Le Châtiment Suprême: Positions Éthiques et Philosophiques ...

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Le Châtiment Suprême: Positions Éthiques et Philosophiques sur la Peine de Mort. Par Zayid Al-Baghdadi DRC 4549 Philosophie du Droit Professeur : Denis Vincelette Université d'Ottawa # Étudiant: 2262875 13 Novembre, 2002

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Le Châtiment Suprême:Positions Éthiques et Philosophiques sur la Peine de Mort.

Par

Zayid Al-Baghdadi

DRC 4549 Philosophie du DroitProfesseur : Denis Vincelette

Université d'Ottawa# Étudiant: 226287513 Novembre, 2002

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Table des Matières

I . I n t r o d u c t i o n 3

II. Deux Traditions Philosophiques

A . L a T h é o r i e U t i l i t a r i s t e 6B . L a T h é o r i e d e R é t r i b u t i o n 1 1

III. Le Mouvement Abolition niste.

A . L a P h i l o s o p h i e H u m a n i t a i r e d e s L u m i è r e s 1 6B. A lber t Camus et la Défense Socia le Moderne 20

I V . C o n c l u s i o n 2 4

B i b l i o g r a p h i e 2 6

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I. Introduction

"Oeil pour œil et le monde finira aveugle."-Mahatma Gandhi

Dans tous les pays du monde et depuis des millénaires, la peine de mort a constitué le

châtiment suprême. À l'origine, la vengeance privée «vendetta » est non seulement un droit,

mais surtout un devoir pour la famille. Lorsqu'un crime se commettait a l'intérieure d'une

cellule sociale, le chef de se groupe pouvait décider de la vie du coupable. Par contre, si le

criminel appartenait à une autre famille ou clan, la sanction s'infligeait de façon collective, un

groupe contre l'autre1. À mesure que l'autorité d'un pouvoir central s'affirme, l'exercice de la

répression changera de caractère, s'éloignant du réflexe de vengeance vers une approche

organisée et quasi scientifique de la peine capitale. Le Code de Hammourabi est un des

premiers exemples de réglementation étatique en matière de peine. Les cas ou la peine capitale

est infligée sont fort nombreux, sanctionnant non seulement les crimes contres les personnes

J.IMBER-, T.;i Peine de Mort. Presse Universitaire de France, 1972

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4mais aussi les infractions contre les biens". Cependant, les lois de Hammourabi démontrent un

progrès considérable, tenant compte de l'absence d'intention délictueuse dans certains cas. Le

responsable d'homicide comme exemple, est exonéré de la peine de mort, et trouvée à payer

une amande. « Si a cause des coups la victime meurt, et si le coupable jure : Je ne l'ai pas

frappé sciemment, il paiera 30 sicles d'argent s'il s'agit du fils d'un citoyen, 20 sicles du fils

d'un mesquin ».3

En Extrême-Orient, Confucius nous indique que l'éducation est le meilleur moyen de

gouverner les hommes et de les empêcher de commettre des crimes : « Qu 'avez vous besoin

d'employer les supplices? Aimez la vertu et le peuple sera vertueux » .la peine de mort est

donc un moyen exceptionnel de maintenir l'ordre est devrait être inflige au coupable que

lorsqu'il y a grande certitude qu'il le mérite. Si tout ceux qui vous entourent disent « Un tel

doit être mis a mort », ne les écoutez pas. « Si tous les grands disent « Un tel doit être mis a

mort » ne les écoutez pas. Si tous les hommes du royaume disent « un tel doit être mis a mort »

et qu 'après avoir pris vos informations, vous l'ayez trouvé digne de mort, vous devez alors le

faire mourir. »5

2 Les Lois de Hammourabi imposaient la peine de mort pour plusieurs categories d'infractions,allant jusqu'à sanctionner de cette peine le refus de porter les armes ou la simple fraude d'uncommerçant.3 le Code de Hammourabi. articles 207 et 208.

4 Confucius et Menicius : les Quatre Livres de Philosophie et Politiotie de la Chine, 3 iemelivre,!, XII, 195 (Ibid. IV livre, I, II, 7.)

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Une pensée similaire se reflète chez les philosophes grecs. Selon Aristote, le châtiment

est nécessaire pour corriger et guider le comportement des individus. Si ces derniers,

s'avèrent incorrigible, il est alors permis de les éliminer par le bannissement ou la mortf\ Dans

son Ethique à Nicomaque, il constate que « la foule obéit plus à la nécessité qu 'a la raison »

et le criminel dont la société ne peut plus soutenir ne peut être traite que comme « une bette

de somme. »7 Platon a traité le problème plus profondément. Dans le Gorgias le Protagora et

les Lois, Il a élaboré et mis a point sa doctrine. Punir par vengeance, dit il est absurde, car on

ne peut revenir sur le passé. La peine est mal en soi, qui ne se justifie que s'il procure un bien

et ce bien, c'est l'avenir qui doit l'apporter. « Personne en punissant n 'a en vue de prendre

pour mobile le fait même de la faute commise... Celui qui a souci de punir intelligemment ne

frappe pas à cause du Passé.. Mais en prévision de l'avenir. »

En constatant l'abus des châtiments corporels, les philosophes de l'antiquité ont

propose des solutions plus rationnelles et humaines, ce qui constitu déjà un progrès

considérable. Les théories ultérieures apportées ont pu s'inspirer de cette pensée et avancer

l'argumentaire, mais il est important de constater qu'il non pas tous suivi la même voie.

Aujourd'hui, Le débat sur la moralité de la peine de mort se concentre majoritairement sur son

imposition pour le crime de meurtre. Vu la gravité de ce crime, l'individu est incliné à prendre

une position plus émotive sur le mérite de cette peine. Pour évader l'aveuglement qui résulte

6 ARISTOTLE Éthique a Nicomaque. livre X, chapitre 9

7 Ibid.

8 PLATON: Protagoras, art.324

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d'une opinion catégorique et sentimentale, il est important de prendre connaissance de

différentes théories et perspectives apportées a se sujet.

II. Deux Traditions Philosophiques

La question fondamentale qui se pose au sujet de la peine capitale est de déterminer si

l'exécution des criminels est justifiée, et, si dans l'affirmative, sous quelles circonstances est-ce

permis? Les défenses philosophiques de la peine de mort se dégagent typiquement de

discussions générales de la peine. La question de la justice corrective dans le domaine de la

philosophie du droit fait la distinction entre deux théories principales de la peine: Utilitariste et

de Rétribution. En revanche, la position abolitionniste de la peine capitale cherche à révéler les

failles qui existent dans les justifications populaires de la peine de mort. Ainsi, en l'absence

d'une défense irréfutable à l'exécution d'un criminel, l'adversaire de cette peine conclut que le

délinquant devrait vivre.

A. La Théorie Utilitariste

L'utilitarisme en soi ne présente pas une position pour ou contre la peine capitale. Il

s'agit plutôt d'un cadre dans laquelle un grand nombre de considérations éthiques et pratiques

parviennent pour produire une vision équilibrée sur le débat de la peine capitale. Il est à noter

cependant, qu'un grand nombre de défenses de la peine capitale ont été apportées par des

militaristes. Pour ces derniers, la peine est généralement justifiée dans l'objectif de créer un

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7meilleur équilibre entre le bien et le mal. D'une telle perspective, la peine capitale est efficace

si elle réussit a prévenir le criminel de récidive, et de dissuader les futur délinquants de

commettre des crimes. Cependant, il découle quelques problèmes immédiats de cette ligne de

pense. D'abord le fardeau de preuve de démontrer que seul la peine de mort peut réussir à

parvenir à ces fins, repose sur le défendeur de cette peine. Ceci est exeptionellement pertinent,

car le but de l'utilitariste est de réduire du meilleur possible le mal, ce qui nécessite

l'imposition de la peine la moins sévère lorsqu'elles parviennent au même résultat.

Le théoricien italien Cesare Beccaria argumente ce point dans son « Traite Des Délits

et des Crimes », une des premières critiques de la peine de mort du point de vue utilitariste.

Selon Beccaria, l'efficacité crée par une peine est en proportion de sa durée, et non par son

intensité. Ceci étant, l'emprisonnement à long terme constitue un meilleur outil de dissuasion,

la peine capitale étant éphémère. Pour commencer, Beccaria écarte quelques aspects de

l'argument de Rousseau tiré du contrat social. Il est inconcevable selon lui, de disposer ça vie

au profit de la société « Si L'homme n 'a pas le droit de disposer de sa vie, il n 'a pu le

concéder à un autre, même a la société »9 Cependant, il est important de souligner que

Beccaria n'exclut pas la peine de mort d'une façon absolue. Il la garde comme un dernier

recours quand les circonstances politiques deviennent grave : « La mort d'un citoyen peut

devenir nécessaire... lorsque, prive de la liberté, il conserve encore des relations et une

puissance qui peuvent compromettre la sûreté de la nation »10 Néanmoins, contrairement a la

tradition, la thèse révolutionnaire apportée par Beccaria fut de grande nouveauté et « allait

9 BECCARIA : Traité des Délits et Peines, chap. XXIV

10 Ibid, chap XVI

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8provoquer la tempête chez les traditionalistes et l'enthousiasme chez les novateurs » ' ' Ces

premiers pas vers l'abolition de la peine de mort seront traité en plus grande détaille dans la

deuxième partie de ce traité.

L'Utilitariste Classique, Jeremy Bentham, fort influencé par Beccaria traite plus

profondément le problème du châtiment capital et de la peine en général. Il distingue deux

passions fondamentales chez l'humain ; Le désir pour le plaisir et l'aversion de la douleur.

Bentham, refusait de discriminer moralement entre les divers manifestations de plaisir ; tout les

plaisirs sont bon, incluant le plaisir de la vengeance. Mais il n'y a pas de relation naturel ou

nécessaire entre le mode particulier de vengeance (la peine capitale comme exemple) et le désir

voulu. Selon Bentham, un tel lien résulte d'une association répétée des deux idées. Les

hommes punissent parce qu'ils doivent, et ils méprisent certains crimes parce qu'ils ont été

conditionnées de les mépriser. Comparablement, les autorités judiciaires qui sont accoutumées

d'imposer des sentences pénales, ont l'habitude de croire que la peine qu'ils infligent à un lien

naturel avec l'acte condamné' Par exemple, que la peine capitale équivaut d'une certaine

manière au crime de meurtre ou que le meurtrier mérite d'être exécuté. Mais, tout cela

constitue une fiction, un produit des habitudes mentales et les associations psychologiques qui

ont été generalise et objectifié. Tout simplement, l'individu peut apprendre a satisfaire son

désir pour la vengeance sans recourir a la solution de la peine de mort, qui selon le jugement de

Bentham, n'avance pas l'utilité sociale (c'est a dire le plus grand bonheur au plus grand

nombre d'individus).

" J.IMBER, op cit. note 1, p. 177

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Il est important de souligner que Bentham manifeste une divergence considérable sur

l'utilité de la peine capitale, tel que traité par son prédécesseur Italien. Affirmant l'autorité

respectable de Beccaria, il constate son opinion sur la base de deux observations : D'abord que

la mort en général est considéré comme le plus grand mal, et que le individus sont prêt a subir

tout autre peine pour l'éviter. Deuxièmement, que la mort en tant que peine est presque

universellement considérée trop sévère, et les hommes plaide, comme mesure de grâce, sa

substitution pour une peine alternative. En se qui concerne la durée de cette peine, la

souffrance selon Bentham est presque nulle. Selon lui, cette pensée découle de la confusion et

la exagération associé avec l'intensité de la douleur de la mort, surtout par la mort violente qui

soutien cette idée. Pour ce qu'il y a de la majorité des hommes attachés à la vie par des lies de

réputation, affectation et jouissance, la peine de mort pour Bentham semble plus exemplaire

que tout autre peine.12 Evidemcnt, la théorie de Bentham ne dénonça pas la peine de mort de

façon absolue. Il faut considérer que sa pensée est limitée dans le contexte social de son

époque. Néanmoins, en tant que juriste et philosophe, ces théories ont contribué

considérablement a la diminution des crimes capitaux au 18ieme et 19ième siècle \

John Stuart Mill, philosophe et disciple de Bentham, nous avance des arguments

familiers sur l'aspect dissuasif de la peine de mort. En 1868, il présente au parlement

12 J. BENTHAM, The Rationale nf Punishment. Chap XII

13 Bentham contribua également à la modernisation du système pénitentiaire et l'abolition decertaines formes de châtiment, comme la fustigation des femmes, le pilori et la déportation auxcolonies.

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10Britannique son éloquent plaidoyer en défense de la peine capitale. Utilisant quelques

notions qui relèvent de la pensée Utilitariste, Mill cependant, arrive à des conclusions

différentes. En se souvenant de Beccaria, Il nous rappelle que la peine de mort constitue un

châtiment moins sévère que l'emprisonnement a perpétuité. Selon cette constatation, il conclu

que la peine de mort étant un geste plus miséricorde, ne devrait pais être considéré comme un

peine cruelle. Pour avancer son argument d'avantage, il maintient que celui qui ne démontre

pas de respect à la vie humaine et commet un acte privant la personne de son droit à la vie,

renonce a ce même droit :

"Does finding a criminal show want of respect for property or imprisoning him. for personal

freedom? Just as unreasonable is it to think that to take the life of a man who has taken that of

another is to show want of regard for human life. We show, on the contrary, most emphatically

our regard for it, by the adoption of a tide that he, who violates that right in another, forfeits it

for himself "N

La notion de dissuasion est au cœur de la position utilitariste. La peine de mort est

donc justifiée dans la mesure ou elle peut contribuer au bien commun. Par sa capacité de

diminuer les crimes tel que le meurtre par exemple, les vies d'innocent sont épargnées. Est-il

toujours facile de prendre une telle position lorsque les sociologues modernes nous présentent

des arguments contradictoires de l'effet de la peine capitale sur le taux de criminalité ? Nous

savons très bien qu'en sciences naturelles, il est possible d'établir des conditions

d'expérimentation en contrôlant les variables, malheureusement, ceci n'est pas aussi évident

dans la société. Malgré l'incertitude de ces études, il est clair que la menace de la peine peut

14 T S MILL. Speech in Favour of the Capital Punishment .1868

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I ldissuader des justiciables plus que d'autres. Par contre, si la menace de punition est aussi

efficace que les gens semblent croire, nous pouvons donc se demander pourquoi des individus

de croyances religieuses, croyant sincèrement à l'idée de l'enfer, peuvent aussi commettre des

crimes. L'enfer inflige une peine perpétuelle dans sa durée et intensité, et malgré, un bon

nombre de croyants commettent des crimes, sans être dissuader par le châtiment suprême de

dieu. De plus, si la contrainte de la mort est un outil de dissuasion efficace, comment pouvons

nous expliquer la prévalence et popularité des guerres durant l'histoire de l'humanité ? Il est

incontestable qu'un soldat en temps de guerre risque des meilleures chances de périr qu'un

citoyen en temps de paix, pourtant, rare sont les cas ou les soldats ne sont pas prêts à risquer

leur vie pour une cause dictée par leur état. Soulignons que la peine capitale a clairement

échoué en tant qu'outil de dissuasion lorsque un meurtre est commit. « Nous pouvons compter

ces échecs. Mais nous ne pouvons compter ces succès »'\ Pour cette raison, les Utilitaristes en

défense de la peine de mort vont souvent se fier sur des éléments de preuve indirect et peu

concluante.

B. La Théorie de Rétribution

La théorie de rétribution en matière de peine repose essentiellement sur deux principes

généraux. D'abord, en tant que principe fondamental, les délinquants méritent une peine, et

subséquemment, la peine doit être proportionnelle au préjudice subi. Pour déterminer ce qui

15 The Deterrent Value of Capital Punishment, Royal Commission on Capital Punishment1949-53 Report (London HMSO. 1953), 17-24.

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12constitue une peine égale au préjudice, les théoriciens distinguent entre deux types de peine

retributiviste. Premièrement, la rétribution Lex Salica implique une punition par compensation,

et le préjudice infligé peut être indemnisé par payement ou réparation. Deuxièmement, la

rétribution Lex Talionis consiste souvent d'une peine en nature, souvent exprimée par la notion

« oeil pour oeil ». Ceci nous fait revenir au fameux code de Hammourabi, une des plus

anciennes représentations de la peine capitale découlant de la Lex Talionis. "Lorsqu 'un

créancier, a par de mauvais traitements, causé la mort du fils que son débiteur lui avait donne

en gage, la peine de mort ne frappe pas le créancier gagiste lui-même, mais son fils ". ('

Les critiques de la peine lex talionis se dirigent vers nombreux problèmes qui découlent

de cette pensée. D'abord, d'un point de vue pratique, la rétribution lex Talionis ne peut pas être

appliquée de façon conforme dans toutes les circonstances. L'extrait du code de Hammourabi

cité si dessus nous démontre l'absurdité inhérente qui découlerait d'une application constante.

Deuxièmement, en tant que formule stricte, la lex talions peut être inadéquate. Ainsi, en

prenant l'exemple du terroriste qui cause la mort d'une centaine de personnes, la prise de sa vie

seule n'est techniquement pas une peine en nature. Troisièmement, vu qu'il s'agit d'un principe

général, la marge de manœuvre est limitée, ce qui peut résulter d'une imposition de peine

arbitraire. Finalement, une critique importante soulève que le fondement réel des justifications

retributivistes est enraciné dans le sentiment psychologique de la vengeance.

16 SZLECHTER E, Le Code de Hammourabi. (SDHI) Studia et Documenta HistoriaIuris, 40, 1974, pp. 329-400

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13Même si nous constatons que la vengeance est une émotion humaine naturelle, comparable

aux sentiments de la peur, le désir et l'avidité, elle doit être contrôlée. Ceci dit, une peine

fondée sur des prémisses impulsives ne peut être rationnelle.

Emmanuel Kant nous avance une théorie de rétribution alternative justifiée par la

notion de Compensation Morale (Morlische Vergeltung) plus tôt que celle de la vengeance.

Pour Kant, chaque personne est utile est digne de respect en raison de leur capacité de prendre

des décisions libre et rationnelle. L'acte de meurtre est digne de respect aussi, ainsi, nous

retournons notre respect au délinquant par un traitement réciproque. Il propose que l'homme ne

puisse disposer de sa vie dans un contrat privé ni dans un contrat social. Ce sont les exigences

de la Justice, et non de l'utilité, qui fondent le châtiment suprême. On n'a jamais le droit de

frapper un innocent ni pour son bien ni pour l'utilité de l'état. Seule la faute appelle a une

punition et ne devrait pas tenir compte de son utilité dissuasive. Kant a beaucoup souligné

l'importance de la dignité et du caractère de l'individu. Sa défense de la peine capitale suggère

que la rétribution n'est pas approprié parce qu'elle est juste, mais juste parce qu'elle est

approprié. L'avantage apportée par cette peine est symbolique et essentiel au maintient du

respect de la société, de la Justice et de la victime. Il voit donc la potence comme une peine

unique, ayant une utilité à long terme qui maintient des relations digne et respectueuse entre

individus. Bentham avait déclaré que si une utilité peut se manifester, il serait suffisant de

pendre un malfaiteur pour l'exemplarité, Kant proclame exactement le contraire : « Si la

société civile se dissolvait,... si par exemple un peuple habitant une île se décidait a se

séparer, ...le denier meurtrier qui se trouvait en prison devrait d'abord être exécuté, afin que

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14cela comportât la peine de sa conduite et que le sang versé ne retombât point sur le

peuple. » Ainsi, pour Kant, la rétribution implique non seulement le droit de punir, mais

l'obligation de punir. Le criminel doit être punit parce qu'il le mérite, et il le mérite parce qu'il

a violé les règles de la justice.

Hegel est en accord avec cette pensée qu'il intitule la « négation de la négation. Cela

veut dire que le meurtrier qui nie le droit à la vie de sa victime se voit nier sa propre vie aussi.

Cette double négation, calculé en terme de droits, annule le crime original et a comme

conséquence une égalisation de droits ; un équilibre de la balance de la justice. Sans admettre à

la loi du Talion, il repousse à son tour l'idée du contrat social. A son avis, la répression du

crime est « remboursement... selon le concept parce qu 'elle est violence a la violence et selon

t'existence, lorsque le crime a une certaine grandeur qui peut se trouver dans sa négation

comme existence » l8 De la, cette conséquence qu'en châtiant le délinquant, on l'honore

comme un être rationnel, on suit la logique de son acte, tandis qu 'on le méprise si on le traite

« comme un animal nuisible » ou même si l'on cherche à l'intimider. Pour Hegel, ce qui ne

serait pas légitime, ce serait que le criminel ne soit pas puni, Il critique donc à ce titre, le droit

de grâce.

17 KANT, Eléments Métaphysiques de la Doctrine du Droit. Ile partie, Section 1, p. 203

18 HEGEL : Principes de la Philosophie du droit, nos 100 et 101.

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15Quand nous affirmons qu'un homme mérite d'être condamné a mort, comment

pouvons nous supporter une telle position par des simples arguments ? , Comment peut-on

apprécier les facteurs qui nous dirigent vers une telle conclusion? L'approche Lex Talionis est

plus certaine sur l'importance de punir quelles que soient les circonstances, surtout lorsque

l'acte condamne est membre d'une classe d'actions exceptionnellement haineuse, le meurtre

par exemple. Hegel et à Kant qui, assez paradoxalement, ont fondé le droit à la vie ou à la mort

sur la raison (le concept de violence légitime, ou de droit reposant sur la force) estiment

pourtant que la peine de mort est quelque chose de rationnel, de juste, et qui appartient au

concept même de droit. Peut-être ainsi le recours à cette solution extrême nous indique-t-il que

nous sommes ici en présence d'un problème insoluble : nous aimerions pouvoir, au nom de la

raison, ne pas recourir à la violence ou au mal en réponse à la violence ou au mal commis par

la société ; mais nous ne pouvons sans doute faire autrement, et peut-être par conséquent le

droit de punir ne peut-il être fondé que sur des considérations de nécessité. Cependant,

d'affirmer que la peine de mort est nécessaire, implique que tout autre recours alternatif ne

répond pas a cette nécessité, et en conséquence, n'est pas utile. Voila, l'aspect utilitariste qui ce

cache derrière cette théorie, et qui nous relève de façon implicite une justification de la peine

capitale qui met préséance aux jugements de valeur innées chez l'être humain. Peut ont donc

constater que la théorie de rétribution n'est rien qu'un prétexte pour un motif beaucoup plus

rentable que le respect de la justice : un voile élégant couvrant la vengeance nue.

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16III. Le Mouvement Abolitionniste

Tel que constaté, un grand nombre d'arguments abolitionnistes ont été fondé dans

l'objectif de déconstruire les théories en défenses de la peine capitale. Cependant, parmi les

arguments avancées, les partisan de l'abolition nous expose des attaques directes qui existent

indépendamment de la position adverse. Dire que la peine de mort devrait être abolit en raison

de son indignité, cruauté et manquement à la solidarité humaine sont juste quelques

justifications qui visent à détruire la validité de cette peine. Les châtiments corporels et les

modes d'exécution extrêmes, ne sont plus acceptés en raison de leur inhumanité, et selon ce

même raisonnement, la peine capitale devrait être exclu du répertoire de la punition. Toutefois,

même si nous acceptions le fait que la peine capitale viole au respect du droit a la vie, cette

constatation seule peut être insuffisante à l'abolition de cette pratique. La dignité, l'humanité et

l'amour sont des vertus morales fondamentales qui leur attribut une nature prima facie. Elles

sont moralement contraignante à leur valeur apparente jusqu'elles affrontent une obligation de

plus grand ordre, créant ainsi un dilemme morale.Les partisans de la peine capitale nous

propose la justice de rétribution en réponse a se dilemme. Car même si nous sommes obligés

de reconnaître la dignité du délinquant, la nécessité de châtier est aussi présente et dépasse les

autres obligations. En revanche, l'abolitionniste ne voit pas cette nécessité s'imposer sur les

vertus morales et cela pour des raisons que seront examiné dans le traité qui suit.

19 E.L PINCOFFS. "Classic Retrihutivism" The Rationale of Legal Punishment, New York

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17A. La Philosophie Humanitaire des Lumières.

Le mouvement pour l'abolition de la peine de mort ne sera pas le fait du peuple, mais

celui de penseurs, d'intellectuels et de philosophes. Les Lumières du XVIIIe siècle en France

s'élèvent non contre le principe même de la peine de mort, mais contre l'usage abusif qui en est

fait. L'Esprit des Lois de Montesquieu, nous propose que la peine de mort reste nécessaire que

dans un domaine restreint et ne devrait être infligée pour les atteintes aux biens. La Peine

capitale est donc « le remède d'une Société Malade »20 et doit être tiré de la nature de

l'infraction. Son personnage fictif qu'il met sur scene dans Les Lettres Persanes écrit a son

correspondant, «Dans les pays ou les châtiments sont modérés ont les craint comme dans les

lieux ou ils sont tyranniques et affreux. Huit jours de prison ou une légère amende frappent

autant un Européen que la perte d'un bras intimide un Asiatique» '

Cependant, d'autres éminents penseurs du XVIIIe considère la peine de mort comme

nécessaire. Il en est ainsi de Rousseau qui dans le chapitre V Du Contrat Social reprend lui la

pensée qui s 'apparente plus aux inquisiteurs du moyen age22. Il reprend l'image d'une guerre

de la société contre l'individu : « Tout malfaiteur attaquant le corps sociale, devient pars ses

forfaits rebelle et traître a la partie, il cesse d'en être membre en violant ses lois, et même il lui

fait la guerre, alors la conservation de l'état est incompatible avec la sienne, il faut qu 'un des

deux périssent, et quand on fait mourir le coupable, c'est moins qu 'un citoyen que comme un

20 MONTESQUIEU, L'Esprit des Lois. Livre XII, Chap. IV

21 MONTESQUIEU, Les Lettres Persanes. Lettre 80

77 IMBERT, op. cit, note 1, p. 114

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2 3 1 Sennemi. Quoiqu'il faut reconnaître qu'en d'autres passages de son œuvre, il n'envisage la

peine de mort que comme une solution de dernière ressource : « On n 'a pas le droit défaire

mourir, même pour l'exemple, celui qu 'on peut conserver sans danger ».24

Bien qu'il ne fût pas un abolitionniste au sens stricte, Beccaria déclencha la première

campagne abolitionniste sous le patronage de la philosophie humanitaire. Une ère nouvelle va

s'ouvrir dans l'histoire de ce châtiment avec la publication de son traité Des délits et des peines

en 1764, qui va exercer une influence considérable. L'opinion publique cependant demeurât

manifestement indifférent à l'égard de la pratique de cette peine cruelle, les foules se

précipitent pour assister et prendre plaisir du « spectacle de la mort »25 Comme déjà

mentionné, Beccaria affirme qu'au point de vue de l'utilité, la peine capitale ne se justifiait

pas. « La mort d'un citoyen n'est ni utile ni nécessaire » or, c'est « l'expérience de tous les

siècles » qui le démontre, car la crainte de ce dernier châtiment n'a jamais empêché « les

hommes déterminés d'offenser la société »26 L'ouvrage de Beccaria est reçu comme une

déclaration de guerre humaniste et philosophique contre la justice arbitraire des absolutistes. Le

droit de punir est déterminé que dans la mesure ou il y a violation du contrat social et non plus

dans la morale religieuse qui légitime le châtiment du criminel pêcheur.

23 ROUSSEAU : Le Contrat Social. Livre II, chap. V

24 Ibid

25 C. BECCARIA, op. cit. not 9

26 Ibid

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19Viscéralement attache à la cause des droits de l'homme et luttant jusqu' à sa mort

contre les erreurs judiciaires, Voltaire salue la philosophie de Beccaria et plaide la même cause

dans ses œuvres. "On punit la mère qui a commis un infanticide; on eut mieux fait de la

recueillir dans son abandon. On brûle les sorciers et les possédés; on ferait mieux de les

soigner dans les petites maisons » 27 Cependant, son opposition de la peine de mort n'est pas

purement dans une optique humanitaire. Dans son commentaire du traité de Beccaria, Voltaire

semble insister sur l'importance de garder les condamnées en vie dans le but de profiter de

leurs travaux forcés. Comme il serait plus utile pour l'état de laisser vivre et de faire travailler

le condamné!... un pendu n'est bon a rien...je ne parle pas d'humanité je parle d'utilité28.

« Vous avez saisi un faussaire, placez-le dans les ateliers de monnaie de F Etat ou employez-le

à transcrire des textes. Vous avez arrêté un incendiaire, obligez-le à reconstruire la maison

détruite et à en assurer la surveillance »29 Bien qu'il ne donne pas un exemple de travail

restitutoire pour le crime de meurtre, la sagesse de Voltaire ne cesse point. « Quand j'aurais

fait mourir dans les tourments celui qui a tué votre frère, celui-ci sera-t-il ressuscité ? » '

Le courant abolitionniste du XVIIIe ne réussit pas à éliminer la peine de mort,

cependant la montée de la tolérance durant cette période fera considérer les siècles précédents

comme fanatiques et barbares dans leur usage de la peine capitale. Clairement, une transition

27 VOLTAIRE, Le Prix de la Justice et de l'Humanité ( art. 6)28 VOLTAIRE : Dictionnaire Philosophique. Ve Supplices et Commentaire sur Beccaria.par. 1029 VOLTAIRE, Le Prix de la Justice et de l'Humanité ( art. 7)

30 Ibid, art 3.

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20significative se manifeste à cette époque, du châtiment non rational dicté au nom d'une

orthodoxie régnante vers une humanisation des rapports sociaux dont le condamné est

bénéficiaire. Malgré la divergence d'opinions sur la question de la peine de mort, grand

nombre des ces intellectuels sont unanime sur l'idée que la peine doit être modérée et

proportionnelle a la nature du délit. Soulignons que la Philosophie des Lumières connaît des

restrictions, et s'est souvent bien accommodé de la monarchie absolue, la peine de mort de

mort étant considérée particulièrement nécessaire au cours du XVIIIe siècle contre ceux qui ont

menacé la vie du souverain.

B. Albert Camus et la Défense Sociale Moderne

Suite aux atrocités de la deuxième guerre mondiale, une nouvelle école de philosophie

sociale est créée. Depuis ce conflit qui provoqua (comme les conflits précédents) un regain

d'exécutions capitales, se répandit progressivement, dans divers pays, un mouvement

abolitionniste plus profond peut-être que les précédents. Son but objectif était la suppression

de la peine de mort, et des recherches furent poursuivies sur trois points: d'une part, la

réfutation des arguments en faveur de la peine de mort; d'autre part, l'organisation d'un système

de répression contre le crime; Enfin, une réflexion sur le problème des criminels inamendables

et dangereux. La Howard League for Penal reform en Angleterre, l'association pénale

canadienne et autres organismes pour l'abolition ont visé à alerter le public sur le problème.'

En utilisant des arguments simples, directes et efficace, ils on put aboutir dans les enceintes

parlementaires, ou l'abolition est discutée et parfois sanctionné par le législateur.

31

31 J. IMBER, op. cit, note.l p. 194

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21Ces thèmes sont également traités dans l'éloquent plaidoyer d'Albert Camus, qui fut un des

seuls écrivains à avoir écrit un livre exclusivement sur le sujet.

Dans « Réflexions sur la guillotine », Camus nous décrit profondément son point de

vue, en illustrant avec grande précision la pratique de la peine capitale pour ensuite élaborer

ses arguments de façon plus théorique. Tout d'abord, il rejette la notion l'exemplarité : en effet,

depuis 1939, cette peine n'est plus exécutée en public, elle n'est selon lui évoquée par les

médias que de manière très superflue et désensibilisée :« Il faut tuer publiquement ou avouer

qu 'on ne se sent pas autoriser de tuer. Si la société justifie la peine de mort par la nécessité de

l'exemple, elle doit se justifier elle-même en rendant la publicité nécessaire. Elle doit montrer

les mains du bourreau, chaque fois, et obliger a les regarder les citoyens trop délicats en

même temps que ceux qui, de près ou de loin, ont suscité ce bourreau »' " Il se lance donc dans

une description réaliste de ce qu'est l'exécution capitale, celle que les médias devraient, selon

lui, exposer. De plus, cette exemplarité ne rend pas compte, selon lui, de la nature même de

l'homme : elle n'est pas aussi stable que la justice, et la plupart des tueurs se sentent, au

moment du crime, innocents, aveuglé par la passion de leur acte. Ainsi, la justice selon Camus,

ne se réalise point, lorsque nous imposons une peine définitive et irréparable pour punir une

culpabilité toujours moins certaine. Même si le criminel se sent coupable, il nous propose de

prendre en considération l'instinct de destruction innée chez l'homme, qui peut parfois

dépasser et dominer l'instinct de conservation. Comme Bentham avait déjà proposé, Camus est

32 CAMUS, Réflexions sur la Guillotine. Calmann-Lévy, Paris, 1979. p 131

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22d'avis que cette peine résulte d'une « psychologie moyenne », c'est-à-dire une vision qui

découle de la tradition est non pas de la rationalité.

Dans un monde tourmenté, la question de nécessitée devient plus imminente dans la

conscience sociétale, tout au nom de protéger l'état d'une instabilité provenant des périls qui

le menacent. Cependant, l'argument de la nécessité et la légitime défense a souvent trouver une

application arbitraire ce qui a pour conséquence la diminution de la valeur humaine. Pensons

au phénomène récent de la guerre contre le terrorisme, qui permet la violation de droits

fondamentaux dans se même optique de la nécessité. Albert Camus a fort dénoncé ce danger

qui menace nos sociétés :

« Le nombre des individus tués directement par l'Etat a pris des proportions astronomiques et

passe infiniment celui des meurtres particuliers... Ceux qui font couler le plus de sang sont

ceux-là mêmes qui croient avoir le droit, la logique et l'histoire avec eux. Ce n 'est pas tant

contre l'individu que notre société doit se défendre, c 'est contre l'Etat... on tue pour une

nation ou pour une classe divinisée. Ou bien pour une société future, divinisée aussi... La

Justice et l'opportunité la plus réaliste commandent que la loi protège l'individu contre un

Etat livré aux folies du sectarisme ou de l'orgueil. » '

Selon Camus, la peine de mort est non seulement extrêmement injuste en tant que

sanction pure et irrévocable, mais elle est encore plus sévère que la loi du talion. En effet, si

nous constatons que le criminel ne tue qu'une fois, normalement en surprenant sa victime, la

33 Ml, p. 174

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23peine capitale en comparaison devient donc une double mort. Tout d'abord une mort lente,

produite par la préméditation de l'état et l'attente de l'exécution. Ensuite, la deuxième mort

résultant de l'extermination physique, elle également cruel. Camus fait donc apparaître un

paradoxe : l'état qui condamne le coupable, est censé le faire dans l'intérêt de l'innocent et de

la société, alors que cette dernière « ne peut prétendre qu 'à l'innocence : c 'est en partie de sa

faute si le coupable l'est devenu »34.Finalement, pour Camus, la peine de mort ne se justifie

que par la religion, autorisé a transmettre la parole de Dieu et qui par conséquence n'a plus de

raison d'être dans un Etat qui prétend être laïque : un juge « athée agnostique ou sceptique » ne

peut prendre la place de Dieu, en « prononçant le châtiment définitif»35

La tendance à l'abolition fit d'immenses progrès, et ce sont les mêmes fondements

philosophiques ou juridiques qui ont conduit l'assemblée générale des Nations Unies à adopter

le 10 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l'Homme, dont les articles 3 et 5

proclament : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » et «

nul ne sera soumis a la torture, ni a des peines ou traitements cruels, inhumains ou

dégradants. »30Au niveau international un grand pas dans la voie de l'abolition est achevé. Bien

que le principe qui en découle soit fort admirable, il demeure qu'elle soit appliquée de façon

continue et universelle, et que la défense sociale puisse convaincre les législateurs encore

opposés a l'abolition.

34lhM,p.l32

35Ibid,p.l533" Déclaration universelle des droits de l'Homme. Adoptée par l'Assemblée générale dans sarésolution 217 A (III) du 10 décembre 1948

Page 24: Le Châtiment Suprême: Positions Éthiques et Philosophiques ...

24

IV. Conclusion

L'objectif de ce traité a été de présenter les fondements philosophiques qui relèvent des

deux courants tout en démontrant que le « pour » avait comme seul but l'exemplarité et la

vengeance. L'histoire de la peine de mort en est la preuve et ne laisse que conclure chez le

lecteur que cet instrument d'injustice ne fut qu'inefficace et contraire au bien-être commun.

Les arguments « contre » la peine de mort sont nombreux et suivent une logique avec laquelle

il m'était facile d'adhérer. Personne n'a le droit de disposer de la vie d'autrui : l'exécution

capitale est irréparable, et les erreurs judiciaires sont toujours possible, un témoignage flagrant

de l'inutilité de cette sanction suprême. Les principes philosophies et constations pratique qui

découlent de la pensée abolitionniste nous dirigent vers un consensus reconnu chez nombreux

auteurs, de réclamer l'abolition de la peine de mort, partout et toujours. C'est une évidence.

Tout comme Camus, je crois que l'abolition de la peine de mort aiderait à l'avancement de la

société. Malgré cela, une telle ambition peut sembler utopique. D'une part en effet, certaines

civilisations demeurent aveuglé par une justification primitive de la peine de mort, et le

garderont tant qu'ils ne parvienne à un certain degré de civilisation. De même que dans le pays

plus développés, la maxime selon laquelle nul, pas même l'état, ne peut enlever la vie d'un

homme demeure une théorie plus abstraite que pratique. En effet, toute société organisée,

reconnaît le droit et devoir de conduire ses citoyens à la mort en temps de guerre, et d'abolir la

peine de mort pour les crimes militaires demeure une question fragile dans plusieurs états.

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25Ainsi, en période de tension politique, il n'est pas rare de voir les voix s'élever pour

demander son rétablissement.

Dès que nous parlons d'abolition, ouvre aussitôt la réflexion sur le monde de la prison.

Une société qui ne met plus a mort s'engage a devenir une société qui permet la reprise de la

vie, tant que nous croyons que la justice n'est pas une fin, mais un moyen. Les questions

disputées restent les suivants : Comment abolir la peine de mort sans dissoudre la notion de

responsabilité ? Comment déterminer les crimes qui peuvent entraîner a la peine de mort sans

être influencé par les émotions passionnelles, l'opinion publique et les idéologies politique du

pouvoir ? Et si l'État insiste sur le respect de la vie, en choisissant à ne pas y mettre fin, il

faudra donner à l'individu des chances véritables de réhabilitation et de réintégration. Sans ces

opportunités, le respect de la vie demeure une hypocrisie absolue. Maintenant, le problème du

crime reste encore, et nous n'avons toujours pas trouvé de moyens pour le détourner. C'est sur

cela que l'on doit maintenant travailler. Comment procéder pour ralentir le fléau ? Ceci nous

dirige vers un autre débat qui semble ne présenter aucune fin puisqu'il y aura toujours place à

de nouvelles idées.

Page 26: Le Châtiment Suprême: Positions Éthiques et Philosophiques ...

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Bibliographie

Monographies et recueils

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Articles de Revue

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Documents Officiels

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M. Paul GIROD, sénateur. Rapport du Sénat sur l'abolition de la peine de mort en FranceSeconde session extraordinaire de 1980-1981 .Annexe au procès-verbal de la séance du 28septembre 1981.