Le Canada : Comment mieux faireLe Canada : Comment mieux faire 23 « Nous visons tous à atténuer...

104
Le Canada : Comment mieux faire John Foster

Transcript of Le Canada : Comment mieux faireLe Canada : Comment mieux faire 23 « Nous visons tous à atténuer...

Le Canada :Comment mieux faire

John Foster

Le Canada : Comment mieux faire

23

« Nous visons tous à atténuer lapauvreté dans le monde. Nousdevons répandre les bienfaits de lamondialisation en mettant l’ac-cent sur l’élément humain. »

Discours à l’Assemblée plénièredu Sommet du Millénaire del’Organisation des Nations Unies, prononcé le 7 septembre20001 par le premier ministreJean Chrétien.

Le Canada a fait partie del’inauguration de la Déclara-tion du Millénaire, et sera

présent à l’examen quinquennal dela Déclaration et des Objectifs duMillénaire pour le développement(OMD) en septembre 2005.L’actuelle ministre de la Coopéra-tion internationale, Aileen Carroll,n’a cessé de répéter la contributiondu Canada à la réalisation desobjectifs. Elle a d’ailleurs déclaré en2004 : « Mettre fin à la pauvreté està la fois le premier objectif dedéveloppement du 21e siècle et ceà quoi aspirent les Objectifs dedéveloppement du Millénaire, quitraduisent l’engagement de la com-munauté internationale à réduire lapauvreté dans le monde. »2 Laministre semble par ailleurs être au

courant de la modestie des objec-tifs, ainsi qu’elle l’a dit en novem-bre 2004 : « Ces objectifs... ne sontqu’un premier pas ». Elle a ajouté,par la même occasion, qu’ilfaut modifier les approches :« Pour atteindre les objectifs dedéveloppement du Millénaire, ilfaut modifier radicalement nosinterventions visant à favoriser ledéveloppement humain ».3 Desmembres clés du Cabinet semblentêtre parfaitement conscients du faitque même les cibles limitées desOMD risquent bien de ne pas êtreatteintes. Comme l’a d’ailleurssignalé le ministre des FinancesRalph Goodale devant le Comitédu développement de la Banquemondiale en avril 2004, à proposde la cible de 1 $ américain parjour : « Le maintien des inégalitésfait en sorte que des millions depersonnes sont menacées dedemeurer sous ce seuil inaccepta-ble ». C’est pourquoi, a-t-il ajouté :« Nous devons redoubler d’effortspour que les OMD deviennent uneréalité pour les plus démunis de laplanète. »

Le ministre Goodale a résuméles ingrédients de l’approcheadoptée par le Canada envers lesOMD : mettre en application lesengagements de Doha, aug-menter l’aide et élargir la clausede temporisation de l’Initiative en

Le Canada :

Comment mieux faireJohn W. Foster

faveur des pays pauvres très endettés(PPTE), mobiliser le secteur privé pourcréer un climat davantage propice àl’investissement, et améliorer la qualité etla coordination de l’aide en faisant appelà la Déclaration de Rome sur l’harmoni-sation. Les donateurs devraient axer leurattention sur les priorités cernées dans leCadre stratégique de lutte contre lapauvreté (CSLP), appuyer l’éducationpour tous, encourager un cadre desoutenabilité de la dette ainsi que lasoutenabilité de la dette à long terme,et accorder une attention particulièreaux pays à faible revenu, aux petitsÉtats insulaires en développement et àl’Afrique subsaharienne. Le ministre aégalement signalé que les petits Étatspeuvent être tout particulièrementvulnérables à des chocs venant del’extérieur étant donné leur ouverture« extrême », et qu’ils ont donc besoind’aide pour faire face à leurs défisparticuliers, mitiger les désastres et gérerles risques. Il a par ailleurs reconnu lanécessité d’offrir « une aide substantiellepour combattre la progression duVIH/sida ».4

Plus récemment, la ministre Carroll, àl’occasion de la publication du rapportsur le projet du Millénaire en janvier2005, a souligné qu’« il est essentiel deconstamment concentrer nos efforts surles objectifs à long terme ». Le rapport,« arrive à point nommé, car il nous four-nit un plan d’action concret pour donnerun nouvel élan à nos efforts et aider lacommunauté internationale à atteindredes objectifs à long terme d’ici à 2015 ».Ainsi, le Canada va-t-il multiplier pardeux son budget consacré à l’aide d’ici à2010, en travaillant dans le cadred’organisations internationales à fournirun accès au marché, à débloquer l’aideet à alléger un peu plus la dette. Les

questions touchant l’égalité des sexes etl’environnement sont toujours desthèmes sous-jacents, les efforts étantparticulièrement concentrés sur l’Afriquesubsaharienne.5

Le présent chapitre, et les suivants, sepenchent sur la façon dont ces prioritéssont exprimées dans les politiques duCanada en matière d’aide au développe-ment et d’autres domaines connexes.Des études de cas du Bangladesh, de laBolivie et du Mali examinent de quellemanière ces priorités se présentent surle terrain.

De toute évidence, les engagementsdu Canada dans les domaines de laDéclaration du Millénaire et des OMDvont bien au-delà de la simple rédactionde tels documents. Les orientations desdimensions relatives à l’égalité des sexesdu développement humain, fixées dansla Conférence des femmes de 1995 àBeijing, restent des guides pertinents à lapolitique. Dans le même ordre d’idées,les engagements pris au G-7/8 surl’Afrique continuent d’influencer les poli-tiques. Les initiatives du G-7/8 sur leVIH/sida, ainsi que les engagements prisà la séance spéciale des NU sur leVIH/sida en 2001, de même que l’OMDpertinente, doivent être pris en consi-dération pour évaluer la réponse duCanada et sa contribution. Certains deces éléments sont abordés ci-après.

Le budget fédéral de 2005 L’approche adoptée par le Canada enversson engagement international estprécisée dans les budgets annuels dugouvernement fédéral, ce que nemanque pas de faire celui qui a étédéposé le 23 février 2005. Trois élémentsclés méritent notre attention.

Rapport canadien sur le développement 2005

24

Tout d’abord, le budget prévoit unengagement sur cinq ans envers l’aide àl’étranger, y compris le doublement del’aide à l’Afrique au cours des troisprochaines années. L’augmentation de8 p. 100 par an de l’aide publique audéveloppement (APD), promise par leCanada à Monterrey en 2002, est confir-mée jusqu’en 2010, ce qui donne uneaugmentation totale de 3,4 milliards dedollars sur cinq ans. Toutefois, quandbien même l’aide totale du Canada dou-blerait par rapport à 2001-2002 d’ici à2010, ainsi que cela a été promis, leCanada n’en serait qu’à 0,33 p. 100 deson revenu national brut (RNB), soit bienen deçà des 0,49 p. 100 obtenus audébut des années 1990, et encore bienplus loin de l’objectif des NU de 0,7 p.100. Il n’y a aucun engagement à ce jourpour atteindre 0,7 p. 100 d’ici à 2015.

On constate, avec surprise, toute absencede référence spécifique dans le budget àses répercussions sur l’atteinte par leCanada de l’objectif de 0,7 p. 100 desNU, cette omission étant rendue encoreplus évidente par le nombre croissantd’engagements précis envers sa réalisa-tion de la part d’autres pays. Dans unéditorial cinglant, « Ralph? Is that you? »,le quotidien The Globe and Mail soulignela contradiction entre le ministre desFinances Ralph Goodale en sa capacitéde membre de la Commission pourl’Afrique du Royaume-Uni, demandantaux donateurs de préciser leurs plans envue d’atteindre l’objectif de 0,7 p. 100,et le ministre qui annonce un budget de2005 sans aucun plan de ce genre. « Mr.Goodale should be hanging his head. »(M. Goodale devrait avoir honte)6

Une des justifications pour le moinsétrange de l’échec du Canada à atteindrele 0,7 p. 100, qu’avancent des hautsfonctionnaires du ministère des Finances,

est celle selon laquelle étant donné quele Canada jouit d’une excellente perfor-mance économique d’ensemble et d’unbon taux de croissance, il lui est difficiled’atteindre cette cible. Jeffrey Sachs,directeur du Projet des Objectifs duMillénaire des NU, a déclaré devant unauditoire à Ottawa, en avril, qu’il n’avaitjamais entendu une « excuse » aussimauvaise. Le Canada ne peut pasatteindre l’objectif fixé parce qu’il a unexcédent et que tout va bien?

Deuxièmement, ces augmentations sontétouffées par la hausse gigantesque desdépenses consacrées à la défense aucours de deux décennies, soit en tout12,828 milliards de dollars de nouveauxfonds entre 2005-2006 et 2009-2010.Tout en continuant d’apporter son appuià la « sécurité humaine » dans toutes sesdimensions, à l’échelle internationale,l’argent du Canada est principalementconsacré à la sécurité.

Troisièmement, le budget envisage unenouvelle approche à l’organisation et lagestion de l’enveloppe de l’aide interna-tionale du Canada. Cette enveloppe estdivisée en cinq « comptes » distincts.Bien que ces comptes ne représententpas des engagements ministériels spéci-fiques, chacun d’entre eux, à une excep-tion près, sera géré par un ministère par-ticulier : le développement, soit le plusgrand, par l’Agence canadienne dedéveloppement international (ACDI); lesinstitutions financières internationales(IFI), par le ministère des Finances; lapaix et la sécurité, par Affaires étrangèresCanada (AEC), et la recherche sur ledéveloppement, également par AEC. Lecinquième compte, soit celui des Crises,sera co-administré. Les décisions poli-tiques et prioritaires quant à l’allocationparmi les divers comptes seront prisespar le Comité sur les affaires mondiales

Le Canada : Comment mieux faire

25

du Cabinet. Aux questions qui leurétaient posées sur les critères d’allocationdes fonds, les hauts responsables ontrépondu que le Comité du Cabinet seraitle lieu d’un « combat d’idées ». Certainesquestions quant à la participationparlementaire à l’élaboration des prio-rités, aux consultations publiques, et àl’élaboration possible de normes pourévaluer l’efficacité relative des méthodesparticulières pour réaliser les objectifs telsque les OMD, restent sans réponsepositive à ce jour. Ainsi, la nouvelleapproche reste largement un « conceptde gestion » au lieu d’ouvrir les portesà la participation à l’élaboration des priorités.

La Déclaration et les Objectifs :Véritable engagement ou phobie passagère? Dans son mémoire sur la politique inter-nationale du Canada, l’Institut Nord-Suddéfend « l’atteinte de la sécurité mon-diale par le biais d’un développementdurable et équitable »7.

Nous invitons expressément le premierministre à faire preuve de leadership et àse servir de la Déclaration du Millénaireet des Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement comme base de lavision du Canada du monde que nousvoudrions façonner.

Nous proposons, entre autres :

• Une « approche globale au niveaugouvernemental » et une approche« pancanadienne », incluant nonpas seulement des ministères etorganismes divers, mais engageantdes gouvernements provinciaux etmunicipaux alors qu’ils élaborent lesintérêts et la participation à l’échellemondiale.

• L’introduction d’une loi définissant ledéveloppement durable et équitablecomme l’objectif fondamental autourduquel la politique internationaledevrait être formulée et par rapportà laquelle des rapports périodiquesseraient présentés au Parlement surles contributions et réalisationsdu Canada.

• Un rôle pour le Comité sur les affairesmondiales du Cabinet, et un comitéparlementaire parallèle (avec participa-tion du public) dans l’examen pério-dique des contributions du Canada etla préparation d’une « feuille de route »du Canada envers la réalisation de laDéclaration du Millénaire et des OMDau cours de la prochaine décennie.

Enfin, nous situons la politique duCanada, orientée comme nous lesuggérons par la Déclaration et lesObjectifs, dans le cadre d’un engage-ment global envers une mondialisationjuste et inclusive, le tout accompagnéd’un engagement envers la paix etla sécurité.

Rôle du Canada dans ledéveloppement et pressionsgéopolitiques« Malgré le fait que l’ACDI a déclaréneuf « pays de concentration », lesdeux plus grands récipiendaires d’aidedu Canada ne figurent même pas surla liste de priorités : l’Afghanistanet l’Iraq ».

Rieky Stuart, « Aid should be used tofight poverty and nothing else ». 8

La route accidentée que les gouverne-ments canadiens doivent emprunter en

Rapport canadien sur le développement 2005

26

tant qu’alliés d’une superpuissance ayantun programme international agressif,place d’importants contrepoids à la poli-tique de principe, voire même déclarée,sur le développement outre-mer. Bienque l’on puisse dire que l’aide àl’Afghanistan est justifiée du fait que cepays compte parmi les moins avancés,l’importance de cet engagement et laforte contribution à l’Iraq font figured’exception, ce qui soulève des doutesquant à la politique globale en matièrede pays de concentration. Dans le mêmeordre d’idées, les pressions exercées pouradopter un rôle officiel dans le dossierdes « missiles de défense » ont menacéde transformer le débat sur les politiquespertinentes à l’échelle nationale sur lescontributions du Canada à la paix et àla sécurité.

En ce qui a trait à la politique en matièrede développement, la question demeurela réalisation d’un rôle canadien cohérentet identifiable dans un domaine où cettenation s’est parfois même « illustrée ».L’importance des politiques novatrices etde l’utilisation des ressources est peut-être plus grande que jamais alors quel’« harmonisation » a tendance àdominer et la rhétorique et la pratique.La difficulté et l’art d’agir ainsi demanière positive ne sont pas négli-geables, mais une politique en matièrede développement solidement ancrée nesera peut-être pas seulement un guidemais aussi une défense contre toutedistorsion des priorités. À quoi cela sert-ilvraiment de déclarer des pays prioritaires,si cette priorité peut être aussi facilementsapée? Une politique qui serait définiedans une loi du Parlement serait-elledéfendue de façon plus vigoureuse?

Les compromis qu’envisage le gouverne-ment actuellement en place autour desannonces concomitantes de refus

d’endosser les missiles de défense et « laplus forte augmentation des fonds endeux décennies » pour la défense, ontété rédigés et revus par les médias enfonction des relations qu’entretient leCanada avec les États-Unis. La questionde savoir si l’avenir de la planète et lesintérêts prédominants de la populationcanadienne sont pris en compte dans legrand saut de l’APD plutôt que dansl’investissement dans la défense,recherché par l’ancien ambassadeurdes États-Unis au Canada, entre autres,a à peine été abordée. La priorité àaccorder aux dépenses en matière dedéfense est très loin sur la liste desinvestissements que préfèrent lesCanadiens, alors que la récentemanifestation d’aide à apporter àl’Asie du Sud, que ce soit au niveaumatériel ou spirituel, a démontré unprofond engagement envers la solidaritémondiale.

Les valeurs du Canada et l’élaboration des politiques dedéveloppement dominantesParmi les éléments clés qui ont guidé lapolitique étrangère du Canada cesdernières années, on retrouve l’expres-sion « valeurs canadiennes ». Alors queles initiatives de développement outre-mer deviennent de plus en plus intégréesà des approches multilatérales, la portéedans laquelle les objectifs canadiens, entant que tels, restent efficaces, que celasoit souhaitable ou non, est mise endoute. Dans certains cas, des valeurscanadiennes fort respectées peuvententrer en conflit avec une politiquemultilatérale.

Plusieurs articles de la présente étudefont état d’une intégration croissante des

Le Canada : Comment mieux faire

27

approches du Canada en matière d’aideet de politique, et gérée par les institu-tions financières internationales, princi-palement la formule du CSLP. L’étude duBangladesh soulève des questions sur lavéritable « prise en charge » du paysmalgré les promesses qui accompagnentl’approche de CSLP. Elle met aussi endoute la mise en application des poli-tiques néolibérales de privatisation, axéessur le marché, incluses dans les CSLP. Unautre danger se dessine, soit un autrerétrécissement possible de la portéeentraîné par une plus grande prioritéaccordée aux cibles des OMD.

Dans l’un des domaines faisant l’objetd’une étude, soit la santé, l’élargissementdes modèles et approches du secteurprivé – par exemple, la médecinecurative plutôt que préventive – sert àdémontrer l’impact négatif des politiquesliées au CSLP sur les pauvres et les causessous-jacentes de la pauvreté. Les valeurscanadiennes sont incluses, comme ledémontrent les sondages, dans lesystème d’assurance santé canadien, etles principes qui le sous-tendent : univer-salité, accessibilité, transférabilité,intégralité et administration publique. Ilexiste donc un conflit entre l’approche àla santé telle qu’elle a été pratiquéedepuis des décennies au Canada, et celledéfinie par la politique des IFI, danslaquelle les programmes de développe-ment canadiens sont de plus en plusintégrés. Les comparaisons des effets surles pauvres au Canada et dans les Étatsqui n’ont pas une telle approcheuniverselle et accessible, révèlent l’impactnégatif de cette dernière approche sur lespauvres et les marginalisés. Nos collabo-rateurs précisent que dans certainsdomaines, par exemple dans celui del’égalité entre les sexes, une priorité etune approche canadiennes particulières,

en matière de développement, ontentraîné d’importants résultats àl’étranger. Pourquoi, alors, n’est-il paspossible d’appliquer la politique duCanada en matière de santé à l’étrangeret d’appuyer les systèmes de santépublique qui incluent les principes quiont été largement plébiscités au pays, etont eu d’énormes répercussions sur unaccès égal, ainsi qu’un impact favorablepour les pauvres? Dans quelles tribunesun tel débat serait-il mieux engagé?

Le Canada : société civile etengagement publicAu cours des derniers mois, un certainnombre de pays donateurs ont préparédes rapports d’examen de leurs progrèsen vue de la réalisation des engagementsliés aux OMD, parmi eux la Commissioneuropéenne, le Danemark, la Finlande,l’Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, laSuède et le Royaume-Uni. L’ACDI s’estengagée à présenter un rapportsemblable en 2005. Ces rapports nesuivent pas un format identique. Certainssont axés sur les objectifs 7 et 8 quidécrivent les responsabilités premièresdes donateurs. D’autres donnent desdétails de leurs contributions envers leshuit objectifs. Le rapport du Danemarkquant à lui est plus général. La Norvègeprécise quelles sont ses contributions,non seulement en ce qui a trait auxressources mais aussi aux politiques et àson leadership politique.

Même si à l’heure actuelle le Canadan’a pas encore publié le sien, les rapportsdes autres pays donateurs permettentd’effectuer une comparaison avec lapratique canadienne à ce jour et uncertain nombre de dimensions desengagements d’autres nations envers le

Rapport canadien sur le développement 2005

28

développement. Du fait qu’un certainnombre de ces documents n’ont étéreçus que tout récemment, nousn’essaierons pas d’effectuer une analysecomparative exhaustive. Toutefois, letraitement de la société civile dans lesstratégies mises en place pour réaliser lesOMD, au pays et dans les pays endéveloppement, est examiné.

Pour la Direction générale du partenariatde l’ACDI, « la société civile et le secteurprivé, aussi bien au Canada que dans lespays d’accueil, jouent un rôle-clé dans ledéveloppement international. Ce sontdes agents de changement qui apportentdes idées novatrices sur le développe-ment tout en faisant bénéficier directe-ment la population. Le développementest un processus complexe qui fait appelaussi bien à la société civile et au secteurprivé, qu’aux gouvernements et auxorganisations internationales. »9

La reconnaissance de l’importance de lasociété civile a un grand nombre depoints communs avec d’autres dona-teurs, tels que les pays, selon lesquels « ladiminution de la pauvreté durable et ledéveloppement de la société civile sontintrinsèquement connectés ».10

Toutefois, l’engagement de l’agenced’aide officielle envers les partenaires desONG constitue un domaine de contrasteentre le Canada et un certain nombred’autres pays donateurs. Le Conseilcanadien pour la coopération interna-tionale (CCCI) souligne la tendancenégative dans les allocations de l’ACDI àdes partenariats avec des OSC.

Les OSC jouent un rôle à la baissedans la coopération internationalecanadienne, particulièrement en cequi concerne les nouvelles approchesde programmes à la prestation de

l’aide. Selon les calculs du CCCI, lesdépenses de l’ACDI au titre de parte-nariats avec des OSC ont diminué de6 p. 100 au cours des trois années quise sont écoulées entre 1999/2000 et2002/2003, soit la dernière annéepour laquelle des statistiques sontdisponibles. Cette diminution a étéparticulièrement marquée aux direc-tions générales bilatérales, qui ontconnu une réduction globale de plusde 25 p. 100 au cours de ces années.Les ressources canadiennes au titre del’aide acheminée pour un financementmixte de donateurs des approchessectorielles ou une aide budgétaire aentraîné des augmentations corres-pondantes des partenariats entregouvernements. Bien que l’accent missur les approches aux programmessoit une innovation bien appréciée, àce jour l’agence n’a pas accordé suffi-samment d’attention à ses pro-grammes et politiques pour assurerune aide efficace des rôles pour lasociété civile.11

Cette tendance fait contraste avec lesinvestissements renouvelés duDepartment for InternationalDevelopment (DfID) du RU, qui –depuis 1986 – a augmenté son aide auxOSC du RU de 32 p. 100, passant à223 millions de livres en 2003-2004, etqui s’est engagé à augmenter sonfinancement central aux agences d’aidedu RU de près de 28 p. 100 en 2005-2006. On relève d’ailleurs une tendancesemblable en Finlande, où « la part de lacoopération des ONG augmenteragraduellement d’ici à 2007 jusqu’à 14 p.100 de la coopération ». La Norvège atout simplement indiqué que 20 p. 100de son APD est fournie par l’intermédiairedes OSC.12

Le Canada : Comment mieux faire

29

La justification de ces augmentations estévidente. Les Pays-Bas, qui ont accordé329 millions d’euros par l’intermédiaired’OSC en 2002, avancent l’importanced’une « société civile bien organisée »pour atteindre une gouvernanceraisonnable, essentielle à la réduction dela pauvreté. « Dans des pays où la gou-vernance raisonnable est absente, l’aide àla société civile par des organisations dela société civile étrangères est bien sou-vent le seul moyen d’améliorer la gouver-nance ».13 La Suède quant à elle faitressortir la contribution unique audéveloppement des OSC : « leurprésence qui date bien souvent depuislongtemps ainsi que leur coopérationétroite avec des organisations locales,leur permettent de collaborer de façonplus directe avec les personnes et lescommunautés pauvres, et d’élaborer desinitiatives reposant sur les besoinslocaux. »14 La Norvège insiste sur leursrôles au niveau des politiques : « cesorganisations sont également des forcesmotrices importantes au niveau desefforts politiques pour garantir les droitshumains en général et s’assurer que lespauvres, les groupes marginalisés en par-ticulier, atteignent un meilleur niveau devie et sont en mesure d’obtenir leursdroits. Les organisations de la sociétécivile contribuent au dialogue politiqueet à l’effort général consistant à super-viser les politiques du gouvernement. »15

En avril 2005, l’ACDI annonçait trois nou-velles initiatives, s’élevant à quelque25 millions de dollars sur quatre ans,pour un partenariat avec la société civileet le secteur privé, citant l’importancedes OSC dans la lutte globale contre lapauvreté; il s’agit d’un petit pas vers uneplus grande collaboration.16

Ce contraste est particulièrement impor-tant dans un domaine comme celui de

l’engagement public. Un récent sondageauprès de résidents européens a révéléque la connaissance des Objectifs duMillénaire pour le développement étaitextrêmement limitée, 83 p. 100 de lapopulation les ignorant. Dans cecontexte, l’initiative du gouvernementde la Suède visant à lancer unecampagne dynamique au nom desOMD, est particulièrement importante,cette campagne faisant appel à despartenariats étroits avec des OSC et desentreprises privées. Le Canada quant à luia pris quelques mesures destinées àencourager l’engagement public enversles OMD, mais la sensibilisation de lapopulation envers ces objectifs est proba-blement encore plus marginale que cellequi a été relevée en Europe. Quoi qu’ilen soit, l’ACDI a indiqué dans sa stratégiepour 2004-2006, son engagement à« élaborer et financer une nouvellestratégie pour l’engagement public parl’intermédiaire de partenariats »17 et à« allouer d’énormes ressources et pro-grammes, en partenariat avec des OSCcanadiennes, dans le but de faireparticiper les Canadiens comme citoyensdu monde ». Il est grand temps qu’unestratégie, élaborée en collaboration avecdes représentants chevronnés d’OSC auCanada, soit mise en place.

Si le gouvernement veut être pris ausérieux, il lui faut apporter un soutienfinancier accru et nouveau. L’ACDI doitrenverser la tendance actuelle en matièrede défense. Alors qu’en 1994-1995,l’ACDI avait investi 23 millions de dollarsdans l’engagement public par l’intermé-diaire de partenaires, en 2002-2003, cesdépenses avaient chuté à 12 millions dedollars, ce qui ne représente que 0,45 p.100 de l’APD canadienne.

Rapport canadien sur le développement 2005

30

ConclusionS’adressant à un grand auditoire àOttawa, début avril, Jeff Sachs a lancé undéfi aux dirigeants canadiens dans lecontexte du rapport de 1969 « Vers uneaction commune pour le développementdu tiers-monde » de la Commissiond’étude du développement international,sous la direction de Lester Pearson. Lajustification de l’aide au développement,qui était si clairement énoncée alors, esttout aussi pertinente aujourd’hui,plusieurs décennies plus tard. L’objectifévident de chaque pays riche consistantà consacrer 0,7 p. 100 à l’aide audéveloppement outre-mer était énoncéavec force à cette époque, au point où lenon-respect de cet objectif de la part duCanada et d’un certain nombre d’autrespays donateurs est criant et choquant.

L’année 2005 verra-t-elle un grandchangement de direction relativement àl’engagement de ressources et d’autresdimensions clés? Les signes ne sontcertes pas encourageants alors que nousmettons la dernière main à cette éditiondu Rapport canadien sur le développe-ment. Toutefois, des objectifs ont étéfixés. Des plans ont été élaborés, lesquelsnécessitent un financement adéquat etprogressif. Les coûts de l’inaction n’ontjamais été si clairement et manifestementexpliqués.

Le soutien public à l’action humanitaire ararement été manifesté comme cela futle cas au lendemain de la catastropheprovoquée par le tsunami au début del’année 2005. Les porte-parole du gou-vernement ont à plusieurs reprisesendossé cette action. Le ministre desFinances a signé le rapport de laCommission pour l’Afrique demandant0,7 p. 100. Alors, qu’attendons-nous?

Notes1 Premier ministre Jean Chrétien, « Discours

à l’Assemblée plénière du Sommet duMillénaire de l’Organisation des NationsUnies », le 7 septembre 2000.

2 ACDI. Mettre le monde des affaires auservice des pauvres. Notes pour une allo-cution d’Aileen Carroll, ministre de laCoopération internationale, à l’occasionde la cérémonie d’ouverture des Journéesde la coopération internationale. Calgary(Alberta), le 22 avril 2004.

3 ACDI. Les Objectifs de développement duMillénaire : De l’engagement collectif à lamobilisation. Notes pour une allocutionde l’honorable Aileen Carroll, ministre dela Coopération internationale à l’occasionde la cérémonie d’ouverture des Journéesde la coopération internationale, 1er

novembre 2004.

4 Ralph Goodale, Déclaration à l’intentiondu Comité du développement de laBanque mondiale, avril 2004.

5 ACDI, Déclaration de l’honorable AileenCarroll sur la publication du rapport duProjet du Millénaire. Communiqué depresse (2005-02), le 17 janvier 2005.

6 « Ralph? Is that you? » Editorial The Globeand Mail, 12 mars 2005, p. A 16

7 L’Institut Nord-Sud, Mémoire sur la poli-tique internationale. Bases de la politiqueinternationale canadienne : Sécurité,développement durable et équitable(Ottawa, 2005).

8 Rieky Stuart, « Aid should be used to fightpoverty and nothing else ». OttawaCitizen, édition du 2 mars 2005.

9 Direction générale du partenariatde l’ACDI, Mission et vision www.acdi-cida.gc.ca (mis à jour le 11 septembre 2003).

Le Canada : Comment mieux faire

31

10 Ministerie van Buitenlandse Zakm,Millennium Development Goal 8:Developing a Global Partnership forDevelopment. Rapport d’étape des Pays-Bas (La Haye, 2005).

11 Brian Tomlinson, « Strengthening CivilSociety in Canadian InternationalCooperation ». Document d’informationnon publié, octobre 2004.

12 Voir ministère des Affaires étrangères de laFinlande, rapport de la Finlande sur lesObjectifs du Millénaire pour le développe-ment, Helsinki, 2005; HM Government,The UK’s Contribution to Achieving theMillennium Development Goals, Londres,2005; et rapports du ministère norvégien.

13 Ministerie van Buitenlandse Zakm, p. 39.

14 Ministre des Affaires étrangères de laSuède : Making it Happen. Rapport de laSuède sur les Objectifs du Millénaire pourle développement 2004, Stockholm.2005, p. 16.

15 Ministre des Affaires étrangères de laNorvège, Global Partnerships forDevelopment. Rapport d’étape de laNorvège, 2004, Oslo, 2005, p. 26.

16 ACDI : L’ACDI renforce ses partenariatsavec les secteurs bénévole et privé cana-diens. Communiqué de presse 2005-16,le 12 avril 2005.

17 Tomlinson, Strengthening Civil Society.

Rapport canadien sur le développement 2005

32

Les objectifs du Millénaire pour le développement

et la Stratégie de réduction de

la pauvreté

Rodney Schmidt

Les objectifs du Millénaire pour le développement et la Stratégie de réduction de la pauvreté

35

Àen croire les tendancesactuelles de la croissance et dudéveloppement, la plupart

des pays pauvres, et plus parti-culièrement en Afrique subsaha-rienne, n’atteindront pas le premierdes objectifs du Millénaire pourle développement (OMD 1, soitréduire de moitié, entre 1990 et2015, la proportion de la popula-tion dont le revenu est inférieur à1 $ américain par jour et qui souffrede la faim). Il s’agit là du problèmele plus en vue des OMD, pourlequel il y a deux solutions. La pre-mière, avancée par Jeffrey Sachs etle Projet Objectifs du Millénaire desNations Unies, prévoit de demanderaux pays donateurs ainsi qu’à laBanque mondiale et au Fonds mo-nétaire international (FMI) de dou-bler l’aide aux pays pauvres afin definancer une très forte augmenta-tion (mise à l’échelle, dans le jargonde Sachs) dans l’investissement et lacroissance.1 La deuxième solution,laquelle est appuyée par un certainnombre d’organismes indépen-dants mais bénéficie d’une faiblereconnaissance officielle, prévoit dedemander aux pays pauvres decombiner croissance économique etamélioration modeste de la réparti-tion du revenu au cours des dixprochaines années.

Ces solutions potentielles auproblème lié à la réalisation desOMD ne constituent pas en faitdes options de rechange, maissont plutôt complémentaires lesunes des autres. Plusieurs payspauvres sont en quelque sortebloqués dans cette situation depauvreté caractérisée par unecroissance négative ou près dezéro. Ils ne peuvent s’en sortirsans avoir beaucoup de chance,élément qui ne peut être pris encompte dans un plan stratégique,ni sans une augmentation sensi-ble de l’efficacité avec laquelle lesressources extérieures sont uti-lisées à des fins d’investissement,de même que de leur quantité.Pour plusieurs de ces pays, lasolution première pour réaliser lesOMD consiste à trouver unmoyen d’initier et de maintenir lacroissance économique.

Parallèlement, les revenus de laplupart des pays pauvres, et plusparticulièrement ceux de l’Afriquesubsaharienne, sont distribués defaçon inégale ce qui restreintimmédiatement les effets de lacroissance sur la réduction de lapauvreté et, à plus long terme,limite probablement le taux decroissance. Lorsque les revenus

Les objectifs du Millénaire pour

le développement et la Stratégie

de réduction de la pauvretéRodney Schmidt

sont inégalement distribués, les payspauvres doivent croître beaucoup plusrapidement pour réduire la pauvreté etréaliser le premier objectif des OMD,bien qu’ils soient moins à même depouvoir le faire.

Les pays pauvres peuvent-ils améliorer larépartition du revenu au cours des dixprochaines années sans pour autantcompromettre leur croissance? Quellesseront les répercussions de cetteapproche sur la stratégie de réduction dela pauvreté, telle qu’énoncée dans leCadre stratégique de lutte contre lapauvreté (CSLP), et appuyée par les paysdonateurs et les institutions financièresinternationales (IFI)?

Croître seul, ce n’est pas suffisant...Un document de recherche de laBanque mondiale et de l’Institute forDevelopment Studies (University ofSussex), datant des années 1970,suscitait le doute quant à la réductionde la pauvreté grâce à la croissanceéconomique :

La pauvreté n’est pas nouvelle... Ce qui est nouveau, c’est la suspi-cion que la croissance économiqueen elle-même ne pourra peut-être pas régler ni même atténuer leproblème dans une période detemps « raisonnable ».2

Les récents calculs sur la contributionpossible de la croissance économique à ladiminution de moitié de la pauvreté d’icià 2015, en arrivent à la même conclusion(voir tableau 1).3 Si la croissance se pour-suit à des taux historiques, la pauvretédiminuera dans toutes les grandesrégions de ce monde. Toutefois, elle ne

diminuera pas suffisamment vite pourréaliser l’objectif 1 des OMD enAmérique latine et dans les Caraïbes,en Asie du Sud ou encore, plus parti-culièrement, en Afrique subsaharienne.4Ces régions regroupent la plupart despays les plus pauvres du monde. Dansnombre d’entre eux, le taux decroissance nécessaire dépasse leursobjectifs de croissance du CSLP, lesquelsfont aussi l’objet de critiques pour êtrebeaucoup trop ambitieux et irréalistessans pouvoir compter sur d’importanteset nouvelles ressources d’investissementde l’extérieur.5

...parce que l’inégalité de la répartition du revenu est trop élevée!Des pays ayant des taux de croissancesemblables bien souvent connaissent destaux de pauvreté différents, ce quis’explique principalement par la variationde l’égalité dans la répartition du revenuentre eux. Dans le même ordre d’idées,dans un pays la réaction du taux depauvreté à celui de croissance peut varierselon les secteurs et au fil du temps, avecdes différences dans la répartition durevenu. L’effet de la croissance sur laréduction de la pauvreté est moindredans les pays moins égaux.

Les pays pauvres comptent parmi lesplus inégaux de ce monde. L’Afrique sub-saharienne, qui compte la plupart despays pauvres de la planète, se classe endeuxième place comme région au niveaude l’inégalité, derrière l’Amérique latine(voir tableau 2). Ces pays doivent avoirune croissance plus rapide pour réduirede moitié la pauvreté au cours des dixprochaines années par rapport à ceux quiont une répartition plus égale du revenu.

Rapport canadien sur le développement 2005

36

Par comparaison, d’après les calculsmentionnés ci-dessus, une réductionimportante de l’inégalité mais sanschangement du taux de croissancepermettrait de diminuer de moitié ouplus la pauvreté.7

Ce simple raisonnement insiste sur lesdangers qu’il y a de trop se concentrersur le taux de croissance des pays pau-

vres et d’ignorer le scénario de crois-sance. Lorsque la Chine a entrepris sesréformes économiques vers les fin desannées 1970, elle avait un système derépartition du revenu relativementuniforme (un coefficient rural Gini de 21en 1978; voir le tableau 2 pour uneinterprétation du coefficient). En 1990,le coefficient rural Gini de la Chine était

Les objectifs du Millénaire pour le développement et la Stratégie de réduction de la pauvreté

37

Tableau 1 Écarts de croissance régionaux OMD 1

Europe Moyen-Asie de de l’est Amérique Orient et Afriquel’Est et et Asie latine et Afrique Asie sub-

Pourcent Pacifique centrale Caraïbes du Nord du Sud saharienne

Taux de croissanceannuel nécessaire pour réaliser l’OMD 1 2,7 2,4 3,8 3,8 4,7 5,6

Taux de croissanceannuel historique 1960-1990 3,3 2,0 1,3 4,3 1,9 0,2

Source: Besley et Burgess, 2003, p. 8.

Tableau 2 Valeurs médianes du coefficient Gini par région6

(Un plus grand coefficient, situé entre 0 et 1 inclusivement, indique une répartition moins égale.)

Années Années Années AnnéesRégion 1960 1970 1980 1990

Europe de l’Est 0,23 0,22 0,25 0,29

Asie du Sud 0,32 0,32 0,32 0,32

OCDE et revenus élevés 0,33 0,33 0,32 0,33

Asie de l’Est et Pacifique 0,35 0,34 0,34 0,35

Moyen-Orient et Afrique du Nord 0,42 0,44 0,41 0,40

Afrique subsaharienne 0,50 0,49 0,40 0,42

Amérique latine 0,53 0,50 0,51 0,50

Source : Adapté de Deininger et Squire, 1998, tel que reproduit dans Bigsten et Shimeles, 2003, p. 2.

passé à 38, et poursuivait sa haussejusqu’à 46 en 1998. La croissance rapidede la Chine a coïncidé avec une réduc-tion elle aussi rapide de la pauvreté, maiségalement avec des revenus divergents,largement selon les lignes régionales. Denos jours, la Chine est l’un des pays dumonde le plus inégal où la pauvretérésiste de plus en plus à la croissance.8

Si l’on s’intéresse à ce qui se passe dansd’autres pays pauvres, on s’aperçoitqu’environ la moitié d’entre eux sontparvenus à combiner leur taux de crois-sance avec une diminution de l’inégalité,alors que les autres ont vu l’inégalitéaugmenter avec le taux de croissance.Apparemment, il n’y a pas de relationsstructurelles entre la croissance et leschangements au niveau de l’inégalitédans le cours du développement. Cetterelation dépend probablement d’autresfacteurs tels que les politiques et institu-tions locales qui ont simultanément unecertaine influence sur la croissance etl’inégalité. En principe, il devrait êtrepossible d’avoir recours à des stratégiespolitiques et de développement pourarriver à la croissance avec la redistribu-tion du revenu, bien que dans la pratiqueil y ait bien peu de preuves à cet effet.

La stratégie officielle comptefortement sur la croissanceLes récentes élections en Inde ont révéléà la face du monde que les pauvres nonseulement s’intéressent à la croissanceéconomique mais aussi à la façon dontest distribué le revenu généré par lacroissance. En mai 2004 « Les électeursde l’Inde... ont étonné le monde et eux-mêmes en faisant sauter... le gouverne-ment au beau milieu d’une des plusfortes périodes d’expansion économique

du pays ».9 Malgré une diminution de lapauvreté nette, la rapidité de cettediminution chez les deux tiers desIndiens qui vivent et travaillent dansl’économie rurale n’était pas comparableavec le taux de croissance global.

Malgré les hypothèses illustrées dans cetexemple selon lesquelles le bien-êtresocial réagit à la fois à la croissance et àla répartition du revenu, la stratégieofficielle en matière de développementrepose presque exclusivement sur lacroissance économique. Le principalénoncé de stratégie dans les payspauvres est censé être le CSLP, lequeldocument oriente la politique et lesrelations et programmes avec lesdonateurs de l’extérieur et les IFI. Parexemple, selon le FMI : « Les objectifset les conditions politiques dans unprogramme appuyé par la FRPC (Facilitépour la réduction de la pauvreté et pourla croissance) reposent sur le CLSP dupays concerné ».10

Les DSRP (Documents de stratégie pourla réduction de la pauvreté) identifient lacroissance économique comme le moyenclé pour réduire la pauvreté.11 Nombred’entre eux, en fait, considèrent la crois-sance comme le seul moyen d’y parvenirsur une large échelle.

Tous les DSRP et DSRP intérimaires...accordent la priorité absolue à lacroissance économique commemoyen pour réduire la pauvreté... Ilest toutefois surprenant de constaterqu’un quart seulement de ces DSRPet DSRP intérimaires utilisentl’expression « croissance favorableaux pauvres » ou comportent desdéclarations garantissant que lacroissance est équitablementrépartie, suggérant une foiindéfectible dans le pouvoir de la

Rapport canadien sur le développement 2005

38

croissance seule pour réduire lapauvreté, sans porter une grandeattention à l’équité.12

Certains DSRP précisent que la croissancedevrait être répartie dans toutel’économie, de sorte que les pauvressoient mieux placés pour y participer.Afin d’y parvenir, ils promettentd’accorder la priorité au développementagricole, du fait que dans les payspauvres 70 p. 100 des pauvres viventdans les régions rurales et que la pluparttravaillent dans le domaine de l’agricul-ture. Toutefois, les DSRP n’élaborent pasde stratégie sur la croissance reposant surles caractéristiques de la pauvreté dupays, et n’expliquent pas non pluscomment les politiques des DSRPréduiront la pauvreté.13

L’accent que mettent les DSRP sur lacroissance économique est conforme auxattitudes dominantes et aux positionsofficielles des organismes donateurs etdes institutions financières interna-tionales. Un analyste influant a d’ailleursprécisé que « Les bureaucrates de l’aidedéfinissent leur objectif final commeétant la « réduction de la pauvreté »(ce que l’on désigne aujourd’hui defaçon plus politiquement correct par« croissance »)... ».14

Les programmes du FMI dans les payspauvres, appuyés par les DSRP, onttendance à traiter la pauvreté commeétant distincte de la stratégie decroissance et subordonnée à celle-ci.Lorsqu’une stratégie de croissance,conforme aux DSRP, est conçue, lespolitiques individuelles peuvent êtremodifiées ou bien des programmessociaux peuvent y être ajoutés afin de sepencher sur les coûts de transition oud’ajustement qui ont des répercussionsparticulières sur les pauvres. Ces coûts

seraient précisés à la suite d’une analysed’impact sur les conditions de vie et lapauvreté (PSIA). Toutefois, de tels exerci-ces n’influencent pas la conception d’unestratégie de croissance et bien souventsont conclus d’avance. Selon le FMI :

Environ la moitié de tous lesprogrammes appuyés par la FRPCfont référence à une forme ou uneautre de pauvreté et d’analyse del’impact sur les conditions de vie etla pauvreté (PSIA), et à peu près untiers font référence à une analyseplus rigoureuse axée sur le PSIA.Dans certains cas, cela a mené à unemodification des politiques, en rai-son des préoccupations causées parles effets négatifs possibles sur lespauvres. Près des deux tiers desprogrammes appuyés par la FRPCcomprennent des mesures decompensation qui ont pour but decompenser les effets négatifs possi-bles à court terme des chocs ouréformes macro-économiques oustructurelles exogènes sur lespauvres... La majorité des politiqueset des programmes appuyés par laFRPC ayant d’importants effetssociaux ne comportent pas de PSIAni de mesures de compensation.15

La préférence officielle d’ensemble pourles politiques de croissance de la stratégiede réduction de la pauvreté est conformeau « Consensus de Washington »,déclaration informelle découlant d’uneréflexion conventionnelle au niveau inter-national sur le développement. Les poli-tiques incorporées à ce processus ontpresque doublé depuis qu’elles ont étéavancées par John Williamson en 1990.16

Dans la version actuelle, sur les 20 poli-tiques seules deux abordent directementla question de la pauvreté, et encoresont-elles limitées à des filets de sécurité

Les objectifs du Millénaire pour le développement et la Stratégie de réduction de la pauvreté

39

sociale distincts et à des programmesciblés. Les autres visent à initier et àmaintenir la croissance sans tenir comptede ses conséquences sur le plan de larépartition du revenu.

Répartition du revenu et stratégiede réduction de la pauvretéLe Bureau d’évaluation indépendant duFMI critique les FRPC, et leur reprochede ne pas identifier des contraintesobligatoires sur la croissance ni des liensentre les politiques en matière decroissance et la pauvreté dans des payspauvres.17 Celles-ci sont indispensablespour faire des choix de politiquesstratégiques et utiliser efficacement lesressources, et réaliser l’OMD 1. Lesmêmes critiques peuvent s’adresser auConsensus de Washington. Le fait qu’uneattitude stratégique n’ait pas été adoptées’explique par la tendance à séparerla pauvreté de la politique en matièrede croissance, et à reléguer lapolitique sur la pauvreté à une maigreenveloppe de dépenses relatives auxprogrammes sociaux.

La dimension de la pauvreté dans lespays pauvres est telle que la croissance etla répartition sont des processus inter-dépendants. La pauvreté et la répartitiondu revenu ont des répercussions sur lesperspectives de croissance tout autantqu’elles sont touchées par la croissance.Un processus de croissance qui aggravel’inégalité sera bien moins susceptibled’atteindre l’OMD 1 qu’un processus quila diminue. De la sorte, la répartition durevenu est l’un des liens clés entre lacroissance et la pauvreté. En sus desobjectifs de croissance et des PSIA, lesFRPC devraient inclure des cibles enmatière de répartition du revenu

reposant sur des analyses précisant lafaçon dont les politiques en matière decroissance y parviendront.

Les politiques et stratégies en matière decroissance qui initient simultanément lacroissance et améliorent la répartition durevenu comportent probablement deuxéléments. L’un d’entre eux est un effortsur une grande échelle pour permettredirectement aux pauvres de participer àla croissance et d’y contribuer, ce quinécessite des dépenses publiquessystémiques en santé, éducation etnutrition, entre autres, allant bien au-delà des filets de sécurité sociale etdes programmes ciblant la pauvreté auniveau local.

L’autre élément consiste à investirdirectement dans les secteurs pauvres,d’exploiter les améliorations dans larépartition du revenu comme source decroissance pour l’ensemble del’économie. Pour la plupart, l’inégalitédes pays pauvres est liée à la disparitédu revenu entre les régions rurales eturbaines et aux pièges de la pauvretérégionale. Ces questions peuvent êtreabordées grâce à des investissements àgrande échelle destinés à améliorer laproductivité agricole, version ciblée de la« croissance concentrée » favorisée parSachs et le Projet Objectifs du Millénairedes NU. Cela permettrait à tout le moinsd’inverser la diminution de la producti-vité agricole dans l’Afrique subsahariennede 0,6 p. 100 par an, depuis 1980.18 Ilfaudra peut-être des politiques complé-mentaires telles qu’une réforme agraireet un soutien à l’exportation. Au fur età mesure que les revenus rurauxaugmenteront, ils pourront appuyerun marché pour l’industrie nationale.

Une approche cohérente à la croissanceet à la stratégie en matière de pauvreté

Rapport canadien sur le développement 2005

40

pourrait également nécessiter d’évitercertaines politiques telles que la libéralisa-tion du commerce, lesquelles pourraient,dans certains cas, détériorer la répartitiondu revenu.

Les pays pauvres souffrent à la fois d’unefaible croissance et d’une forte inégalité.Il ne sera pas possible de réduire demoitié la pauvreté dans ces pays au coursdes dix prochaines années si l’on sepenche uniquement sur la croissance. Enreconnaissant l’interdépendance de lacroissance et des processus de répartitiondu revenu, les possibilités de réaliserl’OMD 1 sont bien meilleures si lastratégie en matière de croissanceaborde à la fois la croissance et larépartition du revenu, et si les stratégiesen matière de réduction de la pauvretécomprennent des politiques decroissance et de redistribution.

RODNEY SCHMIDT, chercheur principal(Finances et Dette) à l’Institut Nord-Sud,était auparavant conseiller en programmespour le Centre de recherches pour ledéveloppement international (CRDI), etcoordonnateur du programme VietnamEconomic and Environment ManagementResearch (VEEM) à Hanoi. Il a en outre gérédes programmes de recherche en économieet en politique environnementale pour leCRDI au Vietnam, au Bangladesh, auCambodge et au Népal. Il a aussi occupé leposte d’économiste international à laDivision des finances internationales et del’analyse économique du ministère desFinances. Il est titulaire d’un doctorat enéconomie de la University of Toronto.

RéférencesAhluwalia, Montek S. 1974. In HollisChenery, Montek S. Ahluwalia, C.L.G.Bell, John H. Duloy, and Richard Jolly(ed). Redistribution with growth Oxford:The University Press.

Besley, Timothy et Robin Burgess. 2003.« Halving global poverty ». Journal ofEconomic Perspectives 17/3: 3-22.

Bigsten, Arne et Abebe Shimeles. 2003.« Prospects for ‘pro-poor’ growth inAfrica ». Economic Commission forAfrica, Economic Policy Research Center,Research paper ESPD/NRP/2003/4.www.uneca.org/eca_resources/Meetings_Events/espd/poorgrowth/.

Easterly, William. 2003. « Can foreign aidbuy growth? » Journal of EconomicPerspectives 17/3: 23-48.

Gottschalk, Ricardo. 2004. « The macro-economic policy content of the PRSPs:How much pro-growth, how much pro-poor? » Manuscript, Institute ofDevelopment Studies, University ofSussex. Courriel de l’auteur :[email protected]

Hanmer, Lucia, Niek de Jong, RachelKurian et Jos Mooij. 1999. « Are theDAC targets achievable? Poverty andhuman development in the year 2015 ».Journal of International Development 11:547-63.

AID et IMF. 2002. « Review of thePoverty Reduction Strategy Paper (PRSP)approach: early experience with interimPRSPs and full PRSPs ». Washington, DC,26 mars.

FMI. 2002. « Facilité pour la réduction dela pauvreté et pour la croissance. »

Les objectifs du Millénaire pour le développement et la Stratégie de réduction de la pauvreté

41

FMI. 2004. Fiche technique FRPC.Septembre www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/prgff.htm.

FMI. 2004. Evaluation Report: Evaluationof the IMF’s Role in Poverty ReductionStrategy Papers and the Poverty Reductionand Growth Facility Washington, DC :FMI, Bureau d’évaluation indépendant.

FMI, Bureau d’évaluation indépendant.2004. Evaluation Report: Evaluation of theIMF’s Role in Poverty Reduction StrategyPapers and the Poverty Reduction andGrowth Facility, Washington, DC.

Marcus, Rachel et John Wilkinson. 2002.« Whose poverty matters? Vulnerability,social protection and PRSPs ». Workingpaper no. 1. London. Childhood PovertyResearch and Policy Centre.

Rodrik, Dani. 2004. « Growth strate-gies ». Manuscript, août. Disponible àhttp://ksghome.harvard.edu/~drodrik/growthstrat10.pdf.

Schmidt, Rodney. Publication prévue en2005. « Poverty-reducing growthstrategy in poor countries ». Dossier depolitique. Ottawa : L’Institut Nord-Sud.

Projet Objectifs du Millénaire des NU.2005. Investir dans le développement :Plan pratique de réalisation des Objectifsdu Millénaire pour le développement. NewYork : Nations Unies.

Banque mondiale. 2000. Recueil desprojets se rapportant aux indicateurs dedéveloppement rural. (Washington, DC).

Yao, Shujie, Zongyi Zhang et LuciaHanmer. 2004. « Growing inequality andpoverty in China ». China EconomicReview 15: 145-63.

Notes1 Projet Objectifs du Millénaire des NU,

2005.

2 Ahluwalia, 1974, p. 3.

3 Besley et Burgess, 2003.

4 Voir aussi Hanmer et al., 1999, quiprévoient que les pays pauvres del’Afrique subsaharienne devrontenregistrer une croissance de 8 p. 100 paran jusqu’en 2015 pour réaliser l’OMD 1.

5 Voir Schmidt, à venir.

6 Le coefficient Gini mesure l’inégalité de larépartition du revenu, et prend desvaleurs situées entre 0 et 1, 0 indiquantune répartition parfaitement égale (àsavoir que tout le monde a le mêmerevenu) et 1 une répartition parfaitementinégale (soit qu’une personne a tout lerevenu).

7 Besley et Burgess, 2003, p. 11.

8 Yao et al., 2004.

9 Financial Times, édition du 14 mai 2004.

10 FMI, septembre 2004. Le FMI juge parailleurs que dans la pratique le CSLP esttrop faible pour fournir un cadre depolitique pour les programmes appuyéspar la FRPC (Facilité pour la réduction dela pauvreté et pour la croissance) – voirFMI, 2004, p. 3-4.

11 Gottschalk, 2004.

12 Marcus et Wilkinson, 2002, p. 9.

13 AID et FMI, 26 mars 2002, p. 32.

14 Easterly, 2003, p. 34.

15 FMI, 14 février 2002, p. 10.

16 Rodrik, 2004, p. 5.

17 Bureau d’évaluation indépendant, 2004,p. 3-4.

18 Banque mondiale, 2000, p. 16.

Rapport canadien sur le développement 2005

42

Flux de l’aide, les OMD et élimination

de la pauvreté : Une aide canadienne

plus substantielle et meilleure

Brian Tomlinson

Flux de l’aide, les OMD et élimination de la pauvreté : Une aide canadienne plus substantielle et meilleure

45

L’Objectif 8 du Millénaire pourle développement (OMD)concerne l’engagement du

Nord envers un partenariat mon-dial pour le développement. Il a étélargement accepté comme uneétape certes imparfaite mais néan-moins importante pour tenirresponsables les pays développésdes progrès effectués en vue de laréalisation des OMD. À l’occasionde la Conférence des NU àMonterrey, en mars 2002, sur lefinancement pour le développe-ment, les pays donateurs ont prisl’engagement qu’« aucun paysvéritablement engagé envers laréduction de la pauvreté, la bonnegouvernance et la réforme écono-mique ne se verra refuser la possi-bilité d’atteindre les OMD à caused’un manque de financement ».Cette promesse repose sur laDéclaration du millénaire danslaquelle tous les pays se sontengagés en septembre 2000 « à neménager aucun effort pour libérerleurs concitoyens, hommes, femmeset enfants, des conditions abjecteset dégradantes de l’extrême pau-vreté, auxquelles plus d’un milliardd’entre eux sont actuellementsoumis ».

Par le fait même qu’ils ont prisl’engagement de « ne ménageraucun effort », les pays dévelop-pés devraient assujettir toutesleurs politiques internationales àune évaluation de leurs répercus-sions sur la pauvreté dans lemonde, l’inégalité et les droitshumains. Parmi ces politiques,l’aide, ou l’aide publique audéveloppement (APD), constitueun catalyseur fondamental pourfinancer la réduction de la pau-vreté, particulièrement dans lespays les plus pauvres. Toutefois,par le passé, ses effets positifs surla réduction de la pauvreté ontété sapés par les politiques desdonateurs en matière decommerce et d’investissement.Ces derniers se sont servis de leuraide pour promouvoir davantageleurs intérêts de politiqueétrangère et exercer de fortesinfluences politiques sur lesgouvernements des pays les pluspauvres. Les engagements enversune augmentation de l’aidedoivent donc aller de paire avecune réforme en profondeur dusystème de détermination despriorités et de fourniture de l’aide.

Flux de l’aide, les OMD et élimination

de la pauvreté : Une aide canadienne

plus substantielle et meilleureBrian Tomlinson1

L’Objectif 8 comporte quelques objectifset indicateurs très modestes pour quanti-fier les progrès des pays développés, ycompris « une aide plus généreuse auxpays qui démontrent leur volonté delutter contre la pauvreté » et « unprogramme renforcé d’allègement de ladette ». Toutefois, ces objectifs, et leurscibles connexes (APD nette aux pays lesmoins développés, proportion de l’APDbilatérale par rapport aux servicessociaux de base, APD sans restriction,et allègement de la dette en vertu del’initiative en faveur des pays pauvres trèsendettés (PPTE), contrairement à d’autresOMD, ont très peu de spécificité etaucun échéancier. Ils n’abordent aucunélément pour une réforme de l’APD quiest essentielle en vue de la réalisation deces objectifs.

Une évaluation des donateurs parrapport à une aide plus substantielle etmeilleure doit prendre en considérationtoute une gamme d’enjeux et d’indica-teurs qui ne sont pas abordés dansl’Objectif 8. L’augmentation de l’aidedepuis 2002 a-t-elle été focalisée surl’objectif global consistant à réduire lapauvreté et sur les OMD? Ou bien a-t-elle été réorientée dans les intérêts desdonateurs, vers la « guerre contre leterrorisme » et la gestion de conflits dansdes pays qui sont choisis pour la perti-nence de leur politique étrangère?Comment cette augmentation de l’aidea-t-elle été fournie ? Les donateursadoptent-ils une approche exhaustive àla réduction de la pauvreté qui situe lesdépenses sociales en fonction de lanécessité de progrès relativement auxmoyens d’existence des pauvres,domaine grandement manquant dans lesOMD? Cette augmentation de l’aide (etl’allègement de la dette) cible-t-elle lesOMD, augmentant ainsi les capacités des

citoyens des pays en développement àfixer leurs propres stratégies en matièrede réduction de la pauvreté? Ou biencette nouvelle aide est-elle accompagnéed’une influence plus grande et nonappropriée sur la politique, de la part depays donateurs?

En répondant à ces questions pour leCanada, le présent chapitre passe enrevue à la fois les indicateurs del’Objectif 8, de même que d’autresquestions sur la qualité de l’aide et sesrépercussions sur la réalisation desOMD et une importante diminution dela pauvreté.

Les donateurs parviennent-ils à faire ce qu’il faut pour financerles OMD?L’objectif international, fixé de longuedate, de 0,7 p. 100 du revenu nationalbrut (RNB) en matière d’aide de paysdonateurs, mesure fixé par laCommission d’étude du développementinternational en 1969, n’a été atteint quepar sept des 22 pays donateurs. LesOMD prennent l’année 1990 pourréférence afin de mesurer les progrès envue de la réalisation des OMD par lespays du Sud. Du fait qu’il n’y a pasd’échéance pour atteindre l’Objectif 8,une évaluation équitable du rendementdes pays donateurs devrait porter surcette même période de 25 ans, soit de1990 à 2015. Entre 1990 et 2003, l’aidedes donateurs a baissé de 0,33 p. 100 duRNB en 1990, à 0,25 p. 100 en 2003.Cette même année, le montant total del’APD pour tous les donateurs s’élevait à61 milliards de dollars américains,comparativement à 55,8 milliards dedollars américains en 1990 (en dollarsde 2002).

Rapport canadien sur le développement 2005

46

Dans son rapport de janvier 2005, leprojet Objectifs du Millénaire des NUen arrive à la conclusion qu’il faudraune APD de 135 milliards de dollarsaméricains en 2006, et qu’elle passe à195 milliards de dollars américains en2015. Comparativement à l’objectif desNU de 0,7 p. 100, l’APD à ces niveauxnécessitera un rendement global desdonateurs de 0,44 p. 100 du RNB en2006 et de 0,54 p. 100 en 2015.2

En raison des fortes diminutions à l’aidedans les années 1990, les récipiendairesde l’aide ont connu une perte nettecumulative de plus de 26 milliards dedollars américains entre 1990 et 2003, ycompris un gain net de 13 milliards dedollars américains entre 2000 et 2003.3L’APD a entamé une lente remontée cesdernières années, passant de 58,3 mil-liards de dollars américains en 2002 à69 milliards de dollars américains en2003 (valeur réelle en dollars). Toutefois,ces nouvelles ressources n’ont pas éténécessairement dirigées vers les OMD, etn’ont pas non plus permis de compenserla perte d’APD accusée par les pays endéveloppement depuis 1990. De l’aug-mentation de 10,7 milliards de dollarsaméricains entre 2002 et 2003, près de75 p. 100 ont pour cause l’inflation et lesmouvements de taux de change, et 18 p.100 de plus les augmentations de l’aideà l’Iraq, ne laissant qu’un milliard dedollars américains seulement de nou-velles ressources au titre de l’aide quipourrait être appliqué aux OMD.4

Évaluation du rendement du CanadaDepuis 2002, le gouvernement fédérala renversé la forte diminution desmontants consacrés par les Canadiens à

l’APD enregistrée entre 1994 et 2000.Au lendemain de l’annonce du premierministre Jean Chrétien à la conférence deMonterrey en 2002 sur la multiplicationpar deux de l’aide du Canada d’ici à2010, l’aide canadienne a augmentéd’au moins 8 p. 100 par année. En outre,à la réunion du G-8 à Kananaskis en juinde cette année-là, le gouvernement apromis de consacrer la moitié de sesaugmentations de l’aide à l’Afrique sub-saharienne. Le budget fédéral de mars2005 « a bloqué » les augmentations del’aide de 8 p. 100 jusqu’en 2010, mais aaussi fortement accéléré l’augmentationde l’aide à l’Afrique subsaharienne. Dansce budget, le montant total de l’aidecanadienne à l’Afrique a plus que doubléentre 2002 et 2008, par rapport à moinsde 1,1 milliard de dollars américains en2002 et près de 2,8 milliards en 2008.5L’Agence canadienne de développementinternational (ACDI), agence d’aideofficielle du Canada, a confirmé l’impor-tance fondamentale des OMD à la foiscomme série d’objectifs pour l’aidecanadienne et comme base pour déter-miner les priorités de l’Agence.6 Bien queces récentes augmentations de l’aidesoient sans aucun doute les bienvenues,et attendues depuis longtemps, elles sonttoutefois bien loin de la part équitable duCanada des nouvelles ressources néces-saires pour répondre aux OMD, et quiplus est ne permettent pas de rattraperni même de dépasser le rendementglobal de l’aide canadienne en 1990.7

L’APD canadienne n’atteint pas l’objectif de 0,7 des NU

Le graphique 1 précise le rendement del’aide canadienne depuis 1990. On s’yaperçoit que l’APD du Canada a chuté de0,45 p. 100 du RNB en 1990 à 0,32 p.100, selon les prévisions, en 2010,

Flux de l’aide, les OMD et élimination de la pauvreté : Une aide canadienne plus substantielle et meilleure

47

d’après les plans de dépenses actuels dugouvernement en matière d’aide.8D’après la juste part du Canada (3 %)des ressources supplémentaires destinéesà l’aide, indispensable pour réaliser lesOMD, des augmentations annuelles de8 p. 100 jusqu’en 2010 nousdonneraient toujours un manque de5 milliards de dollars pour faire face à cescritères, à cette date. En projetant desaugmentations de 8 p. 100 jusqu’en2015, l’aide canadienne atteindrait0,37 p. 100 de notre RNB, soit bien endeçà de l’objectif des NU de 0,7 p. 100.En fait, il nous faudra jusqu’à l’année2027 pour atteindre cette cible à raisonde 8 p. 100 par an.

En sus de confirmer son engagement àeffectuer des augmentations annuelles de8 p. 100, pour chacune des années entre2001 et 2004, le gouvernement aapporté des ajouts supplémentairesdurant l’année à son budget de l’ACDIpar le biais de son budget supplémen-taire des dépenses, ce qui donne ainsides augmentations réelles à l’aidecanadienne entre 12 p. 100 et 18 p. 100pour chacune de ces années. Ces ajoutssont des affectations à la fin de l’annéefinancière pour couvrir d’importants etnouveaux fonds pour des initiatives tellesque Le Fonds mondial de lutte contre lesida, la tuberculose et le paludisme, oul’Alliance mondiale pour les vaccins etla vaccination (GAVI), ou encore pourdes cas d’urgences humanitaires tellesque la catastrophe du tsunami, oud’importantes mesures d’aide àl’Afghanistan et à l’Iraq.

Ces fortes augmentations de l’aide sontpar conséquent tout à fait conformes àl’engagement du gouvernement enversla responsabilité financière. Le Conseilcanadien pour la coopération interna-tionale (CCCI), coalition d’organisations

canadiennes travaillant dans le domainedu développement international, prétendqu’une augmentation constante de l’aidecanadienne de 15 p. 100 entre 2006 et2015 permettra de réaliser l’objectif de0,7 p. 100 du RNB, fixé par les NU, d’icià cette année, et fournira des ressourcesprévisibles pour une planification à longterme en vue de la réalisation des OMDet de plus forts progrès pour la réductionde la pauvreté.

Réduction de la concentration de l’aidecanadienne aux pays moins développés

Le Canada n’a pas augmenté son niveaude concentration de l’aide aux paysmoins développés depuis 1990. En 2002,moins de 27 p. 100 de l’aide canadienneétait concentrée dans ces pays, compara-tivement à 31 p. 100 en 1990. LaConférence des NU sur les pays les moinsavancés de 2001 a réaffirmé la cible de0,15 p. 100 du RNB pour ces pays. Lesdépenses du Canada en 2002 représen-taient à peine la moitié de cette cible,soit 0,08 p. 100 du RNB canadien, unelégère augmentation par rapport à0,07 p. 100 en 1990. Le Canada seclassait dixième, parmi 22 paysdonateurs, relativement à son niveau deconcentration d’aide à ces pays en 2002.Environ 45 p. 100 de l’aide canadienneest consacrée aux pays à faible revenu, ycompris les moins avancés.

En décembre 2002, le gouvernementannonçait qu’il améliorait l’efficacitéde son aide en ciblant de nouvellesressources d’aide sur neuf paysprioritaires, soit le Honduras, la Bolivie,le Bangladesh, l’Éthiopie, la Tanzanie, leMozambique, le Ghana, le Mali et leSénégal. Tous ces pays, à l’exception duHonduras et de la Bolivie, sont classéscomme des pays à faible revenu. L’accent

Rapport canadien sur le développement 2005

48

sur ces neuf nations a énormémentaugmenté, passant de 18 p. 100 desdécaissements bilatéraux en 2001-2002 à30 p. 100 en 2003-2004, moins de deuxans après l’annonce. L’Énoncé depolitique internationale d’avril dugouvernement a apporté d’importantsajustements à l’actuel choix des paysprioritaires, faisant passer de 9 à 25 leurnombre. L’aide axée sur des pays etsecteurs précis, selon l’Énoncé, traduitbien l’engagement continu à centrerle programme d’aide du Canada surcertains des pays les plus pauvres, etsur des secteurs pertinents aux droitsdes personnes vivant dans la pauvreté.Pour consulter l’Énoncé et sesrépercussions sur l’aide canadienne,voir http://www.ccic.ca/f/docs/002_ipr_2005-04_ips_key_message.pdf.9

Augmentation de la concentration de l’aide canadienne en Afrique subsaharienne

L’Afrique subsaharienne est la régionoù la pauvreté absolue ne cessed’augmenter en proportion de lapopulation, et où les OMD serontprobablement les moins susceptiblesd’être réalisées. La récente Commissionpour l’Afrique, parrainée par le RU, pourlaquelle le ministre des Finances RalphGoodale était un des membres,demandait la multiplication par deux del’aide à l’Afrique d’ici à 2010. Le montanttotal de l’aide du Canada à l’Afrique sub-saharienne continue d’augmenter à unrythme important en proportion du totalde l’APD canadienne, passant de 25 p.100 en 2000 à 32 p. 100 en 2002. Ainsique cela a déjà été indiqué, l’aide àl’Afrique va plus que doubler d’ici à2008, date à laquelle elle devraitreprésenter plus de 50 p. 100 desdécaissements de l’APD canadienne.

La politique du Canada visant à annulerl’intégralité de la dette bilatérale a desrépercussions sur les rapports sur l’aidetotale à l’Afrique entre 2002 et 2006.Au cours de ces années, l’annulation dela grande dette bilatérale pour leCameroun, la Côte d’Ivoire et laRépublique démocratique du Congoconstituera un gros pourcentage del’APD canadienne à l’Afrique.

La répartition sectorielle de l’aide dansl’Afrique subsaharienne s’est davantageconcentrée sur des secteurs ayant desrépercussions sur la réduction de lapauvreté. Les décaissements au titre del’éducation, de la santé et de l’agricul-ture, par exemple, ont énormémentaugmenté, passant de 37 p. 100 dumontant total des décaissements africainsen 2000 à légèrement moins de 50 p.100, en 2003. Ces déplacements de lapriorité sectorielle sont le résultat del’adoption par l’ACDI de cibles finan-cières pour des priorités en matière dedéveloppement social en 2000, et defortes contributions aux approchessectorielles pour ces secteurs.

Amélioration des affectations sectorielles au profit des services sociaux de base

Un des indicateurs signalant le degréd’engagement du Canada à l’égard desOMD est la mesure dans laquelle sonprogramme d’aide est concentré sur lesservices sociaux de base dans le cadred’une stratégie globale de réduction dela pauvreté. En 1995, Alison van Rooycalculait que les affectations de l’ACDIdestinées à la satisfaction durable desbesoins humains fondamentauxreprésentaient environ 13 p. 100 desdépenses d’APD au début des années1990.10 Malheureusement, il y a peu de

Flux de l’aide, les OMD et élimination de la pauvreté : Une aide canadienne plus substantielle et meilleure

49

données comparables à l’heure actuelle.Toutefois, en 1996/1997, le CCCIestimait à environ 17 p. 100 lesdécaissements de l’ACDI pour lesbesoins humains fondamentaux. En2002, les dépenses de l’ACDI visant lesquatre priorités de développement socialreprésentaient plus de 25 p. 100 de sonbudget annuel. Les dépenses consacréesà l’instruction de base par l’intermédiairedes directions générales des programmesbilatéraux et de la Direction généraledu partenariat canadien de l’ACDI ontplus que doublé de 1996 à 2002, cellesdestinées aux services de santé élémen-taires ayant quant à elles augmenté de40 p. 100.11

En mars 2005, la ministre de laCoopération internationale, AileenCarroll, annonçait que l’ACDIconcentrera son attention sur quatresecteurs - instruction de base, santé,gouvernance, et développement dusecteur privé. Il n’y a toutefois aucunemention dans ce discours de la ministredu développement du secteur privé,d’engagements envers la stratégie dedéveloppement agricole et rural del’ACDI, élaborée seulement l’annéeprécédente. Soixante-quinze pour centdes pauvres de ce monde sont tributairesde moyens d’existence ruraux. À défautd’avancées importantes dans cedomaine, il ne sera pas possible d’assurerdes progrès durables en vue de la réalisa-tion des objectifs de santé, d’instructionet de gouvernance.

Réduction de l’importance accordée àla société civile dans l’exécution del’APD de l’ACDI

Bien que les gouvernements jouent unrôle central dans la réalisation des OMDet dans la réduction de la pauvreté, lerôle des organisations de la société civile

(OSC) n’en est pas moins tout aussiessentiel pour favoriser l’esprit d’innova-tion et la responsabilisation desgouvernements, et aider les pauvreset les marginaux à revendiquer leursdroits. La société civile occupe une placeessentielle en ce qui a trait à toutes lesapproches dans des secteurs vitaux pourla réduction de la pauvreté et la gouver-nance. Toutefois, les OSC jouent un rôlede moins en moins important dansl’aide internationale canadienne, surtouten ce qui a trait à toutes les nouvellesapproches, mettant à contribution lesgouvernements bénéficiaires. Selon lescalculs du CCCI, les sommes dépenséespar l’ACDI dans le cadre de partenariatsavec les OSC ont diminué de 6 p. 100 aucours des trois années de 1999-2000 à2002-2003, dernière année pour laquelledes statistiques sont disponibles. Cetteréduction a été tout particulièrementprononcée dans les directions généralesdes programmes bilatéraux, se chiffrantà 25 p. 100 pour ces exercices.12 Parcontre, les décaissements bilatéraux del’ACDI directement versés à desministères gouvernementaux ou parl’intermédiaire de programmes géréspar la Banque mondiale, ont triplé pourles neuf pays prioritaires au cours deces années. L’accent mis sur toutes lesapproches est une innovation bienaccueillie pour l’ACDI, mais selon lesOSC canadiennes l’ACDI n’a pas apportésuffisamment d’attention au rôle de lasociété civile dans ses programmes etpolitiques pour que l’aide soit efficace.L’Agence est donc fortement invitée àengager les partenaires de la sociétécivile pour préciser de quelle manièrel’ACDI et les organisations de la sociétécivile peuvent travailler ensemble pouratteindre les buts communs que sont laréduction de la pauvreté et les OMDdans les pays prioritaires du Canada.

Rapport canadien sur le développement 2005

50

L’aide internationale canadienne liéedemeure importante

En 2003, le Canada se classait 17e parmiles 18 bailleurs de fonds faisant rapportau Comité d’aide au développement(CAD) de l’Organisation pour la coopéra-tion et le développement économiques(OCDE) pour ce qui est de la proportionde l’aide bilatérale liée à des achats debiens et de services du pays donateur.Cette proportion s’est cependantaméliorée, passant de 60 p. 100 en 1990à 47 p. 100 en 2003. Le Canada a misen application l’accord du CAD de 2002sur le déliement de l’aide pour les paysles moins avancés. Également en 2002, laministre de la Coopération internationalea obtenu un pouvoir discrétionnaire plusgrand pour déterminer la situation liée àl’échelle de l’aide internationale. Lagrande exception concerne l’aidealimentaire qui demeure liée à 90 p. 100.La Commission pour l’Afrique du RU aévalué que le coût supplémentaire del’aide alimentaire liée se chiffrait à plusde 40 p. 100.13 La Banque de céréalesvivrières du Canada, coalition d’égliseset d’agriculteurs canadiens travaillantdans le domaine de l’aide alimentaire,a demandé au gouvernement degrandement délier l’aide alimentairecanadienne, permettant des achatslocaux, particulièrement dans dessituations d’urgence.

Il est important de noter qu’aucunbailleur de fonds ne compte le recours –considérable – à l’assistance techniquedans ses rapports sur l’aide liée. Dans lecas du Canada, le fait d’inclure cetteassistance augmenterait de beaucoup lepourcentage de l’aide liée, de 47 p. 100à 67 p. 100 en 2003. En outre, ledéliement de l’aide ne profite pas néces-sairement aux partenaires des pays endéveloppement ni aux entreprises de leur

région. Les bailleurs de fonds délient leuraide en soumettant leurs contrats d’aideà des soumissions à l’échelle interna-tionale, lesquelles sont assujetties à desrègles libéralisées en matière d’approvi-sionnement. Bien souvent, les entreprisesdes pays en développement ne sont pasen mesure de concurrencer les entre-prises hautement spécialisées du Nordpour la fourniture de ces biens etservices, réduisant ainsi les avantageséconomiques dans les pays les pluspauvres. Le déliement de l’aide devraitdonc être accompagné de mesurespermettant aux partenaires des paysen développement de donner la prioritéà un système d’approvisionnementtransparent au niveau local.

À cause de l’aide liée et d’autres facteurs,la part de l’aide bilatérale canadienne quiest directement gérée par les partenairesdes pays en développement a très nette-ment diminué depuis 1990. À partird’une méthode précisée dans le Bilan del’aide 2002, environ 60 p. 100 de l’aidebilatérale en 1990 était sous le contrôledes partenaires des pays en développe-ment, soit une diminution de près de lamoitié, c’est-à-dire 34 p. 100 en 2002.Pour l’ensemble des bailleurs de fonds, leBilan de l’aide estime que 37 p. 100 étaitgérée par les partenaires des pays endéveloppement en 1999.14

Optimisation de l’APD canadienneRecours accru aux approches-programmes

En 2002, le gouvernement a instauré desréformes visant à améliorer l’efficacité del’aide, notamment en abandonnantprogressivement les approches-projetsau profit des approches-programmes.15

Depuis, on observe une augmentation

Flux de l’aide, les OMD et élimination de la pauvreté : Une aide canadienne plus substantielle et meilleure

51

remarquable de l’aide internationalecanadienne consacrée à des programmesconjoints avec d’autres bailleurs de fonds,du soutien budgétaire général accordéà des gouvernements de pays endéveloppement, et du financement deprogrammes sectoriels en santé, éduca-tion et agriculture, autant de domainesimportants pour la réalisation des OMD.Par exemple, 60 p. 100 de l’aide del’ACDI destinée à l’Afrique passera parces mécanismes en 2006. Le Canada, demême que d’autres grands donateurs,compte améliorer l’orientation de cesprogrammes en adaptant son aide à cescadres stratégiques respectifs de luttecontre la pauvreté (CSLP).

Bien que les CSLP n’offrent que peu depossibilités aux pays en développementde participer davantage à la détermina-tion de stratégies pertinentes pourréduire la pauvreté, nombre d’OSC duSud et du Nord restent critiques. Aucours des quatre dernières décennies,les pays donateurs ont eu recours à desoutils tels que l’aide et l’allègement dela dette pour imposer leurs proprespolitiques aux pays les plus pauvres.Ces politiques – lesquelles limitent lerôle de l’État, libéralisent la politiquecommerciale, privatisent les rôles del’État en santé ou éducation, communé-ment appelées « Consensus deWashington » – bien souvent ont eudes effets dévastateurs, réduisant parexemple la capacité des gouvernementspauvres à faire face à leurs obligationsenvers leurs citoyens. Ces politiquesrestent au centre même des CSLP, surlesquelles la Banque mondiale et leFonds monétaire international (FMI) ontle dernier mot pour déterminer l’admissi-bilité à l’allègement de la dette. Lescommunautés pauvres et marginaliséessont rarement en mesure d’exprimer

leurs points de vue sur les options enmatière de développement. Bien qu’ilsoffrent une aide plus grande, les bailleursde fonds participent à des discussionslargement technocratiques avec desreprésentants gouvernementaux et l’élitepolitique des pays concernés.

Il est encore trop tôt pour évaluerl’efficacité des pratiques actuelles desbailleurs de fonds dans le cadre desapproches-programmes en ce qui a traità la réduction durable de la pauvreté.16

En adoptant cette approche pour l’aidevisant les OMD, l’ACDI accepte engrande partie le rôle de « portiers » quese donnent le FMI et la Banque mon-diale, ainsi que les dizaines de conditionsrelatives aux orientations politiquesexigées par ces institutions dans le cadrede leurs mécanismes de financement. Parexemple, un programme de soutienbudgétaire à la Tanzanie exige que cepays effectue une cinquantaine d’actionspréalables pour faire état des progrèsqu’il accomplit avant que ne lui soientversés des fonds, et qu’il présente 60autres indicateurs des résultats liés auCSLP tanzanien, lesquels sont systéma-tiquement examinés par le gouverne-ment de ce pays. Il est essentiel derenforcer le rôle du gouvernement despays les plus pauvres dans la fourniturede programmes socioéconomiques auxpersonnes qui vivent dans la pauvreté.Toutefois, certains donateurss’aperçoivent que la myriade de condi-tions liées à l’aide budgétaire et auxapproches sectorielles ont desconséquences politiques et économiquesnon prévues, qui peuvent éroder laresponsabilité des gouvernements face àleurs citoyens, laquelle est indispensablepour maintenir les progrès réalisésdans le domaine de la réduction dela pauvreté.

Rapport canadien sur le développement 2005

52

Dans les approches-programmes, l’ACDIdevrait améliorer sa propre capacité àfaire des investissements ciblés dans desdomaines comme l’égalité des sexes,l’instruction de base, les moyens desubsistance agricole – et évaluer l’impactd’ensemble des conditions qui accompa-gnent la réalisation des objectifs duprogramme et des OMD. Il est tout aussiimportant d’effectuer une évaluation desCSLP et des programmes sectoriels en cequi a trait à l’approche holistique à lapauvreté guidée par des obligationsconjointes en matière des droits humainsde la part des donateurs et des parte-naires des pays en développement.

Détournement de l’aide en fonction de la politique étrangère

Ainsi que nous l’avons indiqué un peuplus haut, nous avons des raisons denous inquiéter du risque de voir l’aideêtre de plus en plus détournée pour desmotifs de politique étrangère, en parti-culier dans la foulée de la guerre contrele terrorisme, au lieu d’être consacrée àla réduction durable de la pauvreté.Ainsi, 30 p. 100 de l’augmentation del’aide canadienne entre 2001 et 2003 aété allouée à l’Afghanistan et à l’Iraq.Une attention accrue à la réforme dusecteur de la sécurité pourrait assurer lasécurité humaine au niveau local pour lespauvres, mais elle pourrait aussi êtreorientée vers des secteurs qui sont liés àdes intérêts du Nord en matière desécurité, par exemple sécurité desaéroports et des ports ou surveillanceinformatique accrue des citoyens dansdes pays pouvant poser des menaces« terroristes » potentielles. Le Canadajoint sa voix à celle de certains donateursdu CAD qui souhaitent élargir les critèresde définition de l’aide internationale.Dans le monde d’aujourd’hui, obnubilé

par la sécurité, au lendemain de lacatastrophe du 11 septembre, certainsdonateurs voudraient que des ressourcesdestinées aux aspects militaires etsécuritaires des opérations de paixsoient considérées comme de l’aideinternationale. Dans cette optique,quelle proportion de l’initiativecanadienne de « paix et sécurité » de500 millions de dollars prévue dans lebudget de 2005, sera considérée commede l’APD canadienne?

Les organisateurs de la campagnecanadienne « Abolissons la pauvreté »souhaitent l’adoption d’une loi désignantla réduction de la pauvreté comme objetunique de l’APD canadienne.17 En vertude ce mandat, l’aide canadienne seraitaccordée d’une manière conforme auxobligations du Canada en matière dedroits de la personne dans le respect desperspectives des personnes qui viventdans la pauvreté.

Évaluation globale : De modestesaméliorations, des résultats discutablesParallèlement à toutes les autres nations,le Canada reconnaît l’importance crucialedes droits et de la justice en ayant signéla Déclaration du Millénaire en septem-bre 2002, et pour avoir un peu plus tardpris des engagements en vue de la réali-sation des OMD d’ici à 2015, l’année1990 étant prise comme jalon. Lesrésultats du Canada relativement à cesobligations et engagements sontdiscutables. Dans l’ensemble, au coursde la période qui s’est écoulée entre1990 et 2003, l’aide canadienne s’estdavantage portée sur la pauvreté et en afait son objectif dans le cadre de sesinterventions. En particulier, l’ACDI a

Flux de l’aide, les OMD et élimination de la pauvreté : Une aide canadienne plus substantielle et meilleure

53

adopté des stratégies pour des prioritésrelatives au développement social en2002, et plus récemment l’agriculture etle développement rural. Après avoiraccusé de fortes diminutions vers la findes années 1990, les niveaux d’aide ontcommencé à remonter. Le rôle moteurque joue le Canada au sein du G-8 pourcibler les besoins de l’Afrique subsaha-rienne en 2002, a été repris par leRoyaume-Uni en 2004. Le ministre desFinances, Ralph Goodale, en tantqu’individu, a adopté les recommanda-tions nombreuses et progressives duRapport de la Commission pour l’Afriquedu RU, ce dont on a pu s’apercevoir dansson budget de 2005, lequel prévoit uneforte augmentation de l’aide à l’Afriquejusqu’en 2008.

Par ailleurs, le Canada ne fait pas sa partrelativement à l’augmentation de saprospérité et à sa saine situationfinancière. Son RNB n’étant qu’à 0,33 p.100, les augmentations prévues de l’aiden’atteindront même pas la moitié del’engagement pris de longue date parle Canada, soit atteindre 0,7 p. 100d’ici à 2010. La qualité de l’aidecanadienne et son efficacité à atteindreles pauvres et marginalisés, restent fortpréoccupantes. L’appui rhétoriqueapporté à la prise en charge locale desstratégies de développement s’accompa-gne de niveaux toujours élevés d’aideliée. Un soutien positif aux approches-programmes, coordonné avec les dona-teurs et gouvernements récipiendaires,est lui aussi accompagné de conditionsdraconiennes imposées aux donateurs etde « mesures » que les gouvernementsdes pays en développement sont dansl’obligation de prendre en l’échanged’aide monétaire pour atteindre lesOMD. Ni l’ACDI ni le Comité desfinances (dans sa surveillance de la

Banque mondiale et du FMI) n’ontindiqué leur intention d’adopter uneapproche plus souple envers les condi-tions, comme celles adoptées récemmentpar le Department for InternationalDevelopment (DfID) du Royaume-Uni,dont il est question dans le Rapport de laCommission pour l’Afrique.18

Le Canada est signataire de la résolutiondes NU de 1986 sur le droit audéveloppement, selon laquelle les paysdonateurs ont une obligation en matièrede droit de la personne de contribuer àun système équitable et non discrimina-toire de coopération internationale. Bienque le Canada ait enregistré certainsprogrès en tenant compte dans sonprogramme d’aide de ces obligations, legouvernement n’a toujours pas mis enplace un cadre des droits pour lacoopération internationale. Un tel cadrefera en sorte que l’aide internationalerenforcerait les capacités des organisa-tions civiles et des gouvernements àréaliser les droits sociaux, économiqueset culturels des citoyens des pays les pluspauvres, dont la réalisation des OMDn’est que l’un des indicateurs du succès.

BRIAN TOMLINSON est coordonnateur del’équipe Politique au Conseil canadien pourla coopération internationale (CCCI).Spécialiste de la politique d’aide du Canada,il est au Conseil depuis 1995. Auparavant, iltravaillait pour CUSO outre-mer dans lecadre du programme des Amériques. De1973 à 1980, il a travaillé pour Oxfam-Canada en tant que spécialiste des affairespolitiques. Il détient par ailleurs une maîtriseen économie politique de la University ofToronto.

Rapport canadien sur le développement 2005

54

Notes1 Le présent chapitre tient compte de

l’analyse et des points de vue de l’auteur.Il a été rédigé en sa capacité d’agent de lapolitique du Conseil canadien pour lacoopération internationale (CCCI), maisne traduit pas nécessairement les pointsde vue du Conseil ni de ses membres. Ledocument provient d’une analyse pluslongue de l’auteur, intitulée « La politiquedes Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement : Des stratégies pour met-tre un terme à la pauvreté? » avril 2005,accessible sur le site Web du CCCI àl’adresse www.ccic.ca. L’auteur remercieses collègues du CCCI et l’Institut Nord-Sud pour leurs commentaires sur sesprécédentes ébauches.

2 Projet Objectifs du Millénaire des NU,Investir dans le développement : Planpratique de réalisation des Objectifsdu Millénaire pour le développement,Janvier 2005, disponible àhttp://www.unmillenniumproject.org,tableaux 8 et 10, p. 55-65. Ce rapportprévoit un besoin d’une aide supplémen-taire de 46,6 milliards de dollars améri-cains en 2006, passant à 73,5 milliards dedollars américains en 2015. Les estima-tions comprennent l’APD qui n’est pasdestinée aux OMD, mais qui sera toujoursnécessaire au cours de ces années(aide d’urgence et développement del’infrastructure, par exemple).

3 Calcul de l’auteur, à partir du tableau duCAD « Apports d’aide des membres duCAD de 1950 à 2003 », disponible àhttp://www.oecd.org/document/11/0,2340,en_2649_34485_1894347_1_1_1_1,00.html, et tableau 36 « Deflatorsfor Resource Flows from DAC Donors(2002 = 100) », dans le rapport statistiquedu CAD 2004, à l’adressehttp://www.oecd.org/document/9/0,2340,en_2649_34485_1893129_1_1_1_1,00.html.

4 Calcul d’après le CAD « Final ODAData for 2003 », accessible àhttp://www.oecd.org/dataoecd/48/0/34282401.pdf. Le tout récent rapport dela Commission du RU pour l’Afrique, seservant de sources de la Banque mondi-ale, fait remarquer que 87 p. 100 desaugmentations de l’aide nominale entre2001 et 2003 n’ont pas été versées auxpays qui cherchent à réaliser les OMD.Notre intérêt commun : Rapport de laCommission pour l’Afrique, mars 2005,p. 323, accessible à http://www.commis-sionforafrica.org/english/about/pressroom/leaflets/reportintrofrench.pdf.

5 Le Plan budgétaire de 2005 comporte unéchéancier des augmentations pourl’Afrique, entraînant au moins 30 p. 100de ressources supplémentaires pourl’Afrique jusqu’en 2008 par rapport àcelles prévues dans l’engagement àconsacrer la moitié des augmentationsde l’aide chaque année à l’Afrique. VoirCanada, ministère des Finances, Le Planbudgétaire de 2005, février 2005, p. 213,accessible à http://www.fin.gc.ca/budget05/pdf/bp2005f.pdf.

6 Voir par exemple, ACDI, Rapport sur lerendement 2004, p. 10, accessible àhttp://www.acdi-cida.gc.ca/INET/IMAGES.NSF/vLUImages/Publications2/$file/FINALDPRFr04.pdf.

7 De l’avis de l’auteur, les OMD constituentune série utile de jalons accompagnés dedates précises pour évaluer les engage-ments des donateurs et l’orientationenvers la réduction de la pauvreté dansleurs programmes d’aide. Toutefois, lesOMD constituent aussi un programmemodeste et incomplet en vue d’uneréduction durable de la pauvreté qui estancrée dans l’égalité et la justice dans lemonde. Les contributions à long terme del’aide en vue de la réduction de lapauvreté devraient être spécifiquementsituées dans les droits et obligationshumains de tous les États, d’après lePacte international relatif aux droits

Flux de l’aide, les OMD et élimination de la pauvreté : Une aide canadienne plus substantielle et meilleure

55

économiques, sociaux et culturels, à laConvention sur l’élimination de toutes lesformes de discrimination contre lesfemmes et au Droit au développement.Pour une discussion détaillée de cettethèse, voir Brian Tomlinson, La politiquedes Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement : Des stratégies pourmettre un terme à la pauvreté?, avril2005, accessible à http://www.ccic.ca/f/002/aid.html.

8 Le Canada n’a inclus qu’à partir de 1994une estimation de l’aide aux réfugiés pourleur première année au Canada, dans lecadre de l’APD canadienne.Comparativement aux années précédant1994, ces estimations (allant de 150 à200 millions de dollars) devraient êtredéduites de l’APD totale du Canada. La« juste part » du Canada est un calcul duRNB du Canada en pourcentage du RNBtotal des 22 pays donateurs de l’OCDE.

9 Ce document a été rédigé avant la publi-cation, attendue à la fin mars 2005, del’Énoncé de politique internationale dugouvernement. Pour lire l’énoncé et sesrépercussions sur l’aide canadienne, allezsur le site du CCCI à www.ccic.ca, aulendemain de la publication de l’Énoncédu gouvernement.

10 Alison van Rooy, Une promesse partielle? Lesoutien canadien au développement socialdans le Sud. (Ottawa : l’Institut Nord-Sud,1995).

11 Calculs du CCCI d’après le codage desdonnées du projet fournis au CCCIpar l’ACDI.

12 Ces calculs ont été effectués par le CCCId’après des données détaillées de projetsfournies par l’ACDI et provenant derapports statistiques officiels de l’ACDIpour ces deux années.

13 Commission pour l’Afrique, Notre intérêtcommun, p. 348.

14 Ces calculs ont été effectués par le CCCI,à partir du total de l’aide bilatérale pourl’année donnée, moins la coopérationtechnique, le soutien aux réfugiés lapremière année, les coûts des étudiantsau Canada, la radiation de la dette, lecoût de l’aide canadienne liée (à 25 %), lesecours d’urgence et l’intérêt reçu par leCanada. Les chiffres utilisés dans ce calculviennent du document le Bilan de l’aide2002, Manille : IBON Publishing,www.realityofaid.org, p. 157. La source desdonnées est le Rapport sur la coopérationsur le développement du CAD, diversesannées.

15 ACDI, Le Canada contribue à un mondemeilleur : Énoncé de politique en faveurd’une aide internationale plus efficace(Ottawa : Approvisionnements et ServicesCanada, septembre 2002), accessible àhttp://www.acdi-cida.gc.ca/aid-efficace.

16 Pour une évaluation de l’objectif del’ACDI relativement à une gestion accruepar les autorités locales en ce qui a traitaux approches-programmes, voir le docu-ment de Brian Tomlinson et Pam Foster, Àtable ou au fourneau? Nouvelles stratégiesd’aide de l’ACDI, prise en charge locale etconditionnalité de l’aide. Documentd’information; CCCI/Initiative d’Halifax,septembre 2004, www.ccic.ca/f/docs/002_aid_2004-09_at_the_table.pdf. Voirpage 8 du document français pour desrenseignements complémentaires sur lesconditions actuelles des programmesd’aide budgétaire.

17 Pour de plus amples renseignements surla campagne Abolissons la pauvreté, voirwww.makepovertyhistory.ca.

18 DfID, Foreign and Commonwealth Office,and HM Treasury, « Partnerships forpoverty reduction: rethinkingconditionality. A UK policy paper »,mars 2005. Accessible à l’adressehttp://www.dfid.gov.uk/pubs/files/conditionality.pdf.

Rapport canadien sur le développement 2005

56

Le Canada et l’OMD 8 :

Priorité au commerce

Ann Weston et Bill Morton

Le Canada et l’OMD 8 : Priorité au commerce

59

Historique

L’Objectif 8 – « Mettre en placeun partenariat mondial pourle développement » – a été

ajouté tardivement à la liste desOMD, y compris dans la « Feuillede route en vue de l’application dela Déclaration du Millénaire » en2001. Cet objectif cherche àredresser le déséquilibre des ver-sions précédentes des objectifs enfixant des engagements précis quedoivent prendre les pays dévelop-pés pour aider les pays endéveloppement à réaliser les septautres objectifs. Ainsi qu’on peut lelire dans le Programme des NationsUnies pour le développement(PNUD), dans le Rapport sur ledéveloppement humain 2003 : « Sil’on néglige l’Objectif 8, il est diffi-cile d’imaginer que les pays les pluspauvres pourront atteindre lesObjectifs 1 à 7 ».1

L’Objectif 8 porte sur cinqgrands domaines : commerce,finances/dettes, créationd’emplois décents et productifspour les jeunes, rendre lesmédicaments essentielsdisponibles et abordables, etmettre les nouvelles technologiesà la portée de tous. Nous allonsnous concentrer, dans cet article,sur le commerce, comme cela estindiqué dans l’encadré 1 ci-après.

L’inclusion de telles cibles liées aucommerce dans l’OMD 8 est labienvenue et ce, pour troisraisons. Tout d’abord, lecommerce est un outil clé de lacroissance économique, en plusd’être un aspect critique de larelation entre le Nord et le Sud.Deuxièmement, les cibles sontrelativement précises et accompa-gnées d’indicateurs quantifiables.Troisièmement, elles peuventservir à faire en sorte que lesgouvernements soient respon-sables de leur engagement enversun partenariat mondial.

Toutefois, les cibles comportentaussi un certain nombre de pointsfaibles. En premier lieu, la portéeest plutôt étroite, l’attentionétant principalement axée sur letraitement des exportations.Deuxièmement, elles ne sont pasprécisées comme il se doit; enparticulier, contrairement auxautres OMD, les cibles sur lecommerce n’ont pas d’échéance.Ces questions sont abordées dansla section suivante, et accompa-gnées d’un examen du rendementdu Canada.

Le Canada et l’OMD 8 :

Priorité au commerceAnn Weston et Bill Morton

Encadré 1

Cibles et indicateurs liés au commerce

a Veuillez noter que la numérotation et la description des indicateurs ont changé au fil du temps. Ces données sonttirées du document Application de la Déclaration du Millénaire adoptée par l’Organisation des Nations Unies, NUA/59/282, 27 août 2004.

Rapport canadien sur le développement 2005

60

Cible 12 : Poursuivre la mise en placed’un système commercial et financiermultilatéral ouvert, réglementé,prévisible et non discriminatoire

Indicateurs d’accès au marché : (Lesindicateurs 38-41 renvoient aux cibles12 et 13.)

Cibles Indicateursa

Cible 13 : Répondre aux besoins parti-culiers des pays les moins avancés(PMA), y compris l’admission enfranchise et hors quota des produitsexportés par les PMA.

Indicateur 38 : Pourcentage des impor-tations totales des pays développés (envaleur armes exclues) qui proviennentdes pays en développement et desPMA, et sont admises en franchise

Indicateur 39 : Taux moyen desdroits imposés aux produits agricoles,textiles et articles d’habillementen provenance des pays endéveloppement.

Indicateur 40 : Subventions agricolesaccordées par les pays développés –montant estimatif, en pourcentage deleur PIB.

Indicateur 41 :Proportion de l’APDallouée au renforcement des capacitéscommerciales.

Cible 17 : En coopération avec l’indus-trie pharmaceutique, rendre les médica-ments essentiels disponibles et abor-dables dans les pays en développement.

Indicateur 46 : Proportion de la popula-tion ayant accès de façon continue àdes médicaments de base d’un coûtabordable.

Cible 18 : En coopération avec lesecteur privé, faire en sorte que lesavantages des nouvelles technologies,en particulier dans le domaine de l’infor-mation et de la communication, soientaccordés à tous.

Indicateur 47 : Lignes téléphones ettéléphones portables.

Indicateur 48 : Nombre de micro-ordi-nateurs et nombre d’internautes.

Principaux enjeux litigieuxPortée étroite

S’il est un fait que les marchés du Nord,les subventions agricoles et le soutien aurenforcement des capacités liées aucommerce (RCLC) sont des questionscritiques, il ne s’agit que d’une interpré-tation limitée des mesures nécessairespour que les pays développés et lesystème de commerce mondial puissentapporter de véritables avantages auxpays en développement. Dans leProgramme de Doha pour le développe-ment (PDD), que les ministres ducommerce de l’Organisation mondialedu commerce (OMC) ont signé ennovembre 2001, une plus grandeapproche a été reconnue comme étantimportante, notamment des « règlesmesurées » et d’autres efforts pours’assurer que les besoins et intérêts despays en développement, qui constituentla majorité des membres de l’OMC,sont abordés.

Nombre de pays en développements’inquiètent du niveau d’ouverture deleurs propres marchés auquel on s’attendd’eux, de même que de l’importance desrègles commerciales qui leur permettentune certaine souplesse politique, soit lacapacité de déterminer le rythme etl’étendue de la libéralisation. Cette ques-tion a été fort débattue dans le domainede l’agriculture où les intérêts des petitsexploitants sont en jeu du fait qu’ils nesont pas en mesure de concurrencer lesrécoltes du Nord largement subvention-nées. Même en l’absence de telles sub-ventions, lors de la mise en applicationdes obligations précisées dans l’Accordsur l’agriculture de l’OMC, les pays endéveloppement devraient avoir la sou-plesse nécessaire pour se pencher surleurs propres besoins dans les domaines

de la sécurité alimentaire, de la défensedes moyens de subsistance ruraux, ainsique de l’allégement de la pauvreté. Endehors de cette question d’ordre général,certaines exigences spécifiques envers lespays en développement, au regard desobligations et engagements sur la pro-priété intellectuelle et sur les services,risquent de compromettre leur capacité àréaliser les autres OMD, principalementen ce qui touche à la santé, à l’accès àl’eau et à l’éducation.

Précisions insuffisantes

Les mesures en matière de commerce nesont pas très spécifiques, et par ailleurs iln’y a aucune date butoir à respecter. Parexemple, alors que la cible pour les PMAconsiste à supprimer tous les quotas ettarifs auxquels sont confrontées leursexportations, il n’y a pas d’échéance.Dans le cas des autres pays endéveloppement, l’étendue des suppres-sions des tarifs sur leurs exportationsn’est pas précisée, ni même leur date.Dans le même ordre d’idées, il n’y aaucun détail quant au niveau adéquatd’aide agricole, si tant est qu’il y en a, niquant au pourcentage idéal d’aide àconsacrer au renforcement des capacitésliées au commerce. Bien entendu, unedes raisons de cette faiblesse vient du faitque certaines de ces questions fontprésentement l’objet de négociations àl’OMC, et que généralement lesgouvernements décident de n’imposeraucune limite à leur position lors desnégociations commerciales en faisant desengagements dans d’autres tribunes.

Un autre problème vient du fait que lesindicateurs ne saisissent pas adéquate-ment les intérêts des pays à faible revenud’une part, ni les responsabilités des paysen développement les plus avancés de

Le Canada et l’OMD 8 : Priorité au commerce

61

l’autre. S’il est évident que les PMA sontconfrontés aux plus grandes difficultéspour tirer profit du système de commerceinternational par rapport à de nombreuxautres pays en développement (commele démontre leur pourcentage à la baissedu commerce mondial), d’autres ontpeut-être toujours besoin de recevoir untraitement spécial et différencié. Ainsi,certains pays à faible revenu doiventpeut-être être exemptés des obligationsnormales de l’OMC pour une certainepériode durant laquelle ils recevront uneaide technique pour renforcer leurcapacité à respecter ces obligations. Parcontre, certains pays plus avancés sonten mesure d’ouvrir leurs marchés auximportations d’autres pays en développe-ment; de tels changements devraientêtre encouragés en les incluant dans laportée des engagements de l’OMD 8.

Autres critiques de l’OMD 8

Selon certaines critiques, l’Objectif 8comporte des défauts. En effet, bien quel’ONU soit l’« auteur » officiel des OMD,elle a indiqué que ses cibles et indica-teurs font « l’objet d’autresaméliorations ». Le Center for GlobalDevelopment (CGD) les qualifie de« fatras d’éléments »2. Le CGD a proposéun « indice de l’engagement pour ledéveloppement » (IED) alors que l’orga-nisme Oxfam a demandé un « indicedeux poids deux mesures »3. Tous deuxabordent les questions touchant l’accèsdu marché, de façon semblable à cellesqui constituent les aspects liés aucommerce de l’OMD 8, y compris lestarifs et les quotas, ainsi que lessubventions nationales et les subventionsagricoles à l’exportation.

Quel est le rendement duCanada?

À la date de la rédaction du présentrapport, le Canada n’avait toujours pasdéposé un rapport national sur sonrendement en vue de la réalisation del’OMD 8.4 Le texte qui suit repose doncsur un examen de certains énoncés depolitique et des statistiques, de mêmeque sur des entrevues avec des dirigeantsde l’ACDI, d’Affaires étrangères Canada(AEC) et de Commerce internationalCanada (CICan).

L’engagement du Canada envers l’OMD 8 sur le commerce

Selon le personnel d’AEC, les OMD sontutiles en tant que « point central pour lacohérence de la politique » parmi diversministères et agences gouvernementauxtels que Santé, CICan, Industrie etl’ACDI. Il existe toutefois peu deréférences à l’Objectif 8 dans les énoncésde politique du gouvernement duCanada sur le commerce, ni de sugges-tions selon lesquelles l’OMD 8 en tantque tel a inspiré des initiatives liées aucommerce qui prennent en considérationles besoins de pays en développement.Bien au contraire, puisqu’un plus fortaccent est mis sur l’engagement duCanada envers le Programme de Dohapour le développement (PDD) et surl’aide à apporter aux pays en développe-ment « pour qu’ils réalisent leur pleinpotentiel économique » par l’intermé-diaire de réformes connexes du systèmecommercial international.5

Rapport canadien sur le développement 2005

62

L’ACDI est d’avis que son travail dans ledomaine du commerce est « directementlié à l’OMD 8 ». En sus des projets derenforcement des capacités liées aucommerce dans plusieurs pays, lesdirigeants de la Direction générale de lapolitique ont pris part à des discussionsinterministérielles sur le commerce « àl’appui des objectifs de réduction de lapauvreté et du développement durabledans les pays en développement », parti-culièrement sur la position du Canada àl’OMC, l’Initiative en faveur des PMA(IPMA), et le projet de loi C-9, tel qu’ilest indiqué ci-après. Ceux-ci découlenten partie de l’énoncé de politique de2002 intitulé « Le Canada contribue à unmonde meilleur » qui cite l’accès auxmarchés (tarifs, quotas, subventions auxexportations et obstacles réglementairessur les produits d’intérêts spéciaux auxpays en développement), la très faiblepart des importations canadiennes auxPMA, et l’appui accru au renforcementde la capacité liée au commerce, commepriorités clés de l’Agence. Le documentde l’ACDI, intitulé « La stratégie dedéveloppement durable 2004-2006 »6

inclut plusieurs indicateurs d’OMD parmiceux choisis pour évaluer les réalisationspar l’ACDI des résultats de développe-ment. Le « Plan d’action détaillé » joint àla stratégie aborde un certain nombre dequestions liées au commerce, l’accentétant mis tout particulièrement sur lesactivités de renforcement des capacitésliées au commerce (ARCC). Les « indica-teurs types » pour évaluer ses activités derenforcement des capacités liées aucommerce comprennent « le nombrede ceux qui ont adhéré avec succès auCadre intégré pour le commerce » et« le volume des échanges commerciauxet l’accès aux marchés pour les pays endéveloppement ».

Malgré le silence relatif sur l’OMD 8 dansles documents officiels, le gouvernementdu Canada n’en a pas moins pris uncertain nombre de mesures clés en vuede réaliser les cibles de l’OMD 8 :

1. En janvier 2003, tous les tarifs etquotas ont été levés pour toutes lesimportations de 49 PMA, à l’exceptiondes produits laitiers, de la volaille etdes œufs. Comparativement auxdispositions d’autres pays relativementà l’accès en franchise et hors contin-gent des importations en provenancedes PMA, l’Initiative PMA du Canadacomporte des règles plutôtgénéreuses, permettant à des produitsdes PMA de bénéficier d’un accès enfranchise même s’ils n’ont qu’unevaleur ajoutée de 25 p. 100 sur leplan domestique (à la condition qu’unautre 15 p. 100 de la valeur duproduit vienne d’intrants d’autres paysen développement ou du Canada).Selon Finances Canada, les importa-tions canadiennes de tous les PMAsont passées de 627 millions $ à 1 078 millions $ de 2002 à 2003,alors que le tarif moyen que ces paysont versé a chuté de 5,36 p. 100 à0,86 p. 100. Le Bangladesh a ainsiété en mesure de doubler sesexportations, lesquelles sont passéesà 351 millions $.8

2. Le 1er janvier 2005, les exportationscanadiennes de textiles et de vête-ments des pays en développementétaient hors contingent, du fait quele Canada respectait son engagementen vertu du Uruguay Round pourmettre fin aux restrictions en vertu del’Arrangement multifibres (MFA). (Aucours de la période de diminutionprogressive du contingent de 10 ans,le Canada a toutefois retardé la fin desplus grands contingents). Le Canada

Le Canada et l’OMD 8 : Priorité au commerce

63

Rapport canadien sur le développement 2005

64

Encadré 2

L’approche novatrice du R.-U. aux OMD

Le Royaume-Uni (R.-U.) a adopté une approche novatrice en intégrant les OMD aux critèresd’examen du rendement ministériel, convenus par le Trésor dans le cadre des Public ServiceAgreements (PSA). En dehors du Department for International Development (DFID), plusieursautres dont le Department for Trade and Industry (DTI), le Foreign and Commonwealth Office(FCO), et le Department for Environment, Food and Rural Affairs (DEFRA), ont tous intégré lesOMD, et plus particulièrement l’Objectif 8, dans leurs PSA.

Le but du PSA pour le DFID est « d’éliminer la pauvreté dans les pays les plus pauvres, parti-culièrement en réalisant d’ici à 2015 les Objectifs du Millénaire pour le développement ». Pourchacun des OMD, le DFID a décidé de s’inspirer de l’objectif et des cibles fixés par les NU. Pource qui est du commerce, la cible de la PSA 2005-2008 consiste à « s’assurer que l’Unioneuropéenne (UE) obtient des réductions importantes des barrières commerciales de l’UE et dumonde d’ici à 2008, entraînant ainsi une augmentation des possibilités pour les pays endéveloppement et débouchant sur une Europe davantage compétitive ».7 Une des mesuresconvenues porte sur une réduction de l’aide faussant les échanges en vertu de la Politiqueagricole commune (PAC) de l’UE, cette mesure a d’ailleurs déjà été adoptée par le DEFRA.Son objectif est d’éliminer les subventions à l’exportation d’ici à 2010 ou tout au moins des’entendre d’ici à cette date pour atteindre le niveau zéro; de réduire le soutien interne lié à laproduction de l’UE de 10 p. 100 de plus en sus des compressions convenues en mai 2004; etde s’entendre d’ici à 2008 pour réduire le tarif moyen de l’UE sur une gamme d’importantesimportations agricoles, d’au moins 36 p. 100.

Une des autres mesures du R.-U. liées au commerce consiste à augmenter la valeur des importa-tions de l’UE provenant des PMA d’au moins 6,5 milliards de dollars américains d’ici à 2010,soit à peu près 50 p. 100 des exportations enregistrées en 2002. L’objectif est de permettre unralentissement des exportations des PMA pour répondre aux nouvelles possibilités convenuesdans le Programme de Doha. Cette mesure a pour but de servir de « guide aux résultats de lalibéralisation, à savoir s’il y a une augmentation de la valeur du flux des échanges commerciauxaprès la libéralisation », ce qui repose sur la prémisse selon laquelle une plus grande ouverturede l’UE, combinée à un soutien au renforcement des capacités dans les PMA, devrait permettreune hausse des importations par l’UE venant des PMA.

En règle générale, ces cibles et indicateurs ont plus de signification que ceux contenus dansl’OMD 8 lui-même, du fait qu’ils sont accompagnés de valeurs de base et sont égalementquantifiables en plus de comporter un échéancier pour la plupart, ce qui permet ainsi demesurer si des progrès ont été accomplis. Les déclarations des PSA sur la façon dont les ciblesdoivent être réalisées comprennent également une référence au rôle d’autres ministères dugouvernement, tels que le DTI, le DEFRA et le FCO, ce qui laisse entendre, tout au moins dansune certaine mesure, que les OMD ont été incorporés dans une politique à un niveauintergouvernemental. Par ailleurs, durant les discussions avec d’autres dirigeants sur les optionsde politique envisagées avec des collègues de l’UE à Bruxelles, le DFID a jugé utile de soulignerl’engagement du R.-U. envers l’OMD 8, et les dimensions liées au commerce. Toutefois, étantdonné les indicateurs relativement limités liés au commerce de l’OMD 8, d’autres facteursdoivent aussi être utilisés pour promouvoir les arguments en faveur d’une approche davantageaxée sur le développement dans les négociations commerciales.

est même allé plus loin que ledemandait l’OMC en ce sens qu’il asupprimé les quotas aux importationsde pays en développement qui nesont toujours pas membres de l’OMC(Vietnam, Cambodge, Laos, Liban,Syrie et Corée du Nord). Les États-Unis quant à eux n’ont pas été aussigénéreux, préférant plutôt maintenirleurs contingents pour le Vietnam etd’autres États non membres del’OMC, mettant même en vigueurdes « recours commerciaux » telsque des droits anti-dumping pourlimiter la hausse des importations defournisseurs davantage concurrentielsen Chine et ailleurs, et imposant aussides sauvegardes spéciales sur certainsproduits, ainsi que cela est permis envertu des dispositions relatives àl’accession de la Chine à l’OMCen 2001. Les producteurs canadiensont plutôt préféré rechercher unsoutien positif de la part du gouverne-ment canadien sous la forme detarifs douaniers inférieurs sur desproduits importés, de même quedes subventions pour une gammed’initiatives destinées à améliorerleur compétitivité.9

3. En 2004, le Canada a prolongé le Tarifde préférence général (TPG) et l’IPMAjusqu’en 2014. Bien que certainesaméliorations aient été apportées à lacouverture du TPG depuis qu’il a étérenouvelé pour la dernière fois en1994, d’autres changements sous laforme de TPG moindres, de l’élar-gissement du régime pour y inclureles vêtements, d’un assouplissementaccru des règles d’origine, et de laconsolidation de ces changements envertu de l’OMC, permettraientd’augmenter les taux d’utilisation duTPG par des pays à faible revenu qui

ne sont pas des PMA. Pour lemoment, le gouvernement canadiensemble toutefois préférer la négocia-tion d’autres diminutions tarifairesréciproquement, dans le cadred’accords de libre-échange (ALÉ)bilatéraux ou régionaux, ou dans lecontexte des négociations multi-latérales à l’OMC. Il n’y a aucunepreuve d’un appui à d’autres diminu-tions tarifaires unilatérales pourhonorer ses engagements enversl’OMD 8.

4. En ce qui a trait aux subventionsagricoles, le Canada partage l’objectifde nombre de pays en développe-ment pour qu’il soit mis fin auxmesures qui ont des effets de distor-sion sur les échanges.10 Ses politiquesde gestion des approvisionnements etla Commission canadienne du blé ontlaissé entendre quelques intérêtscommuns avec des pays endéveloppement, particulièrement unpenchant pour une approche plusnuancée de la libéralisation ducommerce dans le secteur agricole.Le Canada a appuyé le concept de« souplesse » et de « produitsspéciaux » pour lesquels les pays àfaible revenu seraient exemptés dumême degré de libéralisation agricoleque d’autres pays (sous la forme dediminutions tarifaires moindres et deplus longues périodes de mise enapplication). Dans ses ALÉ bilatéraux,il a également accepté l’exemption decertains produits chers à son parte-naire de l’ALÉ, comme dans le cas despommes de terre au Costa Rica.Toutefois, il est probable que lesintérêts élevés du Canada en matièred’exportations agricoles limiteront satolérance pour de tels traitementsexceptionnels, y compris l’utilisation

Le Canada et l’OMD 8 : Priorité au commerce

65

de « sauvegardes spéciales »; il conti-nuera de promouvoir un accès accruaux marchés agricoles du Sud – ainsiqu’à ceux du Nord.11

5. Le Canada a été le premier paysdéveloppé à modifier sa loi sur lesbrevets concernant les médicaments(projet de loi C-9, adopté en mai2004) afin d’augmenter l’accès par lespays en développement à des médica-ments bon marché, une décision quidevait être conforme à celle du 31août de l’OMC en la matière, ainsiqu’à son engagement envers l’OMD 8(et la cible 17)12. Comme cela estsouligné ailleurs dans le présentrapport (voir le chapitre « Les OMD etles maladies infectieuses : le VIH/sida),les modifications en question ne reflé-taient pas toutes la portée de cettedécision de l’OMC; par exemple, ellessont limitées à certains médicamentsalors que la Décision ne fixe aucunelimite, et elles mettaient en vigueurquelques aspects procéduraux quipourraient limiter leur utilité aux four-nisseurs de soins de santé des pays endéveloppement. Par ailleurs, cette loireprésentait un précédent utile pourd’autres pays, par exemple en faisantle lien entre le calcul des redevances àpayer aux détenteurs du brevet avecl’Indice de développement humaind’un pays.

6. Le Canada a versé quelque 280 mil-lions $ au titre de l’assistance tech-nique et du renforcement des capa-cités dans le domaine du commerce(AT/RCDC) depuis 2001, se classantau sixième rang parmi les donateursbilatéraux, selon la base de donnéesde l’OMC/OCDE pour de tellesdépenses. Ces comparaisons sontapproximatives du fait que desméthodes de rapport différentes sont

utilisées, et que certains donateursincluent la valeur totale d’un projetalors que d’autres ne signalent que lapartie d’un projet qui est liée au com-merce. Il s’agit tout particulièrementd’un enjeu pour les projets du côté del’offre touchant le développement ducommerce. Pour le Canada, de telsprojets représentent 47 p. 100 del’AT/RCDC, alors que le gros estcomposé de projets concernant lespolitiques et règlements sur leséchanges commerciaux. Bien qu’au-cune évaluation globale de cetinvestissement n’ait eu lieu, l’ébauchede stratégie de RCDC par l’ACDI, ainsique son outil de ressource sur l’égalitédes sexes et le RCDC, laissententrevoir une approche sensible quicherche à faire en sorte que lecommerce convienne aux femmes ethommes pauvres en se concentrantsur la capacité des politiques enmatière de commerce et dedéveloppement, la préparation aucommerce, la participation efficaceaux accords commerciaux interna-tionaux, et les programmes et poli-tiques d’ajustement.

Bien que le Canada ait pris un certainnombre de mesures positives, il existed’autres domaines où il reste encorebeaucoup à faire s’il veut respecterl’esprit de l’OMD 8 :

1. En ce qui concerne un accès accruaux marchés, beaucoup plus dechoses pourraient être faites, parti-culièrement pour les pays à faiblerevenu, grâce à des améliorations auxréductions tarifaires, de préférence surune base non réciproque, mais liéesen vertu de l’OMC. Il existe debonnes raisons pour donner auxexportateurs de ces pays le même

Rapport canadien sur le développement 2005

66

traitement que celui dont bénéficientles exportateurs des PMA. Il est toutaussi important de s’assurer que leCanada n’a pas recours à des droitsanti-dumping ou à d’autres sauve-gardes sur les importations de vête-ments. Il pourrait bien y avoir despressions pour agir ainsi à la suite desmesures prises aux États-Unis, ce quipourrait déboucher sur une certainediversion des exportations vers lemarché canadien. Au lieu de cela, leCanada pourrait appuyer les paystouchés pour contester les mesuresprises par les États-Unis dans le cadredes voies normales de règlement desdifférends commerciaux aux États-Unis et à l’OMC.

2. Le Canada devrait envisager d’inclurequelques-uns de ses programmes detravail temporaire et d’autres secteursd’intérêt, pour des pays endéveloppement, dans son offre deservices. Le Canada ne devrait pasfaire des demandes de services auprèsde pays en développement quiseraient susceptibles de compromettreleur capacité à réaliser leurs OMD. Ilest encourageant de constater que legouvernement canadien a déclaréqu’il n’exigera pas d’engagementd’autres pays dans des domaines où iln’est pas lui-même disposé à faire desoffres, par exemple l’eau et la santé.La position du Canada sur l’éducationest toutefois ambiguë, en ce sens quele gouvernement refuse de déclarercatégoriquement qu’il exclura l’éduca-tion de ses demandes.

3. Le Canada devrait appuyer lademande des pays en développementpour une certaine souplesse dans lespolitiques, principalement en ce qui atrait à l’accès aux marchés non

agricoles et à l’agriculture. L’approchefixée dans le cadre de juillet 2004pour les négociations de l’OMC asoulevé des préoccupations dans denombreux pays en développementquant à la capacité de leurs produc-teurs à être concurrentiels, et auxrépercussions perverses que cela auraprobablement s’ils doivent libéraliserdavantage leurs secteurs agricole etindustriel. De gros efforts doivent êtredéployés pour s’assurer que les résul-tats dans ces deux domaines clésseront à la hauteur des attentes duProgramme de Doha pour ledéveloppement (PDD).

4. L’expérience relativement à l’accessionà l’OMC révèle que les nouveauxmembres sont forcés d’acceptercertaines obligations qui vont bien au-delà des règles de l’OMC, mêmedans le cas de PMA tels que leCambodge. Ce pays devait mettre enapplication les règles de l’OMC sur lesAspects des droits de propriété intel-lectuelle qui touchent au commerce(ADPIC), y compris les brevets phar-maceutiques, immédiatement aprèsson accession en 2003, plutôt que debénéficier de la période de transitionaccordée aux PMA, qui étaientmembres fondateurs de l’OMC, toutau moins jusqu’en 2006 pour lesADPIC et jusqu’en 2016 pour lesbrevets pharmaceutiques.13 Dans lesnégociations actuelles avec des payspartenaires de l’ACDI commel’Éthiopie et le Vietnam, le Canadadevrait jouer un rôle actif pourappuyer la souplesse politique afin deprendre en considération les prioritésen développement nationales ets’assurer que les pays qui accèdent àl’OMC ne sont pas tenus d’accepterde telles normes « supérieures ».

Le Canada et l’OMD 8 : Priorité au commerce

67

5. Plusieurs questions liées aux droits depropriété intellectuelle (DPI) doiventêtre réglées. Il existe de plus en plusde preuves selon lesquelles l’actuelrégime de règles internationales etles règles des ALÉ bilatéraux ourégionaux, qui sont généralementplus rigoureuses que celles de l’OMC,imposent de sérieuses contraintes surle transfert, l’utilisation et l’imitationde nouvelles technologies dans lespays en développement. Autrementdit, les traités commerciaux risquentde compromettre la réalisation de lacible 18 de l’OMD 8 sur le transfertdes nouvelles technologies. Afin derenverser cette tendance, le Canadadevrait appuyer les recommandationsde la Commission internationale surles droits de propriété intellectuelle etprendre, sans plus tarder, des mesurespour appuyer les demandes des PMApour que soit prolongée, en leurfaveur, la période de mise en applica-tion des obligations relatives auxADPIC de l’OMC au-delà de la dated’expiration actuelle en 2006. Enfin,le Canada devrait appuyer l’Initiativeprise par l’Argentine et le Brésil en vuede la mise en œuvre d’un programmede développement (y compris lesconcepts de « latitude nécessaire etles considérations d’intérêt public »)à l’Organisation mondiale de lapropriété intellectuelle (OMPI) enoctobre 2004.14

6. Enfin, il faut que les politiquescommerciales du Canada soientcohérentes envers les pays endéveloppement. CICan met actuelle-ment l’accent sur les marchés despays en développement émergents –principalement le Brésil, la Chine etl’Inde – et la façon dont les entreprisescanadiennes peuvent y avoir accès

pour y faire des investissements, etdes exportations, ainsi que la placedu Canada dans les chaînes de valeurmondiale.15 CICan chercheactivement à conclure des accordsbilatéraux avec un certain nombre depays en développement qui com-prendraient des obligations « OMC –plus », ce qui risque de saper lesefforts déployés par l’ACDI pourpromouvoir le développement parl’intermédiaire du commerce, etl’engagement du Canada, enversl’OMD 8 pour un « système commer-cial ouvert, non discriminatoire, régipar des règles, équitable, sûr, trans-parent et prévisible ».

Conclusions Il reste encore beaucoup de travail à fairepour élaborer une série d’avantages plusprécise (dates et détails) et plus exhaus-tive de cibles OMD 8 sur le commerce,garantissant que le commerce contribueà la réalisation des autres OMD.

Le Canada a certes enregistré certainsprogrès en vue de la réalisation des ciblessur le commerce qui font actuellementpartie de l’OMD 8. Ainsi que cela a déjàété indiqué, ces progrès concernent lesmesures prises sur l’accès aux marchésdes PMA, la suppression des contingentssur les textiles et les vêtements, laprolongation des TPG, la promotion dela cessation des subventions agricolesayant un effet de distorsion sur leséchanges, des modifications aux règle-ments pour faciliter l’accès par les paysen développement aux médicamentsfabriqués au Canada, et l’appui audéveloppement de la capacité denombre de pays les plus pauvres liéeau commerce.

Rapport canadien sur le développement 2005

68

Quoi qu’il en soit, il y a de la place pourun changement d’attitude et d’autresmesures. Le gouvernement semblepréoccupé par une plus grande intégra-tion avec les États-Unis et la possibilitéd’une politique du commerce extérieurcommune, ce qui pourrait sérieusementcompromettre la politique commercialedu Canada envers les pays en développe-ment. Il existe une deuxième préoccupa-tion causée par les marchés émergents etla façon dont le Canada pourrait s’yprendre pour augmenter sa part de leursimportations et investissements. Uneréponse à ce problème consiste àconclure des ententes commercialesbilatérales, malgré le risque que celapourrait avoir sur le régime d’échangescommerciaux multilatéraux.

Avec l’appui de l’ACDI, le Canada aessayé de promouvoir le commercecomme outil de développement humain.Il faut toutefois des mesures plus précises- dans le domaine de l’accès auxmarchés, de la souplesse de la politique,des services et des droits de propriétéintellectuelle, entre autres – pourdémontrer que le Canada prend très ausérieux ses liens entre le commerce etle développement. Pour s’assurer quecela se produira, le Canada doit suivrel’exemple du R.-U., soit fixer des ciblescommunes interministérielles(ACDI/CICan). Enfin, il faudra renforcerles ressources de l’ACDI pour luipermettre de jouer un rôle plus impor-tant dans la réorientation de la politiquecommerciale du Canada envers laréalisation de l’OMD 8.

ANN WESTON est vice-présidente etcoordonnatrice de recherche à l’InstitutNord-Sud depuis 1987. Elle a entrepris denombreux travaux de recherche sur les

conséquences de l’Accord de libre-échangenord-américain (ALENA). Avant d’entrer àl’Institut, elle travaillait comme agente prin-cipale en économie à la Division des affaireséconomiques du Secrétariat du Common-wealth, et agente de recherche auprès duOverseas Development Institute (ODI) àLondres. Elle est titulaire de diplômes de laUniversity of Sussex et de la University ofLondon.

BILL MORTON s’est joint à l’Institut Nord-Sud en août 2004. Auparavant, il tra-vaillait comme coordonnateur duProgramme de la Corne d’Afrique pourOxfam Community Aid Abroad, et a étédirecteur adjoint du Programme Asie-Pacifique pour MEI International Projects. Il a tout récemment terminé un programmede maîtrise en développement international,avec concentration sur les politiquesdu Canada, du RU et de l’Australie surl’efficacité de l’aide.

Notes1 PNUD, Rapport mondial sur le développe-

ment humain 2003. Les Objectifs duMillénaire pour le développement : Unpacte entre les pays pour vaincre lapauvreté humaine (New York: OxfordUniversity Press, 2003), chapitre 8, p. 1.

2 Birdsall et Clemens, « From Promise toPerformance: Rich Countries Can HelpPoor Countries Help Themselves »,Rapport du CGD, vol. 2, numéro 1(Washington, DC: Center for GlobalDevelopment, 2003).

3 Oxfam International : Deux poids deuxmesures : Commerce, globalisation etlutte contre la pauvreté (Oxford : OxfamInternational, 2002).

Le Canada et l’OMD 8 : Priorité au commerce

69

4 Selon le rapport de 2004 du Secrétairegénéral sur la Déclaration du Millénaire, leCanada devait déposer « d’ici peu » lesien. D’autres pays ont déjà publié le leur,notamment la Belgique, le Danemark, laCommunauté européenne, la Finlande,l’Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, laSuède et le Royaume-Uni.

5 Contexte au 31 juillet 2004 des Accordscadres de l’OMC : Ce qui a été accompli;voir à http://www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/WTO/wto-backgrounder-fr.asp.Consulté le 17 janvier 2005.

6 ACDI, Stratégie de développement durable2004-2006, Hull, 2004.

7 http://www.DFIDDFID.gov.uk/pubs/files/PSA/technicalnotes.pdf accédé enfévrier 2005.

8 L’impact de l’IPMA pourrait augmenter sile Canada investissait des ressources danssa promotion – les efforts déployésjusqu’à présent ont été plutôt limités,comparativement à la vaste campagne depromotion faite par les États-Unis, de sesmesures spéciales plus limitées offertesaux exportateurs africains, connues sousle nom de AGOA (African Growth &Opportunity).

9 « Le gouvernement du Canada adopte denouvelles mesures visant à accroître lacompétitivité des industries du textile etdu vêtement », Ottawa, 14 décembre2004; http://www.fin.gc.ca/news04/04-078f.html. Document consulté le17 janvier 2005. Les subventionsconcernent environ 135 millions $ par ansous la forme d’allégements tarifaires(90 millions $), de mesures destinées àaméliorer la productivité (15 millions $) etde remises de droits (30 millions $) pourau moins les trois prochaines années.

10 « Le Canada continue de collaborer avecun grand nombre de pays en développe-ment afin de souligner l’importance

d’exercer une pression collective en vuede l’élimination ou d’une réductionconsidérable du soutien interne ayantdes effets de distorsion des échanges. »Règles du jeu équitables pour lesCanadiens sur la scène internationale.Franchir une nouvelle étape dans lesnégociations de l’Organisation mondialedu commerce (OMC) en agriculture.Voir http://www.agr.gc.ca/itpd-dpci/francais/consultations/infodocIII.htm.Document consulté le 19 janvier 2005.

11 « Concernant l’accès aux marchés, on estencore loin de l’ambitieuse formuled’harmonisation des réductions tarifairesqu’on compte établir pour réduire aumaximum les plus hauts tarifs et garantirainsi de réels avantages pour tous lesproduits agricoles et alimentaires. » Ibid.Les données de la CNUCED révèlent queparmi les pays en développement, lestarifs agricoles liés sont les plus élevésdans les pays à faible revenu (79 p. 100en 2001). Cité dans Sam Laird et al.,Southern Discomfort: Agricultural policies,trade and poverty, Research Paper No.04/02 (University of Nottingham: Centrefor Research in Economic Developmentand International Trade, June 2004).

12 Cette décision permettait aux pays sansindustrie pharmaceutique nationale deprofiter de la Déclaration de Doha sur lesADPIC et la santé publique, et ses disposi-tions sur les brevets obligatoires.

13 Ratnakar Adhikari et Navin Dahal, « LDCs’Accession to the WTO: Learning from theCases of Nepal, Cambodia and Vanuatu ».South Asia Watch on Trade, Economics &Environment (SAWTEE), Katmandou,Népal, voir http://www.un-ngls.org/SAWTEE.doc. Document consulté le20 janvier 2005.

14 Cette proposition a été initiée lors desnégociations de l’OMPI sur l’harmonisa-tion du droit matériel des brevets qui,selon les deux pays, n’avaient pas pris en

Rapport canadien sur le développement 2005

70

considération les intérêts ni les proposi-tions des pays en développement.BRIDGES Weekly Trade News Digest,Vol. 8, numéro 29, 8 septembre 2004.

15 « Nous négocions des accords bilatérauxet régionaux dans les domaines ducommerce, des services aux entreprises,des services aériens, de la réglementationet de la fiscalité, qui ouvrent beaucoup deportes aux sociétés canadiennes. Nousnous efforçons en outre de conclure desaccords sur les investissements avec la

Chine et l’Inde. » ... « Nous devonsrattraper le temps perdu dans les grandsmarchés émergents tels que la Chine etl’Inde. Nous devons d’urgence ouvrir auxCanadiens l’accès aux occasions quis’offrent partout dans le monde ». Notespour une allocution de l’honorable JimPeterson, ministre du Commerce interna-tional, à l’occasion du Sommet Asie-Pacifique 2004 « Marchés émergents : le Canada saura-t-il relever le défi? »Vancouver (C.-B.), le 13 octobre 2004.

Le Canada et l’OMD 8 : Priorité au commerce

71

L’Objectif 8 et les efforts

du Canada enmatière d’allègement

de la dette

Bill Morton et Roy Culpeper

L’Objectif 8 et les efforts du Canada en matière d’allègement de la dette

75

Pour les pays pauvres, unedette excessive constitue ungros problème en matière de

développement. En effet, ces paysdoivent rembourser des dettesbilatérales à d’autres gouverne-ments, une dette multilatérale à desinstitutions financières interna-tionales (IFI) telles que la Banquemondiale, le Fonds monétaire inter-national (FMI) et les banques dedéveloppement régionales, ainsiqu’une dette commerciale aux prê-teurs privés. Toutes ces obligationsengloutissent une quantité consi-dérable de ressources nationalesqui pourraient autrement servir àpromouvoir le développement et àaborder directement la réductionde la pauvreté, par exemple parl’intermédiaire du financement del’éducation et de la santé.

La question de la dette constituel’un des éléments clés couvertspar l’OMD 8 qui comporte deuxcibles liées à la dette. La cible 13,qui concerne les besoins spéciauxdes pays les moins avancés (PMA)comprend un programme renfor-cé d’allègement de la dette despays pauvres très endettés etl’annulation des dettes publiquesbilatérales. La cible 15 parle detraiter globalement le problème

de la dette des pays endéveloppement par des mesuresnationales et internationalespropres à rendre leur endette-ment viable à long terme.L’OMD 8 inclut par ailleurs troisindicateurs de la viabilité del’endettement, soit le nombrede pays ayant atteint le point dedécision de l’initiative en faveurdes pays pauvres très endettés(PPTE)1 (Indicateur 42), l’engage-ment d’allègement de la detteau titre de l’initiative PPTE(Indicateur 43), et le service de ladette en pourcentage des expor-tations des biens et services(Indicateur 44).

Un large consensus a été atteintquant à la nécessité de réduirele fardeau de la dette que sup-portent les pays les plus pauvres.Comme l’indique d’ailleursl’OMD 8, une entente a égale-ment été conclue pour recon-naître que la dette bilatéraledevrait être annulée. Il y a toute-fois de nombreux débats sur lafaçon de traiter les autres typesde dettes, ce qui concerne enparticulier la dette multilatérale :les pays développés devraient-ilsapporter leur aide pour la réduire,ou bien l’annuler complètement?

L’Objectif 8 et les efforts du Canada en

matière d’allègement de la detteBill Morton et Roy Culpeper

Et comment cela devra-t-il être financé?Par ailleurs, on se pose aussi la questionde savoir ce que constitue un niveau« viable » de dette que les pays les pluspauvres peuvent absorber tout en répon-dant à d’importantes priorités en matièrede développement. Il faut prendre encompte la question du futur financementdu développement des pays pauvres, etse demander si cela devrait prendre laforme de subventions ou de prêts. Lefinancement de subventions permet auxpays pauvres d’éviter d’accumuler unedette, et l’octroi d’un financement à desconditions favorables par des institutionsmultilatérales comme la Banque mon-diale prend de plus en plus cette forme.D’autre part, le passage radical à l’octroide fonds peut saper la disponibilité deressources futures en éliminant leremboursement du principal sur les prêts.

Chacun de ces débats est à la foiscomplexe et nuancé, pour lesquels il n’ya pas de solutions toutes simples. Nousallons nous concentrer sur les politiqueset le rendement du Canada en matièred’allègement de la dette. Jusqu’en 2005,le gouvernement du Canada a entreprisd’éliminer la dette selon trois approchesdifférentes2 :

• l’Initiative en faveur des pays pauvrestrès endettés (PPTE),

• le Club de Paris, et

• l’Initiative d’allègement de la dette.

L’Initiative des PPTE, qui a été lancée en1996 et améliorée en 1998, vise àréduire la dette extérieure des pays lesplus pauvres que détiennent les IFI, desgouvernements étrangers et des prêteurscommerciaux. L’objectif de cette initiativeest d’alléger la dette de pays à un niveauauquel cette dette est jugée viable.3 Le

Canada a apporté son appui à l’Initiativedes PPTE en débloquant 312 millions dedollars qu’il a versés à deux fonds fidu-ciaires qui fournissent les ressourcesfinancières pour l’allègement de la dette.Pour le Fonds fiduciaire des PPTE admi-nistré par la Banque mondiale, le Canadaa versé 247 millions de dollars, soit 4,7 p.100 du total des engagements. Pour leFonds fiduciaire des FRPC (Facilité pourla réduction de la pauvreté et pour lacroissance), administré par le FMI, leCanada a accordé 65 millions de dollarsde soutien, soit 3,1 p. 100 du total desengagements. (Ces chiffres se comparentaux 3,5 p. 100 du Canada du totalde l’APD.4)

Dans le cadre du Club de Paris, leCanada a accordé un allègement de ladette aux pays qui lui doivent des dettesbilatérales officielles, et qui ont unfardeau de la dette manifestementinsupportable. Le Club de Paris est ungroupe informel de 19 créditeursbilatéraux officiels, qui consent l’allège-ment de la dette à des pays admissibles àl’Initiative des PPTE ainsi qu’à d’autrespays grâce à un rééchelonnement de ladette (report du paiement de la dette) etpar la réduction des paiements de ladette. Ce Club a conclu plus de 380accords relatifs à la dette avec près de80 pays débiteurs. Le Canada a fait sapart et consenti un allègement de ladette à 48 pays, dans de nombreux cas àplusieurs reprises. Par exemple, depuis2001, le Canada a radié pour plus de419 millions de dollars en paiementsd’intérêts dus par la Pologne et pour plusde 158 millions de dollars en paiementsau titre du principal et des intérêts duspar l’ancienne Yougoslavie. En 2004, leClub de Paris a annulé 80 p. 100 de ladette externe publique de 38,9 milliardsde dollars américains que lui devait

Rapport canadien sur le développement 2005

76

l’Iraq.5 Le Canada quant à lui va radierquelque 570 millions de dollars au coursdes trois prochaines années.

En 1999, le Canada a créé l’Initiativecanadienne d’allègement de la dette(ICAD), premier processus prévoyant unallègement bilatéral de la dette en sus dece qui est prévu par le Club de Paris etl’Initiative des PPTE. L’ICAD prévoit unmoratoire de 100 pour cent duremboursement de la dette pour les paysqui font partie du processus des PPTE(comparativement à l’allègement sur90 p. 100 des dettes admissibles prévudans le régime des PPTE), et l’annulationtotale de la dette des pays qui terminentle processus PPTE (comparativement à90 p. 100 que les créditeurs bilatérauxsont tenus de fournir en vertu del’Initiative des PPTE).

Des 16 PPTE qui participent à l’ICAD,13 ont bénéficié du moratoire. Le Bénin,la Bolivie, l’Éthiopie, le Ghana, le Guyana,Madagascar, le Sénégal et la Tanzanieont vu la radiation totale de leursdettes au Canada d’un montant de155,6 millions de dollars. Le Canada vapar ailleurs cesser les remboursementsdu service de la dette du Rwanda et dela République démocratique du Congo.Le Cameroun, le Honduras et la Zambieont eu droit à un allègement partielseulement de la dette à ce jour.

Les répercussions des efforts du Canadaen matière de la dette bilatérale sonttoutefois gênées par d’autres créditeurscomme le Japon et l’Allemagne, qui sontmoins disposés à réduire leurs demandesaux débiteurs. En outre, bien que lesallègements de la dette bilatérale dans lecadre de processus comme l’ICAD soientimportants, la dette multilatérale cons-titue la partie la plus difficile du pro-blème. En effet, la dette extérieure active

des pays à faible revenu totalise de nosjours quelque 523 milliards de dollarsaméricains, sur lesquels 154 milliardsde dollars américains sont dus à desinstitutions multilatérales, en particulierà la Banque mondiale, au FMI, et –dans le cas des pays africains – à laBanque africaine de développement. Ladette multilatérale des PPTE s’élève à70 milliards de dollars américains, soit37 p. 100 de la dette extérieure totale.6

On semble de plus en plus convenir quel’Initiative des PPTE ne va pas assez loinen ce qui a trait à la question de la dettemultilatérale. À la veille de la réunion defévrier 2005 des ministres des Financesdu G-7, le Canada avait avancé une nou-velle proposition prévoyant que les paysdéveloppés accorderaient un « arrêt dupaiement de la dette » aux pays admissi-bles, grâce à une radiation intégrale despaiements du service de la dette dus auxprincipales institutions multilatérales.7Cette disposition s’appliquerait à 41 paysen plus des 15 actuellement admissiblesà l’Initiative des PPTE. Le Canada avaitfait valoir que les mesures additionnellesd’allègement de la dette de son initiativereposaient sur quatre principes, à savoirque les mesures d’allègement de la dettedevraient prévoir des ressources addition-nelles, être équitables envers les autrespays à faible revenu, préserver l’intégritéfinancière des IFI, et encourager commeil se doit une saine gouvernance et desmesures de réforme économique.

Cette proposition d’examen de l’allège-ment de la dette multilatérale a mis leCanada à l’avant-scène parmi les paysdéveloppés, dans ce domaine. Elle atoutefois été supplantée par une nouvelleproposition faite par les ministres desFinances du G-8 en vue de la réunion duG-8 de juillet 2005. Celle-ci offrait l’annu-lation intégrale d'une dette évaluée à

L’Objectif 8 et les efforts du Canada en matière d’allègement de la dette

77

quelque 40 milliards de dollars, laquelleétait due à la Banque mondiale, à laBanque africaine de développement etau FMI, par 18 pays à faible revenu.8

Il importe de noter que la propositiondes ministres des Finances demandaitégalement aux donateurs de faire descontributions supplémentaires àl’Association internationale de développe-ment (AID) de la Banque mondiale et àla Banque africaine de développement,pour les « rembourser » des paiementsde la dette qu’ils auraient autrementreçus de la part de pays à faible revenuavant l’annulation de la dette. Cetteproposition est conforme à la positionadoptée par le Canada, et vient appuyerl’important principe selon lequel lesmesures d’allègement de la dettedevraient fournir des ressources addition-nelles. La part du Canada représenteraitenviron 4 % du montant total des contri-butions additionnelles.

Le financement de l’annulation desdettes dues au FMI viendrait de sespropres ressources, fort probablementpar l’utilisation du principal d’une rééva-luation de 1999 de ses réserves d’or. Celapermet ainsi d'éviter la proposition faiteauparavant par le R.-U., laquelle est pluscontroversée, pour que l’allègement dela dette par le FMI soit financé pard’autres ventes ou une réévaluation deses réserves d’or. Le Canada a apporté unappui mitigé à cette initiative, principale-ment parce qu’il craint une dépressiondes marchés internationaux de l’or, cequi risquerait d’avoir des effets néfastessur les intérêts des producteurs d’orcanadiens.

La proposition des ministres des Financesdu G-8 constitue une véritable avancée,surtout parce qu’elle prévoit l’annulationtotale de la dette (comparativement à laproposition précédente du Canada quin’accordait que l’annulation despaiements du service de la dette). Àd’autres égards, cette proposition du G-8est toutefois limitée, en particulier parcequ’elle restreint l’annulation de la detteaux pays admissibles à l’initiative desPPTE, excluant ainsi d’autres pays pau-vres qui ne font pas partie de cette initia-tive, et qui doivent supporter des dettesextrêmement lourdes. Dans l’immédiat,la proposition concernerait 18 pays quiont atteint le « point d’achèvement » desPPTE, et elle pourrait s’appliquer àl’avenir aux neuf pays qui en sontactuellement à un « point de décision »des PPTE, et à plus long terme, aux 11autres PPTE admissibles. De la sorte, cesont 38 pays qui pourraient être admissi-bles, mais ce chiffre est inférieur à celuide 56 pays mentionnés dans la proposi-tion antérieure du Canada, laquelle inclutl’allègement de la dette pour des pays ensus de ceux qui sont admissibles à l’initia-tive des PPTE. Ce chiffre est par ailleurstrès nettement inférieur à celui des62 pays qui, selon les ONG canadiennes,ont besoin d’une annulation totale deleur dette s’ils veulent réaliser lesObjectifs du Millénaire pour ledéveloppement.

BILL MORTON s’est joint à l’Institut Nord-Sud en août 2004. Auparavant, il travaillaitcomme coordonnateur du Programme de laCorne d’Afrique pour Oxfam Community Aid

Rapport canadien sur le développement 2005

78

Abroad, et a été directeur adjoint duProgramme Asie-Pacifique pour MEIInternational Projects. Il a tout récemmentterminé un programme de maîtrise endéveloppement international, avec con-centration sur les politiques du Canada, duRU et de l’Australie sur l’efficacité de l’aide.

ROY CULPEPER est entré à l'Institut Nord-Sud en 1986. Il a été vice-président etcoordinnateur des recherches de 1991 à1995, année où il a été nommé président.Auparavant, il a occupé divers postes auSecrétariat de la planification du cabinet dugouvernement du Manitoba, au ministèrefédéral des Finances et au ministère desAffaires étrangères et du Commerceinternational. De 1983 à 1986, il a été con-seiller auprès du directeur exécutif canadienà la Banque mondiale à Washington. Il areçu son doctorat en économie politique dela University of Toronto.

Notes1 Il s’agit, plus précisément, du nombre

de pays qui ont atteint le « point dedécision » de l’IPPTE, à savoir la date àlaquelle ils sont admissibles à cetteinitiative, et le nombre de pays qui ontatteint leur « point d’achèvement » del’initiative, à savoir les pays qui ont remplicertains critères et qui ont donc droit àl’allègement total de la dette.

2 Pour plus de renseignements en lamatière, voir http://www.fin.gc.ca/toce/2005/cdre0105_f.html. Accédé en février2005.

3 Dans le cadre de l’Initiative des PPTE, ladette est considérée comme n’étant pasviable si le rapport dette-exportation estsupérieur à 150 p. 100. Il existe toutefoisune grande controverse sur ce queconstitue un niveau de dette viable, etcomment ce niveau est évalué. Parexemple, Kappagoda et Alexandercontestent la définition de viabilité de laBanque mondiale, et recommandentplutôt de prendre en considération lesrevenus du gouvernement et la dettenationale, et non pas simplement lesgains tirés de l’exportation (voirN. Kappagoda et N. Alexander, « DebtSustainability Framework for LowIncome Countries: Policy andRecommendations », http://www.g24.org/kapp0904.pdf). Accédé en février 2005.

4 Les chiffres de 2002 sont tirés de l’OCDE« Journal du CAD, Coopération pour ledéveloppement, Rapport de 2003 », Paris,2004.

5 Le total de la dette publique de l’Iraq étaitévalué à 120,2 milliards de dollars améri-cains à la fin de l’année 2004. Voirhttp://www.clubdeparis.org/fr/. Accédé enmars 2005.

6 Tiré de Sony Kapoor, « Paying for 100%Multilateral Debt Cancellation, Currentproposals explained », EURODAD, 2005,www.eurodad.org/articles/default.aspx?id=576. Accédé en février 2005.

7 Ces données et d’autres sont tirées dehttp://www.fin.gc.ca/news05/05-008f.html.Accédé en février 2005.

8 Ces données et d’autres viennent toutd’abord des « Conclusions des ministresdes Finances du G-8 sur le développe-ment » (http://www.fin.gc.ca/activty/G7/G8050611_f.html) et de l’analyse de laproposition du G-8 sur la dette effectuéepar l’Initiative de Halifax et KAIROS.Accédé en juin 2005.

L’Objectif 8 et les efforts du Canada en matière d’allègement de la dette

79

Du Programme d’action à

la Déclaration : Beijing et les OMD

Heather Gibb

Du Programme d’action à la Déclaration : Beijing et les OMD

83

La Déclaration du Millénaireavance que « l’égalité desdroits et des chances des

femmes et des hommes doit êtreassurée »; toutefois, à propos dugenre d’environnement qui permetd’éradiquer la pauvreté et de réa-liser le « droit au développement »,l’accent est mis sur la politiquemacroéconomique : « une bonnegouvernance sur le plan interna-tional, et la transparence des sys-tèmes financier, monétaire et com-mercial… un système commercialet financier multilatéral ouvert,équitable, fondé sur le droit, prévi-sible et non discriminatoire ». Lescibles de l’Objectif 3 (promouvoirl’égalité des sexes et l’autonomisa-tion des femmes) abordent lesinterventions microéconomiques,soit éliminer les disparités entre lessexes dans les enseignements pri-maire et secondaire d’ici à 2005, sipossible, et à tous les niveaux del’enseignement en 2015, au plustard. Toutefois le cadre d’égalitédes sexes adopté par la commu-nauté mondiale à peine cinq ansplus tôt à l’occasion de la qua-trième Conférence mondiale sur lesfemmes des Nations Unies àBeijing, précisait les priorités enmatière d’égalité des sexes dans lesdomaines micro et macro-économiques. Les Objectifs duMillénaire pour le développement

(OMD) persistent à reléguer l’éga-lité des sexes devant les tribunestraditionnelles, ce qui traduit unemarche en arrière dans le domainedes droits sexuels et génésiquesface aux pressions religieuses etfondamentalistes, ce qui est toutaussi préoccupant.

Les rapports d’étape sur les OMDdéposés par les pays développéset en développement ont ten-dance à aborder la question del’égalité des sexes, ce qui n’estpas véritablement surprenant,principalement dans le contextede l’Objectif 3 et du traitementlimité des besoins des femmes ensanté relativement au rôle desfemmes en tant que mère (réduc-tion de la mortalité maternelle),bien que certains pays endéveloppement aient utilisé unegamme plus vaste d’indicateurs.Alors que le Programme d’actionde Beijing (PAB) reconnaît que lamondialisation et la macroé-conomie, y compris les accordscommerciaux et la libéralisationdes finances, ont des dimensionsimportantes en ce qui a trait ausexe, l’OMD 8 (mettre en placeun partenariat mondial pour ledéveloppement) maintient laperspective historique selonlaquelle la macroéconomie netient pas compte du sexe. En

Du Programme d’action à la Déclaration :

Beijing et les OMDHeather Gibb

2005, les organisations et autres mouve-ments de femmes1 exerceront de fortespressions pour rappeler aux gouverne-ments que leurs obligations et engage-ments envers l’autonomisation desfemmes et les droits humains sont d’uneportée beaucoup plus grande : les OMDdoivent réaffirmer un engagementgénéral envers l’égalité des sexes s’ilsveulent parvenir à leurs fins.

Quels engagements la communautémondiale a-t-elle pris envers les femmes?L’un des éléments clés est la Conventionsur l’élimination de toutes les formes dediscrimination à l’égard des femmes(CEDEF) qui est entrée en vigueur en1981. Cette convention est un traitéqui a force de loi et qui exige de ses177 États signataires qu’ils garantissentl’égalité des droits civils, politiques,économiques, sociaux et culturels auxfemmes et aux hommes. La CEDEF faitde la discrimination contre les femmesune violation des droits humains, etcomporte des normes très précises sur lesdroits humains des femmes sur lesquellesles gouvernements sont tenus de fairerapport. Le Programme d’action duCaire, adopté à la Conférence inter-nationale des Nations Unies sur la popu-lation et le développement (CIPD) en1994, fixe à 2015 la date de la réalisationde l’accès universel à des services desanté de qualité dans le domaine de lareproduction. Le droit humain desfemmes d’avoir le contrôle sur les ques-tions touchant leur sexualité, ainsi que deprendre les décisions en toute liberté etresponsabilité, a par ailleurs été affirmédans le PAB de 1995.

Reconnaissant la nécessité de « faireprogresser les objectifs d’égalité, dedéveloppement et de paix » à Beijing, lacommunauté mondiale a engagé lesgouvernements, le système des Nations

Unies, les institutions financièresrégionales et internationales (IFI), ainsique d’autres institutions régionales etinternationales pertinentes, de mêmeque toutes les femmes et tous leshommes, ainsi que les organisations nongouvernementales (ONG), à suivre unplan d’action exhaustif pour l’égalité dessexes, qui comportent les 12 objectifsstratégiques et actions suivants :

• Les femmes et la pauvreté

• L’éducation et la formation desfemmes

• Les femmes et la santé

• La violence contre les femmes

• Les femmes et les conflits armés

• Les femmes et l’économie

• Les femmes et le pouvoir et laresponsabilité

• Les mécanismes institutionnels pour lapromotion de la femme

• Les droits de l’homme et les femmes

• Les femmes et les médias

• Les femmes et l’environnement

• Les fillettes

Progrès réalisés depuis BeijingD’importantes réalisations ont étéenregistrées au cours des dix annéesqui se sont écoulées depuis la Conférencede Beijing : sensibilisation accrue etadoption de lois contre la violence faiteaux femmes; nomination d’un rapporteurspécial des NU sur la violence contre lesfemmes; plus grande attention accordéeaux questions touchant les femmes dansles conflits armés; et inclusion de cesquestions dans les statuts de la Courpénale internationale, une institution quele Canada a fortement appuyée. On a

Rapport canadien sur le développement 2005

84

aussi relevé des augmentations au niveaude la participation des femmes en poli-tique, si l’on en croit leur nombre dansles parlements. Toutefois, le visage de lapauvreté est toujours très féminin : lesfemmes représentent en effet 60 p. 100des quelque 550 millions de pauvres quitravaillent dans le monde, et bien que lesfemmes constituent environ 40 p. 100des travailleurs de la planète, l’objectif deresponsabilisation économique desfemmes reste toujours aléatoire. Lamondialisation, les ajustements struc-turels et la privatisation sont autant defacteurs qui présentent à la fois despossibilités et des défis pour les femmes.À cela, il faut ajouter d’autres menacesque sont par exemple les écartspersistants entre les sexes en ce qui atrait à l’alphabétisation et au « fossénumérique » entre les sexes; l’augmenta-tion du fondamentalisme et du conser-vatisme, ainsi que du militarisme. EnAfrique, le VIH/sida prend de plus en plusun visage féminin.

Le Canada, l’égalité des sexes,et la Déclaration du Millénaireet ses objectifsLes engagements énoncés dans lapolitique canadienne, découlant duProgramme d’action de Beijing (PAB),sont très vastes. En effet, dans le docu-ment intitulé Le Plan fédéral pourl’égalité entre les sexes, contribution dugouvernement canadien à la quatrièmeConférence mondiale sur les femmes àBeijing, le Canada y précise que lapromotion de l’égalité entre les sexes –en tant que question liée aux droitshumains, à la justice sociale et audéveloppement – constitue une partieimportante des politiques du Canada enmatière d’aide et d’affaires étrangères.

Certains domaines de la politiqueétrangère du Canada ont commencé àprendre en compte les engagementscanadiens envers les droits des femmeset l’égalité entre les sexes. Aux NationsUnies, en tant que membre du Conseilde sécurité, le Canada a défendu laRésolution 1296 de la CSNU (Protectiondes civils en période de conflit armé),ainsi que la Résolution 1325 (Lesfemmes, la paix et la sécurité). LeCanada et le Royaume-Uni appuientune initiative de formation sexo-spécifique du Programme de la sécuritéhumaine. Les progrès réalisés au niveaude « l’intégration des considérationsliées à l’égalité entre les sexes » dans lapolitique canadienne, dans d’autressecteurs comme ceux des finances etdu commerce international, constituenttoujours un défi, bien que le Canada aitdéjà pris certaines mesures pour encou-rager des organisations commercialesmultilatérales à prendre en considérationles questions touchant l’égalité des sexes.

À propos des droits sexuels etgénésiques, questions centrales pourl’autonomisation des femmes et la miseen place de stratégies couronnées desuccès pour réaliser plusieurs des OMD,la politique canadienne est claire : leCanada appuie fortement le respect desdroits sexuels et génésiques, et n’a pasménagé ses efforts ces dernières annéespour avancer des engagements à la foispuissants et cohérents sur l’égalité entreles sexes, les droits sexuels et génésiques,et les familles sous toutes leurs formes,comme prérequis indispensables pourréaliser les objectifs de réduction de lapauvreté et du développement,convenus à l’échelle internationale.

Plusieurs engagements pour s’assurer quel’ensemble des politiques et lois auniveau fédéral font l’objet d’une analyse

Du Programme d’action à la Déclaration : Beijing et les OMD

85

reposant sur l’égalité des sexes, se sontavérés ambitieux, mais la question del’intégration des considérations liées àl’égalité des sexes gagne du terrain danscertains ministères. Ainsi, la Loi sur l’im-migration et la protection des réfugiés(LIPR) de 2002 comporte des règlementsprotégeant les femmes contre laviolence, le trafic de personnes et lepassage de clandestins. Cette loi inclutl’obligation sans précédent pourCitoyenneté et Immigration Canada(CIC) de remettre une analyse annuellede l’impact de la LIPR sur l’égalité dessexes, dans son rapport au Parlement.

Promouvoir l’égalité des sexespar l’intermédiaire de l’APDL’ACDI s’est méritée une véritable recon-naissance au niveau international pourson leadership et ses stratégies novatrices

dans la promotion de l’égalité des sexes.Sa politique de 1999 sur l’égalité entreles sexes repose sur les traités interna-tionaux sur les droits humains et leProgramme d’action de Beijing (PAB),l’objectif étant « d’appuyer les femmes etles filles dans le plein exercice de leursdroits fondamentaux ». Les « résultatsdéveloppementaux » auxquels s’attendl’ACDI, connus sous le nom de« résultats clés de l’Agence » se fondent,sans toutefois s’y limiter, dans le cas del’égalité des sexes, sur les OMD. Àpropos des droits sexuels et génésiques,par exemple, tenant compte de la poli-tique canadienne selon laquelle la santégénésique, l’égalité des sexes et lesdroits humains sous-tendent un grandnombre des OMD, l’ACDI a investi plusde 40 millions de dollars dans desprogrammes de santé génésique et enmatière de sexualité en 2004, et 105 mil-lions de dollars de plus dans diverses ini-

Rapport canadien sur le développement 2005

86

Intégration des questions liées à l’égalité des sexes dans les organisations commerciales

Le Canada a favorisé l’intégration de la question de l’égalité des sexes dans le travail de plusieurs organisations interna-tionales telles que les Nations Unies, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), leCommonwealth, l’Organisation des États américains (OÉA), et la Francophonie. Dans le domaine du commerce, leCanada a appuyé un certain nombre d’initiatives pour entamer des discussions sur l’égalité des sexes à l’Organisationmondiale du commerce (OMC), à la réunion de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), et à l’OÉA. LeCanada a aussi joué un rôle moteur pour inclure cette question à l’APEC, cette dernière adoptant une politique officiellesur l’égalité des sexes dans son Cadre d’intégration des femmes dans l’APEC (1999). En 2004, sous la direction duCanada, un projet déposé devant le Comité du commerce et de l’investissement examinait les paramètres de l’égalitédes sexes du programme de facilitation du commerce et de renforcement des capacités liées au commerce, à la suite dequoi des recommandations seront présentées en 2005. Le Canada a par ailleurs appuyé un certain nombre de discus-sions politiques sur l’égalité des sexes et le commerce à l’OMC, notamment dans le cadre d’un comité sur l’égalité dessexes, le commerce et le développement à l’occasion de la cinquième Conférence ministérielle de l’OMC à Cancun, auMexique, en 2003.

tiatives ciblant des femmes et desjeunes filles infectées ou touchéespar le VIH/sida dans des pays endéveloppement.

L’ACDI appuie également des initiativesde renforcement de la capacité pourmettre en application la CEDEF. En parte-nariat avec la Swedish InternationalDevelopment Corporation Agency(SIDA), l’ACDI a collaboré avecl’Assemblée parlementaire internationaleet les Nations Unies à la production duGuide à l’intention des parlementaires surla CEDEF et son protocole facultatif. Àl’heure actuelle, l’ACDI et le Fonds dedéveloppement des Nations Unies pourla femme (UNIFEM) collaborent à unevaste initiative de mise en application dela CEDEF avec six pays d’Asie du Sud-Est.

Le Fonds de recherche de l’ACDI pour laprotection des enfants a ciblé la violencecontre les femmes dans le cadre d’unerecherche sur le rôle des filles dans lesforces armées du Nord de l’Ouganda, auMozambique et en Sierra Leone, ainsique sur la santé des femmes et les autresbesoins des filles qui sont fréquemmentles « laissées pour compte » à la suite desprogrammes de désarmement, de démo-bilisation et de réintégration des soldats.

Responsabilité de l’égalité entre les sexes dans un milieu « transversal »À l’ACDI, la question de l’égalité entreles sexes est un thème transversal. À cetitre, il est difficile pour l’Agence dedéterminer le pourcentage de sonbudget total consacré à l’égalité entreles sexes. L’examen par le Comité d’aideau développement (CAD) de l’OCDE,effectué en 2002, de l’aide publique au

développement (APD) du Canada,signalait qu’en 2000, 5 p. 100 de lavaleur totale des projets de l’ACDIavaient pour principal objectif l’égalitéentre les sexes, que 53 p. 100 avaientun objectif fondamental, que 3 p. 100n’étaient pas ciblés, et que 30 p. 100n’étaient pas évalués en fonction del’objectif en matière d’égalité des sexes.Les chiffres sur les dépenses desprogrammes bilatéraux pour 2002-2003laissent prévoir que les dépensesconsacrées à l’égalité entre les sexessont restées environ à hauteur de 5 p.100 de l’aide bilatérale.2

L’ACDI se joint à d’autres donateurs del’OCDE pour augmenter le lien entreses programmes et les documents destratégie pour la réduction de la pauvreté(DSRP), et signale à ce sujet un certainsuccès dans sa collaboration avec despartenaires de pays en développement,tels que le Malawi, pour s’assurer que lespréoccupations touchant l’équité entreles sexes sont incluses dans leurs DSRP.Toutefois, certaines études révèlent quel’intégration des questions touchantl’égalité des sexes dans le processus desDSRP est bien souvent minime. Une deces études a d’ailleurs révélé que l’égalitéentre les sexes n’avait pas été sérieuse-ment considérée comme un déterminantde la pauvreté et qu’elle ne tenait pascompte de plusieurs des priorités clés desfemmes (services de santé maternelle,aide pour la production d’aliments etleur commercialisation dans le pays,éradication des pratiques discriminatoiresselon le sexe dans les services sociaux etl’infrastructure économique). En outre,les DSRP ciblent l’économie de marchésans tenir compte des répercussions surl’égalité entre les sexes, et par ailleurs lasituation économique du ménage étaitnégligée.3 Ces préoccupations sont prises

Du Programme d’action à la Déclaration : Beijing et les OMD

87

en compte dans des rapports régionauxqui ont été préparés en vue de l’Étudedécennale du Programme d’action deBeijing. On y demande notamment desanalyses des politiques macroéco-nomiques relativement à l’égalité entreles sexes pour révéler les répercussionsdifférentes de la pauvreté sur les femmeset les hommes et, dans le cas del’Afrique, l’abolition des subventionsagricoles pour garantir une concurrencejuste pour les produits agricoles del’Afrique, dont la plus grosse partie sontle fruit du travail de femmes.4

Le passage de plus en plus rapide del’ACDI à des approches-programmes etdes approches sectorielles (aide budgé-taire, approches sectorielles) constitueune autre difficulté pour vérifier le niveauet l’efficacité de l’aide canadienne dupoint de vue de l’égalité des sexes. Lacoordination des donateurs, particulière-ment dans les domaines de la santé et del’éducation, peut certes être efficace pourles donateurs comme les récipiendaires,mais elle renforce également certainestendances illustrées par l’approche desOMD envers l’égalité des sexes – à savoirque l’accent est mis sur les questionsliées à l’éducation et à la santé, sansaucun lien avec l’environnementmacroéconomique qui freine les réponsesqu’apportent les gouvernements à cesquestions. Par exemple, le cadre d’aideau développement des NU, qui sert àanalyser la situation en matière dedéveloppement national et à circonscrireles principaux défis au développement, aégalement tendance à cibler les préoccu-pations des femmes en éducation, santéet microéconomie. Les politiques etprogrammes économiques (finance,fiscalité, industrie, emploi dans lessecteurs structuré et informel) n’abordentque rarement les perspectives liées àl’égalité des sexes, et les domainescritiques pour les femmes (agriculture,

bétail et élevage, transport, eau, environ-nement, et habitation) ne sont pas nonplus adéquatement abordés du point devue de l’égalité des sexes.

ConclusionsSi l’on en croit les engagements de lacommunauté internationale enversl’égalité des sexes dans les OMD, il estcritique de mettre en place desmécanismes pour tenir responsablesde leurs obligations et engagementsenvers l’égalité des sexes les organisa-tions en question. Les campagnes lancéesen 2005 rappelleront à la communautéinternationale l’existence du cadre inté-gré d’objectifs, de cibles et d’indicateursrelativement à l’égalité des sexes dans laCEDEF et le Programme d’action deBeijing. Bien que les OMD puissent offrirun cadre pratique pour recueillir unsoutien continu à la coopération inter-nationale destinée à éradiquer lapauvreté, pour aborder les questions del’égalité des sexes et de l’autonomisationdes femmes, il faudra bien plus que desgains au niveau de l’éducation formelle.La réalisation de l’Objectif 3, bien qu’importante en soi, ne permettra pasd’atteindre l’égalité des sexes nil’autonomisation des femmes, du faitque cet objectif est délié du vastecontexte qui soutient et reproduitl’inégalité. Il faut que les investissementsdans l’éducation des filles et des femmessoient liés à un accès égal aux emplois, àla formation professionnelle, à la financeet au marché pour les entreprises defemmes, dans un système commercial etfinancier qui soutient les secteurs où lesfemmes pauvres créent leurs propresmoyens d’existence, ou qui prévoit desmécanismes d’atténuation efficaceslorsqu’ils sont menacés par lesmarchés libres.

Rapport canadien sur le développement 2005

88

Quelles mesures le Canada pourrait-ilprendre pour insister sur ses engage-ments mondiaux envers l’égalité entre lessexes? Pour commencer, dans sonRapport intérimaire aux Nations Uniessur les OMD, le Canada pourrait forte-ment réaffirmer son engagement sansfaille envers la mise en application de laCEDEF et du Programme d’action deBeijing. Le Canada pourrait aborder defaçon plus vigoureuse les aspects liés àl’égalité entre les sexes dans ses obliga-tions en vertu de l’Objectif 8, « l’objectifdes pays développés », en examinant sespropres politiques macroéconomiqueset commerciales du point de vue del’égalité des sexes, et en en faisant lapromotion dans le cadre de tribuneséconomiques et commerciales inter-nationales auprès de la communautémondiale pour qu’elle prenne au sérieuxles questions touchant l’égalité entre lessexes dans ses programmes. En ce qui atrait par exemple au commerce, leCanada pourrait exercer de fortespressions pour que des évaluations desrépercussions sur l’égalité entre les sexesdes engagements commerciaux soienteffectuées par l’Organisation mondialedu commerce et d’autres organisationscommerciales, et arrêter l’ordre depriorité des préoccupations des femmeset des petits producteurs causées par lespolitiques d’échanges commerciaux.

La responsabilité des résultats etdépenses liés à l’égalité des sexespourrait être accrue par l’obligation deprésenter des rapports en vertu decertaines lois telles que la LIPR. Des outilsd’analyse des budgets, relativement àl’égalité des sexes, ont été élaborés afind’aider les gouvernements et le grandpublic à déterminer si les engagementsfinanciers correspondent aux objectifspolitiques sur l’égalité entre les sexes :

5 p. 100 sont-ils suffisants pour inclureles considérations liées à l’égalité entreles sexes dans les politiques?

HEATHER GIBB est chercheure principale(Égalité entre les sexes et Droits destravailleurs et travailleuses) à l’Institut Nord-Sud. Elle a auparavant dirigé le projet APEC(Coopération économique Asie-Pacifique) del’Institut Nord-Sud. Au cours de sa longuecarrière, elle a occupé divers postes dontcelui de directrice du groupe Pacifique de laDivision internationale à la Chambre decommerce du Canada. Elle a aussi travaillépour le Comité national canadien sur lacoopération économique Pacifique et leConseil de commerce ANASE-Canada. Elle aété rédactrice/chercheure pour le TrèsHonorable Joe Clark lorsqu’il était premierministre et chef de l’opposition. Elle a reçu samaîtrise en sciences politiques de laUniversity of British Columbia.

RéférencesACDI. Budget des dépenses – Partie IIIRapport sur les plans et priorités.http://www.tbs-sct.gc.ca/est-pre/20042005/CIDA-ACDI/pdf/CIDA-ACDI_f.pdf.

ACDI. Stratégie de développement durable :2004-2006. Favoriser le changement.http://www.acdi-cida.gc.ca/cida_ind.nsf/AllDocIds/F395F90E46BEEF1285256E3500699F9F?OpenDocument.

ACDI. Rapport ministériel sur le rendement2004. www.acdi-cida.gc.ca/INET/IMAGES.NSF/LUImages/Publications2?$file/FINALDPREn04.pdg.

Du Programme d’action à la Déclaration : Beijing et les OMD

89

Gibb, Heather. Appuyer les exportateursféminins en puissance : Rapport à l’APEC.CD-ROM. L’Institut Nord-Sud et Forumde coopération économique Asie-Pacifique. 2004. http://www.nsi-ins.ca/ensi/research/progress/p18.html.

Grown, Caren, Geeta Rao Gupta etAslihan Kes. Taking Action: AchievingGender Equality and Empowering Women.(New York : Groupe de travail sur leProjet du Millénaire des NU sur l’égalitédes sexes, 2005).

Lara, Silvia. « Beyond Parity:Development, Freedom and Women.Notes on Women’s Rights in theMillennium Development Goals ».Document préparé pour la Division desNU pour la promotion de la réunion duGroupe d’experts féminins, « Réalisations,failles et défis dans le lien entre la miseen application du Programme d’actionde Beijing et la Déclaration du Millénaireet les Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement ». Bakou, Azerbaïdjan, 7-11 février 2005.

Long, Carolyn M. The Advocates’ Guide toPromoting Gender Equality at the WorldBank. (Washington, DC:Women’s EDGE,avril 2003).

L’Institut Nord-Sud. « L’Organisationmondiale du commerce, l’égalité dessexes et le commerce ». Notes pour ladiscussion du panel sur l’égalité dessexes, le commerce et le développement.Cinquième Conférence ministérielle del’OMC, Cancun, Mexique, 11 septembre2003. http://www.nsi-ins.ca/fran/publications/wto.asp.

OCDE, Comité d’aide au développement.Revue de la coopération pour le développe-ment : Canada. Paris 2002.

Septième Conférence régionale africainesur les femmes (Beijing +10). DecadeReview on the Implementation of theDakar and Beijing Platform for Action:Outcome and the Way Forward.Addis Ababa, 12-14 octobre 2004.http://www.uneca.org/beijingplus10/outcome_and_way_forward.htm.

Waldorf, Lee. Pathway to Gender Equality:CEDAW, Beijing and the MDGs.

Notes1 Des mécanismes nationaux chargés de

favoriser la promotion de la femme ontété établis dans pratiquement tous lesÉtats membres en vue, notamment,d’élaborer des politiques de promotion dela femme, d’en favoriser la mise en place,d’exécuter, de surveiller et d’évaluer cespolitiques, d’engager des actions de sensi-bilisation et de mobiliser l’appui en leurfaveur (Programme d’action de Beijing,Section 196). La Commission de lacondition de la femme et le Comité pourl’élimination de la discrimination à l’égarddes femmes des NU sont des exemples detels mécanismes internationaux.

2 Ce montant a été calculé par l’auteur,d’après des données statistiques de tousles décaissements des projets bilatérauxet de l’ECC de l’ACDI pour la période2002-2003.

3 Carolyn M. Long, 2003.

4 Septième Conférence régionale africainesur les femmes, octobre 2004.

Rapport canadien sur le développement 2005

90

Les OMD et les maladies

infectieuses : Priorité au VIH/sida

John W. Foster

Les OMD et les maladies infectieuses : Priorité au VIH/sida

93

« Nous perdons toujours etla bataille et la guerre. »

Les Objectifs du Millénaire pourle développement (OMD) ence qui a trait au VIH/sida sont

à la fois ambitieux et modestes àl’extrême. La cible de l’Objectif 6consiste à « stopper la propagationdu VIH/sida d’ici à 2015, et com-mencer à inverser la tendanceactuelle ». Selon la cible 17 del’Objectif 8, il faudrait « en coopé-ration avec l’industrie pharmaceu-tique, rendre les médicamentsessentiels disponibles et abordablesdans les pays en développement ».Un objectif semblable consisteaussi à maîtriser le paludisme etd’autres grandes maladies. Laprésente section porte sur les élé-ments clés qui permettront deréaliser et de dépasser les objectifstouchant le sida.

Étant donné le rythme auquel lesnouvelles infections se répandent,l’objectif qui consiste à stopper lapropagation du VIH/sida d’ici à2015, bien qu’il soit ambitieux, esten fait incroyablement modesteen ce sens qu’il condamned’autres millions de personnes àêtre victimes de cette maladie. Lacible qui a été fixée quant auxmédicaments ne suppose aucunconflit entre le profit et les préoc-cupations des compagnies phar-

maceutiques en matière depropriété, et le droit humain àun accès abordable à cesmédicaments.

Les objectifs ont été arrêtés à uneépoque où l’impact total de lapropagation du VIH/sida n’étaitpas pleinement intégré à laréflexion ni à la planificationéconomique en matière dedéveloppement, et dans uncontexte où l’accès aux traite-ments commençait tout juste àêtre un objectif réalisable pour lacommunauté internationale. Laréalisation de l’objectif sur leVIH/sida est intrinsèquement liéeà l’atteinte des objectifs concer-nant l’égalité des sexes et lesprogrès dans la reconnaissanceaccrue des droits sexuels etgénésiques.

Il faudrait procéder à une évalua-tion exhaustive des progrès, lapremière depuis 2000, laquelledevrait inclure les normes fixéesdepuis, y compris, en particulier,les résultats de la Session extraor-dinaire de l’Assemblée généraledes NU de 2001 sur le VIH/sida(SEAGNU), ses principes etprogrammes d’action tels qu’ilssont énoncés dans la Déclarationd’engagement sur le VIH/sida (Àcrise mondiale, action mondiale).Dans le domaine de l’accès aux

Les OMD et les maladies infectieuses :

Priorité au VIH/sidaJohn W. Foster

traitements, une campagne interna-tionale de pression publique a eu pourrésultat la déclaration des gouvernementsparticipant à la réunion ministérielle deDoha de l’Organisation mondiale ducommerce (OMC). Cette déclaration,adoptée à l’unanimité par tous lesmembres de l’OMC quelques moisseulement après la déclaration del’Assemblée générale des NU, reconnaîtle droit des gouvernements membres àprendre des mesures pour protéger lasanté publique. Toutefois, d’autresmesures promises en 2001, et qui avaientpour but d’inclure la plupart des pays neproduisant pas de produits pharmaceu-tiques, n’ont toutefois pas vu le jouravant 2003. Le contexte a par la suite étéun peu plus modifié par des améliora-tions au programme et des initiatives definancement, plus particulièrement lelancement du Fonds mondial de luttecontre le sida, la tuberculose et le palud-isme en 2001, et l’Initiative « 3 millionsd’ici 2005 » de l’Organisation mondialede la santé (OMS) (c’est-à-dire traitertrois millions de personnes qui viventavec le VIH/sida d’ici à 2005), lesquellesinitiatives ont démontré leur potentielpour prendre le leadership, bien qu’ellesn’aient pas été réalisées complètement.

Malgré les modestes objectifs inclus dansles OMD, l’urgence de la situation exercede fortes pressions. Lors d’une récenteévaluation du Fonds mondial, l’expertcanadien en développement KeithBezanson, a interviewé un certainnombre de représentants d’organismesdonateurs ainsi que de nombreusesautres personnes associées à cetteinitiative. Leur conclusion d’ensembleétait la même : « Nous perdons toujourset la bataille et la guerre. »

Cette évaluation est la même dans toutesles entrevues, et on peut dire la même

chose du profond sentiment qui s’estdégagé selon lequel à moins de fairequelque chose – le plus rapidementpossible – la promesse d’une réaction dumonde entier à ces trois maladies va unenouvelle fois se transformer en une fausseaurore dans le développement interna-tional. Une des personnes interviewées ad’ailleurs précisé que « même sil’Initiative 3 x 5 réussissait (trois millionsde victimes du sida traités par desmédicaments antirétroviraux (ARV) d’icià la fin de l’année 2005), nous serionstoujours en marche arrière. » D’ailleurs,les chiffres parlent d’eux-mêmes. Eneffet, d’après l’ONUSIDA, à la fin del’année 2004, environ 720 000 person-nes des pays en développement et entransition recevaient un traitement ARV,et au cours de cette même annéequelque 4,9 millions de personnesdevenaient infectées par le VIH. Environsix millions de personnes meurentchaque année du sida, de la tuberculoseet du paludisme, soit plus de 16 000décès évitables chaque jour. »1

Certaines initiatives actuellement encours comme le Fonds mondial et « troismillions d’ici 2005 », risquent de ne pasatteindre leurs objectifs. L’envoyé spécialdes NU pour le VIH/sida en Afrique,Stephen Lewis, a déclaré à ce sujet àOttawa, en février 2005 : « Si l’allège-ment de la dette et une aide étrangèreaccrue sont des questions contentieuses,ou ne sont pas encore en vue, dans cecas les contributions au Fonds mondialsont elles aussi en danger. Et si le Fondsmondial, qui a d’ailleurs déjà besoin demilliards de dollars pour atteindre sescibles, ne parvient pas à ses objectifs,dans ce cas nous ne pourrons donner untraitement aux quelque trois millions depersonnes qui vivent avec le sida cetteannée, ni à des millions d’autres l’année

Rapport canadien sur le développement 2005

94

prochaine. Ainsi, le plan ultime quiconsiste à arrêter une bonne fois pourtoutes la pandémie en Afrique s’écraseraà terre de tout son long. »2

Dans un récent sondage des progrèsréalisés pour vaincre cette maladie,Tina Rosenberg, rédactrice au NewYork Times, écrit que même si nousdépensons aujourd’hui 15 fois plusque nous le faisions en 1996 : « Celan’est pas suffisant pour changer ladirection que prend le sida aujourd’hui.En fait, cela permet tout juste d’effleurerla question. »3

L’évaluation et la réorientation de laréponse du Canada à ces situationsd’urgence sont un travail constant. Bienqu’un certain nombre de ministères dugouvernement aient pris des engage-ments, et qu’un grand nombre d’initia-tives aient été mises en place depuis2000, deux ministères chargés principale-ment de la dimension internationale dela réponse du Canada au VIH/sida, en susde l’Agence canadienne de développe-ment international (ACDI), mettentactuellement au point de nouvellesstratégies sur le VIH/sida. Ainsi, en 2003,le Conseil ministériel sur le VIH/sida, apréparé – à la demande du ministre de laSanté qui répondait à une invitation duministre des Affaires étrangères – unmémoire sur la politique internationaledu Canada relativement au VIH/sida,l’accent étant mis sur l’Afrique, lequelmémoire a été remis aux deux ministres.Dans le cas des Affaires étrangères, unepremière stratégie pour ce ministèredevrait être bientôt publiée. Dans celuide l’ACDI, les stratégies précédentesseront d’ici peu remplacées par unnouveau cadre stratégique, puis par unPlan d’action qui sera révélé à l’automne2005. De façon plus générale, SantéCanada travaille sur un processusinterministériel qui prendra la forme d’un

plan d’action pancanadien pour leVIH/sida, intitulé « Ensemble, nouspouvons jouer un rôle de premier plan ».L’initiative fédérale remplacera ainsil’actuelle Stratégie canadienne sur leVIH/sida et précisera le rôle du gouverne-ment dans cette réponse canadienne pluslarge. En décembre 2004, le ministre dela Santé Ujjal Dosanjh a déclaré auxporte-parole des organismes sur le sidaqu’une politique gouvernementalecoordonnée et interministérielle seraitpréparée dans le cadre d’une table rondecomposée de hauts représentants deplusieurs ministères concernés, laquelletable ronde serait convoquée par lanouvelle Agence de santé publique.Cette déclaration de politique inter-nationale du gouvernement, attenduedepuis longtemps, précise les fondssupplémentaires pour combattre leVIH/sida, la tuberculose et le paludisme,par l’intermédiaire de l’initiative « troismillions d’ici 2005 » de l’OMC et duFonds mondial, comme « initiatives clés »de son approche globale à la responsa-bilité en matière de développement et envue de réaliser les Objectifs du Millénairepour le développement. Ce documentfait allusion notamment à « une amélio-ration des extrants de la santé » commel’un des éléments d’une « concentrationplus stratégique » à l’approche duCanada au développement, laquelleinclut « la prévention et le contrôle desmaladies transmissibles à prévalenceélevée liées à la pauvreté, notamment leVIH/sida, le paludisme, la tuberculose, lesco-infections et l’onchocercose. »4

Dans ce contexte, ce chapitre abordedeux éléments clés de la réponse cana-dienne à la situation d’urgence : l’accèsaux traitements et le financement global,après quoi sont ajoutées quelques obser-vations en guise de conclusion surd’autres éléments importants.

Les OMD et les maladies infectieuses : Priorité au VIH/sida

95

La Loi de l’engagement de JeanChrétien envers l’AfriqueDans la réponse de la communauté inter-nationale au VIH/sida depuis 2000, laquestion de l’accès aux traitements estpeut-être la plus importante. Le débat atrop souvent été centré sur la protectiondes privilèges des détenteurs de brevetsde médicaments ou « propriété intel-lectuelle ». La formulation de ce cadre setrouve dans l’entente sur les aspects desdroits de propriété intellectuelle quitouche au commerce (ADPIC), associée àl’OMC. Devant l’approche des délaisautorisant les pays membres endéveloppement à faire concorder leurslois, la protection de base de 20 ans desbrevets que recherchent les compagniespharmaceutiques devient la loi dans unnombre de plus en plus grand de pays.

Un élément certes moins visible maisencore plus important est celui despressions constantes qu’exercent lescompagnies pharmaceutiques multi-nationales et leurs alliés auprès desministres du commerce d’un certainnombre de pays développés pouraugmenter les protections officiellesdéjà en place, et également pour queles pays en développement aillent au-delà de ces protections soit dans lecadre d’ententes bilatérales, de l’adop-tion de lois nationales ou bien lors de lapratique quotidienne.

Les acteurs de la société civile ont multi-plié les démarches de toutes sortes pours’opposer à cette approche, de mêmeque les organismes humanitaires et dedéveloppement, les associations médi-cales et de recherche, les organisationsde personnes atteintes du VIH, lesréseaux de gais et de lesbiennes, lesjournalistes et autres juristes concernés,ainsi qu’un petit nombre degouvernements.

La UK Commission on IntellectualProperty Rights a déclaré en 2002 :« Dans aucune circonstance, quellequ’elle soit, les droits humains les plusfondamentaux devraient être subordon-nés aux exigences de la protection de laPI. »5 Nombre d’organisations de lasociété civile (OSC) ont donc entreprisde lutter en vue de garantir la pleinereconnaissance du droit à la santé, et des’opposer aux pressions, bien financéeset constantes, de la part d’entreprises quicherchent à tout prix à élargir la recon-naissance de leur protection de lapropriété. Quoi qu’il en soit, lesorganismes qui appuient le droithumain à la santé ne cessent des’opposer au privilège commercial et àla timidité des gouvernements.

Tout récemment, sous la pression de laTreatment Action Campaign et d’alliésinternationaux, le ministre du commerced’Afrique du Sud a déclaré que le SouthAfrican Customs Union (SACU) avaitrefusé d’accepter les propositions del’Association européenne de libre-échange (AELE) relativement aux disposi-tions sur la propriété intellectuelle, dansun projet d’entente commerciale entre leSACU et l’AELE, du fait que les clauses surles « ADPIC-plus » allaient bien au-delàdes critères de l’OMC. À ce propos, deshauts représentants sud-africains ont faitremarquer que les propositions des États-Unis sur les ADPIC (Aspects des droits depropriété intellectuelle qui touchent aucommerce) dans les négociations États-Unis-SACU « ne sont peut-être pas perti-nentes » pour les pays en développe-ment.6 Par ailleurs, l’Inde – jusqu’àprésent un site de production stratégiquede produits pharmaceutiques génériquesauxquels ont accès les pays et les con-sommateurs pauvres – vient tout justed’adopter des modifications à la Loi surles brevets qui rendront, craint-on, moins

Rapport canadien sur le développement 2005

96

possible l’accès à des produits génériquesà des prix abordables.

Selon un examen de 2001-2002 durendement du Canada relativement à lacrise mondiale du VIH/sida, il est indiquéque « La réponse du Canada à la crise –tout au moins en ce qui a trait auxmédicaments essentiels – reste ferme-ment ancrée dans le dossier commercial,et convient aux intérêts des multina-tionales ».7 Cette situation s’est quelquepeu redressée au cours des trois dernièresannées, mais le Canada est bien loin defaire preuve de leadership.

Aux fins du présent rapport, le premiermoment important a été la Déclarationdu 14 novembre 2001 à la quatrièmeréunion des ministres de l’OMC à Dohaau Qatar, reconnaissant la gravité desproblèmes de santé publique quisévissent dans un grand nombre de paysen développement, et qui affirmait quel’accord sur les ADPIC « n’empêche paset ne devrait pas empêcher les Membresde prendre des mesures pour protégerla santé publique » et que cet accord« peut et devrait être interprété et misen œuvre d’une manière qui appuie ledroit des Membres de l’OMC deprotéger la santé publique et, enparticulier, de promouvoir l’accès detous aux médicaments. »8

La Déclaration et la Conférenceministérielle de l’OMC font référence àla garantie aux pays qui ne disposent pasde capacités de fabrication dans lesecteur pharmaceutique de pouvoirpoursuivre des négociations qui traînentdepuis près de deux ans ou plus. Lespays en question, dont certains d’entreeux sont parmi les plus sérieusementtouchés, ne pourraient se prévaloir desdispositions actuelles telles que celles quirégissent les licences obligatoires.

Craignant que le risque d’absenced’entente ouvre la voie à un nouvelaccord à la cinquième Conférenceministérielle à Cancun, au Mexique, lesnégociateurs se sont entendus sur unedécision du Conseil général de l’OMC le30 août 2003, à savoir sur une formulequi permettrait à de tels pays d’importerdes médicaments, applicable à tousproduits pharmaceutiques.

À la suite de cette décision, un certainnombre de membres du Cabinetcanadien ont contribué à une décisiongouvernementale visant à faire adopterune loi grâce à laquelle le Canadamettrait en application les dispositionsde la Décision pour faciliter l’exportationde médicaments vers des pays qui n’enproduisent pas.

Cette initiative a donné naissance auprojet de loi C-9 (appelé par la suite laLoi de l’engagement de Jean Chrétienenvers l’Afrique) qui a été adopté en mai2004, et à la date où le présent rapportest rédigé nous attendions toujoursl’approbation des derniers règlementspar les deux ministères gouvernemen-taux, et l’adoption d’une modificationmineure avant que la loi ne puisse entreren vigueur.

La préparation puis l’adoption de cetteloi, première initiative nationale de cegenre au lendemain de la Décisionde l’OMC, ont été caractérisées pard’intenses négociations intragouverne-mentales, de même que par des consul-tations avec des groupes de l’industrie etdes ONG telles que le Réseau juridiquecanadien VIH/sida, Médecins sansfrontières, la Coalition interagence sidaet développement (CISD), Oxfam, CARE,World Vision, le Conseil canadien pour lecoopération internationale, le Congrèsdu travail du Canada et l’Institut Nord-

Les OMD et les maladies infectieuses : Priorité au VIH/sida

97

Sud. Certaines associations étudiantesfaisant la promotion des traitements,particulièrement l’Initiative de santéinternationale de McGill, ont égalementjoué un rôle actif dans les pressionsqu’elles ont exercées auprès dugouvernement. La loi en question estdavantage un amalgame de compromisentre les intérêts en jeu qu’une initiativemarquante, dominée par le seul objectifconsistant à assurer un accès rapideet abordable à des médicaments pourles personnes les plus sérieusementtouchées.

La voie vers la mise en application decette loi une fois adoptée est passée parla démonstration de la nature lugubredes processus législatifs. Pour lesopposants à cette loi, d’autres délaispourraient être les bienvenus. Toutefois,pour ceux qui cherchent à avoir accès àdes médicaments en Afrique, ou pour lespartisans de cette loi, nous avons dépasséle premier anniversaire de l’adoption dela loi, le deuxième anniversaire de laDécision de l’OMC du 30 août, etsommes sur le point de fêter lequatrième anniversaire de la Déclarationde l’OMC à Doha. Et pourtant, lesgrosses avancées que l’on attendait auniveau de l’augmentation du nombre depersonnes pouvant avoir accès à desmédicaments abordables pour traiter leVIH/sida, restent pour le moins bienvagues. Pour reprendre les paroles deStephen Lewis, l’envoyé spécial des NU,prononcées tout récemment à Ottawa :« Lorsqu’il s’agit de l’Afrique, tout prendune éternité ».9

La Faculté de droit de l’Université deToronto, par l’intermédiaire de la Accessto Drugs Initiative, a d’ailleurs faitparvenir début 2005 un petit rappel augoût amer : « Depuis l’adoption duprojet de loi C-9, pas une seule pilule n’a

été exportée du Canada pour luttercontre les maladies, raison pour laquellece texte a été conçu. Au cours de cettepériode, ce sont plus de trois millions depersonnes qui ont été infectées par leVIH/sida, plus d’un million en Afriquesubsaharienne sont décédées de maladiesliées au sida, et un autre million depersonnes sont décédées des suites dela tuberculose et du paludisme ». Aumoment où le présent rapport est rédigé,on apprend qu’au moins un producteurcanadien de médicaments génériquesest intéressé à collaborer avec une ONGclé pour tirer profit des dispositions decette loi, dès qu’elle sera pleinementen vigueur.

L’initiative du Canada, bien qu’elle ait étéla première à être lancée, n’a pas pourautant ouvert une brèche dans laquellenombre de pays auraient pu s’engouffrer.Une fois pleinement mise en application,la loi (et les règlements y afférents)ressemble davantage à un petit cheminde campagne entrecoupé de toutessortes de dos d’âne et de nids-de-pouleainsi que de postes de péage, chacund’entre eux exigeant des frais juridiquesou des autorisations de la part desdétenteurs actuels de brevets. Qui plusest, un mécanisme de sécurité desfabricants de brevets risque bien deralentir l’exportation de médicamentsgénériques, les considérant commedes « objectifs essentiellement commer-ciaux » ou - pour reprendre l’expressionde Richard Elliott, critique en matièrejuridique – une possibilité de « contentieux vexatoire ».10

Les obstacles éventuels, selon un paysimportateur potentiel, comprennent lanécessité pour les ONG importatrices dedemander la permission de chaque paysdans lequel elles espèrent importer desmédicaments, la liste canadienne des

Rapport canadien sur le développement 2005

98

produits qui réduisent la flexibilité despays importateurs à déterminer leurspropres besoins en matière de santé, etla durée relativement courte des licences(deux ans), ce qui limite la capacité despays à garantir un traitement sur lelong terme.

Pour ce qui est des pays en développe-ment qui ont besoin de médicaments,ceux-ci peuvent être obtenus, beaucoupmoins chers et plus facilement, en Indeet en Chine. Selon un avocat de produc-teurs canadiens de médicamentsgénériques : « Si un pays en développe-ment obtient des fonds (p. ex., parl’intermédiaire de groupes donateurs oudans le cadre d’une aide internationale),ces fonds lui permettraient probablementd’acheter beaucoup plus de médica-ments en Inde ou en Chine. »11 Cetteperspective est elle aussi menacée. Eneffet, l’Inde a adopté un nouveau régimede brevets (le 1er janvier 2005) quiréduira la capacité des producteursindiens à fournir des antirétroviraux bonmarché, en reconnaissant le produit demême que les brevets de procédé.12

Selon le porte-parole de Positive Actionfor Treatment au Nigeria : « l’augmenta-tion des coûts des traitements estsynonyme de désastre pour les personnesvivant avec le VIH en Inde et de par lemonde. »13 L’OMC a demandé à l’Indede ne pas adopter « des restrictionsinutiles qui ne sont pas obligatoires envertu de l’accord sur les ADPIC et quigêneraient l’accès aux médicaments »,mais l’Inde est allée plus loin que lesADPIC, risquant ainsi de bloquer laproduction générique de certainsmédicaments clés. En outre, et l’Inde etle pays importateur doivent émettre deslicences obligatoires, ce qui compliqued’autant les processus.

Le régime international de la propriétéintellectuelle, ainsi que les fortespressions exercées par les fabricantsprivilégiés de médicaments pharmaceu-tiques, ne cessent de retarder, compli-quer et restreindre l’accès efficace, effi-cient et abordable aux traitements. Lapersonne infectée attend pendant queles avocats s’enrichissent, et que lesdirecteurs de sociétés et les actionnairesprospèrent eux aussi.

Nouvelles approches

Il pointe aussi à l’horizon la possibilitéqu’un autre pays producteur de médica-ments adopte une meilleure loi. Dans lespremiers commentaires sur la loi, RichardElliott, du Réseau juridique canadienVIH/sida, faisait remarquer que « le projetde loi est bien loin de constituer unmodèle. Bien au contraire, d’autrespays pourraient en tirer des leçons etéviter ses défauts »14

L’approche adoptée par l’Unioneuropéenne est semblable maiscomporte toutefois « moins d’obsta-cles », et semble « mieux adaptée ».La Norvège a elle aussi, après le Canada,préparé une loi, laquelle est entrée envigueur le 1er juin 2004. Le Royaume-Uni est sur le point de faire de même,au moment où nous rédigeons le présentrapport, tout comme la Corée du Sud.Une évaluation succincte des troisapproches en vigueur a été publiée ennovembre 2004.

« Dans l’ensemble, les règlements de laNorvège et de l’Union Européenne sontnettement meilleurs que ceux du Canadaen ce sens qu’ils n’incluent pas de listede produits pharmaceutiques limitée. Lesrèglements norvégiens sont d’ailleursceux qui incluent le plus grand nombre

Les OMD et les maladies infectieuses : Priorité au VIH/sida

99

de pays importateurs admissibles, alorsque la loi canadienne – bien queraisonnablement bonne – impose toute-fois une norme élevée, et non justifiable,aux pays en développement qui n’appar-tiennent pas à l’OMC. Les propositionsde règlements de l’UE sont les pires en cesens qu’elles ne permettent que lesexportations vers les membres de l’OMC.Enfin, les règlements norvégiens eteuropéens comportent de sérieuseslacunes parce qu’ils ne donnent aucunedéfinition précise de la durée de lapériode pendant laquelle un fabricant deproduits génériques doit essayer denégocier une licence volontaire avantqu’une licence obligatoire ne soit émise,ni ne précisent quoi que ce soit à proposdes redevances à verser dans le cas d’unelicence obligatoire. Cette lacune doit êtreremédiée, soit au niveau de l’UE ou biendurant la mise en application par les paysmembres de l’UE... Aucun de ces troischamps de compétence n’a produit demodèle véritablement « sain » pourmettre en application la Décision d’août2003 de l’OMC, c’est pourquoi il resteencore beaucoup de choses à faire pourapporter des améliorations. Que laDécision de l’OMC puisse être mise enapplication, voilà une toute autre ques-tion sur laquelle il va falloir se pencheralors que les membres de l’OMCnégocient une solution davantagepermanente aux problèmes causéspar les restrictions de l’accord sur lesADPIC relativement aux licencesobligatoires. »15

Dans un mémoire demandé par leministre des Affaires étrangères, leConseil ministériel sur le VIH/sidarecommandait, en 2003, entre autresstratégies pour garantir l’accès, que leministère des Affaires étrangères et duCommerce international (MAECI) :

« appuie et, si nécessaire, amorce unecoopération internationale visant àassurer la prestation de médicaments dequalité à des prix abordables en encou-rageant l’établissement d’installations deproduction de médicaments génériquesà l’échelle régionale, là où faire se peut;que le MAECI favorise la création d’unconsortium international de paysproducteurs de médicaments génériquesafin d’en rehausser la production, ladistribution et l’approvisionnementdurable... »16

Il semble bien que ce soit le gouverne-ment allemand, et non pas canadien,qui ait pris la direction des opérations surla première suggestion, soit d’encouragerle développement de la production surplace. Un des plus grands producteursde médicaments à base de quinine,Pharmakina, va produire, en collabora-tion avec un pionnier thaïlandais de lafabrication de médicaments génériques,des antirétroviraux depuis des installa-tions à Bukavo, en République démocra-tique du Congo, avec l’aide de l’Agencede développement allemande et d’autressources de ce pays.17 Quoi qu’il ensoit, les agences et producteurscanadiens de médicaments génériquespourraient adopter une stratégiesemblable en Afrique.

Le défi n’en demeure pas moins àrelever. Étant donné le rythme auquelaugmentent les taux d’infection, le lieude la grande majorité des personnestouchées en Afrique subsaharienne, et lesnouveaux secteurs de crise en Asie etailleurs, comment pourrait-on ouvrir une« voie rapide » menant aux traitements?Comment pourrait-on accorder la prioritéabsolue aux besoins des malades et àleur droit humain à la santé? Le mémoiredu Conseil ministériel propose la création

Rapport canadien sur le développement 2005

100

d’un « consortium » de pays producteursde médicaments génériques, en touteurgence, lequel mettrait de côté lesprofits et l’avantage compétitif, et entre-prendrait, avec l’appui des gouverne-ments, une approche identique à celledu « Plan Marshall » pour accroître lesmesures d’intervention dans les payspauvres. Une telle option nécessiteraitdes investissements parallèles dans lessystèmes de santé et une aide connexeavec les divers déterminants sociaux dela santé. Il faudrait également qu’ungouvernement ou un consortiumcomposé de gouvernements ayant lemême objectif prenne la directiondes opérations.

Financement : Ressources etbesoinsQuels fonds faut-il pour réaliser l’objectifminimal de l’OMD 6 ou véritablementrenverser la pandémie et sauver desmillions de vies humaines? Les estima-tions ne manquent certes pas. SelonBezanson, les variables sont compliquées.Par exemple, bien que la baisse des prixdes pharmacothérapies clés puisse dimi-nuer les besoins financiers, le simple faitde prendre en charge les coûts institu-tionnels et humains indispensables poursupporter le système de santé, risqueraitd’entraîner une hausse « exponentielle »des dépenses. Bezanson ajoute d’ailleursque même si les ressources des donateursont dans l’ensemble augmenté au coursdes premières années de la présentedécennie, les perspectives « serontprobablement beaucoup moins favo-rables, tout au moins en ce qui a traità l’APD ».18

Dans une évaluation des besoins definancement, publiée par ONUSIDA en

février 2005, il est question de « con-traintes au niveau des ressources » dansla projection des besoins pour lesprochaines années, d’après un scénariodes tendances actuelles relativementaux dépenses et aux promesses faitesjusqu’en 2007 par divers secteursdonateurs. Cela donnerait un montantde quelque 10 milliards de dollars améri-cains d’ici à 2007, dont près de 3 mil-liards devraient venir de sources dusecteur public et de particuliers, payantde leur poche.19 L’agence penche plutôtpour un scénario axé sur les contraintesdes capacités, où les taux actuels de miseà niveau étaient limités par la capacité demise en application, en quel cas lesressources nécessaires d’ici à 2007s’élèveraient à 14,1 milliards de dollarsaméricains. Un troisième scénario « qui reflète certaines aspirations »augmenterait beaucoup plus rapidementles coûts à 18,8 milliards de dollarsaméricains d’ici à 2007. Nombre de mili-tants de la lutte contre le sida ont faitpart des préoccupations que leur suscitele fait que les estimations ont étéavancées de façon à atténuer les attenteset à réduire les demandes.

Que sous-entendent ces chiffres en cequi a trait à la prévention et aux traite-ments? Si l’on prend le chiffre de 10 mil-liards de dollars américains, la préventionélargie du sida ne pourra pas se faireavant 2014, et elle représenterait 55 p.100 de la couverture élargie ciblée en2007. Le traitement antirétroviralatteindrait 2,8 millions d’individus, soit41 p. 100 des personnes qui en auraientbesoin en 2007.

Avec 14,1 milliards de dollars américains,on atteindrait une couverture de 71 p.100 pour la prévention en 2007, et 54 p.100 des personnes ayant besoin d’untraitement antirétroviral le recevraient.

Les OMD et les maladies infectieuses : Priorité au VIH/sida

101

Le scénario « qui reflète certainesaspirations » rendrait la thérapieantirétrovirale disponible auprès de6,3 millions d’individus, soit 86 p. 100des personnes qui en auraient besoin,d’ici à 2007, ce qui n’inclut pas toutefoisles sommes nécessaires pour renforcerl’infrastructure indispensable pour lafourniture. Cela n’inclut pas non plusd’autres programmes, notamment lesefforts entrepris sur place par un certainnombre de pays.

Le Groupe de travail du Projet duMillénaire des NU sur le VIH/sida, lepaludisme, la tuberculose et l’accès auxmédicaments essentiels n’a pas procédéà l’analyse de l’ensemble des coûts, maisa déterminé des estimations sur la based’un petit nombre d’études de cas depays, et n’inclut pas non plus les coûtsdu renforcement de la capacité dusystème de santé, y compris la gestion,l’infrastructure matérielle, l’augmentationdes salaires et d’autres coûts liés ausystème. Il en arrive à la conclusion« qu’une tentative sérieuse de règlementde la crise au niveau des ressourceshumaines du système de santé, pourraitfaire grandement augmenter les coûtsd’une réponse exhaustive au VIH/sida ».Il conclut par ailleurs que la prestationd’une série de services de base VIH/sida àtoutes les personnes qui en ont besoin,coûterait beaucoup plus que 10 milliardsde dollars américains, et pourrait mêmemonter jusqu’à 20 milliards de dollarsaméricains par an, soit très proche d’uneestimation antérieure de l’ONUSIDA de19,9 milliards de dollars américains.20

Pour répondre en partie à de telsbesoins, le Fonds mondial de lutte contrele sida, la tuberculose et le paludisme aété créé en 2001, son objectif étant derecueillir les quelque 10 milliards dedollars américains qui ont été annoncés

à la Conférence de Barcelone sur le sidaen 2002. Les estimations de renfloue-ment du fonds en 2006 et 2007 sontmoins de la moitié de ce montant.Bezanson souligne que le Fonds « voit sescoffres se vider rapidement. À l’heureactuelle, seules des promesses d’environ700 000 $ américains, 400 000 $ améri-cains et 200 000 $ américains seulementont été faites pour 2006, 2007 et 2008,respectivement. »

Bien entendu, le Fonds mondial n’est pasla seule source de financement à prendreen considération pour répondre à la crisedu VIH/sida, alors que l’initiative definancement des États-Unis sous le nomde PEPFAR (President’s Emergency Planfor AIDS Relief) et d’autres facilités multi-latérales, dont l’ONUSIDA, l’OMS et laBanque mondiale, ont toutes un rôle àjouer. La promesse faite par le PEPFARdes États-Unis ne s’est pas encoretraduite en véritables affectations defonds importantes, et est par ailleursaccompagnée d’un certain nombrede conditions dont un programmed’abstinence, l’opposition à l’industriedu sexe, etc.

L’ébauche de l’étude ONUSIDA a suscitéune vive réponse des OSC internationaleseuropéennes, américaines et canadiennesde lutte contre le sida, ainsi que deGlobal AIDS Alliance. Dans une lettredatée du 24 février 2005, adressée audirecteur exécutif de l’ONUSIDA, la coali-tion Health Gap prévoit que les troisscénarios précisés par ONUSIDA « vontentraîner un effet oedipien de la prédic-tion de la médiocrité », poussant lesdonateurs à réduire leur engagement. Lapression exercée sur ces derniers doitêtre maintenue, selon la coalition. Lesimple fait d’accepter le scénario de la « contrainte de la capacité » voudra toutsimplement dire que l’objectif qui

Rapport canadien sur le développement 2005

102

consiste à voir trois millions de personnesdu monde en développement accéderaux ARV d’ici à la fin de l’année 2005, nesera pas respecté, sapant ainsi un projetdans lequel l’ONUSIDA lui-même estcoparrain. En outre, la coalition s’opposeà l’exclusion des estimations des coûtsliés aux ressources humaines et aux infra-structures institutionnelles, à l’éliminationdu financement pour des « précautionsuniverselles » afin de protéger lestravailleurs de la santé des risquesd’exposition en milieu de travail, et àune sous-estimation des coûts desprogrammes pour les orphelins et lesenfants vulnérables.21

L’année 2005 en est une d’évaluation : leFonds mondial va être confronté à desréunions sur le renflouement; l’examen –qui a lieu tous les quatre ans – desengagements de la SEANUE va avoir lieu;l’évaluation quinquennale des progrès envue de la réalisation de l’Objectif 6 duMillénaire pour le développement vas’effectuer. L’initiative « Trois millions d’ici2005 » va-t-elle se transformer en « Troismillions d’ici 2006 », ou « d’ici 2007 »,ou encore plus loin? Les niveaux definancement sont toujours inadéquats,et la prévisibilité autant que la viabilitésont autant d’éléments imprécis. D’aprèsKeith Bezanson, « il faut s’attendre que lecontexte soit moins favorable et plusexigeant. Le paysage dans lequel se trou-vent le donateur et le développement estdevenu beaucoup plus complexe. »22

Étant donné la situation, le rendementdu Canada est bien loin d’être le pire desnations donatrices. Au cours des cinqdernières années, l’approche adoptéepar l’ACDI à la lutte mondiale contre lesida a inclus des dépenses de l’ordre de600 millions de dollars. L’ACDI a préciséqu’elle investit jusqu’à concurrence de100 millions de dollars dans des straté-

gies dirigées par des Africains pour lessoins de santé, les traitements et laprévention du VIH/sida. Elle a par ailleurspromis de verser 62 millions de dollarsdu Fonds canadien pour l’Afrique auprofit du développement d’un vaccincontre le sida (IAVI). Nous ne savons paspour le moment si d’autres investisse-ments seront débloqués, bien que lesengagements pris dans le budget de2005 visant à doubler l’APD destinée àl’Afrique, devraient le permettre. LeCanada a également investi 15 millionsde dollars sur trois ans dans la recherchesur les microbicides.

Le 10 mai 2004, en réponse à des appelsde Stephen Lewis, envoyé spécial des NUsur le VIH/sida en Afrique, de la vedettede la musique rock Bono, et des organi-sations de la société civile canadienne, lepremier ministre Paul Martin a annoncéune contribution de 100 millions dedollars à l’initiative « Trois millions d’ici2005 » de l’Organisation mondiale de lasanté, dans le but d’inciter un gesteidentique de la part d’autres donateurset de faire du Canada le plus granddonateur dans cette initiative. Le Canadas’est engagé à verser 150 millions dedollars sur quatre ans au Fonds mondialen 2001, et en 2005 de faire deuxsubventions de 70 millions de dollarsaméricains chacune, dépassant ainsi pourle moment les recommandations decontributions suggérées par les ONGcanadiennes de même que par uncomité parlementaire. Par ailleurs, l’ACDIa également promis 1 million de dollarsà l’ONUSIDA à l’appui de la Coalitionmondiale sur les femmes et le sida.23

Le Canada a ainsi fait un certain nombrede versements importants au cours descinq années depuis la Déclaration duMillénaire, mais en raison des défis àrelever il lui faut faire encore davantage,

Les OMD et les maladies infectieuses : Priorité au VIH/sida

103

non pas seulement au niveau des fondsmais aussi en ce qui a trait au leadershippolitique nécessaire à l’échelle interna-tionale pour mettre à niveau tous lesefforts de façon durable et au niveauvoulu pour sauver des millions de vies.Accepter le consensus actuel portant surun investissement de 19 ou 20 milliardsde dollars américains par an, ne porteque sur un montant minuscule compara-tivement aux dépenses actuelles de400 milliards de dollars américains par anqu’absorbe le budget militaire des États-Unis. Bien qu’elle ne soit pas négligeable,la part du Canada n’en serait pas moinsinférieure aux fonds récemment engagéspour augmenter notre propre budget dela défense.

Tina Rosenberg fait remarquer que letemps n’attend pas! Si les 4,7 milliardsde dollars américains dépensés en 2003 avaient été investis en 1996, cela« aurait fourni de nouveaux médicamentsantirétroviraux pour la plupart despersonnes qui en ont besoin, et pris encharge les frais de campagnes efficacesde prévention de sorte que le sida auraitpeut-être été une maladie mineureaujourd’hui plutôt qu’une catastrophe àl’échelle mondiale. Ce genre de dépensesauraient été l’un des meilleurs investisse-ments imaginables, permettant en faitd’économiser des centaines de milliardsde dollars et de sauver des dizaines demillions peut-être même des centainesde millions de vies. »24

L’étude du Projet Objectifs du Millénaireen arrive à la conclusion qu’il faut trouverles niveaux de financement nécessairespour lutter contre le sida, soit plus de19 milliards de dollars américains d’ici à2007, et que les fonds versés par les paysdonateurs doivent être davantage prévisi-bles, moins restrictifs, et guidés par uneperspective à long terme.

Cette perspective inclut de grosinvestissements dans la capacité du sys-tème de santé, l’objectif global étant defournir des « services essentiels aux per-sonnes qui en ont besoin et de soulagerle fardeau des ménages démunis. »25

ConclusionsLes pays les plus sérieusement touchéspar la pandémie, les nations donatriceset les agences sont toujours en traind’évaluer l’impact systémique total dela maladie sur les êtres humains, leséconomies, les systèmes sociaux et larelation des êtres humains et desmenaces virales dans l’ensemble del’écologie. Selon un récent documentpréparé pour une consultation de l’ACDI,le sida c’est un peu comme une guérilla,« le VIH n’est pas simplement un ennemide l’extérieur, juste de l’autre côté de lafrontière, mais plutôt un envahisseur quia déjà traversé le territoire national, c’estpourquoi il faut une « guerre du peuple »pour lui résister et le refouler. Ce n’estpas simplement une réponse « militaire »qu’il faut lui opposer, car il ne suffit pasde déployer des ressources humaines etmatérielles ni de faire des discoursfaisant l’apologie des efforts et sacrifices,mais plutôt un changement radicaldes systèmes. »26

À l’heure actuelle, nous en sommestoujours au niveau des affaireshabituelles; quoique quelque peu« améliorées », les réponses ne vont pasassez loin ni ne sont suffisammentprofondes pour pouvoir changer lesystème, même si certaines innovationsvoient le jour ici et là.

La pièce maîtresse du leadershipcanadien dans la lutte mondiale contreles décès causés par le VIH/sida etd’autres maladies, au cours des cinq

Rapport canadien sur le développement 2005

104

prochaines années, devrait être l’accès àun traitement abordable (et dans denombreux cas, gratuit) et disponible. Àcela il faut ajouter le renforcement enprofondeur et nécessaire des systèmes desanté, garantissant une prévention accrueet une réponse améliorée aux autresproblèmes de santé. La prise en comptede l’égalité des sexes et de l’autonomisa-tion des femmes, domaines dans lesquelsle Canada peut se targuer d’avoir fait desavancées, doivent caractériser laprochaine phase encore plus que lesprécédentes. Parallèlement, il fautélaborer des méthodes pour changerles systèmes, éradiquer les déterminantssociaux et environnementaux tels quela pauvreté, qui sapent la santé et lacapacité immunitaire.

Systèmes de santé

Dans son rapport sur la mise en œuvredes OMD, le ministère norvégien desAffaires étrangères, véritable chef de filerelativement à un certain nombred’aspects de l’accès aux traitements,précise que « l’accès à des médicamentsabordables ne permettra pas en soid’atteindre le droit humain à la norme desanté la plus haute possible, mais il s’agitnéanmoins d’un élément important decette vaste initiative qui inclut uneapproche holistique à l’élaboration desystèmes de santé nationaux. »27 Cettereconnaissance sous-tend des proposi-tions comme celles du Groupe de travaildu Projet Objectifs du Millénaire des NUsur le VIH/sida, le paludisme et la tuber-culose, et du Groupe de travail surl’accès aux médicaments essentiels sur leVIH/sida 2005. On y lit notamment que« le plus gros obstacle à la réalisation del’objectif qui consiste à en arriver à unaccès général aux traitements est ledéplorable état des systèmes de santé

dans la plupart des pays durementfrappés ». Les services de santé pourplus de deux milliards d’individus sont« dysfonctionnels, inaccessibles ou à uncoût bien au-delà de ce que peuvent sepermettre les pauvres ». En susd’énormes investissements dans cessystèmes, le groupe de travail reconnaîtque dans « les pays les plus touchés ilexiste une grave pénurie de travailleursqualifiés des soins de la santé », et metun accent bienvenu sur la formation decadres en la matière.28

Droits humains

« Le paradoxe du sida nous apprend quele moyen le plus efficace de prévenir lapropagation du virus responsable du sidaest de protéger les droits humains despersonnes les plus à risque. »29

Les Canadiens ont énormémentcontribué, non pas seulement au cadreoriginal et international des droitshumains mais aussi aux guides contem-porains sur les droits humains et le sida,et l’accès aux traitements. Le Canada afait des contributions remarquables àl’amélioration de la politique interna-tionale sur l’égalité des sexes et les droitsdes enfants. Il est fondamental de pour-suivre de tels efforts devant la violationdes droits des femmes à cause de lois etde pratiques coutumières ou religieuses,du déni des droits de santé sexuelle etgénérique, et des pressions contre l’utili-sation du préservatif, par exemple.L’expérience du Canada peut êtrereproduite dans d’autres domaines, parexemple pour se gagner une reconnais-sance internationale et prendre desmesures dans le cadre de stratégies deréduction des risques, et pour assurer unaccès équitable aux traitements quinécessite une attention spéciale pour lesfemmes et les membres de la famille.

Les OMD et les maladies infectieuses : Priorité au VIH/sida

105

Société civile

La Déclaration de Doha, la déclaration du30 août précédant la réunion de Cancun,et les avancées de la Loi de l’engagementde Jean Chrétien envers l’Afriquen’auraient pas eu lieu si la société civilen’avait pas maintenu ses pressions, s’iln’y avait pas eu d’alliances entre lesmilitants d’Afrique du Sud, du Brésil,d’Europe, d’Asie, des États-Unis et duCanada. L’engagement d’universitairesde renommée et de spécialistesjuridiques, ainsi que le recours à desalliances de dirigeants de gouvernementssympathisants, sont autant d’élémentsqui ont permis de réaliser de tellesavancées. Les organisations canadiennesréunies au sein du Groupe pour l’accèsmondial aux traitements (GAMT), laCoalition interagence sida et développe-ment (CISD), et d’autres, ont préparé unsommet mondial sur la santé au prin-temps 2003, ainsi qu’une déclarationexigeant que des mesures soient prisessur un certain nombre de questions liéesau sida. Le gouvernement canadien aélaboré toute une série d’instrumentspour des consultations périodiques ainsique spécifiques à certains événements.Dans le même ordre d’idées, l’engage-ment de représentants de la société civileet de personnes directement touchéespar la maladie dans des organismesconsultatifs et dirigeants au niveau inter-national a été une des caractéristiquescommunes les plus fréquentes des cinqdernières années. Des groupes de luttecontre le sida et des ONG dans ledomaine du développement participentactuellement à une campagne« Abolissons le sida » allant jusqu’en2005. En outre, une campagne « Freeby 5 » (« Plus de maladie en 2005 »)pour assurer un accès gratuit auxtraitements en Afrique, recueille uncertain soutien. En préparation au

rapport d’étape de 2005 et 2006 envertu de la SEANUE, ainsi qu’en vue duSommet de l’Assemblée générale de2005, cette expérience devrait êtreutilisée pour renforcer la participationde la société civile.

Leadership

Le Canada a joué un rôle moteur dansun certain nombre de circonstancesconcernant le VIH/sida depuis laDéclaration du Millénaire. En effet, deuxpremiers ministres et plusieurs membresdu Cabinet ont fait des déclarationsd’envergure et pris des initiatives utiles,que ce soit dans le contexte des NU, duG-7, ou autres. Quoi qu’il en soit, celeadership pourrait fort bien être beau-coup plus cohérent et susciter ainsi desréponses beaucoup plus efficaces de lapart d’autres nations. Le rapport sur leVIH/sida, la sécurité humaine et la poli-tique étrangère du Canada, découlantd’un atelier organisé par l’Institut Nord-Sud en mars 2004, comporte un certainnombre de recommandations à cetégard.30 Un ancien ministre des Affairesétrangères a même envisagé la possibilitéde créer un poste d’ambassadeur cana-dien pour le sida, copiant ainsi le lea-dership qu’occupe sur la scène mondialeStephen Lewis auprès des Nations Unies,ou celui des ambassadeurs canadienspour le désarmement. Toutefois, cettenomination n’a jamais eu lieu. Unestratégie pangouvernementale ou bienmême un énoncé de mission pourraientêtre utiles, mais ils pourraient aussi êtrelargement améliorés, en l’absence d’un« ambassadeur » grâce à un leadershipcontinu de la part d’un membre duCabinet, regroupant des ressourcescanadiennes et lançant une action inter-nationale de la part de pays sur la mêmelongueur d’ondes.

Rapport canadien sur le développement 2005

106

L’avenir...

La responsabilité du Canada en ce qui atrait aux OMD et à la Déclaration duMillénaire à l’Assemblée générale deseptembre 2005 est un importantmoment en soi. Les positions prises par leCanada au Sommet du G-7/8 en juillet àGleneagles, en Écosse, permettront dedéterminer le succès du Sommet duMillénaire. L’examen des engagementsde la SEANUE en juin 2005 et l’étudequinquennale de 2006, ainsi que laConférence mondiale sur le sida àToronto en 2006, offriront de formida-bles opportunités de faire la démonstra-tion d’un nouveau leadership canadien.

JOHN W. FOSTER, chercheur principal(Société civile), est entré à l’Institut Nord-Sud en 2000. Auparavant, il a passé 17 ansen tant que spécialiste de la politique en jus-tice sociale auprès de l’Église unie duCanada, et plus de sept ans commedirecteur général d’Oxfam-Canada. Il a parailleurs été représentant d’une ONG au seinde la délégation canadienne lors du Sommetde Copenhague sur le développement socialen 1995 et à la Revue de l’Assembléegénérale de ce Sommet en 2000. Il est titulaire d’un doctorat en histoire de laUniversity of Toronto, et a entrepris destravaux de recherche en tant que professeurinvité au Center for US-Mexican Studies à laUniversity of California à San Diego.

Notes 1 Keith A. Bezanson, Replenishing the Global

Fund: An Independent Assessment. ONUSI-DA. Février 2005.

2 Déclaration de Stephen Lewis, envoyéspécial des NU pour le VIH/sida en

Afrique, à l’occasion du lancement auCanada de la campagne « Abolissons lapauvreté », à une conférence de pressedonnée le 11 février 2005 à Ottawa.

3 Tina Rosenberg, « Is AIDS Forever? »Foreign Policy, mars/avril 2005.

4 Keith A. Bezanson, Replenishing the GlobalFund: An Independent Assessment, ONUSI-DA, février 2005.

5 Commission on Intellectual PropertyRights, Integrating Intellectual PropertyRights and Development Policy. The Reportof the Commission on Intellectual PropertyRights. Londres, septembre 002.

6 « Southern African Countries Reject ‘Trips-plus’ Demands in FTA Negotiation. »Bridges Weekly Trade News Digest, Vol. 9,no 8, 9 mars 2005.

7 John W. Foster, « Canada andInternational Health: A Time of Testing onAIDS », dans Norman Hillmer et MaureenAppel Molot, (ed), Canada Among Nations2002, A Fading Power (Don Mills: OxfordUniversity Press, 2002).

8 Déclaration de l’OMC sur l’accord sur lesADPIC et la santé publique. Adoptée le 14novembre 2001. WT/MIN (01)/DEC/2.www.wto.org/french/thewto_f/minist_e/min01_f/mindecl_trips-f.htm. Accédé enfévrier 2005

9 Lewis, Déclaration du 11 février 2005.

10 Richard Elliott, « Le Canada adopte uneloi sur les licences obligatoires de produitspharmaceutiques destinés à l’exportation,mais ce projet de loi imparfait ne parvientpas à créer un précédent mondial posi-tif », dans John W, Foster, VIH/sida,Human Security and Canadian ForeignPolicy. Rapport d’atelier. 7-9 mars,(Ottawa : L’Institut Nord-Sud, 2004),p. 42.

Les OMD et les maladies infectieuses : Priorité au VIH/sida

107

11 Shonagh VcVean, Gilbert’s LLP, « Mise enapplication de la Loi de l’engagement deJean Chrétien envers l’Afrique », présenta-tion en PowerPoint du 26 février 2005.

12 La reconnaissance auparavant des brevetsde procédé uniquement permettait auxentreprises indiennes de faire des copiesde médicaments brevetés et de les vendreen Inde et ailleurs, forçant ainsi les multi-nationales à réduire leurs prix en raison dela concurrence.

13 Rolake Nwagwu, selon Dinesh C. Sharma,« Indian patents may hamper access toanti-retrovirals globally », The Lancet, 1er mars 2005.

14 Elliott, « Canada passes law... », 2004,p. 40.

15 Richard Elliott, « Generics for the develop-ing world: a comparison of threeapproaches to implementing the WTO(World Trade Organization) decision ».SCRIP – World Pharmaceutical News –www.scrippharma.com, 24 novembre2004; voir aussi Elliott : « Des pas enavant, en arrière et de côté : la loi canadi-enne sur l’exportation de produits phar-maceutiques génériques », Revue VIH/sida,droit et politiques, Vol. 9, (3), 2004.

16 John Foster et David Garmaise, « Un défi àrelever : La politique étrangère du Canadaà l’égard du VIH/sida - Une approche plusparticulièrement axée sur l’Afrique ».(Conseil ministériel sur le VIH/sida, sep-tembre 2003), paragraphe 21, p. 55.

17 Stephanie Nolen, « Congo gains anti-AIDS ally ». The Globe and Mail, Éditiondu 11 décembre 2004.

18 Bezanson, 2005.

19 ONUSIDA, Resource needs for anexpanded response to AIDS in low- andmiddle-income countries. Ébauche.7 février 2005.

20 Projet Objectifs du Millénaire des NU,Combating AIDS in the Developing World.(London and Stirling, Va.: Earthscan,2005, p. 131-32.

21 Asia Russell, Health Gap Coalition, et al, àPeter Piot, directeur exécutif, ONUSIDA,le 24 février 2005.

22 Bezanson, p. 34.

23 Gouvernement du Canada. Fiched’information : La lutte aux maladiesinfectieuses – Les initiatives du Canada.ACDI. Modifié le 4 janvier 2005.

24 Rosenberg, p. 22.

25 Projet Objectifs du Millénaire des NU.

26 Alex de Waal, et Naresh Singh, VIH/sida asa Societal Systems Challenge, février2005.

27 Ministère norvégien des Affairesétrangères, Global Partnerships forDevelopment, Millennium DevelopmentGoal No. 8, Rapport d’étape de laNorvège 2004, Oslo, 2005.

28 Projet Objectifs du Millénaire des NU.

29 Foster et Germaise, p. 37.

30 Voir par exemple les recommandationsL 1 et 2, et T 12 et 13 dans Foster,VIH/sida, sécurité humaine et politiqueétrangère du Canada. Cet atelier a étéorganisé en collaboration avec Affairesétrangères Canada et la participation dehauts responsables de plusieurs mi-nistères, d’experts canadiens et interna-tionaux, et de représentants de lasociété civile.

Rapport canadien sur le développement 2005

108

Le Canada et la paix et sécurité

dans la Déclaration du Millénaire

Stephen Baranyi

Le Canada et la paix et sécurité dans la Déclaration du Millénaire

111

Introduction

La Déclaration du Millénaire(DM) constitue un vasteprogramme de promotion de

la sécurité internationale, des droitshumains, de développementdurable et de la réforme de l’ONU.Dans ce programme, la sectionréservée à la paix, à la sécurité et audésarmement (PSD) comportedivers engagements :

• faire respecter la primauté dudroit dans les affaires interna-tionales,

• accroître l’efficacité del’Organisation des NationsUnies dans le maintien de lapaix et de la sécurité, et mieuxassurer la prévention desconflits,

• faire appliquer les traitésconclus dans les domainesde la maîtrise des armementset le désarmement,

• prendre des mesuresconcertées pour lutter contrele terrorisme,

• intensifier la lutte contre lacriminalité transnationale danstoutes ses dimensions, y com-pris les drogues illicites,

• mettre fin au trafic d’armeslégères, et

• promouvoir la mise en applica-tion du traité relatif aux minesantipersonnel, etc.2

Ce document regroupe un grandnombre d’engagements multi-latéraux datant de quelquetemps, et demande à tous lesgouvernements d’apporter unenouvelle énergie dans leursengagements. Ses points faiblesviennent du fait qu’il n’a pas laspécificité des documents précé-dents dans des domaines tels quele contrôle des armes; qu’il necomporte aucune des ciblesconcrètes ni aucun des méca-nismes de suivi que l’on trouvedans les Objectifs du Millénairepour le développement (OMD);que ses liens avec les objectifs enmatière d’égalité des sexes sontprécaires malgré l’adoption de laRésolution 1325 par le Conseil desécurité des Nations Unies sur lesfemmes, la paix et la sécurité, lamême année; et enfin, ce pilier dela Déclaration comporte peu dedispositions concrètes surl’engagement de la société civile.

Le Canada et la paix et sécurité dans

la Déclaration du Millénaire1

Stephen Baranyi

Les tragédies du 11 septembre et leursconséquences ont compliqué le suivi decette pierre d’assise de la Déclaration.Depuis 2001, les États-Unis et d’autresÉtats ont porté leur attention sur laguerre au terrorisme et les armes dedestruction massive. Leur stratégie apolarisé les débats sur les approchesmultilatérales plutôt qu’unilatérales, etles perspectives axées sur la puissanceplutôt que sur la loi. L’Iraq est devenu lepoint saillant de ces débats. D’autreséléments du Programme de la DM-PSD,par exemple le contrôle des armes ou laprévention des conflits, ont bénéficiéd’une moindre attention.

Le rapport de décembre 2004 du Groupede personnalités de haut niveau sur lesmenaces, les défis et le changement duSecrétaire général des NU propose demettre en place une stratégie visant àrevitaliser les NU et de ramener lacommunauté internationale versl’approche intégrée articulée dans ladéclaration du Millénaire. Ce rapportrecommande notamment la créationd’une Commission des NU sur la consoli-dation de la paix, sous les auspices duConseil de sécurité, afin de renforcerl’engagement de l’ONU dans les Étatsfragiles et dans la consolidation de lapaix au lendemain d’hostilités. Ilendosse par ailleurs les principes de la« Responsabilité de protéger » proposéspar la Commission internationale del’intervention et de la souveraineté desÉtats. Il recommande de redoublerd’efforts pour renforcer les capacités depaix et de sécurité des organisationsrégionales, particulièrement l’Unionafricaine (UA). Le rapport du Groupe depersonnalités de haut niveau recom-mande également des mesures favorisantdes liens entre les politiques en matièrede sécurité internationale de la commu-

nauté internationale et les progrès en vuede la réalisation des OMD.3 Dans sonrapport de mars 2005, le Secrétairegénéral des NU, Kofi Annan, endosse parailleurs ces recommandations.4

En 2000, le Canada a fortement appuyéla Déclaration du Millénaire et son thèmede PSD. Il y avait en effet une certaineconvergence entre ce pilier et les posi-tions du gouvernement, plus particulière-ment sur des questions telles que la miseen application de la Conventiond’Ottawa sur les mines antipersonnel etla création de la Cour pénale interna-tionale. Qu’a fait le Canada depuis?

Cette section se penche sur la perfor-mance du Canada depuis 2000, sur lesengagements de la DM-PSD en ce quia trait au maintien de la paix, à laconsolidation de la paix au lendemaind’hostilités, et à la prévention de conflitsex ante. Ces accents tiennent compte dela nécessité d’aller au-delà descampagnes bien connues qui ont étépromues par Affaires étrangères Canada(AEC), et de se concentrer sur d’autresdomaines qui ont été ou qui pourraientêtre des priorités pour le Canada. Celanous permet également de voir au-delàdes critères limités en matière de paix etde sécurité utilisés dans l’Indice del’engagement pour le développement(IED) - Ranking the Rich - qui se concen-tre sur les contributions des pays à laconsolidation de la paix.5

Le Canada et les opérations demaintien de la paixLes Canadiens et Canadiennes sont fiersd’avoir joué un rôle central dans l’émer-gence du maintien de la paix sous lesauspices des NU, et d’avoir déployé plus

Rapport canadien sur le développement 2005

112

de 100 000 membres des Forces canadi-ennes (FC) dans des opérations desNations Unies et autres, depuis 1947.Trois événements importants se sontproduits depuis les années 1990. LeCanada a poursuivi son appui auxopérations de paix des NU en payant« en entier, dans les délais et sansaucune condition » ses contributionsobligatoires, mais Ottawa a pris ladécision d’envoyer un moins grandnombre d’officiers, mais de rangsupérieur, à des postes de planificationet de commandement, et a joué un rôleactif pour promouvoir les capacités dedéploiement rapide des NU.6 La contri-bution du Canada au titre des ressourceshumaines s’est élargie pour y inclure unpersonnel policier et civil. Le Canada aégalement augmenté sa contribution auxopérations de paix dans le cadred’organisations régionales, plus parti-culièrement de l’Organisation du Traitéde l’Atlantique Nord (NATO). Cesdécisions traduisent des tendances pluslarges qui se sont d’ailleurs accentuéesdepuis 2000, aussi bien au Canada qu’àl’échelle internationale.7

En décembre 2004, 208 membres des FCont été déployés dans le cadre desopérations de la paix des NU à travers lemonde. En chiffre, cela place le Canadaen 34e position parmi les pays quicontribuent des troupes aux NU.8 Ceschiffres ne traduisent pas le rôle qualita-tivement important que joue le Canadadans le déploiement des capacités desoutien à la paix des NU par ses contri-butions aux niveaux diplomatique et dupersonnel à la Brigade multinationaled’intervention rapide des forces enattente des Nations Unies (BIRFA), demême que par l’envoi d’officierssupérieurs et d’unités spécialisées pourdes opérations telles que la mission de

l’Organisation des Nations Unies enRépublique démocratique du Congo.Cela ne traduit pas non plus le nombrede policiers canadiens détachés à desopérations des NU, lequel s’élevait à 106en décembre 2004. Les contributionsobligatoires du Canada aux opérationsde paix des NU sont passées de 23,8 millions de dollars au cours del’année financière 2000-2001 à110,6 millions de dollars en 2004-2005.9

Et pourtant, les contributions du Canadaaux missions des NU sont modestescomparativement à sa participation auxopérations de l’OTAN. À son maximumen 2000-2001, le Canada comptait1 800 membres des FC déployés auprèsde la Force de stabilisation de l’OTAN enBosnie-Herzégovine (SFOR). En décembre2004, le Canada avait 1 003 membresdes FC déployés auprès de la Force inter-nationale d’assistance à la sécurité (ISAF)en Afghanistan. Le coût additionnel auministère de la Défense nationale (MDN)de la contribution du Canada à la SFORvariait de 173,6 millions de dollars en2000-2001 à 180,7 millions de dollars en2003-2004. Le coût supplémentaire de lacontribution du Canada à l’ISAF s’élevaità 430 millions de dollars en 2003-2004,et est évalué à 390 millions de dollarspour 2004-2005.10 Tout ceci peut êtreconsidéré comme une contributionpragmatique à l’émergence d’unrégime international et décentralisé demaintien de la paix. Et pourtant, celasoulève des questions quant à la prioritéque le Canada attribue au renforcementd’autres piliers de ce nouveau régime,particulièrement les NU et lesorganisations nationales africaines –dans la pratique.

En principe, le Canada s’est engagé àparticiper au développement d’unearchitecture efficace en matière de

Le Canada et la paix et sécurité dans la Déclaration du Millénaire

113

sécurité humaine en Afrique, la régioncomptant le plus grand nombre deconflits armés ces jours-ci, la situationrisquant d’être la même dans un avenirprévisible. À partir du Plan d’action pourl’Afrique de 2002 du G-8, le Canada adétaché plusieurs planificateurs militairesafin d’aider la Communauté économiquedes États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)et l’UA a développé leurs capacités envue d’un déploiement rapide des opéra-tions de maintien de la paix et de protec-tion. Depuis 2002, le Canada a affectéquelque 45 millions de dollars à laCEDEAO, à l’UA et à la Francophonie, àde telles fins.11 Il s’agit là de contribu-tions non négligeables, mais comme onpeut s’en apercevoir au graphique 1 elles

sont toutefois petites comparativement àla participation du Canada à des opéra-tions des NU et plus particulièrement del’OTAN. En fait, il y a des tensions entreles engagements politiques du Canada àrenforcer les capacités en matière desécurité humaine des organisationsafricaines et régionales à long terme, etla priorité de facto qu’il attribue aux« coalitions de pays volontaires » àl’impact rapide, dirigées par le Nord.

Le gouvernement canadien a collaboréavec celui du RU pour lancer l’Initiativede formation sexo-spécifique (IFSS) pourles soldats du maintien de la paix et lesobservateurs policiers. Quelques soldatsdu maintien de la paix et observateurs

Rapport canadien sur le développement 2005

114

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

110

2000-01 2001-02 2002-03 2003-04

Maintien de lapaix au lendemaind’hostilités

Démobilisation

Déminage

Aide à lareconstruction

Total

Mill

ions

de

$ ca

nadi

ens

Décaissements de l’ACDI au titre du maintien de la paix au lendemain d’hostilités, 2000-2004

Graphique 1

Secrétariat du Conseil du Trésor, 2000 et 2004. MDN, 2000 et 2004. Powell, 2005. Les données sur les contributions canadiennes aux initiatives de maintien de la paix des NU ne couvrent que les contributions obligatoires annuelles, et n’incluent pas le financement de base au système des NU, ni les contributions supplémentaires à des opérations de paix particulières des NU. Les données sur les contributions du Canada aux opérations de l’OTAN ne couvrent que les coûts supplémentaires encourus par le MDN pour détacher les troupes canadiennes à la SFOR et à la ISAF. Ces coûts ne comprennent pas le financement de base à l’OTAN ni les montants que le MDN aurait de toute façon dépensés s’il n’avait pas participé à ces opérations. Les données sur les contributions aux opérations de maintien de la paix des NU et de l’OTAN traduisent les décaissements réels jusqu’en 2003-2004, et les estimations pour 2004-2005. Les données sur les contributions du Canada aux opérations de maintien de la paix en Afrique sont équitablement divisées entre les programmes de renforcement des capacités (de 2002 à 2004) et les contributions directes à la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) en 2004-2005. Ces données représentent des affectations plutôt que des décaissements.

Années

ont reçu cette formation par l’intermédi-aire du Centre canadien internationalLester B. Pearson pour la formation enmaintien de la paix. Et pourtant, selonune récente étude « la formation sexo-spécifique ne semble pas être largementutilisée dans les cours de formation dessoldats du maintien de la paix canadiensou des policiers civils ».12 Il reste encorebeaucoup à faire au niveau de l’innova-tion et de la mise en application dans cedomaine important.

En 2004, le premier ministre Paul Martinannonçait la création d’une nouvellebrigade de déploiement rapide des forcescanadiennes composée de 5 000 person-nes. Dans son budget de février 2005, legouvernement précisait qu’il ajoutera cechiffre aux troupes régulières ainsi que3 000 réservistes aux FC d’ici à 2010,particulièrement pour améliorer la capa-cité du Canada à faire des contributionsrapides à des missions internationales.Les achats d’équipements annoncés dansce budget (avions polyvalents, hélicop-tères de capacité moyenne, camionslogistiques) pourraient certainementrenforcer les contributions du Canadaaux opérations de maintien de la paix.13

Il reste une importante question, soitcelle de savoir si cette capacité accruesera déployée principalement dans desopérations de maintien de la paix et deprotection, sanctionnées par les NU, oubien si elle servira à des opérations quine sont peut-être pas véritablementcohérentes avec la Charte des NationsUnies. Il reste encore une question plusvaste, qui est abordée dans de récentsdocuments par l’organisation nongouvernementale (ONG) ProjectPloughshares, à savoir si les grandesaugmentations du budget de la défenseannoncées ces dernières annéesconstituent le meilleur moyen de

permettre au Canada de répondre à sespriorités en matière de sécurité, ou biensi une partie de ces ressources devraientpermettre d’augmenter les investisse-ments dans la prévention des conflits parle biais de l’aide au développement.14

Ces deux questions doivent faire l’objetde discussions plus approfondies étantdonné les tentatives actuelles visant àpromouvoir la cohérence politique enfonction de la déclaration du Millénaireet des Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement.

Le Canada et la consolidation dela paix au lendemain d’hostilitésBien que la participation du Canada àdes opérations de consolidation de lapaix soit plus récente que celle qui a étéla sienne jusqu’à présent dans le main-tien de la paix, elle date néanmoinsd’avant l’adoption de la Déclaration duMillénaire. En effet, en 1996 le gouverne-ment lançait l’Initiative canadienne deconsolidation de la paix afin d’injecterune nouvelle vision et de nouvellesressources dans l’engagement alorsfragmenté du Canada dans ce domaine.Cette initiative reposait au départ surdeux mécanismes, soit un fonds de10 millions de dollars par an géré parl’Agence canadienne de développementinternational (ACDI), et un programmed’un million de dollars par an gérépar AEC.

En 2000, le budget du Programme deconsolidation de la paix et de sécuritéhumaine des Affaires étrangères (PSH)était passé à 10 millions de dollars par anafin de tenir compte de son mandatélargi. Le dossier de la consolidation de lapaix est devenu une priorité thématiquedu PSH pour la prévention des conflits, et

Le Canada et la paix et sécurité dans la Déclaration du Millénaire

115

l’une des cinq priorités subalternes dansce domaine. En supposant que la consoli-dation de la paix a reçu près de 20 p.100 des fonds que le PSH a consacrés àla prévention des conflits au cours de cesannées, cela laisse entendre que lesdécaissements au titre de la consolidationde la paix du PSH sont passés d’environ300 000 $ au cours de l’AF 2000-2001 àquelque 450 000 $ au cours de l’AF2003-2004.15 En réalité, les fonds au titrede la consolidation de la paix du PSH

étaient probablement quelque peusupérieurs du fait que des initiatives clés,financées sous d’autres thèmes – parexemple, la campagne en vue de lacréation de la Cour pénale internationaleou encore la mise en application àl’échelle mondiale de la Résolution 1325du CSNU sur les « Femmes, la paix et lasécurité » – sont également fondamen-tales pour la consolidation de la paix aulendemain d’hostilités.

Rapport canadien sur le développement 2005

116

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

550

600

650

2004-052003-042002-032001-022000-01

NU

OTAN (SFOR seulement jusqu’en 2002-03, SFOR + ISAF pour 2003-04 et 2004-05)

UA/CEDEAO/Francophonie

Mill

ions

de

$ ca

nadi

ens

Années

Contributions du Canada aux forces de maintien de la paix des NU, de l’OTAN et de l’UA, 2000-2005

Graphique 2

ACDI, 2005. Ces catégories correspondent aux postes budgétaires 015061 à 015066 et 106340 du système de codage du CAD de l’OCDE, qu’utilise l’ACDI pour vérifier la répartition de ses dépenses au titre de l’APD. L’ACDI inclut également les activités relatives à la lutte contre les stupéfiants dans ses calculs des dépenses de la « paix, des conflits et de la reconstruction », mais nous ne considérons pas ce poste comme central à la consolidation de la paix au lendemain d’hostilités. Dans tous les cas, les répercussions de l’ajout de ce poste aux totaux annuels est négligeable. Ces sommes, et cela est plus important, n’incluent pas les dépenses de l’ACDI dans d’autres domaines qui sont critiques à la consolidation durable de la paix, par exemple les politiques et la planification du développement économique, le développement juridique et judiciaire, et le renforcement de la société civile. Ainsi, les dépenses de l’ACDI au titre des activités de consolidation de la paix au lendemain d’hostilités peuvent en fait être nettement supérieures à celles indiquées dans ces chiffres.17

Toutefois, la véritable croissance a étéenregistrée à l’ACDI. En 2000, l’aide del’ACDI aux opérations de consolidationde la paix avait de très loin dépassé lefonds de 10 millions de dollars par anpour englober de vastes programmesgérés par les directions géographiques etautres. Plusieurs mécanismes, conjointe-ment administrés par l’ACDI et lesAffaires étrangères – tels quel’Arrangement sur la police canadienne(APC) et le Fonds canadien d’actioncontre les mines terrestres – avaientégalement été mis en place. Ainsi qu’onpeut le voir au graphique 2, les dépensesau titre de la consolidation de la paixont énormément augmenté, passant de53 millions de dollars en 2000-2001à près de 80 millions de dollars en 2003-2004.

Le graphique 3 précise de quelle manièrecette croissance a un rapport aveccertaines influences géopolitiques. Ainsi,vers la fin des années 1990, la Directiongénérale de l’Europe centrale et de l’Est(DGECE) de l’ACDI avait enregistré lesplus forts décaissements au titre de laconsolidation de la paix, en raison de sesvastes programmes en Bosnie etHerzégovine, de même qu’en Serbie etau Monténégro. En 2002-2003, lesdécaissements de la Direction généralede l’Asie pour la consolidation de la paixavaient dépassé ceux des directionsgénérales de l’ECE, multilatérales et dupartenariat en raison de la création d’unnouveau programme en Afghanistan,plus grand programme-pays jamais gérépar l’ACDI. Les dépenses au titre desinitiatives de consolidation de la paixengagées par l’ACDI en Afrique ont étémodestes comparativement à celles quiont été faites dans ces deux régions etce, malgré les déclarations d’engagementdu Canada envers l’Afrique et le grandnombre de conflits sur ce continent.16

Ces augmentations des dépenses se sontproduites parallèlement à celles descontributions du Canada à l’élaborationde politiques multilatérales dans cedomaine, plus particulièrement parl’intermédiaire des NU et du Comitéd’aide au développement (CAD) del’Organisation pour la coopération et ledéveloppement économiques (OCDE).Affaires étrangères et l’ACDI ont égale-ment travaillé ensemble pour intégrer lesobjectifs en matière d’égalité des sexesdans les programmes canadiens etinternationaux sur la consolidation dela paix.18

Au début de l’année 2004, le premierministre Martin a annoncé son engage-ment à rendre plus cohérentes les poli-tiques canadiennes dans le cadre d’uneapproche intégrée « 3D » – meilleurecoordination de la diplomatie, de ladéfense et du développement. Il a laisséentendre la possibilité de débloquer denouveaux fonds et a annoncé la créationdu « Corps canadien » dans le but depromouvoir la bonne gouvernance et lerenforcement des institutions dans lesÉtats fragiles. Dans son budget de février2005, le gouvernement fédéral annonçaitpar ailleurs la création d’un Fonds pour lapaix et la sécurité dans le monde (FPSM)de 100 millions de dollars par an,administré par Affaires étrangères, pour« appuyer le renouvellement duProgramme de la sécurité humaine etdonner au Canada une capacité accrueà fournir une assistance en matière desécurité aux États qui se trouvent ensituation de chaos ou qui sont en voie del’être, sans compter des ressources pourappuyer la stabilisation et le relèvementau lendemain de conflits. »19 Selon deshauts fonctionnaires du ministère desFinances, le FPSM servira principalementà appuyer des activités qui n’ont pasdroit à l’APD, telles que la contribution

Le Canada et la paix et sécurité dans la Déclaration du Millénaire

117

de 20 millions de dollars que fait leCanada à la Mission de l’Union africaineau Soudan. Ce fonds fera partie d’unfonds plus vaste pour la paix et lasécurité dans le monde qui englobera lesprogrammes de l’ACDI ainsi que diversprogrammes interministériels commel’Initiative du Corps canadien,l’Arrangement sur la police civile auCanada (APPC) et le Fonds canadiend’action contre les mines terrestres. Cegrand Fonds devrait s’élever à quelque290 millions de dollars au cours del’année financière 2005-2006.20

Bien que ces événements soient certesimportants, les signaux contradictoiresémanant du gouvernement ont suscitécertaines inquiétudes chez les organisa-tions de la société civile (OSC), dont voiciquelques exemples :

• l’absence de clarté du cadre de poli-tique qui guiderait l’action gouverne-mentale dans ce domaine;

• la tendance du gouvernement, et plusparticulièrement d’AEC, de privilégierles réponses rapides à des crisesgéopolitiquement importantes sur desengagements à long terme dans lemaintien de la paix;

• la participation inquiétante du Canadaen Afghanistan, en Haïti et en Iraq;

• le contrôle et l’évaluation médiocresdes activités financées par legouvernement;

• les affaires toujours en suspens enmatière d’intégration de laproblématique hommes-femmes, et

Rapport canadien sur le développement 2005

118

Années

Mill

ions

de

$ ca

nadi

ens

Décaissements de l’ACDI au titre de la consolidation de la paixau lendemain d’hostilités – Ventilation par direction, 2000-2005

Graphique 3

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

55

2000-01 2001-02 2002-03 2003-04

Multilatérale

AMO

Amériques

Asie

CEE

Partenariat

ACDI, 2005.

• un engagement inégal enversd’importantes initiatives de lasociété civile dans ce domaine, etleur sous-financement.21

Le Canada et la prévention exante des conflitsLa question de la prévention des conflitsest devenue une priorité internationalevers la fin des années 1990, après lapublication du rapport précurseur de laCommission Carnegie et sa prise encharge par le CAD. Ce sujet a été large-ment repris dans la Déclaration duMillénaire, dans le rapport de 2001 duSecrétaire général des NU sur la préven-tion des conflits armés, dans laRésolution 1366 (2001) du Conseil desécurité des NU, ainsi que dans laRésolution 57/337 de 2003 del’Assemblée générale des NU. Tous cesorganismes considèrent la prévention desconflits comme englobant des mesuresex ante telles que l’alerte rapide; desmesures durant les conflits telles que lamédiation; et des activités après lesconflits telles que la démobilisation descombattants et la réforme juridique. Dufait que la consolidation de la paix aulendemain des hostilités a déjà étéabordée, cette section va porter sur lescontributions du Canada à la préventiondes conflits ex ante.

Le Canada n’a pas ménagé ses effortspour favoriser un passage de la culturede la réaction à celle de la préventionaux Nations Unies. Les diplomatescanadiens ont en effet participé defaçon active et constructive à la négocia-tion de résolutions pertinentes au Conseilde sécurité et à l’Assemblée générale desNU. Ainsi qu’on l’a dit un peu plus tôt,Affaires étrangères Canada a pris

l’engagement dans le PSH, en 2000, dese pencher sur la prévention des conflits.Les dépenses consacrées à la préventionex ante des conflits s’élevaient àenviron 300 000 $ en 2000-2001,mais sont passées à quelque 450 000 $en 2003-2004.22 Malgré tout, les effortsd’AEC en matière de prévention desconflits et relativement à ces investisse-ments financiers sont modestes compara-tivement à ses investissements dans despriorités telles que la Responsabilité deprotéger : dans ce domaine, il est bon denoter que la plus grande partie des1,75 million de dollars de ce projet, en2003-2004, a été consacrée au pilier« réaction » des recommandations dela Commission internationale indépen-dante de la souveraineté des États et del’intervention (CISEI).23

Il est difficile de dire avec certitude cequ’ont été les dépenses de l’ACDI dansce domaine du fait qu’il n’y a pas deposte budgétaire codé selon le CDA,correspondant directement à la préven-tion des conflits. Un récent calcul desdépenses de l’Agence pour la gouver-nance et la société civile dans six États encrise et quatre « pays à faible revenu etmauvais rendement » laisse entendre queles dépenses de l’ACDI sont passéesd’environ 46 millions de dollars en 2000-2001 à quelque 86 millions de dollars en2003-2004.24 Et pourtant, ces chiffres nepeuvent servir que de vagues estimationsdes dépenses au titre de la préventiondes conflits. Qui plus est, il est difficile defaire cadrer ces chiffres avec le point devue exprimé par les responsables del’ACDI qui ont dirigé l’unité de consolida-tion de la paix de 1997 à 2003, selonlesquels le Canada et d’autres pays del’OCDE « doivent investir bien plus quedes miettes au titre de la prévention ».25

Le Canada et la paix et sécurité dans la Déclaration du Millénaire

119

La communauté canadienne en faveur dela prévention des conflits s’inquiète parti-culièrement du fait que les intérêts dugouvernement sont attirés dans d’autresdirections par les points de vue plusétroits du ministère des Affairesétrangères sur la sécurité humaine, et pardes priorités d’ordre géopolitique tellesque la gestion de relations délicates avecles États-Unis.26 Malgré cette tendanceévidente, dans son mémoire du milieude l’année 2004 sur l’Examen de lapolitique internationale (EPI) du Canada,l’ACDI avance que le programme de paixet sécurité de l’Agence devrait être guidépar les principes de la prévention desconflits, dans une large définition. Celanécessiterait d’adopter une approche àlong terme et structurelle à la préventiondes conflits pour mettre en place desprogrammes dans les États fragiles. Ilfaudrait aussi financer des initiatives degouvernance dans des domaines sensi-bles comme la réforme du secteur de lasécurité, lorsque de telles initiatives sontcompatibles avec les lignes directrices duCAD sur l’APD. Cela nécessiterait égale-ment une harmonisation des interven-tions en matière de gouvernance et desefforts socioéconomiques, non seulementpar l’intermédiaire de l’ACDI mais aussien faisant la promotion de la cohérencepolitique avec des initiatives dans lesdomaines de la finance, du commerce etde la défense.27

Cette façon plus large de voir les chosessemble converger avec celle du premierministre Martin. Il n’est donc passurprenant que l’examen de la politiqueinternationale annoncée par le gouverne-ment en avril 2005 engage celui-ci àadopter une approche intégrée quicomportera des capacités de réactionrapide accrues, une augmentation desfonds aux opérations de stabilisation,

ainsi qu’un renforcement de la consolida-tion de la paix et de la prévention desconflits à long terme par l’intermédiairede l’ACDI. Il reste toutefois à voir dequelle manière tout cela sera mis enapplication étant donné les caprices dela politique au niveau parlementaire etélectoral de ces jours-ci.28

ConclusionsDepuis 2000, le Canada a fait d’impor-tantes contributions à la mise en applica-tion du pilier de la paix et de la sécuritéde la Déclaration du Millénaire, même sila plupart de ces initiatives n’ont pas étéstructurées de la sorte. Le Canada a parailleurs fourni d’énormes ressourcesfinancières et humaines pour renforcerles capacités des Nations Unies, de laCommunauté économique des États del’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et del’Union africaine en matière de maintiende la paix et de déploiement rapide,même si ses plus grosses contributionsont été faites (jusqu’à présent) parl’intermédiaire de l’OTAN. Cette situationsoulève de sérieuses questions quant à lapriorité relative qu’accorde le Canada àdes coalitions apparemment robustes etefficaces, mais dirigées par des « paysvolontaires » du Nord, plutôt qu’à desapproches davantage multilatérales et àlong terme au maintien de la paix, axéessur le Sud.

La participation du Canada à des activitésde consolidation de la paix au lendemainde conflits a énormément augmenté versla fin des années 1990, et ne cesse de lefaire. L’affectation géographique desressources – aux Balkans vers la fin desannées 1990 et à l’Asie centrale, aujour-d’hui – a été largement influencée par lespriorités géopolitiques. Il y a par ailleursun déséquilibre évident entre les

Rapport canadien sur le développement 2005

120

énormes dépenses financières consacréesà des initiatives de maintien de la paix (etde façon plus large, à la défense), lesmodestes investissements canadiens autitre de la consolidation de la paix, et lesinvestissements encore plus limités à laprévention ex ante des conflits. Ensomme, la participation des Affairesétrangères à la consolidation de la paixet à la prévention des conflits a étéfaçonnée par son concept plutôt étroitde la sécurité humaine, alors que l’ACDIa fait la démonstration d’une approcheplus exhaustive et à long terme. AEC,l’ACDI et le MDN ont lancé des initiativespour intégrer la problématique hommes-femmes et la question de l’égalité dessexes dans les programmes canadienspour la paix et la sécurité, bien qu’au-cune avancée n’ait été enregistrée à cejour dans ce domaine.

Les engagements du gouvernementenvers l’approche « 3D » pourraientcertainement permettre de débloquerdavantage de ressources et d’assurer unemeilleure cohérence dans les initiativescanadiennes de maintien de la paix, deconsolidation de la paix et de préventiondes conflits. Une évaluation plusrigoureuse des contributions du Canada,une intégration plus systématique de laproblématique hommes-femmes, et unengagement plus large et mieux financéavec les OSC renforceraient le suivicanadien du pilier de la paix et de lasécurité de la Déclaration du Millénaire.

Les recommandations clés du rapport duGroupe de personnalités de haut niveaudes NU, le nouvel engouement pourl’engagement à réaliser les OMD, l’idéede codification d’une OMD de la paix etsécurité,29 l’Examen de la politiqueinternationale du Canada et la formula-tion d’une stratégie de l’ACDI en faveurdes États fragiles, sont autant d’élémentsqui débouchent sur des opportunités

exceptionnelles de relier tous cesprogrammes entre eux en 2005. Cesprocessus permettent d’aborder lesgrandes questions auxquelles le Canadaest confronté dans ce domaine :

• De quelle manière les Canadiensdevraient-ils accorder la priorité àl’appui à l’OTAN plutôt qu’aux opéra-tions de maintien de la paix des NU etde l’Afrique?

• De quelle manière le Canada devrait-iléquilibrer ses dépenses consacrées auxinitiatives de maintien de la paix, deconsolidation de la paix et de préven-tion ex ante des conflits, et de façonplus large entre la défense et ledéveloppement?

• De quelle manière le Canada devrait-iléquilibrer ses objectifs géopolitiques etdéveloppementaux, plus particulière-ment dans des pays commel’Afghanistan, Haïti et l’Iraq?

Toutes ces questions requièrent undébat beaucoup plus éclairé en 2005et au-delà.

STEPHEN BARANYI, chercheur principal(Prévention des conflits) à l’Institut Nord-Sud, était auparavant au Centre derecherches pour le développement interna-tional (CRDI), et a travaillé en tant qu’ana-lyste de la politique au ministère des Affairesétrangères et du Commerce international, àl’Agence canadienne de développementinternational (ACDI), ainsi qu’à diversesONG en Europe, en Amérique latine et auCanada. Il est titulaire d’un doctorat del’Université York, et a poursuivi des étudespostdoctorales à la London School ofEconomics.

Le Canada et la paix et sécurité dans la Déclaration du Millénaire

121

RéférencesBaranyi, Stephen. 2004. « Quel avenirpour le Canada et la consolidation de lapaix? Innovation et efficacité dans unepériode de turbulence. » Ottawa: YvanConoir et Gérard Verna, éds., 2005. Fairela paix. Québec: Les Presses del’Université de Laval.

Brown, Susan. 2005. « Vers la consolida-tion de la paix : moyens dérisoires, résul-tats illusoires. La réponse du Canada à laconsolidation de la paix », dans YvanConoir et Gérard Verna, éds., Faire lapaix. Québec: Les Presses de l’UniversitéLaval, Conseil canadien pour la coopéra-tion internationale, 2004. « Ensemble,nous pouvons jouer un rôle de premierplan – Un plan d’action établi par lesCanadiens, pour les Canadiens »,Ottawa, octobre.

Comité coordonnateur canadien pour laconsolidation de la paix – Égalité dessexes et consolidation de la paix. 2004. ACivil Society Perspective on Canada’sImplementation of United Nations SecurityCouncil Resolution 1325 (2000) onWomen, Peace and Security. Ottawa :CCCCP, octobre.

Comité coordonnateur canadien pourla consolidation de la paix – Égalitédes sexes et consolidation de la paix.2004. « Canadian Action Agenda onConflict Prevention ». Ottawa : CCCCP,novembre, Voir la version finale àhttp://www.peacebuild.ca.

ACDI. 2005. « Briefing Note: CIDAProgramming in Post-ConflictReconstruction ». Note non publiée,reçue en janvier.

Collier, Paul. 2003. Breaking the ConflictTrap. Civil War and Development Policy.Washington/Oxford: World Bank andOxford University Press.

Ministère des Finances. 2005. Le Planbudgétaire. Ottawa : Gouvernement duCanada, 23 février.

Ministère de la Défense nationale. 2001.Rapport sur les plans et priorités 2001-2002. Ottawa : MDN.

–––––. 2002. Rapport sur les plans etpriorités 2002-2003.

–––––. 2003. Rapport sur les plans etpriorités 2003-2004.

–––––. 2004. Rapport sur les plans etpriorités 2004-2005.

Affaires étrangères Canada. 2002.« Rapport sur le Programme pour lasécurité humaine du Canada. 2000-2001et 2001-2002 ». Ottawa : AEC.

–––––. 2004. « Résumé du programmepour la sécurité humaine du MAECI2002/2003, document non publié, reçuen décembre 2004.

–––––. « Résumé du programme pour lasécurité humaine du MAECI 2003/2004,document non publié, reçu en décembre2004.

–––––. « Le Canada et les opérationsde soutien de la paix ». Notes de breffage disponibles à http://www.dfait-maeci.gc.ca/peacekeeping/menu-fr.asp.Accédé le 6 janvier 2005.

Foreign Policy and the Center for GlobalDevelopment. 2004. Ranking the Rich2004. Washington, DC: CGD, 2004.

Partenariat mondial pour la préventiondes conflits armés, 2005. « Submissionfor the UN Secretary-General’s Report forthe Millennium +5 Review Summit »,février.

Gouvernement du Canada (2005). Énon-cé de politique internationale. Ottawa :Gouvernement du Canada, avril.

Rapport canadien sur le développement 2005

122

Jones, Bruce. 2003. Evolving Models ofPeacekeeping. Policy Implications andResponses. New York: Center forInternational Cooperation, circa 2003.

Levin, Victoria et Dollar, David. « TheForgotten states: Aid Volumes andVolatility in Difficult Partnership Countries(1992-2002) ». Paper prepared for theSenior-Level Forum on DevelopmentEffectiveness in Fragile States, 23-24 janvier 2005, Londres, R.-U.

McGillivray, Mark. 2005. « Aid Allocationand Fragile States ». Paper prepared forthe Senior Level forum on DevelopmentEffectiveness in Fragile States, 13-14 janvier 2005, Londres, R.-U.

Powell, Kristiana. 2005. « The AfricanUnion’s Emerging Peace and SecurityRegime: Opportunities and Challengesfor Delivering on the Responsibility toProtect ». Ottawa : L’Institut Nord-Sud, mai.

Regehr, Ernie et Whelan, Peter. 2004.« Reshaping the Security Envelope:Defence Policy in a Human SecurityContext ». Project Ploughshares workingpaper 04-4. Waterloo: ProjectPloughshares, novembre.

Secrétariat du Conseil du Trésor. 2000.Budget des dépenses 2000-2001. Ottawa : SCT.

–––––. 2001. Budget des dépenses 2001-2002.

–––––. 2002. Budget des dépenses 2002-2003.

–––––. 2003. Budget des dépenses 2003-2004.

–––––. 2004. Budget des dépenses 2004-2005.

Assemblée générale des Nations Unies.2000. Déclaration du Millénaire desNations Unies. A/RES/55/2 (18 septem-bre 2000).

Nations Unies. 2004a. Un monde plussûr : Notre affaire à tous. Rapport duGroupe de personnalités de haut niveausur les menaces, les défis et le change-ment. New York : Nations Unies.

Nations Unies. 2004b. Résumés mensuelsdes contributions (observateurs militaires,police civile et troupes). 31 décembre2004. Voir http://un.org. Accédé le10 février 2005.

Secrétaire générale des Nations Unies.Dans une plus grande liberté :Développement, sécurité et respect desdroits de l’homme pour tous(A/59/2005). 21 mars 2005

Notes1 L’auteur tient à remercier les collègues

suivants de leur précieuse collaboration :Fayaz Manji, des Affaires étrangères;Michael Koros et Carole Piovesan, del’ACDI; John Davies, du ministère desFinances; Peter Whelan et Ken Epps, duProject Ploughshares; ainsi que de nom-breux collègues à l’Institut Nord-Sud. Lesmises en garde habituelles s’appliquent.

2 AGNU, 2000.

3 NU, 2004a.

4 SGNU, 2005.

5 Centre de recherches pour le développe-ment international, 2004.

6 Affaires étrangères Canada, 2005.

7 Jones, 2003.

8 NU, 2004b.

9 Secrétariat du Conseil du Trésor, 2000 et2004.

10 Ministère de la Défense nationale, 2001 et2004.

11 Powell, 2005.

Le Canada et la paix et sécurité dans la Déclaration du Millénaire

123

12 Comité coordonnateur canadien pour laconsolidation de la paix, Groupe de travailsur la disparité des sexes dans l’optiquede la consolidation de la paix, 2004.

13 Ministère des Finances, 2005. Cetteinterprétation des nouvelles acquisitionsdu MDN découle d’une conversationavec Ken Epps de l’organisme ProjectPloughshares, le 25 février 2005.

14 Voir Regehr et Whelan, 2004, pour uneanalyse détaillée de ces régimes dedépenses.

15 Affaires étrangères Canada, 2002 et 2004.Pour une analyse quelque peu plus appro-fondie des dépenses du PSH, voir Regehret Whelan, 2004.

16 ACDI, 2005. L’utilisation de ces chiffrespour avoir une idée des dépenses au titrede la prévention des conflits pose troisproblèmes. Tout d’abord, ils n’incluentque les dépenses de l’ACDI dans six« États en crise » (Afghanistan, Iraq,Cisjordanie/Bande de Gaza, Haïti, Népalet Soudan) et dans quatre « pays à faiblerevenu en difficulté » (République démoc-ratique du Congo, Nigeria, Tadjikistan etZimbabwe). Deuxièmement, ces chiffresenglobent une vaste gamme de dépensesau titre de la gouvernance, de la sociétécivile et du maintien de la paix qui vontbien au-delà de la prévention ex ante desconflits. Troisièmement, pour déterminersi ces programmes ou d’autres relèventvéritablement de la colonne des dépensesau titre de la prévention des conflits, ilfaudrait procéder à un analyse qualitativeau niveau du pays concerné, pour vérifiersi ces dépenses ont été programméesselon une approche sensible aux conflits.Cela sous-entend que l’ACDI et d’autresdonateurs de l’OCDE devraient élaborerdes outils pour surveiller de façonbeaucoup plus systématique au coursdes prochaines années leurs dépenses autitre de la prévention des conflits.

17 ACDI, 2005

18 Comité coordonnateur canadien pour laconsolidation de la paix – Groupe detravail sur l’égalité des sexes et laconsolidation de la paix.

19 Ministère des Finances, 2005.

20 Breffage de John Davies, chef, Politiquedu développement, ministère desFinances, le 23 février 2005, et correspon-dance du 28 février 2005.

21 Conseil canadien pour la coopérationinternationale, 2004. Pour une analyseplus détaillée de ces questions, voirBaranyi, 2005.

22 Affaires étrangères Canada, 2002 et 2004.Pour une analyse quelque peu plus appro-fondie des dépenses du PSH, voir Regehret Whelan, 2004.

23 AEC, 2004.

24 ACDI, 2005. Pour une comparaison deschangements au niveau des dépenseseffectuées par l’ACDI dans des initiativesde consolidation de la paix et dans desÉtats fragiles, voir McGillivray, 2005, ainsique Levin et Dollar, 2005.

25 Brown, 2005.

26 Comité coordonnateur canadien pour laconsolidation de la paix, 2004. Voirhttp://www.peacebuild.ca pour laversion finale.

27 Voir Baranyi, 2004.

28 À ce sujet, il est inquiétant de constaterque le budget de 2005 ne fait aucuneréférence à la prévention des conflits,bien qu’il contienne plusieurs références àla sécurité, aux États fragiles, à la stabilisa-tion et à la paix.

29 Cette idée avait tout d’abord étéproposée par Paul Collier, de la Banquemondiale, au début de l’année 2003. Ellea été récemment reprise par le Partenariatmondial sur la prévention des conflitsarmés, et devrait être discutée à uneimportante conférence ONU-société civileen juillet 2005. Voir Collier, 2003, etGPPAC, 2005.

Rapport canadien sur le développement 2005

124