Le bois mort - Forêts Anciennes · sance du compartiment bois mort dans les forêts de...
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Rapport sc ient i f ique
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Mai 2002
un attribut vitalde la biodiversitéde la forêt naturelle,
une lacune des forêts gérées
Le boismort,
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier de leur relecture et échange sur le sujet : Monsieur Pierre-Michel Nageleisen (DERF département Santé des forêts), Olivier Gilg (Réserves Naturelles de France),Joseph Garrigue et l’équipe de la Réserve Naturelle de la Massane.
Daniel VallauriWWF-France188 rue de la Roquette, 75011 ParisTél. : 00 33 (0)1 55 25 84 84Fax : 00 33 (0)1 55 25 84 74e.mail : [email protected]
Jean AndréUniversité de Savoie, LDEA73376 Le Bourget-du-Lac cedexe.mail : [email protected]
Jacques BlondelCEFE-CNRS UPR 90561919 route de Mende34293 Montpellier cedex 5e.mail : [email protected]
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Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Le monde vivant des bois morts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
UN ENSEMBLE DE STRUCTURES AUX MULTIPLES FACETTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
VIE ET MORT DU BOIS DANS UN ÉCOSYSTÈME FORESTIER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
BIODIVERSITÉ À TOUS LES ÉTAGES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Une biodiversité insoupçonnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Trois grands groupes fonctionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Des besoins variés et précis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Une biodiversité dynamique dans le temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Une biodiversité menacée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Encart : Décomposition du bois : rôle initial des pourritures blanches et rouges . . . . 13
Structure et dynamique du bois mortdans les forêts naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
QUELQUES REMARQUES PRÉALABLES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
LE VOLUME DE BOIS MORT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
LA DENSITÉ DES ARBRES MORTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
RÉPARTITION SPATIALE DU BOIS MORT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
DYNAMIQUE DU BOIS MORT DANS LES FORÊTS NATURELLES TEMPÉRÉES . . . . . . . . 16
Le taux de mortalité naturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Taux de mise au sol des volis et arbres entiers morts sur pied . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Taux de décomposition du bois au sol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Vers une gestion écologique du bois mort en forêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
LE BOIS MORT DANS LES FORÊTS GÉRÉES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
PROPOSITIONS D’ORIENTATIONS TECHNIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Des normes sylvicoles pour conserver le bois mort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
La non-exploitation des forêts protégées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Ecologiquement correctcontre socio-économiquement durable . . . . . . . . . . . . . . 24
TOUTE POLITIQUE A UN COÛT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Encart : Les Scolytes attaquent !. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
ET LE PRIX DE LA FIXATION DU CARBONE PAR LE BOIS MORT ? . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Encart : Sécurité et responsabilité en forêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Sommaire
Le forestier gère la vie et la mort des arbres pouroptimiser la production de bois. Par la sylvicul-ture, il anticipe la mort des arbres, des plusjeunes (mort par éclaircie au lieu d’une mort parcompétition) comme des plus vieux (coupessélectives, progressives ou coupes à blanc aulieu d’une mort naturelle individuelle ou parbouquet). L’anticipation de la mortalité desarbres présente trois inconvénients écologiquesmajeurs. Sans distinction de leurs caractéris-tiques et de leur intérêt comme habitat spéci-fique, la perturbation contrôlée qu’est la sylvi-culture fait disparaître :- les arbres âgés et très âgés, parce que la
réduction des âges d’exploitation est l’une desconséquences de l’intensification de la sylvi-culture en futaie régulière et est considéréecomme une solution pour éviter la déprécia-tion de la valeur commerciale des arbres âgés ;
- les arbres sénescents ou à cavités, pour lepéril sanitaire systématique qu’ils sont suppo-sés faire peser sur les arbres vivants ;
- le bois mort, et ceci avant le début de sadécomposition, la matière morte stockée dansles arbres étant exportée lors des coupes clas-siques ou sanitaires dès l’apparition d’indicesjugés comme dépréciant la commercialisationdu bois (champignons xylophages, cavités,gélivure…), ou très vite après un chablis.
Aujourd’hui, les écologues (Dajoz, 1974, Falins-ki, 1978, Franklin et al., 1987, André, 1997 aet b, Pautz, 1998, Arpin (coord.) 2001… pour neciter que quelques uns) et de nombreux fores-tiers (ONF, 1998, Hatsch et al., 1999, Nagelei-
sen, 2002) reconnaissent que le bois mort, par ladiversité des micro-habitats qu’il offre, est unecomposante essentielle pour la conservation dela diversité et du fonctionnement de l’écosystè-me forestier. Il forme un compartiment clé del’écosystème forestier naturel :- c’est la phase catabolique de recyclage dans
les écosystèmes forestiers, dont la diversitéanimale et végétale est d’égale importance àcelle de la phase anabolique de croissance ;
- c’est un compartiment fonctionnel garant dustockage d’une énorme masse énergétique etdu recyclage ininterrompu des nutrimentsdans l’écosystème (bouclage des cycles géo-chimiques du sol), et par conséquent du main-tien de la productivité de l’écosystème ;
- c’est un initiateur de segments originaux de lachaîne alimentaire utile à de nombreusesespèces forestières (dont les décomposeurs),influant ainsi de façon directe sur la survie degroupes spécialisés comme par exemple leschampignons et les invertébrés saproxylo-phages (mangeurs de bois, détritivores) ;
- c’est une source de micro-habitats originauxet variés pour une large biodiversité, en pre-mier lieu par les abris formés par l’accumula-tion de bois au sol et les cavités aériennes ouau sol. En effet, ces micro-habitats sont indis-pensables pour abriter des espèces aussivariées que les rongeurs, les bryophytes ou leschauve-souris ; ils sont favorables à la repro-duction de nombreuses espèces d’oiseaux etd’insectes ; enfin, ils facilitent la régénérationnaturelle des arbres (Harmon et al., 1986,Stöckli, 1996, Pichery, 2001).
Introduction
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- c’est une biodiversité associée riche de milliersd’espèces en forêt tempérée, recouvrant notam-ment des espèces patrimoniales devenues raresdans nos forêts, comme le Lucane cerf-volant,la Rosalie des Alpes, le Pique-prune, le Gobe-mouche à collier, le Pic tridactyle, les Noc-tules… pour ne parler que de quelques espècesparticulièrement emblématiques ;
- c’est un compartiment aujourd’hui affaibli pardes décennies de gestion forestière, et qui apresque disparu de nos forêts trop conscien-cieusement " nettoyées ".
Pour se rendre véritablement compte de l’appau-vrissement induit par la gestion traditionnelle dela forêt sur ce compartiment, et en tirer desenseignements pour améliorer la gestion couran-te des forêts, nous nous proposons ici de faireune synthèse des données de la littérature scien-tifique, à la recherche d’une meilleure connais-
sance du compartiment bois mort dans les forêtsde référence, les réserves intégrales tempérées(Europe et Amérique du nord pour l’essentiel).
Que représente le compartiment bois mort dansune forêt naturelle ? Combien représente t-il demicro-habitats différents et d’espèces ? Com-bien y a t-il de mètres cubes de bois mortdécomposé, de chablis ou de volis ? Comments’exprime une dynamique naturelle du boismort garantissant une conservation durable desespèces ?
Après une présentation succincte, les principauxrésultats quantitatifs sur le bois mort en forêtnaturelle sont présentés. Des recommandationspour l’amélioration de la foresterie dans uneperspective de gestion durable et donc de laconservation durable des espèces associées aubois mort sont proposées et discutées.
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UN ENSEMBLE DE STRUCTURES
AUX MULTIPLES FACETTES
Il existe de nombreux types de boismort (figure 1) en fonction :- de la position dans l’écosystème,
vieux arbres sénescents, chablis(arbre renversé au sol), volis (arbrecassé sur pied), chandelier (arbreentier mort sur pied), fragments debois brut au sol, débris fins s’incorpo-rant à l’humus ;
- de la taille des éléments (souche,tronc, branche, rameau). Dans lesestimations des volumes de bois mortqui suivent, cette donnée de taille estimportante (notamment le diamètrede précomptage). La bibliographie estassez hétérogène en la matière. Il estretenu les bois de diamètre supérieursoit à 4 ou 5 cm, soit à 10 cm, maisparfois des diamètres bien plus grands(à ce sujet, citons le protocole de référence quia été mis au point par Harmon et Sexton (1996)pour les sites du réseau international LTER -Long Term Ecological Research) ;
- de l’essence. Chaque essence a des caracté-ristiques particulières vis-à-vis de la capacitéde formation des chablis ou des volis (enfonction du type de système racinaire et de larésistance du tronc), de cavités de pied ou detronc, de la vitesse de fragmentation et dedécomposition, de la composition chimiquedes lessivats,…
Le monde vivant des bois morts
VIE ET MORT DU BOIS DANS
UN ÉCOSYSTÈME FORESTIER
Le compartiment “bois mort”, les flux qui l’ali-mentent et la dégradation du bois dans un éco-système forestier sont un phénomène physiqueet biologique complexe, résumé dans la figure 2.Il n’est pas inutile de rappeler que l’arbre vivant
F i g u r e 1Les différentes formes d’un arbre mort au fil du temps
(Tyrell et Crow, 1994b).
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Chablis dans la grande réserve intégrale de Bialowieza (Pologne).
Volis marqué par l’ours brun dans les Pyrénées.
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est composé à plus de 90% de cellules mortes(bois, xylème). Celles-ci forment un stock debois (et de carbone), dynamique mais durabledans le temps long, en attente de décomposition(Franklin et al., 1987). De même, le sol et lalitière transforment et stockent un volumeimportant de matière morte fine. Le comparti-ment bois mort peut être considéré comme unattribut vital de l’écosystème forestier, un lieuclé d’une activité biologique de surcroît origina-
F i g u r e 2Les flux alimentant le compartiment “bois mort” dans un écosystème forestier (Harmon et al., 1986).
CWD : coarse woody debris (bois mort).
le car dominée par des processus hétérotrophes(André, 1997 a et b).
Les causes de la mort sont variées et toujoursplus ou moins multiples, concordantes et com-plexes. Compétition (notamment dans lesjeunes stades), vieillissement, vent et tem-pêtes, sécheresses exceptionnelles, ravageurs(scolytes,…), hémiparasites (gui…) et autresmaladies (Fomes, Armillaire)…, se conjuguent
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souvent pour aboutir à l’affaiblissement del’arbre et à sa mort.
Depuis les tempêtes de décembre 1999, le rôledes perturbations dans la dynamique forestièreest désormais reconnu par tous : celles-ci sontindispensables à l’évolution de l’écosystèmeforestier naturel et au maintien de sa biodiversité(Vallauri, 2000). D’une façon plus générale, lesperturbations sont devenues un paradigme essen-tiel de la théorie écologique (Blondel, 1995).
Figure 3Les micro-habitats et quelques exemples d’espèces associées au bois mort (d’après Dajoz, 1974)
dans la réserve intégrale de la Massane (Pyrénées orientales, France).
BIODIVERSITÉ À TOUS LES ÉTAGES
Une biodiversité insoupçonnée
L’énumération de la biodiversité dépendant dubois mort et des cavités formerait un catalogueépais, tant une kyrielle de micro-habitats parti-culiers, pour la reproduction, la protection, oul’alimentation, accueillent des espèces trèsvariées (Dajoz, 1974). Ceux-ci se répartissentsur l’ensemble de la structure verticale de laforêt (figure 3) : chablis et cavités de pied, cavi-té de tronc, volis, cavité de branches,…
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Les forêts naturelles de la zone tempérée euro-péenne sont riches d’une biodiversité dépassantles 5 000 espèces animales ou végétales pourdes surfaces réduites (quelques dizaines d’hec-tares comme Réserve Naturelle de forêt de la LaMassane) à plus de 10 000 espèces animales ouvégétales dans des paysages forestiers complets(plusieurs milliers d’hectares, comme Fontaine-bleau ou Bialowieza). Cette biodiversité est àmettre en relation avec les structures verticale ethorizontale très variées des boisements en évo-lution naturelle mais aussi la présence de nom-breux micro-habitats. Parmi cette biodiversité,les espèces directement liées au bois mort repré-sentent un groupe important.
Ainsi, dans la Réserve naturelle de la Massanepar exemple, Travé et al (1999) constatent qu’untiers des champignons, soit 103 espèces, sont desdécomposeurs du bois. De même, 465 espècesde coléoptères saproxyliques (xylophages,saproxylophages, mycétophages et leurs préda-teurs) sont présentes dans la réserve, représen-tant à elles seules plus de 9,2% de la richessespécifique globale et comptant de nombreusesespèces patrimoniales, soit endémiques, soit
protégées au niveau européen. Les Ceram-bycidae (69 espèces, dont Cerambyx
cerdo et Rosalia alpina), lesBuprestidae (36 espèces), lesCetoniidae (dont Osmodermaeremita) et les Lucanidae (dontLucanus cervus) présentent lesfamilles et les espèces patrimo-
niales de première importance.
Dans l’étude plus restreinte (incomplète d’unpoint de vue taxinomique) de Rauh et Schmitt(1991) dans les Réserves intégrales de Bavière,36 à 69 espèces de coléoptères saproxyliquessont relevées sur des surfaces de 9 à 45 ha. Il està souligner que Rauh et Schmitt (1991) mon-trent que le nombre d’espèces patrimonialesrares est significativement supérieur quand levolume de bois mort augmente. Ainsi, pour desvaleurs de bois mort de 84 à 105 m3/ha, près dutiers des espèces de coléoptères saproxyliquessont rares (liste rouge).
A la Massane (Travé et al, 1999), près du quartdes mammifères (de l’Ecureuil commun à desespèces patrimoniales comme la Noctule deLeisler, le petit Rhinolophe, l’Oreillard com-mun, la Genette) et 17% des oiseaux nicheurs(Huppe fascié, Pic vert, Pic épeiche, Chouettehulotte) utilisent les cavités d’arbres vivantsou morts.
Rosalia alpina
Lucanus cervus
Cerambyx cerdo
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Trois grands groupes fonctionnels
Les organismes dépendant directement du boismort peuvent être rassemblés en trois grandesfamilles de groupes fonctionnels :
Les recycleurs du bois
qui s’alimentent de bois mort :
- les xylophages (épixyliques ou saproxy-liques), que ce soit les champignons ligni-vores initiaux, comme la pourriture blanche,ou les champignons saproxyliques (amadou-viers) et les coléoptères saproxylophages. Laquantité et la qualité (essence, niveau dedécomposition) du bois mort sont clé pour lemaintien de ces populations ;
- les détritivores qui se nourrissent de matièreorganique évoluée (champignons, insectes,bactéries…), c’est-à-dire soit du bois morttrès évolué soit des fonds de cavités ;
Des besoins variés et précis
Pour prendre la mesure des besoins en bois mortet cavités, il est nécessaire de mieux com-prendre la biologie parfois très précise desespèces. Ainsi, par exemple :- certains champignons mycorrhiziens n’appa-
raissent que dans des très vieux peuplements etdisparaissent lorsqu’il n’y a plus de gros bois(Froidevaux, 1975 pour un exemple sur lessapinières-pessières). D’une manière générale,aux différentes phases du développement fores-tier correspondent des cortèges mycorhiziens etdécomposeurs spécifiques ;
- Pasinelli (2000) a montré que seul les chênes,de gros diamètre de surcroît (>36 cm de dia-mètre), présentent un potentiel maximal pour laformation de cavités de troncs adaptées à lacolonisation par le Pic mar (Dendrocopos
Les cavicoles qui habitent le bois mort
- les cavicoles, que ce soit des espèces sculptantelles-mêmes des cavités (cavicoles primairescomme les pics), ou bien vivant/nichant dansles cavités existantes (cavicoles secondairescomme les chouettes, le pique-prune ou leschauve-souris arboricoles). Les arbres mortsou vivants les plus intéressants pour la biodi-versité des cavernicoles (ceux qui manquentle plus dans nos forêts semi-naturelles) sontles bois de gros diamètres (> 40 cm), supportdurable de cavités à différentes hauteurs.
Champignons saproxyliques au pied d’un chêne
Pic cendré
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medius), espèce patrimoniale à surveiller auniveau national. Le maintien de gros vieuxarbres est ainsi indispensable pour l’espèce ;
- la chouette de Tengmalm est commensale duPic noir et des cavités qu’il crée ;
- le Pique-prune (Osmoderma eremita), un coléo-ptère rare et protégé au niveau européen se nour-rissant de bois et qui vit dans les très vieux troncsprésentant certaines conditions spécifiques (boisfragmentés, humidité, température…). La mobi-lité au cours de la vie et la dispersion de l’espècene concernent qu’une faible partie de la popula-tion et ne dépasse souvent pas quelques centainesde mètres autour de l’arbre hôte (Ranius, 2000,Ranius et Hedin, 2001). Cette espèce est un casexemplaire de populations structurées en méta-populations. Ainsi, l’absence de bois mort régu-lier répondant aux caractéristiques recherchéesfragmente l’habitat disponible pour les popula-tions de cette espèce peu dynamique, au risquede les rendre non viables.
Une biodiversité dynamique dans le temps
Le processus de recyclage du bois mort passepar trois phases (Speight, 1989) :- une phase de colonisation au cours de laquel-
le le bois est envahi par des organismessaproxyliques primaires qui s’attaquent aubois encore dur, souvent associés à des cham-pignons. Cette phase est généralement courte ;
- une longue phase de décomposition au coursde laquelle les organismes saproxyliques pri-
maires sont rejoints ou remplacés par desorganismes saproxyliques secondaires qui uti-lisent le travail des premiers pour se nourrir ouqui sont prédateurs des premiers ;
- une longue phase d’humification par laquelleles organismes saproxyliques sont progressi-vement remplacés par des organismes quiincorporent au sol les restes de bois lorsqu’il aété suffisamment transformé par la phase pré-cédente.
Une biodiversité menacée
De nombreuses espèces saproxyliques sontéteintes, parfois depuis longtemps. Parmi lesespèces encore présentes, nombreuses sontcelles en situation délicate d’un point de vue deleur conservation. Des espèces comme le Pic àdos blanc ou le Pic tridactyle ne sont connus enFrance que sur quelques stations. Pourl’Europe, Speight (1989) estime que 40% desespèces de coléoptères saproxyliques sont endanger sur une grande partie de leur aire. Lamajorité des autres sont en déclin.De plus, beaucoup de populations des espècesprésentes sont réduites et fragmentées.L’absence d’insectes saproxyliques de certainesforêts récemment mises en réserve et compre-nant une forte densité de vieux bois et bois mortpourrait indiquer que les forêts dotées d’uneriche faune saproxylique sont devenues si rares,si éparses, si éloignées, que toute colonisationnaturelle est devenue localement difficile ouimpossible.
Osmoderma eremita
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Décomposition du bois :rôle initial des pourritures blanches et rouges
Pourritures rouges ou cubiques d’un gros chêne.
Les pourritures blanches ou fibreusesreprésentent 90 % des espèces fon-giques liées au bois mort (Basidiomy-cètes surtout). Elles savent dégrader lacellulose et en tirer l'énergie nécessaire àl'attaque de la lignine. Il en résulte dessquelettes ligneux sous forme de fibresdécolorées. Ceux-ci sont alors facilementpris en charge par d'autres groupes(insectes…). Les conditions de bonnehumidité sont requises pour le dévelop-pement des pourritures blanches.Les pourritures rouges ou cubiquesrecouvrent des champignons (5 % desdécomposeurs de bois, des polypores etquelques Ascomycètes - moindre diversi-té). Elles n'attaquent pas la lignine. Il en
résulte une structure cubique, compacte,peu modifiée. On assiste alors à un blo-cage de la décomposition, notamment siles conditions d'humidité sont insuffi-santes (haute montagne par exemple oufaciès secs). Ces cubes sont retrouvésdans le sol où ils peuvent persister long-temps comme autant de petites éponges.
Schématiquement, les pourritures blan-ches sont donc plus à l'origine de chaînestrophiques que les pourritures rouges quisont à l'origine de microsites originaux,refuges d'insectes et de stockage d'eau.Les spectres des insectes liés aux pourri-tures blanches et pourritures rouges sontd'ailleurs différents.
QUELQUES REMARQUES PRÉALABLES
La répartition entre volis, chablis, mortalité surpied, au sol, classe de diamètres est variable etpermet de comprendre le mode de fonctionne-ment de la forêt considérée (nature et régime desperturbations, histoire de la forêt). Elle est donctoujours essentielle à analyser avec précision.
Pour la biodiversité, il est bien plus judicieuxscientifiquement de s’attacher à la diversité, ladensité et la dynamique des micro-habitatsinduits par la présence de bois mort qu’à uneseule quantification volumique. Toutefois,compte tenu de la tradition forestière, très atta-chée à “cuber”, et de la plus grande facilité àestimer cette dernière donnée en forêt, il estintéressant d’utiliser cet indicateur, bien qu’in-direct et imparfait, pour montrer l’écart actuelentre une forêt naturelle, une forêt semi-naturel-le gérée ou une forêt artificielle.
Le volume de bois mort dans une forêt naturel-le dépend étroitement :- de la productivité de l’écosystème. Ainsi, les
forêts humides de plaine sur sol riche parexemple présentent-elles un volume de boismort supérieur aux forêts sèches ou de hautemontagne ;
- du régime des perturbations naturelles, de leurintensité, fréquence et ancienneté au moment
de l’évaluation du bois mort, ainsi que de lavitesse de dégradation des bois de l’écosystè-me donné ;
- de l’ancienneté de l’exploitation. Il est mal-heureusement difficile de trouver, en Europede l’ouest au moins, une réserve (même inté-grale !) dans laquelle on ne trouve aucun indi-ce d’exploitation humaine.
LES VOLUMES DE BOIS MORT
Le tableau 1 synthétise les données de la littéra-ture sur les volumes de bois mort dans des forêtsde la zone tempérée sensu lato. Notons que lesvolumes de bois mort mesurés dans des écosys-tèmes forestiers tempérés humides (“temperaterainforest” de la côte ouest américaines àPseudotsuga ou de la Nouvelle-Zélande àNothofagus) sont très supérieurs à ceux présen-tés dans le tableau 1, dépassant très souvent 500m3/ha, pour des productivités forestières supé-rieures également. Ils ne sont pas comparables ànos écosystèmes.
Peu de données publiées existent en France. Laseule étude récente (Garrigue et Magdalou, 2000)dans la Réserve Naturelle de la forêt de la Massaneestime à 24 m3/ha seulement le bois mort dans lazone en réserve intégrale, qui ainsi apparaît enco-re “jeune” en comparaison des données qui sui-
Structure et dynamiquedu bois mort
dans les forêts naturelles
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vent. Koop et Hilgen (1987) estiment que le volu-me de bois mort dans les réserves intégrales deFontainebleau est en moyenne égal à 103 m3/ha(variant de 92 à 145 m3/ha, avec 28 à 44 m3/ha devolis). Dans des forêts naturelles comparables auxconditions écologiques de la France, le volume debois mort dépasse toujours 40 m3/ha au minimumet peut dépasser 200 m3/ha. La réserve intégrale duParc National de Bialowieza, avec un volume debois mort variant de 60 à 100 m3/ha selon les typesde forêts (tableau 1), est en équilibre d’un point devue du cycle du carbone.
D’après les données disponibles, le bois mortreprésentent entre 5 et 30% du volume de boissur pied (voir compilation des études dansMuller et Liu, 1991, mais aussi Spetich et al.1999, Siitonen, 2001).
LA DENSITÉ DES ARBRES MORTS
La densité d’arbres morts dans une forêt varieen fonction des diamètres retenus. Le tableau 2résume les données disponibles pour les stadesmatures des forêts naturelles. Ainsi, on comptedans des forêts essentiellement composées defeuillus :- de 40 à près de 140 arbres morts par ha ;- d’une dizaine à près de 40 volis par ha (pour
des diamètres >20 cm et hors mortalité acci-dentelle exceptionnelle) ;
- de 10 à 20 arbres présentant au moins unecavité. Avec un nombre de 60 par ha, la chê-naie-hêtraie de la réserve intégrale de LaMassane, finement étudiée par Guarrigue etMagdalou (2000), dépasse largement cettefourchette moyenne. Cette particularité estsans contexte un élément constitutif de lagrande biodiversité de la Réserve naturelle.
RÉPARTITION SPATIALE DU BOIS MORT
La surface au sol occupée par le bois mort dansune forêt naturelle est toujours inférieure à 25%de la surface forestière (compilation pour lesU.S.A. dans Harmon et al. 1986).
Le bois mort est distribué de façon éminemmentvariable :- il suit la distribution spatiale des causes natu-
relles de la mortalité. Ainsi, l’orientation desperturbations régulières “tempête” et la topo-graphie dessinent dans une forêt naturelle unegéographie du bois mort différente de la per-turbation “sécheresse” par exemple ;
- la distribution spatiale suit la structure irrégu-lière et par bouquet des forêts naturelles tem-pérées ;
- la distribution spatiale suit l’âge des arbres oules stades successionnels du fonctionnementcyclique d’une forêt naturelle (jeune, adulte,mature, sur-mature).
DYNAMIQUE DU BOIS MORT DANS LES
FORÊTS NATURELLES TEMPÉRÉES
Il s’agit là d’une question importante d’un pointde vue du scientifique comme du praticien. Lestock de bois mort est dynamique sur le longterme. Le bois mort se transforme, des cavitésdisparaissent ou ne sont plus occupées, d’autresmicro-habitats apparaissent… La gestion dansle temps de ce stock de bois et des micro-habi-tats est donc primordiale. Pour cela, unemeilleure connaissance des facteurs de la dyna-mique de production et de décomposition dubois mort (vitesse de recyclage) est nécessaire.
Le taux de mortalité naturelle
Le taux de mortalité naturelle des arbres permetd’évaluer en quelque sorte la " production "annuelle de bois mort. Dans un écosystème enéquilibre, ce taux, calculé sur une échelle spatia-le et temporelle adéquate, est égale à la produc-tion annuelle de bois vivant. Toutefois, les varia-tions annuelles, au fil des perturbations, sontgrandes. Dans une forêt en équilibre, la produc-tion annuelle de bois mort est déterminée en par-tie par la fertilité et la production de bois vivant.Dans la réserve intégrale du Parc National deBialowieza, Falinski (1978) estime cette morta-lité à 2 à 4,5 chablis/ha/an, et l’a mesuré (sur10 ans) égale à 4 m3/ha/an. Dans les réserves
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intégrales de Fontainebleau, sur une période de10 ans sans tempête importante, la productiontotale de bois mort (chablis et volis) a été estiméà moins de 0,26 tiges/ha/an (Pontailler et al.,1997), soit un chiffre beaucoup plus faible.
Dans 25 stades matures de forêts naturellesmixtes du Michignan et du Wisconsin (Tyrrell etCrow, 1994b), le taux de mortalité varie de 2 à8,4 (moyenne 4,8) tiges/ha/an (diamètre : cha-blis > 20 cm et volis >10 cm), soit en moyenne1% du nombre de tiges vivantes par an. Franklinet al. (1987) et Tyrrell et Crow (1994b), en com-parant la littérature américaine, confirment cedernier ordre de grandeur.
Taux de mise au sol des volis et arbresentiers morts sur pied
Dans une tremblaie boréale, Lee (1998) a esti-mé à 9 à 21 % des volis le taux annuel moyen demise au sol, la plupart des mises au sol s’effec-tuant entre 10 et 20 ans après la mort. Tyrell etCrow (1994b), dans des forêts mixtesPruche/feuillus fonctionnant principalement parmortalité naturelle sur pied, montrent la frag-mentation de 2,1 volis/ha/an et la mise au sol de1,3 volis/ha/an.
Taux de décomposition du bois au sol
Le taux de décomposition du bois au sol dépendessentiellement de :- la nature du bois, variant beaucoup en fonc-
tion des essences, et entre les conifères, lesfeuillus à bois dur et les feuillus à bois tendre ;
- Les méso et micro climats (température ethumidité) qui déterminent l’activité desdécomposeurs, notamment l’activité micro-
bienne initiale. Ainsi, un arbre peu en contactavec l’humidité du sol (exemple d’un volis surdes éboulis secs) se dégradent plus lentementqu’un arbre au sol dans une station humide.
Le bois mort est généralement analysé en rete-nant une classification des stades de décompo-sition du bois mort en 4 ou 5 classes définiessuivant des critères visuels de structure(% d’écorce présente, présence des branches depetits diamètres, % des bois au sol, niveau defragmentation par les pourritures, degré decolonisation, degré d’incorporation au sol de lamatière organique…). Dans le détail, les fac-teurs influençant la décomposition ou l’accu-mulation du bois mort étant nombreux et com-plexes, nous n’aborderons pas ce sujet ici, d’au-tant que la majorité des recherches restent àfaire en France.
Dans une tillaie-charmaie de la réserve intégra-le du Parc National de Bialowieza (Pologne),Falinski (1978) estime à 2,9 m3/ha/an le taux dedécomposition annuel (calcul sur 10 ans).
Aux U.S.A., la dégradation du bois de nom-breuses espèces a été étudiée de façon détaillée(voir synthèse et modélisation de Xiwei Xin,1999 pour l’Amérique du nord). Ainsi, parexemple, il a été estimé deux variables :- le taux de décomposition annuel de l’espèce,
variant de moins de 1% à environ 10% pour lagrande majorité de espèces ;
- la demi-vie du bois mort, c’est à dire la duréenécessaire à la décomposition de la moitié duvolume. Celle ci varie par exemple de moinsde 10 ans pour certains érables, bouleaux ettrembles à près de 100 ans pour le Douglas(Tyrrell et Crow, 1994b).
1 9
… u n e l a c u n e d e s f o r ê t s g é r é e s .
LE BOIS MORT DANS LES FORÊTS GÉRÉES
Le volume de bois mort dans les forêts de pro-duction est très faible en Europe de l’ouest(tableau 3). En France, il ne dépasse que trèsrarement 5 m3/ha. 75% des forêts françaises nepossède aucun bois mort, 90% en possèdemoins de 5 m3/ha (figure 4).
La distribution spatiale (dans le peuplement,dans le bassin versant, dans les régions) est trèsfragmentaire et discontinue. Or, la continuité del’habitat “bois mort” est indispensable à la via-
bilité des populations de nombreuses espècespeu mobiles, à cause de leur structuration enmétapopulations.
Les forêts avec un fort volume de bois mort sontprincipalement situées dans des zones peu pro-ductives et/ou peu accessibles par les enginsmécanisés d’exploitation, notamment en mon-tagnes (figure 4 et 5). Les gros chablis ou volis(>40 cm de diamètre) conservés en forêt sont trèspeu nombreux. Les bois morts sont principale-ment des petits bois datant de chablis récents. Lesbois morts anciens sont peu fréquents.
Vers une gestion écologiquedu bois mort en forêt
Volume de Nature de la donnée Note Sourcesbois mort (m3/ha)
France 2,23 Moyenne nationale Analyse nationale Vallauri et Poncet, 2002
6,75 Maximum départemental (Savoie) Forêts dites de production(93% des forêts françaises)D>7 cm
Allemagne 1 à 3 Moyenne régionale (Bavière) Forêts de production seulement Ammer, 1991
Belgique 3,3 Moyenne régionale (Wallonie) Forêts feuillues seulement Lecomte, 2000
Suisse 12 Moyenne fédérale 1999 Analyse nationale Brassel et Brändli (ed.),
4,9 Moyenne région “Plateau” 1999 D>12 cm 1999
11,6 Moyenne région “sud des Alpes” 1999
12,2 Moyenne région “Préalpes” 1999
19,5 Moyenne région “Alpes” 1999
Finlande 2-10 Moyenne forêts de production - Siitonen, 2001
Suède 6,1 Moyenne nationale Analyse nationale Fridman et Walheim,
12,8 Maximum régional (nord) D >10 cm 2000
Ta b l e a u 3 . Volume moyen national du bois mort en forêts dans quelques pays européens
2 0
L e b o i s m o r t , …
F i g u r e 4Répartition des surfaces forestières par classe de volume de bois mort (d’après Vallauri et Poncet, 2002).
F i g u r e 5Distribution départementale du volume moyen de bois mort par ha (d’après Vallauri et Poncet, 2002). Volume moyen départemental en m3/ha et nombre de département dans la classe entre parenthèses.
2 1
… u n e l a c u n e d e s f o r ê t s g é r é e s .
PROPOSITIONS
D’ORIENTATIONS TECHNIQUES
Des normes sylvicoles pour conserver lebois mort ?
Certains gestionnaires forestiers ont édictédepuis quelques années des conseils sylvicolesde façon à guider la gestion du bois mort.L’Office National des Forêts, dans sonInstruction sur la prise en compte de la biodi-versité (ONF, 1993) note par exemple que “lemaintien de quelques arbres sénescents oumorts (au moins un par ha) est très favorable àla biodiversité”, sans préciser ni de diamètreminimum, ni de volume, ni d’essence, ni deforme (chablis, volis, arbre entier mort surpied), ni de modalités (groupe d’arbres chablis,arbres isolés, dispersés,…). Quant aux arbrescreux, “on peut recommander d’en conserver,de l’ordre de 1 à 10 pour 5 ha, bien répartis”(ONF, 1993). Le guide technique ONF (1998)précise les éléments de choix des arbres mortsou à cavités (diamètre >35 cm, cavité de dia-mètre > 3 cm). Après les tempêtes, le WWF-France a préconisé de profiter de l’opportunitéofferte pour conserver à coût nul au minimum 2chablis et 2 volis à l’ha d’essence indigène.
Sur le continent nord américain, le ministère desforêts de Colombie britannique ou l’USDAForest service ont émis également de nombreusesnormes en fonction des régions et des types deforêts. Par exemple, dans le sud-ouest des Etats-Unis (Arizona et Nouveau Mexique), il estrecommandé par les services forestiers depuis1996 de conserver dans les pinèdes à Pinus pon-derosa et les forêts mixtes de conifères respecti-vement 4,9 et 7,4 volis et arbres entiers morts surpied par hectare ayant un diamètre minimumsupérieur à 46 cm et une hauteur d’au moins 9mètres (Ganey, 1999). Ces recommandations ontété définies en fonction des besoins principauxdes espèces de rapaces menacées de la région. Ilsemble toutefois que cette norme soit encoreassez peu appliquée et doive être affinée pourmieux refléter le taux de mortalité pour produireun tel habitat (Ganey, 1999).
Que préconiser en France à la lumière des don-nées présentées ci-dessus ? “Combien faut-ilplanter d’arbres morts à l’ha ?” demandait, il y aquelques années, un forestier soucieux de tourneren dérision la préoccupation environnementale (leforestier 2002 ne sait-il véritablement que plan-ter ?). “Où et comment ?” pourrions-nous ajouter.
Nous faisons ci-après une première proposition :- une règle de base : mieux gérer ce qui meurt
naturellement, c’est à dire laisser la chance àune partie des arbres de mourir de leur mortnaturelle (vieillesse, chablis, volis non enlevé).Il nous semble inutile, sauf pour étude ou avecune argumentation scientifique sérieuse, d’arti-ficialiser davantage la forêt en coupant desarbres ou en créant des volis à la tronçonneuse,comme il est possible de le voir dans certainesrégions du monde sous le prétexte de “hâter”l’œuvre de la nature. Cela est d’autant plusdangereux que les connaissances sur la structu-re et la dynamique du bois mort des écosys-tèmes sont faibles en France ;
- un souhait : que la recherche scientifique fran-çaise s’attelle à l’approfondissement desconnaissances pour mieux approcher la com-plexité et la variabilité entre les différents éco-systèmes forestiers français, de façon à adapterla proposition générale qui suit à la productivi-té et au fonctionnement écologique de chacun ;
- une proposition générale : sans attendre, fairele choix de restaurer, par la rétention progressi-ve au fur et à mesure de la mortalité desessences indigènes, un compartiment de boismort égal à 15 m3/ha, soit environ 1/3 du volu-me minimum généralement présent dans uneforêt naturelle. Cette rétention peut débuter parune première tranche immédiate de 5 à10 m3/ha. Cette dernière préconisation est iden-tique à celle faite par Ammer (1991) au regarddes besoins des coléoptères saproxylophagesen Bavière. En France, elle peut se mettre rapi-dement en œuvre en tirant notamment profitdes nombreux chablis récents. Cette premièrephase cherchera à combler si possible la fortelacune en gros arbres, en conservant au mini-mum 2 chablis et 2 volis de diamètre supérieurà 40 cm par ha pour leur fort potentiel cavicole
2 2
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et saproxylique. La conservation d’un nombreégal de chablis et de volis est artificielle mais apour objectif principal de diversifier rapide-ment les micro-habitats et d'initier de nouvelleschaînes trophiques.
- des itinéraires sylvicoles : en fonction d’unetypologie succincte des situations du compar-timent bois mort dans les forêts françaises,des conseils plus détaillés sont présentés dansle tableau 4. Ils intègrent à la fois des itiné-raires pour les forêts de production, pour lesforêts méritant une mise en réserve et aprèsles chablis récents.
La non-exploitation des forêts protégées
Les forêts les mieux protégées dans les zonescentrales de parc national, les réserves natu-relles et les réserves biologiques dirigées ouintégrales sont un outil clé pour le maintien dela biodiversité, celle dépendant du bois mort en
particulier. Ces espaces forestiers protégés(catégories I à IV de l’UICN) représententactuellement en métropole une surface égale à172 000 ha, soit 1,09% des forêts françaises(Vallauri et Poncet, 2002).
Aussi, il nous semble qu’un effort est à entre-prendre par les gestionnaires en charge de cesespaces naturels pour mieux prendre en comptela problématique du bois mort (et de la naturalitéen général), et notamment mettre en applicationun principe de non-exploitation du bois de façonà améliorer conjointement la biodiversité et lanaturalité des écosystèmes forestiers.
L’augmentation à court terme du volume de boismort à plus de 20 m3/ha dans ces espaces fores-tiers protégés, dont l’objectif premier est laconservation de la biodiversité, permettrait sansdoute à elle seule d’améliorer significativementla biodiversité liée aux bois morts.
2 4
L e b o i s m o r t , …
TOUTE POLITIQUE A UN COÛT.
La proposition consistant à conserver en forêts15 m3/ha de bois mort à long terme, en com-mençant par restaurer un volume de 5 à 10m3/ha dans l’immédiat, dont 2 chablis et 2 volisde plus de 40 cm de diamètre par ha, ne présen-te pas de coût additionnel, mais un manque àgagner que l’on peut chiffrer. Ce coût est desti-né à la restauration de la biodiversité appauvriepar la gestion passée.
Notons en préalable que maintenir un taux debois mort de 15 m3/ha dans toutes les forêts deproduction correspondrait approximativement àun volume national de bois mort de 225 millionsde m3 contre 30 millions de m3 actuellement(Vallauri et Poncet, 2002). Une partie des 140millions de m3 de chablis des tempêtes de 1999,celle qui reste aujourd’hui encore au sol, pour-rait judicieusement être mise à profit si l’onincitait à nettoyer les parcelles différemment.En effet, les cahiers des charges régionaux pourl’obtention des financements publics “tem-pêtes” mis à disposition des propriétaires fores-tiers ne prennent jamais en compte ces aspectsenvironnementaux. Une opportunité irrempla-çable est en train d’être gâchée alors que lecontribuable investit de 900 à 1800 euros/hapour aider les propriétaires à “nettoyer” les par-celles endommagées par la tempête.
Si l’on considère la perte de production (bois),la proposition de conserver 15 m3/ha de boismort en forêt correspond :- à un manque à gagner, lié à la restauration du
compartiment bois mort, égal à 45 euros/ha/ansur les 20 prochaines années (à 60 euros le m3
de bois sur pied). Il est évident que ce coûtpeut être grandement réduit par le fait que leschablis ont une occurrence inévitable et pré-sentent un surcoût d’exploitation significatif.Ne pas les exploiter systématiquement,n’améliore pas les recettes mais peut diminuerles dépenses dans les comptes d’exploitationde la forêt ;
- une fois ce compartiment bois mort de15 m3/ha restauré, le manque à gagner induitpar le renouvellement de ce capital de boismort se décomposant est égal à moins de0,5 m3/ha/an pour la majorité des essences,soit environ 30 euros/ha/an (à 60 euros le m3
de bois sur pied) ;
Notons que cet investissement n’est pas unique-ment bénéfique à la conservation de la biodiver-sité, mais également à l’amélioration de la ferti-lité forestière, au stockage du carbone, à la régé-nération, à la faune chassable, à l’équilibre despopulations de ravageurs…
Ecologiquement correctcontre
socio-économiquement durable ?
2 5
… u n e l a c u n e d e s f o r ê t s g é r é e s .
ET LE PRIX DE LA FIXATION
DU CARBONE PAR LE BOIS MORT ?
En préalable, notons que, dans le cadre de lalutte contre l’effet de serre, la stratégie “curati-ve” consistant à se satisfaire, en compensationdes émissions nouvelles de C02, de la créationde “puits de carbone” en forêt ne nous semblepas la réponse la plus pertinente : seul uneréduction des émissions de C02 est susceptiblede résoudre durablement la question de l’effetde serre. Ceci d’autant plus que, fausses solu-tions également, les préconisations pour lespuits de carbone s’appuient le plus souvent surle reboisement artificiel (proposition de 30 000ha/an pour le plan d’action français), le plussouvent en essences à croissance rapide et exo-
tiques. Au-delà des problèmes intrinsèquesinduits par ce choix sylvicole (et les méthodesmécaniques et chimiques associées), le stockagedu carbone n’est pas réalisé de façon durabledans ces plantations à courte rotation puisqueleurs arbres comme les éco-produits engendréssont d’une durée de vie souvent faible (bois defeux, papiers, panneaux,…), libérant rapide-ment de nouveau du carbone. Au-delà de latransformation de l’espace rural en poubelle àcarbone par des reboisements artificiels, n’y a t-il pas d’autres alternatives ?
Revenons donc aux sources du carbone dansl’écosystème forestier naturel ? Rappelons quele volume sur pied non exploité, mais aussi lebois mort et le stockage de la matière organique
Les scolytes attaquent !
Le bois mort est-il le lieu de proliférationdes ravageurs forestiers sur les arbresvivants ? Laissons la parole à Louis-MichelNageleisen, spécialiste du Départementde la Santé des forêts du Ministère del’Agriculture et de la Forêt :“ Les insectes ravageurs forestiers sontbiologiquement inféodés aux seuls arbresvivants. Au nombre de quelques dizainesd’espèces, ils peuvent être classés enravageurs primaires et ravageurs secon-daires selon leur capacité à coloniser res-pectivement un arbre vigoureux ou unarbre affaibli, c’est-à-dire selon leur capa-cité à surpasser les réactions de l’arbrevivant. (…) Ces insectes se nourrissent detissus vivants et laissent la place àd’autres cortèges, les insectes saproxylo-phages, lorsque leur hôte meurt. (…) Lesinsectes saproxylophages qui se succè-dent depuis l’arbre récemment mort àl’arbre réduit à l’état de matière organiquedécomposée appartiennent à de très nom-breuses familles et comptent des milliers
d’espèces, toutes incapables d’investirdes tissus vivants. (…) De fait, les arbresmorts anciens ne présentent aucun dan-ger pour la forêt. Au contraire, plusieursétudes semblent montrer qu’ils abritent uncortège important de parasitoïdes et pré-dateurs qui excercent un certain contrôledes populations d’insectes ravageurs.Seuls les arbres en train de mourir ourécemment mort, qui peuvent pendant uncours laps de temps héberger encore desravageurs secondaires, présentent éven-tuellement un danger à évaluer selon l’es-sence, les insectes et leur niveau de popu-lation ” (Nageleisen, 2002).
2 6
L e b o i s m o r t , …
dans le sol représentent trois compartiments cléstockant de nombreux éléments minéraux, dontle carbone. Sur une vaste surface de forêt natu-relle et dans des conditions climatiques stables,on peut considérer que le cycle du carbones’équilibre. L’effet " puits " est nul, car le car-bone stocké par la croissance des arbres estrepris dans le cycle par suite de la décomposi-tion du bois mort et la respiration des microor-ganismes. Le stock de carbone est en équilibreet il est donc primordial de limiter la déforesta-tion des forêts encore vierges, notammentboréales et tropicales, action qui libérerait beau-coup de carbone.
Par contre, le carbone stocké dans nos forêtsartificielles ou semi-naturelles a été réduit. Dansces forêts, les deux premiers compartimentscités ci-dessus (volume sur pied non exploité, lebois mort) sont plus faibles que dans les forêtsnaturelles. Nous venons de voir que entre 40 et150 m3/ha de bois mort manquent le plus sou-vent dans nos forêts semi-naturelles. Le volumesur pied (moyenne de 147 m3 Bois Fort/ha)serait lui aussi en moyenne inférieur d’un fac-teur 3 par rapport aux valeurs connues pour lesforêts naturelles européennes (Dupouey et al.2000). Le dernier compartiment (stockage de lamatière organique dans le sol) a très largementété appauvri par l’usage centenaire des sols(usages agricoles ou pastoraux anciens, érosiondes horizons humifères, voir plus récemmentpar la sylviculture intensive).
En conclusion, une restauration progressived’un fonctionnement naturel du cycle du carbo-ne dans nos forêts présente un équivalentsérieux aux “puits de carbone” par reboisementsartificiels. Un calcul rapide permet d’ébaucherdeux alternatives à la pensée unique des puits decarbone par reboisement artificiel :
- l’augmentation à 15 m3/ha du volume de boismort dans toutes nos forêts semi-naturelles(actuellement égal à 2,2 m3/ha en moyenne)permettrait de mobiliser en l’espace dequelques années l’équivalent du carbone fixéen 50 ans par 30 000 ha de reboisements arti-ficiels (soit 1,4 MtC/an selon Dupouey et al.,2000). Ce choix est des plus réaliste puisqu’ilexiste en Europe des pays ou des régions, deSuisse par exemple, présentant une moyennede bois mort supérieure ;
- la création de trois réserves intégrales de clas-se européenne (surface écologiquement trèsintéressante de 10 000 ha) à partir d’une forêtsemi-naturelle productive (mais pauvre enbois mort) et sa libre évolution (calcul sur 80ans, temps pour qu’une forêt non exploitéeacquière une forte naturalité, un taux de boismort important et vieillisse sur pied), équivau-drait, en première approximation, à fixer auminimum autant de carbone que les 30 000 hade reboisement artificiel prévus par le MATEn’en fixeraient en 50 ans (soit 1,4 MtC/an).
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… u n e l a c u n e d e s f o r ê t s g é r é e s .
Sécurité et responsabilité en forêt
Selon certains forestiers, "dans une forêt natu-relle, les branches mortes suspendues dansles airs menacent le promeneur désorientédans un spectacle de désolation". De plus laresponsabilité juridique du propriétaire estengagée pour tout accident (promeneur bles-sé, dégât matériel sur un véhicule,…). Le rac-courci est donc vite fait : il n’est pas envisa-geable pour des raisons de sécurité de conser-ver des arbres morts, sauf de façon anecdo-tique. Attardons-nous donc sur un dangerbeaucoup moins réel pour le touriste en forêtque pour le propriétaire face à une société pro-cédurière refusant tout risque naturel.
• QUELQUES ÉLÉMENTS POUR UNE ANALYSE RAISONNÉELa forêt par temps de grands vents et de tem-pêtes est un milieu naturel dangereux. Toutefois,avec raison, les grands mammifères savent trou-ver refuge dans les clairières dans ces condi-tions. Les promeneurs doivent, quel que soit letype de forêts, comprendre cette prudencenécessaire par grand vent et après les tempêtes.En dehors de ces conditions extrêmes, la pro-babilité pour qu’un promeneur voit tomber unarbre dans une forêt est très faible. En France,les arbres tombent à 99% suite à une pertur-bation (comme une tempête ou, surtout, l’ex-ploitation forestière). Qu’il se trouve sousl’arbre qui tombe encore plus. De plus, endehors des parcs périurbains sur-fréquentés,notons que le promeneur ne sort pas des che-mins balisés, à plus de 90%.
Probabilité en forêt exploitée avec et sans bois mortLa probabilité est plus forte en forêt exploitée,puisqu’il y a des activités d’abattage justement.Rappelons que près de 400 accidents graves et2500 accidents avec arrêt maladie touchentchaque année les professionnels de l’exploita-tion forestière. Malgré l’exploitation, la proba-bilité qu’un accident arrive à un promeneurdans ces conditions est pourtant dans la réali-té française nulle en forêt exploitée. Pour cequi est des loisirs en forêt le nombre de mortsou accidents graves relève surtout d’acci-
dents de chasse (plusieurs dizaines par an).Maintenir 4 gros arbres morts à l’ha signifie unemise au sol naturelle très inférieure à 0,4arbres/an. Cela correspond à augmenter de 1pour 1,3 milliard la probabilité pour qu’un pro-meneur traverse sur le chemin un jour sans ventdans la minute où l’arbre tombe dans l’ha. Et lepromeneur ne sera pas touché si quelquesmesures de précaution sont prises justementpour exploiter les volis à proximité des chemins.
Probabilité en forêt naturelle En forêt naturelle, dans une réserve naturelleintégrale ancienne par exemple, il existe envi-ron 40 à 140 arbres morts par ha, avec une pro-duction annuelle de 2 à 10 arbres/an. La fré-quentation est régulée, orientée, voire régle-mentée dans certaines zones (exemple : inter-diction de sortir des chemins). Le même calculde probabilité est supérieur de 5 à 25 fois, maisreste faible (1 pour 260 millions à 1 pour 52millions). Le nombre de chemin est plus faibleou doit tendre à le devenir. Dans la réalité desréserves naturelles françaises, aucun accidentn’est à déploré pour cette raison.
• CONCLUSIONDe façon raisonnable, l’ONF dans son “Instruc-tion sur la prise en compte de la diversité bio-logique” (1993) note qu’il est souhaitable d’« éviter le maintien de vieux arbres à proximitéimmédiate des chemins et des lieux de grandefréquentation ». Cela nous semble une pruden-ce nécessaire et suffisante, sans limitation denombre d’arbres mort à l’hectare et de taille.
2 9
… u n e l a c u n e d e s f o r ê t s g é r é e s .
Conclusion et perspectives
Aujourd’hui, par la loi, la responsabilité duforestier recouvre aussi la gestion de la vie desforêts, la diversité de la faune et de la flore. Ordans l’écosystème, la vie et la mort sont liée : lebois mort est indispensable à la vie d’une kyriel-le d’espèces animales et végétales. Une forêtnaturelle contenant au minimum 40 m3/ha debois mort en décomposition est bien plus richeen biodiversité qu’une plantation artificielle deconifères contenant ni bois mort, ni sous-bois.
Pour faire évoluer la gestion forestière, deuxvoies complémentaires s’offrent au forestier :
- la protection de forêts libres de toute exploita-tion, dans lesquelles le fonctionnement natu-rel (dont les cycles géochimiques) ne sont pasperturbés ou tronqués. Ceci peut être entreprispar la modification de la gestion forestièredans les espaces protégés (zones centrales deparc national et réserves naturelles ou biolo-giques notamment) et la création de nouvellesréserves naturelles, notamment intégrales etde grande surface (bassin versant), commedemandé par 224 scientifiques dans leur“Appel des scientifiques pour la protectiondes forêts en France” (septembre 2001,www.multimania.com/appelscience/appel.html)
- l’amélioration de la gestion forestière couran-te, en prescrivant des règles de gestion per-mettant de maintenir les micro-habitats néces-
saires à la vie des espèces dépendant desarbres âgés, des cavités et du bois mort endécomposition. Compte tenu des donnéesquantitatives présentées précédemment et dela biologie des espèces considérées, il est évi-dent qu’il ne s’agit pas seulement de mainte-nir un arbre de petit diamètre à l’ha pour amé-liorer significativement les conditions d’ex-pression de la biodiversité. D’un point de vuescientifique, il s’agit de penser pour chaqueespèce ou groupe d’espèces aux micro-habi-tats offerts, en terme de nombre, de diversité,de qualité et de dynamique dans l’espace et letemps. D’un point de vue pratique, le maintiende 15 m3/ha de bois régulièrement réparti(dont 2 chablis et 2 volis de diamètre > 40 cmpar ha) et la mise en place d’îlots de vieillis-sement permanents et en densité suffisantesont susceptibles d’améliorer très rapidementla biodiversité.
Les recherches récentes sur le sujet des boismorts sont rares en France dans les forêts gérées(voir Pichery, 2001 pour une étude récenteappliquée à la régénération), comme dans lesréserves intégrales (voir Garrigue et Magdalou,2000). Des recherches complémentaires avecsuivi écologique d’espèces indicatrices surquelques applications de terrain sont doncnécessaires pour affiner et adapter à la diversitéde nos écosystèmes forestiers la pertinence deces premières propositions.
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Crédits photos :
- J. Travé, Réserve Naturelle de la forêt de Massane :page 10 (en haut à droite).
- J. Garrigue, Réserve Naturelle de la forêt de Massane :page 10 (à gauche et en bas à droite), pages 12 et 25.
- D. Vallauri, WWF-France : pages 1, 7, 11 (à gauche), 13 et 27.
- Timo Väre/Luontokuvat : page 11 (à droite).
Maquette : Sambou-Dubois
Résumé. Le bois mort est une composante essentielle des forêts naturelles, qui est absente de la
plupart des forêts gérées (seulement 2,23 m3/ha en France en moyenne, 75 % des forêts françaises sans
bois mort). Cette lacune met en difficulté une biodiversité spécifique, riche et originale par la perte d’habitats
ou de nourriture, notamment pour les communautés d’espèces cavicoles et saproxyliques. Elle présente des
répercussions sur le fonctionnement de l’écosystème (cycles géochimiques, productivité). Ce rapport est
une synthèse de la littérature scientifique sur le compartiment bois mort, sa biodiversité, son rôle écologique
et sa description quantifiée à partir de données fournies par l’étude de forêts naturelles de référence
(réserves intégrales tempérées). Une forêt naturelle comptent de 40 à 200 m3 de bois mort par hectare, de 40
à 140 arbres morts par ha, d’une dizaine à près de 40 volis par ha, plus de 10 arbres par ha présentant au
moins une cavité. Quelques éléments de la dynamique naturelle du bois mort sont analysés. Après une brève
comparaison chiffrée de la situation actuelle du
compartiment bois mort dans les régions
françaises et l’Europe, des propositions
sylvicoles sont formulées : un objectif pour les
forêts gérées égal à 15 m3/ha à moyen terme,
dont 5 à 10 m3/ha dès que possible, comprenant
2 chablis et 2 volis à l’ha de diamètre supérieur à
40 cm. Elles sont discutées et économiquement
chiffrées pour participer à restaurer un
compartiment bois mort susceptible de
permettre la conservation durable de la
biodiversité dépendant du bois mort.
Summary. Deadwood is a main component of
old-growth forests, which is lacking in most of
the managed forests (only a mean of 2.23 m3/ha
in France, 75% of French forest with no
deadwood). This gap threatens a dependant,
rich and original biodiversity by the loss of
habitats and food, especially communities of
cavity dwellers and saproxylic species. It
presents severe repercussions on ecosystem
function (geochemical cycles, productivity). This
article reviews the scientific literature on
deadwood, its biodiversity, its ecological role
and its quantitative description from data
provided by the study of reference forests (old-
growth temperate forests). An old-growth forest
contains from 40 to 200 m3 of deadwood per ha,
from 40 to 140 dead trees per ha, from 10 up to
40 snags per ha, more than 10 trees per ha with
at least one cavity. Some components of the
natural dynamics of deadwood are analysed.
Following a brief comparison to the current
situation of deadwood in French regions and
Europe, some management propositions are
presented : a goal for managed forest equal to
15 m3/ha at mid-term, and 5 to 10 m3/ha as soon
as possible, with 2 uprooted trees and 2 snags
per ha with a diameter superior to 40 cm. They
are discussed and economically valuated in
order to help the restoration of the amount of
deadwood compulsory for the conservation of
the biodiversity depending on deadwood.
Le bois mort, un attribut vital de la biodiversité de la forêt naturelle, une lacune des forêts gérées
Deadwood, a vital attribute of old-growth forest biodiversity,a gap in managed forests.
Daniel VallauriWWF-France188 rue de la Roquette, 75011 ParisTél. : 00 33 (0)1 55 25 84 84Fax : 00 33 (0)1 55 25 84 74e.mail : [email protected]
Jean AndréUniversité de Savoie, LDEA73376 Le Bourget-du-Lac cedexe.mail : [email protected]
Jacques BlondelCEFE-CNRS UPR 90561919 route de Mende34293 Montpellier cedex 5e.mail : [email protected]