreneurs politiques d’opposition pour déstabiliser l’union des opposants. L’une des expériences de ces manœuvres plus observées pendent la transition dite démocratiques au zaïre est que pour déstabiliser ses opposants, le dictateur Mobutu avait à plusieurs reprises procédé à des nominations au poste de premier ministre de membres d’opposition, ce qui avait augmenté la rivalité entre eux et leur coalition s’est éclatée et l’opposition s’est affaiblie. Cette situation a par conséquent, entraîné le sentiment des désenchantements des congolais aux entrepreneurs politiques et l’espoir d’une société démocratique.

On a observé ce sentiment de frustration relative dans tous les pays qui ont connu la guerre civile en Afrique. La question la plus pertinente est savoir pourquoi cette frustration s’est vite transformée depuis les années 1990 par crise politique violente. En effet, l’une d’explications qu’on avance ici, est que cette frustration a été mal interprétée par les dictateurs africains. Ils ont pris cela comme un désavouaiment de la population envers l’opposition et/ou la démocratie et un retournement de situation à leur faveur. Ce phénomène peut être qualifié de falsification des préférences (Monmousseau, 2004)43. Alors que ce changement dans le sentiment collectif était plus élevé, les dictateurs à travers leurs discours, faisaient croire qu’ils étaient soutenus publiquement. A partir des réseaux clientélistes (des serviteurs néo-patrimoniaux), malgré la divergence de leurs préférences privées, certains agents non activistes ont finalement soutenu la dictature, parce qu’ils ont anticipé que le soutien à l’opposition est faible44. Parallèlement de cette « fausse idée », la protestation s’est autoentretenue par une succession de ralliements autour de la cause commune, le changement de régime. De plus en plus, en effet, la population continue à protester de plusieurs manières : grèves, manifestations, par fois à l’usage de la violence (affrontements avec les forces de l’ordre, pillages). La participation à la protestation s’est enfin traduite par un phénomène de « réaction en chaîne » ou d’« effet de cascade ». Cette dynamique a fini à donner des opportunités à certains groupes d’opposants de faire la rébellion. Dans cette situation, l’insurrection est possible car comme l’écrit Fanny Monmousseau (2004) en citant les travaux de Tmu Kuran, n’importe quelle « étincelle peut allumer un feu de prairie ». C’est le cas de la guerre civile en RDC qui a commencé à partir d’une simple révolte des Banyamulenge, population tutsi du Kivu.

Cette situation fait accentuer ensuite le risque de guerre. Les raisons en sont simple : l’Etat néo patrimonial était déjà en décadence (crise économie et de don patrimonial), la négociation entre les entrepreneurs politiques a échoué et le processus de transition institutionnelle est bloquée. Ce blocage a à son tour augmenté les mobilisations contestataires découlant d’un sentiment de frustration relative enracinée dans les esprits de la population depuis plusieurs décennies, c’est-à-dire d’un décalage entre les aspirations et les satisfactions concrètes de l’individu.

Dans ces conditions la guerre devient inévitable, même si le pouvoir en place a encore le monopole de prélèvements sur l’économie qui lui permet de continuer son activité de prédation, mais une partie lui échappe parce qu’il n’a plus la crédibilité vis-à-vis de la population (en particulier, les entrepreneurs économiques et la 43 Monmousseau, F., 2004, L’analyse économique des conflits internes : les guerres civiles. Mémoire de DEA Décisions publiques, institutions et organisations. Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

44 Monmousseau, F., 2004, cite sur ce point les travaux de Kuran. C’est ce dernier qui à élaboré le concept de "falsification des préférences".

L'idée est que du fait de certaines institutions informelles exerçant une pression sociale sur l'individu, ce dernier va en public afficher des

préférences qu'il ne partage pas en réalité en privé. Ceci permet d'éclairer en partie l'évolution institutionnelle et certains blocages.

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communauté internationale) et de l’opposition. Le conflit politique non violent se transforme en conflit violent, et désormais, la violence est désormais introduite dans les discours politiques et devient un fait culturel.

III.2 Description de la technologie des guerres civiles.

Etant donné, la situation de déclin du régime néo-patrimonial et un cadre institutionnel de plus en plus déficient pendant la transition, on suppose que l'Etat n’a plus le moyen de s'engager de façon crédible sur ses dépenses publiques à caractère redistributif pour empêcher l’activité de rébellion et de retrouver le soutien populaire. Le coût de la rébellion est désormais plus faible puisque le nombre de la population à protester contre le pouvoir en place est important. La rébellion est dès lors une fonction croissante de la défaillance institutionnelle du régime néo-patrimonial (clientélisme, prévarication, prédation, patronage, népotisme, …), d’exclusion et de non engagement crédible ou de répression du gouvernement et une fonction décroissante des investissements en capitaux physique et humain en dépenses de redistribution. La probabilité d’éruption de la guerre civile est arbitrée entre la prédation, prévarication, c’est-à-dire redistribution néo-patrimonial, la répression et l’investissement en infrastructure productive (redistribution de réduction des inégalités et paisible). La technologie de guerre et les équilibres sont décrits en annexe.

Ce qui nous permet de supposer que l’investissement en infrastructure productive est nul, noté à cause de

la prévarication ou de la consommation néo patrimoniale . Par conséquent, l’Etat a perdu son statut de leader de

Stackelberg car il n'a pas la capacité de s'engager de façon crédible, à réduire les détournements des fonds, corruption, le clientélisme de manière à augmenter les dépenses publiques à caractère redistributif pour déterminer si la paix ou la guerre prévaut à l'équilibre (Azam, 2001, ibid.). On est alors dans une situation où l'Etat est faible et n'a plus également, le monopole des dépenses militaires strictement positives pour faire respecter l’autorité d’Etat dans tout le territoire du pays et infliger une répression à la rébellion de l’opposition.

Par ailleurs, puisque la négociation (ou la transition) et les manifestations ont avortées, l’opposition n’a d’autre moyen d’exprimer son mécontentement que de se rebeller. Mais, nous supposons qu’une seule partie de l’opposition45 qui, cherche à s’accaparer du pouvoir de manière violente. Comme dans le confit non violent, nous supposons que les deux groupes (pouvoir en place et rébellion de l’opposition) mobilisent des ressources de combat, mesurées maintenant en unités de produit, . Les dirigeants de la rébellion savent que l'Etat est faible et incapable à s'engager sur ses politiques économiques efficaces et, en conséquence logique, ils ne basent pas leur comportement sur les promesses du gouvernement, mais sur ses actions réelles. Ils choisissent le niveau de rébellion qui maximise leur gain espère en anticipant que l'Etat ne tiendra pas ses promesses, et du fait de la rareté de ressource par rapport au nombre de serviteurs néo-patrimonial croissant, le régime continuera à réduire ses dépenses productives en dessous du niveau qui garantit la paix. Etant donné ce choix, il ne servirait plus à rien au pouvoir en place d'effectuer des dépenses productives ou de corrompre et amadouer l’opposition pour retrouver le soutien populaire.

On sait que la guerre civile porte sur l’appropriation de pouvoir public qui permet un accès privilégié aux rentes qui pour simplifier sont à la disposition des deux groupes : le pouvoir et l’opposition ou les exclus . Le groupe au pouvoir détient un accès privilégié aux rentes (légales et illégales) par rapport à l’opposition. Mais, étant donner 45 Cette hypothèse est cruciale puisqu’elle explique pourquoi lorsque cette rébellion arrive au pouvoir et refuse de le partager avec l’autre

partie de l’opposition non armée (souvent la grande partie et bien structurée), ce gouvernement ne dure pas longtemps.

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que la corruption est générale au sein de la société, la population contrôle aussi une part non négligente46. Les ressources de l’opposition sont le capital, le capital social, le capital organisationnel, le nombre, la détermination, l’absence d’alternance (les coûts d’opportunité), les soutiens extérieurs (financements, bases arrières, aides techniques) ; et le niveau de la répression du pouvoir en place est faible puisque les dépenses militaires sont quasi

nulles. La technologie de guerre est décrite par la fonction probabilité que le gouvernement soit renversé par

la rébellion de l’opposition qui a les propriétés suivantes, en fonction des valeurs prises par le gouvernement et

par l’opposition :

, , ()

.

où est l’effort de rébellion, et l’effort de répression infligé par le gouvernement. Le paramètre s'interprète comme le degré d'efficacité ou de mobilisation des forces rebelles, puisque, pour un niveau donné des forces en présence, la probabilité de renverser le gouvernement est d'autant plus forte que , est grand. Ceci peut refléter les capacités de mobilisation idéologique des leaders des rebelles, ou la force du sentiment de rejet du pouvoir en place (la frustration relative de la population) qui anime ces troupes. Le paramètre saisit une économie d'échelle locale très faible dans la technologie de défense du groupe au pouvoir, telle qu'un niveau minimum de dépenses militaires est requis sous peine de perdre le pouvoir avec la probabilité 1, à la moindre tentative.

On est dans le cas où le gouvernement n'a pas la capacité de s'engager de façon crédible, et conséquence, il perd son statut de leader de Stackelberg. Il garde sa capacité de choisir sa politique de dépense après avoir observé les forces engagées par le groupe exclu, comme si les deux joueurs jouaient simultanément. On a alors l'équilibre de guerre.

La matrice de jeu ci-dessous résume les quatre scénarios possibles. L’issue du jeu dépend de l’utilité obtenue par chacun dans l’hypothèse de conflit violent. Du fait de l’effet négatif des dommages humains, l’utilité qu’un joueur peut retirer du conflit ouvert peut être inférieure à l’utilité du renoncement à la lutte et à tout droit sur l’enjeu.

Renonce Guerre civile Renonce

Guerre civile

Ce tableau montre comment les conflits politiques (violents) ont souvent les caractéristiques d’un jeu stratégique où un groupe d’entrepreneurs politiques est engagé dans un jeu stratégique en l’occurrence la guerre civile, avec un

46 C’est sur la de prévarication que les oppositions (divorces) entre la classe politique dominante et les agents privés dominés sont, à l'inverse, extrêmement forts.

Rébellion de l’opposition,

Gouvernement,

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autre groupe quand son utilité et ses gains sont affectés non seulement par les actions qu’il entreprend mais aussi par les actions des autres. Une analyse approfondie des stratégies des antagonistes est présentée dans l’annexe.

En résumé, les idées qu’on a développées dans cet article peuvent être présentées schématiquement comme suit.

ECONOMIE POLITIQUE DANS UN ETAT NEO-PATRIMONIAL

Régime

néo-

patrimonial

- Financement direct

par la fiscalité ; - l'extraction de

rentes au secteur

prive, créées par la lourde réglementation

de l'activité

économique (licences d'importation,

rationnement des

devises, offices de commercialisation de

produits exportables,

code d'investissement ;

- etc.

Les gouvernements

resteront toujours prédateurs et

maximiseront l'utilité

provenant d'un revenu discrétionnaire dont ils

s'approprient. ses revenus

prennent la forme de ressources budgétaires :

(Équation 2 du modèle).

: Consommation

néo-patrimoniale : c’est

le détournement des

ressources publiques qui, sert à l’enrichissement

personne des élites au

pouvoir et ses clients

politiques…

: dépenses en biens publics (qui croient la

productivité de travail) ou de transferts

Les gouvernements

resteront toujours

prédateurs et maximiseront l'utilité

provenant d'un revenu

discrétionnaire dont ils s'approprient. ses revenus

prennent la forme de

ressources budgétaires :

(Équation 2 du modèle).

- Baisse de la

productivité de capital et du travail, de profits

du secteur ;

- Baisse des investissements publics

productifs ;

- Augmentation de chômage ;

- Baisse de la

croissance économique ; …

Baisse des ressources

publiques que le

régime devrait

détourner pour

l’enrichissement des

membres pouvoir

leurs clients

politiques ;

Les politiciens au

pouvoir renforcent l’exclusion et les

obéissances

clientélistes ;

Le pouvoir se ressert

autour du patriarche-chef d’Etat et sa petite

cour ethnique,

régionale, lignagère, népotique

- Les exclus des

réseaux des bénéficiaires de la

redistribution

augmente ;

- Les activités

recherche de la rente croissent ;

- La corruption devient

générale et pandémique.

La corruption entraîne

un conflit de répartition opposant deux groupes

sociaux) : des

politiciens-prédateurs et des populations; ces

deux catégories d'agents

étant en compétition pour l'attribution à leur

profit du montant de

l'impôt collecté.

Il n'y a pas de conflit

entre les agents et le

gouvernement dans la

détermination de ce taux

… mais c’est la

prévarication qui crée le

conflit entre les groupes

sociaux.

- Le gouvernement

continue sa prédation ;

- En réaction, les

populations fraudent les impôts… la

corruption sans

contrôle envahit la fonction publique, les

administrations et les

sociétés d’Etat

Le résultat est une

situation pathologique

de corruption

systématique ; une

société où la

malhonnêteté devient la

norme où la notion de

responsabilité publique

devient une exception et

non la règle.

En conséquence :

CRISE ECONOMIQUE

PROFONDE

(RECESSION).

CRISE DE DONS OU DE

REDISTRIBUTION NEO-

PATRIMONIALE

FINANCEMENT DES

DEFICITS

BUDGETAIRES PAR

ENDEMENT

EXTERIEUR ET PAR

SEIGNERIAGE ET

INFLATION.

POLITIQUE

D’AJUSTEMENT

STRUREL

- Coûts politiques parce

que, d’une part, le simple fait de solliciter une aide

constitue un aveu

d’échec ; - Conditionnalité associée

à l’aide réduit les

possibilités d’action, aussi bien à l’extérieur

qu’à l’intérieur, et

implique des mesures souvent très

impopulaires.

- Affaiblissement des

régimes et la déchéance

des Etats néo-

patrimoniaux ;

CHOC EXTERIEURS : Fin

de la guerre froide et

introduction des

institutions

démocratiques en

Afrique.

ECHECS DES

TRANSISTIONS

INSTITUTIONNELLES : Irrationalité des dictateurs,

Comportements non

coopératifs des opposants, Désenchantements de la

démocratie et frustration

relative des populations

GUERRES

CIVILES,

ETAT

NATUREL

UN NOUVEAU

REGIME

PATRIMONIAL

SEMBLABLE

A L’ANCIEN

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IV. Conclusion

Dans cet article nous avons démontré que les crises économiques et politiques en Afrique (guerres civiles) sont causées fondamentalement par les comportements prévaricateur et prédateur des Etats néo-patrimoniaux. Les régimes politiques de ces Etats font émerger depuis les indépendances, une nouvelle classe politique habituée à utiliser l’Etat comme sa carrière pour l’action et sa source de pouvoir, de statut, de rente et autres formes de richesses. Ce syndrome a été renforcé par des prédispositions politico-culturelles précoloniales et coloniales favorisant les cultures clientélistes et l’idée que la fonction politique était la voie primordiale pour atteindre la richesse, un statut social et le pouvoir.

Dans ce système politique les gouvernements sont prédateurs puisque les entrepreneurs politiques en tête de ce ces Etats sont uniquement préoccupés par la maximisation de leur propre utilité. Celle-ci, dépend du niveau de consommation des membres du régime de leurs familles et de ses soutiens politiques. On a montré que cette consommation néo-patrimoniale peut être financée de manière directe par la fiscalité. Néanmoins, souvent les régimes prédateurs ne peuvent s'approprier de ressources suffisantes par la taxation, en raison de la faiblesse de leurs systèmes fiscaux et de l'étendue considérable de leur économie informelle. Les ressources sont, en revanche, appropriées de manière plus détourée, par l'extraction de rentes au secteur privé, créées par la lourde réglementation de l'activité économique (licences d'importation, rationnement des devises, offices de commercialisation de produits exportables, code d'investissement). Les prélèvements effectues sur les montants souvent surévalués des dépenses publiques constituent enfin une source de fonds plus détournée. Nous avons considéré que cette prévarication comme une dépense néo-patrimoniale (gouvernementale) qui, agit, car elle est improductive, négativement non seulement sur la productivité du travail mais sur le taux de croissance de l’économie : baisse de la productivité de capital et du travail, de profits du secteur ; baisse des investissements publics productifs ; augmentation de chðmage… Il en découle donc une diminution des ressources publiques que le régime devrait détourner pour l’enrichissement de ses membres et leurs clients politiques. Ensuit, les politiciens au pouvoir renforcent l’exclusion et les obéissances clientélistes. Enfin, le nombre d’exclus des réseaux des bénéficiaires de la redistribution augmente. En réaction, de ce comportement prévaricateur des politiciens au pouvoir, les populations fraudent les impôts et la corruption sans contrôle envahit la fonction publique, les administrations et les sociétés d’Etat. La prévarication entraîne un conflit de répartition opposant deux groupes sociaux) : des politiciens-prédateurs et des populations; ces deux catégories d'agents étant en compétition pour l'attribution à leur profit du montant de l'impôt collecté. Le résultat est une situation pathologique où la corruption systématique aggrave encore la crise économique et dégrade le système de redistribution des Etats néo-patrimoniaux. Dans des tels Etats redistributeur, le choix d’une politique déficitaire prend rapidement un caractère irréversible, sauf à accepter un risque très élevé de perte du pouvoir. C’est ainsi, comme on l’a montré, les gouvernements ont utilisé l’endettement extérieur, le seigneuriage et inflation pour les financements des déficits budgétaires. Les Etats néo-patrimoniaux sont restés dépendants, en raison d’une capacité administrative limitée et des contraintes politiques empêchant la collecte des impôts et parce que plusieurs pays continuent à avoir une capacité limitée d’émission de la dette intérieure (en raison des marchés de capitaux insuffisamment développés). Mais, ces mécanismes financement entraînent des coûts politiques parce que, d’une part, le simple fait de solliciter une aide constitue un aveu d’échec. Par ailleurs, la conditionnalité associée à l’aide réduit les possibilités d’action, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, et implique des mesures souvent très impopulaires. La combinaison de tous ces facteurs, affaibli le pouvoir en place et contribue à la déchéance de l’Etat néo-patrimonial. Enfin, on a montré que les chocs extérieurs, la fin de la guerre froide et introduction des institutions démocratiques en Afrique ont aggravé cette déchéance. Dans des telles conditions, la probabilité d’éruption de la

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guerre civile est arbitrée entre la prédation, prévarication, et l’investissement en infrastructure productive (redistribution de réduction des inégalités et paisible).

Deux directions de recherches semblent prometteuses à ce stade. Premièrement, ce modèle théorique que nous avons présenté devrait être compléter par l’estimation économétrique qui résume l'ensemble des arguments présentés jusque là. Deuxièmement, il serait aussi intéressant de comprendre pourquoi les dictateurs détournent toutes les richesses au risque de perdre son pouvoir.

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ANNEXES

Annexe1

III.2 Modélisation de la guerre civile.

Etant donné, la situation de déclin du régime néo-patrimonial et un cadre institutionnel de plus en plus déficient pendant la transition, on suppose que l'Etat n’a plus le moyen de s'engager de façon crédible sur ses dépenses publiques à caractère redistributif pour empêcher l’activité de rébellion et de retrouver le soutien populaire. Le coût de la rébellion est désormais plus faible puisque le nombre de la population à protester contre le pouvoir en place est important. La rébellion est dès lors une fonction croissante de la défaillance institutionnelle du régime néo-patrimonial (clientélisme, prévarication, prédation, patronage, népotisme, …), d’exclusion et de non engagement crédible ou de répression du gouvernement et une fonction décroissante des investissements en capitaux physique et humain en dépenses de redistribution. La probabilité d’éruption de la guerre civile est arbitrée entre la prédation, prévarication, c’est-à-dire redistribution néo-patrimonial, la répression et l’investissement en infrastructure productive (redistribution de réduction des inégalités et paisible).

Ce qui nous permet de supposer que l’investissement en infrastructure productive est nul, noté à cause de

la prévarication ou de la consommation néo patrimoniale . Par conséquent, l’Etat a perdu son statut de leader de

Stackelberg car il n'a pas la capacité de s'engager de façon crédible, à réduire les détournements des fonds,

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corruption, le clientélisme de manière à augmenter les dépenses publiques à caractère redistributif pour déterminer si la paix ou la guerre prévaut à l'équilibre (Azam, 2001, ibid.). On est alors dans une situation où l'Etat est faible et n'a plus également, le monopole des dépenses militaires strictement positives pour faire respecter l’autorité d’Etat dans tout le territoire du pays et infliger une répression à la rébellion de l’opposition.

Par ailleurs, puisque la négociation (ou la transition) et les manifestations ont avortées, l’opposition n’a d’autre moyen d’exprimer son mécontentement que de se rebeller. Mais, nous supposons qu’une seule partie de l’opposition47 qui, cherche à s’accaparer du pouvoir de manière violente. Comme dans le confit non violent, nous supposons que les deux groupes (pouvoir en place et rébellion de l’opposition) mobilisent des ressources de combat, mesurées maintenant en unités de produit, . Les dirigeants de la rébellion savent que l'Etat est faible et incapable à s'engager sur ses politiques économiques efficaces et, en conséquence logique, ils ne basent pas leur comportement sur les promesses du gouvernement, mais sur ses actions réelles. Ils choisissent le niveau de rébellion qui maximise leur gain espère en anticipant que l'Etat ne tiendra pas ses promesses, et du fait de la rareté de ressource par rapport au nombre de serviteurs néo-patrimonial croissant, le régime continuera à réduire ses dépenses productives en dessous du niveau qui garantit la paix. Etant donné ce choix, il ne servirait plus à rien au pouvoir en place d'effectuer des dépenses productives ou de corrompre et amadouer l’opposition pour retrouver le soutien populaire.

Avant d’étudier la modélisation simple de cet affrontement violent et d’analyser l’équilibre du jeu, nous considérons que les effets de la guerre comme dommage collatéral sur l’enjeu du conflit. Il s’agit de l’introduction d’un pouvoir destructeur de la violence prenant la forme de dommages collatéraux au conflit proprement dit. La violence a pour conséquence la destruction d’une partie de l’enjeu du conflit. Nous l’illustrerons avec le modèle de partage de la production en suivant Jena-Yves Caro (2010), Timothy Besley et Torsten Persson (200948, 201049) et Michael McBride et Stergios Skaperdas (2009)50.

On sait que la guerre civile porte sur l’appropriation de pouvoir public qui permet un accès privilégié aux rentes qui pour simplifier sont à la disposition des deux groupes : le pouvoir et l’opposition ou les exclus . Le groupe au pouvoir détient un accès privilégié aux rentes (légales et illégales) par rapport à l’opposition. Mais, étant donner que la corruption est générale au sein de la société, la population contrôle aussi une part non négligente51. Les ressources de l’opposition sont le capital, le capital social, le capital organisationnel, le nombre, la détermination, l’absence d’alternance (les coûts d’opportunité), les soutiens extérieurs (financements, bases arrières, aides techniques) ; et le niveau de la répression du pouvoir en place est faible puisque les dépenses militaires sont quasi

nulles. La technologie de guerre est décrite par la fonction probabilité que le gouvernement soit renversé par

la rébellion de l’opposition qui a les propriétés suivantes, en fonction des valeurs prises par le gouvernement et

par l’opposition :

,

47 Cette hypothèse est cruciale puisqu’elle explique pourquoi lorsque cette rébellion arrive au pouvoir et refuse de le partager avec l’autre

partie de l’opposition non armée (souvent la grande partie et bien structurée), ce gouvernement ne dure pas longtemps.

48 Besley, T. et Persson, T., 2009, “State Capacity, Confict and Development” 49 Besley, T. et Persson, T., 2009, “The Logic of Political Violence”

50 McBride, M. et Skaperdas, S., 2009, “Conflict, Settlement, and the Shadow of the Future “ 51 C’est sur la de prévarication que les oppositions (divorces) entre la classe politique dominante et les agents privés dominés sont, à l'inverse, extrêmement forts.

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, () .

où est l’effort de rébellion, et l’effort de répression infligé par le gouvernement. Le paramètre s'interprète comme le degré d'efficacité ou de mobilisation des forces rebelles, puisque, pour un niveau donné des forces en présence, la probabilité de renverser le gouvernement est d'autant plus forte que , est grand. Ceci peut refléter les capacités de mobilisation idéologique des leaders des rebelles, ou la force du sentiment de rejet du pouvoir en place (la frustration relative de la population) qui anime ces troupes. Le paramètre saisit une économie d'échelle locale très faible dans la technologie de défense du groupe au pouvoir, telle qu'un niveau minimum de dépenses militaires est requis sous peine de perdre le pouvoir avec la probabilité 1, à la moindre tentative.

On est dans le cas où le gouvernement n'a pas la capacité de s'engager de façon crédible, et conséquence, il perd son statut de leader de Stackelberg. Il garde sa capacité de choisir sa politique de dépense après avoir observé les forces engagées par le groupe exclu, comme si les deux joueurs jouaient simultanément. On a alors l'équilibre de guerre.

II. Equilibres et résolution de conflits violents.

III.1 Détermination des équilibres

La matrice de jeu ci-dessous résume les quatre scénarios possibles. L’issue du jeu dépend de l’utilité obtenue par chacun dans l’hypothèse de conflit violent. Du fait de l’effet négatif des dommages humains, l’utilité qu’un joueur peut retirer du conflit ouvert peut être inférieure à l’utilité du renoncement à la lutte et à tout droit sur l’enjeu.

Renonce Guerre civile

Renonce

;

;

Guerre civile

;

;

Pour des raisons illustratives, cette matrice des gains conditionnels des politiciens/joueurs peut aussi être représentée comme ci-dessous :

Renonce Guerre civile Renonce

Guerre civile

Gouvernement,

Rébellion de l’opposition,

Gouvernement,

Rébellion de l’opposition,

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Ce tableau montre comment les conflits politiques (violents) ont souvent les caractéristiques d’un jeu stratégique où un groupe d’entrepreneurs politiques est engagé dans un jeu stratégique en l’occurrence la guerre civile, avec un autre groupe quand son utilité et ses gains sont affectés non seulement par les actions qu’il entreprend mais aussi par les actions des autres. De façon précise, ce tableau indique la guerre est un jeu stratégique parce qu’elle constitue un ensemble de règles qui encadre ou contraint le comportement des entrepreneurs politiques et déterminent les gains de ces derniers sur la base des actions entreprises. Ce jeu d’antagonisme politique est un jeu non coopératif prenant la forme normale du dilemme du prisonnier en ce sens qu’il n’existe aucun arbitrage extérieur au jeu susceptible de rendre irrévocables les engagements des politiciens. Selon cette terminologie, une guerre stratégique suppose une définition claire des règles de comportements des politiciens. C’est ce que nous avons déjà fait. Rappelons-les.

Premièrement, nous avons dit que les joueurs engagés sont les deux groupes d’entrepreneurs politiques qui ont décidé de se faire la guerre. A partir de plusieurs raison en particulier la défaillance des institutions néo patrimoniales, on n’a dit que la rébellion de l’opposition a plus de chance de renverser le pouvoir en place. Deuxièmement, nous avons précisé l’ordre dans lequel les antagonismes effectuent leurs choix. Nous avons dit le gouvernement en place n’est plus le leader de Stackelberg parce que l'Etat n’a plus la capacité d'engagement irréversible à verser dépenses publiques et que le groupe exclu du système néo patrimonialisme a utilisé cette information pour entreprendre la rébellion. Connaissant cette absence d'engagement et ayant une productivité forte de son investissement en guerre, le groupe exclu déclenche les hostilités, c’est-à-dire il joue le premier et le gouvernement riposte aux attaques donc, il joue le second et ainsi de suite. Enfin, nous avons déterminé l’utilité que chaque groupe retirera à la fin de guerre pour chaque combinaison de choix possibles.

Ce conflit est donc assimilé à un jeu à information imparfaite, parce que comme on l’a dit, la rébellion a un avantage par rapport au gouvernement. Une cause évidente de ces asymétries est que le déclanchement de la guerre est sous son contrðle en tant que l’attaquant. Il a intérêt à sélectionner une cible facile, à faire que la guerre soit une stratégie dominante. Il est donc vraisemblable, d’une part, que le gouvernement ait un désavantage absolu dans la production de violence et, d’autre part, que son aversion aux risques économiques et humains soit sensiblement plus forte que celle de la rébellion. Outre sa cible, la rébellion choisit aussi quand et comment elle attaque et bénéficie d’un effet de surprise. Toutes ces asymétries augmentent la probabilité du scénario de reddition du gouvernement. Une illustration est fournie par le scénario classique de coup d’état pour renverser un régime faible. Un groupe rebelle rationnel, qui attaque ne s’en prend jamais à un Etat fort à l’air féroce dont elle aurait tout à redouter. Elle évite aussi le dictateur bienveillant soutenu par la majorité de la population pour qui la reddition sans lutte est probablement impensable. Sa cible de prédilection, c’est l’Etat manifestement faible et qu’elle prédit peureux. Pour la cible bien sélectionnée, céder sans lutter son pouvoir, son monopole de rentes, est de loin la décision la plus raisonnable.

Bref, cette conception place au centre de l’analyse le pouvoir conféré à certains acteurs par les asymétries en matière de capacité de guerre et de tolérance à la violence. Une fois constitué en objet d’étude, ce pouvoir de la guerre et de la violence apparaît comme une ressource mobilisable dans toutes les formes de conflit. C’est ce constat que nous allons maintenant détailler en revenant à la modélisation générale du conflit violent entre groupes.

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Les avantages de la rébellion lui permettent d’annoncer le premier les hostilités : demande négociation, motifs de la guerre... Après avoir pris acte de cette annonce, le gouvernement annonce à son tour sa décision : accepter la négociation ou riposter. Une fois que les deux groupes d’entrepreneurs politiques se sont engagés sur l’attaque, la guerre peut commencer. Les gains de chaque groupe sont les suivants.

L’analyse approfondie de jeu politique permet de prédire l’équilibre qui émergera si les politiciens sont rationnels. Par l’équilibre nous entendons un état ou une situation dans lequel aucun groupe de politiciens ne souhaite modifier son comportement compte tenu du comportement l’autre groupe. Dans notre modèle un équilibre est constitué d’une combinaison de choix stratégiques (un choix stratégique par groupe) et nous savons qu’une fois les choix arrêtés, aucune modification n’interviendra. C’est-à-dire qu’aucun groupe de politiciens n’aura d’incitation à modifier ses actions s’il suppose que ses rivaux ne modifieront pas non plus les leurs. Cette conception correspond à une situation dans laquelle chaque groupe arrête seul ses choix stratégiques sans consulter l’autre. De telles situation est appelée jeu non coopératif parce qu’elle n’offre pas la possibilité d’une coopération formelle ou liante, c’est-à-dire d’une coordination des stratégies des différents politiciens52. Ainsi, comme nous souhaitons déterminer l’équilibre dans cette situation non coopérative, nous ne considérons pas les incitations des groupes de politiciens à modifier leurs comportements conjointement étant donné le comportement des politiciens restants ; nous considérons uniquement les incitations des groupes de politiciens pris individuellement.

Pour comprendre à quoi ressemble un équilibre, regardons chaque case correspondant aux gains. Conscients de l’impact de guerre civile et de la violence, les chefs de deux groupes politiques savent en revanche qu’une fois au pouvoir après la guerre, la population ne disposera d’aucun moyen pour les condamner. Interrogés à tour de rðle et sans possibilité de communiquer avant pour coordonner leurs décisions, ils savent donc que l’attaque de l’un d’entre eux peut suffire à l’autre de renoncer la lutte. Dans cette situation, la stratégie la plus « efficace » consisterait donc pour chaque groupe de politiciens à ne pas avouer son esprit de violence, puisqu’en montrant son comportement pacifique, lui garantirait le soutien de la population et de la communauté internationale. Dit autrement, si chaque groupe de politiciens gagne moins à lutter qu’à battre en retraite, le jeu a la structure dite de la poule mouillée. Qualifions cette issue du jeu de comportement coopératif de la part des deux groupes politiques et attribuons à chacun d’entre eux un gain de 8 correspondant par exemple au partage du pouvoir (cadra nord-ouest du tableau…). Nous pouvons soutenir que la paire de stratégies associées à ces gains (8,8) est une paire de stratégies d’équilibre du jeu. Pour prouver que cette affirmation est fondée, considérons en premier que la rébellion se retire et que le gouvernement renonce, il n’y aura pas de bataille et les deux groupes se partagerons le pouvoir ou recevront un gain de 8 chacun. A la première vue, la paire de choix stratégiques qui fournit le gain (8,8) semble être un candidat à l’équilibre de Nash. Ce n’est pas un équilibre car les deux groupes politiques ont chacun une incitation à dévier de sa stratégie initiale.

En regardant les autres issues du jeu, on peut dire d’emblé qu’il existe deux équilibres de Nash caractérisés par le fait qu’un des agents lutte et l’autre renonce. Mais, ces paires de stratégies (attaquer, battre en retraite) et (battre en retraite, attaquer) associées respectivement aux gains et ne mènent pas non plus à des équilibres de Nash. En effet, si l’un de deux groupes attaque l’autre alors que l’autre n’attaque pas, alors celui qui choisit la guerre gagne le pouvoir sans lutte réelle, il reçoit un gain de 16, la totalité d’enjeu, lors que celui qui a renoncé et

52 Nous écartons l’hypothèse de jeu coopératif en raison d’échec de négociation entre les entrepreneurs politiques pendant la transition.

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voulait coopération subit la perte de la duperie (soit -1). Nous supposerons que l’issue du jeu est tout à fait symétrique, que le groupe qui renonce soit la rébellion d’opposition ou le gouvernement.

Enfin, si les deux joueurs gagnent plus dans la guerre qu’en abandonnant le pouvoir à l’adversaire, le jeu a la structure d’un dilemme du prisonnier. Les deux acceptent la guerre. Il y a qu’un seul équilibre de Nash en stratégie pure : attaquer/attaquer. Cette pire situation de guerre (du point de vue de gains collectifs et non pas de la morale) condamne tous les antagonistes à un investissement en guerre, ils ne pourraient espérer récupérer le fruit de leur décision que très tard en cas de victoire, ce qui réduirait considérablement le gain du partage du pouvoir, soit le couple . C’est la seule combinaison de stratégies qui conduise à un équilibre, malgré le fait que les deux groupes auraient plutôt un intérêt commun à renoncer à la guerre (leur avantage s’élèverait dans ce cas à …). Mais la combinaison des stratégies renoncer incite chacun des groupes à tricher ou à dévier. Le fait qu’un équilibre, résultat de choix rationnels individuels, puisse ne pas représenter l’option la meilleure possible est un phénomène dans connu sous le non « dilemme de prisonnier53 ». Plusieurs raisons peuvent expliquer ce résultat.

Si les engagements des entrepreneurs politiques en négociation sont à tout moment réversibles ou révocables, c’est-à-dire si chaque politicien a le moindre doute sur la décision de coopération et d’engagement crédible de s’opposant, alors la coordination des décisions s’effectuera à partir du critère de la rationalité individuelle. Chaque politicien va chercher la stratégie à partir de laquelle il n’a plus intérêt à s’en écarter de façon unilatérale. A cet équilibre, qualifié d’équilibre de Nash, tout changement de stratégie de la part d’un groupe de politicien, l’autre ayant fixé la sienne, n’apporte aucun gain supplémentaire. Dans la forme normale du dilemme du prisonnier ci-dessus, le couple de stratégies (ATTAQUE/ATTAQUE) a les propriétés d’un tel équilibre. Cela signifie que choisir l’attaque est le meilleur choix pour chaque groupe quel que soit le choix attendu de son rival. Pour comprendre ce résultat, examinons la décision de la rébellion, (gouvernement étant dans une situation symétrique, le même raisonnement s’applique pour ce groupe).

Si la rébellion s’attend à ce que le gouvernement cède (battre en retraite), sa meilleure réponse est d’attaquer car il gagne le pouvoir sans combattre (gain de 16 au lieu de 8). D’autre part, si la rébellion s’attend à ce que le gouvernement attaque, sa meilleure réponse est encore d’attaquer. En ne choisissant pas renoncer, il évite ainsi de perdre tout : son gain est de 2 au lieu de -1. Clairement la rébellion est toujours mieux en choisissant l’attaque que soit la stratégie du gouvernement. Quand la stratégie d’un joueur est meilleure réponse face à toutes les stratégies possibles de ses rivaux, on dit que c’est une stratégie dominante (cette stratégie de guerre domine toutes les autres stratégies du politicien). L’équilibre (ATTAQUE/ATTAQUE) dans notre modèle est alors appelé équilibre en stratégie dominante54. Ainsi, à l’absence de tout caractère irréversible ou irrévocable des engagements crédibles des entrepreneurs politiques, c’est-à-dire dans un conflit politique non coopératif, les politiques adoptent des comportements qui obéissent exclusivement à leurs intérêts propres.

53 Parel, V., 1995, « La théorie des jeux », Les cahiers français, n°272, op. cit., p. 21

54 Si la rébellion choisit toujours d’attaquer, la meilleure réponse pour le gouvernement est d’attaquer afin de ne pas perdre tout et dans ce

cas de guerre il obtient un gain … ou de forcer la négociation avec la rébellion. Dit autrement, si la rébellion s’attend à ce que le

gouvernement ne cède pas le pouvoir, c’est-à-dire qu’il choisisse l’attaque, et si le gouvernement s’attend à ce que la rébellion choisisse

toujours l’attaque ; sont exactement les choix qu’ils arrêterons parce que chacun de ces choix est meilleure réponse eu choix de l’autre (ou du

moins meilleure réponse au choix attendu de l’autre).

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Si l’on mesure l’utilité collective de ce jeu politique par l’agrégation des utilités individuelles, alors l’équilibre de Nash qui prévaut conduit à la situation la moins souhaitable pour collectivité, soit la fonction de paiement caractérisée par le couple , là où le renoncement à la guerre aurait permis la négociation, coopération ou le partage du pouvoir qui devrait améliorer à la fois l’utilité de chaque groupe (gain de 8 au lieu de 2) et l’utilité collective (gain de 16 au lieu de 4). On remarquera que la possibilité offerte aux politiciens de se coordonner avant la guerre sur le renoncement de conflits violent ne suffirait pas à garantir la stabilité d’un engagement, parce que comme nous l’avons démontré bien avant cette possibilité a tété offerte aux entrepreneurs politiques du gouvernement et d’opposition de se coordonner (de partager le pouvoir) pendant la période transitoire, mais avait échoué. En effet, s’il n’existe pas aucune contrainte, aucun arbitre extérieur au conflit politique pour obliger les acteurs à respecter les engagements pris avant, aucun d’entre eux ne pourra accorder une confiance totale à l’autre dans le respect de cet engagement et l’équilibre non coopératif de Nash prévaudra. L’accord mutuel de renoncement n’est jamais stable en l’absence d’un mécanisme d’engagement. La répétition du jeu peut cependant conduire à un équilibre de partage pacifique durable.

L’analyse axiomatique proposée par le programme coopératif de Nash (1950, 1953) suppose l’existence préalable d’une institution créée de manière artificielle pour imposer le caractère irréversible/irrévocable des engagements des entrepreneurs politiques. Dans le cadre de notre analyse, cette institution peut être les lois internationales, les accordes internationaux, l’ONU, convention de Genève, la communauté internationale… Cette institution doit être suffisamment enforçante pour qu’aucune déviation par rapport aux engagements politiques pris ne puisse être entreprise par les politiciens pendant le jeu politique (processus démocratique), même si celle-ci paraît individuellement rationnelle. Les interventions des organisations internationales dans les guerres civiles en Afrique comme ailleurs, expliquent pourquoi les institutions internationales cherchent à imposer les comportements coopératifs à partir des négociations des élites politiques non coopératifs. Ce résultat est souvent obtenu lorsque la guerre civile perpétue et fait naître les multiples seigneurs, chefs de guerres, milices, les spécialistes de la violence dans une situation du dilemme du prisonnier. III.2 Une extension de la guerre du dilemme du prisonnier : l’introduction de l’état de la nature, de la temporalité, des seigneurs de guerre, et de la cupidité. Nous avons dit que les dérives des institutions néo patrimoniales (pulsion prédatrice, clientélisme, corruption…) ont débouché sur le délitement puis effondrement des Etats en construction inachevée. Comme le montre l’histoire récente des pays où ces dysfonctionnement ont été les plus criantes (Zaïre, Sierra Leone, Liberia, Cðte d’Ivoire), l’effondrement de l’Etat trouve sa source première sous les coups conjoints des crises qu’il a lui-même engendrées et des interventions extérieures. Le pouvoir de l’Etat dans ces pays s’est graduellement érodé, jusqu’au point de perdre le monopole de la violence légitime. Enfin, dans ces pays le foisonnement de seigneurs de la guerre, d’enfants soldats, de réfugiés, de nationaux déplacés, ainsi que d’armées, de mercenaires et de groupes rebelles en provenance des pays voisins, a permis (pour reprendre les termes de Hobbes), le retour d’Etat civil et rationnel embryonnaire vers un état de la nature irrationnel. Dans ces conditions, lorsqu’un jeu politique implique de multiples entrepreneurs et multiples choix, il est difficile de trouver une solution. La théorie de jeu peut nous inspirer alors à trouver le lien entre le dilemme du prisonnier d’un cðté et la guerre de tous dans l’état de nature, le pacte instaurant un souverain absolu, et le mode d’action de ce dernier pour faire respecter les contrats au sein de l’état civil. Les situations d’interactions stratégiques comme le dilemme du prisonnier rencontrées dans la réalité au niveau micro-institutionnel (dans un groupe politique ou parti politique) comme au niveau macro-institutionnel

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(négociations entre les partis politiques d’un pays, négociations entre pays par exemple) ont la plupart du temps un caractère répété. Or les négociations d’interactions stratégiques qui viennent d’être décrites l’ont été dans un cadre exclusivement atemporel. Pour trouver un équilibre qui soit satisfaisant du point de vue collectif, on introduit à la suite de travaux de Selten (1975)55 la dynamique dans le jeu de confit politique. Nous reprenons notre exemple et supposons que ce jeu soit répété mais en nombre d’étapes ou de séquences de guerre-négociation fini (on parle dans ce cas de jeu politique séquentiel). La répétition de conflit politique de période en période fait apparaître un « grand conflit politique » ou « super-jeu politique » en tout nœud duquel chaque politicien a tour à tour le choix entre battre en retraite/renoncement et l’attaque. La résolution de la forme extensive de ce jeu procède ici par récurrence à rebours. Comme indique l’arbre suivant, on se situe à la dernière étape du jeu et on élimine progressivement les stratégies dominées. Le dernier joueur qui a le trait optimise son comportement, le précédent procède de même en sachant que le suivant en fera de même, et ainsi jusqu’à ce que l’on détermine la décision optimale du premier joueur et par là même la séquence des stratégies sur tout horizon temporel du super jeu (grand conflit politique). La récurrence à rebours conduit ainsi à l’obtention d’un équilibre parfait en sous-jeu ou conflit mineur entre politiciens qui se définit come un raffinement de l’équilibre de Nash. Dans cette situation chaque politicien ou groupe politique connaît parfaitement la durée d’enjeu politique (jeu) et le principe de la récurrence à rebours amène chacun d’entre eux à assimiler la dernière étape de négociation politique (jeu) au dilemme du prisonnier à un coup. La meilleure des stratégies à adopter par chaque politicien est encore une fois de faire la guerre à la dernière étape de négociation. Chaque politicien anticipant parfaitement cette situation sera alors tenté de faire l’attaque à l’avant-dernière étape, et ainsi de suite jusqu’à la première étape de négociation politique (jeu), de sorte qu’un équilibre parfait en sous-négociation observant l’attaque des groupes politiques à chaque coup sera également rencontré à ce niveau. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, répéter la négociation ne fait qu’accentuer ce dilemme politique. Puisque la stratégie dominante consiste toujours à attaquer à chaque coup si la négociation est répétée un nombre fini de fois (aussi grand soit-il), les pertes (des capitaux physique et humain) s’accumulent inévitablement. Dit autrement, à chaque fois que les enjeux politiques (négociations politiques) aboutiront toujours à un équilibre guerre/guerre, dans ce contexte les rentes que les antagonistes envisagent de contrôler en cas de victoire, continuent de baisser et deviennent de plus en plus rares. Enfin de compte, l’espérance, le gain de pouvoir n’est plus intéressant. IL est toute fois possible ce dilemme agaçant en ayant recours, une fois de plus, aux croyances des politiciens. Pour cela on suppose que le dilemme du conflit politique est répété en nombre de séquences infini. Cette hypothèse peut paraître surprenant tant il est connu que les politiciens ne peuvent être éternels. En fait, lorsque les politiciens ne connaissent pas avec certitude la date T à laquelle le conflit s’arrêtera, tout se passe comme s’ils supposaient celui-ci sans fin. L’exemple de multiplicité de seigneurs de guerre pendant les guerres civiles dans les pays d’Afrique où l’Etat a perdu le monopole de la violence par rapport aux conflits politiques qui opposent seulement deux groupes politiques (opposition et gouvernement) peut être ici retenu. Lorsqu’un conflit politique implique de multiples entrepreneurs et multiples choix, la négociation devient de plus en plus complexe et la guerre perdure et est plus destructive des richesses convoitées par les politiciens. Ne connaissant pas la date à laquelle se termine le conflit, il est clair que la méthode de résolution par récurrence à rebours ne peut directement être utilisée. Dans cette situation, on peut alors considérer que les politiciens sont simplement capables d’attribuer une probabilité à la poursuite du conflit ou à sa fin. Celle-ci joue alors le rðle d’un facteur d’actualisation dans le calcul inter-temporel auquel sont désormais soumis les politiciens. Ainsi, si chacun croit que l’autre a (ou peut avoir) des réactions irrationnelles, alors le choix consistant de ne pas attaquer, si l’autre adopte le même

55 Prix Nobel d’économie en 1994 avec J.F. Nash et J.C. Harsanyi.

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comportement au coup précédent, peut être équilibre, à condition qu’il soit bien sûr observé par les tous les politiciens. Ainsi, le couple de stratégies consistant pour chaque groupe de politiciens à renoncer à la guerre et coopérer tant que l’autre renonce et coopère et à attaquer infiniment dès que l’autre groupe ne bat plus en retraite (stratégie connue sous le nom de donnant-donnant) peut se révéler comme le plus efficace. Il convient toutefois pour cela que la probabilité de poursuite de conflit soit suffisamment forte pour que le coût actualisé de la guerre répétée soit largement supérieur à la capture momentanée du paiement de la tentation. Dans notre modèle de dilemme politique de conflit répétée, la valeur limite de la probabilité de renouvellement du jeu politique peut être calculée en comparant le gain actualisé de l’attaque au premier coup (suivi de l’attaque continue de l’autre groupe politique) à la valeur actualisée de renoncement à la guerre et de la coopération pour le partage du pouvoir. Si est la probabilité de l’attaque au premier coup du jeu politique, alors le gain actualisé de la coopération (du renoncement) simultanée sur la période est :

Comme on a supposé que le dilemme du conflit politique est répété en nombre de séquences infini, la probabilité de renouvellement de négociation notée est de connaissance commune, on peut montrer qu’un équilibre battre en retraite (coopératif) peut émerger. Le gain attendu de l’attaque au premier coup de la rébellion suivi de la réaction par attaque du gouvernement aux étapes suivantes du jeu politique s’écrit :

Et pour le gouvernement :

De même, l’attaque continue (la guerre) simultanée sur toute la durée du jeu politique (négociation) conduit au gain actualisé suivant :

En prenant en considération les paiements actualisés des politiciens, la forme normale du jeu du dilemme de guerre politique répété s’écrit désormais :

Renonce Guerre civile

Renonce

Guerre civile

Dès lors, le renoncement (coopérer pour partager le pouvoir) est obtenu si et seulement si soit si :

Ce n’est que si la probabilité de renouvellement de négociation est supérieure à

57% qu’un équilibre coopératif pour le partage du pouvoir pourra émerger de ce jeu politique de négociation répété. Les expériences des solutions des guerres civiles en Afrique montrent la dominance de cette stratégie coopérative dans le cas du dilemme de conflits violents répétés. Elles confirment l’arbitrage opéré par les

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entrepreneurs politiques entre une rationalité de court terme (attaquer pour capter la rémunération de la tentation au premier coup) et la rationalité de long terme (battre la retraite et éviter le coût actualisé de la guerre sur tout le reste d’environnement temporel de négociation).

Mais sous cette condition on remarque l’équilibre du jeu politique n’est pas unique. Le couple de stratégies (Renonce/Renonce) n’est pas en fait pas le seul équilibre du dilemme conflit politique répété qui vient d’être présenté. Comme on l’a montré en effet, si le groupe politique 1 anticipe d’être amené à négocier avec un autre groupe (rébellion) pratiquant l’attaque continue il est dans son intérêt d’adopter lui aussi la stratégie d’attaque puisque le gain actualisé d’une telle action est alors plus élevé que celui de battre en retraite . En effet,

dans ce cas :

ce qui est toujours vrai par hypothèse. Deux équilibres sont possibles

dans ce jeu politique répété. Le couple renonce/renonce) et le couple (attaque/attaque).

La présence d’équilibres multiples pose alors un problème de coordination aux politiciens puisque l’hypothèse de connaissance commune ne suffit plus pour assurer la convergence de leurs comportements optimisateurs vers l’un des deux équilibres. Indifférents, entre deux équilibres, ils sont amenés entamer un processus de spécialisation en chef de guerre infini qui rend la situation du pays en guerre contre tout. La question la plus pertinente est de savoir pourquoi et comment on arrive à des solutions dans l’état de la nature ou la guerre et la violence sont généralisées. Conclusion : Pourquoi les solutions aux troubles politiques en Afrique sont-elles peu efficace et non pérennes ? Dans cet article nous avons démontré que les crises économiques et politiques en Afrique sont causées fondamentalement par le comportement prévaricateur et prédateur des Etats néo-patrimoniaux qui, ont été consolidés depuis les indépendances et ont fait émerger une nouvelle classe politique habituée à utiliser l’Etat comme sa carrière pour l’action et sa source de pouvoir, de statut, de rente et autres formes de richesses. Ce syndrome a été renforcé par des prédispositions politico-culturelles précoloniales et coloniales favorisant les cultures clientélistes et l’idée que la fonction politique était la voie primordiale pour atteindre la richesse, un statut social et le pouvoir. Ces régimes et les entrepreneurs politiques qui les animent ces régimes

La domination de la rationalité politique sur la rationalité économique a eu de profondes conséquences, en créant des conditions moins favorables à la croissance et en instaurant un système d’incitation qui a généralisé les comportements de recherche de rente (corruption).

Deux directions de recherches semblent prometteuses à ce stade. Premièrement, ce modèle théorique que nous avons présenté devrait être compléter par l’estimation économétrique qui résume l'ensemble des arguments présentés jusque là. Deuxièmement, il serait aussi intéressant de comprendre les l’Etats-nations reconstruits après les guerres ne sont pas apparus à travers le rôle de la violence comme source de prospérité et de qualité institutionnelle, en fonction de sa provision publique ou privée. L’ordre contractuel, c’est-à-dire contrat d’agence qui permet de sortir du labyrinthe de l’état de la nature c’est-à-dire la guerre de tous contre tous, n’est pas négocié entre les peuples et leur chef. Tous les processus de formation d’Etat (après ou avant la guerre) nécessite de maitriser les violences privées entre les hommes dans l’état de la nature et de les léguer à une autorité souveraine Etat qui en assumera le monopole. Une négociation est importante entre l’autorité (Léviathan, agent des peuples) et les peuples afin de déterminer les moyens nécessaires alloués à l’Etat qui les protégera contre les menaces des autres

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puissances ou sujets. A l’issu de celle-ci, découle les institutions qui sont les prix d’équilibre de la transaction entre les demandeurs (sujets) et l’offreur de la sécurité (Etat). Le type d’Etat dépendant du pouvoir de négociation du chef pour échanger, avec les corps représentatifs des peuples, droits et privilèges contre revenus. C’est de cette façon que les sujets africains peuvent donc obtenir le pouvoir « constitutionnel » de fixer le prix de la protection (les impôts), et leurs présidents, de monopoliser le pouvoir (en particulier la violence) afin d’obtenir de plus gros revenus.

Annexe 2

L’idée de la courbe de Laffer est donc relativement simple. Au-delà d’un certain seuil d’imposition, l’accroissement des taux d’imposition provoque une réduction des recettes fiscales. Ce raisonnement part du constat que si le taux d’imposition est nul, l’impðt est nul, de même si le taux d’imposition est de 100%. Par conséquent, entre ces deux situations, il doit y avoir un taux qui maximise l’impðt (T*) et donne donc le montant maximal de recettes (R*). Tant que le taux de taxation est inférieur au taux T*, il est possible d’augmenter le produit de l’impðt en accroissant le niveau de taxation. Mais, si celui-ci dépasse la valeur de T*, les impðts perçus diminuent. C’est cette idée que traduit la courbe de Laffer, qui aurait donc la forme suivante :

Courbe de Laffer

En dehors de R*, il est donc possible d’obtenir un même montant global de recettes fiscales (R1 par exemple) avec deux taux différents (T1 et T2). Cependant, ces deux taux ne sont pas équivalents: un accroissement de T1

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augmente les recettes fiscales, tandis qu'une majoration de T2 les réduit. T2 comme tous les taux supérieurs à T* sont inutilement élevés et se trouvent dans la zone prohibitive. En d’autres termes, la courbe de Laffer est fondée sur l’idée qu’au-delà d’un certain niveau, les taxes et impðts ont un effet négatif sur l’activité des entreprises et des travailleurs. Elle traite donc essentiellement des effets désincitatifs des impðts directs sur l’offre des facteurs de production, et notamment le travail et l’épargne. Au-delà de T*, les impôts perçus diminuent car leur effet désincitatif sur l’offre de travail et l’investissement des entreprises l’emporte sur l’effet lié à la hausse du niveau de taxation. La réduction du travail et de l’épargne entraîne une baisse du volume de la production qui a pour effet de diminuer la base d’imposition. Pour ce courant, l’Etat peut ainsi, en réduisant les prélèvements obligatoires, favoriser un essor de l’activité et augmenter ses ressources, en même temps que celles de l’ensemble de la société. Il existerait donc un niveau de taxation optimal à ne pas dépasser, sous peine de voir le produit de l’impðt diminué suite à la réduction de la base d’imposition. D’autre part, pour les auteurs, la hausse du taux d’imposition suscite des comportements d’évasion et de fraudes fiscales à l’origine de perte de rentrée fiscale pour l’Etat. Selon cette théorie, l’inflation des dépenses publiques auraient donc engendré une pression fiscale insupportable, décourageant l’offre, au point que les rentrées fiscales insuffisantes auraient tué l’impôt et provoqué une crise du financement de l’Etat. La courbe de Laffer sert à justifier la baisse des dépenses, comme préalable à des réformes fiscales dont la version pure et parfaite est la flat tax, impôt à taux unique et donc proportionnel, présumée nécessaire pour relancer la croissance par l’off.

Annexes 3 : EXEMPLE SUR l4INFLATION Un exemple récent et analytique de l’hyperinflation dans les années 90 est celui de l’ex-Zaïre2. Une crise politique profonde et se détériorant au cours de la période 1991-94 a entraîné une hausse drastique des dépenses publiques (comprennant de fortes hausses des salaires du gouvernement). Cette augmentation aggravée par une chute des recettes fiscales a entraîné une aggravation du déficit budgétaire, qui a été financé par la création monétaire3. L’inflation atteignait en moyenne 60% par an au cours des années 80, et est montée à 4500% en 1993 et 9800% en 1994, un taux mensuel moyen de 50%. Pour la période de 12 mois se terminant en Septembre 1994, la circulation monétaire s’est accrue à un taux de plusieurs milliers pour cent, avec une inflation atteignant un taux annuel de 12850%. Au point culminant du processus d’hyperinflation, en Décembre 1993, l’inflation s’est accrue de presque 240% par mois… Bien que l’inflation mensuelle ait baissé substantiellement en 1995-96, elle n’a pas été complètement maîtrisée, en grande partie à cause de l’incapacité du gouvernement à réduire les dépenses publiques et à accroître les recettes fiscales conventionnelles, dans le but de réduire sa dépendance à l’égard du financement monétaire de son déficit budgétaire. Au cours de toute la période, les prix intérieurs étaient fixés de façon croissante en devise étrangère (dollarsaméricains, francs belges).