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CECKS - 2012 Cassandre Depelchin – MKDE 1 Le cavalier et son rachis Résumé Il est admis de manière générale mais également au sein d’une partie de la communauté médicale que l’équitation peut être responsable de douleurs rachidiennes. Dès lors, ce sport est habituellement déconseillé chez tout sujet connaissant ou ayant connu un problème rachidien. Les quelques études menées sur la biomécanique du rachis du cavalier ont montré qu’en équitation « assise », chez un cavalier ayant une bonne adaptation au mouvement du dos de son cheval, celui-ci adopte des positions d’épargne pour son dos. Les lombalgies, représentant la majorité des rachialgies, touchent 64% des cavaliers, mais cette prévalence n’est pas supérieure à celle de la population générale. La lombalgie d’effort est celle la plus fréquemment retrouvée, liée à un surmenage musculo-ligamentaire, bien souvent négligée par le cavalier car toute gêne disparaît rapidement à cheval. Ce sont bien souvent les activités extra-équestres, se rapprochant d’un travail de manutention, comme les soins aux chevaux et le curage des boxes qui s’avèrent traumatisantes pour le dos. La prise en charge masso-kinésithérapique va dépendre des besoins du cavalier, qu’il soit amateur ou professionnel, et donc dépendre directement du volume d’activité. Elle passera également par l’apprentissage d’une bonne ergonomie dans les activités de la vie quotidienne et de la vie équestre. Mots clés Rachis ; Cavalier ; Equitation ; Lombalgie ; Position ; Adaptation. Parmi les préjugés rapportés à l’équitation, celui d’être un sport dangereux pour le rachis reste bien ancré dans les esprits, y compris dans la communauté médicale. Cet à priori conduit encore trop souvent les médecins et kinésithérapeutes à déconseiller ce sport chez tout sujet, qu’il soit enfant, adolescent ou adulte, à partir du moment où celui-ci a connu un problème rachidien. Mais est-ce justifié ? Les cavaliers sont-ils plus susceptibles de souffrir que le reste de la population ? Effectivement, les chutes peuvent provoquer des lésions accidentelles, mais en ce qui concerne ce sport, peut-on parler de risque rachidien ? On compte jusqu’ à 19 disciplines équestres comme le dressage, le saut d’obstacles, la voltige, le concours complet. Dans cet article nous allons essentiellement parler de la position « assise » du cavalier utilisée en dressage. D’une part, le dressage est la discipline à la base de toutes les autres, et d’autre part, cette position assise, notamment au trot assis, est celle la plus fréquemment utilisée et celle jugée la plus traumatisante pour le rachis.

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CECKS - 2012

Cassandre Depelchin – MKDE

1

Le cavalier et son rachis

Résumé

Il est admis de manière générale mais également au sein d’une partie de la communauté médicale que l’équitation

peut être responsable de douleurs rachidiennes. Dès lors, ce sport est habituellement déconseillé chez tout sujet

connaissant ou ayant connu un problème rachidien. Les quelques études menées sur la biomécanique du rachis du

cavalier ont montré qu’en équitation « assise », chez un cavalier ayant une bonne adaptation au mouvement du dos

de son cheval, celui-ci adopte des positions d’épargne pour son dos. Les lombalgies, représentant la majorité des

rachialgies, touchent 64% des cavaliers, mais cette prévalence n’est pas supérieure à celle de la population générale.

La lombalgie d’effort est celle la plus fréquemment retrouvée, liée à un surmenage musculo-ligamentaire, bien

souvent négligée par le cavalier car toute gêne disparaît rapidement à cheval. Ce sont bien souvent les activités

extra-équestres, se rapprochant d’un travail de manutention, comme les soins aux chevaux et le curage des boxes

qui s’avèrent traumatisantes pour le dos. La prise en charge masso-kinésithérapique va dépendre des besoins du

cavalier, qu’il soit amateur ou professionnel, et donc dépendre directement du volume d’activité. Elle passera

également par l’apprentissage d’une bonne ergonomie dans les activités de la vie quotidienne et de la vie équestre.

Mots clés

Rachis ; Cavalier ; Equitation ; Lombalgie ; Position ; Adaptation.

Parmi les préjugés rapportés à l’équitation, celui d’être un sport dangereux pour le rachis reste bien ancré dans les

esprits, y compris dans la communauté médicale.

Cet à priori conduit encore trop souvent les médecins et kinésithérapeutes à déconseiller ce sport chez tout sujet,

qu’il soit enfant, adolescent ou adulte, à partir du moment où celui-ci a connu un problème rachidien. Mais est-ce

justifié ? Les cavaliers sont-ils plus susceptibles de souffrir que le reste de la population ? Effectivement, les chutes

peuvent provoquer des lésions accidentelles, mais en ce qui concerne ce sport, peut-on parler de risque rachidien ?

On compte jusqu’ à 19 disciplines équestres comme le dressage, le saut d’obstacles, la voltige, le concours complet.

Dans cet article nous allons essentiellement parler de la position « assise » du cavalier utilisée en dressage. D’une

part, le dressage est la discipline à la base de toutes les autres, et d’autre part, cette position assise, notamment au

trot assis, est celle la plus fréquemment utilisée et celle jugée la plus traumatisante pour le rachis.

Les sièges des rachialgies

Les cervicalgies représentent environ

douleurs vertébrales ou para vertébrales du

les dorsalgies 7% (Auvinet) [1]. En dehors

d’éventuelles séquelles de traumatismes (ou de

dystrophies rachidiennes de croissance pour le dos),

ces douleurs sont essentiellement d’origine

fonctionnelle. Il s’agit, le plus souvent, de

contractures, notamment des fixateurs de la scapula

liées à un cheval qui « tire », à des crispations chez le

débutant, au surmenage chez le professionnel.

Les études chez le cavalier semblent confirmer que les

douleurs rachidiennes sont quasi-

lombaires. 64% des cavaliers s’en plaindraient

(Auvinet) [2]. Cependant en comparant aux études

concernant la population générale, on apprend que 60

à 80% des individus disent avoir souffert ou souffrir de

lombalgies. L’évolution vers une forme handicapante

(5%) est identique à la prévalence des lombalgies

chroniques invalidantes de la population générale. [3]

Mais avant d’exposer les différentes pathologies

lombaires que peut rencontrer le cavalier, il faut

comprendre quelle est l’adaptation biomécanique de

son rachis.

Le geste sportif du cavalier

Dans l’équitation classique assise, on décrit le geste

sportif comme étant la position académique du

cavalier et son adaptation selon les mouvements du

cheval. Il n’y a pas qu’une position figée, mais un

ensemble de positions qui oscillent autour de cette

position académique.

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Les cervicalgies représentent environ 12% des

vertébrales du cavalier,

Auvinet) [1]. En dehors

d’éventuelles séquelles de traumatismes (ou de

dystrophies rachidiennes de croissance pour le dos),

ces douleurs sont essentiellement d’origine

nnelle. Il s’agit, le plus souvent, de

contractures, notamment des fixateurs de la scapula

», à des crispations chez le

débutant, au surmenage chez le professionnel.

Les études chez le cavalier semblent confirmer que les

-exclusivement

lombaires. 64% des cavaliers s’en plaindraient

(Auvinet) [2]. Cependant en comparant aux études

concernant la population générale, on apprend que 60

à 80% des individus disent avoir souffert ou souffrir de

s. L’évolution vers une forme handicapante

(5%) est identique à la prévalence des lombalgies

chroniques invalidantes de la population générale. [3]

Mais avant d’exposer les différentes pathologies

lombaires que peut rencontrer le cavalier, il faut

re quelle est l’adaptation biomécanique de

Dans l’équitation classique assise, on décrit le geste

sportif comme étant la position académique du

cavalier et son adaptation selon les mouvements du

as qu’une position figée, mais un

ensemble de positions qui oscillent autour de cette

« Monter à cheval nécessite l’acquisition d’une

position spécifique. Cette position a pour but de

le cavalier de telle manière qu’il fasse cor

cheval, et qu’il obtienne de lui l’exécution de tous les

mouvements avec le minimum d’efforts et de

contraintes rachidiennes. » (Humbert). [4]

Le cavalier assis à cheval à l’arrêt est un homme

« assis debout », son regard est porté vers l’horiz

Sa colonne vertébrale présente ses 3 courbures,

destinées à absorber l’énergie verticale, alignées

comme chez le sujet debout, le bassin en légère

rétroversion.

Selon le manuel officiel de la Fédération Française

d’Equitation, la position académi

comme : [5]

Regard à l’horizontal

Epaules effacées et tombantes

Haut du corps aisé et droit

Région lombaire souple

Hanches souples

Cuisses tournées sur leur plat

Pli du genou liant

Jambes libres, mollet en contact

Talons abaissés

Figure 1 – Position académique du cavalier

Au-delà de cette position académique, le geste sportif

correct passe par l’acquisition d’une bonne assiette.

Elle est définie par la Fédération Française comme

étant « la qualité qui permet au cavalier de rester

maître de son équilibre en toutes circonstances quelles

que soient les réactions du cheval

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Monter à cheval nécessite l’acquisition d’une

position spécifique. Cette position a pour but de placer

le cavalier de telle manière qu’il fasse corps avec son

cheval, et qu’il obtienne de lui l’exécution de tous les

mouvements avec le minimum d’efforts et de

» (Humbert). [4]

Le cavalier assis à cheval à l’arrêt est un homme

», son regard est porté vers l’horizon.

Sa colonne vertébrale présente ses 3 courbures,

destinées à absorber l’énergie verticale, alignées

comme chez le sujet debout, le bassin en légère

Selon le manuel officiel de la Fédération Française

d’Equitation, la position académique est définie

ollet en contact

Position académique du cavalier

delà de cette position académique, le geste sportif

correct passe par l’acquisition d’une bonne assiette.

Elle est définie par la Fédération Française comme

la qualité qui permet au cavalier de rester

aître de son équilibre en toutes circonstances quelles

que soient les réactions du cheval ». [5]

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Cette qualité, assurant la liaison du cavalier aux

mouvements du cheval, associe une rétroversion

active du bassin à une bonne souplesse des

articulations coxo-fémorales et un redressement

vertébral actif [6]. Il faut également maintenir la tête,

le « centre de contrôle », le plus stable possible. Le

cavalier doit rester libre de ses mouvements pour les

aides, sans se fixer au cheval par les membres

supérieurs et le moins possible par les membres

inférieurs en équitation assise [1]. Décrits initialement

par Müseler puis repris par Auvinet, on distingue 3

modes d’adaptation du cavalier correspondant à des

positions différentes du bassin.

Figure 2 - Etude radiographique de l’assiette normale (Auvinet).

L’assiette normale (fig.2) :

- Le bassin est en rétroversion,

- La courbure lombaire est en position dite de

lordose effacée,

- Il existe un certain parallélisme des dièdres

discaux lombaires propice à une répartition

équilibrée des contraintes discales.

Figure 3 - Etude radiographique du rein voussé (Auvinet).

Le rein voussé (fig.3) :

- La rétroversion du bassin est accentuée,

- dans ce cas extrême, la courbure lombaire

s’inverse modérément au niveau des disques

L1-L2, L2-L3

- les dièdres discaux L3-L4, L4-L5, L5-S1

restent sensiblement parallèles.

Figure 4 - Etude radiographique du rein creux (Auvinet).

Le rein creux (fig.4)

- Le bassin est en antéversion,

- La lordose lombaire est importante,

- Les dièdres discaux sont tous pincés dans

leur partie postérieure, cette situation

favorise la surcharge des massifs articulaires

postérieurs.

L’ « assiette » normale et le rein voussé sont des

positions d’épargne pour le rachis lombaire. Le rein

creux, où l’hyper lordose lombaire est majeure et les

disques lombaires fortement pincés en arrière, est

une position proscrite dans la pratique de l’équitation

classique, correspondant à une adaptation

défectueuse du geste sportif. (fig.4)

Ainsi l’acquisition de la position académique et celle

d’ « une bonne assiette » permet au cavalier de

s’adapter notamment à l’allure du trot assis, allure la

plus fréquemment utilisée lors d’une reprise et

réputée la plus traumatisante pour la colonne

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vertébrale. Le cavalier doit trouver le moyen de

garder le contact avec la selle pendant la réaction

verticale. D’après Saint-Fort-Paillard celui-ci va

constamment mettre en jeu son bassin, point central

de l’équilibre du cavalier, dont la rétroversion sera

augmentée, dans une limite assez réduite, afin

d’amortir les mouvements ascensionnels du dos du

cheval. Le cavalier ne doit pas chercher à amortir

l’allure en se tassant. Ainsi vont se succéder

alternativement des mouvements de rétroversion du

bassin (rein voussé) lors de la période de projection et

d’antéversion relative (assiette normale) lors de

l’abaissement du dos du cheval, le cavalier réalisant

un auto grandissement constant [7, 8,9]. (fig. 5)

L’adaptation biomécanique du cavalier à cheval a fait

l’objet de rares études scientifiques. Une menée par

Auvinet et coll. avec le concours de l’Ecole Nationale

d’Equitation de Saumur sur simulateur a montré qu’il

était possible d’étudier précisément l’attitude du

cavalier en dehors des schémas théoriques enseignés

dépassant la vue statique et figée des dessins et les

limites de l’acquisition de l’œil humain. Leurs

conclusions amènent à confirmer et affiner certaines

observations théoriques. Au trot, ce qui nous

intéresse tout particulièrement ici, mais également au

galop, on note un faible débattement longitudinal de

la ceinture scapulaire par rapport au aux capteurs

placés sur les cavaliers ont permis de visualiser le

travail important de fonctionnement du bassin dans le

plan longitudinal en lordose effacée et de la colonne

vertébrale dans le plan vertical obtenant ainsi la

relative fixité de la ceinture scapulaire (afin de garder

la tête stable) [10,11].

Tous les auteurs sont d’accord pour admettre que

chez un cavalier bien adapté, travaillant en lordose

effacée, les risques de lésions discales sont réduits au

minimum. D’où l’importance d’un bon apprentissage

de ce geste fondamental. Par contre, le travail au trot

assis mal réalisé peut provoquer un surmenage

lombaire.

Figure 5 - Mise en jeu du bassin au trot assis (Auvinet).

La lombalgie

Les lombalgies dans l’équitation sont de natures très

diverses ; on distingue le lumbago, la lombalgie

statique, la lombalgie d’effort et la lombo-sciatique

[12]. Le cavalier amateur et le professionnel peuvent

rencontrer les mêmes pathologies. Mais les

problèmes ne se posent pas de la même manière

entre un cavalier amateur qui monte une à deux fois

par semaine, celui qui monte une à deux heures par

jour et le cavalier professionnel qui peut monter 8 à 9

heures par jour.

Le lumbago

Le lumbago s’exprime par un blocage douloureux

lombaire, apparu soit à la suite d’un effort souvent

indépendant de la pratique équestre (comme un

effort de soulèvement), soit d’un faux mouvement,

comme un mauvais synchronisme entre le cheval et le

cavalier, ou d’une chute. L’évolution de ces lumbagos

est très variable : il peut rester unique, se répéter une

à deux fois par an, avec une durée d’évolution brève à

chaque fois, de trois à sept jours, voire pour quelques

cas, conduire vers un tableau de lombalgies

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chroniques invalidantes, émaillé d’épisodes de

lumbagos plus ou moins fréquents.

La lombalgie statique

La lombalgie statique est décrite comme une gêne

douloureuse lombaire basse apparaissant à la station

debout prolongée, dans un délai inférieur à une

heure. Deux circonstances déclenchantes sont

fréquemment citées par le cavalier : lors des

réceptions officielles et dans la position debout

prolongée au milieu du manège. En effet la vie du

cavalier ne s’arrête pas uniquement au travail à

cheval. C’est aussi le travail du cheval à pied et

l’enseignement pour certains cavaliers professionnels.

La lombalgie d’effort

La lombalgie d’effort est une douleur lombaire basse

apparaissant le soir à la fatigue, souvent après un

travail intensif à cheval. La douleur est calmée par le

décubitus. Il s’y associe un dérouillage matinal bref

inférieur à 15 minutes. Ces lombalgies « banales »

sont liées à des périodes de surmenage musculo-

ligamentaires. Elles surviennent souvent en période

d’entraînement intensif, d’activité en état de fatigue

(comme par exemple après une infection, une carence

de sommeil), après le travail de certains chevaux. Bien

que ces douleurs soient calmées par la monte, le

risque est de provoquer un dysfonctionnement

biomécanique, qu’une zone douloureuse se verrouille,

fonctionne mal, ce qui peut altérer la qualité de

l’équitation et favoriser éventuellement de réelles

pathologies ; par exemple discales ou des articulaires

postérieures.

La lombalgie statique et la lombalgie d’effort sont

souvent négligées par le cavalier, elles ne

représentent pas une gêne fonctionnelle suffisante

poussant à une consultation médicale ; ceci d’autant

plus que toute gêne disparaît rapidement à cheval, le

cavalier ressentant même un véritable bien-être. Ces

deux types de lombalgie n’ont d’ailleurs pas de

répercussion sur la qualité et l’intensité de la pratique

des sportifs ; d’autant plus que ces douleurs ne

s’aggravent pas avec les années mais au contraire,

elles tendent à s’améliorer à partir du moment où le

cavalier réduira sa pratique quotidienne. Par contre, si

le cavalier cesse sa pratique pendant une courte

durée, quelques jours à quelques semaines, il y a une

aggravation des symptômes de lombalgies,

symptômes qui diminueront lors de la reprise du

travail à cheval. L’explication fournie serait l’effet

bénéfique de la sollicitation de la musculature

vertébrale profonde, dite musculature de soutien, qui

est particulièrement importante chez le cavalier [6].

Celui-ci doit effectuer et maintenir un auto-

grandissement actif dès qu’il se trouve à cheval en

situation d’équitation assise.

L’intérêt masso-kinésithérapique :

La prise en charge ne va pas être exactement la même

entre le cavalier amateur montant à cheval 2 fois par

semaine et le cavalier professionnel montant 8 heures

par jour. Sans plainte de sa part, l’amateur ne

bénéficiera pas d’un programme de prévention. Il sera

suivi une fois la lombalgie installée et aura par la suite

un programme de prévention des récidives. Dans les

conseils prodigués, le praticien prendra en compte

l’activité socioprofessionnelle du cavalier amateur.

Que ce soit chez le professionnel ou l’amateur la

prévention de ces lombalgies ou la prévention des

récidives va passer par :

- Un échauffement adapté,

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- Des étirements appropriés,

- Un gainage lombo-abdominal et surtout une

musculature réactive dans les situations à

risques,

- Une préparation physique qui va surtout

concerner le professionnel voire l’amateur

ayant une pratique quotidienne et sortant en

compétition,

- La récupération pour les cavaliers soumis à

un grand volume d’activité,

- La progression dans l’intensité et le volume

des sollicitations équestres de manière à

favoriser l’adaptation principalement chez

l’amateur sédentaire.

La pathologie discale

Enfin, le cavalier n’est pas épargné par la possibilité de

souffrir d’une pathologie discale qui peut être

responsable de lombalgies aigües ou chroniques, de

sciatalgies ou cruralgies ; mais celle-ci n’a aucune

particularité chez le cavalier, la fréquence n’apparait

pas majorée dans la pratique de l’équitation. Chez ce

dernier, les discopathies dégénératives concernent à

part égale les disques L 4-L5 et L5-S1. Leur prévalence

globale est de 15%. [6]

Les accidents aigus ne surviennent qu’excep-

tionnellement à cheval lors d’un saut, d’un

mouvement « anormal », ou d’une chute. Dans la

grande majorité des cas, l’accident se produit à pied,

par exemple, sur une flexion du buste en avant, sur

une torsion, sur le port d’une charge excessive ou en

mauvaise posture. La pression exercée par le nucléus

sur l’annulus en position de fragilité produit une

lésion de ce dernier. S’il persiste une déformation ou

une « brèche » à la suite de cette lésion, le nucléus

tend à s’y glisser, produisant alors une hernie discale.

Celle-ci ne posera véritablement problème que si elle

se rapproche des racines nerveuses qu’elle peut irriter

par contact ou lors d’une poussée inflammatoire.

Les discopathies lombaires chroniques sont plutôt

bien tolérées chez le cavalier, en dehors des poussées

inflammatoires ou des conflits disco-radiculaires

comme les sciatalgies.

Le surmenage équestre mais aussi extra-équestre

(transports, manutention,…) peut, malgré tout, être

responsable de l’apparition d’une discopathie

lombaire. En dressage, un volume important

d’équitation peut favoriser une hyper lordose

lombaire qui contribue à surcharger la partie

postérieure du disque. Il faut tout de même

comprendre que l’hyper lordose est paradoxale chez

le cavalier, dans le sens où, en équitation assise, la

position académique nécessite une rétroversion

active du bassin. Elle s’expliquerait chez le cavalier de

dressage par un rejet du haut du corps en arrière qui

favoriserait l’apparition d’une hyper lordose de type

renversement postérieur plutôt que par surcourbure

lombaire. [6]

Intérêt masso-kinésithérapique

Dans l’équitation, une bonne technique étant

supposée acquise, c’est surtout dans le volume

d’activité et dans l’attention portée à la récupération

que réside la prévention. Chez le cavalier

professionnel, il existe une période à risque pour le

développement d’une discopathie lombaire : après

ses premiers succès, ses écuries se remplissent sans

qu’il puisse déléguer puisque sa réussite est basée sur

sa qualité personnelle d’équitation. Il se trouve

confronté à un grand volume d’activité, consacré à

monter des chevaux de qualité inégale, souvent au-

delà de dix chevaux par jour. Ses moyens matériels

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étant limités, il participe largement aux travaux

d’écuries. Plus tard avec l’expérience et l’assise

professionnelle, il pourra déléguer une partie du

travail, se concentrer sur le travail de chevaux de

valeur, prendre du temps pour la préparation et la

récupération… mais, le mal sera fait ! [1]

En tant que médecins et kinésithérapeutes, pour le

cavalier professionnel (surtout mais le cavalier

amateur est également concerné), il faut insister sur la

prévention, qui passe avant tout par l’apprentissage

d’une bonne ergonomie dans les activités de la vie

quotidienne et celles au sein de l’écurie qui se

rapprochent beaucoup d’une activité de manutention.

C’est ce surmenage « extra- équestre » plus que le

travail à cheval en lui-même qui favorise les

pathologies discales et autres lombalgies.

La pathologie articulaire postérieure

Situées de chaque côté à l’arrière du segment

intervertébral, les articulaires postérieures sont mises

en contrainte lorsque la lordose lombaire s’accentue.

C’est une tendance chez les cavaliers de dressage lors

d’une station debout prolongée lorsque la sangle

abdominale n’est plus stimulée par une activité

dynamique (une hyper lordose radiologique a été

constatée chez 76 à 87 % des professionnels selon

Auvinet). Les heures d’enseignement, le piétinement

sur les compétitions favorisent ces douleurs des

articulaires postérieures qui sont donc fréquentes

chez les cavaliers. Elles sont en général bien tolérées

par les cavaliers, calmées par l’équitation qui favorise

un travail en rétroversion du bassin. Certains chevaux,

certaines selles, notamment si le siège est un peu trop

creux et court peuvent toutefois réactiver ces

douleurs. Les pathologies rencontrées vont des

simples douleurs de surmenage à une arthrose

installée.

Au niveau médical le traitement va consister à

contrôler les douleurs (antalgiques, anti

inflammatoires, myorelaxants) ; au niveau masso-

kinésithérapique on va proposer une rééducation

visant à réduire la lordose, on va chercher à

décomprimer les articulaires postérieures par des

étirements des chaînes musculaires postérieures, des

fléchisseurs de hanche et notamment des psoas.

Dès que les douleurs le permettent, il faut encourager

chez le cavalier non-débutant une reprise de

l’équitation à dose raisonnable, en respectant des

temps de repos en cours de séance, en réalisant des

étirements après les entraînements. Le matin avant

qu’il ne se mette à cheval on va lui donner un

programme d’échauffement avec mobilisations et

étirements progressifs. Il est important que le cavalier

s’étire les muscles psoas, adducteurs de manière à

libérer la descente de jambe en équitation assise et à

permettre ainsi davantage de liberté dans la

rétroversion dynamique lombo-pelvienne. (Le cavalier

de dressage a la nécessité d’avoir une cuisse très

« descendue », l’angle tronc-cuisse varie selon

Auvinet de 135° à 150°, ce qui met en tension les

fléchisseurs de hanche et s’oppose à la rétroversion

du bassin [4])

La prévention de la pathologie articulaire postérieure

réside dans le contrôle des situations lordosantes.

Travailler la souplesse des plans musculaires

postérieurs lombaires, des muscles psoas et

adducteurs, notamment dans l’extension de hanche

permet de lutter contre l’installation d’une hyper

lordose et de maintenir la liberté nécessaire au

fonctionnement harmonieux lombo-pelvien en

équitation. Assurer un bon gainage lombo-abdominal

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est également essentiel. Conseillez au cavalier, dans

les situations de piétinement, de rester actif, mobile,

tonique ; par exemple de réaliser de temps en temps

des rétroversions du bassin, de s’asseoir au bord d’un

obstacle, ou mieux d’enseigner à cheval. La selle est

aussi déterminante car elle oriente le bassin et la

descente de jambe, elle doit le placer naturellement

en bonne position sans le contraindre et ne doit pas

bloquer sa possibilité d’adaptation aux mouvements

du cheval. Les pathologies lombaires liées à la

pratique de l’équitation ne peuvent être niées mais

elles ne sont pas plus fréquentes que dans les autres

sports.

Un tiers des cavaliers amateurs souffrent du rachis

lombaire Hordegen et plus récemment par Humbert

contre 60 % des cavaliers professionnels [4].

L’intensité de la pratique quotidienne est un des

facteurs de risque des lombalgies (Tableau 1). On en

cite classiquement 4 autres :

- Une discopathie dégénérative sous-jacente

- Les traumatismes ; le plus souvent liés à des

chutes. A eux seuls ils sont responsables de

20% des douleurs lombaires, en dehors de

toute fracture.

- Les exercices équestres violents comme les

réactions de défense du cheval ou les

exercices de haute école comme la courbette

(fig.6), la cabriole ou la croupade (fig.7)

rarement pratiqués par les professionnels de

dressage mais encore en pratique au Cadre

Noir de Saumur.

- Une attitude en hyper lordose ; elle est

paradoxale chez le cavalier comme nous

l’avons vu précédemment.

Pratique

quotidienne

(heure)

Prévalence des rachialgies

Hordegen n = 115 Auvinet n = 85

8 à 9 54% 72%

2 à 3 45% 48%

1 35% 0

Tableau 1 - La prévalence des rachialgies en fonction de la durée

quotidienne de la pratique équestre

Figure 6 - La courbette. © André Laurioux [8]

Figure 7 - La croupade. © André Laurioux [8]

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« J’ai mal au dos, puis je débuter ou

continuer l’équitation ? »

Le docteur Favory, médecin du sport chargé du suivi

médical des équipes de France d’équitation, répond

que tout dépend du diagnostic. Dans le cas de

rachialgies banales, sans lésions conséquentes

installées, provoquées par les tensions et la

sédentarité, non seulement l’équitation n’est pas

déconseillée mais elle peut contribuer à aider le

cavalier! Sous réserve d’un enseignement

progressif de qualité, la sollicitation produite par

l’adaptation au mouvement du cheval permettra

de relancer la musculature para vertébrale et de

reconstituer un potentiel d’adaptabilité. Si une

discopathie lombaire chronique symptomatique

ou des séquelles traumatiques importantes sont

présentes, débuter l’équitation n’est pas indiqué

à priori, tout d’abord en raison des difficultés

d’apprentissage liées aux segments douloureux

bridant l’adaptation, ensuite parce que la

pratique équestre présente au-delà d’un certain

volume un risque de réveil des douleurs.

Toutefois, dans des conditions d’apprentissage

optimisées et en respectant un volume d’activité

modéré, des intervalles de récupération

suffisants, à fortiori chez un sujet en bonne

condition physique, il ne faut pas exclure que

l’adaptation puisse se réaliser, et, dans ce cas,

pourquoi pas avec bénéfice. Donc, la contre

indication est toute relatif. [1].

Les cas particuliers des dystrophies rachidiennes

de croissance, du spondylolisthésis et de la

scoliose

L es dystrophies rachidiennes de croissance (DRC)

s’observent chez 20 à 40% des adolescents, elles sont

la conséquence de trouble de l’ossification des corps

vertébraux aboutissant à leur déformation. La DRC est

fréquente chez le cavalier. Elle est de siège

essentiellement dorsal et peut s’étendre

exceptionnellement à la région lombaire supérieure.

Elle est le plus souvent asymptomatique et de

découverte fortuite à l’occasion d’un bilan

radiographique effectué pour un traumatisme. Si elle

se manifeste, ce sera par l’intermédiaire de douleurs

survenant au cours de l’activité ou après, augmentées

par l’intensité ou la durée des sollicitations. La

pratique précoce d’un volume d’équitation important

semble être un facteur favorisant : la fréquence de

séquelles de DRC chez les cavaliers professionnels est

supérieure à la population générale (60% contre

30z%), et d’autant plus importante que le début

d’activité est précoce (67 % si le cavalier a débuté

avant 14 ans, 45% s’il a débuté après 15 ans). [1, 6,

14]

Une pratique intensive et précoce de l’équitation,

bien avant l’âge de la puberté, lance l’interrogation

d’un facteur favorisant pour l’apparition de

dystrophie rachidienne de croissance. Ce fait est

commun à beaucoup de sports pratiqués de manière

intensive ; en exemple les 74% de judokas de haut

niveau atteints de DRC. On considère que le DRC en

phase douloureuse est une contre-indication

(temporaire) à la pratique équestre.

CECKS - 2012

Cassandre Depelchin – MKDE

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Le spondylolisthésis. Sa fréquence n’est pas plus

élevée que dans les autres populations, elle oscille

entre 4 et 5% et l’équitation ne constitue pas un

facteur de risque pour la survenue d’une lyse

isthmique. La règle générale est qu’un

spondylolisthésis de grade I reste compatible avec une

carrière de cavalier professionnel.

La lyse isthmique acquise et le spondylolisthésis, en

l’absence de douleurs, (et de dystrophie vertébrale

chez l’enfant) ne représentent pas une contre

indication à la pratique de l’équitation. Toutefois chez

l’enfant en cas d’activité intensive, une surveillance

paraît justifiée. En phase douloureuse, poten-

tiellement évolutive, la cavalier doit être mis au repos

et suivre une rééducation. Les douleurs disparues, une

reprise de l’activité équestre progressive peut être

envisagée. [2,13]

La scoliose. Si il ne s’agit pas d’une scoliose

douloureuse, déséquilibrée, avec un angle supérieur à

30/35° en période pré-pubertaire ou pubertaire, si

elle ne s’accompagne pas de dystrophie rachidienne

de croissance ou d’une autre affection vertébrale à

caractère évolutif, contre indiquer la pratique de

l’équitation à de jeunes adolescents porteurs d’une

scoliose ne paraît pas justifié. Sous réserve d’une

adaptation de la pratique sportive (elle ne doit pas

être la source de traumatismes répétés et l’intensité

doit être adaptée aux capacités de l’enfant) et d’un

suivi médical et masso-kinésithérapique, une scoliose

peut, au contraire, bénéficier des effets positifs de ce

sport sur la posture rachidienne. [1,6]

Conclusion

Il n’est plus d’actualité de classer l’équitation parmi

les sports à haut risque rachidien. La prévalence des

lombalgies chez le cavalier est égale à celle de la

population générale. L’équitation peut même

apporter un mieux-être grâce à la tonification des

muscles para-vertébraux qu’elle induit, à condition

que l’éducation du geste sportif soit bien enseignée.

Ce sont bien souvent les activités extra-équestres

(comme les soins aux chevaux, le curage des boxes)

qui s’avèrent traumatisantes pour le dos. D’où

l’importance de l’apprentissage d’une bonne

ergonomie dans les activités de la vie quotidienne et

de la vie équestre.

Dans les rares études menées sur la prévalence des

lombalgies on retrouve une proportion plus élevée

chez les cavaliers professionnels qu’amateurs. En

supposant qu’il n’y ait pas de geste sportif défectueux

la différence entre ces 2 cavaliers réside dans le

volume d’activité. Comme tout sportif de haut niveau,

il n’y a rien d’étonnant à ce que le cavalier

professionnel de part le surmenage musculo-

ligamentaire soit plus touché, l’intensité de la

pratique quotidienne étant un facteur de risque. En

grande majorité il s’agit de lombalgie d’effort n’ayant

pas de répercussion sur la qualité et l’intensité de la

pratique et ne représentant pas une gêne

fonctionnelle importante.

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