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1 Le carbone forestier, outil de valorisation des services éco systémiques Moyens et perspectives suivant un exemple en Bas Dauphiné Faculté de géographie, Histoire Histoire de l’Art et Tourisme Master Science des Sociétés et de leur environnement Mention Etudes rurales Master 2 spécialité professionnelle Aménagement et Développement Rural Maître de stage : M. Christophe Barbe Tuteur universitaire : M. Jean Luc Morineaux Membre du Jury : Mme Christina Aschan Septembre 2012 Mémoire de fin d’études présenté par : Loïc CASSET

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Le carbone forestier, outil de valorisation des

services éco systémiques

Moyens et perspectives suivant un exemple en Bas Dauphiné

Faculté de géographie, Histoire Histoire de l’Art et Tourisme

Master Science des Sociétés et de leur environnement

Mention Etudes rurales

Master 2 spécialité professionnelle Aménagement et Développement Rural

Maître de stage : M. Christophe Barbe

Tuteur universitaire : M. Jean Luc Morineaux

Membre du Jury : Mme Christina Aschan

Septembre 2012

Mémoire de fin d’études présenté par :

Loïc CASSET

Forêt

Société CO²

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Remerciements

Mes remerciements vont d’abord à Xavier Martin, directeur du CRPF Rhône Alpes, qui m’a permis de

reprendre les études pour un temps, et, qui m’a surtout encouragé dès le début de mon travail sur la

thématique du carbone forestier. Je remercie Christophe Barbe, mon maître de stage et collègue de

travail, pour sa disponibilité, son recul sur les questions forestières et plus simplement pour ses

qualités humaines d’écoute et d’ouverture d’esprit.

Je remercie ensuite Olivier Picard, chef de service R&D de l’Institut pour le Développement Forestier,

et Eric Toppan, adjoint au directeur de la Fédération Forestiers Privés de France, pour leur appui et

pour la confiance qu’ils m’ont accordée dans l’aboutissement des projets de compensation réalisés

en Bas Dauphiné.

Je remercie les conseils d’administration de l’ASLGF du Bas Dauphiné, de l’Association Bonnevaux

Chambaran, de l’Association Drôme des Collines Forestière, à travers leurs présidents Claude

Desrieux, Paul Rostaing et Philippe Rivoire. Une mention spéciale pour Gilbert Cottaz, secrétaire de

l’Association Bonnevaux Chambaran depuis 1986, qui participe à toutes mes permanences chaque

mardi matin.

Je remercie Jean Pierre Ferragut, administrateur du CRPF Rhône Alpes, pour sa volonté et son

investissement autour des questions de regroupement de la propriété forestière.

Je remercie Henri Frisch, président de l’association La Forêt pour Témoin, pour son intérêt aux

problématiques de la forêt privée et pour la qualité de sa coopération dans nos réflexions parfois

complexes.

Je remercie la Banque Neuflize OBC à travers sa responsable du développement durable, Mme

Béatrice de Montleau, pour sa compréhension de nos difficultés et son engagement qui a permis

l’aboutissement d’un partenariat innovant.

Je remercie, Alexis Morrier et Mathieu Rousset de la DADR Rhône Alpes, pour l’attention qu’ils ont

portée à mon travail en proposant de reprendre une partie de mes conclusions dans la future

politique forestière régionale.

Je remercie Jean Luc Morineaux, mon tuteur universitaire, pour ses conseils avisés et ses remarques

éclairées, issus de son expérience de terrain.

Enfin, je remercie les membres de ma famille qui ont bien voulu relire ce mémoire pour le rendre

plus compréhensible et accessible.

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Liste des sigles

ABC : Association Bonnevaux Chambaran

ADEME : Agence du Développement Et de la Maitrise de l’Energie

ADCF : Association Drôme des Collines Forestières

AGRESTE: Service de la statistique, de l’évaluation et de la prospective agricole du Ministère de

l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt

ASAGF : Association Syndicale Autorisée de Gestion Forestière

ASLGF : Association Syndicale Libre de Gestion Forestière

CDC : Caisse Des Dépôts et consignations

CDRA : Contrat de développement Rhône Alpes

IRSTEA : Institut national pour la Recherche en Science et Technologie pour l’Environnement et

l’Agriculture (ex CEMAGREF – 2011)

CFT : Charte Forestière de Territoire

CNPF / CRPF : Centre National de la Propriété Forestière / Centre Régional de la Propriété Forestière

CNUCC : Conférence des Nations Unies sur le Changement Climatique

CRE : Commission de Régulation de l’Energie

ETF : Entrepreneur de Travaux Forestiers

FCBA : Institut technologique forêt, cellulose, bois et ameublement

GAL : Groupe d’Action Local

GES : Gaz à Effet de Serre

GIEC : Groupe d’expert intergouvernemental sur le climat

IDF : Institut pour le Développement Forestier

IFM: Improved Forest Management

IFN: Inventaire Forestier National

INRA : Institut National de la Recherche Agronomique

INSEE: Institut National de la Statistiques et des Etudes Economiques

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques

OMM : Organisation Météorologique Mondiale

ONF : Office National des Forêt

PEFC: Program for the Endorsement of Forest Certification Schemes

PNAQ : Plan Nationale d'Allocation des Quotas

PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement

PSADER : Projet Stratégique Agricole et de Développement Rural

PSG : Plan Simple de Gestion

SCEQE : Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emissions (ou EU ETS en anglais pour European Union Emission Trading Shemes)

TFNB : Taxe sur le Foncier Non Bâti

TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée

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Introduction

La forêt française souffre depuis de nombreuses années du déficit de sa balance commerciale

qui porte préjudice à tout l’équilibre d’investissement que constitue ce patrimoine partagé par plus

de 3,5 millions de français. Pourtant 3ème surface forestière au niveau européen, cet espace pâtit d’un

manque de reconnaissance comme sphère économique à part entière. Régulièrement redécouverte

au fil des crises pétrolières, la forêt française semble plus intéresser pour sa capacité à procurer de

l’énergie moins chère que pour sa capacité à offrir une source d’emplois durables notamment dans la

construction. Elément de structuration des paysages, pôle d’attractivité récréative, refuge de la

biodiversité1 ce sont peu à peu ces rôles qui sont dévolus à la forêt mettant à la marge la finalité de la

gestion forestière à savoir la production d’une matière première apte à satisfaire aux besoins locaux

(au sens large du terme) de manière durable. La disparition de nombreuses scieries entraînent deux

contraintes majeures, la perte de connaissance de la ressource locale (typicités, méthode de

transformation, usages possibles…) et l’abandon par les propriétaires forestiers de leur patrimoine

faute d’intérêt. Sans revenir sur les problèmes posés par le morcellement de la forêt privée française,

on voit peu à peu apparaître une spécialisation des zones forestières en fonction de la proximité des

villes mais également de la dynamique de la filière locale.

Depuis le protocole de Kyoto ratifié en 1997 et ses objectifs en termes de diminution des

rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, de nombreuses réflexions ont vu le jour autour de la

forêt et de sa capacité à stocker notamment du dioxyde de carbone (le CO2). La succession des

conférences sur le climat, dont la dernière en date est celle de Durban en 2011 n’ont fait qu’affirmer

ce rôle et préciser les modalités de prises en compte et surtout de mises en œuvres techniques

d’actions autour de la question.

Egalement, depuis Kyoto, un processus d’estimation de la séquestration de CO2 est effectué

pour chaque pays et constitue le socle du système international d’échange de quotas carbone

destinés à sanctionner les industries les plus polluantes. Ces droits d’émissions sont côtés depuis

2008 par la première Bourse internationale du carbone « BlueNext » crée par NYSE Euronext et la

Caisse des Dépôts pour gérer le marché de quotas carbone européens (EU ETS – European Union

Emission Trading Scheme), allant de la négociation au règlement livraison à l’échelle mondiale. Pour

autant ce système affiche une extrême volatilité du prix de la tonne de carbone passant de 25€

(2008) à 4€ en l’espace de 3 ans et un risque de fraude élevé, en témoigne les récents scandales de

fraude à la TVA (« une fraude de 1,6 Milliards d’€, la plus importante fraude fiscale jamais commise

en France » selon la Cour des Comptes)2. Les fonds issus de la compensation carbone3 des Etats

peuvent alimenter de vastes projets internationaux de compensation carbone. Quelques ONG,

accréditées ou pas par l’ONU, réalisent ainsi de grands programmes de boisement / reboisement

1 Diversité du vivant : diversité des espèces végétales et animales, diversité génétique de l’ensemble des êtres vivants, diversité des structures. 2 In : Cour des Comptes - Rapport public annuel 2012 – La Fraude à la TVA sur les quotas de carbone – page 147 à 196 – Février 2012 3 La compensation consiste à mesurer les émissions de gaz à effet de serre générées par une activité (transport, chauffage, etc.) puis, après avoir cherché à réduire ces émissions, à financer un projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou de séquestration du carbone : énergie renouvelable, efficacité énergétique ou de reboisement, qui permettra de réduire, dans un autre lieu, un même volume de gaz à effet de serre. Source : ADEME

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notamment dans des pays du sud (Afrique subsaharienne, Asie du sud-est, Amérique du Sud). A

partir de 2013, les Etats pourront vendre aux enchères leurs quotas nationaux.

En France, la filière Forêt Bois à travers son représentant France Bois Forêt a présenté en

Juillet 2012 un projet destiné à mobiliser 25% de cet argent (250 Millions d’€) en passant par un

Fonds Forestiers Stratégique Carbone destiné à accompagner l’investissement en forêt et le

développement de la filière. Cette proposition a été reprise par l’Etat français dans le projet du

ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt dans son Plan d’Action pour la filière

Forêt Bois.

Sur le territoire national, « la gestion forestière représente le seul grand puits de carbone qui

s’élève en 2009 à 72,2 Millions de tonnes équivalent CO2 »4. C’est dans cet état d’esprit que la filière

Forêt Bois s’est intéressée à la question. Depuis 2005, elle mobilise ses équipes pour établir

notamment une norme permettant d’apprécier la capacité des forêts à absorber du gaz carbonique.

Puis, en 2009, elle participe au groupe de réflexion national porté par la Caisse des Dépôts Mission

Climat : le Club Carbone Forêt Bois. Ce groupe de recherche et de partage de connaissance auquel

participent des organismes forestiers tels que le CNPF, l’IDF, l’ONF est également composé de

régions (Rhône Alpes, Aquitaine, Bourgogne….) ou encore d’industries soucieuses de leur empreinte

environnementale (Dalkia, Astrium, Crédit Agricole….). Les travaux de ce groupe ont, pour l’essentiel,

porté sur la faisabilité technique de projets de compensation carbone en France et sur l’adaptabilité

des règles internationales régissant le marché du carbone au contexte forestier national. Cette

dynamique de recherche est également portée par une demande d’entreprises souhaitant

compenser leurs émissions sur le territoire national. Il s’agit alors de trouver une façon de travailler,

dans le respect des règles établies par le protocole de Kyoto, permettant de capter des fonds privés

pour les orienter vers des opérations de séquestration de gaz carbonique en forêt.

Parallèlement, les forestiers réfléchissent depuis de nombreuses années à la valorisation des

aménités5 forestières. Des initiatives diverses ont vu le jour allant d’une carte de ramassage de

champignons (Chartreuse, Vercors, Sud Drôme) en passant par des partenariats avec des sociétés

d’eaux minérales (Volvic) ou encore et plus simplement des opérations de sensibilisation du public

aux services rendus par la forêt (Nature Capitale en 2011). Dans la plupart des cas, traités de manière

individuelle, la valorisation de ces aménités reste souvent circonscrite à un massif ou à un enjeu

précis. Deux éléments majeurs manquent aujourd’hui pour la valorisation des services forestiers :

- La structuration des propriétaires de forêts pour assurer la tenue des engagements pris au

regard des échéances forestières qui s’évaluent sur plusieurs dizaines d’années

- La définition d’une échelle de valeur homogène et adaptable au regard de la diversité de la

forêt française et des techniques employées.

4 In : Proposition de Plan d’action carbone pour la filière Forêt Bois, Ministère de l’Agriculture de l’Alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, 10/01/2012 annexe 1 5 Les aménités sont définies comme étant des « structures uniques, naturelles ou construites par l’homme telles que la flore et la faune, les paysages cultivés, le patrimoine historique, voire les traditions culturelles.[…] » Source : OCDE 1999

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Ainsi, il convient d’élargir cette notion d’aménité ou de service forestier à celle de services éco

systémiques. On peut alors faire appel à la définition établie dans l’Evaluation des services rendus par

les écosystèmes en France de 20096 :

« Les services rendus par les écosystèmes désignent l’utilisation humaine des processus naturels à

travers la fourniture de biens matériels, la valorisation de mode de régulation écologique, l’utilisation

des écosystèmes de support à des activités non productrices de biens matériels (activité artistique,

éducation…). Les services se rapportent donc uniquement à des impacts positifs sur le bien être

humain à travers la fourniture de biens et services. [….] »

Cette définition pose le cadre de toute une réflexion autour du paiement pour les services

environnementaux (PSE) qui vise à : « favoriser des externalités environnementales positives grâce

au transfert de ressources financières entre les bénéficiaires de services écologiques et les

fournisseurs de services ou les gestionnaires des ressources environnementales »7.

Dans ce cadre de réflexion, les structures nationales de la forêt privée ont engagé différentes

initiatives. En Rhône Alpes, où les actions conjuguées des syndicats de propriétaires forestiers et du

CRPF ont permis l’émergence de différents outils, un travail pilote a été engagé sur la zone du Bas

Dauphiné, c’est l’objet du présent rapport :

Le carbone forestier, outil de valorisation des services éco systémiques, moyens et perspectives en

Bas Dauphiné

Dans la première partie du rapport, on s’attache à replacer la dynamique de travail dans sa

dimension nationale en reprenant notamment les enjeux lourds de la filière forêt bois. Puis, dans la

seconde partie du rapport, on découvre le contexte particulier de ce secteur aux portes de Lyon et

Valence, et les préalables à la mise en œuvre d’une action aujourd’hui citée en exemple mais issue

d’un long travail d’écoute, de confiance et de partenariat.

Ainsi, l’action menée durant ce stage est d’abord l’aboutissement d’un travail de fond

entamé depuis 1985 par le CRPF Rhône Alpes. Mon travail a commencé en 2007 lors de mon

embauche en tant que technicien forestier sur le secteur des Bonnevaux Chambaran. Il a d’abord

fallu que je m’approprie un massif qui m’était complètement inconnu mais surtout une façon de

travailler radicalement différente des expériences que j’avais pu avoir dans mes précédentes

missions. J’ai pu tout de suite me mettre au diapason en conduisant une opération expérimentale en

partenariat avec le Conseil Général de l’Isère sur le traitement de la question du morcellement par

une opération de cessions/acquisitions de parcelles forestières. Cette opération s’est terminée en

2009 et, à abouti à la création d’une Association Syndicale Libre de Gestion Forestière (ASLGF). Cette

évolution relève d’une vraie cohérence puisqu’après avoir travaillé sur l’augmentation des

tènements forestiers et leurs gestions, il restait à travailler sur leurs améliorations sylvicoles. Ce

développement fait l’objet de la partie 2 du rapport et reprend les étapes de construction et

l’inscription dans le paysage local de cet outil. On notera que les ASGF sont des structures créées par

une loi de 1985 qui ont fait l’objet d’une modification lors de la loi d’orientation sur la forêt du 9

6 in Evaluation des services rendus par les écosystèmes en France – Etude exploratoire – Ministère de

l’Ecologie, du Développement Durable et de la Mer – Septembre 2009 7 In Le paiement pour les services environnementaux : Etude et évaluation des systèmes actuels – UNISFERA

International Centre – Karle Mayrand, Marc Paquin – Septembre 2004.

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Juillet 20018. Le mode de fonctionnement unique mis en place sur l’ASLGF du Bas Dauphiné est repris

en Rhône Alpes et fait école sur le territoire national. La synergie Propriétaires adhérents/CRPF

Rhône Alpes/Régisseur permet un fonctionnement optimal et garantit, comme on le verra, le

traitement rapide des problèmes.

Mais surtout, l’ASLGF du Bas Dauphiné est une base pour la mise en œuvre d’un projte de

gestion durable de la forêt et ce, de manière trans-générationnelle. C’est ainsi que la question du

carbone a pu trouver une solution ici, et d’abord parce que le niveau de garantie en terme de

durabilité de la séquestration de CO2 a pu être établi. Loin de constituer une fin en soi, et comme on

le verra au fil du rapport, c’est une structuration locale autour d’un outil ambitieux et innovant mais

surtout un engagement fort des propriétaires forestiers qui a permis d’apporter la démonstration de

la faisabilité d’une opération relevant de règles internationales.

Le cahier des charges qui m’a été proposé pour ma période de stage était de pouvoir établir

les conditions d’une opération de séquestration de gaz carbonique dans les règles du protocole de

Kyoto, de trouver une convergence sur ce point avec la valorisation des services éco systémiques et

enfin de pouvoir reproduire cette opération ailleurs en France.

Ma période de stage est donc la finalisation de cette commande avec la signature de la

première convention nationale de compensation carbone par une sylviculture9 améliorée. Le

partenariat entre la Banque Neuflize OBC et l’ASLGF du Bas Dauphiné pour la compensation de 3 200

tonnes de gaz carbonique sur 40 hectares de taillis10 de châtaigniers est la preuve que la forêt privée

même morcelée peut-être un foyer d’innovation si on lui en donne les moyens. Avec plus de 32 000€

mobilisés pour la valorisation d’un geste sylvicole, c’est toute la responsabilité et le rôle du

propriétaire forestier d’abord dans le traitement de la question climatique mais surtout dans un

équilibre plus global qui sont valorisés. L’élaboration d’un prix de la tonne de carbone valorisée

incorporant les services écosystémiques a été un exercice délicat mais la rédaction de la convention

de partenariat et des engagements des différentes parties ont relevé du casse-tête juridique compte

tenu de l’absence de tout texte de loi régissant ce type d’action.

Pour autant, la réalisation de cette opération permet d’ouvrir un nouveau champ dans la

mise en œuvre d’une politique publique d’aide à la forêt en abordant la question du couplage des

moyens financiers, mais surtout dans la justification de l’usage de fonds publics à l’amélioration de

patrimoines privés.

8In : Loi N°2001-602 du 9 Juillet 2001 d’orientation sur la forêt – JORF N°159 du 11 Juillet 2001 page 11001

9 Art d’appliquer des techniques fondées sur des bases scientifiques dans le dessein de contrôler le développement naturel des forêts et de guider leur évolution dans la direction voulue. Elle peut être qualifiée de dynamique, extensive, intensive, ou proche de la nature. 10 Peuplement constitué de tiges provenant toutes du développement de rejets ou de drageons

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PLAN

Remerciements ......................................................................................................................1

Liste des sigles........................................................................................................................4

Introduction ...........................................................................................................................6

I La forêt française et les marchés du carbone quels liens ? .................................................12

I.1 Un passif difficile à assumer .................................................................................................... 12

I.2 Biomasse et biodiversité : la forêt, pomme de discorde .......................................................... 18

I.3 Le carbone, un simple produit financier ?................................................................................ 24

II Un outil pour répondre aux défis de la forêt privée : l’ASLGF du Bas Dauphiné ................34

II.1 Le Bas Dauphiné un territoire forestier sans culture sylvicole ................................................ 34

II.2 L’ASLGF, l’amorce d’une structuration locale de la gestion forestière .................................... 41

II.3 L’action « carbone » de l’ASLGF du Bas Dauphiné ................................................................. 52

III Le carbone forestier, outil de valorisation des services éco systémiques .........................60

III.1 Le carbone forestier pour valeur transversale ....................................................................... 60

III.2 Une nécessaire synergie « glocal » ........................................................................................ 68

III.3 Vers une cohérence d’action ................................................................................................. 74

Conclusion générale .............................................................................................................84

Le carbone forestier, une ressource territoriale pour le développement local dans une économie

régénérative ................................................................................................................................. 84

Bibliographie .......................................................................................................................86

Table des figures ..................................................................................................................90

Table des matières ...............................................................................................................92

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I La forêt française et les marchés du carbone quels liens ?

Espace de nature, espace économique, espace de protection, depuis les années 1960-1970,

la forêt n’a jamais fait l’objet d’autant d’attention. Tiraillée entre ses différents « défenseurs », elle

cristallise les aspirations de nos sociétés modernes de « nature contrôlée » jusque dans leurs

contradictions les plus profondes. Comment envisager un espace sous cloche où l’intervention

humaine se limiterait à la sécurisation d’itinéraires de randonnées face au boom de la construction

bois et du chauffage au granulé ? Comment concilier la protection des espèces et l’anticipation de

l’évolution climatique ? La forêt est-elle un bien commun, ou relève-t-elle de la responsabilité unique

de ses propriétaires ? Loin de répondre à toutes ces questions, la première partie de ce mémoire vise

à esquisser les grandes tendances qui modèlent et modèleront la forêt française dans les années à

venir. Ces éléments (issus pour l’essentiel des rapports gouvernementaux Puech de 2009 et Bianco

de 1998) introduisent le contexte d’émergence de la partie II et constituent la base de réflexion de la

dernière partie du rapport.

I.1 Un passif difficile à assumer

Au fil des rapports ministériels et livres blancs (6 depuis 1945 voir chronologie annexe 2), les

enjeux autour de la filière forêt bois ont peu évolués et pas vraiment trouvé de réponse depuis 30

ans. La fin du Fonds Forestiers National11 le 1 Janvier 2000 porte une part importante dans l’inflexion

des politiques publiques en faveur de la forêt, mais pour autant, une filière économique dont

l’investissement est porté par une taxe (66 Millions d’euros/an pour plus de 2 millions d’hectares de

forêts boisés et reboisés en 50 ans) a-t-elle un avenir ?

I.1.1 Depuis 30 ans, le déficit de la balance commerciale

6,3 milliards d’€12, c’est le deuxième poste de déficit de la balance commercial française juste

après le pétrole. Ce déficit lié à la différence entre les importations et les exportations de bois croît

depuis 1993.

Ce déficit est d’autant plus surprenant que la France possède la 3ème surface forestière

européenne (15,7 millions d’hectares derrière la Suède et la Finlande) et le premier massif feuillus

pour 1/3 de sa surface totale. De plus, la filière Forêt Bois compte 230 000 salariés qui travaillent en

zone rurale et près de 450 000 personnes pour toute la filière.

Il faut alors détailler ce fameux déficit pour constater que les filières papier, pâte à papier et

ameublement représente 73% de ce dernier. On trouve alors des éléments d’explications dans le

11 Crée par la loi du 30 Septembre 1964 par application du programme du Conseil National de la Résistance et suivant les recommandations du rapport Leloup. Alimenté par une taxe fiscale (prélevé auprès des exploitants forestiers et entreprises de premières transformations), il échappait à l’annualité budgétaire mais contribuait selon l’Union Européenne à une distorsion de concurrence. 12

In : Rapport Puech « Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière Bois » remis au Président de la République le 6 Avril 2009

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caractère très international de ces industries de transformations. Et d’abord, la pâte à papier qui

constitue une matière première au centre de nombreux enjeux d’autant plus dans la perspective du

développement des pays émergeants ou d’ores et déjà émergés. Ainsi, en Juin 2010, la tonne de pâte

à papier a atteint la barre des 1000 dollars la tonne, un prix jamais atteint sur les 15 dernières

années13. Pour la partie ameublement, on se trouve ici en limite de filière puisque c’est la création et

la commercialisation qui constituent l’essentiel du déficit. Il s’agit là d’un déficit d’abord financier

mais qui au final correspond à une faible quantité de bois.

Pour autant, c’est bien la faiblesse de nos outils de transformations par rapport à des

marchés internationalisés qui porte préjudice à l’ensemble de la filière et notamment au feuillus.

Pour exemple, la Chine (en 2011, premier producteur mondial d’ameublement et premier

importateur mondial de bois) importait en 2008 environ 30 000m3 de grumes de chênes français

essentiellement issues des forêts de l’Est de la France. Pour le seul premier semestre 2011 ce sont

près de 120 000m3 de grumes de chênes (soit +25%)14 qui ont rejoint les scieries de la République

Populaire de Chine. Cet intérêt a permis au cours du chêne de remonter (+20%) au détriment des

transformateurs locaux qui n’ont pas pu suivre financièrement.

Des pistes d’actions doivent alors être trouvées. Pourquoi pas dans des accords de

réciprocité (réclamés par la Fédération Nationale du Bois depuis 2011) mais surtout dans la

valorisation de nos produits. Ainsi des pistes de modernisations ont été élaborées sur la base du

rapport Puech et des conclusions du Grenelle de l’Environnement. Des axes de travail autour du bois

construction, du bois énergie et de la nécessité de structurer la filière bois ont été formulés,

souhaitons qu’ils soient suivis des mesures adéquates. La valorisation du bois feuillus doit relever des

premières priorités tout comme la recherche sur les huiles essentielles, le liège (270 millions d’€ de

déficit en 2010) mais aussi l’adaptation des moyens de transformation à la ressource et la

sécurisation des approvisionnements.

Malheureusement, l’hyper standardisation des moyens de transformations prôné par le

monde de la scierie semble bien loin de la réalité de la structure foncière des propriétés forestières.

Encore plus des possibilités offertes en matière de valeur ajoutée sur ces marchés internationaux de

produits standard ou la plus grande scierie française (SIAT Braun à URMATT avec 575 000 m3/an)

doit rivaliser avec des entreprises finlandaises, allemande, russes, nord-américaines où les unités de

production d’1 millions de m3 par an n’ont rien d’exceptionnel.

Cette tendance se trouve encore renforcée sur les marchés du bois énergie où des investissements colossaux sont réalisés. Ainsi, en plus des tensions internationales, on a ajouté des tensions locales avec une concurrence entre différents produits (plaquette forestière et piquet de châtaignier) bouleversant les équilibres locaux là où ils subsistaient. On rentre alors dans les problématiques de niveaux d’exploitation des forêts, objet du chapitre suivant. Ce qu’il faut retenir

- 3ème poste de déficit commercial national. - 230 000 salariés en zone rurale et plus de 450 000 au total. - 73% du déficit constitué par la filière papier/pâte à papier et ameublement.

13

In : Les Echos n° 20690 du 03 Juin 2010 , page 18 - Papier : les prix grimpent en flèche dans toute la filière 14 In : Le Figaro du 29 Mars 2012 , La Chine achète aussi les forêts françaises

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I.1.2 La sous exploitation de la forêt française

Le rapport Puech (2009) évaluait à plus de 200 Millions de m3 le stock sur pied « en réserve »

des forêts françaises. L’Inventaire Forestier National dans sa note semestrielle l’IF N°28 des 3ème et

4ème trimestres 2011 indiquait un prélèvement de 44 Millions de m3 sur l’ensemble du territoire

national sur la période 2005-2010 pour un accroissement biologique des forêts de 85 Millions de m3

par an. On en parle comme l’une des causes principales du déficit de la balance commerciale mais il

faut d’abord s’interroger sur les causes de cette sous-exploitation.

La première d’entre elle est certainement le morcellement important de la forêt privée (90%

de la forêt française, avec une surface moyenne en Rhône Alpes de 2,1 ha par propriétaire) où

résident les ¾ du gisement mobilisable en plus, évalué à +21 millions de m3 d’ici à 2020. A cela

s’ajoute le fait que 20% des propriétaires forestiers possèdent moins de 4 hectares, seuil en dessous

duquel la rentabilité de la gestion devient aléatoire.

Cependant, les observations sont bien contrastées d’une région à l’autre mais aussi d’une

géographie à l’autre. Ainsi, c’est en zone de montagne, où les contraintes d’exploitation sont les plus

fortes, que se trouve l’essentiel du volume qui pourrait être mobilisé en plus. Le rapport Ballu (2007)

« sur l’insuffisante exploitation de la forêt française » remis au Ministère de l’Agriculture et de la

Pêche le 22 octobre 2007 identifiait des contraintes d’exploitabilité des forêts comme la nature des

sols, les contraintes de pentes, les distances de débardages et l’accessibilité. Ainsi, suivant cette

nomenclature, 30% des volumes étaient jugés comme difficilement ou très difficilement exploitable.

Pour solution, le rapport proposait l’installation de dessertes forestières et le développement de

techniques d’exploitation adaptées au travail en pente tel que le câble mât. Seulement, ces

techniques nécessitent un investissement important que peu de partenaires sont prêts à prendre en

charge compte tenu de la possibilité de retour sur investissement. La conduite de ces opérations

relève donc souvent d’une volonté politique à laquelle manque malheureusement les moyens

financiers.

Les pistes aujourd’hui empruntées par les industriels de la transformation pour augmenter la

mobilisation de bois relèvent surtout d’une intensification de l’exploitation par unité de surface. De

moins en moins de rémanents d’exploitations sont laissés sur les parterres de coupes pour

notamment valoriser les houppiers15 en plaquettes forestières16. Cette intensification pose des

problèmes en matière de protection des sols et de leurs richesses chimiques. La biomasse des sols

forestiers essentiellement constituée des feuilles et branches fines participe à la constitution d’un

humus qui sert d’engrais naturel mais aussi de tampon pour l’absorption des précipitations. Cette

tendance à l’intensification se retrouve à l’échelle de massifs forestiers de plaines et encore plus

dans les forêts de taillis. Car, la sylviculture du taillis (qui ne fait pas l’objet de directives du code

forestier notamment en matière de limitation en surface des coupes rases) et les faibles contraintes

topographiques induisent une « ruée vers l’or vert » principalement motivé par les cours de la

plaquette forestière. Ainsi, des zones « contraintes » par leur topographie ou la nature de leur sol

15 Ensemble des ramifications d’un arbre et de la partie supérieure d’un tronc, non comprise dans le fût. 16

Egalement appelée bois déchiqueté, la plaquette forestière se présente sous forme de petits morceaux de bois de taille homogène.

Page 15: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

15

semble aujourd’hui abandonnés, la montée du cours du bois et notamment du bois énergie17

permettra de peu à peu « déverrouiller » des massifs forestiers rendant l’investissement dans du

matériel ou des équipements tout à fait opportun économiquement.

Le danger de cette volonté d’exploitation des « réserves forestières » réside dans la façon

dont est interprété le fameux « produire plus en préservant mieux » issue du discours d’Urmatt de

Mai 2009 prononcé par Nicolas Sarkozy alors Président de la République. Egalement, l’augmentation

des statuts de protection de l’espace (ENS, ZNIEFF, Natura 2000) pourrait conduire à une forme de

segmentation de la forêt avec des espaces de production dédiés (exemple de forêt de taillis) et des

espaces de semi-protection (cas des forêts de montagne qui, en Rhône Alpes, sont pratiquement

toutes localisées dans des périmètres de Parc Naturel Régionaux ou Nationaux).

Ce qu’il faut retenir

- On estime l’accroissement biologique des forêts à 85 Millions de m3/an. - La rentabilité de la gestion forestière devient aléatoire en dessous de 4 hectares. - 30% des volumes sont considérés comme difficilement ou très difficilement exploitables d’où

un risque de segmentation de l’espace forestier.

17

Le bois énergie est un type de bioénergie utilisant la biomasse constituée par le bois (bois bûche, plaquette forestière, granulé).

Page 16: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

16

Les excès de la filière bois énergie

La substitution des énergies fossiles par la biomasse fait partie des grands objectifs européens repris

notamment dans le Paquet Energie Climat adopté par le Conseil Européen en 2007. Cette ensemble de

mesures visant à limiter le réchauffement climatique à 2,5° d’ici à 2100 propose notamment, d’augmenter la

part des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydroélectrique, biomasse…) dans le mix énergétique

européen de 8,5% en 2008 à 20% en 2020. En France, les conclusions du Grenelle de l’environnement ont

amené l’Etat à prendre des engagements plus forts en diminuant par 4 (le facteur 4) ses émissions de gaz à

effet de serre d’ici à 2050. En passant sur les détails de ces mesures nationales, ce sont les projets de

production d’électricité qui sont les plus appuyés. La Commission de régulation de l’Energie (CRE : Autorité

administrative indépendante chargé de veiller au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz en

France) rédige régulièrement des appels d’offre pour que les capacités de production répondent aux objectifs

définis par le ministère de l’énergie. Ainsi, en 2009 l’appel d’offre de la CRE portait sur la production de 250

MWe à partir de biomasse pour des installations dite de cogénération (production de chaleur et d’électricité).

56% des projets prévoyaient l’usage de biomasse issue de forêt (bois chablis, rémanents, arbres

d’alignements…). Pour exemple la centrale de cogénération du Tricastin d’une puissance de 12 MWe envisage

la mobilisation de 150 000 tonnes de plaquette forestière par an. Par extrapolation on peut alors établir que

l’usage de la plaquette forestière pour le seul appel d’offre CRE de 2009 nécessiterait la mobilisation de plus de

3 Millions de tonnes de plaquettes coproduit de l’exploitation forestière. Pour illustrer ce propos, on évalue, en

moyenne, entre 300 et 800 tonnes par hectare la quantité de bois qui peut être mobilisée sur 1 hectare de

taillis de châtaignier de 30 ans de bonne venue. Par an, se serait 4 000 hectares de forêts qu’il faudrait raser

pour le seul approvisionnement de ces projets. Des chiffres qui donnent le vertige quand on sait qu’en 2010 se

sont 700 MWe qui seront produit à partir de biomasse forestière.

Ainsi, de nombreux opérateurs de la mobilisation en forêt ont signé des contrats de fournitures de plaquettes

sans forcément intégrer la tension grandissante sur la mobilisation de parcelles forestières. Peu à peu un

système ultra mécanisé se met en place pour mobiliser plus vite au détriment d’une sylviculture où la

plaquette forestière n’est qu’un coproduit. Les grandes unités de cogénération travaillent pratiquement en flux

tendus, obligeant la conduite des opérations de mobilisation tout au long de l’année. Cette façon de travailler

pousse à la réalisation de coupes rases de grandes surfaces et à la transformation exclusive des bois mobilisés

en plaquette. On passe aujourd’hui dans des broyeurs des rémanents d’exploitation mais également du bois de

piquet ou plus grave du bois d’œuvre. Les techniques de mobilisation font peser un poids très lourd sur les

taillis (600 000ha en France) qui présentent l’avantage d’être souvent facilement mobilisable et sur lesquels la

coupe rase est une technique traditionnelle. Après, tout est affaire de mesure…. La Plan d’Approvisionnement

Territorial (ou PAT dispositif porté par l’association des Communes Forestières) a fait ressortir dès 2011 que

l’accroissement biologique de la forêt de Chambaran était d’ors et déjà prélevé. Une hausse du prélèvement

conduirait inévitablement à une régression forestière !

Mais la filière énergétique se rend bien compte des problèmes d’approvisionnement qui risquent de se poser

dans peu de temps. Ainsi, des investissements sont conduits notamment en Amérique du Sud et en Afrique

Equatoriale pour planter de l’Eucalyptus afin, entre autre, de produire de la plaquette forestière. Ces

plantations se font bien entendu au détriment de la forêt tropicale et utilisent des techniques de production

où les intrants permettent d’atteindre les objectifs de croissance. Déjà des ports français comme celui de

Bayonne se spécialisent pour recevoir les bateaux de plaquettes forestières. On peut alors s’interroger sur la

neutralité carbone de la filière mais encore plus sur sa neutralité environnementale. Ne sommes-nous pas

entrain de créer une bulle qui, à terme, viendra alimenter le déficit commercial de la filière…

Page 17: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

17

I.1.3 La perspective de l’évolution climatique

Pour la France, des projections ont été réalisées avec le modèle ARPEGE de Météo France ;

un scénario avec faibles émissions de GES18 (scénario B2 du GIEC) et un scénario avec fortes

émissions de GES (scénario A2 du GIEC). Le scénario B2 établit pour la France une augmentation de 2

à 2,5° entre la fin du 20ème et le début du 21ème siècle. Le scénario A2 quant à lui table sur une

évolution de 3° à 3,5° sur la même période avec une diminution des précipitations estivales de 20 à

35%.

Un article19 publié dans la revue Science le 27 Juin 2008 a alerté le monde forestier sur

l’impact de l’évolution climatique. Cette étude menée en collaboration entre le CNRS, l’INRA et

AgroParisTech a comparé la distribution de 171 espèces forestières dans les montagnes françaises

sur deux périodes : 1905 - 1985 et 1986 – 2005. L’étude a montré une remontée des espèces de 29

mètres en altitude par décades.

Au-delà de ces résultats, on constate plus généralement un décalage des périodes de

précipitations, une augmentation du nombre de jours de vents et des phénomènes exceptionnels

(gel, crues, tempêtes, orages violents…). Il s’agit là d’autant de facteurs de stress propres à

bouleverser l’équilibre naturel. En forêt et plus particulièrement en Rhône Alpes, on distingue cette

évolution de manière claire sur l’aire de répartition de l’Epicéa commun qui a peu à peu disparu des

altitudes inférieures à 1800 mètres en subissant des sécheresses répétées et des attaques de

parasites très violentes.

Face à cette évolution, le forestier se doit d’imaginer quelles seront les conditions de croissance

de la forêt dans 50, 100, 200 ans. Cette tâche est d’autant plus ardue qu’il existe autant de modèles

climatiques que d’interprétations de cette évolution. Pour les arbres, l’adaptation à ce changement

prend différentes formes :

- L’allongement des périodes de végétation

- L’adaptation génétique

- La migration

- La mortalité

On sait qu’une forêt jeune et irrégulière20 a une meilleure capacité de réponse à des évènements

exceptionnels. Le travail résidera donc principalement dans le raccourcissement des durées de

rotation, dans la réalisation d’éclaircies régulières permettant de limiter le stress induit par la

concurrence dans le peuplement notamment pour l’accès à la ressource en eau, et pratiquer la

18 Les Gaz à Effet de Serre (GES) sont des gaz qui absorbent une partie des rayons solaires en les redistribuant sous la forme de radiations au sein de l'atmosphère terrestre, phénomène appelé effet de serre. 19In : « A Significant Upward Shift in Plant Species Optimum Elevation During the 20th Centurty » par J. Lenoir ; J.C. Gégout de AgroParisTech à Nancy, France ; P.A. Marquet de la Pontificia Universidad Católica de Chile, de l'Institut d'Ecologie et de Biodiversité à Santiago, Chili et de l'Institut Santa Fe à Santa Fe, NM ; P. de Ruffray du CNRS et de l'Université Louis Pasteur à Strasbourg, France ; H. Brisse du CNRS et de la Faculté des Sciences de Saint Jérôme à Marseille, France. 20 Se dit d’un peuplement d’arbres de diverses dimensions. Qualifie une structure, un traitement forestier où les arbres sont de diverses dimensions.

Page 18: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

18

régénération assistée en « enrichissant » les peuplements de génotypes ou d’espèces mieux

adaptées.

Pour trouver des réponses à la hauteur à ce défi, les forestiers doivent se doter d’outils de

recherche mais surtout de transferts. Le Réseau Mixte Technologique AFORCE (Adaptation des Forêts

au Changement Climatiques) qui regroupe différents partenaires dont le Groupement d’Intérêt

Public ECOFOR (Ecosystème Forestiers) produit ainsi un certain nombre de recherches destinées à

anticiper et/ou préparer l’évolution climatique. Le travail de ces partenaires relève de 5 thématiques

qui représentent bien les grandes interrogations du monde forestier, à savoir :

- l’évolution des stations forestières

- la vulnérabilité des peuplements

- la gestion, la valorisation et la conservation des ressources énergétiques

- la croissance et la sylviculture des peuplements

- l’évaluation économique des décisions de gestion

S’il semble qu’un consensus ait été trouvé pour dire que nous allons vers une phase de

réchauffement global, l’évolution climatique reste aujourd’hui difficile à appréhender dans sa vitesse

d’évolution et dans son impact sur la distribution des espèces végétales et animales. Au sein même

de la filière, les avis divergent et amènent peu à peu à une forme de radicalisation du discours

privilégiant une réponse binaire : produire ou protéger.

Ce qu’il faut retenir

- Remontée des espèces de 29 mètres en altitude par décades. - Une forêt jeune et irrégulière à une meilleure capacité de réponse à des évènements

exceptionnels. - Consensus autour du réchauffement climatique mais divergence quant à sa rapidité.

I.2 Biomasse et biodiversité : la forêt, pomme de discorde

Si le nombre important des acteurs de la filière forêt bois (voir organigramme annexe 3) rend difficile la perception d’un message cohérent, la présence de deux ministères sur la même problématique ne participe pas à la clarification de ce dernier. Ainsi, lors de l’élection présidentielle de 2012, les acteurs de la filière ont-ils demandé la création d’une délégation interministérielle à la forêt afin de croiser les choix politiques mais surtout de raisonner les directives dans un cadre plus global. A ce jour, cette délégation n’existe pas, la situation pourrait évoluer… Du côté de la forêt, la volonté d’harmonisation de la communication portée par France Bois Forêt et financièrement par une contribution volontaire obligatoire de la profession laisse entrevoir un début de structuration.

I.2.1 Une schizophrénie un peu embarrassante

La pathologie dont souffre aujourd’hui la forêt française, par la présence des ministères du

Développement Durable et de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt sur la même

Page 19: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

19

thématique rend le dialogue très difficile. Comment faire converger les enjeux de production et ceux

de protection alors même que les organes de propositions sont différenciés.

Alors que le ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt s’organise pour la

création d’un Fonds Forestier Stratégique Carbone, le ministère du Développement Durable a lancé

début 2012 son fonds d’investissement pour la biodiversité et la restauration écologique21. Son

objectif est « d’apporter un soutien financier aux projets favorisant la protection de la biodiversité, la

préservation et la remise en état des continuités écologiques ». Les ressources du fonds proviennent

directement du budget de l’Etat et sont attribués par un comité consultatif. Le Fonds Forestier

Stratégique Carbone (sur lequel nous reviendrons à la fin de la première partie), pour sa part, se

donne pour ambition, entre autres : « la préservation des services écosystémiques et de la

biodiversité, l'accroissement de la mobilisation de bois (13 millions de m3 supplémentaires pour le

bois d'œuvre et le bois énergie), 40 % des surfaces non valorisées rendues accessibles (8 000 km de

dessertes forestières), la résorption du déficit commercial de la filière (500 millions d'euros/an),

[…]. »22

Ainsi, dans une période de forte tension budgétaire, on continue à scinder les questions

environnementales des questions forestières. On voit deux politiques qui se développent

parallèlement avec une volonté partagée de mieux intégrer la biodiversité dans un processus de

valorisation locale des services non marchands. Ce qu’il est intéressant de noter au passage, ce sont

les approches géométriquement opposées de ces deux ministères que l’on peut illustrer par :

- une approche Top-Down23 pour le ministère du développement durable qui part du cadre

international de la protection des espaces pour l’adapter au territoire

- une approche Bottom-Up24 pour le ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt qui

part de constats locaux pour bâtir un programme de développement national

Un facteur extérieur relevant de la prise de conscience citoyenne et de la sensibilité aux

problématiques du développement durable fait aujourd’hui pencher la balance en faveur d’une

logique de protection de l’espace et déplace peu à peu les enjeux de la filière vers la non production.

L’« éco certification » constitue alors le point de convergence de ces points de vue même si là encore

la construction de dispositifs communs relève plus de l’affrontement que de la synergie (PEFC vs

FSC).

La filière regroupée au sein de France Bois Forêt25 a souhaité mobiliser des moyens financiers

dans la mise en place d’une contribution au financement d’opérations d’intérêt collectif et

notamment d’un programme de communication : la CVO pour Contribution Volontaire Obligatoire.

21

In : Décret N° 2012-228 du 16 Février 2012 relatif au fonds d’investissement pour la biodiversité et la restauration écologiques – Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable du Transports et du logement 22 In : Assemblée Nationale - Question N° 125149 – Intervention de Mr Alain Vidalies (député des Landes) – Publié au JO le 6 Mars 2012 page 2043. 23 Approche dite descendant, du haut vers le bas 24

Approche dite ascendante du bas vers le haut 25 Interprofession sous la forme d’une association loi 1901 crée en 2004 et regroupant les propriétaires et gestionnaires forestiers, les pépiniéristes, grainetiers et reboiseurs, ainsi que tous les professionnels de la première transformation

Page 20: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

20

La CVO est payée par les professionnels du bois et par les propriétaires forestiers lors de la vente de

bois.

- Cette cotisation est volontaire, en ce sens qu'elle a été proposée par les organisations

professionnelles de la filière bois dans le cadre d'un accord interprofessionnel.

- Elle est obligatoire parce qu'elle donne lieu à un arrêté d'extension pris par le ministre de

l'Agriculture qui rend le paiement de cette cotisation obligatoire pour toutes les

entreprises de la filière et pour tous les propriétaires forestiers qui vendent à un exploitant

forestier, à une coopérative ou à tout autre acheteur de bois dès lors qu'il existe une

facturation.

La CVO est entrée en vigueur le 1er Septembre 2005 et ses moyens ont permis l’organisation

d’évènements importants pour la reconnaissance de la forêt et du rôle de la filière. Ainsi, on peut lire

dans le rapport moral de France Bois Forêt de 2011 que les priorités sont portées sur la

communication avec notamment la participation à l’évènement Nature Capital à Paris mais aussi à la

déclinaison de campagnes de communication vers des supports radios, web, télévisuel… Pour autant,

cette structure ne fait pas l’unanimité au sein de la filière et sa proximité avec les intérêts de grands

lobbys (pépiniéristes, coopératives…) tend à ternir l’image de ce regroupement. Malgré tout elle

constitue un début de structuration propre à porter un message fort auprès du grand public et des

décideurs sur l’importance de l’économie forestière en tant que filière d’avenir.

Mais alors, on peut s’interroger sur la légitimité des acteurs du débat en fonction du prisme

utilisé pour traiter un problème. C’est alors que, pour la première fois, le forestier pourrait être

dépossédé des questions forestières.

Ce qu’il faut retenir

- Deux ministères pour un même espace de travail. - Problème de chevauchement des politiques et de clarté du message porté par l’Etat. - Volonté des forestiers de se faire reconnaitre en tant que filière à part entière à travers

France Bois Forêt.

I.2.2 Des scénarios pour l’avenir

Si le forestier perd peu à peu sa place dans un débat autour de l’espace forestier et de ses

finalités, il convient de travailler alors sur une dimension plus prospective afin d’anticiper les

évolutions ou d’arrêter des décisions stratégiques lourdes.

A l’issue de la tempête de 1999, l’INRA et le CEMAGREF ont organisé la conduite d’une

expertise regroupant un nombre important de praticiens et de scientifiques afin de produire un

travail destiné à identifier l’aléa climatique tempête et les facteurs qui influent sur les forêts et les

arbres mais surtout à établir des recommandations sur l’importance de la reconstitution des forêts

dévastées.

Page 21: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

21

Un volet de cette étude nous intéresse plus particulièrement, il s’agit du travail mené par Isabelle

Savini et Bernard Cristofini, tous deux chercheurs à l’INRA, sur la mise en évidence de scénarios

d’avenirs pour la forêt et l’industrie du bois mais surtout sur la liaison avec les territoires. En 2000

déjà, des questions structurantes avaient été dégagées par cet atelier de prospective dont une

présente un écho à la problématique développée dans ce rapport :

- Le bois restera-t-il la production principale de la forêt française ?

Pour répondre à cette question une grille de scénarios, reproduite ci-dessous, avait été établie :

Figure 1 - Grille des scénarios - Des scénarios pour d'avenir pour la forêt, l'industrie du bois et leurs liaisons au territoire -

Isabelle Savini et Bernard Cristofini – Dossier de l’environnement de l’INRA N°20 –Octobre 2000

Les scénarios qui figurent sur cette grille ont l’avantage de se positionner dans une réelle

dynamique et d’identifier des leviers d’actions « réalistes ». La contiguïté des différents modèles

Page 22: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

22

proposés pose les bases d’une alternative où les conditions de passage d’un scénario à l’autre relève

de dimensions politiques et économiques plus seulement territoriales.

Cet étude s’inscrit également dans un cadre d’analyse plus global puisque l’option non bois a

été dégagée au regard de « plusieurs phénomènes de fond : la demande par une population en

majorité urbaine d'un accès d'usage au territoire rural ; l'artificialisation croissante de l'espace

agricole et le report de la demande d'espace naturel sur la forêt ; l'existence de craintes réelles

(fondées ou non) pour les équilibres globaux de la planète ».

Enfin l’option découpage/non découplage est encore aujourd’hui tout à fait d’actualité dans

les choix sur les outils de production et dans les stratégies d’investissements notamment dans la

perspective des critères du développement durable établie à Rio en 1992 et repris dans le chapitre IV

relatif au Dispositif institutionnel du développement durable Sous partie C Le pilier environnement

dans le contexte du développement durable 26 lors du Sommet Rio+20.

Ces propositions sous entendent également qu’il existe une valeur dans la non production

sans pour autant établir la détermination de cette valeur ou le levier qui permettrait de la mobiliser

et de l’orienter en forêt. Ainsi, peu à peu le débat glisse vers l’économie de la biodiversité et la

question du paiement pour service environnementaux.

Ce qu’il faut retenir

- Besoin d’un travail de prospective autour des types de production de la forêt. - Demande croissante d’une population à majorité urbaine d’un accès d’usage aux territoires

ruraux. - De l’économie forestière à l’économie de la biodiversité dans le cadre du développement

durable.

I.2.3 Internaliser les externalités environnementales

Derrière cette formule obscure, se cache en fait toute une réflexion autour de la dépendance

de nos sociétés contemporaines vis-à-vis du fonctionnement des écosystèmes. C’est en 1981 qu’on

parle pour la première fois de « services écosystémiques » (Erlich PR e Erlich AH) définies comme les

avantages que retirent les populations du fonctionnement des écosystèmes. Mais c’est entre 2001 et

2005 que le Millenium Ecosystem Assessment27 mettra en évidence que de nombreux écosystèmes

ont été dégradés alors même que la demande de leurs services est en augmentation. Pour illustrer ce

cas, nous pouvons prendre l’exemple de la Nouvelle Orléans qui fut ravagée par le cyclone Katrina en

2005. Les effets de la catastrophe ont été amplifiés notamment par l’intensité des atteintes à

26

In L’avenir que nous voulons, Relevé de conclusion Rio+20, Juin 2012, page 19 27 Travail d’expertise mené sous la houlette des Nations Unies ayant rassemblé plus de 1 300 contributions d’experts autour d’un état de santé des écosystèmes de la planète et de leur capacité à fournir un ensemble de services qui contribuent au bien-être des populations.

Page 23: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

23

l’environnement local28 (édification d’un barrage bloquant l’arrivée de sédiments dans le delta et

contribuant à la disparition de 250 000 hectares de zone humide par an, rectification du cours du

Mississipi pour la desserte du port de la ville, plaine côtière quadrillée de canaux pour notamment le

passage de pipeline de gaz et de pétrole…). Le coût environnemental des ouvrages d’acheminements

du pétrole et du gaz n’est pas inclus dans le coût global du produit fini créant un vide alors même que

les responsabilités sont identifiées.

Ainsi, intégrer les externalités écologiques revient à identifier des services ; les externalités

(qui peuvent être positives –filtration de l’eau ou négatives – érosion des sols), et à intégrer leurs

coûts de conservation ou d’amélioration dans les activités et services propres à rendre négatives ces

externalités écologiques. Cette notion a été, d’une certaine façon, modélisée par Pigou en 1920 avec

la « taxe Pigouvienne » qui posait le problème de la « désadéquation » entre le coût privé et le coût

collectif. Ainsi, cette idée préfigure la notion « d’empreinte écologique » puisqu’elle établit qu’un

agent économique qui veut faire correspondre son calcul économique privé avec le coût social de son

activité doit alors intégrer l’usage et l’impact de son activité sur la ressource environnementale. Il

faut qu’il internalise les effets externes de son action.

En France, la volonté d’instauration d’une « taxe carbone » en 2009 devait s’appuyer en

partie sur cette notion en élargissant le principe du pollueur payeur à toute activité économique

influant sur l’environnement. Ainsi, la Contribution Climat Energie devait s’appliquer à toute activité

non régie par le système de quotas carbone du protocole de Kyoto, donc aux ménages et entreprises.

En 2010, le qualitatif de taxe carbone et un prix de 17€/tonne de carbone sont retenus par le

gouvernement Fillon. Mais, la même année, le Conseil constitutionnel jugera que « les régimes

d’exemption prévus sont manifestement incompatibles avec l’objectif général de réduction des

émissions de CO2 et avec le principe d’égalité devant les charges publiques »29. Ainsi, le principe

d’une taxe carbone gérée par un Etat est abandonné, pour un temps, frappé d’inconstitutionnalité.

Citons alors le Théorème de Coase (Ronald Coase, 1960) qui amène un éclairage nouveau sur

les travaux de Pigou et donc sur la notion de taxe : « en l’absence de coûts de transaction

(coordination des activités des firmes), il y a intérêt économique à ce qu’une négociation s’instaure

directement entre pollueurs et victimes jusqu’à ce que survienne une entente spontanée sur le

niveau de pollution acceptable. L’attribution des droits de propriété n’importe que dans la mesure

où elle est un préalable au démarrage de la négociation entre les deux parties concernées.».

Toutefois Coase précise que l’intérêt de l’ensemble des individus doit être pris en compte et pas

seulement celui des victimes des externalités. Cette affirmation met en évidence la possibilité

d’internaliser les externalités par le système de prix hors de toute intervention publique.

C’est alors que nous pouvons reprendre la notion de paiement pour service environnemental

(PSE) évoquée plus haut. Ce mécanisme relativement jeune vise à favoriser les externalités

environnementales positives. « Le principe fondamental du PSE est le suivant : les utilisateurs de

ressources et les collectivités qui sont en mesure de fournir des services écologiques doivent recevoir

28

in « Katrina et la Nouvelle Orléans : entre risque « naturel » et aménagement par l’absurde », François Mancebo, European Journal of Geography, article 353, 12 Octobre 2006. 29 In Égert, B. (2011), « Politiques environnementales de la France: Internaliser les externalités globales et locales », Éditions OCDE.

Page 24: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

24

une compensation, et ceux qui bénéficient de ces services doivent les payer. Ainsi, ces avantages

sont internalisés. Il n’existe pas de définition généralement convenue des systèmes de PSE, mais

plutôt une série de classifications reposant sur le type de services environnementaux, la portée

géographique, la structure des marchés ou le type de paiement utilisé.[…] »30

Les marchés PSE constituent une structure particulièrement adaptable où une latitude de

construction assez large est possible. Retenons que les marchés PSE nécessitent une expertise

scientifique importante puisqu’une analyse fine des variables des écosystèmes permet de garantir le

sérieux et donc la fiabilité et la durabilité des sources de financement externes.

A ce stade, il est intéressant de lister quelques uns des marchés de PSE tels que les marchés

de services liés au bassin hydrographiques, les marchés des services de préservation de la

biodiversité, les marchés de services groupés (plusieurs services traités sur un même territoire) et les

marchés de la séquestration du carbone qui font l’objet du chapitre suivant. Une étude de 200231

concluait que seule la conservation d’au moins 70% de la forêt amazonienne permettrait de garantir

le maintien du régime pluvial du bassin de l’Amazone. Seulement et à ce jour, les mécanismes

existant pour protéger la biodiversité ne bénéficient pas encore de l’attrait financier que connait le

marché du carbone.

Ce qu’il faut retenir

- De nombreux écosystèmes ont été dégradés alors que la demande de leurs services est en augmentation.

- Problème de la « désadéquation » entre coût privé et coût collectif, la notion d’empreinte environnementale.

- La notion de paiement pour service environnemental (PSE) pour internaliser les externalités positives des écosystèmes.

I.3 Le carbone, un simple produit financier ?

Déjà évoqué dans les parties précédentes, la place du carbone dans le débat international

autour de l’évolution climatique est tout à fait prépondérante. Le rôle du dioxyde de carbone (CO2)

comme catalyseur principal de l’effet de serre a été démontré notamment par les travaux du GIEC32.

«[…] Les émissions mondiales de GES imputables aux activités humaines ont augmenté depuis

l’époque préindustrielle ; la hausse a été de 70 % entre 1970 et 2004. Les rejets annuels de dioxyde

de carbone (CO2) – le plus important gaz à effet de serre anthropique – ont progressé de 80 %

environ entre 1970 et 2004. […] En 2005, les concentrations atmosphériques de CO2 (379 ppm en

30 In « La paiement pour les services environnementaux : études et évaluation des systèmes actuels », Karel Mayrand et Marc Paquin, Unisfera International Centre, 2004 31 In Cloud and rain processes in biosphere-atmosphere interaction context in the Amazon region, Silva Dias et al. 2002, Journal of Geophysical Research. 32 Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a été créé par l'OMM et le PNUE pour évaluer les informations scientifiques, techniques et socioéconomiques permettant de comprendre les changements climatiques, leurs impacts potentiels et les options en matière d'adaptation et d'atténuation.

Page 25: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

25

2005 pour 280 ppm à la fin du 18ème siècle) ont largement excédé l’intervalle de variation naturelle

des 650 000 dernières années. La cause première de la hausse de la concentration de CO2 est

l’utilisation de combustibles fossiles ; le changement d’affectation des terres y contribue aussi, mais

dans une moindre mesure.[…]»33.

Même si des débats subsistent autour de l’intensité et de la rapidité du changement

climatique, il n’en reste pas moins que la relation entre concentration en CO2 dans l’atmosphère et

hausse des températures a été clairement établie. Aussi les Etats ont-ils souhaité réagir et s’engager

dans une voie propre à limiter les dégâts sur l’environnement qui, on l’aura compris dans le chapitre

précédent, impactent directement l’activité humaine.

I.3.1 La réaction des Etats : la CNUCC et le protocole de Kyoto

Le 15 Décembre 1993, l’Union Européenne ratifie la Convention Cadre des Nation Unies sur

les changements climatiques (CNUCC). Cette convention établit un certain nombre de principes clefs

pour la lutte internationale contre le changement climatique dont « la reconnaissance que le

système climatique est une ressource partagée dont la stabilité peut être affectée par les émissions

industrielles de CO2 […] »34.

C’est en 1995 que les Etats signataires de la CNUCC entament une réflexion sur l’élaboration

d’un protocole contenant des mesures de réduction des gaz à effet de serre pour la période

postérieure à l’an 2000 pour les pays industrialisés. Ce travail important aboutira à la création le 11

Décembre 1997 du protocole de Kyoto (du nom de la ville ou se tient l’adoption du protocole). Le

protocole s’attache à limiter les émissions de 6 gaz à effet de serre (GES) et en premier lieu le

dioxyde de carbone. Le protocole est constitué de deux annexes :

- l’annexe I qui liste les pays développés qui ont pris des engagements en terme de limitations et de réductions des émissions de GES. - l’annexe II qui précise les engagements de limitations et de réductions des émissions de GES pour chaque état signataire du protocole figurant à l’annexe I et pour une période d’engagement de 4 ans (2008- 2012).

Les pays contractants remettent ainsi chaque année au secrétariat de la CNUCC un inventaire

de leurs émissions de GES et devront, après 2012, restituer autant d’actifs carbone que leurs

émissions sur la période d’engagement. Pour ce faire, ils peuvent réduire les émissions sur leur

territoire, acheter des UQA (Unités de Quantités Attribués) à d’autres pays, ou investir dans des

projets réducteurs des émissions dans le cadre des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto.

Chaque Etat tient un registre de ces unités de carbone précisant leurs affectations et leurs usages.

Le protocole de Kyoto prévoit également des instruments dit de flexibilité pour réaliser les

engagements à un coût optimal. Ils constituent une série de moyens qui doivent permettre de

contribuer à la mise en place de politiques nationales de réductions des émissions (incitation au

33 In GIEC, 2007 : Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Équipe de rédaction principale, Pachauri, R.K. et Reisinger, A. (publié sous la direction de~)]. GIEC, Genève, Suisse, …, 103 pages. 34 http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/convention/items/3270.php

Page 26: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

26

développement de sources d’énergies renouvelables, promotion d’une agriculture durable…) et de

dégager des vecteurs de coopération avec d’autres parties contractantes (permis d’émissions, mise

en œuvre conjointe -MOC35, mécanisme de développement propre-MDP36).

L’Union Européenne à travers son Système Communautaire d’Echange de Quotas

d’Emissions (SCEQE) a choisi de créer un outil visant à favoriser les échanges de quotas de CO2 entre

industries soumises aux quotas : L’EU ETS pour European Union Emission Trading Schemes.

Avec une valeur de transaction de 107 Md€ en 2011, il s’agit du premier marché carbone au

monde (86% du total mondial). Depuis 2005, ce système plafonne les émissions d’industries

fortement émettrices de GES (production électrique, cogénération, chauffage urbain, production de

métal, ciment et papiers) par une allocation annuelle attribuée par les Etats (au travers du Plan

National d’Allocation des Quotas - PNAQ), de quotas échangeables. Suivant leurs besoins, les

industries peuvent ainsi vendre ou acheter des quotas, c’est le mécanisme souvent désigné par

l’expression « droits à polluer ». Notons que l’EU ETS fonctionne comme une bourse où le produit

spéculatif est l’unité de carbone, ce qui, en temps de crise économique, implique une extrême

volatilité du cours du produit qui suit simplement le niveau de la production industrielle comme en

témoigne le tableau ci-dessous :

Figure 2 Evolution du prix de la tonne de carbone sur le marché européen EU ETS source : BlueNext/ECX

Dans son bulletin mensuel du marché du carbone d’Octobre 2011, la Caisse des Dépôts

constatait que les prix du quota européen tendaient à être quasi-systématiquement sous évalués

depuis la fin de l’année 2009 (-30% de leur valeur en 2010, 7€/t de CO2 début 2009). Selon les

35 Mise en oeuvre conjointe (MOC) : instaurée par l’article 6 du Protocole, la MOC promeut des projets de réduction d’émissions dans les pays développés (de l’Annexe B) financés par un autre pays développé (de l’Annexe B). Le développeur de projet obtient un crédit URE (ERU en anglais pour Emissions Reduction Unit)

pour chaque tonne d’équivalent- CO2. 36 Mécanisme pour un développement propre (MDP) : instauré par l’article 12 du protocole de Kyoto, le MDP vise à réaliser des projets de réduction d’émissions dans des pays en développement (hors Annexe B). Le développeur de projet obtient un crédit URCE (CER en anglais pour Certified Emissions Reduction) pour chaque tonne d’équivalent dioxyde de carbone.

Page 27: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

27

analystes l’une des raisons est que les secteurs non énergétiques ont été particulièrement touchés

par le ralentissement de l’activité économique, augmentant l’offre de quotas à demande égale et

conduisant à un déséquilibre de conformité proche de celui observé en début de phase I (avant Mars

2008).

Toutefois, la crise économique n’explique pas tout et les raisons de cette sous-évaluation

semblent plus profondes. Ainsi, les épisodes frauduleux enregistrés au début de l’année 2010 (fraude

à la TVA évoquée en introduction) ont considérablement amplifié le manque de confiance des

acteurs dans le marché. Par ailleurs, l’équilibre offre-demande réel du marché est rendu encore plus

difficile à anticiper du fait de l’utilisation potentielle de crédits Kyoto (issu des outils de flexibilité cité

plus haut MDP, MOC), qui contribue à une augmentation de l’offre d’actifs carbone. Enfin, la

renégociation des quotas à partir de 2013 pour passer à un régime d’enchère majoritaire (diminution

des quotas alloués gratuitement par les états dans le cadre du PNAQ) ajoutent une inconnue dans

une équation qui devient plus complexe.

Les sommes générées par le marché des quotas sont utilisées pour l’investissement dans des

projets réducteurs d’émissions. On trouve pour la majorité de ces projets des investissements pour

limiter les émissions de GES sur des procédés de production d’énergie et de matières premières, les

projets liés à la forêt restent peu utilisés dans le cadre du marché réglementaire du CO2 malgré sa

contribution importante à l’absorption du dioxyde de carbone.

Ce qu’il faut retenir

- Le protocole de Kyoto établit les règles de la comptabilité « carbone » internationale. - L’Union Européenne s’est doté d’un grand marché du carbone à travers son EU ETS visant à

plafonner les rejets de GES d’industries classées comme polluantes. - On constate une extrême volatilité du cours ainsi qu’une forte sous-évaluation de l’unité

carbone du fait de phénomènes de concurrence entre types de crédits carbone.

I.3.2 La place de la forêt

Les forêts sont, après les océans, les plus importants puits de carbone. Elles compensent 19%

des émissions anthropiques annuelles de GES. Ce puits de carbone est assez bien réparti entre zones

tropicales et zones boréales et tempérées. Cependant, la déforestation et le drainage des forêts

marécageuses placent les forêts au cinquième rang des secteurs émetteurs de GES avec 11% des

émissions mondiales37.

Pour évaluer la quantité de carbone par surface de forêt, on utilise trois paramètres :

- Les compartiments (5 au total : biomasse aérienne, biomasse racinaire, litière, bois mort et

carbone des sols)

- les conditions locales (climat, sol…)

- le type de gestion (forêt primaire, courte rotation…)

37 In : Emissions from forest loss, Van der Werf et Al, 2009, Nature Geoscience vol.2.pp 737-738

Page 28: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

28

Le projet Carbofor (2004) concluait à un stock moyen par hectare de 550T CO2/ha (en prenant la

biomasse + le sol) sur le territoire français. Si le marché EU ETS permet de valoriser les bénéfices

carbone liés à la substitution de combustibles de matériaux par du bois, il exclut l’utilisation de

crédits générés par des projets carbone forestiers. Pourtant, l’influence de la forêt en matière de

lutte contre l’effet de serre est maintenant bien connue et relève de 4 fonctions :

Figure 3 Le cycle vertueux Source Le Carbone édité par France Bois Forêt en 2012

Ces 4 fonctions relève des 3 S pour

Page 29: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

29

Ainsi, deux leviers peuvent être mobilisés pour accentuer l’effet positif des forêts :

- augmenter le stock de carbone en forêt (amélioration de la gestion forestière) ou dans les

produits (travail sur la durée de vie du bois d’œuvre notamment)

- substituer par le bois des matériaux ou combustibles émetteurs (dans les limites de

l’exemple développé sur le bois énergie)

Le levier qui nous intéresse plus particulièrement est celui de l’amélioration de la gestion

forestière qui consiste à maintenir la forêt dans une dynamique de production et dans un état de

maintien de la fonction de « pompe à carbone » soutenu par la croissance des arbres. Il est établi

qu’une forêt arrivée au stade « d’équilibre » (cas des forêts tropicales) émet autant de carbone

qu’elle en absorbe. Il convient donc de valoriser le travail du forestier qui consiste à tirer parti de la

dynamique de croissance des arbres pour les orienter vers des productions susceptibles de répondre

aux besoins locaux (construction, énergie…) de manière durable. Les pays industrialisés peuvent

inclure dans le champ d’application du protocole de Kyoto article 3.4 l’activité « gestion forestière ».

Si le bilan net des flux de GES sur les forêts gérées correspond à une absorption nette, le pays

concerné peut alors disposer de l’équivalent en crédits carbone, de tonnes de CO2 fixées, à

concurrence d’un plafond qui, pour la France, a été fixé à 3,2 Mteq CO2 par an.

Toutefois, si le marché EU ETS interdit l’usage de crédits carbone issus de projets forestiers

(boisement/reboisement, amélioration de la gestion), il n’en reste pas moins que deux autres

possibilités s’offrent à la filière :

- Les marchés de la compensation volontaires où des agents économiques non soumis au

marché réglementaire souhaitent compenser leurs émissions de GES (50 fois inférieur au

marché réglementaire).

- Les mécanismes de projets du protocole de Kyoto (MDP, MOC).

Seulement et quel que soit le marché où le mécanisme utilisé, le projet devra répondre à trois

critères pour être certifiable et commercialisable :

- L’additionnalité : montrer que sans crédit carbone le projet n’aurait pas vu le jour du fait de

barrières financières, culturelles ou technologiques.

- La permanence : le carbone stocké dans une forêt ne l’est pas indéfiniment (risque naturel

notamment), il faut alors apporter des garanties en terme de durée et/ou d’assurance risque.

- Le non double compte : c’est la traçabilité du crédit valorisé, il faut démontrer que l’unité de

carbone générée n’est pas déjà comptabilisée notamment dans les réductions d’émissions

nationales.

Enfin, une méthodologie décrivant les méthodes de calculs des émissions/séquestrations du

projet par rapport à un scenario de référence doit être validée par une norme de certification. Cette

méthodologie doit être accompagnée d’un outil de monitoring (cahier des charges et tableau

d’indicateurs) qui, périodiquement, viendra vérifier la tenue des objectifs préalablement négociés. Le

problème majeur de la forêt est que les crédits sont générés à termes, à la différence d’un

investissement dans un filtre ou dans une chaudière bois énergie. Peut-on vendre des unités de

Page 30: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

30

compensation carbone potentiellement généré ? Qui prend en charge la mise en place de la

méthodologie et le travail de monitoring ? Ces questions soulevées en France notamment par les

travaux du Club Carbone forêt Bois trouvent aujourd’hui un début de réponse dans la formulation

d’un Fonds Forestier Stratégique Carbone par la filière. Il n’en reste pas moins que la valorisation de

la contribution des forêts par les marchés du carbone relève d’un cheminement compliqué où se

côtoient une diversité d’outils et une multiplicité de contraintes réglementaires.

Pour approfondir le sujet, je recommande la consultation du site de la caisse des dépôts et

consignation concernant les marchés du carbone : http://www.cdcclimat.com/Les-marches-du-

carbone.html.

Ce qu’il faut retenir

- Les forêts stockent 19% des émissions anthropiques annuelles mondiale de GES. - Le rôle de la forêt relève des 3 S pour séquestration, substitution, stockage. - Pour être commercialisable un crédit carbone doit satisfaire les critères d’additionalité, de

permanence et de non double compte établit par le protocole de Kyoto.

I.3.3 Des propositions concrètes pour 2013 : le Fonds Forestier Stratégique Carbone

Le 10 Juillet 2012, la filière Forêt Bois a présenté son projet forêt bois pour la France. Les

associations France Bois Forêt et France Bois Industries Entreprise ont conjointement travaillé un

ensemble de propositions visant à développer « une filière forêt bois à haut potentiel écologique,

économique et social »38. Les propositions formulées vont de la création d’emplois non

délocalisables, en passant par le maintien de la biodiversité et des services écosystémiques, le

respect des engagements biomasse énergie du paquet Energie Climat ou encore l’adaptation des

forêts au changement climatique. L’ensemble des mesures de ce projet s’appuie, pour leur

financement, sur la création d’un Fonds Forestier Stratégique Carbone.

En effet, une proposition de directive européenne39 prévoit l’évolution du système

d’allocations des quotas carbone. La Commission propose aujourd’hui d’ériger la mise aux enchères

au rang de principe de base pour l’allocation des quotas au nom de la nécessaire harmonisation des

règles d’allocation, de l’indispensable transparence dont le marché a besoin pour bien fonctionner,

et de l’efficience économique en vue d’éviter les effets non désirés de redistribution. L’ensemble des

États membres sont d’accord pour entériner le principe, sous réserve de trouver un compromis

acceptable pour l’allocation gratuite des secteurs exposés à la concurrence internationale.

Selon une étude du centre d'analyse stratégique40, les enchères de quotas pourraient, pour la

France, rapporter 20 milliards d'euros en 2020 dans l'hypothèse d'un prix du permis de 20 euros par

tonne de CO2. Les Etats auront l'obligation de consacrer au moins 50 % des recettes tirées de la mise

aux enchères des quotas à des actions tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. La

38

In Le projet forêt bois pour la France, FBF FBIE, plaquette de présentation, Juillet 2012, 39 In Directive 2009/29/CE modifiant la directive 2003/87/CE 40

In Note d'analyse n° 252 de novembre 2011 du centre d'analyse stratégique relative aux financements innovants au service du climat

Page 31: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

31

filière Forêt Bois revendique 25% de cette somme pour conduire son projet soit 250 Millions d’€ par

an en s’appuyant sur le fait que la forêt contribue déjà à l’heure actuelle à l’atteinte de cet objectif et

qu’elle est le seul grand puits de carbone national identifié pour la comptabilité Kyoto.

De plus, l’Union Européenne a proposé en Avril 2011 un modèle de taxe carbone harmonisée

(reprenant des travaux de 1992) pour éviter les distorsions entre les régimes de taxe carbone qui

pourraient être mis en place dans les différents états membres. Ainsi, la Contribution Climat Energie

française imaginée notamment par les travaux de 2009 de la conférence des experts sur la

contribution climat énergie présidée par Michel Rocard reviennent sur le devant de la scène. Cette

taxe viendrait compléter le marché EU ETS en élargissant le champ d’une contribution économique à

la lutte contre le réchauffement climatique aux ménages et aux entreprises. Il va sans dire que dans

la période de turbulence économique que l’Europe traverse, ce genre de débat n’a plus forcément sa

place. De plus, faire cohabiter un mécanisme de tarification par le marché (théorème de Coase) et un

mécanisme de tarification par l’impôt (taxe Pigou) nécessite « la convergence de règles européennes

régissant le marché avec les règles nationales41 ».

Les travaux du centre d’analyse stratégique évoquent que « la mise en place d’une taxe

carbone au niveau mondial permettrait de lever près de 30 Mds$ en 2020[…] ». On voit alors tout

l’enjeu pour les opérateurs de terrain à mettre leurs actions en phase avec ce discours global où les

services écosystémiques trouvent une valorisation économique à travers le marché du carbone,

étalon de valeurs du bien commun.

Ce qu’il faut retenir

- En Juillet 2012, la filière forêt bois a présenté son projet Forêt Bois pour la France. - L’Union Européenne a modifié le système d’allocation des crédits carbone pour passer sous

un régime d’enchères systématiques. - La filière Forêt Bois réclame 25% des sommes récoltées par l’Etat français pour alimenter un

Fonds Forestiers Stratégique Carbone.

41

In Prix du quota de C0² et taxe carbone : les choix économiques après la censure du Conseil Constitutionnel, Christian de Perthuis, Les cahiers du PREC, N°2 Février 2010.

Page 32: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

32

Conclusion : Le réveil de la forêt pour bientôt ?

Cette première partie avait pour objectif de « planter le décor » en replaçant la filière forêt

bois dans ses enjeux actuels propres. Malgré un intérêt confirmé par la multiplication des rapports

gouvernementaux, la forêt n’a pas su capter les moyens financiers nécessaires à son évolution. Ainsi,

au fil des années, les problèmes de nature structurelle amplifient les phénomènes conjoncturels

entrainant l’ensemble de la filière dans une véritable « spirale infernale ». De plus, le télescopage

des problématiques environnementales et économiques accentuées par l’émergence d’un nouveau

rapport social à l’espace créent peu à peu une défiance vis-à-vis du monde forestier qui, du fait de la

multiplicité de ses structures de représentations, s’avère tétanisé dès lors qu’il s’agit de porter un

discours transversal de filière. Si la mise en place de la Contribution Volontaire Obligatoire par la

filière bois à travers France Bois Forêt devait pallier le manque de reconnaissance de la filière, elle

commence tout juste à intégrer les enjeux plus larges autour de l’espace forestier dans ses travaux.

La réflexion autour des services environnementaux et de leur valorisation est, on l’a vu, assez

jeune. Pour autant, la sensibilité de la société aux problématiques climatiques et écologiques se

renforce, malheureusement, au fil des catastrophes naturelles et phénomènes climatiques

extraordinaires. Plus que jamais, la perception de la place de l’homme dans un équilibre planétaire

global apparait comme prépondérante. La forêt tient là les clefs de son avenir, c’est paradoxalement

pour ses fonctions de non production (au sens forestier du terme) qu’elle peut aujourd’hui faire

reconnaitre sa valeur.

Si les marchés du carbone permettent aujourd’hui cette valorisation, il convient de se poser

la question de leur efficience. Comme on l’a montré, la construction « in vitro » d’un système

européen ne permet pas de prendre en compte l’apport des forêts dans le traitement de la

problématique climatique. Encore un paradoxe puisque c’est cette capacité à fixer du CO2 qui

détermine pour la majeure partie l’allocation nationale de crédit carbone pour chaque pays

européen.

Il est donc urgent pour les forestiers de proposer un modèle qui viendra anticiper l’inévitable

évolution des règles européennes et internationales. Il parait curieux qu’un massif forestier comme

le massif français issue d’une tradition séculière de sylviculture ne puisse valoriser sa valeur ajoutée

sur les plans économiques, sociaux et environnementaux. Toutefois, il convient de rester vigilant car

dans ce débat les intérêts sont nombreux et les dérapages lourds de conséquences. C’est bien la

crédibilité du monde forestier qui se joue sur ces questions, d’autant que la majorité des opérations

de compensation carbone international sont aujourd’hui portées par des acteurs du monde de la

protection de l’environnement.

La partie suivante illustre au travers de l’exemple du Bas Dauphiné une possibilité de mise en

œuvre d’un projet forestier de compensation carbone sur le territoire national. Bien que ne

répondant pas à tous les critères des normes réglementaires internationales, ce projet a le mérite

d’identifier les freins mais surtout le cadre et les opportunités de développement pour la forêt

privée française de ce type de projet.

Page 33: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

33

Forêt de Bonnevaux

Massif de la Bièvre

Drôme des Collines

Forêt de Chambaran

Figure 4 - Le Bas Dauphiné - L Casset

Massif de Chambaran

Drôme des Collines

Massif des Bonnevaux

Massif de la Bièvre

St Jean de Bournay

La Cote St André

St Etienne de St Geoirs

Roybon Vinay

St Marcellin

St Donat sur Herbasse

Hauterives

Massif de Chambaran

Drôme des Collines

Massif des Bonnevaux

Massif de la Bièvre

Le Bas Dauphiné

Page 34: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

34

II Un outil pour répondre aux défis de la forêt privée : l’ASLGF du Bas

Dauphiné

Comme on l’a vu précédemment, la multitude des contraintes qui pèsent sur la forêt privée

implique la recherche de nouvelles solutions. Au-delà du morcellement du parcellaire et des

difficultés de l’exploitation forestière, c’est toute la problématique de la transmission du patrimoine

entre générations de propriétaires forestiers qui se pose, ou comment passer d’un état de

propriétaire à celui de sylviculteur42.

Une réponse originale à cette question a été formulée en Bas Dauphiné en 2009. On le verra

tout au long de cette partie, la mise en place de cette structure a constitué un préalable

incontournable pour la possibilité d’un travail sur la valorisation des services écosystémiques de

l’espace forestier.

II.1 Le Bas Dauphiné un territoire forestier sans culture sylvicole

La région forestière du Bas Dauphiné (au sens de l’IFN43) située sur les départements de

l’Isère et de la Drôme s’étend dans un triangle dont Bourgoin Jallieu au Nord, Romans sur Isère au

Sud et Voiron à l’Est constituent les angles. Bordée par les vallées du Rhône et de l’Isère, elle offre un

paysage de collines avec la présence d’une agriculture céréalière dans les vallées et de forêts sur les

reliefs (carte ci-contre – figure 4).

Cette zone plutôt rurale de 230 km² abrite 50 000 habitants principalement répartis dans les

villes de Saint Jean de Bournay, La Cote Saint André, St Etienne de Saint Geoirs, Hauterives, Saint

Donat sur l’Herbasse. La forêt occupe 30% du territoire (moyenne nationale à 25%) et est constituée

de peuplements forestiers feuillus traitées majoritairement en taillis simple44.

Figure 5 – Photo Le Bas Dauphiné, une forêt feuillus de plaines et collines - Source GAL Leader+ Chambaran

42

Qui met en œuvre la sylviculture 43 Institut Forestier National fusionné avec l’IGN en 2012 44

Peuplement ne comportant que des arbres issus de drageons ou de rejets auquel est appliqué le régime du taillis.

Page 35: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

35

Cette forêt est répartie en trois grands massifs forestiers à savoir les Bonnevaux autour de

Saint Jean de Bournay, les Chambaran près de Saint Etienne de Saint Geoirs et la Drôme des Collines

dont Saint Donat sur Herbasse constitue le centre. Ces trois massifs, s’ils sont très proches en matière

de peuplements forestiers, n’ont cependant pas les mêmes histoires. Ainsi la forêt de Bonnevaux fut

pendant plus d’un siècle la propriété d’une Abbaye (l’Abbaye de Bonnevaux fondé en 1117 détruite

en 1789) qui travailla à l’aménagement de nombreux étangs (plus d’une centaine) profitant de la

nature argileuse du sol. Chambaran fut pour sa part une réserve de bois stratégique pour l’industrie

locale et notamment à l’époque des Hauts Fourneaux et de la Canonnerie de Saint Gervais (1679). La

forêt de la Drôme des Collines pour sa part, fut de longue date parcourue par les troupeaux de

chèvres dont les fromages constituaient un revenu complémentaire pour les fermes locales.

Ces différents usages n’ont pas vraiment permis l’émergence d’une culture forestière locale,

et la nature généreuse des peuplements forestiers (taillis de châtaigniers pour l’essentiel) n’a pas

encouragé un travail sur les potentialités locales en termes de diversification des productions. La

pratique de la coupe rase à intervalle régulier (tous les 15 à 30 ans) reste la principale norme de

gestion forestière.

Ce qu’il faut retenir

- Le Bas Dauphiné est une zone de plaines et collines au pied du Vercors, longé par les vallées du Rhône et de l’Isère.

- 30% de son territoire est constitué de forêts. - La culture de la coupe rase à intervalle régulier fait partie de l’histoire locale.

II.1.1 Paradoxalement une économie forestière très dynamique

Avec plus de 12 scieries sur la zone, l’activité forestière reste cependant très dynamique. Ces

structures emploient au total près d’une centaine de personnes et mobilisent chaque année environ

50 000 tonnes de bois sur le massif. Cette activité participe au maintien d’exploitants forestiers, de

bûcherons, et de débardeurs et constituent aussi une activité complémentaire pour de nombreux

agriculteurs dans les mois d’hiver45.

Le piquet de châtaignier est la spécialité locale et représente 30% du volume des bois

transformés (60% en bois énergie – bûche et plaquette forestière). Cette activité est assez stable et

génère un volume de travail essentiellement tourné vers l’export (Europe du Nord – Belgique,

Allemagne, Danemark…). Le prix du piquet est assez homogène sur le massif et s’établit avec de

légère variations à 45€/tonne bord de route. Le bois de chauffage, pour sa part et compte tenu de la

position géographique du massif, reste le plus gros des volumes exploités. Les professionnels du bois

de chauffage commercialisent surtout des lots feuillus mélangés car le châtaignier pur subit une

image assez négative du fait de la présence de tanin dans son bois. Ainsi, on trie les bois durs

(chênes, charmes, châtaigniers, hêtres, robiniers faux acacia) des bois tendres (trembles, bouleaux,

aulnes glutineux) pour constituer des lots mélangés qui se vendent autour de 55€/tonne ou des lots

bois durs (en limitant le châtaignier à 10% du volume) qui se vendent 100€/tonne. Le bois d’œuvre,

45 In : Charte Forestière de Territoire des Chambaran – Rapport diagnostic – Mai 2007

Page 36: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

36

même si il est recherché, est beaucoup plus limité en termes de mobilisation. Pourtant, avec des prix

allant jusqu’à 200€/m3 (vente ONF 2012 de Charmes sur Herbasse – Drôme des Collines) les grumes

de châtaigniers sont très recherchées notamment pour la réhabilitation de bâtiments historiques

(parquets et charpentes). Mais on constate là tout l’impact de l’absence de gestion sylvicole car si on

produit un piquet de châtaignier en 15 à 20 ans il en faut 30 à 40 pour faire une grume, la tradition

de la coupe rase impacte donc fortement la rentabilité des forêts et le marché du bois.

Les ventes de bois se font la plupart du temps « à la bloc » et sur pieds46. Les coupes de taillis

de châtaigniers sont achetées suivant un prix/hectare qui varie pour l’essentiel suivant l’âge du

peuplement, la conformation de ses tiges, l’exposition de la parcelle et son accessibilité. En 2009, le

prix moyen constaté sur la zone des Chambaran était de 1600€/ha pour une parcelle de châtaigniers

de 20 ans, avec des lattes de 16 mètres, exposée Nord et située à moins de 100 mètres d’une place

de dépôt47.

L’émergence récente de la demande en plaquettes forestières (bois déchiqueté) est venue

perturber cet équilibre local avec des méthodes d’exploitations des forêts beaucoup plus

« industrielles»48. Ce phénomène qui a peu à peu pris de l’ampleur depuis 2010 est aujourd’hui

particulièrement préoccupant et a suscité une réaction de la part des représentants des propriétaires

forestiers locaux (voir « Inquiétudes autour du bois énergie en Drôme Isère » annexe 4). On le voit

encore ici, c’est ce manque de culture forestière qui conduit aujourd’hui à cet excès et est en train de

bouleverser l’équilibre de la valeur ajoutée locale des bois dans le tri des produits.

Les seuls freins à cette exploitation galopante sont le morcellement de la propriété forestière

et le manque de places de dépôt susceptibles de recevoir le matériel lourd utilisé (camion à fond

mouvant, broyeur, porteur, abatteuse), deux éléments qui, jusqu’alors, étaient pointés du doigt

comme un obstacle à la bonne gestion forestière.

Ce qu’il faut retenir

- 12 scieries en Bas Dauphiné qui commercialisent environ 50 000 tonnes de bois. - Le piquet de châtaignier, un produit de niche assez stable qui se vend essentiellement à

l’export. - Tensions sur les marchés du bois énergie qui crée une concurrence très vive entre produits

forestiers.

46 Le prix est fixé pour le peuplement dans son ensemble avant exploitation. 47

In : Opération de restructuration foncière forestière – Massif de la Bièvre– Conseil Général de l’Isère/CRPF Rhône Alpes/SAFER /Chambre d’Agriculture – 2007/2010. 48

In « la récolte non contrôlée de bois énergie met en péril l’avenir de nos forêts des plaines et collines », courrier des associations de propriétaires forestiers ABC/ADCF/APUB/VALFOR, Avril 2011 annexe 6

Page 37: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

37

II.1.2 Et classiquement une propriété forestière très morcelée

88% des forêts du Bas Dauphiné sont privées49. Il existe cependant une grande forêt

domaniale sur la commune de Roybon et des forêts communales assez importantes sur les

communes de Lieudieu, Chatonnay, Montrigaud, Saint Pierre de Bressieux et Moras-en-Valloire. Avec

plus de 75% de la surface forestière privée de moins de 1 hectare, le Bas Dauphiné correspond à la

moyenne constatée en Rhône Alpes (70%).

Les deux facteurs historiques qui sont à l’origine de ce morcellement sont les lointaines

dispositions du code Napoléon d’une part et la conformation des anciennes exploitations agricoles.

Le code Napoléon prévoyait lors des partages et successions la règle des parts équitables. Ainsi, les

forêts étaient divisées en parts égales entre chaque enfant, ce qui, au regard de la structure de la

cellule familiale de l’époque, représentait alors un nombre important de divisions. Ensuite, le

caractère poly-cultural des exploitations agricoles jusqu’au siècle dernier spécialisait les tènements

fonciers (le carré de pomme de terre, le carré de bois…) qui participait directement à la survie de la

famille. Le caractère quasi autarcique de ces exploitations conduisait notamment lors de

remembrement à l’attribution de lots destiné à répondre à ces besoins.

Pour en revenir à la structure foncière actuelle de la forêt, il faut distinguer deux formes de

morcellement : le morcellement parcellaire et le morcellement des comptes de propriétés. Une

étude menée en 2011 sur des communes de la Drôme des Collines50 a permis de constater que 68%

de propriétaires possédaient plus d’une parcelle pour une surface totale de 0,8 ha en moyenne, et

que la surface moyenne parcellaire était de 0,27 ha. Ces micro- parcelles provoquent un désintérêt

de la part de leurs propriétaires qui bien souvent ne savent même pas les situer sur le terrain et

encore moins les délimiter. Egalement, ce désintérêt s’illustre lors des successions avec l’oubli

volontaire et consenti des parcelles forestières dans les actes notariés. Ainsi, on ignore l’identité de 8

à 16% des propriétaires forestiers suivant les communes, créant les parcelles dites « biens vacants et

sans maîtres » qui pourraient devenir propriété de la commune après une procédure équivalente à

celle de la réattribution des concessions de cimetière. Cette initiative est assez rare d’autant qu’elle

porte sur des parcelles de taille tout à fait infimes. Enfin, dans le cadre du travail en Drôme des

Collines, on a constaté que 58% des propriétaires habitent à plus de 10 kilomètres de leurs parcelles

de forêt. Il s’agit là d’un élément majeur dans la perception du patrimoine forestier qui devient un

bien un peu flou, vestige de racines familiales sur une commune.

On relève également la présence de nombreuses parcelles en indivision ou en BND51 qui

ajoute au problème de l’identification des propriétaires. Ainsi, lors de l’opération foncière en Drôme

des Collines, on a identifié jusqu’à 12% de parcelles en indivision ou BND. Le paroxysme du

phénomène ayant été atteint sur une parcelle de 0,3 hectares, indivise entre 18 propriétaires.

Pourtant, il existe un attachement à la propriété forestière hérité des parents voir des grands

parents. Les forêts sont fréquemment « sacralisées », plus que les habitations dans certains cas,

parce qu’elle rappelle des souvenirs forts de moments partagés lors de la cueillette de champignons,

49

In : Données du cadastre 2009 50 In : Opération foncière canton de St Vallier– Conseil Général de la Drôme/CRPF Rhône Alpes - 2011 51

Bien Non Délimité : plusieurs propriétaires pour une même parcelle avec des surfaces attribués sur celle-ci sans qu’elles soient définies sur le terrain.

Page 38: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

38

à la chasse ou à la coupe. On constate, lors des opérations foncières, qu’un temps de réflexion, ainsi

qu’une visite des parcelles est souvent nécessaire avant une prise de décision même si le propriétaire

ignore où elle se situe et ce qu’il y a dessus. Dans un second temps, la définition d’un prix de vente et

la possibilité de la constructibilité de la parcelle allonge le temps de décision. Le fait que l’impôt

foncier ne soit pas recouvré sur ces petites parcelles (seuil de recouvrement sur la zone établi à 12€

soit 15 hectares de taillis) ajoute à l’indécision du propriétaire qui se dit bien souvent que si son bien

ne lui rapporte rien , au moins il ne lui coûte rien (à la différence de l’habitation précédemment

citée). Enfin, la question qui revient le plus fréquemment, inhérente à l’absence de culture forestière

est : « qu’est-ce que je peux en faire ? ». Compte tenu des surfaces évoquées, la réponse à cette

question est souvent délicate et encore plus lorsque la parcelle est enclavée au milieu d’autres

parcelles ou inaccessible du fait soit de l’absence de desserte soit de l’état de la desserte.

Une disposition récente issue de la loi de modernisation de l’agriculture de 2011 tend à

apporter une solution à ce vaste problème. Le « droit de préférence »52 impose lors de la vente

d’une propriété forestière de moins de 4 hectares à un acquéreur non contiguë la diffusion des

conditions de la vente aux propriétaires voisins qui peuvent alors exercer ce droit en achetant la

parcelle. Le but étant d’agrandir peu à peu les surfaces moyennes des parcelles. Mais le montant des

frais d’actes notariés (1000€ en moyenne) et la lourdeur de la procédure (lettre avec accusé de

réception et délai à respecter) parasite la mise en œuvre du dispositif. En effet, dans la majeure

partie des cas, les frais d’actes constituent jusqu’à 70% du montant total de la vente pour des

parcelles de moins d’un hectare et il faut souvent plus d’un an pour disposer de l’acte définitif. Les

conseils généraux de l’Isère et de la Drôme ont mis en place une aide à l’acquisition de parcelles

contiguës pour aider à la mise en œuvre du dispositif mais la grande inertie du système donne des

résultats souvent mitigés.

Une des pistes de dynamisation réclamée de longue date par le monde de la gestion

forestière est le recouvrement de l’impôt foncier dès le premier mètre carré avec une base unique (à

12€ par exemple) pour toutes les propriétés forestières de moins de 1 hectare. Cette mesure

nécessiterait la mise à jour des bases cadastrales ce qui après 30 ans d’abandon constitue une

gageure et, il va sans dire qu’avec 1,5 millions de propriétaires forestiers, politiquement, la

manœuvre est risquée.

Ce qu’il faut retenir

- 88% des forêts du Bas Dauphiné sont privée. - 75% des parcelles forestières en propriété privée font moins de 1 hectare. - Grande inertie du marché des forêts pour les surfaces de moins de 5 hectares.

52 In : Code forestier – Partie Législative – Livre V – Titre 1 - Article L 514

Page 39: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

39

II.1.3 La desserte en forêt : une partie de la solution

La desserte en forêt n’est pas techniquement compliquée en Bas Dauphiné, le relief assez

doux et la nature des sols (argile à galets) ne requiert pas forcément les méthodes employées en

montagne. Le coût reste assez maitrisé entre 2 000 et 5 000€/km quand on se situe plus près des 20

000 à 50 000€/km en montagne. En revanche, le positionnement, la conformation de l’ouvrage et

son statut juridique demandent réflexion.

On ouvre des routes et pistes forestières d’abord pour relancer l’exploitation sur des entités

homogènes. A ce titre, le Bas Dauphiné ne manque pas de voies d’accès en forêt. Seulement, la taille

et les méthodes d’exploitation ont beaucoup évolués. Quand auparavant, le tracteur agricole

renforcé (12 t hors charges) était l’outil de travail le plus utilisé, c’est aujourd’hui le camion grumier

(30t hors charges) qui doit s’approcher au plus près des parcelles pour éviter au maximum les

reprises de charges. Cette évolution fait que de nombreuses voies d’accès sont devenues obsolètes

du fait de leur faible largeur ou de la nature de la voirie (terrain naturel/ routes empierrées).

Ainsi, le principal problème en Bas Dauphiné ne réside pas dans la densité de voirie mais

dans son état, 80% des travaux de dessertes relèvent aujourd’hui de remises en état de voies

existantes. Ce problème est amplifié par le travail des forestiers en toutes saisons et par tous les

temps qui conduit à la création d’ornières et de points d’eau que les argiles tassés n’évacuent plus.

Vient ensuite le problème des loisirs motorisés qui sont à la recherche de ce genre de situation pour

faire usage des capacités de leur machine. Il s’agit alors d’une accumulation de facteurs qui

conduisent peu à peu à l’abandon de ces voies ou à la déviation par les parcelles voisines de l’axe de

la voirie pour contourner ces points noirs. On arrive alors dans des situations invraisemblables où

chaque exploitation utilise une voie différente parallèle à l’axe originel. Le statut juridique de ces

voies étant souvent à l’entrée chemin rural ou communal (de la responsabilité de la commune) puis

chemin d’exploitation (de la responsabilité des propriétaires desservies par l’axe) les entretiens

nécessaires à la conservation et à la remise en état des ouvrages ne sont jamais faits. Dans certains

cas, les déviations et contournements conduisent à la disparition de parcelles qui deviennent alors

des nœuds de circulation puis de vaste marais traversés d’ornières verrouillant l’accès au massif. Cet

état de fait conduit inévitablement à une surenchère au niveau des méthodes et moyens

d’exploitation. L’ouvrage étant détérioré mais desservant un beau massif, les exploitants forestiers

vont utiliser des engins propre à franchir l’obstacle et vont essayer de récolter le maximum de bois

pendant que la voie est « utilisable ». Puis, 15 à 20 ans après, lorsque la forêt a repoussé, c’est la

nouvelle génération d’exploitants forestiers qui se plaint du non entretien et qui demande la remise

en état de la voirie pour aller exploiter les forêts.

On comprendra qu’avec la tension sur les marchés du bois énergie, de plus en plus de

réserve sont émises sur la réalisation d’ouvrage d’art et notamment sur leur conformation. On hésite

aujourd’hui à rendre accessible les cœurs de massif à des camions qui pourraient être suivis de

broyeurs. De plus, la surenchère en matière de dimension et de poids des engins forestiers

nécessitent des aménagements lourds et donc coûteux : route empierrées, place de dépôt

stabilisées, place de retournement et niche de croisement. Plus ces engins vont pouvoir circuler

facilement, plus les coûts d’exploitation vont être diminués, plus on va chercher à exploiter le plus de

bois possible quitte à payer au prix fort. C’est donc un vrai dilemme auquel le forestier doit faire face

Page 40: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

40

aujourd’hui qui nécessite plus que jamais une réflexion sur la finalité sylvicole des parcelles

desservies au-delà de leur simple exploitation.

Ainsi, sur un massif, d’un commun accord avec les maires, les opérateurs de la gestion

forestière cherchent à asseoir des ouvrages d’arts stratégiques pour la desserte des massifs. On

procède à une implantation en arêtes de poisson, de sorte que l’épine dorsale soit empierrée et

régulièrement pourvue de place de dépôt avec des chemins d’exploitations en terrain naturel qui

viennent se raccorder à l’ouvrage principal. L’ouvrage principal est pourvu de barrières à l’entrée et à

la sortie et d’un arrêté municipal limitant la circulation et les périodes d’usages. Cette façon de

procéder permet de contrôler la détérioration de l’ouvrage et de pouvoir exercer un pouvoir de

police sur la partie la plus onéreuse de la voirie qui est reclassée juridiquement en chemin rural ou

voie communale pour l’occasion. On veille également à limiter l’impact de l’exploitation sur les

voiries publiques en évitant les sorties sur des routes qui ne supporteraient pas le passage répété de

camions grumiers en charge ou en imposant des limitations de tonnage ponctuelles.

Cette façon de travailler correspond à un idéal qui est assez rare à observer, là encore, le

manque de culture forestière aboutit à des actions ponctuelles qui peu à peu enclavent les massifs

forestiers (limitation de tonnage sur toutes les dessertes, installation de rond-point, implantation de

zones d’habitations le long des voies forestières limitant l’emprise). En 2011, une action coordonnée

par la Charte Forestière des Chambaran vise à établir un diagnostic de la desserte (statut juridique,

état et caractère stratégique), cette initiative a conduit à l’émergence de 3 projets totalisant plus de

5 kilomètres de voiries. La possibilité de regrouper ces projets a permis d’accéder à un seuil de

subvention de 80% (Europe, Etat, Région, Département). Il n’en reste pas moins que les conflits

d’usages, le désintérêt de la majorité des propriétaires à la gestion de leur forêt et l’évolution des

pratiques d’exploitation forestières ont tendance à freiner l’avancement des projets.

La desserte n’est donc qu’une partie de la solution à un challenge plus vaste : la gestion

durable et raisonnée d’un espace forestier, récolter moins mais plus souvent en recherchant la

valorisation maximale en fonction des potentialités forestières.

Ce qu’il faut retenir

- La desserte en forêt n’a pas évolué aussi vite que les engins utilisés à l’exploitation. - Le classement juridique des chemins pose de vrais problèmes en termes d’entretien de la

voirie. - On constate une multiplication des conflits d’usages entrainant la nécessité d’actions

coordonnées onéreuses.

Page 41: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

41

II.2 L’ASLGF, l’amorce d’une structuration locale de la gestion forestière

C’est dans cet état d’esprit qu’en 2008, un groupe de propriétaires forestiers issus des

Associations Bonnevaux Chambaran (ABC) et Drôme des Collines Forestières (ADCF) a choisie

d’engager un travail de réflexion en commun. Le CRPF Rhône Alpes, dont la mission sur les

territoires est d’accompagner l’émergence d’initiatives favorisant la gestion forestière, a alors été

associé. Cependant, il faut bien avoir à l’esprit que l’amorce de cette structuration locale est issue

d’un processus de réflexions basé notamment sur des expériences conduites sur les 10 dernière

années. Toujours en évolution depuis sa date de création en 2009, l’ASLGF du Bas Dauphiné devient

peu à peu une référence locale en matière de sylviculture mais surtout, elle est la suite cohérente

d’une action forestière entamée en 1985 par le CRPF Rhône Alpes aux côtés de l’Association

Bonnevaux Chambaran puis en 1992 avec l’Association de la Drôme des Collines Forestières. D’abord

outil de mutualisation de la gestion, l’ASLGF a su se servir de ses atouts statutaires et territoriaux

pour devenir un support du développement forestier local. C’est bien la valorisation d’un geste

sylvicole qui a permis à la structure de dimensionner la première opération nationale de

compensation carbone en forêt dès 2010. Et c’est surtout les conditions de transmission du

patrimoine forestier offertes par l’ASLGF qui séduisent de plus en plus de propriétaires.

II.2.1 Un travail de fond

Il faut remonter bien avant la date de création officielle de la structure pour en trouver les

origines. Comme il est évoqué dans l’introduction, c’est en 1985 qu’un personnel du CRPF Rhône

Alpes est affecté à un travail de structuration de la forêt privée sur le secteur des Bonnevaux

Chambaran. La première étape consistera donc à diffuser de l’information aux propriétaires

forestiers locaux sur les potentialités de leurs parcelles forestières et sur l’intérêt à se regrouper. A la

même époque est créée en parallèle l’Association pour le Développement Forestier des Bonnevaux

Chambaran, association loi 1901 dont l’objet est alors « la diffusion de l’information sylvicole, le

portage d’une assurance responsabilité civile groupée et la participation à toutes actions visant à

l’amélioration de la mobilisation, à la dynamisation de la gestion et à la valorisation des produits

forestiers locaux. »53 A cette époque, l’Association Bonnevaux Chambaran compte 67 adhérents dont

65%54 sont alors des agriculteurs qui, pour la plupart réalisent eux même les travaux dans leurs

forêts.

Les difficultés de la diffusion d’un message clair et homogène en forêt privée

A cet époque, le statut du personnel du CRPF Rhône Alpes est alors très spécifique puisqu’une convention de

travail avec, notamment, la coopérative forestière COFALP permet au technicien du CRPF de pratiquer un

certain nombre d’opérations relevant du secteur commercial (martelage…). L’essentiel du travail consistera

alors à organiser des visites de chantiers en forêts et de scieries mais aussi et déjà à donner forme à une

gestion groupée des parcelles forestières sous la bannière COFALP. Ce mode de fonctionnement se maintient

jusqu’en dans les années 2000 après une quinzaine d’années de conventionnement. Les activités sont alors

53

In : Statuts de l’Association pour le Développement Forestier des Bonnevaux Chambaran 54 In : Relevé des adhésions 1990 Association pour le Développement Forestier des Bonnevaux Chambaran

Page 42: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

42

scindées avec un technicien CRPF qui réalise du développement forestier et un technicien « coopérative » qui

réalise de la mobilisation de bois. En 2006, la COFALP est absorbée par la COFORET, qui devient l’une des plus

importantes coopératives de l’Est de la France. Puis en 2011, la loi de modernisation de l’agriculture réaffirme

le rôle des chambres d’agriculture en forêt privée. Aussi, les rôles parfois très proches de ces organismes

brouillent un peu plus le message des organes de développement de la forêt privée en Bonnevaux Chambaran,

entre l’accroissement de la gestion forestière porté par les CRPF, la dynamisation de la mobilisation prônée par

le mouvement coopératif, et la recherche d’une légitimité en forêt par les chambres d’agriculture. En Drôme

des Collines, l’histoire est moins ancienne puisque un technicien CRPF est affecté à ce secteur en 1992. Les

activités sont alors scindées entre le travail de développement forestier (CRPF Rhône Alpes) et le travail de

mobilisation (coopérative COFOVE qui sera absorbé par COFORET en 2003).

Ainsi, la vulgarisation de techniques sylvicoles pour l’amélioration du taillis de châtaigniers

est diffusée sur le secteur depuis au moins 20 ans. Cette action a permis de pouvoir récolter les

premières éclaircies de châtaigniers et de montrer les avantages d’une telle sylviculture. Elle a

constitué la base d’un travail de recherche important conduit en partenariat avec l’Institut pour le

Développement Forestiers. Malgré cela, on constate un vrai déficit dans le suivi de la gestion car,

avec sa dynamique de pousse très forte (voir exposition autour du châtaignier annexe 5), le

châtaignier nécessite un suivi régulier qui, lorsqu’il n’est pas effectué, conduit à rendre véritablement

contre-productive toute opération d’amélioration.

De plus, en 2005 est engagée sur le massif de la Bièvre (voir carte II.1 Le Bas Dauphiné, un

territoire forestier sans culture sylvicole) à proximité de la Cote St André une opération pilote de

restructuration foncière forestière volontaire. Cette action prise en charge financièrement par le

Conseil Général de l’Isère avec un partenariat CRPF Rhône Alpes/Chambre

d’Agriculture/SAFER/Association Bonnevaux Chambaran, a porté sur un massif forestier de 1 000 ha

regroupant pas moins de 10 000 propriétaires forestiers. Si cette opération a permis de doubler la

surface moyenne des parcelles aidées passant de 0,3ha à 0,6ha, il n’en reste pas moins qu’elle n’a

pas favorisée la récolte raisonnée des parcelles puisque pour rentabiliser leur achat, les acquéreurs

ont d’abord cherché à vendre la coupe. Le Conseil Général qui aidait à l’acquisition des parcelles

contiguë à hauteur de 50% des frais d’actes n’a donc pas souhaité poursuivre le programme, qui s’est

arrêté en 2010. C’est ce constat qui a poussé l’Association Bonnevaux Chambaran, dès 2008, à

réfléchir à une réponse à la demande des propriétaires acquéreurs : « comment faire mieux que la

coupe rase sur des parcelles de tailles réduites ? »

En Drôme des Collines, c’est la remise d’un rapport d’étude (conduit par le CRPF Rhône Alpes

en 2007) sur le chancre bactérien du châtaignier avec des conclusions assez alarmantes qui a

déclenché l’amorce d’une réflexion sur une gestion régulière des taillis pour faire face à la non

gestion, principal vecteur de diffusion de l’infection. A cela, s’est ajoutée une enquête menée par le

CRPF en collaboration avec l’ADCF auprès des propriétaires forestiers locaux pour connaitre leurs

besoins en terme de suivi de la gestion qui a permis de cerner les attentes et les orienter vers un

outil plus adapté.

A noter qu’en 2008, le secteur de travail du technicien du CRPF a été modifié pour couvrir

l’ensemble du Bas Dauphiné. Ainsi, le travail d’appui aux associations de propriétaires forestiers a

permis d’identifier l’émergence d’une attente commune en Drôme et en Isère. C’est donc un travail

Page 43: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

43

de rapprochement qui a été entamé afin de conduire la réflexion à l’échelle d’un secteur partageant

la même identité forestière : le taillis de châtaigniers.

Le travail en commun des deux conseils d’administration (ABC et ADCF), accompagné par le

CRPF Rhône Alpes, a permis de très vite distinguer la forme de l’Association Syndicale Libre (ASL).

Structure de droit privé, elle rassemble des parcelles représentées par leurs propriétaires. De plus, la

loi forestière de 1985 modifiée en 2001, permettait la création d’ASL de Gestion Forestière,

permettant d’étendre l’objet de cette structure à toute opération de gestion de la forêt en général.

En établissant son périmètre sur l’ensemble du Bas Dauphiné (Drôme et Isère) et en définissant son

rôle dans la structuration locale de la forêt privée (2 places réservées pour le président de l’ABC et de

l’ADCF au conseil syndical de l’ASLGF). L’ASLGF du Bas Dauphiné dont les statuts ont été approuvés

en Juillet 2009 par la préfecture de l’Isère (voir publication au journal officiel annexe 6) s’insère

parfaitement dans la dynamique du développement forestier local, comme un prolongement de

l’action des associations loi 1901 ABC et ADCF.

Figure 6 - Coordination inter structures en Bas Dauphiné - L Casset

Cette volonté est clairement affichée dans les statuts de l’ASLGF :

« Article 3 – L'association souhaite en appui à l'association pour le développement forestier des Bonnevaux Chambaran et de la Drôme des Collines Forestière : ▪ représenter localement la forêt privée en insistant sur sa spécificité et en se positionnant sur les programmes d'action concernant les forêts de Bonnevaux Chambaran et de la Drôme des Collines Forestière ▪ promouvoir le développement des fonctions écologiques et sociales de la forêt (accueil du public, ventes des menus produits de la forêt, aspects paysagers, régulation hydrologique, protection des sols…)

ASLGF

du Bas Dauphiné

Services aux adhérents:

Regroupement de la gestion

Assistance à la vente de bois

Support de valorisation des forêts locales

Association Drôme des Collines Forestières

Services aux adhérents :

Assurance Responsabilité Civile

(via Syndicat départemental)

Magazines de vulgarisations

Réunions de formation

(en collaboration avec le CRPF)

Association Bonnevaux Chambaran

Services aux adhérents :

Assurance Responsabilité Civile

(via Syndicat départemental)

Magazines de vulgarisations

Réunions de formation

(en collaboration avec le CRPF)

Page 44: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

44

▪ intégrer la sylviculture à l'activité rurale ▪ réaliser ou exploiter toute étude ou expérimentation à caractère technique, économique ou social de nature à améliorer la production forestière, la production et la commercialisation des bois locaux. Participer à tout projet de mise en valeur des produits des forêts locales. ▪ aider les propriétaires qui le souhaitent à élaborer des projets spécifiques ▪ participer aux actions visant à l'équilibre sylvo-cynégétique ▪ promouvoir ou participer à des projets de valorisation de ses produits. Article 4 – L'association syndicale a pour objet de gérer l'exécution de travaux et d'opérations d'entretiens proposés et acceptés par le propriétaire sur les parcelles syndiquées visées à l'article 1 et plus particulièrement les travaux en vue de : a. préserver restaurer ou exploiter les peuplements forestiers comprenant en particulier : - le regroupement des travaux sylvicoles des associés pour leur attribution à des opérateurs ou leur réalisation par un ou des salariés de l'association - le regroupement des produits et services forestiers des associés pour leur mise en marché afin d'en obtenir la meilleure valorisation possible. b. d'aménager et d'entretenir des voies et réseaux divers pour le compte des associés c. de rendre tout service visant à la mise en valeur et à la protection des propriétés et, en particulier : - la réalisation de plan simple de gestion et l'obtention de toute garantie de gestion durable, ainsi

que la certification des forêts associées - les négociations concernant des services rendus par les forêts du secteur à la collectivité. d. d'entreprendre toute action visant à améliorer la structure foncière de la propriété forestière du secteur de l'association. »55

En 2012, l’ASLGF du Bas Dauphiné compte 40 adhérents pour 650 ha de forêt gérés en

commun (voir « Activité et objectifs de l’ASLGF du Bas Dauphiné » annexe 6). Sur un territoire de

près de 60 000 ha de forêt privée, on prend conscience de la marge de manœuvre de la structure.

Ce qu’il faut retenir

- La construction de l’ASLGF est le résultat d’une action de fond commencée dès 1985 par le CRPF Rhône Alpes.

- Elle apporte des solutions quant à la transmission du patrimoine forestier mais aussi dans le traitement de la question du morcellement.

- Son action vient en appui de celles de deux associations loi 1901 de vulgarisation des techniques forestières.

II.2.2 Un fonctionnement original

Structure associative malgré tout, l’ASLGF doit son activité à l’engagement de bénévoles qui

forment le conseil syndical. Ce conseil est composé de 6 propriétaires forestiers adhérents et des

présidents de l’Association Bonnevaux Chambaran et Drôme des Collines Forestière. Dès la création,

les fondateurs de la structure ont souhaité une organisation opérationnelle et la moins chronophage

possible. Avec la difficulté de recrutement de bénévoles, il a fallu travailler un projet séduisant et un

mode de fonctionnement simple et efficace. Dans cet esprit, la structure ne souhaite pas gérer de

55 In : Statuts ASLGF du Bas Dauphiné modifiés le 25/05/2012

Page 45: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

45

personnel, ni assurer directement les opérations de comptabilité qu’implique la gestion de TVA.

L’ASLGF est appuyée par un technicien du CRPF pour un accompagnement technique (limité aux

opérations non marchandes), et par un régisseur qui assure la mise en œuvre des opérations de

terrain (activité marchande).

Ce n’est pas tant la valorisation économique instantanée de leur patrimoine qui motive la

majeure partie des propriétaires à adhérer mais bien les perspectives d’amélioration et de

transmission à long termes de leurs propriétés forestières. Les attentes des adhérents ne se situent

donc pas forcément sur la capacité de la structure à vendre des produits forestiers mais surtout sur

sa capacité à le faire dans de bonnes conditions technico-économiques. C’est tout l’objet de la

structure que de porter de façon concrète un projet de sylviculture locale.

Figure 7 – Les raisons de l’adhésion à l’ASLGF - Enquête auprès de membres de l'ASLGF Bas Dauphiné - Juin 2010 - L Casset

Pour ce faire, l’ASLGF s’est, dans un premier temps, rapprochée des élus locaux par

l’intermédiaire de la Charte Forestière de Territoire (CFT) des Chambaran. Après avoir présenté son

projet, ses difficultés et ses premiers résultats, la CFT a choisi d’accompagner l’ASLGF en prenant en

charge financièrement 35 jours par an durant trois ans (2009 à 2012) l’accompagnement du CRPF

Rhône Alpes. Sous la forme d’une convention tripartite entre ASLGF/CFT/CRPF qui établit le cadre

d’action et la nature de l’accompagnement apporté par le CRPF. Celui-ci a notamment en charge

d’appuyer le conseil syndical dans ses démarches administratives de demandes de subventions et de

communication, de suivi des adhésions. Le CRPF assure également un appui fort auprès du président,

du secrétaire et du trésorier dans la vie courante de la structure.

Pour la partie technique et marchande de son activité, l’ASLGF a souhaité bénéficier de

l’accompagnement d’un professionnel agrée de la gestion forestière. Après une tentative

infructueuse de rapprochement avec la coopérative COFORET (une ASLGF peut adhérer directement

à une coopérative), l’ASLGF a conduit un appel d’offres pour la réalisation d’un Plan Simple de

Gestion56 (PSG) groupé. Ce document est la base du fonctionnement de la structure et, on le verra, le

56

Le propriétaire d'une surface boisée de plus de 25 hectares doit présenter un Plan Simple de Gestion (PSG). La première partie consiste à décrire la propriété, ses peuplements et son environnement. Dans la seconde

36%

33%

19%

7%

5%

Les raisons de l'adhésion à l'ASLGF du Bas Dauphiné

Amélioration de la forêt

Transmission du patrimoineforestier

Augmentation de larentabilité du patrimoine

Accès aux programmes desubvention

Autres

Page 46: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

46

pivot du programme de compensation carbone. En effet, celui-ci détermine pour les 15 années à

venir l’ensemble des coupes et travaux à conduire sur les parcelles apportées à l’ASLGF. Le Plan

Simple de Gestion est un document de planification de l’action en forêt soumis à l’agrément du CRPF.

Le PSG est établi en cohérence avec le Schéma Régional de Gestion Sylvicole (SRGS) et est obligatoire

pour toutes les forêts de plus de 25 hectares. Il s’agit donc d’un acte fort et contraignant pour les

propriétaires d’un tel document de gestion durable puisque s’il permet l’accès aux différents

programmes de subventions (FEADER57, PDRH58, Conseil Régional, Conseil Général), il constitue

surtout une feuille de route qu’il convient de respecter sous peine de difficultés en cas d’écart

constaté.

Le premier appel d’offres conduit par l’ASLGF du Bas Dauphiné dès Octobre 2009 a donc

consisté en la rédaction d’un PSG par un homme de l’art agrée, pour l’ensemble des parcelles qui

n’en étaient pas pourvues auparavant. Ainsi, cette opération a porté sur 226 hectares qui sont venus

s’ajouter aux 250 hectares déjà pourvus d’un PSG individuellement

Le travail d’élaboration du document consistait principalement en la visite de toutes les

parcelles adhérentes puis en la proposition d’un itinéraire de gestion sylvicole59 au propriétaire de la

parcelle. Ainsi, le propriétaire était en droit de refuser la proposition qui lui était faite. Le rédacteur

du document avait cependant des objectifs clairement fixés au préalable par le conseil syndical avec

notamment l’interdiction de proposer la réalisation de coupes rases. L’ensemble des propriétaires

adhérents ont signés leur itinéraire de gestion sylvicole permettant dès Mai 2010 de disposer du

document. Notons que l’opération a été prise en charge à 80% par la Région Rhône Alpes qui, pour

encourager l’initiative, a attribuée 10 000€ à l’ASLGF. Les 2 000€ restant ont été collectés auprès des

propriétaires adhérents lors de l’adhésion. Ce « coup de pouce » a sans nul doute aidé certains

adhérents à franchir le pas. Le numéro d’agrément du PSG de l’ASLGF a été délivré en Juillet 2011

avec un document en deux parties :

- Une première qui apporte des éléments d’analyses du secteur (découpage en 4 sous

massif : Drôme des Collines, Bonnevaux, Chambaran de l’Est, Chambaran de l’Ouest) et

de la volonté de l’ASLGF

- Une seconde composée de l’ensemble des itinéraires de gestions validés par chaque

propriétaire.

Egalement, l’agrément du PSG a permis dans la foulée d’établir une adhésion groupée au

programme de certification PEFC pour l’ensemble des parcelles de l’ASLGF. Mais une fois ce

document établi, il a fallu trouver les moyens de le mettre en œuvre. D’où la réalisation d’un second

appel d’offres pour la mise en œuvre du PSG. Ici le Conseil Syndical a choisi de faire durer cette

prestation sur 5 ans permettant de se prémunir d’éventuels écarts de conduite de l’attributaire. Cet partie, le propriétaire indique la gestion qu'il compte suivre et précise le programme d'intervention. Le PSG est ensuite agrée par le Centre Régional de la Propriété Forestière. 57 Le FEADER finance, en gestion partagée entre les États membres et la Communauté, la contribution financière de la Communauté aux programmes de développement rural exécutés conformément à la législation communautaire relative au soutien au développement rural par le FEADER. 58 Le programme de développement rural « hexagonal » (PDRH) couvre l’ensemble du territoire métropolitain hors Corse. Il se compose d’un socle commun de mesures applicable dans l’ensemble des 21 régions et de volets régionaux spécifiques dont la programmation est confiée aux préfets de région. 59 Ensemble des interventions sylvicoles à réaliser dans un cycle sylvicole (et dans des types de peuplements donnés) pendant une durée déterminée.

Page 47: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

47

appel d’offres lancés en septembre 2010, a rencontré un succès moindre du fait notamment de la

réponse demandée. En analysant la charge de travail prévue au PSG on avait une idée de la charge

minimale de travail à venir pendant les 5 prochaines années. Il s’agissait bien de confier la régie des

travaux et pas les travaux en eux même. Fin Octobre 2010, un régisseur a été nommé. La démarche

de l’appel d’offres permet une vrai transparence mais demande un important travail en amont pour

établir la finalité de l’outil et la conduite du opérationnelle des actions.

Ainsi, on peut schématiser l’organisation de l’ASLGF de la façon suivante :

Figure 8 - Les rouages de l'ASLGF du Bas Dauphiné - L Casset

Pour la conduite des opérations de terrains sur les parcelles adhérentes, le régisseur s’appuie

d’abord sur le PSG groupé. Ainsi, chaque année, des surfaces de coupes et travaux sont prévus, le

régisseur prend alors contact par courrier avec les propriétaires concernés en leur faisant quatre

propositions :

- Réaliser les travaux par eux même : suivant les surfaces et les profils des propriétaires, le

travail du régisseur se limite alors au martelage de la parcelle.

- Les faire réaliser par une entreprise de leur connaissance : certains propriétaires ont des

habitudes avec des entreprises locales, le régisseur propose alors le cahier des charges

de l’ASLGF et assure le martelage et le suivi des travaux.

- Les confier à l’ASLGF : le régisseur procède alors au martelage, à la réalisation d’un appel

d’offres rassemblant l’ensemble des parcelles de l’ASLGF à traiter et adressé uniquement

aux entrepreneurs de travaux forestiers (ETF) ayant leur siège social dans le périmètre de

l’ASLGF puis au suivi des travaux.

- Enfin, le propriétaire peut choisir de repousser les travaux : cette possibilité est offerte

par une disposition légale de l’application d’un PSG qui offre le choix de réaliser

l’opération 5 avant ou 5 ans après la date inscrite au PSG.

• Appui du CRPF Rhône Alpes Conseil Syndical

ASLGF

Régisseur

Adhérents

Page 48: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

48

A noter que l’ASLGF n’assure pas de vente de bois, son action se limite à la réalisation de

coupes et travaux de qualité, le but étant d’amener le bois à port de camion dans les meilleures

conditions de récolte possibles. Ainsi, le propriétaire peut soit vendre son bois par lui-même soit

confier la vente de ce dernier au régisseur de l’ASLGF qui reprend alors sa casquette d’expert

forestier avec cependant des tarifs préalablement négocié avec le conseil syndical. L’expert forestier

retient 12% du montant de la vente pour des bois de moins de 50€/m3, 6% pour des bois entre 50 et

100€/m3 et 3% pour des bois de plus de 100€/m3. Ce fonctionnement permet une autogestion du

régisseur puisque plus celui-ci aura un travail de qualité plus les propriétaires lui confieront la gestion

de la vente de leur bois. Cette possibilité offre par ailleurs la possibilité pour les propriétaires de

continuer à vendre leur bois par eux même avec leur scieur habituel sans déroger aux objectifs du

PSG groupé.

Chaque année, se sont 40 à 60 hectares de forêt qui sont travaillés en commun. Le travail

réside principalement dans la réalisation d’éclaircies, opération sur laquelle nous reviendrons dans le

chapitre suivant sur le carbone. Ces surfaces de travaux permettent de réaliser des appels d’offre

conséquents avec cependant quelques difficultés à travailler avec des ETF60 ne maitrisant pas

forcément les techniques d’abattages à utiliser. En effet, l’ASLGF souhaite peu à peu contractualiser

des équipes de bucherons/débardeurs formées à la technique mais elle rencontre des difficultés à

fidéliser ces partenaires. Un travail sur les conditions tarifaires et sur une méthodologie « éclaircie »

est engagé pour l’année 2012 afin de solutionner cette difficulté.

Pour illustrer ce rôle, on peut reproduire le schéma suivant :

Figure 9 - L'ASL dans son rôle de catalyseur entre les propriétaires et les professionnels - E Esmenjaud -

AgroParisTech/Mémoire de fin d'étude - Juillet 2011

Ce qu’il faut retenir

- L’ASLGF fonctionne grâce à l’action coordonnée et préalablement délimité du conseil syndical, du régisseur et du CRPF Rhône Alpes.

- Le régisseur est en charge des opérations de terrain, c’est en quelque sorte le chef d’orchestre du PSG groupé.

- L’ASLGF est une interface entre les propriétaires et les exploitants forestiers, scieurs, élus locaux

60 ETF : Entrepreneur de Travaux Forestier. L’entrepreneur de travaux forestiers est un prestataire de services qui exécute des travaux spécifiques (exploitation du bois, reboisement, équipement forestier) à la demande de donneurs d’ordres.

Page 49: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

49

II.2.3 Des défis à relever

Outre la fidélisation de ses partenaires bûcherons/débardeurs, l’ASLGF doit faire face à

d’autres difficultés. Association sans but lucratif, la structure doit pouvoir équilibrer son budget, le

problème de la gestion des avances de trésorerie pour l’octroi de subventions (paiement de la

subvention sur facture acquittée) reste posé. L’ASLGF cherche actuellement des moyens de

constituer un fonds de roulement qui permettrait d’assurer de manière pérenne l’action en forêt.

Egalement, dans le contexte actuel de diminution des aides publiques la structure doit chercher de

nouveaux moyens pour appuyer la réalisation d’opérations d’améliorations sylvicoles déficitaires.

De manière interne, et face à l’augmentation des montants de travaux gérés (40 000€ pour

2012) une réflexion sur l’externalisation de la gestion de la TVA est en cours avec un rapprochement

possible avec le Centre d’Expertise Rural (CER). De la même façon, la perspective d’augmentation des

surfaces doit être anticipée avec le régisseur. Car si aujourd’hui l’ASLGF avec 650 ha occupe 60% du

temps de travail du régisseur, demain, avec 1 000 ha il en sera autrement (augmentation de 40 ha

par an en moyenne depuis 2009). Le but du conseil syndical étant de pouvoir disposer à terme d’un

prestataire à plein temps (sans s’engager pour autant dans un processus d’embauche).

Avec des demandes de subventions établies pour plus de 30 000€ pour 2012 (martelage,

éclaircie déficitaire, desserte forestière), l’ASLGF engage également une réflexion avec le CRPF Rhône

Alpes pour disposer d’un programme d’aide ajusté aux besoins et au cadre de mise en œuvre offert.

Ainsi, une action est engagée de manière coordonnée avec les 3 PSADER61 locaux (Drôme des

Collines, Bièvre Valloire, Sud Grésivaudan) pour définir la mise en œuvre d’aides sylvicoles

territorialisées couplant les moyens de la région et de des communautés de communes. Le but étant

d’identifier les opérations justifiant d’une aide, d’ajuster leurs montants et de définir un volume

financier prévisionnel annuel. Notons qu’en 2012, la Région Rhône Alpes a assoupli les règles

d’attribution de subvention pour le cas des ASLGF, les considérant non plus comme une structure de

regroupement mais comme une entité à part entière (annulant donc l’individualisation des dossiers

pour chaque propriétaire adhérent jusqu’alors nécessaire).

Le conseil syndical souhaite également établir en parallèle avec la rédaction du PSG et à

chaque nouvelle adhésion, une feuille de rentabilité des opérations proposées qui serait évolutive et

adaptable en fonction notamment des cours du bois. Un tel document aurait l’avantage de

permettre d’établir un taux interne de rentabilité pour chaque forêt, le but de la gestion groupée

proposée par l‘ASLGF étant d’atteindre des taux de rentabilité supérieurs à la moyenne nationale

(2,5%)62.

L’ASLGF va également renforcer sa communication locale. A cet effet et en plus de son site

internet « www.forestiersdubasdauphine.fr », le conseil syndical rédige actuellement une plaquette

de présentation et définit une nouvelle identité visuelle pour la structure.

Cette identité sera reprise sur des panneaux présentant les opérations sylvicoles directement

sur les chantiers forestiers et sur des autocollants. L’ensemble de ces opérations est rendu possible

61

PSADER : Plan Stratégique Agricole de Développement Rhône Alpes 62 In : Projet de loi d’orientation sur la forêt, Sénat, 2001

Page 50: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

50

par une implication financière forte des élus locaux puisque l’intégralité de la communication ASLGF

est prise en charge par la CFT des Chambaran.

L’ASLGF commence à devenir peu à peu une référence locale en matière de sylviculture et

apporte de nouvelles perspectives à la lutte contre le morcellement. Cette position amène de

nombreuses sollicitations allant du foncier en passant par la gestion de projets sylvicoles et la

valorisation des services rendus par l’espace forestier. Pour autant l’ASLGF reste un outil au service

des forestiers où le partenariat avec le CRPF Rhône Alpes reste primordial. Un travail de

collaboration/coopération pour arriver à un équilibre permettant d’apporter des réponses

opérationnelles est donc nécessaire.

On l’aura compris, l’ASLGF est une structure très « plastique » offrant une multitude de

possibilités à adapter en fonction des territoires. Ainsi, une petite dizaine d’ASLGF ont été créées en

Rhône Alpes depuis 2009 avec des formes et des objectifs tous différents mais cherchant à s’adapter

au plus près du contexte forestier local. Une coordination de ces structures est donc difficile même si

des opérations semblent pouvoir être mises en commun notamment en matière de comptabilité et

de mutualisation d’un secrétariat.

On reprend dans le tableau ci-dessous, les caractéristiques de la structure et sa capacité

d’adaptation à d’autres territoires

Menaces Opportunités

- Pérennisation de la structure en fonction de la dynamique du bénévolat

- L’empilement de structures peut finir de brouiller le message (ASL, association loi 1901, ASA, coopérative…)

- Structure qui nécessite un message

clair sur son rôle et sa façon de mettre en œuvre son objet (via PSG notamment)

- Objet légal assez large permettant l’adhésion à une coopérative ou encore la réalisation de ventes de bois

- Possibilités de contractualisation avec des ETF voir avec des scieurs

- Incorporation de la structure dans

un projet de territoire plus large (PSADER, CDRA…)

Forces Faiblesses

- Solutions aux problèmes du morcellement mais surtout à la transmission du patrimoine entre générations de propriétaires

- Spécialisation possible de l’outil

suivant un massif forestier, un type de peuplement, une technique…

- Possibilité de maitrise d’ouvrage de

projets locaux relatifs à la forêt

- Fragilité de la structure de gouvernance

- Rôle limité à celui d’interface avec le monde de l’exploitation et de la transformation

- Mode de financement et

comptabilité lourde pour un trésorier bénévole

Figure 10 - Analyse MOFF ASL GF au sein d'un territoire - L Casset

Page 51: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

51

La structure de l’ASLGF, si elle n’est pas exclusive, permet néanmoins de répondre à un

certain nombre de difficultés et peu devenir le socle d’une régénération locale de la sensibilité des

propriétaires à la gestion de leur patrimoine. Son objet peut être divers : protection des paysages

(ASLGF de Grâne), protection de l’eau (ASLGF des Moises) ou encore sylvopastoralisme (ASLGF de la

Montagne de Lure). Elle permet surtout de donner un interlocuteur influant directement sur la

gestion forestière locale et porteur d’un message à l’image des préoccupations de ses adhérents.

Enfin, si elle bénéficie d’un soutien public à la hauteur de ses engagements, elle peut devenir un

outil transversal pour le traitement de problématiques de territoires plus seulement ruraux. Ce sera

l’objet de la partie suivante.

Ce qu’il faut retenir

- L’ASLGF doit consolider sa position d’interface locale en fidélisant des bûcherons /débardeurs.

- L’ASLGF doit également trouver les moyens de générer un fonds de roulement pour gérer les avances de trésorerie.

- L’ASLGF est une structure souple et adaptable à de nombreux contextes mais repose toujours sur l’engagement de bénévoles.

Page 52: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

52

II.3 L’action « carbone » de l’ASLGF du Bas Dauphiné

Nous allons maintenant nous intéresser à une initiative originale et à ce jour unique de

l’ASLGF du Bas Dauphiné. Dans la perspective de la baisse des moyens alloués aux opérations

sylvicoles par l’état français, la région Rhône Alpes et les départements, le CRPF et la Fédération

Nationale des propriétaires forestiers de France ont engagé une réflexion autour de la valorisation du

geste sylvicole. Cette réflexion s’inscrit dans un champ large et transversal : qu’est –ce que l’action

du forestier apporte à l’écosystème local ? Comme on a pu le voir dans la première partie de ce

rapport, le rôle des forêts dans la séquestration de gaz à effet de serre est aujourd’hui évalué de

manière précise. Ces travaux scientifiques ont pu être mobilisés dans le dimensionnement d’une

opération de compensation volontaire des rejets gaz à effet de serre pour le compte d’un partenaire

extérieur.

II.3.1 Les conditions d’émergence du projet

L’appréciation de la capacité des forêts à stocker du carbone est un travail qui a déjà mobilisé

un certain nombre d’organismes de recherche. L’INRA, le LerFob et l’Institut pour le Développement

Forestier, pour les principaux, ont conduit de manière séparée ou de conserve, un certain nombre

d’expérimentation sur le sujet. Ces expérimentations ont donnés lieu à la publication de résultats

dont les principaux sont ceux de l’étude CarboFor (2004)63. Ainsi, la base de l’initiative

CRPF/FPF/ASLGF s’appuie sur cette question : comment valoriser une opération d’investissement

privée qui, au final bénéficie à l’ensemble de la société civile en matière de protection des

paysages, de l’eau, de la biodiversité et des potentialités forestières.

Le CRPF Rhône Alpes et l’ASLGF du Bas Dauphiné ont conduit une réflexion autour de l’avenir

des taillis de châtaignier. C’est cette réflexion qui a conduit à travailler la question de la

compensation de CO2 par l’intermédiaire d’opération d’amélioration de la gestion de la forêt. Aussi,

l’éclaircie de châtaigniers constitue à première vue une opération d’amélioration du peuplement

permettant de favoriser la production de produits à forte valeur ajoutée, il n’en reste pas moins que

sa réalisation permet également d’atteindre les objectifs précédemment cités. C’est aussi un moyen

de faire reconnaitre la responsabilité du propriétaire forestier comme acteur à part entière de

l’équilibre des écosystèmes notamment dans ses choix sylvicoles.

On travaille donc sur la valorisation du carbone séquestré par un projet de gestion sylvicole

amélioré. Ces projets (baptisés méthodologie IFM pour Improved Forest Management) ont pour

objectif « […] d’accroître le stock de carbone dans une forêt exploitée, le plus souvent en conservant,

voire en augmentant le volume récolté : le bénéfice « carbone » d’un projet est en effet mesuré

conjointement sur les stocks « forêt » et « produits ». Selon la terminologie Kyoto, ces types de projet

sont ceux qui sont implémentés dans « les forêts qui restent des forêts ». Plusieurs types de projets de

gestion sylvicole sont envisageables : substitution d’essences, modification des durées de rotation,

63 In : Séquestration de Carbone dans les grands écosystèmes forestiers en France. Quantification, spatialisation, vulnérabilité et impacts de différents scénarios climatiques et sylvicoles. LOUSTEAU Denis et al – Carbofor, INRA Bordeaux, Unité Ephyse, Programme GICC 001 « Gestion des impacts du changement climatique, GIP EcoFor, Juin 2004, 138p.

Page 53: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

53

surdensification des peuplements, conversion d’un taillis en futaie, fertilisation phosphorée, etc. Ces

projets ont un impact sur la productivité des forêts et donc sur la capacité de séquestration dans

l’écosystème […]»64. Egalement, le travail conduit par l’Institut pour le Développement Forestier en

2010 sur la sylviculture du châtaignier a permis de dégager l’apport d’un tel projet en termes de

séquestration de CO2 (voir PIN Chataignier – Projet Neuflize OBC/ASLGF du Bas Dauphiné annexe 7).

L’ensemble du projet repose sur l’abandon de la coupe rase au profit de la futaie irrégulière65

permettant ainsi d’assurer un couvert forestier minimum à travers le temps. Cette technique permet

de conserver la forêt dans une dynamique de croissance tout en continuant à l’exploiter

régulièrement. On lisse le rythme d’exploitation de la forêt de façon à récolter moins mais plus

régulièrement. Ci-dessous, la figure 9 compare la séquestration de CO2 entre un scénario référence

(coupe rase tous les 20 ans) et un scénario projet (coupes d’éclaircies à 7 et 12 ans puis coupes

d’amélioration tous les 10 ans).

Figure 11 – Evolution de la séquestration carbone dans un projet de conversion de taillis en futaie irrégulière - Source CDC Climat

64 In: Valorisation carbone de la filière forêt bois en France - DEHEZA Mariana, BELLASSEN Valentin- CDC Climat Recherche, Etude Climat N°20, 2010-4 65 La futaie irrégulière fait cohabiter sur une même parcelle des arbres d’âge et de dimension très variés. Elle peut être conduite pied à pied (on parle de futaie jardinée), par bouquets ou les 2 à la fois. Ce traitement s’appuie préférentiellement sur le renouvellement des arbres par voie naturelle.

Page 54: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

54

On voit très nettement l’apport d’une telle opération qui favorise la production de bois

d’œuvre augmentant ainsi d’autant la substitution « matériaux ». Aussi, après avoir établi les

conditions de mise en œuvre de la technique, l’ASLGF et ses partenaires ont conduit une première

expérimentation grandeur nature pour établir les conditions de l’opérabilité d’un tel projet.

Ce qu’il faut retenir

- Le projet de compensation est né d’une réflexion sur la place du forestier dans la société moderne.

- Des travaux de l’INRA, du Lerfob, de l’IDF et de la CDC Climat ont permis d’identifier l’apport d’une gestion sylvicole améliorée en matière de séquestration carbone.

- Le but est de garantir un stock minimum de CO2, on récolte moins mais plus régulièrement.

II.3.2 Un projet unique fruit d’un partenariat innovant

En 2008, l’ASLGF et l’association La Forêt pour Témoin66 ont conclu un premier partenariat

pour la compensation d’émissions de CO2 par la mise en œuvre de la technique décrite avant.

Portant sur 10 hectares d’éclaircie de châtaigniers, ce premier partenariat a permis de vérifier

d’abord des possibilités juridiques puis de la capacité d’une ASLGF à porter ce genre de programme

en servant d’intermédiaire avec ses adhérents. Au final, l’expérimentation a portée sur 6,5 hectares

de taillis pour 5 propriétaires engagés dans la démarche. Les principales difficultés identifiées ont

porté sur la rédaction des conventions de partenariat car l’objet ne pouvait être légalement la vente

de CO2 produit inconnu de l’administration fiscale. Pour pérenniser l’engagement « carbone » deux

conventions ont été réalisées. L’une entre l’ASLGF et La Forêt pour Témoin pour la mise en œuvre de

la compensation, l’autre entre l’ASLGF et les propriétaires volontaires pour pérenniser l’engagement

de compensation, contracté par l’usage de sommes dévolues à cette opération peu ordinaire. Au

final, l’ASLGF et ses adhérents ont souhaité céder 80t de CO2/hectares éclaircies pour la somme de

700€/ha. Cette vente permettait alors de couvrir environ 50% des frais de mise en œuvre de

l’éclaircie (abattage à bois perdu). Cette opération a permis d’apporter 4 550€ à l’ASLGF pour la mise

en œuvre de travaux sur les propriétés de ses adhérents volontaires.

C’est ce partenariat qui en 2012 a permis de renouveler l’opération sur une surface plus

conséquente et avec un nouveau partenaire. Contactée par l’intermédiaire de la fédération nationale

Forestiers Privés de France, l’ASLGF s’est vu proposer le renouvellement de l’opération « carbone »

avec pour partenaire la Banque Neuflize OBC67 (voir PIN Châtaignier Projet Neuflize OBC/ASLGF du

Bas Dauphiné annexe 7). Cette banque souhaitait compenser sur le territoire national 3 200 t de CO2

66

Association reconnue d'intérêt général sans but lucratif régie par la loi de 1901, déclarée auprès de la Préfecture de Hauts de Seine et référencée au Journal Officiel des associations du 6 août 2005. Elle a pour objet de "développer un ensemble forestier pour participer à l'amélioration de l'environnement". 67 La Banque Neuflize OBC filiale du groupe Néerlandais ABN Amro depuis 1977 est une des plus vieilles banques françaises. Son origine remonte à 1667 (Maison André à Gênes), elle a traversé les âges et les familles (Mallet, Schlumberger, de Neuflize) participant à la création de la Banque de France (en 1800, Guillaume Mallet est nommé régent de la Banque de France par Napoléon Bonaparte). Mais au-delà de son métier, la Banque Neuflize OBC a également crée en 2007 un fonds d’investissement (NOAM Planète) dans les entreprises engagées dans la lutte contre le changement climatique, elle s’est également vu remettre le prix de grand mécène par le Ministère de la Culture en 2009 pour l’ensemble de ses actions de mécénats.

Page 55: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

55

générées par son activité. Elle avait déjà des expériences en termes de compensation carbone

volontaire puisqu’elle évalue et compense ses émissions depuis 2007 par l’intermédiaire de projets

internationaux (Pérou en 2011). Ces 3 200 t de CO2 ont été vendues pour la somme de 10€/t soit

32 000€ destinés à financer des travaux d’éclaircies en forêt privée par l’intermédiaire d’une

structure de regroupement. Le projet porte ainsi sur 40 hectares de forêts adhérentes au PSG de

l’ASLGF et réparties de façon assez homogène sur l’ensemble de son périmètre. En reprenant le

schéma précédemment établi avec l’association la Forêt pour Témoin, le projet a, cette fois, intégré

d‘autres coûts tels que le martelage, le débardage des rémanents d’exploitation,... En effet, les

tensions sur le marché du bois énergie obligent un martelage préalable des parcelles (identification

des arbres à couper et des voies de circulation pour la vidange de ceux-ci).

Là encore, l’ASLGF joue le rôle d’intermédiaire entre le partenaire et les propriétaires

forestiers volontaires. Ainsi, les propriétaires n’encaissent pas directement d’argent issu de

l’opération de compensation, les sommes sont déduites de leurs quotes-parts travaux par l’ASLGF.

Cette méthode permet une garantie de l’usage des fonds et du respect du cahier des charges

des travaux. Enfin, sans ASLGF il aurait été difficile de regrouper 40 hectares d’éclaircies de

châtaigniers et sans PSG groupé il aurait été impossible d’apporter le niveau de garantie

légitimement réclamé par le partenaire financier.

Figure 12 – Photo Eclaircie CO2 Le Mottier - L Casset - 2011

Stocker 80t de CO2 à l’hectare revient à garder 120 à 150 tiges à l’hectare sur les parcelles (et

sur la zone de travail de l’ASLGF Bas Dauphiné). Comme on le voit sur la figure 10, il s’agit alors d’une

vraie opération de gestion forestière où les arbres à garder sont ceux qui font l’objet de la

compensation et qui seront exploités à la fin de l’engagement remplacés par d’autres grâce à la

technique de la futaie irrégulière (c’est pourquoi la durée d’engagement a été abaissée à 30 ans pour

le partenariat Neuflize OBC/ASLGF). Les arbres conservés peuvent avoir deux objectifs :

- Produire du bois d’œuvre pour une séquestration de CO2 optimisée dans la durée et par

unité de produit

Page 56: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

56

- Servir de brins « tire sève »68 pour favoriser le renouvellement du peuplement par des

arbres de francs pieds69 augmentant la dynamique de séquestration de CO2 à l’unité de

surface

L’opération fait donc appel à un homme de l’art pour la rédaction du PSG groupé et pour la

désignation des arbres puis à des entrepreneurs de travaux forestiers70 pour le

bucheronnage/débardage et enfin à des scieurs pour la valorisation des produits. On accentue ainsi

la dynamique locale autour de la gestion forestière et plus seulement de l’exploitation.

Il s’agit d’un élément fondamental du projet pour sa reconnaissance mais surtout dans sa

capacité à fédérer des acteurs endogènes et exogènes au territoire71.

Ce qu’il faut retenir

- Un premier partenariat avec l’association la Forêt pour Témoin a permis de dégager les conditions de mise en œuvre d’une telle opération.

- Le partenariat avec la Banque Neuflize OBC porte sur la compensation de 3 200 t de CO2. - L’objet de la vente est une opération de compensation permettant la séquestration de 80t de

CO2/ha sur 30 ans.

68 Brin conservé sur une cépée dans le but d’affaiblir la capacité de la souche à rejeter. 69 Tige issue de semence (non de rejet). 70 L’entrepreneur de travaux forestiers est un prestataire de services qui exécute des travaux spécifiques (exploitation du bois, reboisement, équipement forestier) à la demande de donneurs d’ordres. 71

Au sens des formations socio-spatiales du territoire qui dérivent du concept de « classes socio-spatiales » élaboré par Alain Reynaud en 1979

Page 57: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

57

II.3.3 Les perspectives et les critères de reproductibilité d’une telle opération

L’opération Neuflize OBC /ASLGF du Bas Dauphiné a permis de démontrer l’intérêt de la

réalisation d’opération de compensation carbone en forêt. L’approche « gestion sylvicole

améliorée » permet d’établir qu’au-delà d’une opération d’investissement privé la gestion forestière

répond à une demande de la société : la lutte contre le changement climatique. Mais revenons sur

les ingrédients qui ont permis de rendre possible cette action de compensation.

Figure 13 - Les bons ingrédients d'un projet de compensation - L Casset

Le niveau de compensation et les garanties apportées permettent d’établir le niveau de

sérieux du projet, l’idéal étant que ce dernier réponde aux critères du protocole de Kyoto qui ont été

abordés précédemment. Egalement, on travaille ici à la définition du cœur du projet, ce sur quoi il

porte et comment on établit sa valeur ajoutée.

La pérennisation des garanties et la légitimité de l’aide apportée relèvent de la nature de la

structure, de sa façon d’encadrer le projet et du dimensionnement économique de son action de

compensation. En effet, un propriétaire seul aurait bien du mal à atteindre les niveaux demandés par

les acquéreurs de produits de compensation. Une étude de la CDC Climat72 établissait le niveau

minimum d’un projet à 800ha pour que celui-ci soit valorisable sur les marchés du carbone. Alors,

comment garantir la pérennité d’un projet de manière isolée ? Ici, l’ASLGF offre une réponse

intéressante en traitant ces deux impératifs d’abord par le regroupement de parcelles (et plus de

propriétaires), par l’encadrement de l’action dans un document de gestion durable, son PSG agrée

pour une durée de 15 ans. Enfin, le dimensionnement économique de l’action relève d’éléments

concrets qui montrent que, sans l’action de compensation, rien ne serait fait. Ici, l’ASLGF s’appuie sur

les coûts réels de mise en œuvre de l’opération (coût martelage, abattage, débardage moins vente

des produits) et établit très clairement les freins économiques et idéologiques locaux.

72

In : Valorisation carbone de la filière forêt bois en France - DEHEZA Mariana, BELLASSEN Valentin- CDC Climat Recherche, Etude Climat N°20, 2010-4

Niveau de compensation et

garanties apportées

Pérennisation des garanties et légitimité

de l'aide apportée

Capacité à créer une dynamique locale en

réponse à une problématique globale

Projet de compensation

Page 58: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

58

Pour finir, il faut démontrer comment un projet local peut apporter une réponse à une

problématique globale. Sans anticiper sur la partie suivante, c’est la capacité à fédérer des acteurs

qui apportera une première réponse. La force du projet du Bas Dauphiné réside dans son

accompagnement par le CRPF, la Fédération Nationale Forestiers Privés de France et l’IDF mais aussi

par ses partenaires locaux Charte Forestière, Région Rhône Alpes… Mais en agrégeant aussi des

acteurs économiques autour du projet on renforcera également le rôle de catalyseur de la

compensation dans le cadre plus large de la gestion d’un patrimoine de façon trans-générationnelle.

Figure 14 - L'opération de compensation, une action ponctuelle d'appui à la pérennisation d’un patrimoine - L Casset

La vente de CO2 peut alors, également, agir ponctuellement comme un moyen de relance.

L’opération menée par l’ASLGF du Bas Dauphiné est donc parfaitement reproductible ailleurs dans la

mesure où une technique est préalablement identifiée, mesurée, expérimentée, validée et certifiée.

Un projet de compensation doit se prémunir des dérapages du green-washing73 et doit

absolument intégrer dans sa construction les dimensions plus larges du développement durable.

Ainsi, une coordination et une harmonisation des formes d’actions de compensation sont

impératives pour apporter la lisibilité et la transparence nécessaire à ce genre de projet qui pourrait

être qualifié de « fumeux », un comble pour une opération visant à capter des gaz à effets de serres !

Ce qu’il faut retenir

- L’opération témoigne de son sérieux en répondant aux critères du protocole de Kyoto. - On doit également démontrer l’intérêt du projet local dans un cadre global. - La limite entre opération de compensation carbone et mécénat environnemental est très

fine d’où un risque important de green-washing.

73

Le greenwashing, ou "blanchiment écologique", est le mot utilisé communément lorsqu'un message de communication abuse ou utilise à mauvais escient l'argument écologique.

Soutien à l’investissement en forêt

Protection d’un espace de vie

Maintien d’une activité en milieu rural

Production d’une matière première renouvelable et recyclable

Reconnaissance du service rendu par la forêt en matière de climat

Apport d’une valeur ajoutée durable au bois

Maintien de l’outil et des techniques de transformation Intérêt à la gestion du

patrimoine forestier

Vente de CO2

Page 59: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

59

Conclusion : L’ASLGF le support idéal pour la conduite d’opérations de compensation

carbone?

Avant d’être un support pour la compensation carbone, l’ASLGF tel quelle a été créée en Bas

Dauphiné correspond à un idéal formulé par les propriétaires forestiers du massif. L’adaptabilité de

la structure et sa capacité à porter un projet de sylviculture local plait beaucoup. Ainsi, en multipliant

par deux ses surfaces adhérentes en 2 ans, l’ASLGF du Bas Dauphiné a d’abord démontré sa

synchronisation avec les attentes des propriétaires locaux. Egalement, par son fonctionnement

original, clair et à but non lucratif, elle offre des possibilités de partenariat intéressantes pour être un

support d’actions territoriales (parmi d’autres) d’une charte forestière, d’un PSADER, d’un Plan de

Développement de Massif ...

Si son périmètre d’action est très large, l’ASLGF ne vise pas pour autant à rassembler toutes

les surfaces de forêt, sa volonté première est d’apporter une solution aux propriétaires désireux de

mettre en œuvre une gestion forestière durable et différente de la méthode traditionnelle de la

coupe rase. En travaillant sur les massifs feuillus, l’ASLGF doit surtout trouver les moyens de

préserver les exploitants forestiers et scieries du massif qui donnent de la valeur aux forêts du

secteur. N’oublions pas que les plus beaux arbres s’ils ne sont pas accessibles ou s’il n’y a plus

personne pour les transformer n’ont pas plus de valeur que du bois énergie. L’ASLGF se veut donc

d’abord être un support permettant aux opérateurs locaux de l’exploitation de mobiliser du bois

mais, dans des conditions établies et maitrisables.

L’ASLGF permet d’apporter un certain nombre de solutions aux problématiques évoquées

dans la première partie du mémoire. Par sa capacité à fédérer des surfaces, elle lutte contre le

morcellement de la propriété. En regroupant des propriétés de plus de 10 hectares avec des

parcelles de 10 ares elle ouvre la possibilité d’améliorer ces petites parcelles en massifiant l’offre de

travaux et en densifiant les opérations de terrains. Elle permet également de travailler à la desserte

de massif forestier. Elle permet de porter la maîtrise d’ouvrage de routes et pistes forestières et

donc d’assumer la responsabilité de la création puis de l’entretien de ces réalisations. En mutualisant

les surfaces, l’ASLGF est alors un support pour toute une palette d’outils visant à dynamiser la

gestion forestière en forêt privée. Le Plan Simple de Gestion groupé validé individuellement, mis en

œuvre collectivement, illustre parfaitement cette capacité

La structure de l’ASLGF du Bas Dauphiné lui a également permis de se positionner à la pointe

de l’innovation en forêt. En effet, son programme de compensation carbone par une gestion

forestière améliorée, le premier en France, a su mobiliser mais surtout fédérer des partenaires très

divers. Elle est donc également un support de l’innovation en forêt tout à fait crédible.

Pour conclure, n’oublions pas que cette structure n’est qu’un support et ne saurait vivre sans

la volonté des propriétaires forestiers, l’engagement des bénévoles et l’appui de partenaires d’abord

publics. Aussi, l’ASLGF n’est pas le support unique, il correspond à un choix formulé au sein d’un

territoire par ses acteurs aux regards des enjeux locaux mais surtout d’une réelle vision responsable,

éthique, de la place de la forêt dans un équilibre plus large celui de la planète et du rythme sylvicole.

Si on ne peut recréer cette convergence, on peut au moins en dessiner les contours pour en favoriser

l’émergence comme on le verra dans la dernière partie.

Page 60: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

60

III Le carbone forestier, outil de valorisation des services

écosystémiques

Cette dernière partie entend d’abord esquisser les possibilités offertes par la valorisation du

carbone dans un champ plus large : celui de la préservation des écosystèmes et de leurs équilibres.

Elle s’attache également à donner des points d’entrée pour la mobilisation de connaissances et de

moyens financiers propres à valoriser le rôle des forêts mais surtout du forestier. Elle aborde

également la question sensible du prix de la préservation des écosystèmes et des préalables

nécessaires à leur valorisation. Enfin, nous présenterons des pistes d’actions pour bâtir un projet

local dans un cadre régional répondant aux niveaux de garanties exigés par les règles internationales.

Ces éléments relèvent pour l’essentiel de réflexions personnelles issues de travaux de terrains

conduits notamment en Bas Dauphiné. Cela étant dit, le but final recherché est bien d’établir un

modèle reproductible sur d’autres territoires et générateur d’externalités positives reconnues par la

vente de crédits carbone.

III.1 Le carbone forestier pour valeur transversale

Comme on l’a vu dans la première partie, le carbone forestier relève d’une problématique

tout à fait transversale qu’il s’agisse de porter un regard économique, écologique ou social sur lui. A

ce titre, il est à l’image de la forêt : multiple par la variété de ses dispositifs et unique par sa finalité,

la réduction des émissions de GES. Aussi, si le traitement de cette question peut faire appel à un seul

champ de connaissance : celui du fonctionnement des écosystèmes forestiers, en revanche, il peut

mobiliser une diversité de moyens financiers permettant d’assurer la pérennité et le renforcement

de ses fonctions écosystémiques. Le marché des quotas carbone, tel qu’il existe aujourd’hui, est créé

autour d’un principe : limiter les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Deux leviers pour

ce faire, la taxation d’activités émettrices et l’appui à toute opération permettant de limiter ou de

capter les émissions. C’est ce deuxième axe qui nous intéresse plus particulièrement car si le prix des

quotas d’émissions est établi suivant des paramètres essentiellement économiques (niveau de taxe

suffisamment coercitif), l’allocation de moyens à des projets ne peut pas suivre la même logique. En

effet, il parait normal que le prix de la tonne de CO2 ne soit pas le même entre la mise aux normes

d’une centrale à charbon et le boisement de terrain en Afrique Subsaharienne. Dans un cas, le

carbone valorisé est celui issu de la limitation des rejets, dans l’autre de la capacité de séquestration

des forêts. Le carbone forestier qui avait été initialement exclu des débats du protocole de Kyoto se

voit ouvrir un nouveau champ de développement depuis les accords de Copenhague reconnaissant le

rôle de la forêt dans la lutte contre le changement climatique. Si l’Europe reste réticente à cette idée,

de nombreux pays à travers le monde74 mettent en place à l’heure actuelle des entités nationales

(fonds carbone) pour la mise en œuvre de mécanisme REDD+75 visant à orienter des moyens

financiers vers le secteur forestier dans les pays en développement. En France, si des Conseils

74 Australie, Indonésie, Etats Unis, Nouvelle Zélande, Japon… 75

Programme des Nations Unis Reducing Emissions from Deforestation and forest Degradations dans les pays en développement

Page 61: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

61

Régionaux ont déjà bâti leurs propres fonds carbone76, la voie pour la reconnaissance des services

forestiers en matière de lutte contre le réchauffement climatique s’ouvre seulement maintenant.

Ce qu’il faut retenir

- Le carbone forestier relève d’une problématique transversale - Le prix de la tonne de carbone doit varier en fonction des projets et pas des marchés

financiers. - Des Régions françaises mettent en place des fonds carbone.

III.1.1 Les conditions d’usage de l’expression « compensation carbone »

Le travail préalable à la valorisation du carbone forestier consiste à identifier un

dénominateur commun pour s’assurer de la cohérence d’un système potentiel. Ainsi, la capacité des

forêts à séquestrer du carbone forestier semble être un bon point d’entrée. Une vraie fausse

bonne idée serait de pouvoir qualifier de « compensation carbone » toute opération de plantation

d’arbres. Certains dispositifs confondent mécénat environnemental et opération de compensation

carbone définie dans les critères du protocole de Kyoto.

En effet, et comme on l’a vu, les règles internationales définissent un cadre pour la mesure et

la reconnaissance du rôle des forêts. La réflexion doit être conduite à partir de ce cadre. Il existe un

certain nombre de standards de certification des crédits carbones77 qui ont fait valider leurs

démarches par l’ONU. La difficulté n’est donc pas de faire certifier des crédits mais de créer des

projets dans le cadre préétabli de la limitation des GES et répondant à une norme technico-

économique de terrain. Si les marchés réglementaires de quotas carbone, semblent assez fermés à

ce genre d’opération, les marchés de la compensation volontaire se prêtent tout à fait à

l’accompagnement financier de ce type de projet. Ces marchés permettent également la négociation

en direct entre financeur et opérateur de la compensation, c’est pourquoi ils nous intéressent tout

particulièrement.

La clef du système réside dans la démonstration de l’additionnalité des pratiques. Il s’agit de

démontrer que l’action pour laquelle des financements carbone sont demandés revêt un caractère

« extraordinaire » avec, pour finalité, d’augmenter ou de pérenniser une séquestration carbone

moyenne par unité de surface. L’autre aspect, tout aussi important, qui doit être pris en compte pour

la forêt réside dans la séquestration de carbone à l’unité de produit. En effet, l’allongement de la

séquestration de CO2 dans une plaquette forestière ou dans une lame de parquet sont

complètement différents, et relèvent d’objectifs sylvicoles distincts et/ou complémentaires.

A ce titre, trois éléments établis par le protocole de Kyoto doivent constituer la base pour la

définition d’un projet et son qualificatif de compensation carbone :

L’additionnalité : déjà évoquée plus haut dans le sens du « mieux qu’avant » avec une finalité de

pérennisation et/ou d’amélioration de la séquestration carbone. Ainsi, ce critère peut être assez

76

Aquitaine, Midi Pyrenees… 77 Verified Carbon Standard, Carbon Fix Standard, Chicago Climate Exchange…

Page 62: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

62

réducteur car il exclut de ce fait certains types de forêt ou l’action de sylviculture conduirait à

diminuer le volume par hectare (cas des futaies surcapitalisées de montagne). On étudiera donc

également, l’effet d’additionnalité de la mise en œuvre d’un itinéraire sylvicole concourant à

diminuer les risques d’émissions de CO2 (baisse du risque incendie, ou de la sensibilité à la tempête).

La permanence : le projet doit démontrer de sa durabilité en prenant en compte les fuites

éventuelles78 et les risques liés à l’aléa climatique.

Le non double-compte : un crédit carbone ne peut pas être valorisé deux fois (dans la comptabilité

d’un Etat et dans un projet de compensation). Cependant le crédit carbone n’ayant pas été transposé

en droit français, il n’a pas d’existence fiscale (taux de TVA applicable ?). On s’attache alors à

valoriser une opération de séquestration carbone permettant la génération de crédits carbone

supplémentaires.

La piste travaillée, comme on l’a évoqué à la fin de la partie II, relève donc de la valorisation

d’une opération d’amélioration forestière. En d’autres termes, on cherche à valoriser le geste

sylvicole pour relocaliser la valeur du carbone. Pour autant, la définition du niveau de valorisation de

ce geste n’est pas uniforme et devra évoluer suivant les contextes et les types de projets développés.

Egalement, et pour traiter l’hétérogénéité de la forêt française, une approche projet est à

encourager. Elle a le mérite de contribuer à la redynamisation de certains territoires et dans certains

cas de déverrouiller des massifs (forêts périurbaines par exemple). Comme souvent, l’attrait financier

constitue un catalyseur pour le développement de ce genre d’initiative mais comment bâtir un

modèle là où le prix du produit (la tonne de carbone) est marqué par une volatilité extrême ?

Ce qu’il faut retenir

- Toutes les opérations en forêt ne relèvent pas forcément de la compensation. - On doit démontrer que l’usage de fonds carbone a permis de réaliser une opération

extraordinaire pour la culture locale. - Le carbone peut valoriser un geste sylvicole.

III.1.2 Le carbone a-t-il un prix ?

A la lecture des différents rapports et études menés sur le sujet79 on peut se demander si la

fenêtre d’analyse est la bonne : à savoir, donner un prix unique du carbone. Dans la majorité des

études techniques on cherche à établir ce prix en fonction d’externalités positives (produites par les

écosystèmes) et négatives (produites par l’activité humaine). En fonction des marchés et des

mécanismes on constate une variation extrême du prix unitaire de la tonne de CO2 allant de 10€/t en

moyenne sur les marchés volontaires à 6,54€/t sur les marchés réglementés et pour monter jusqu’à

25$ pour les crédits CER générés par le mécanisme MDP80. En 2012, l’étude de la reconnaissance des

78

La réduction de la mobilisation à un endroit donné peut conduire à un déplacement de cette mobilisation, éliminant le bénéfice du projet. 79

Voir bibliographie - Carbone 80 In : CDC Climat Recherche – Les marchés du carbone - 2011

Page 63: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

63

biens publics sociaux et environnementaux menée par le GIP Massif Central81 évaluait la valeur non

marchande (reprenant les usages récréatifs, la valeur de la séquestration et du stockage de CO2 et les

services écologiques) des forêts du territoire concerné entre 1081,1 à 1098,5 M€ pour une valeur

marchande établie entre 105,2 et 111,4 M€. Ainsi, d’après cette étude la valeur des forêts du Massif

Central relèverait pour 90% d’une valeur non marchande ! Beaucoup de travaux ont été conduits

autour de l’évaluation financière des services éco systémiques mais la plupart de ces travaux ne sont

pas mobilisables directement. « Leurs résultats étant le plus souvent exprimés en consentements à

payer individuels, la construction de valeurs globales devient très délicate dès lors que l’écosystème

étudié diffère de celui d’où les résultats proviennent »82. Construire une norme de calcul pour

chaque écosystème relève d’un travail de Sisyphe d’autant plus lorsqu’on incorpore au travail la

dynamique de l’évolution climatique.

La piste la plus prometteuse semble être une définition du prix par projet et une mobilisation

de moyens financiers à travers des engagements préétablis. Aussi, le carbone forestier n’a pas un

prix mais bien plusieurs, en fonction des territoires, des types d’actions entrepris et surtout de

l’intensité de l’effort consenti à la pérennisation qualitative et quantitative des services

écosystémiques. Aussi, je parlerai de « prix projet » et garderai la tonne de CO2 comme unité. La

tonne de CO2 forme ainsi une sorte de prisme qui englobe la somme des valeurs des services éco-

systémiques (eau, air, biodiversité, sol, paysages…) et donc des externalités positives. Le prix du

carbone est composite et doit s’adapter à chaque projet, il convient d’établir des variables propres à

déterminer son prix final. On cherche à relocaliser la valeur du carbone dans une opération de

sylviculture identifiée et mesurable.

Nous vous proposons dans les lignes qui suivent une méthode élaborée suite à l’opération de

compensation carbone en Bas Dauphiné.

Le premier travail dans la détermination d’un prix projet, consiste à mesurer l’effort

nécessaire pour passer (pérenniser) de l’état actuel vers l’état souhaité (principe de l’ingénierie

reverse). Cet effort relève de trois dimensions qui se complètent et constituent le bloc « base » :

81 Etude prospective, le massif central territoire pilote pour un nouveau modèle de développement : de la reconnaissance des biens publics sociaux et environnementaux à un projet de territoire pour 2020 – Rapport final - Groupement d’Intérêt Public Massif Central – Juin 2012 82

In : Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, contribution à la décision publique - CHEVASSUS-AU-LOUIS Bernard, SALLES Jean Michel, PUJOL Jean Luc – Centre d’Analyse Stratégique, Avril 2009.

Page 64: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

64

Figure 15 – Le bloc Base - L Casset

Le bloc base reprend donc l’ensemble des informations économiques du projet et établit un

coût total de l’opération. Ce coût total peut également intégrer, dans une certaine mesure, ceux liés

à l’élaboration des conditions d’émergence du projet (action de regroupement de la gestion par

exemple). Dans sa partie technique, il définit les orientations opérationnelles du projet et la façon de

les suivre puis il incorpore les éléments économiques pour atteindre ces objectifs et enfin relève un

niveau minimum propre à susciter l’intérêt des propriétaires forestiers et opérateurs techniques. On

arrive à un prix global pour la réalisation de l’opération.

Le deuxième travail relève de la pérennisation qualitative et quantitative des externalités

positives recherchées. Là encore on travaille sur plusieurs variables qui viendront, cette fois, et dans

un second temps, minorer le « bloc base », c’est le « bloc permanence ».

Figure 16 – Le bloc Permanence - L Casset

Tech

niq

ue

- On identifit la ou les techniques susceptible de générer des externalités postives à engager

- On établit le périmètre de l'opération (itinéraires techniques, surface à traiter)

- On dimensionne les outils de mesures et de suivi nécessaires

Eco

no

miq

ue

- On établit l'effort financier nécessaire à la réalisation de l'opération par rapport à un scénario classique

- On intègre l'echelle forestière locale pour mesurer le temps d'investissement nécesssaire à la réalisation des objectifs

Cu

ltu

relle

- On identifit les freins culturels à la réalisation de l'opération (du côté des opérateurs comme des bénéficiaires)

- On définit un niveau d'accompagnement propre à engager une dynamique locale durable

Conditions de pérennisation quantitative

Conditions de pérennisation quantitative

- Taille critique du projet pour en

maximiser les effets

- Garanties apportées pour assurer la

permanence des externalités générées

Conditions de pérennisation

qualitative

Conditions de pérennisation

qualitative

- Pertinence de l'outil de suivi des effets dans

le temps

- Dispositions contractuelles

permettant l'atteintes des objectifs

Page 65: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

65

Le bloc « Permanence » vise à apporter un niveau de garantie suffisant pour répondre aux

exigences règlementaires (protocole de Kyoto) de la compensation carbone dans le cadre de la

génération de crédits potentiels. On va donc minorer le bloc « base » en fonction des conditions de

mise en œuvre du projet. Les conditions de pérennisation quantitative visent à évaluer les garanties

apportées par le projet pour assurer la durabilité de la séquestration de CO2 ainsi que l’effet de

massification du projet suivant la conformation des surfaces mobilisées. On s’attache à identifier le

type de garantie (mise en réserve de surfaces, de moyens financiers ou de tonnes de CO2) et la

localisation des surfaces intégrées au projet (surfaces éclatées, travail par massif…). Le but de cette

évaluation est de démontrer que le projet a intégré une dimension temporelle dans sa construction

et une dimension opérationnelle dans sa mise en œuvre. C’est dans ce bloc que l’on peut intégrer la

variable changement climatique en étudiant la prise en compte du phénomène par le projet.

L’impact du « bloc Permanence » peut être neutre si toutes les conditions sont réunies mais peut

minorer de manière très forte le prix projet si un niveau minimum de garanties et de réponses aux

exigences réglementaires n’est pas atteint. Ainsi, si les critères du protocole de Kyoto en termes

d’additionnalité et de permanence ne sont pas mis en évidence de manière satisfaisante, on pourrait

appliquer une minoration maximale de 50% sur le montant total du projet.

Enfin, on intègre une dimension de contexte local pour jouer sur le dernier levier : l’effet de

marché, l’offre et la demande. Intégré dans son territoire, le développement de tel projet prend tout

son sens, il contribue à la compensation d’émissions générées sur le territoire et peut donc,

légitimement mobiliser des moyens financiers issus des agents économiques locaux (collectivités

locales, industries, ménages…). Cette dernière variable forme le bloc « convergence ». Ce bloc vise à

valoriser la pertinence du projet (dans ses dimensions physiques et partenariales) et le niveau

d’engagement apporté par les opérateurs de la compensation.

Figure 17 - Le bloc Convergence - L Casset

Bloc convergence Bloc convergence

Incidence sur l'économie

locale

Incidence sur l'économie

locale

Prise en compte du

développement durable

Prise en compte du

développement durable

Transversalité des thématiques

traitées par le projet

Transversalité des thématiques

traitées par le projet

Réponses aux attentes

sociétales

Réponses aux attentes

sociétales

Prise en compte de la

biodiversité

Prise en compte de la

biodiversité

Objectifs locaux de réductions

des émissions de GES

Objectifs locaux de réductions

des émissions de GES

Page 66: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

66

Ce dernier niveau d’analyse doit identifier en quoi le projet s’inscrit dans une cohérence

locale (économique, écologique et sociétal), en quoi il répond aux attentes des partenaires

(engagement en termes de réduction des émissions de GES) et à la dynamique du développement

durable (transversalité de la réponse apportée). Ce bloc a surtout pour but de lisser la minoration

du bloc « permanence » face au niveau des exigences réglementaires afin d’encourager les

initiatives territoriales.

Pour résumer, la détermination d’un prix projet t/CO2 s’agrège donc autour de 3 blocs. Le

bloc « base » constitue le socle du dispositif avec un chiffrage réel du coût de l’opération, les blocs

« permanence » et « convergence » viennent minorer de leur moyenne le bloc « base » en fonction

des facteurs précités. Notons que la minoration maximale ne pourrait excéder 50% pour chacun des

blocs « permanence » et « convergence ». Ainsi pour un projet qui ne répondrait pas au bloc

« permanence » (minoration de 50%) et de manière partielle au bloc « convergence » (minoration de

20%), on arriverait à une minoration du bloc « base » de 35%. C’est-à-dire que le projet de

compensation serait vendu pour 65% de sa valeur totale.

Figure 18 - Construction du prix projet - L Casset

L’avantage de la construction d’un prix projet comme elle vous est présentée ici est d’éviter

tout débat autour de la valeur de la biodiversité et de limiter l’effet des soubresauts de l’économie

sur la valeur du carbone. On s’attache à identifier un mode d’action et un point de bascule pour la

réalisation de celui-ci. On reconnecte ainsi le prix du carbone avec son coût de séquestration réel.

Mais en intégrant les services écosystémiques dans la construction de la valeur du crédit (valeur

chapeau), on n’incite pas forcément à l’augmentation de la séquestration de CO2 par unité de

surface. Ainsi, dans le cas d’une forêt de montagne, la décapitalisation du stock de bois sur pied peut

contribuer à l’augmentation du niveau de biodiversité. Le bloc « convergence » peut tout à fait

l’incorporer permettant d’équilibrer le déficit du bloc « permanence » puisque le projet perd alors sa

Bloc Base

€ t/CO2

Bloc Base

€ t/CO2

- Bloc Permanence

minoration max 50%

- Bloc Permanence

minoration max 50% Prix projet

€/tCO² Prix projet

€/tCO² - Bloc Convergence

minoration max 50%

- Bloc Convergence

minoration max 50%

Prix projet

€ t/CO2

Prix projet

€ t/CO2

Page 67: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

67

capacité à répondre au critère d’additionnalité. A génération de surface travaillée équivalente, le

nombre de crédits générés et leur prix de vente ne seront donc pas équivalents. Il n’en reste pas

moins que la définition des niveaux de minorations doit relever d’une réflexion d’abord du monde

forestier qui s’assurera ainsi de l’opérabilité mais surtout de la crédibilité de ses actions. Cette

méthode a donc, et avant tout, pour ambition de constituer une base de réflexion pour les forestiers

et leurs partenaires dans la création de projets de compensation.

Ce qu’il faut retenir

- Le prix du carbone est composite. - On peut ouvrir la grille d’analyse aux variables connexes de la valeur du carbone. - Il faut limiter les effets externes sur la valeur du produit en partant du projet et de son coût

réel.

III.1.3 Une approche souple et adaptative

Ainsi, cette approche peut être reprise et ajustée en fonction des projets mais surtout des

contextes locaux. Elle présente l’avantage de ne pas être exclusive en fonction notamment de la

taille et de la nature des projets. La variable du prix projet viendra plus ou moins appuyer l’initiative

en incitant financièrement les démarches propres à générer des crédits carbone par la suite.

Pour autant, et comme on l’a vu en première partie, la forêt est hétérogène et les besoins

diffèrent d’un massif à l’autre. L’effort d’investissement dans une plantation de douglas et dans la

conduite d’éclaircies sélectives dans une futaie jardinée de montagne n’est pas le même. De plus,

une telle méthode implique d’écarter le produit de la vente des bois du calcul. En effet, celle-ci est

sujette à variation et les échelles de temps sur lesquelles s’inscrivent de tels projets trop longues

pour préjuger d’un résultat. De plus la capacité des projets à arriver à un financement de 100% doit

rester l’exception et ceci afin de ne pas déresponsabiliser le propriétaire forestier. Mais, comme le

laisse entendre l’étude du GIP Massif Central citée plus haut, si 90% de la valeur de la forêt réside

dans sa dimension non marchande, alors la production de bois peut devenir annexe. Toutefois, il ne

faut pas oublier que l’une des finalités de la séquestration carbone en forêt réside dans le

prolongement du stockage de CO2 dans les produits bois. On travaille donc sur le coût d’amélioration

de la gestion forestière dans une optique de production de bois allongeant la durée de stockage de

CO2 (du bois d’œuvre) et de génération d’externalités positives durables, la valorisation de crédits

carbone devenant dès lors un revenu additionnel diminuant la charge d’investissement pour le

propriétaire : un paiement pour service environnemental.

Pour autant, en forêt privée, les surfaces à engager pour atteindre un seuil critique en termes

d’effets de l’action induisent la création ou l’usage de structures de regroupements porteuses

d’engagements forts notamment sur l’allocation des moyens issus de la valorisation d’opérations de

compensations. La mise en œuvre d’un tel projet suppose donc des préalables et des niveaux

d’engagements bien spécifiques. De plus, et pour susciter l’attrait de financeurs, les porteurs de

projet doivent travailler la clarté et la transparence du fonctionnement de leur proposition. Il n’en

reste pas moins qu’une coordination à l’amont de ce genre de projet reste incontournable, c’est

l’objet de la partie suivante.

Page 68: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

68

Ce qu’il faut retenir

- On peut adapter la méthode en fonction des contextes locaux. - La valeur du bois ne doit pas être déterminante pour la définition du prix projet. - La finalité de la séquestration réside dans la capacité à prolonger le stockage de CO2 dans les

produits bois issus de la gestion sylvicole améliorée.

III.2 Une nécessaire synergie « glocal »

Après avoir évoqué les questions économiques et leur traitement, il convient de s’attacher à

établir le cadre de mise en œuvre de tels projets. Si l’initiative individuelle de groupes de

propriétaires forestiers est à encourager, il faut aussi établir un cadre dans lequel ces demandes

pourront s’insérer. Les règles internationales sont, à l’heure actuelle, inadaptées au contexte de la

forêt privée. Elles sont compliquées et nécessitent une multitude d’intermédiaires extérieurs

conduisant à une hausse du coût du projet significative voir démobilisante pour les éventuels

partenaires financiers. Seulement, et comme on l’a vu, les règles évoluent et offrent une belle

opportunité pour qui sait la saisir et proposer un modèle innovant sans baisser les niveaux de

garanties exigés. Ce travail doit être conduit dans la perspective du traitement d’une question sans

frontière (le changement climatique) qui, cependant, trouve ses solutions dans des actions localisées.

C’est tout l’enjeu de cette synergie « glocale »83 que de remettre en phase les dispositifs

internationaux avec les possibilités des territoires.

III.2.1 Evaluer pour mieux dimensionner

Avant de lancer un projet de compensation on doit d’abord évaluer l’opportunité de

développement du projet. Aucune méthode spécifique à la forêt n’existe à ce jour. C’est pourquoi

l’Institut pour le Développement Forestier développe un protocole d’étude visant à établir un

niveau d’opportunité à la réalisation de projets de compensation. L’ « empreinte carbone forestière

territorial » a été testé lors d’un travail expérimental sur le Pays des Mauges et de la Vallée de la

Sartre84. Il vise à évaluer la capacité des forêts, d’un périmètre défini, à séquestrer du carbone puis, il

dégage des scénarios croisant différentes données : la hausse de l’exploitation forestière, l’incidence

potentielle de l’évolution climatique sur la séquestration de CO2. Le but de ce travail est de faire une

photo de la forêt (dans sa capacité à séquestrer du carbone) à un instant T, de dégager des scénarios

pour l‘avenir et donc de conseiller des pistes d’actions concrètes. Prochainement (en Octobre 2012)

cet outil va être déployé sur les boisements propriétés de la société d’Autoroute Paris Rhin Rhône

afin d’évaluer leur contribution mais surtout les pistes d’améliorations possibles pour la captation

CO2.

83 Contraction des mots global et local 84

Mesure de l’empreinte carbone territoriale pour les pays de la Vallée de la Sarthe et du Pays des Mauges – 2011 – Institut pour le Développement Forestier

Page 69: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

69

Ce travail doit encore évoluer pour incorporer les services écosystémiques et l’incidence

d’opérations d’améliorations de la gestion forestière sur ces derniers. Il constitue un outil d’aide à la

décision intéressant mais sa mobilisation reste bien sûr optionnelle. Le principal avantage du « bilan

carbone territorial » réside dans sa capacité à pré établir un organe de mesure des effets du projet à

travers le temps. Il peut être un bon point de départ pour susciter l’intérêt et développer les

éléments abordés dans les chapitres suivants.

Ce qu’il faut retenir

- Il est nécessaire d’établir une méthode d’évaluation homogène. - La méthode doit servir de base à une réflexion quant à l’opportunité d’un tel projet. - Il faut dégager des scénarios d’évolution pour que la méthode devienne aussi un outil d’aide

à la décision.

III.2.2 Le partenariat, incontournable, pour densifier le projet de compensation

On peut identifier deux niveaux de partenariat incontournable pour l’émergence de projets

de compensation au sein des territoires. De cette articulation dépend la reconnaissance du projet

mais surtout sa capacité à fédérer des opérateurs et des financeurs. Il faut insister sur le fait que,

pour le cas de la forêt privée, la difficulté ne réside pas aujourd’hui dans la définition de projets mais

bien dans leur capacité à répondre aux critères du protocole de Kyoto transposés dans les textes

européens. Aussi, un travail important doit être conduit en amont de chaque projet pour établir leurs

conformités et leurs divergences. Le fait de travailler sous le régime de la compensation volontaire

permet une certaine latitude d’action mais les financeurs de telles opérations attendent au final, la

compensation véritable d’émissions de GES.

Le premier niveau de partenariat est à rechercher entre les structures qui traitent des

problématiques « carbone ». Le Club Carbone Forêt Bois constitue en ce sens le maillon idéal pour la

recherche de modes de valorisation répondant aux critères européens et restant déclinables sur le

terrain. Ce groupe de travail a l’avantage de rassembler des opérateurs très divers tels que des

entreprises, des ministères, des administrations publiques ou encore des opérateurs de la

compensation carbone. Si les études produites sont assez riches, il n’en reste pas moins que le lien

avec le terrain s’en trouve un peu perdu dans la jungle des textes nationaux, européens et

internationaux sur la question. Ainsi, les travaux du Club se cantonnent souvent à une approche Top

Down essayant de faire rentrer les propositions de projets de terrain dans un moule inadapté aux

spécificités de la forêt française. C’est là tout l’enjeu du deuxième niveau de partenariat.

Ce deuxième niveau vise à favoriser l’émergence de projets de terrain par un travail qui

relève de l’étude d’opportunité en rassemblant des partenaires locaux. Dans un premier temps, il

parait souhaitable d’évoquer la possibilité avec les détenteurs du produit de compensation : les

propriétaires forestiers locaux accompagnés de leurs structures dédiées (CRPF, syndicat, association

de sylviculteurs, groupement forestier, coopératives…). Si le retour de terrain est favorable, on peut

partager avec les partenaires publiques les éléments du projet. Cette étape est importante et permet

souvent de produire l’effort supplémentaire nécessaire à la création du support d’une telle

opération. De plus, l’appel de fonds publics pour ce genre de projet est facilité par la transversalité

Page 70: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

70

de la problématique traitée. Il est également beaucoup plus aisé de justifier de l’usage d’aides dans

ce cadre. Si ce premier levier est actionné, l’action en forêt va gagner en clarté mais surtout en

cohérence. S’il est primordial que l’initiative vienne des détenteurs du produit de compensation, on

peut, dans un second temps, tout à fait imaginer l’agrégation autour du projet d’un programme

régional (type PSADER/CDRA en Rhône Alpes) d’une charte forestière de territoire, d’une

communauté de communes ou encore d’une structure inter régional comme le GIP Massif Central. La

diversité des acteurs publics et donc des moyens mobilisables permettent de réfléchir à l’intégration

du projet dans une action plus large qui convergerait vers un seul objectif la gestion durable de

l’espace forestier local et donc la préservation globale des services écosystémiques.

Pour illustrer cette construction, on peut prendre l’image de deux curseurs qui trouveraient

un point de convergence sur une ligne de jonction.

Figure 19 - Trouver le point de convergence - L Casset

Ainsi, ce mode de construction permet, là encore, la prise en compte des spécificités

territoriales. On adapte par la suite le projet au cadre carbone le plus adapté. Le fait d’associer des

partenaires locaux à la démarche permet dès le départ d’engager une dynamique territoriale et de

mettre en exergue la transversalité de la problématique traitée par le projet. De plus, le caractère

innovant et moderne de l’approche permet de valoriser la responsabilité du propriétaire forestier

passant de l’état passif de détenteur d’un patrimoine à celui d’acteur direct dans le traitement

d’une question mondiale. Ainsi, on densifie l’opération en la replaçant au cœur d’un débat plus

large : celui des services écosystémiques.

Régles internationales (Kyoto) et transposition européenne

Définition de critères nationaux

Cadres de mises en oeuvre possibles

(MOC, compensation volontaire...)

Niveau d'adaptation du

projet

Regroupement de partenaires locaux autour du projet

Elaboration du projet

Page 71: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

71

Pour ce faire, encore faut-il que le cadre de mise en œuvre de l’action corresponde aux

possibilités opérationnelles et réglementaires afin notamment de rapprocher le point de

convergence des deux niveaux illustrés précédemment.

Ce qu’il faut retenir

- Il faut faire converger les partenariats nationaux et locaux pour mieux répondre aux réglementations internationales.

- Le forestier ne doit pas rester isolé mais chercher à agréger des partenaires atour de son offre.

- Les projets forestiers de compensation carbone permettent de faire passer le propriétaire d’un état passif de gestion de patrimoine à un état actif de traitement d’une question mondiale.

III.2.3 La définition d’un cadre de mise en œuvre

Définir le cadre de mise en œuvre de telles actions est, comme on l’a montré, assez ardu dès

lors que l’on cherche à correspondre parfaitement aux exigences internationales. Une approche plus

pragmatique permet de dégager trois impératifs essentiels déjà abordés de manière succincte dans

la définition du prix projet : la nature du support de l’action, le type d’engagement pris, la mesure de

l’efficience du dispositif. On doit bien sûr tenir compte de l’hétérogénéité des situations et imaginer

une solution permettant de correspondre à un large spectre de situations sans pour autant perdre

l’objet du projet : la compensation d’émissions de GES dans un processus de valorisation des

externalités positives sur un intervalle de temps long. L’engagement du propriétaire doit donc être

fort et durable ce qui peut passer par un transfert de l’autorité de gestion de son patrimoine vers une

structure ad hoc. Enfin, la taille critique que doit atteindre un projet pour permettre la génération

d’externalités positives de façon efficientes implique forcément, tout du moins en forêt privée, une

agrégation de surfaces.

La nature du support de l’action est l’élément essentiel qui forme la base du projet. Dans

l’exemple du Bas Dauphiné, le support du projet est une ASLGF, cependant d’autres types de support

existent, l’objectif final étant de garantir la cohérence de l’opération et surtout de faire en sorte que

le projet puisse générer des crédits dans l’avenir. L’élément fondamental à analyser est donc la

propension de la structure porteuse d’un projet à fédérer des surfaces de forêt dans le long terme.

On rejoint alors toutes les réflexions autour des structures de regroupement de la gestion de la forêt

privée. Le tableau ci-dessous en fait la liste et mesure leur adaptation au portage de projet de

compensation :

Type de structure Atouts Contraintes

Syndicat ou Association de propriétaires forestiers type Loi 1901

Facilité de création et de gestion au quotidien Présence assez homogène sur l’ensemble du territoire

Pérennité des adhésions très difficile Regroupe des propriétaires et pas des parcelles

Coopérative forestière Présence assez homogène sur l’ensemble du territoire

Regroupe des propriétaires et pas des parcelles

Page 72: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

72

Dispose d’outil tel que le contrat de gestion pour la mise en œuvre des objectifs

Risque de collusions d’intérêt impactant l’impératif de transparence du projet

ASA GF Fort niveau de garantie quant à la pérennité des objectifs Permet d’anticiper les problématiques de transmission ou de vente du patrimoine

Lourdeur de mise en œuvre puis de suivi Périmètre à définir dès la création, possibilités d’évolutions limitées

ASL GF Regroupe des parcelles forestières Permet d’anticiper les problématiques de transmission ou de vente du patrimoine

Retrait possible du propriétaire à tout moment malgré des pénalités statutairement établies Périmètre et champs d’action de la structure difficile à établir dès le départ (massif forestier, type de peuplement, type de propriété…)

Groupement Forestier Regroupe des surfaces au sein d’une même entité Limite l’incidence sur les propriétés des problèmes liés à la transmission ou à la vente des parts sociales

Déresponsabilise le propriétaire qui devient actionnaire Surface et périmètre difficile à rendre efficient pour l’objectif recherché

Figure 20- Adaptation de différentes structures de gestion groupée au portage d'une opération de compensation carbone - L Casset

Si les deux premières structures (association loi 1901/syndicat et coopérative forestière)

offrent l’avantage d’être déjà bien présentes sur l’ensemble du territoire national, leur capacité à

engager des surfaces plus que des propriétaires peut être un facteur limitant pour la tenue

d’engagement. Les associations syndicales (libres et autorisées) traitent ce problème en agrégeant

des surfaces, elles offrent également de belles opportunités quant à la planification d’une gestion

forestière si leur périmètre et leurs champs d’action ont été préalablement bien définis. Leurs

administrations restent cependant assez lourdes et encore plus pour les ASA où les règles de

comptabilité publique s’appliquent. Ainsi, la structure idéale à l’heure actuelle pour le portage

d’opération de compensation semble être le groupement forestier. En effet, cette structure juridique

présente l’avantage de former une entité homogène répartie entre porteurs de parts permettant la

conduite d’opérations sur l’ensemble de son périmètre et de manière durable. Cependant, on peut

s’interroger sur l’efficience de la structure qui dépendra beaucoup de la taille de la propriété.

A l’heure actuelle, le niveau le plus abouti qui garantit de la façon la plus sérieuse la

réalisation des engagements pris serait un document de gestion définissant le calendrier des coupes

et travaux et reprenant les objectifs recherchés pour les parcelles engagées. Ce type de document

existe et prend la forme d’un Plan Simple de Gestion qui peut être groupé (plusieurs propriétés dans

un même document). Il peut être porté par toutes les structures citées précédemment toutefois les

structures regroupant des parcelles plus que des propriétaires offrent un niveau de visibilité et de

cohérence supérieur. Le cas de l’ASLGF du Bas Dauphiné est à ce titre intéressant car il regroupe des

parcelles de forêts que leurs propriétaires engagent dans un document de gestion groupée mis en

Page 73: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

73

œuvre par un prestataire extérieur. Une coopérative pourrait faire la même chose en émaillant son

territoire d’actions de PSG groupés en fonction des types de peuplement ou de zones géographiques

localisées permettant la valorisation d’externalités bien précises. Seulement, le risque de la collusion

des intérêts (gestion, organisation et mise en vente de produits forestiers ou non) peut porter

préjudice à la transparence et donc à la cohérence d’une action. L’indépendance des propriétaires

du produit de compensation est primordiale pour établir les responsabilités mais surtout les règles

d’engagement entre opérateurs et acquéreurs du produit de compensation. Des niveaux

intermédiaires d’engagement peuvent exister, ainsi un document contractuel local et ponctuel peut

tout à fait suffire à la réalisation d’une opération mais pose la question de la permanence des

externalités générées.

C’est tout l’objet de la mesure de l’efficience du dispositif qui relèvera de trois axes :

- Un axe temporel qui, évaluera la pérennité des externalités générées

- Un axe « engagement individuel » qui apportera des informations quant au niveau

d’engagement de la responsabilité du propriétaire notamment dans le cas de cession à

un tiers de ses propriétés

- Un axe « risque exceptionnel » qui établira l’anticipation du traitement de questions liés

à la perte des externalités générées suite à un aléa extraordinaire (climatique, criminel…)

Fort de ces trois niveaux d’analyses, on peut alors établir un cadre de mise en œuvre pour

orienter l’émergence de projets et s’ouvrir la possibilité de répondre de la manière la plus

opérationnelle possible aux exigences permettant la génération de quotas carbone.

Figure 21 - Cadre de mise en œuvre d'un projet de compensation - L Casset

Projet de compensation

Support d'agrégation des surfaces du projet

Engagement de pérennisation des externalités générées

Encadrement de la mise en oeuvre des objectifs

Page 74: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

74

La définition du cadre de mise en œuvre relève ainsi de choix qui peuvent être établis au niveau

national mais tout aussi bien régional ou territorial et notamment dans le cadre de l’élaboration d’un

fonds carbone. La construction de ce cadre relève de la recherche d’un équilibre entre le niveau de

garantie exigé et l’opérabilité des projets proposés. C’est pourquoi il doit s’inscrire dans une

réflexion partenariale où les porteurs de projets et les financeurs potentiels peuvent partager leurs

difficultés et leurs objectifs. Les collectivités locales ont un rôle tout à fait primordial à jouer dans ce

type de réflexion car elles disposent de moyens propres à enclencher les dynamiques locales à

travers par exemple, les dispositifs Plan Climat Energie Territoire85, contrat de territoire corridors

biologiques86 ou encore trame verte et bleu87. L’important est que l’action carbone locale s’engage

dans un cadre d’action global pour le traitement d’une question transversale portée par une

cohérence forte et partagée.

Ce qu’il faut retenir

- Il est nécessaire de créer des structures permettant de pérenniser collectivement les engagements pris individuellement.

- Le groupement forestier semble être la structure idéale au portage d’opération de compensation.

- Il faut trouver le juste équilibre entre garanties apportés et opérabilités des projets.

III.3 Vers une cohérence d’action

Cette dernière partie pose les bases d’une action carbone coordonnée à l’échelle de la

Région Rhône Alpes. Elle a pour ambition d’esquisser les possibilités de développement autour de la

question en identifiant des préalables et surtout des outils de mise en œuvre opérationnelle. Cette

proposition souhaite impulser un nouvel élan aux politiques d’appui à la forêt privée dans une

synergie d’actions visant à l’intensification de la gestion durable des forêts. Rappelons alors que le

préalable à toutes les pistes d’actions qui sont évoquées ci-dessous repose sur une structuration des

propriétaires privés et sur une volonté à s’engager dans des démarches lourdes de gestion en

commun de leur patrimoine forestier. Si l’argument économique est un point d’entrée, gardons à

l’esprit que l’attachement des propriétaires à leurs forêts reste fort88. Il s’agit donc, à travers une

démarche de gestion durable de la forêt, dans sa capacité de réponse aux enjeux de nos sociétés

modernes, de valoriser un état, celui de propriétaire forestier, en l’engageant dans une démarche

85

Le Plan Climat-Energie Territorial (PCET) est un projet territorial de développement durable dont la finalité première est la lutte contre le changement climatique. Institué par le Plan Climat National et repris par les lois Grenelle 1 et le projet de loi Grenelle 2, il constitue un cadre d’engagement pour le territoire. 86

Le Contrat de territoire « corridors biologiques » en Rhône-Alpes est destiné à soutenir des acteurs locaux dans la conduite de projets opérationnels visant à préserver ou restaurer la connectivité écologique d’un territoire. 87

La Trame verte et bleue est une mesure phare du Grenelle Environnement qui porte l’ambition d’enrayer le déclin de la biodiversité au travers de la préservation et de la restauration des continuités écologiques. 88 Voir résultats étude RESOFOP annexe 8

Page 75: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

75

ambitieuse et dynamique ou la reconnaissance de l’effort consenti permet la valorisation

économique de services non marchands.

III.3.1 Appuyer à la création d’un label national

Comme on l’a dit plus haut, les possibilités offertes par l’évolution des règles internationales

et européennes en termes de reconnaissance de la place de la forêt, ouvrent de nouvelles

possibilités. La France, par sa culture forestière, est tout à fait à même de travailler à la construction

d’un label de certification national qui viendrait s’intégrer dans le cadre européen. Ce label viendrait

préciser les variables évoquées au chapitre III .2.3 « Vers la définition d’un cadre de mise en œuvre »

et permettrait la prise en compte des spécificités de l’espace forestier national. Ce dispositif offrirait

la possibilité de fédérer les projets territoriaux dans un cadre harmonisé pour faciliter leur lisibilité

face aux financeurs. Il offrirait également la possibilité de traiter d’égal à égal avec les grands

standards de certification internationaux (certifiés par l’ONU) pour adapter le cadre aux possibilités

et pas l’inverse. Ce label pourrait ainsi porter la certification de l’ensemble des crédits carbone

générés par les différents projets territoriaux renforçant encore la massification et la clarté de l’offre

de compensation.

Si les demandes des financeurs résident principalement dans des opérations de

compensation, il existe également un marché de la compensation environnementale tel que celui des

mesures compensatoires. Ainsi cet outil pourrait également développer différents niveaux de

labellisation en fonction des opportunités mais surtout de la variété des projets déposés. Il offrirait

également un dénominateur idéal pour la mise en œuvre de fonds carbone régionaux qui se

multiplient à l’heure actuelle. Soyons clair, son but ne serait pas de capter des moyens financiers

mais bien d’offrir un niveau de garantie homogène, adapté aux demandes des financeurs et aux

possibilités techniques de terrains.

L’action régionale doit appuyer au développement de cette entité unique car l’atomisation

des structures et la multiplication des types de certificats ne peuvent que nuire à la visibilité (sur le

marché international de la compensation) et à la fiabilité (en termes de niveau de garantie) des

projets nationaux. De plus, dans la recherche d’un bras de levier le plus efficient possible, il faut

travailler plus que jamais à la mise en cohérence d’un discours national par une structure spécialisée

et dédiée.

Ainsi, très concrètement, ce label aurait pour but de définir des itinéraires de gestions

sylvicoles présentant un niveau d’externalités positives optimal tant sur le plan de la séquestration

carbone que sur celui des services écosystémiques. Il pourrait également porter une norme de calcul

unique pour l’ensemble du territoire qui soit facilement mobilisable par les acteurs de terrain tant

dans la définition du projet que dans son suivi par la suite. Son rôle serait également d’apporter aux

partenaires des projets territoriaux des garanties en terme de pérennité des crédits. A ce titre, l’Etat

français pourrait lui attribuer annuellement un nombre de crédits carbone en fonction des projets

labellisés (comme il alloue des crédits aux industries). Ses crédits constitueraient un fonds de

garantie mutualisé garantissant pour parer à l’occurrence de phénomènes exceptionnels. Enfin, le

Page 76: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

76

label aurait pour responsabilité le suivi des projets durant leur période d’engagement en réalisant les

contrôles nécessaires à la preuve de pérennité des crédits générés.

Figure 22 - Un label national pour quoi faire? - L Casset

Ainsi, ce label français de la compensation carbone pourrait, sans se substituer aux

mécanismes de financement, devenir un relais technique opérationnel (tant sur la capacité des forêts

à séquestrer du carbone que sur les produits bois) et résolument compétitif à l’échelle européenne.

Innovant, il pourrait préfigurer un modèle européen qui fort de sa connaissance des enjeux de

terrains pourrait avoir un travail de lobbying efficace lors de la prise de décisions politiques et

économiques.

Comme je l’évoquais, la force d’un projet réside dans sa capacité à mobiliser des acteurs, qu’il

s’agisse des propriétaires du produit de compensation ou des acquéreurs potentiels. Cette

implication, ajoutée aux possibilités de financement, forme un catalyseur des plus efficaces.

Pour autant, le travail nécessaire à l’émergence d’un tel projet n’est pas toujours évalué. Comme on

l’a vu dans l’exemple du Bas Dauphiné, l’opération de compensation est permise par un travail

préalable autour du support mais surtout par l’encadrement du projet. C’est là que la dimension du

couplage des moyens publics et privés intervient.

Ce qu’il faut retenir

- La création d’un label national permettrait d’anticiper et d’encadrer l’adaptation des projets à l‘évolution des règles internationales.

- Ce label devrait porter des itinéraires de gestion identifiés et calibrés ainsi qu’une norme de calcul unique pour l’évaluation de la séquestration de CO2 en forêt.

- Il s’agit d’établir un relais technique opérationnel et réactif.

Définition d'une norme de calcul national et validation d'itinéraires sylvicoles à externalités positives

Labellisation de projets nationaux

Fonds de garantie mutualisé pour la

pérennité des crédits générés

Gestion de la comptabilité des crédits générés

Interface avec les labels internationaux pour la certification de crédits

Suivi des projets durant leurs périodes

d'engagements

Page 77: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

77

III.3.2 Associer les sources de financement

On revient ici dans l’action régionale et dans sa capacité à orienter l’action privée par

l’allocation de moyens ciblés. La mise en place de fonds carbone régionaux permet dès lors de

concentrer des moyens orientés vers la génération de crédits carbone. Cependant et à ce jour, aucun

des fonds carbone opérants n’a généré de crédits valorisables suivant les mécanismes

internationaux. Le problème de l’adéquation des moyens aux besoins réels se pose alors. La forêt, et

encore plus la forêt privée, a avant tout besoin de réflexion sur son orientation à long terme.

Comment un propriétaire forestier peut-il s’engager dans un dispositif lourd de cession de crédits

carbone dès lors que la connaissance de son patrimoine relève de l’abstrait ? L’usage idéal des

moyens publics serait donc avant tout dans l’appui à l’émergence d’une réflexion sur la qualité du

patrimoine forestier et dans la reconnaissance de la responsabilité de son propriétaire vis-à-vis de la

société. Pour illustrer cette idée reprenons l’exemple du Bas Dauphiné.

Si, à l’origine, l’ASLGF n’avait pas bénéficié d’une aide de la Région Rhône Alpes à

l’élaboration de son Plan Simple de Gestion groupé, ce document qui a permis d’atteindre le niveau

de garantie attendu dans le cadre de l’opération de compensation aurait-il existé ? On peut

effectivement en douter. Cette aide a donc donné l’élan pour une réflexion sur l’intérêt d’un tel

document et sa valorisation. On peut dérouler assez loin ce genre de réflexion en allant jusqu’à se

demander si, les conditions de la création d’une structure de gestion en commun à l’initiative de

propriétaires, auraient été réunies sans une réflexion plus large autour de la place de la forêt

demain ? Le rôle des financeurs publiques est capital et peut constituer le point de bascule pour

l’aboutissement d’un projet de compensation.

Comme on l’a montré dans la définition d’une méthode de calcul d’un prix projet (chapitre

II.1.2), le financement sera souvent en deçà des 100%. Aussi quand le prix projet présente un écart

trop grand avec le coût réel, les moyens publics peuvent tout à fait venir appuyer à l’aboutissement

de ce dernier. Ils peuvent le faire de manière directe (prise en charge d’une partie de la différence

coût projet/coût réel) ou d’une manière indirecte (prise en charge des frais de labellisation, du coût

de création du support ou encore du coût de l’encadrement de l’opération). Encore une fois, on peut

appeler l’expérience menée en Bas Dauphiné qui a également permis de tester sur le terrain le

couplage d’aides privés et publiques.

En amont de l’opération de compensation, la structure a bénéficié du programme d’aide aux

opérations sylvicoles de la Région Rhône Alpes. Elle a ainsi bénéficié d’aides au martelage en futaie

irrégulière (100% du montant hors taxe des travaux) mais également d’une aide au déficit

d’exploitation (50% du déficit d’exploitation HT). L’opération de compensation a permis de mobiliser

800€/ha pour un coût projet à 2 000€/ha.

Ainsi pour résumer :

Récapitulatif Compensation carbone en Bas Dauphiné (prix TTC/ha)

Martelage 250€

Bucheronnage + débardage 1 500€

Aide Région (martelage + déficit exploitation) 804€

Recette compensation Banque Neuflize OBC 800€

Reste à payer au propriétaire 146€ Figure 23 - Récapitulatif financier compensation carbone en Bas Dauphiné - L Casset

Page 78: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

78

Le coût projet de l’opération ASLGF/Banque Neuflize s’élevait à 1 750€/ha pour un coût réel

(coût projet déduit de la valeur de vente des bois) de 1650€/ha. Ainsi dans ce cadre expérimental,

46% du coût projet a été couvert par les financements publiques, 46% par le financement privé et 8%

par le propriétaire. Cette démonstration illustre ainsi le couplage possible de financements privés et

publics. S’il ne présente que la part de la Région Rhône Alpes en tant que financeur public, il n’en

reste pas moins que les leviers sont multiples. Ainsi, on pourrait retrouver en complément ou à la

place de la Région, une commune, une collectivité locale, ou un programme type PSADER, PCET…

L’action publique prend alors une autre dimension replacée dans un dispositif cohérent, efficace et

agissant en synergie.

Du côté des financeurs privés, les possibilités sont tout aussi multiples, allant de la PME

locale à la multinationale, on pourrait même imaginer un dispositif de compensation territorial porté,

par exemple, par une agence de développement économique ou un regroupement d’entreprises et,

pourquoi pas, par une association de consom’acteurs. Ce sont les propriétaires du produit de

compensation qui détiennent les clefs de leur succès en élaborant une offre correspondant aux

attentes du niveau de partenariat qu’ils jugeront le plus adapté.

Mais faire converger des moyens nécessite un dernier niveau de coordination pour traiter

entre autre de la question des flux financiers mais surtout du niveau d’accompagnement nécessaire à

l’homogénéisation d’un dispositif.

Ce qu’il faut retenir

- Un projet peut agréger plusieurs niveaux de financement. - Les aides publiques permettent, en amont, d’appuyer à l’émergence des projets. - Les possibilités de financement privés sont proportionnelles au nombre d’acteurs

économiques.

III.3.3 Créer un organe de coordination régionale

Dernier étage de la proposition, la mise en place d’une structure de coordination. Cette structure

aurait pour principal objectif d’accompagner le développement de projet à externalités positives.

Pour ce faire elle devra être en capacité d’apporter une expertise de terrain tout en prenant en

compte le cadre de mise en œuvre qui serait défini. Rappelons alors que l’objectif n’est pas de

travailler sur la quantité mais bien sur la qualité des projets, en les orientant toujours vers la

génération de crédits carbone de façon additionnelle ou pérenne, et ce, à plus ou moins long terme.

Cet outil de coordination devra travailler en lien étroit avec le label national et notamment pour ce

qui est du contrôle des projets pendant leur durée d’engagement mais également quant à

l’identification d’itinéraires sylvicoles à externalités positives. Enfin, cette structure devra être en

capacité d’assurer la maîtrise d’ouvrage de projets pour parer à un problème important quant à la

mobilisation de moyens publics. En effet, si on connait une multitude d’opérateurs capables de

réaliser des maîtrises d’œuvres, on rencontre de grandes difficultés pour le portage des actions.

L’outil que l’on cherche devra dès lors pouvoir se positionner en tant que maître d’œuvre pour le

portage des projets de territoire permettant de faire converger les flux financiers et réglementaires

Page 79: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

79

vers un seul opérateur. Cette position aurait l’avantage de mieux intégrer l’interface « glocale »

évoquée avant et surtout d’assurer un financement pour la mise en œuvre de l’objet de la structure.

Dans cette perspective et toujours dans la recherche d’un haut niveau de garantie, l’outil de

coordination pourrait assurer la gestion des flux financiers en servant notamment d’interface entre

acquéreurs et créateurs de projets par l’intermédiaire d’un fonds dédié. Ceci pour ouvrir deux

possibilités :

- La mise en œuvre d’un outil programmatique (échelonnement des actions de terrain

pour un projet global par exemple) qui nécessiterait des moyens financiers avant

l’aboutissement total de l’objet du projet.

- La preuve de l’usage de fonds à la réalisation des engagements définis (un apprentissage

du partenariat ASLGF/Neuflize)

Ainsi, le rôle même de ce genre d’outil serait d’assurer la mise en œuvre d’un fonds carbone régional.

Si l’appellation « fonds carbone » est la plus couramment utilisée, on l’entend ici dans le cadre d’un

fonds regroupant des moyens publiques et privés pour le développement/la pérennisation

d’externalités positives forestières. Ce fonds pourrait donc appeler des moyens issus du secteur

privé, du secteur public mais pourrait aussi gérer des programmes de compensation. Ainsi, ce fonds

de soutien aux externalités positives forestières, pourrait couvrir de son action des opérations

d’amélioration très diverses, par exemple :

- La conduite d’éclaircie et/ou de coupes d’amélioration (accompagner la dynamique de

séquestration CO2 par unité de surface),

- La réalisation d’élagage, de taille de formation (pour augmenter la part de bois d’œuvre

dans le produit final)

- La mobilisation de moyens d’exploitation spécifiques et adaptés aux milieux travaillés

(outil à chenille ou cheval en milieu humide, câble mât en zone de montagne…)

- La mise en œuvre coordonnée de mesures inscrites dans les documents d’objectifs

Natura 2000

Le fait de confier la mise en œuvre d’un tel fonds régional à une entité dédiée permettrait d’assurer

un fonds de roulement à l’action de la structure évitant de trop grandes tensions économiques

pouvant influer de manière importante sur les choix techniques.

Il existe un nombre assez important de structures possibles. Après étude de celles-ci, celle

qui répondrait le mieux aux critères déclinés plus haut serait une agence de développement (type

agence de développement économique) reconnue d’intérêt général. Le statut d’une agence de

développement relève de celui des associations loi 1901 et son outil de gouvernance réunit à la fois

des chefs d’entreprises, des élus des collectivités, des représentants des syndicats de salariés,

patronaux et des chambres consulaires, des universitaires, etc. En cela, elle serait un lieu privilégié de

concertation entre les acteurs locaux, leur permettant de définir des stratégies partagées et de

proposer des actions adaptées à leur territoire. De plus, la plupart des agences rassemblent, au sein

d’équipes légères (12 personnes en moyenne), des profils à haut niveau de compétences

(économistes, ingénieurs, commerciaux, etc.). Elles sont ainsi très opérationnelles et réactives pour

répondre de manière spécifique aux besoins des entreprises. Un tiers d’entre elles sont certifiées ISO

Page 80: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

80

9 00189. On voit dès lors les possibilités d’adaptation d’un tel outil à notre problématique et on ne

peut que renforcer son action en lui confiant la responsabilité de mise en œuvre d’un fonds carbone

régional. De plus, au regard de son champs d’action et à terme, une structure regroupant 6

personnes serait suffisante pour l’ensemble de la Région Rhône Alpes (un agent pour les Savoie, un

agent pour la Drôme Ardèche, un agent pour l’Ain et le Rhône, un agent pour l’Isère et la Loire, un

agent comptable, un coordinateur régional).

Enfin et compte tenu des dispositions de la loi d’orientation sur la forêt de 2001 dans son

article 1er : « Art. L. 1er. - La mise en valeur et la protection des forêts sont reconnues d'intérêt

général. La politique forestière prend en compte les fonctions économique, environnementale et

sociale des forêts et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable.

[…]90 », la reconnaissance de l’action d’une telle agence dans la perspective de l’intérêt général prend

tout son sens. Le rôle d’un tel opérateur à l’échelle de Rhône Alpes relèverait de quatre dimensions

majeures qui répondraient à une seule problématique : la valorisation de la foresterie pour ses

externalités positives, elle pourrait prendre le nom de ForestCare (pour Foresterie éco-responsable).

Figure 24 - Le rôle de l'agence ForestCare - L Casset

L’agence ForestCare viendrait donc s’inscrire en interface des acquéreurs et producteurs de projets

de compensation. Elle permettrait d’intensifier les synergies, d’homogénéiser un message régional

tout en valorisant les spécificités territoriales. Avec un dimensionnement opérationnel et des modes

de financements pérennes, il lui reviendra, par l’intermédiaire de son mode de gouvernance,

d’établir un cadre de mise en œuvre régionale optimal et un mode de calcul du prix projet souple par

son adaptabilité et cohérent dans sa finalité.

89

In : Fédération des agences économiques et des comités d’expansion - http://www.cner-france.com/ 90 In : LOI no 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt – source : LegiFrance

ForestCare Rhône Alpes

Expertise en appui à

l'émergence de projets

Maitrise d'ouvrage pour des projets de

territoire

Lien avec le label

national

Centralisation de moyens

financiers à travers un fonds carbone régional

Page 81: Le carbone forestier, outil de valorisation des services ...

81

Toutefois, sa capacité à accompagner des projets et, donc, l’efficacité de son action dépendra de

l’acceptation du rôle de cette structure par les opérateurs déjà installés. En ouvrant son mode de

gouvernance aux partenaires forestiers (à travers France Bois Forêt par exemple), aux collectivités

locales (association d’agglomération, Département, Région) et aux entités environnementales, elle

devra trouver les moyens de créer une convergence entre des intérêts souvent divergeant. Son

impartialité, tant idéologique que financière, est donc un élément clef pour le traitement d’une

question au cœur des enjeux actuels.

Ce qu’il faut retenir

- Un outil de coordination régional intervenant de façon ponctuelle à la demande des territoires.

- Un outil de gestion des flux financiers liés à la compensation carbone régional par l’intermédiaire d’un fonds carbone.

- Une agence de développement légère et spécialisée pouvant servir d’intermédiaires ou de structures de portages de projets locaux.

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82

Conclusion : Les moyens de la valorisation des externalités positives forestières dans une

démarche régionale opérationnelle et partagée

La dernière partie de ce mémoire visait à établir des possibilités de valorisation des services éco systémiques forestiers par la valorisation du carbone séquestré par ces milieux. Dans un premier temps, nous avons rappelé les conditions d’usage du vocable « compensation carbone ». Ce rappel est tout à fait primordial face à la multiplication de dispositifs qualifiés comme tels mais ne répondant pas aux exigences réglementaires internationales associées. Aussi, on peut s’interroger sur l’usage « carbone » du produit de la vente des quotas nationaux. On peut craindre que derrière les bonnes intentions se cache le spectre du vieux Fonds Forestier National, qui pour le coup était assez loin de ces questions par, notamment, sa politique d’enrésinement et d’uniformisation des types de peuplement. Aujourd’hui, la réflexion autour du carbone n’appartient pas qu’au monde forestier. S’il peut être force de proposition c’est d’abord à la société civile, à travers ses organes de représentations, de juger de l’opportunité de l’usage de moyens publics et encore plus dans nos temps de difficultés économiques.

Nous avons ensuite traité de la façon de valoriser financièrement un crédit carbone en

fonction de variables multiples. Pour ce faire, nous nous sommes dégagés des méthodes

traditionnelles pour replacer la fenêtre d’analyse sur le coût réel d’une opération de pérennisation

ou de développement des externalités positives. Le carbone constitue alors une valeur chapeau, un

dénominateur commun pour l’ensemble des services éco systémiques identifiés. La méthode

présentée se veut adaptative et transparente en positionnant le projet et ses partenaires au centre

d’une réflexion autour de la valorisation de leur produit de compensation. Cela rejoint la

préoccupation de création d’une synergie « glocale » visant à faire converger les exigences

réglementaires avec les possibilités de terrain. C’est à ce titre que l’on évoque ensuite les éléments

de définition du juste cadre de mise en œuvre qui doit pouvoir agréger physiquement et

durablement des surfaces. Le groupement forestier parait être la forme de réponse la plus adaptée

tant dans sa forme que dans ses garanties pour pérenniser des objectifs exigeants. Cette forme de

structure ouvre également la voie à une réflexion autour d’un revenu minimum annuel garanti pour

les projets des propriétaires qui apporteraient, dans le cadre d’un projet local, leurs parcelles. Ce

revenu minimum garanti s’appuierait sur une rente versée par une collectivité et/ou une structure

privée pour la préservation pérenne d’un écosystème forestier et de ses externalités (protection de

captage….). Le niveau de cette rente pourrait être de 12€/ha et par an, le seuil de recouvrement de la

Taxe sur le Foncier Non Bâti91 (TFNB) et viendrait compléter les revenus issue de la vente des bois. Ce

dispositif permettrait de mieux contrôler les surfaces forestières du projet et de mieux gérer les

phénomènes de transmission du patrimoine notamment.

Et pour finir, nous avons esquissé les grandes lignes d’un programme régional coordonné

s’appuyant sur trois entités : une structure nationale porteuse d’un label de garantie des projets de

compensation, un fonds de soutien aux externalités positives forestières permettant la convergence

de moyens financiers (privé et public) pour rendre lisible les opérations régionale et une agence

chargée de la mise en cohérence des projets jouant également le rôle d’interface entre acquéreurs et

vendeurs du produit de compensation et entre le label national et les projets réalisés au sein des

territoires. Ce triptyque se veut résolument opérationnel : il vise à rendre audible un message de

filière et visible une action de terrain transversale et concertée.

91

Les taxes foncières assises sur le non-bâti sont, en principe, redevables par tous les propriétaires d'un terrain, quelle que soit sa nature.

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83

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84

Conclusion générale

Le carbone forestier, une ressource territoriale pour le développement

local dans une économie régénérative

Le travail présenté au fil des lignes a permis, tout d’abord, de faire le point sur la situation de

la forêt française. Au fil des ans, les problématiques lourdes auxquelles cet espace doit faire face,

glissent peu à peu de la production vers la protection. Dès lors, comment valoriser une ressource

immatérielle ? Si les services écosystémiques sont bien identifiés, il reste difficile de les évaluer

économiquement. Combien vaut un paysage naturel dans lequel réside une partie de l’attractivité

d’un territoire, combien vaut un couvert forestier permettant une meilleure régulation des

précipitations influant directement sur les productions agricoles, combien vaut la verte chlorophylle

pour son pouvoir apaisant ? S’il est difficile de répondre à ces différentes questions, il est encore plus

délicat d’établir notre propension à payer pour ces services. Les marchés du carbone permettent

aujourd’hui de mobiliser des moyens financiers conséquents. L’apport de la forêt est reconnu pour

son rôle positif dans l’atténuation du changement climatique. Rien n’empêche donc le

développement de projets établissant une valeur unique dont le dénominateur commun serait

l’unité de carbone.

Si les grands engagements internationaux dessinent des orientations globales, c’est au cœur

même des territoires que peuvent naître les idées concrètes pour apporter une solution aux

prochains défis de l’humanité. Ainsi, les forestiers doivent resituer leur action en identifiant les

différents niveaux de valeurs de la forêt. Ils doivent apprendre à valoriser la valeur de convenance

des services écosystémiques qu’ils protègent ou pérennisent par leurs actions sylvicoles. Ainsi, le

forestier doit assumer une responsabilité lourde, celle de la préservation d’externalités positives

fragmentées entre une multitude de propriétaires. Pour l’aider à assumer cette responsabilité, la

place de la société civile à travers ses outils de gouvernance est alors primordiale. Et si la question de

la forêt n’appartenait plus aux seuls forestiers ?

Les préoccupations au sein des territoires sont assez symptomatiques de cet état de fait.

C’est souvent le problème des conflits d’usages qui amènent les élus locaux à s’intéresser à l’espace

forestier. Par exemple, le cercle des acteurs des chartes forestières de territoire s’élargit peu à peu

aux centres équestres, associations de randonneurs (à pied ou motorisé) et associations de chasse.

La finalité économique et productive de la forêt s’en trouve peu à peu oubliée au profit des questions

d’usages de l’espace.

C’est ainsi que la forêt devient un bien commun ou l’hybridation des fonctions économiques,

écologiques et sociales relève de réflexions locales. Espace stratégique d’indépendance énergétique,

d’attractivité du territoire, et de création de valeur ajoutée économique et écologique, la forêt est

plus que jamais au cœur de tensions grandissantes. Il faut alors prendre du recul et imaginer l’espace

forestier de demain. La forêt peut redevenir une ressource territoriale, moteur du développement

local, en contribuant au rebond d’une économie rurale trop souvent moribonde. Ainsi, comme on

régénère les taillis de châtaigniers, on peut créer les conditions d’une économie régénérative dans

une proposition « carbone » visant à valoriser une tradition séculière de foresterie à la française.

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85

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86

Bibliographie

Forêt et regroupement des propriétaires Agreste Rhône Alpes – La filière bois en Rhône Alpes, des entreprises diversifiées In : La lettre Economie/Analyses N°60, 2006-10 BALLU Jean Marie – Pour mobiliser la ressource de la forêt française Paris : CGAAER – Rapport du groupe de travail sur l’insuffisante exploitation de la forêt française, Novembre 2007, 30 p. BIANCO Jean Louis – La forêt une chance pour la France Rapport au Premier Ministre, Août 1998, 108p. ESMENJAUD Emmanuelle – Les associations syndicales de gestion forestière : Analyse de leur opérationnalité appliquée au Sud Est de la France, réalisation d’une boîte à outil AgroParisTech, cursus Ingénieur Forestier, Mémoire de fin d’étude, Juillet 2011 Inventaire Forestier National – Prélèvement en forêt et production biologique : des estimations directes et compatibles In : L’IF N°28, 3ème et 4ème Trimestre 2011 LEROY Philippe (sénateur) - Rapport au Ministre d’Etat, Ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables et au Ministre de l’Agriculture et de la Pêche Paris : Grenelle de l’environnement - Comité opérationnelle N°16 « Forêt », Mars 2008, 15p. Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire – Proposition de Plan d’action carbone pour la filière forêt bois Paris : sans ed., janvier 2012, 8 pages PREVOST Jean – Structuration de la filière forêt bois dans la basse vallée de la Drôme. Mise en place d’outils pour une structuration de la filière forêt bois dans une optique de gestion groupée et multifonctionnelle de la forêt AgroParisTech, cursus Ingénieur Forestier, Mémoire de fin d’étude, Août 2010 PUECH Jean – Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière forêt bois Paris : Rapport au président Nicolas Sarkozy, Avril 2009, 80 p. RICHTER André – Perspectives de valorisation de la ressource de bois d’œuvre feuillus en France FCBA, Février 2011, 83p. SAVINI Isabelle, CRISTOFINI Bernard – Des scénarios d’avenirs pour la forêt, l’industrie du bois et leurs liaisons au territoire Paris : INRA –ME&S, Dossier de l’environnement N°20 Expertise collective sur les tempêtes, la sensibilité des forêts et sur leur reconstitution, 2000, 336p. Société Forestière – Le marchés de forêts en France : indicateur 2012 Paris : Société Forestière groupe CDC/FNSAFER, Mai 2012, 60 p. VOISIN Sylvestre - Charte Forestière de Territoire des Chambaran, rapport diagnostic

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87

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Carbone et services écosystémiques ALBEROLA Emilie, STEPHAN Nicolas – Les fonds carbone en 2010 : Investissement dans les crédits Kyoto et réductions d’émissions In : Etude Climat, CDC Climat Recherche, N°23, 2010-5 Application du Millenium Ecosystem Assessment à la France – Evaluation des services rendus par les écosystèmes en France Etude exploratoire, Ministère de l'Écologie, de l'Énergie,du Développement durable et de la Mer, Septembre 2009 CAMES Martin, MATTHES Felix Chr, HEALY Sean – Le marché du carbone européen et ses mécanismes de flexibilité Parlement Européen – Direction des Politiques Internes – Département Thématique A Politiques économiques et scientifiques – Environnement, santé public et sécurité alimentaire, Mars 2011, 28p. Centre d’analyse stratégique – Les financements innovants au service du climat In : La Note d’Analyse, N°252, 2011-11 CHENOST Clément, GARDETTE Yves Marie, DEMENOIS Julien, GRONDARD Nicolas, PERRIER Martin, WEMAERE Matthieu – Les marchés du carbone forestier Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), Agence Française de Développement (AFD), ONF International, Avril 2010, 170p. CHEVASSUS-AU-LOUIS Bernard, SALLES Jean Michel, PUJOL Jean Luc – Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, contribution à la décision publique La Documentation Française : Centre d’Analyse Stratégique, Avril 2009, 379p. Club Carbone Forêt Bois – Forêt carbone en région : le point sur les opportunités et les contraintes pour les collectivités territoriales In : Dossier N°4, 2012-06 Conférence des experts sur la Contribution Climat Energie présidée par Mr Michel Rocard – Rapport de la conférence des experts et de la table ronde sur la contribution climat et énergie Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer – Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Juillet 2009, 84p. DELBOSC Anaïs, DE PERTHUIS Christian – Les marchés du carbone expliquée In: Caring for Climate Series, 2009-7 DEHEZA Mariana, BELLASSEN Valentin – Valorisation carbone de la filière forêt bois en France CDC Climat Recherche, Etude Climat N°20, 2010-4 DE PERTHUIS Christian – Prix du quota de CO2 et taxe carbone: les choix économiques après la censure du conseil constitutionnel

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88

In : Les cahiers du PREC – Série information et débats, N°2, 2010-2 DE PERTHUIS Christian (sous la dir. de) - Trajectoire 2020-2050, vers une économie sobre en carbone Rapport du comité « trajectoire 2020-2050, vers une économie sobre en carbone » remis au Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, Octobre 2011, 336p. EGERT Balazs - France's Environmental Policies: Internalising Global and Local Externalities OECD, Economic Departement Working Paper, N°859, 2011, 48 p. Équipe de rédaction principale, Pachauri, R.K. et Reisinger, A.- Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat Genève : GIEC, 2007, 103 p. GADREY Jean - La crise écologique exige une révolution de l’économie des services In : Réseau Développement durable et territoires fragiles, 2008-09 GIP Massif Central, CRP Consulting, BRL –Etude prospective, le massif central territoire pilote pour un nouveau modèle de développement : de la reconnaissance des biens publics sociaux et environnementaux à un projet de territoire pour 2020 GIP Massif Central, Juin 2012, 220p. KEBE Amadou, BELLASSEN Valentin, LESEUR Alexia – La compensation carbone volontaire des collectivités : pratiques et leçons In : Etude Climat, N°29, 2011-9 LEBAN Jean Michel – Contribution de la forêt et du bois au stockage de carbone : impact de la gestion forestière et des usages du bois Nancy : INRA LERFoB, Mars 2010 LOUSTEAU Denis et al – Carbofor, Séquestration de Carbone dans les grands écosystèmes forestiers en France. Quantification, spatialisation, vulnérabilité et impacts de différents scénarios climatiques et sylvicoles. INRA Bordeaux, Unité Ephyse, Programme GICC 001 « Gestion des impacts du changement climatique, GIP EcoFor, Juin 2004, 138p. MARTEL Simon – Carbone et gestion forestière en forêt privée française, comparaison d’itinéraires sylvicoles de gestion forestière améliorée et perspectives quant à leur valorisation via des projets carbone AgroParisTech, cursus Ingénieur Forestier, Mémoire de fin d’étude, Août 2010 MAYRAND Karel, PAQUIN Marc – Le paiement pour les services environnementaux : Etudes et évaluations des systèmes actuels Montréal : UNISFERA/ Commission de coopération environnementale de l’Amérique du Nord, Septembre 2004, 67 p. PELOSSE Hélène, LAURENT Jérôme, PAINAULT Pierre, WINTER Laurent – La fiscalité et la mise en œuvre de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité (2010-2020) Rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable – Inspection générale des finances, Octobre 2011

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89

Plan Adaptation Climat – Rapport des groupes de travail de la concertation nationale Paris : Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, Juin 2010, 151p. SEEBERG-ELVERFELDT Christina – Les perspectives du financement carbone pour les projets d’agriculture, de foresterie et d’autres affectations des terres dans le cadre des petites exploitations agricole Rome : FAO, Document de travail – Environnement and Natural Ressource Management, N°34, 2010

Autres La Commission Européenne et son action pour le climat http://ec.europa.eu/policies/climate_action_fr.htm Le Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt http://agriculture.gouv.fr/foret-bois Le Ministère de l’écologie, de l’énergie et du développement durable http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Eau-et-Biodiversite,5772-.html Les marchés du carbone expliqués par la mission climat de la Caisse des Dépôts et Consignation http://www.cdcclimat.com/Les-marches-du-carbone.html Le portail des forestiers privés http://www.foretpriveefrancaise.com/ Le site du GIP Ecofor porteur de l’étude Carbofor http://www.gip-ecofor.org/ Le site du GIP Massif Central http://www.gip-massif-central.org/ North America Commission for Environmental Cooperation http://www.cec.org/ Le site des Nations Unies relatif au protocole de Kyoto http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/kyoto_protocol/items/3274.php Le Verified Carbon Standart http://v-c-s.org/

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Table des figures

Figure 1 - Grille des scénarios - Des scénarios pour d'avenir pour la forêt, l'industrie du bois et leurs liaisons au

territoire - Isabelle Savini et Bernard Cristofini – Dossier de l’environnement de l’INRA N°20 –Octobre 2000 ..... 21

Figure 2 Evolution du prix de la tonne de carbone sur le marché européen EU ETS source : BlueNext/ECX ......... 26

Figure 3 Le cycle vertueux Source Le Carbone édité par France Bois Forêt en 2012 ........................................... 28

Figure 4 - Le Bas Dauphiné - L Casset ............................................................................................................... 33

Figure 5 – Photo Le Bas Dauphiné, une forêt feuillus de plaines et collines - Source GAL Leader+ Chambaran ... 34

Figure 6 - Coordination inter structures en Bas Dauphiné - L Casset.................................................................. 43

Figure 7 – Les raisons de l’adhésion à l’ASLGF - Enquête auprès de membres de l'ASLGF Bas Dauphiné - Juin 2010

- L Casset ........................................................................................................................................................ 45

Figure 8 - Les rouages de l'ASLGF du Bas Dauphiné - L Casset ........................................................................... 47

Figure 9 - L'ASL dans son rôle de catalyseur entre les propriétaires et les professionnels - E Esmenjaud -

AgroParisTech/Mémoire de fin d'étude - Juillet 2011 ....................................................................................... 48

Figure 10 - Analyse MOFF ASL GF au sein d'un territoire - L Casset ................................................................... 50

Figure 11 – Evolution de la séquestration carbone dans un projet de conversion de taillis en futaie irrégulière -

Source CDC Climat........................................................................................................................................... 53

Figure 12 – Photo Eclaircie CO2 Le Mottier - L Casset - 2011 ............................................................................. 55

Figure 13 - Les bons ingrédients d'un projet de compensation - L Casset .......................................................... 57

Figure 14 - L'opération de compensation, une action ponctuelle d'appui à la pérennisation d’un patrimoine - L

Casset ............................................................................................................................................................. 58

Figure 15 – Le bloc Base - L Casset .................................................................................................................. 64

Figure 16 – Le bloc Permanence - L Casset ....................................................................................................... 64

Figure 17 - Le bloc Convergence - L Casset ....................................................................................................... 65

Figure 18 - Construction du prix projet - L Casset ............................................................................................. 66

Figure 19 - Trouver le point de convergence - L Casset ..................................................................................... 70

Figure 20- Adaptation de différentes structures de gestion groupée au portage d'une opération de

compensation carbone - L Casset .................................................................................................................... 72

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Figure 21 - Cadre de mise en œuvre d'un projet de compensation - L Casset ..................................................... 73

Figure 22 - Un label national pour quoi faire? - L Casset ................................................................................... 76

Figure 23 - Récapitulatif financier compensation carbone en Bas Dauphiné - L Casset ...................................... 77

Figure 24 - Le rôle de l'agence ForestCare - L Casset ........................................................................................ 80

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Table des matières

Remerciements _____________________________________________________________ 1

Liste des sigles ______________________________________________________________ 4

Introduction _______________________________________________________________ 6

I La forêt française et les marchés du carbone quels liens ? _________________________ 12

I.1 Un passif difficile à assumer ___________________________________________________ 12

I.1.1 Depuis 30 ans, le déficit de la balance commerciale _____________________________________ 12

I.1.2 La sous exploitation de la forêt française ______________________________________________ 14

I.1.3 La perspective de l’évolution climatique ______________________________________________ 17

I.2 Biomasse et biodiversité : la forêt, pomme de discorde _____________________________ 18

I.2.1 Une schizophrénie un peu embarrassante _____________________________________________ 18

I.2.2 Des scénarios pour l’avenir ________________________________________________________ 20

I.2.3 Internaliser les externalités environnementales ________________________________________ 22

I.3 Le carbone, un simple produit financier ? ________________________________________ 24

I.3.1 La réaction des Etats : la CNUCC et le protocole de Kyoto ________________________________ 25

I.3.2 La place de la forêt _______________________________________________________________ 27

I.3.3 Des propositions concrètes pour 2013 : le Fonds Forestier Stratégique Carbone _______________ 30

II Un outil pour répondre aux défis de la forêt privée : l’ASLGF du Bas Dauphiné ________ 34

II.1 Le Bas Dauphiné un territoire forestier sans culture sylvicole ________________________ 34

II.1.1 Paradoxalement une économie forestière très dynamique _______________________________ 35

II.1.2 Et classiquement une propriété forestière très morcelée ________________________________ 37

II.1.3 La desserte en forêt : une partie de la solution_________________________________________ 39

II.2 L’ASLGF, l’amorce d’une structuration locale de la gestion forestière __________________ 41

II.2.1 Un travail de fond _______________________________________________________________ 41

II.2.2 Un fonctionnement original _______________________________________________________ 44

II.2.3 Des défis à relever _______________________________________________________________ 49

II.3 L’action « carbone » de l’ASLGF du Bas Dauphiné _________________________________ 52

II.3.1 Les conditions d’émergence du projet _______________________________________________ 52

II.3.2 Un projet unique fruit d’un partenariat innovant _______________________________________ 54

II.3.3 Les perspectives et les critères de reproductibilité d’une telle opération ____________________ 57

III Le carbone forestier, outil de valorisation des services éco systémiques ____________ 60

III.1 Le carbone forestier pour valeur transversale ____________________________________ 60

III.1.1 Les conditions d’usage de l’expression « compensation carbone » _________________________ 61

III.1.2 Le carbone a-t-il un prix ? _________________________________________________________ 62

III.1.3 Une approche souple et adaptative _________________________________________________ 67

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III.2 Une nécessaire synergie « glocal » _____________________________________________ 68

III.2.1 Evaluer pour mieux dimensionner __________________________________________________ 68

III.2.2 Le partenariat, incontournable pour densifier le projet de compensation ___________________ 69

III.2.3 La définition d’un cadre de mise en œuvre ___________________________________________ 71

III.3 Vers une cohérence d’action __________________________________________________ 74

III.3.1 Appuyer à la création d’un label national ____________________________________________ 75

III.3.2 Associer les sources de financement ________________________________________________ 77

III.3.3 Créer un organe de coordination régionale ___________________________________________ 78

Conclusion générale ________________________________________________________ 84

Le carbone forestier, une ressource territoriale pour le développement local dans une économie

régénérative __________________________________________________________________ 84

Bibliographie ______________________________________________________________ 86

Forêt et regroupement des propriétaires ___________________________________________ 86

Carbone et services éco-systémiques ______________________________________________ 87

Autres _______________________________________________________________________ 89

Table des figures ___________________________________________________________ 90

Table des matières _________________________________________________________ 92