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CECKS - 2012
Cassandre Depelchin – MKDE
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Le cavalier et son rachis
Résumé
Il est admis de manière générale mais également au sein d’une partie de la communauté médicale que l’équitation
peut être responsable de douleurs rachidiennes. Dès lors, ce sport est habituellement déconseillé chez tout sujet
connaissant ou ayant connu un problème rachidien. Les quelques études menées sur la biomécanique du rachis du
cavalier ont montré qu’en équitation « assise », chez un cavalier ayant une bonne adaptation au mouvement du dos
de son cheval, celui-ci adopte des positions d’épargne pour son dos. Les lombalgies, représentant la majorité des
rachialgies, touchent 64% des cavaliers, mais cette prévalence n’est pas supérieure à celle de la population générale.
La lombalgie d’effort est celle la plus fréquemment retrouvée, liée à un surmenage musculo-ligamentaire, bien
souvent négligée par le cavalier car toute gêne disparaît rapidement à cheval. Ce sont bien souvent les activités
extra-équestres, se rapprochant d’un travail de manutention, comme les soins aux chevaux et le curage des boxes
qui s’avèrent traumatisantes pour le dos. La prise en charge masso-kinésithérapique va dépendre des besoins du
cavalier, qu’il soit amateur ou professionnel, et donc dépendre directement du volume d’activité. Elle passera
également par l’apprentissage d’une bonne ergonomie dans les activités de la vie quotidienne et de la vie équestre.
Mots clés
Rachis ; Cavalier ; Equitation ; Lombalgie ; Position ; Adaptation.
Parmi les préjugés rapportés à l’équitation, celui d’être un sport dangereux pour le rachis reste bien ancré dans les
esprits, y compris dans la communauté médicale.
Cet à priori conduit encore trop souvent les médecins et kinésithérapeutes à déconseiller ce sport chez tout sujet,
qu’il soit enfant, adolescent ou adulte, à partir du moment où celui-ci a connu un problème rachidien. Mais est-ce
justifié ? Les cavaliers sont-ils plus susceptibles de souffrir que le reste de la population ? Effectivement, les chutes
peuvent provoquer des lésions accidentelles, mais en ce qui concerne ce sport, peut-on parler de risque rachidien ?
On compte jusqu’ à 19 disciplines équestres comme le dressage, le saut d’obstacles, la voltige, le concours complet.
Dans cet article nous allons essentiellement parler de la position « assise » du cavalier utilisée en dressage. D’une
part, le dressage est la discipline à la base de toutes les autres, et d’autre part, cette position assise, notamment au
trot assis, est celle la plus fréquemment utilisée et celle jugée la plus traumatisante pour le rachis.
Les sièges des rachialgies
Les cervicalgies représentent environ
douleurs vertébrales ou para vertébrales du
les dorsalgies 7% (Auvinet) [1]. En dehors
d’éventuelles séquelles de traumatismes (ou de
dystrophies rachidiennes de croissance pour le dos),
ces douleurs sont essentiellement d’origine
fonctionnelle. Il s’agit, le plus souvent, de
contractures, notamment des fixateurs de la scapula
liées à un cheval qui « tire », à des crispations chez le
débutant, au surmenage chez le professionnel.
Les études chez le cavalier semblent confirmer que les
douleurs rachidiennes sont quasi-
lombaires. 64% des cavaliers s’en plaindraient
(Auvinet) [2]. Cependant en comparant aux études
concernant la population générale, on apprend que 60
à 80% des individus disent avoir souffert ou souffrir de
lombalgies. L’évolution vers une forme handicapante
(5%) est identique à la prévalence des lombalgies
chroniques invalidantes de la population générale. [3]
Mais avant d’exposer les différentes pathologies
lombaires que peut rencontrer le cavalier, il faut
comprendre quelle est l’adaptation biomécanique de
son rachis.
Le geste sportif du cavalier
Dans l’équitation classique assise, on décrit le geste
sportif comme étant la position académique du
cavalier et son adaptation selon les mouvements du
cheval. Il n’y a pas qu’une position figée, mais un
ensemble de positions qui oscillent autour de cette
position académique.
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Les cervicalgies représentent environ 12% des
vertébrales du cavalier,
Auvinet) [1]. En dehors
d’éventuelles séquelles de traumatismes (ou de
dystrophies rachidiennes de croissance pour le dos),
ces douleurs sont essentiellement d’origine
nnelle. Il s’agit, le plus souvent, de
contractures, notamment des fixateurs de la scapula
», à des crispations chez le
débutant, au surmenage chez le professionnel.
Les études chez le cavalier semblent confirmer que les
-exclusivement
lombaires. 64% des cavaliers s’en plaindraient
(Auvinet) [2]. Cependant en comparant aux études
concernant la population générale, on apprend que 60
à 80% des individus disent avoir souffert ou souffrir de
s. L’évolution vers une forme handicapante
(5%) est identique à la prévalence des lombalgies
chroniques invalidantes de la population générale. [3]
Mais avant d’exposer les différentes pathologies
lombaires que peut rencontrer le cavalier, il faut
re quelle est l’adaptation biomécanique de
Dans l’équitation classique assise, on décrit le geste
sportif comme étant la position académique du
cavalier et son adaptation selon les mouvements du
as qu’une position figée, mais un
ensemble de positions qui oscillent autour de cette
« Monter à cheval nécessite l’acquisition d’une
position spécifique. Cette position a pour but de
le cavalier de telle manière qu’il fasse cor
cheval, et qu’il obtienne de lui l’exécution de tous les
mouvements avec le minimum d’efforts et de
contraintes rachidiennes. » (Humbert). [4]
Le cavalier assis à cheval à l’arrêt est un homme
« assis debout », son regard est porté vers l’horiz
Sa colonne vertébrale présente ses 3 courbures,
destinées à absorber l’énergie verticale, alignées
comme chez le sujet debout, le bassin en légère
rétroversion.
Selon le manuel officiel de la Fédération Française
d’Equitation, la position académi
comme : [5]
Regard à l’horizontal
Epaules effacées et tombantes
Haut du corps aisé et droit
Région lombaire souple
Hanches souples
Cuisses tournées sur leur plat
Pli du genou liant
Jambes libres, mollet en contact
Talons abaissés
Figure 1 – Position académique du cavalier
Au-delà de cette position académique, le geste sportif
correct passe par l’acquisition d’une bonne assiette.
Elle est définie par la Fédération Française comme
étant « la qualité qui permet au cavalier de rester
maître de son équilibre en toutes circonstances quelles
que soient les réactions du cheval
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Monter à cheval nécessite l’acquisition d’une
position spécifique. Cette position a pour but de placer
le cavalier de telle manière qu’il fasse corps avec son
cheval, et qu’il obtienne de lui l’exécution de tous les
mouvements avec le minimum d’efforts et de
» (Humbert). [4]
Le cavalier assis à cheval à l’arrêt est un homme
», son regard est porté vers l’horizon.
Sa colonne vertébrale présente ses 3 courbures,
destinées à absorber l’énergie verticale, alignées
comme chez le sujet debout, le bassin en légère
Selon le manuel officiel de la Fédération Française
d’Equitation, la position académique est définie
ollet en contact
Position académique du cavalier
delà de cette position académique, le geste sportif
correct passe par l’acquisition d’une bonne assiette.
Elle est définie par la Fédération Française comme
la qualité qui permet au cavalier de rester
aître de son équilibre en toutes circonstances quelles
que soient les réactions du cheval ». [5]
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Cette qualité, assurant la liaison du cavalier aux
mouvements du cheval, associe une rétroversion
active du bassin à une bonne souplesse des
articulations coxo-fémorales et un redressement
vertébral actif [6]. Il faut également maintenir la tête,
le « centre de contrôle », le plus stable possible. Le
cavalier doit rester libre de ses mouvements pour les
aides, sans se fixer au cheval par les membres
supérieurs et le moins possible par les membres
inférieurs en équitation assise [1]. Décrits initialement
par Müseler puis repris par Auvinet, on distingue 3
modes d’adaptation du cavalier correspondant à des
positions différentes du bassin.
Figure 2 - Etude radiographique de l’assiette normale (Auvinet).
L’assiette normale (fig.2) :
- Le bassin est en rétroversion,
- La courbure lombaire est en position dite de
lordose effacée,
- Il existe un certain parallélisme des dièdres
discaux lombaires propice à une répartition
équilibrée des contraintes discales.
Figure 3 - Etude radiographique du rein voussé (Auvinet).
Le rein voussé (fig.3) :
- La rétroversion du bassin est accentuée,
- dans ce cas extrême, la courbure lombaire
s’inverse modérément au niveau des disques
L1-L2, L2-L3
- les dièdres discaux L3-L4, L4-L5, L5-S1
restent sensiblement parallèles.
Figure 4 - Etude radiographique du rein creux (Auvinet).
Le rein creux (fig.4)
- Le bassin est en antéversion,
- La lordose lombaire est importante,
- Les dièdres discaux sont tous pincés dans
leur partie postérieure, cette situation
favorise la surcharge des massifs articulaires
postérieurs.
L’ « assiette » normale et le rein voussé sont des
positions d’épargne pour le rachis lombaire. Le rein
creux, où l’hyper lordose lombaire est majeure et les
disques lombaires fortement pincés en arrière, est
une position proscrite dans la pratique de l’équitation
classique, correspondant à une adaptation
défectueuse du geste sportif. (fig.4)
Ainsi l’acquisition de la position académique et celle
d’ « une bonne assiette » permet au cavalier de
s’adapter notamment à l’allure du trot assis, allure la
plus fréquemment utilisée lors d’une reprise et
réputée la plus traumatisante pour la colonne
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vertébrale. Le cavalier doit trouver le moyen de
garder le contact avec la selle pendant la réaction
verticale. D’après Saint-Fort-Paillard celui-ci va
constamment mettre en jeu son bassin, point central
de l’équilibre du cavalier, dont la rétroversion sera
augmentée, dans une limite assez réduite, afin
d’amortir les mouvements ascensionnels du dos du
cheval. Le cavalier ne doit pas chercher à amortir
l’allure en se tassant. Ainsi vont se succéder
alternativement des mouvements de rétroversion du
bassin (rein voussé) lors de la période de projection et
d’antéversion relative (assiette normale) lors de
l’abaissement du dos du cheval, le cavalier réalisant
un auto grandissement constant [7, 8,9]. (fig. 5)
L’adaptation biomécanique du cavalier à cheval a fait
l’objet de rares études scientifiques. Une menée par
Auvinet et coll. avec le concours de l’Ecole Nationale
d’Equitation de Saumur sur simulateur a montré qu’il
était possible d’étudier précisément l’attitude du
cavalier en dehors des schémas théoriques enseignés
dépassant la vue statique et figée des dessins et les
limites de l’acquisition de l’œil humain. Leurs
conclusions amènent à confirmer et affiner certaines
observations théoriques. Au trot, ce qui nous
intéresse tout particulièrement ici, mais également au
galop, on note un faible débattement longitudinal de
la ceinture scapulaire par rapport au aux capteurs
placés sur les cavaliers ont permis de visualiser le
travail important de fonctionnement du bassin dans le
plan longitudinal en lordose effacée et de la colonne
vertébrale dans le plan vertical obtenant ainsi la
relative fixité de la ceinture scapulaire (afin de garder
la tête stable) [10,11].
Tous les auteurs sont d’accord pour admettre que
chez un cavalier bien adapté, travaillant en lordose
effacée, les risques de lésions discales sont réduits au
minimum. D’où l’importance d’un bon apprentissage
de ce geste fondamental. Par contre, le travail au trot
assis mal réalisé peut provoquer un surmenage
lombaire.
Figure 5 - Mise en jeu du bassin au trot assis (Auvinet).
La lombalgie
Les lombalgies dans l’équitation sont de natures très
diverses ; on distingue le lumbago, la lombalgie
statique, la lombalgie d’effort et la lombo-sciatique
[12]. Le cavalier amateur et le professionnel peuvent
rencontrer les mêmes pathologies. Mais les
problèmes ne se posent pas de la même manière
entre un cavalier amateur qui monte une à deux fois
par semaine, celui qui monte une à deux heures par
jour et le cavalier professionnel qui peut monter 8 à 9
heures par jour.
Le lumbago
Le lumbago s’exprime par un blocage douloureux
lombaire, apparu soit à la suite d’un effort souvent
indépendant de la pratique équestre (comme un
effort de soulèvement), soit d’un faux mouvement,
comme un mauvais synchronisme entre le cheval et le
cavalier, ou d’une chute. L’évolution de ces lumbagos
est très variable : il peut rester unique, se répéter une
à deux fois par an, avec une durée d’évolution brève à
chaque fois, de trois à sept jours, voire pour quelques
cas, conduire vers un tableau de lombalgies
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chroniques invalidantes, émaillé d’épisodes de
lumbagos plus ou moins fréquents.
La lombalgie statique
La lombalgie statique est décrite comme une gêne
douloureuse lombaire basse apparaissant à la station
debout prolongée, dans un délai inférieur à une
heure. Deux circonstances déclenchantes sont
fréquemment citées par le cavalier : lors des
réceptions officielles et dans la position debout
prolongée au milieu du manège. En effet la vie du
cavalier ne s’arrête pas uniquement au travail à
cheval. C’est aussi le travail du cheval à pied et
l’enseignement pour certains cavaliers professionnels.
La lombalgie d’effort
La lombalgie d’effort est une douleur lombaire basse
apparaissant le soir à la fatigue, souvent après un
travail intensif à cheval. La douleur est calmée par le
décubitus. Il s’y associe un dérouillage matinal bref
inférieur à 15 minutes. Ces lombalgies « banales »
sont liées à des périodes de surmenage musculo-
ligamentaires. Elles surviennent souvent en période
d’entraînement intensif, d’activité en état de fatigue
(comme par exemple après une infection, une carence
de sommeil), après le travail de certains chevaux. Bien
que ces douleurs soient calmées par la monte, le
risque est de provoquer un dysfonctionnement
biomécanique, qu’une zone douloureuse se verrouille,
fonctionne mal, ce qui peut altérer la qualité de
l’équitation et favoriser éventuellement de réelles
pathologies ; par exemple discales ou des articulaires
postérieures.
La lombalgie statique et la lombalgie d’effort sont
souvent négligées par le cavalier, elles ne
représentent pas une gêne fonctionnelle suffisante
poussant à une consultation médicale ; ceci d’autant
plus que toute gêne disparaît rapidement à cheval, le
cavalier ressentant même un véritable bien-être. Ces
deux types de lombalgie n’ont d’ailleurs pas de
répercussion sur la qualité et l’intensité de la pratique
des sportifs ; d’autant plus que ces douleurs ne
s’aggravent pas avec les années mais au contraire,
elles tendent à s’améliorer à partir du moment où le
cavalier réduira sa pratique quotidienne. Par contre, si
le cavalier cesse sa pratique pendant une courte
durée, quelques jours à quelques semaines, il y a une
aggravation des symptômes de lombalgies,
symptômes qui diminueront lors de la reprise du
travail à cheval. L’explication fournie serait l’effet
bénéfique de la sollicitation de la musculature
vertébrale profonde, dite musculature de soutien, qui
est particulièrement importante chez le cavalier [6].
Celui-ci doit effectuer et maintenir un auto-
grandissement actif dès qu’il se trouve à cheval en
situation d’équitation assise.
L’intérêt masso-kinésithérapique :
La prise en charge ne va pas être exactement la même
entre le cavalier amateur montant à cheval 2 fois par
semaine et le cavalier professionnel montant 8 heures
par jour. Sans plainte de sa part, l’amateur ne
bénéficiera pas d’un programme de prévention. Il sera
suivi une fois la lombalgie installée et aura par la suite
un programme de prévention des récidives. Dans les
conseils prodigués, le praticien prendra en compte
l’activité socioprofessionnelle du cavalier amateur.
Que ce soit chez le professionnel ou l’amateur la
prévention de ces lombalgies ou la prévention des
récidives va passer par :
- Un échauffement adapté,
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- Des étirements appropriés,
- Un gainage lombo-abdominal et surtout une
musculature réactive dans les situations à
risques,
- Une préparation physique qui va surtout
concerner le professionnel voire l’amateur
ayant une pratique quotidienne et sortant en
compétition,
- La récupération pour les cavaliers soumis à
un grand volume d’activité,
- La progression dans l’intensité et le volume
des sollicitations équestres de manière à
favoriser l’adaptation principalement chez
l’amateur sédentaire.
La pathologie discale
Enfin, le cavalier n’est pas épargné par la possibilité de
souffrir d’une pathologie discale qui peut être
responsable de lombalgies aigües ou chroniques, de
sciatalgies ou cruralgies ; mais celle-ci n’a aucune
particularité chez le cavalier, la fréquence n’apparait
pas majorée dans la pratique de l’équitation. Chez ce
dernier, les discopathies dégénératives concernent à
part égale les disques L 4-L5 et L5-S1. Leur prévalence
globale est de 15%. [6]
Les accidents aigus ne surviennent qu’excep-
tionnellement à cheval lors d’un saut, d’un
mouvement « anormal », ou d’une chute. Dans la
grande majorité des cas, l’accident se produit à pied,
par exemple, sur une flexion du buste en avant, sur
une torsion, sur le port d’une charge excessive ou en
mauvaise posture. La pression exercée par le nucléus
sur l’annulus en position de fragilité produit une
lésion de ce dernier. S’il persiste une déformation ou
une « brèche » à la suite de cette lésion, le nucléus
tend à s’y glisser, produisant alors une hernie discale.
Celle-ci ne posera véritablement problème que si elle
se rapproche des racines nerveuses qu’elle peut irriter
par contact ou lors d’une poussée inflammatoire.
Les discopathies lombaires chroniques sont plutôt
bien tolérées chez le cavalier, en dehors des poussées
inflammatoires ou des conflits disco-radiculaires
comme les sciatalgies.
Le surmenage équestre mais aussi extra-équestre
(transports, manutention,…) peut, malgré tout, être
responsable de l’apparition d’une discopathie
lombaire. En dressage, un volume important
d’équitation peut favoriser une hyper lordose
lombaire qui contribue à surcharger la partie
postérieure du disque. Il faut tout de même
comprendre que l’hyper lordose est paradoxale chez
le cavalier, dans le sens où, en équitation assise, la
position académique nécessite une rétroversion
active du bassin. Elle s’expliquerait chez le cavalier de
dressage par un rejet du haut du corps en arrière qui
favoriserait l’apparition d’une hyper lordose de type
renversement postérieur plutôt que par surcourbure
lombaire. [6]
Intérêt masso-kinésithérapique
Dans l’équitation, une bonne technique étant
supposée acquise, c’est surtout dans le volume
d’activité et dans l’attention portée à la récupération
que réside la prévention. Chez le cavalier
professionnel, il existe une période à risque pour le
développement d’une discopathie lombaire : après
ses premiers succès, ses écuries se remplissent sans
qu’il puisse déléguer puisque sa réussite est basée sur
sa qualité personnelle d’équitation. Il se trouve
confronté à un grand volume d’activité, consacré à
monter des chevaux de qualité inégale, souvent au-
delà de dix chevaux par jour. Ses moyens matériels
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étant limités, il participe largement aux travaux
d’écuries. Plus tard avec l’expérience et l’assise
professionnelle, il pourra déléguer une partie du
travail, se concentrer sur le travail de chevaux de
valeur, prendre du temps pour la préparation et la
récupération… mais, le mal sera fait ! [1]
En tant que médecins et kinésithérapeutes, pour le
cavalier professionnel (surtout mais le cavalier
amateur est également concerné), il faut insister sur la
prévention, qui passe avant tout par l’apprentissage
d’une bonne ergonomie dans les activités de la vie
quotidienne et celles au sein de l’écurie qui se
rapprochent beaucoup d’une activité de manutention.
C’est ce surmenage « extra- équestre » plus que le
travail à cheval en lui-même qui favorise les
pathologies discales et autres lombalgies.
La pathologie articulaire postérieure
Situées de chaque côté à l’arrière du segment
intervertébral, les articulaires postérieures sont mises
en contrainte lorsque la lordose lombaire s’accentue.
C’est une tendance chez les cavaliers de dressage lors
d’une station debout prolongée lorsque la sangle
abdominale n’est plus stimulée par une activité
dynamique (une hyper lordose radiologique a été
constatée chez 76 à 87 % des professionnels selon
Auvinet). Les heures d’enseignement, le piétinement
sur les compétitions favorisent ces douleurs des
articulaires postérieures qui sont donc fréquentes
chez les cavaliers. Elles sont en général bien tolérées
par les cavaliers, calmées par l’équitation qui favorise
un travail en rétroversion du bassin. Certains chevaux,
certaines selles, notamment si le siège est un peu trop
creux et court peuvent toutefois réactiver ces
douleurs. Les pathologies rencontrées vont des
simples douleurs de surmenage à une arthrose
installée.
Au niveau médical le traitement va consister à
contrôler les douleurs (antalgiques, anti
inflammatoires, myorelaxants) ; au niveau masso-
kinésithérapique on va proposer une rééducation
visant à réduire la lordose, on va chercher à
décomprimer les articulaires postérieures par des
étirements des chaînes musculaires postérieures, des
fléchisseurs de hanche et notamment des psoas.
Dès que les douleurs le permettent, il faut encourager
chez le cavalier non-débutant une reprise de
l’équitation à dose raisonnable, en respectant des
temps de repos en cours de séance, en réalisant des
étirements après les entraînements. Le matin avant
qu’il ne se mette à cheval on va lui donner un
programme d’échauffement avec mobilisations et
étirements progressifs. Il est important que le cavalier
s’étire les muscles psoas, adducteurs de manière à
libérer la descente de jambe en équitation assise et à
permettre ainsi davantage de liberté dans la
rétroversion dynamique lombo-pelvienne. (Le cavalier
de dressage a la nécessité d’avoir une cuisse très
« descendue », l’angle tronc-cuisse varie selon
Auvinet de 135° à 150°, ce qui met en tension les
fléchisseurs de hanche et s’oppose à la rétroversion
du bassin [4])
La prévention de la pathologie articulaire postérieure
réside dans le contrôle des situations lordosantes.
Travailler la souplesse des plans musculaires
postérieurs lombaires, des muscles psoas et
adducteurs, notamment dans l’extension de hanche
permet de lutter contre l’installation d’une hyper
lordose et de maintenir la liberté nécessaire au
fonctionnement harmonieux lombo-pelvien en
équitation. Assurer un bon gainage lombo-abdominal
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est également essentiel. Conseillez au cavalier, dans
les situations de piétinement, de rester actif, mobile,
tonique ; par exemple de réaliser de temps en temps
des rétroversions du bassin, de s’asseoir au bord d’un
obstacle, ou mieux d’enseigner à cheval. La selle est
aussi déterminante car elle oriente le bassin et la
descente de jambe, elle doit le placer naturellement
en bonne position sans le contraindre et ne doit pas
bloquer sa possibilité d’adaptation aux mouvements
du cheval. Les pathologies lombaires liées à la
pratique de l’équitation ne peuvent être niées mais
elles ne sont pas plus fréquentes que dans les autres
sports.
Un tiers des cavaliers amateurs souffrent du rachis
lombaire Hordegen et plus récemment par Humbert
contre 60 % des cavaliers professionnels [4].
L’intensité de la pratique quotidienne est un des
facteurs de risque des lombalgies (Tableau 1). On en
cite classiquement 4 autres :
- Une discopathie dégénérative sous-jacente
- Les traumatismes ; le plus souvent liés à des
chutes. A eux seuls ils sont responsables de
20% des douleurs lombaires, en dehors de
toute fracture.
- Les exercices équestres violents comme les
réactions de défense du cheval ou les
exercices de haute école comme la courbette
(fig.6), la cabriole ou la croupade (fig.7)
rarement pratiqués par les professionnels de
dressage mais encore en pratique au Cadre
Noir de Saumur.
- Une attitude en hyper lordose ; elle est
paradoxale chez le cavalier comme nous
l’avons vu précédemment.
Pratique
quotidienne
(heure)
Prévalence des rachialgies
Hordegen n = 115 Auvinet n = 85
8 à 9 54% 72%
2 à 3 45% 48%
1 35% 0
Tableau 1 - La prévalence des rachialgies en fonction de la durée
quotidienne de la pratique équestre
Figure 6 - La courbette. © André Laurioux [8]
Figure 7 - La croupade. © André Laurioux [8]
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« J’ai mal au dos, puis je débuter ou
continuer l’équitation ? »
Le docteur Favory, médecin du sport chargé du suivi
médical des équipes de France d’équitation, répond
que tout dépend du diagnostic. Dans le cas de
rachialgies banales, sans lésions conséquentes
installées, provoquées par les tensions et la
sédentarité, non seulement l’équitation n’est pas
déconseillée mais elle peut contribuer à aider le
cavalier! Sous réserve d’un enseignement
progressif de qualité, la sollicitation produite par
l’adaptation au mouvement du cheval permettra
de relancer la musculature para vertébrale et de
reconstituer un potentiel d’adaptabilité. Si une
discopathie lombaire chronique symptomatique
ou des séquelles traumatiques importantes sont
présentes, débuter l’équitation n’est pas indiqué
à priori, tout d’abord en raison des difficultés
d’apprentissage liées aux segments douloureux
bridant l’adaptation, ensuite parce que la
pratique équestre présente au-delà d’un certain
volume un risque de réveil des douleurs.
Toutefois, dans des conditions d’apprentissage
optimisées et en respectant un volume d’activité
modéré, des intervalles de récupération
suffisants, à fortiori chez un sujet en bonne
condition physique, il ne faut pas exclure que
l’adaptation puisse se réaliser, et, dans ce cas,
pourquoi pas avec bénéfice. Donc, la contre
indication est toute relatif. [1].
Les cas particuliers des dystrophies rachidiennes
de croissance, du spondylolisthésis et de la
scoliose
L es dystrophies rachidiennes de croissance (DRC)
s’observent chez 20 à 40% des adolescents, elles sont
la conséquence de trouble de l’ossification des corps
vertébraux aboutissant à leur déformation. La DRC est
fréquente chez le cavalier. Elle est de siège
essentiellement dorsal et peut s’étendre
exceptionnellement à la région lombaire supérieure.
Elle est le plus souvent asymptomatique et de
découverte fortuite à l’occasion d’un bilan
radiographique effectué pour un traumatisme. Si elle
se manifeste, ce sera par l’intermédiaire de douleurs
survenant au cours de l’activité ou après, augmentées
par l’intensité ou la durée des sollicitations. La
pratique précoce d’un volume d’équitation important
semble être un facteur favorisant : la fréquence de
séquelles de DRC chez les cavaliers professionnels est
supérieure à la population générale (60% contre
30z%), et d’autant plus importante que le début
d’activité est précoce (67 % si le cavalier a débuté
avant 14 ans, 45% s’il a débuté après 15 ans). [1, 6,
14]
Une pratique intensive et précoce de l’équitation,
bien avant l’âge de la puberté, lance l’interrogation
d’un facteur favorisant pour l’apparition de
dystrophie rachidienne de croissance. Ce fait est
commun à beaucoup de sports pratiqués de manière
intensive ; en exemple les 74% de judokas de haut
niveau atteints de DRC. On considère que le DRC en
phase douloureuse est une contre-indication
(temporaire) à la pratique équestre.
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Le spondylolisthésis. Sa fréquence n’est pas plus
élevée que dans les autres populations, elle oscille
entre 4 et 5% et l’équitation ne constitue pas un
facteur de risque pour la survenue d’une lyse
isthmique. La règle générale est qu’un
spondylolisthésis de grade I reste compatible avec une
carrière de cavalier professionnel.
La lyse isthmique acquise et le spondylolisthésis, en
l’absence de douleurs, (et de dystrophie vertébrale
chez l’enfant) ne représentent pas une contre
indication à la pratique de l’équitation. Toutefois chez
l’enfant en cas d’activité intensive, une surveillance
paraît justifiée. En phase douloureuse, poten-
tiellement évolutive, la cavalier doit être mis au repos
et suivre une rééducation. Les douleurs disparues, une
reprise de l’activité équestre progressive peut être
envisagée. [2,13]
La scoliose. Si il ne s’agit pas d’une scoliose
douloureuse, déséquilibrée, avec un angle supérieur à
30/35° en période pré-pubertaire ou pubertaire, si
elle ne s’accompagne pas de dystrophie rachidienne
de croissance ou d’une autre affection vertébrale à
caractère évolutif, contre indiquer la pratique de
l’équitation à de jeunes adolescents porteurs d’une
scoliose ne paraît pas justifié. Sous réserve d’une
adaptation de la pratique sportive (elle ne doit pas
être la source de traumatismes répétés et l’intensité
doit être adaptée aux capacités de l’enfant) et d’un
suivi médical et masso-kinésithérapique, une scoliose
peut, au contraire, bénéficier des effets positifs de ce
sport sur la posture rachidienne. [1,6]
Conclusion
Il n’est plus d’actualité de classer l’équitation parmi
les sports à haut risque rachidien. La prévalence des
lombalgies chez le cavalier est égale à celle de la
population générale. L’équitation peut même
apporter un mieux-être grâce à la tonification des
muscles para-vertébraux qu’elle induit, à condition
que l’éducation du geste sportif soit bien enseignée.
Ce sont bien souvent les activités extra-équestres
(comme les soins aux chevaux, le curage des boxes)
qui s’avèrent traumatisantes pour le dos. D’où
l’importance de l’apprentissage d’une bonne
ergonomie dans les activités de la vie quotidienne et
de la vie équestre.
Dans les rares études menées sur la prévalence des
lombalgies on retrouve une proportion plus élevée
chez les cavaliers professionnels qu’amateurs. En
supposant qu’il n’y ait pas de geste sportif défectueux
la différence entre ces 2 cavaliers réside dans le
volume d’activité. Comme tout sportif de haut niveau,
il n’y a rien d’étonnant à ce que le cavalier
professionnel de part le surmenage musculo-
ligamentaire soit plus touché, l’intensité de la
pratique quotidienne étant un facteur de risque. En
grande majorité il s’agit de lombalgie d’effort n’ayant
pas de répercussion sur la qualité et l’intensité de la
pratique et ne représentant pas une gêne
fonctionnelle importante.
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