Le Château de ma mère - Hachette · PDF fileMarcel Pagnol raconte les farces que...

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Fleurs d’encre 3 e Chapitre 2. Affirmations de soi SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE CHATEAU DE MA MERE 1 / 5 © Hachette Livre, 2012. Le Château de ma mère Marcel Pagnol raconte les farces que son frère cadet Paul fait à leur petite sœur. Dans les fins cheveux frisés, il [Paul] accrochait une poignée de cigales et les insectes captifs vrombissaient autour de la tête enfantine, qui riait, pâle de terreur ; ou bien, il l'installait, à deux mètres du sol, dans la fourche d'un olivier, et feignait ensuite de l'abandonner à son triste sort ; un jour, comme elle avait peur de descendre, elle grimpa jusqu'aux plus hautes branches, et ma mère épouvantée vit de loin ce petit visage au-dessus du feuillage d'argent... Elle courut chercher l'échelle double, et réussit à la capturer, avec l'aide de la tante Rose, comme font parfois les pompiers pour les petits chats aventureux. Paul affirma « qu'elle lui avait échappé », et la petite sœur fut désormais considérée comme un singe capable des pires escalades. D'autres fois, il lui glissait dans le dos de la bourre de « gratte-cul », qui est la baie de l'églantier, et que l'on nomme ainsi pour de bonnes raisons : elle y gagna la réputation de pleurnicher sans savoir pourquoi. Il la calmait en la gavant de gomme d'amandier, et lui fit même manger une pastille de réglisse qui ne sortait pas d'une pharmacie, mais d'un lapin. Il me confia cet exploit le soir même, car il craignait de l'avoir empoisonnée. Je lui avouai alors que je lui avais moi-même offert des olives noires encore tièdes, ramassées dans le sillage d'un troupeau de chèvres et qu'il s'en était fort bien trouvé. Il fut charmé par cet aveu rassurant, et continua sans regret ses farces fraternelles. Mais, comme le grand Shakespeare devait me l'enseigner plus tard, crime will out, c'est-à-dire que les crimes ne restent jamais ignorés, si bien qu'un soir, après la chasse, je le trouvai dans notre chambre, sanglotant sur son oreiller. Il avait, en ce jour fatal, inventé un nouveau jeu dont les règles étaient très simples... Il pinçait fortement la fesse dodue de la petite sœur, qui poussait aussitôt des cris perçants. Alors Paul courait, comme éperdu, vers la maison : « Maman ! Viens vite ! Une guêpe l'a piquée ! » Maman accourut deux fois avec du coton et de l'ammoniaque, et chercha à extraire, entre deux ongles, un aiguillon qui n'existait pas, ce qui redoubla les hurlements de la petite sœur, pour la plus grande joie du sensible Paul. Mais il commit la grande erreur de renouveler une fois de trop sa plaisanterie fraternelle. Ma mère, qui avait conçu des doutes, le prit sur le fait : il reçut une gifle magistrale suivie de quelques coups de martinet, qu'il accepta sans broncher : mais la remontrance 1 pathétique 2 qui suivit lui brisa le cœur, et à sept heures du soir, il en était encore inconsolable. À table, il se priva lui - même de dessert, tandis que la petite sœur martyrisée et reconnaissante lui offrait en pleurant de tendresse sa propre part de crème au caramel... Ayant ainsi appris qu'il ne s'ennuyait pas une seconde, je triomphai fort aisément de mes remords, et je le laissai à ses jeux criminels. Marcel Pagnol, Le Château de ma mère © Éditions de Fallois, 1957. 1 reproche, avertissement. 2 qui touche profondément. Conforme aux nouvelles dispositions de l’épreuve du nouveau brevet des collèges

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Fleurs d’encre 3e – Chapitre 2. Affirmations de soi

SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE CHATEAU DE MA MERE 1 / 5

© Hachette Livre, 2012.

Le Château de ma mère

Marcel Pagnol raconte les farces que son frère cadet Paul fait à leur petite sœur.

Dans les fins cheveux frisés, il [Paul] accrochait une poignée de cigales et les insectes captifs

vrombissaient autour de la tête enfantine, qui riait, pâle de terreur ; ou bien, il l'installait, à deux

mètres du sol, dans la fourche d'un olivier, et feignait ensuite de l'abandonner à son triste sort ; un

jour, comme elle avait peur de descendre, elle grimpa jusqu'aux plus hautes branches, et ma mère

épouvantée vit de loin ce petit visage au-dessus du feuillage d'argent... Elle courut chercher l'échelle

double, et réussit à la capturer, avec l'aide de la tante Rose, comme font parfois les pompiers pour

les petits chats aventureux. Paul affirma « qu'elle lui avait échappé », et la petite sœur fut désormais

considérée comme un singe capable des pires escalades.

D'autres fois, il lui glissait dans le dos de la bourre de « gratte-cul », qui est la baie de

l'églantier, et que l'on nomme ainsi pour de bonnes raisons : elle y gagna la réputation de

pleurnicher sans savoir pourquoi.

Il la calmait en la gavant de gomme d'amandier, et lui fit même manger une pastille de

réglisse qui ne sortait pas d'une pharmacie, mais d'un lapin. Il me confia cet exploit le soir même,

car il craignait de l'avoir empoisonnée.

Je lui avouai alors que je lui avais moi-même offert des olives noires encore tièdes, ramassées

dans le sillage d'un troupeau de chèvres et qu'il s'en était fort bien trouvé. Il fut charmé par cet aveu

rassurant, et continua sans regret ses farces fraternelles.

Mais, comme le grand Shakespeare devait me l'enseigner plus tard, crime will out, c'est-à-dire

que les crimes ne restent jamais ignorés, si bien qu'un soir, après la chasse, je le trouvai dans notre

chambre, sanglotant sur son oreiller.

Il avait, en ce jour fatal, inventé un nouveau jeu dont les règles étaient très simples...

Il pinçait fortement la fesse dodue de la petite sœur, qui poussait aussitôt des cris perçants.

Alors Paul courait, comme éperdu, vers la maison : « Maman ! Viens vite ! Une guêpe l'a

piquée ! »

Maman accourut deux fois avec du coton et de l'ammoniaque, et chercha à extraire, entre

deux ongles, un aiguillon qui n'existait pas, ce qui redoubla les hurlements de la petite sœur, pour la

plus grande joie du sensible Paul.

Mais il commit la grande erreur de renouveler une fois de trop sa plaisanterie fraternelle.

Ma mère, qui avait conçu des doutes, le prit sur le fait : il reçut une gifle magistrale suivie de

quelques coups de martinet, qu'il accepta sans broncher : mais la remontrance1 pathétique

2 qui suivit

lui brisa le cœur, et à sept heures du soir, il en était encore inconsolable. À table, il se priva lui-

même de dessert, tandis que la petite sœur martyrisée et reconnaissante lui offrait en pleurant de

tendresse sa propre part de crème au caramel...

Ayant ainsi appris qu'il ne s'ennuyait pas une seconde, je triomphai fort aisément de mes

remords, et je le laissai à ses jeux criminels.

Marcel Pagnol, Le Château de ma mère © Éditions de Fallois, 1957.

1 reproche, avertissement.

2 qui touche profondément.

Conforme aux nouvelles dispositions de l’épreuve du nouveau brevet des collèges

Fleurs d’encre 3e – Chapitre 2. Affirmations de soi

SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE CHATEAU DE MA MERE 2 / 5

© Hachette Livre, 2012.

Première partie : Compréhension de texte, réécriture et dictée

Un récit d’enfance

1. Résumez brièvement les farces de Paul. 2. a. Relevez un passage qui prouve qu’il s’agit d’un narrateur adulte. b. À quel genre littéraire rattachez-vous cet extrait ? Pourquoi ? 3. Dans les paragraphes 1 à 3 (« Dans les fins cheveux »… « empoisonnée ») : Quels sont les deux temps de l’indicatif majoritairement utilisés ? Justifiez leur emploi respectif.

L’expression des sentiments

4. Quels sentiments relient les deux frères ? Justifiez en citant le texte. 5. a. « Elle y gagna la réputation de pleurnicher sans savoir pourquoi » (2e paragraphe) : Quel est le ton employé ? b. Relevez d’autres passages qui relèvent du même ton. c. Quel sentiment éprouvez-vous à la lecture de ce texte ? 6. a. Exprimez avec vos propres mots la « remontrance pathétique » de la mère. b. Expliquez la réaction de Paul et celle de la petite sœur.

Question de synthèse

7. Quels sentiments ce récit d’enfance met-il en lumière ? Développez votre réponse. Récrivez le passage suivant en remplaçant « il » par « ils » et en conjuguant les verbes au passé simple. Dans les fins cheveux frisés, il accrochait une poignée de cigales et les insectes captifs vrombissaient autour de la tête enfantine, qui riait, pâle de terreur ; ou bien, il l'installait, à deux mètres du sol, dans la fourche d'un olivier, et feignait ensuite de l'abandonner à son triste sort.

Un matin, nous partîmes sous un ciel bas, posé sur les crêtes, et à peine rougeâtre vers l’est.

[…] La matinée se passa comme à l’ordinaire, mais vers dix heures, une ondée nous surprit près des

barres du Taoumé. Elle dura une dizaine de minutes, que nous passâmes sous les rameaux épais

d’un grand pin : mon père mit à profit ce repos pour nous enseigner qu’il ne fallait en aucun cas se

mettre à l’abri sous un arbre. Il n’y eut pas de coup de tonnerre et nous pûmes bientôt gagner la

Baume-Sourne, où nous déjeunâmes.[…] Après avoir battu en vain le vallon du jardinier, les

hommes nous quittèrent et prirent la route de Passe-Temps pendant que nous remontions vers nos

terrains de chasse.

Marcel Pagnol, Le Château de ma mère © Éditions de Fallois, 1957.

Les mots en gras sont à noter au tableau.

COMPRÉHENSION DU TEXTE

RÉÉCRITURE

DICTÉE

Fleurs d’encre 3e – Chapitre 2. Affirmations de soi

SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE CHATEAU DE MA MERE 3 / 5

© Hachette Livre, 2012.

Seconde partie : Rédaction

Racontez une des « farces fraternelles » évoquées dans le texte, en adoptant le point de vue de la petite sœur. Vous rédigerez votre texte à la première personne et insérerez quelques phrases de dialogue. Consignes complémentaires : Selon le choix du professeur ces consignes peuvent être ou non détaillées aux élèves. On peut aussi leur demander d’expliciter les attentes.

Présentation : soin et lisibilité de l’écriture, paragraphes.

Respect de l’orthographe et de la grammaire : ponctuation, conjugaison des verbes au passé simple.

Respect du texte : l’époque et les lieux, les personnages, le déroulement de la farce.

Respect de la consigne : le récit d’une farce fraternelle du point de vue de la petite sœur ; un récit à la 1re personne ; un récit au présent ou au passé, ceci n’étant pas précisé dans la consigne.

Quel jugement portez-vous sur les jeux évoqués dans le texte ? Expliquez quelle(s) autre(s) vision(s) du jeu on peut avoir. Après une brève introduction, vous développerez votre réflexion en deux parties et terminerez par un bref paragraphe de conclusion.

SUJET D’IMAGINATION

SUJET DE RÉFLEXION

Fleurs d’encre 3e – Chapitre 2. Affirmations de soi

SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE CHATEAU DE MA MERE 4 / 5

© Hachette Livre, 2012.

Corrigé

Première partie : Compréhension de texte, réécriture et dictée

Un récit d’enfance

1. Paul commet une série de farces dont sa petite sœur est toujours la victime : il lui fait des frayeurs (avec les insectes ou en la grimpant dans un arbre), il lui fait manger des crottes da lapin ou la pince pour la faire pleurer ou la faire punir. 2. a. Lorsque le narrateur cite Shakespeare, il fait preuve d’une culture que ne peut avoir un jeune enfant, il emploie également la locution adverbiale « plus tard » : « Mais, comme le grand Shakespeare devait me l’enseigner plus tard, crime will out, c’est-à-dire que les crimes ne restent jamais ignorés. » b. On peut rattacher cet extrait au genre littéraire des récits d’enfance. Le texte est écrit à la première personne par un narrateur personnage (devenu adulte) qui évoque ses souvenirs d’enfance et sa famille. 3. Les deux temps majoritairement employés sont l’imparfait et le passé simple. Ce sont les deux temps du récit au passé, l’imparfait est utilisé pour les actions de second plan (cadre, description, actions non limitées dans le temps) et le passé simple pour les actions de premier plan (succession d’actions qui font avancer l’histoire).

L’expression des sentiments

4. Les deux frères sont liés par un sentiment de confiance, de complicité. Paul raconte au narrateur les farces qu’il fait à leur petite sœur, le narrateur avoue une farce qu’il avait lui-même faite à son frère, « charmé de cet aveu rassurant ». D’autre part, les deux frères sont liés par un amour fraternel profond, on apprend à la fin du texte que le narrateur avait des scrupules d’être moins présent près de son frère. « Je triomphai fort aisément de mes remords, et le laissai à ses jeux criminels. » 5. a. Le ton utilisé est un ton léger, humoristique. b. On retrouve le même ton dans d’autres passages : « et la petite sœur fut désormais considérée comme un singe capable des pires escalades », « Il me confia cet exploit », « et qu’il s’en était fort bien trouvé » ou encore « et le laissai à ses jeux criminels » c. On peut être amusé, ému et touché à la lecture de ce récit qui évoque des bêtises enfantines susceptibles de nous renvoyer à nos propres souvenirs d’enfance. 6. a. « Tu devrais avoir honte de te comporter ainsi avec ta petite sœur. Tu es son aîné et tu dois la protéger au lieu de la faire sans cesse pleurer. Je suis très déçue par ton attitude, moi qui avais confiance en toi ». b. Paul est très touché par les paroles de sa mère, il est « inconsolable », se sent coupable au point de vouloir lui-même se punir. Sa petite sœur a un grand cœur, elle lui pardonne, cherche à le consoler en lui offrant son dessert.

Question de synthèse

7. Ce récit d’enfance met en lumière le sentiment d’amour (amour maternel) de la mère du narrateur pour ses enfants. C’est une mère aimante, attentionnée : « et ma mère épouvantée ». L’amour tendre lie les enfants de la famille : Paul, conscient de ses bêtises, a le cœur brisé car il sait avoir fait de la peine à sa mère. Le narrateur s’inquiète de délaisser son frère, quant à la petite

COMPRÉHENSION DU TEXTE

Fleurs d’encre 3e – Chapitre 2. Affirmations de soi

SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE CHATEAU DE MA MERE 5 / 5

© Hachette Livre, 2012.

sœur, elle fait preuve de beaucoup de tendresse en pardonnant si facilement les bêtises de Paul. Pour conclure, les principaux sentiments sont l’amour, la tendresse, l’affection. Récrivez le passage suivant en remplaçant « il » par « ils » et en conjuguant les verbes au passé simple. Dans les fins cheveux frisés, ils accrochèrent une poignée de cigales et les insectes captifs vrombirent autour de la tête enfantine, qui rit, pâle de terreur ; ou bien, ils l'installèrent, à deux mètres du sol, dans la fourche d'un olivier, et feignirent ensuite de l'abandonner à son triste sort.

Seconde partie : Rédaction Racontez une des « farces fraternelles » évoquées dans le texte, en adoptant le point de vue de la petite sœur. Vous rédigerez votre texte à la première personne et insérerez quelques phrases de dialogue. Ce sujet d’imagination évalue la capacité des élèves à écrire un récit complexe en respectant des consignes d’écriture précises. Ce récit doit respecter les éléments essentiels du texte de départ : le cadre, les personnages et leur psychologie (le caractère farceur de Paul, la naïveté et la gentillesse de sa petite sœur). On attend que le texte développe la farce (la farce en elle-même, ses conséquences). Un élément essentiel de la narratologie est ici pris en compte : le point de vue doit être celui de la petite sœur. Elle est la narratrice et on se centre sur ses sensations et ses sentiments. Quel jugement portez-vous sur les jeux évoqués dans le texte ? Expliquez quelle(s) autre(s) vision(s) du jeu on peut avoir. Après une brève introduction, vous développerez votre réflexion en deux parties et terminerez par un bref paragraphe de conclusion. Ce sujet demande aux élèves de prendre position par rapport aux jeux évoqués dans le texte. Ceux-ci sont des jeux enfantins, apparemment anodins, qui relèvent de la « farce fraternelle » mais dont les conséquences pourraient être parfois dangereuses. Ils sont racontés sur un ton humoristique, comme le prouvent les mots mêmes du narrateur : « et je le laissai à ses jeux criminels ». Mais, on peut les opposer à des jeux entre enfants bien moins anodins et qui, eux, peuvent avoir des conséquences graves. Les élèves ne devraient pas manquer d’exemples pour étayer leur argumentation. On peut aussi évoquer la valeur positive du jeu : sa fonction didactique (les jeux de société), sa fonction sociale (le respect des règles, les jeux d’équipe)…

RÉÉCRITURE

SUJET D’IMAGINATION

SUJET DE RÉFLEXION