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RECHERCHE EXPÉRIMENTALE ET PROTECTION DE L’ANIMAL DE LABORATOIRE Bulletin d’Information N° 47 - Juin 2013 ISSN 1260-7444 Le 4 e R selon l’OPAL La responsabilité de tous les acteurs de l’expérimentation animale Sommaire NUMÉRO SPÉCIAL COLLOQUE DU 4 AVRIL 2012 1. Rôle et responsabilité : des mots pour le dire..... 3 2. Les différentes facettes de la responsabilité envers les animaux..........................................7 3. Le rôle des acteurs selon les textes ................12 4. La responsabilité du concepteur de projet .....17 5. La responsabilité du technicien en expérimentation animale ...............................20 6. La responsabilité de la personne chargée des soins aux animaux et celle de la structure chargée du bien-être animal ...........................21 7. La responsabilité de l’établissement d’expérimentation animale ...........................25 8. La responsabilité du comité d’éthique ...........31 9. L’obligation de compétence des acteurs de l’expérimentation animale .............................32 Conclusion .........................................................35 L es buts de l’OPAL - organisation de profes- sionnels de l’expérimentation animale du secteur privé et du domaine académique - sont de contribuer au développement de méthodes substi- tutives fiables et d’améliorer les règles et bonnes pratiques dans le domaine de l’expérimentation animale ; autrement dit œuvrer pour une prise en compte encore meilleure de la fameuse règle des 3 R de Russell et Burch. C’est ainsi que ces dernières années l’OPAL a organisé des colloques sur ce thème des 3 R : 2003 – Le Remplacement avec notre regrettée Chantal Autissier comme présidente 2008 – La Réduction, présidé par Pierre Tambourin 2010 – Le Raffinement, présidé par Axel Kahn À présent, nous ajoutons un 4 e R « La Responsa- bilité de tous les acteurs de l’expérimentation animale » Ce thème est tout particulièrement d’actualité avec la mise en application récente de la Directive 2010/63. En effet, au-delà des textes réglementaires et normatifs qui encadrent la démarche expérimentale, l’OPAL estime qu’il existe un espace dans lequel le propre jugement des acteurs concernés doit pouvoir s’exprimer. Cette responsabilité, loin d’induire une liberté qui permettrait une attitude laxiste ou trop autori- taire, est exigeante, volontaire et doit aider à mieux protéger les animaux tout en favorisant une recherche expérimentale de qualité. Ce colloque doit permettre à ceux qui adhèrent à l’idée que le respect des textes réglementaires engendre certes le bon droit, de considérer néan- moins comme nécessaire de réfléchir à la liberté dont les personnels disposent pour s’impliquer avec discernement et compétence et travailler ainsi avec une bonne conscience. La réussite d’un colloque tient en grande partie à la personnalité de son président. Nous remer- cions Bernard Andrieux de nous avoir fait l’honneur et l’amitié d’introduire cette manifes- tation et d’en avoir assuré l’animation. Nous savons tous que le thème traité ici lui tient parti- culièrement à cœur.

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RECHERCHE EXPÉRIMENTALEET PROTECTION DE L’ANIMAL DE LABORATOIRE

Bulletin d’Information N° 47 - Juin 2013

ISSN 1260-7444

Le 4e R selon l’OPALLa responsabilité de tous les acteurs de l’expérimentation animale

Sommaire

NUMÉRO SPÉCIAL COLLOQUE DU 4 AVRIL 2012

1. Rôle et responsabilité : des mots pour le dire.....3

2. Les différentes facettes de la responsabilitéenvers les animaux..........................................7

3. Le rôle des acteurs selon les textes................12

4. La responsabilité du concepteur de projet .....17

5. La responsabilité du technicien enexpérimentation animale...............................20

6. La responsabilité de la personne chargée dessoins aux animaux et celle de la structurechargée du bien-être animal...........................21

7. La responsabilité de l’établissementd’expérimentation animale ...........................25

8. La responsabilité du comité d’éthique ...........31

9. L’obligation de compétence des acteurs del’expérimentation animale .............................32

Conclusion.........................................................35

Les buts de l’OPAL - organisation de profes-sionnels de l’expérimentation animale du

secteur privé et du domaine académique - sont decontribuer au développement de méthodes substi-tutives fiables et d’améliorer les règles et bonnespratiques dans le domaine de l’expérimentationanimale ; autrement dit œuvrer pour une prise encompte encore meilleure de la fameuse règle des3 R de Russell et Burch.

C’est ainsi que ces dernières années l’OPAL aorganisé des colloques sur ce thème des 3 R :2003 – Le Remplacement avec notre regrettée

Chantal Autissier comme présidente2008 – La Réduction, présidé par Pierre

Tambourin2010 – Le Raffinement, présidé par Axel Kahn

À présent, nous ajoutons un 4e R « La Responsa-bilité de tous les acteurs de l’expérimentationanimale »

Ce thème est tout particulièrement d’actualitéavec la mise en application récente de laDirective 2010/63. En effet, au-delà des textes

réglementaires et normatifs qui encadrent ladémarche expérimentale, l’OPAL estime qu’ilexiste un espace dans lequel le propre jugementdes acteurs concernés doit pouvoir s’exprimer.

Cette responsabilité, loin d’induire une liberté quipermettrait une attitude laxiste ou trop autori-taire, est exigeante, volontaire et doit aider àmieux protéger les animaux tout en favorisantune recherche expérimentale de qualité.

Ce colloque doit permettre à ceux qui adhèrent àl’idée que le respect des textes réglementairesengendre certes le bon droit, de considérer néan-moins comme nécessaire de réfléchir à la libertédont les personnels disposent pour s’impliqueravec discernement et compétence et travaillerainsi avec une bonne conscience.

La réussite d’un colloque tient en grande partieà la personnalité de son président. Nous remer-cions Bernard Andrieux de nous avoir faitl’honneur et l’amitié d’introduire cette manifes-tation et d’en avoir assuré l’animation. Noussavons tous que le thème traité ici lui tient parti-culièrement à cœur. n

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MAISON DE LA CHIMIE28, RUE SAINT-DOMINIQUE

75007 PARISwww.opal-association.org

COLLOQUE

SOUS LA PRÉSIDENCE DEBERNARD ANDRIEUX

4 AVRIL 2012

RECHERCHE EXPÉRIMENTALEET PROTECTION DE L’ANIMAL DE LABORATOIRE

Remplacer, Réduire, Raffiner...

Le 4e R selon l’OPAL :

la Responsabilité des acteursde l’expérimentation animale

Remplacer, Réduire, Raffiner...

Le 4e R selon l’OPAL :

la Responsabilité des acteursde l’expérimentation animale

RECHERCHE EXPÉRIMENTALEET PROTECTION DE L’ANIMAL DE LABORATOIRE

AVEC LE SOUTIENDU MINISTÈRE

DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURET DE LA RECHERCHE

RemerciementsCe colloque a été parrainé par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche,ce qui est une reconnaissance des actions conduites par l’OPAL. D’autre part, et pour lapremière fois, nous avons sollicité des sponsors pour soutenir cette manifestation et nous lesremercions très sincèrement pour leur implication. Nous remercions également lesconférenciers pour leur participation active à ce colloque et le texte ou le résumé de leurintervention.

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Rôle et responsabilité : des mots pour le dire

Lors du dernier colloque de l’OPAL j’avaiseu l’occasion de montrer que les 3 R,désormais réglementaires, limitaient les

techniques, mais peu les hommes alors qu’ilconvenait de surtout s’intéresser aux acteurs del’expérimentation animale particulièrement parcequ’il me semblait que la responsabilité individuel-le devait être la première assise de l’action humai-ne, la compétence technique étant secondaire,même si d’aucuns plaident que ce soit l’inverse,car elle découlait à mon sens de la première.Cet angle de vue ne déplut pas à l’OPAL qui déci-da d’en faire son thème pour le Colloque d’au-jourd’hui, et de surcroît a eu la gentillesse dem’afficher président ce qui me touche beaucoup,je tiens à le dire aux organisateurs.Néanmoins, le Quatrième R n’est pas toujours trèsbien compris, et il nous a paru utile, en préparantcette journée, qu’une explication lexicale s’imposepour en limiter le concept. Ce sera l’objet de monintervention dont l’ambition est que dans la suitede la journée nous évitions toute dérive verbale, etaussi, que je puisse annoncer le débat qui clôture-ra l’après-midi grâce à vos interventions et à votreénergie que je vous propose donc d’économiserdès maintenant pour en avoir encore ce soir.Le pourquoi de cette précaution de vocabulairetient au fait que la responsabilité est toujours asso-ciée, de façon fusionnelle dans le langage courant,avec le rôle. D’ailleurs quand on recherche « Rôleet Responsabilité » sur Google, on vous annoncequ’il y a « environ 62 700 000 résultats ». Je les aiévidemment consultés tous et ai pu constater quejamais on ne trouve une distinction claire de cesdeux concepts.Certes, ceci traduit les habitudes verbales dugenre : « Bonjour, monsieur Raoul, quel est votrerôle dans cette boutique ? »… « Je suis responsablede l’évacuation des cartons vides »...Vous le voyez,Raoul ne dit pas « mon rôle est de jeter les car-

tons ! », mais est-il vraiment responsable ou sim-plement chargé d’évacuer les cartons ?.. c’est ceque je voudrais vous inciter à différencier pour quevous n’ayez plus d’ambiguïtés en écoutant les dif-férents conférenciers que je remercie d’embléepour la patience qu’ils ont manifestée en acceptantde se limiter à la Responsabilité telle que nousallons l’entendre aujourd’hui. Et je remercie parti-culièrement Emmanuel Picavet qui pendant desmois nous avait habitué, quand nous préparions laCharte nationale portant sur l’expérimentationanimale, à peser les mots et à en fouiller les limites.Hélas, je n’égalerai pas le maître, il le restera en lamatière, vous pourrez en juger à la fin de nos deuxprésentations et apprécier le contraste qu’il y aentre lui et moi.Dans notre langue française, le mot responsabilitéest utilisé dans deux champs très distincts : celuide la société et celui de l’esprit. D’emblée, je veuxvous dire que le champ qui va nous intéresseraujourd’hui sera le second, mais comme souventon ne définit bien un concept qu’en disant ce qu’iln’est pas, je vais décrire un peu le premier.C’est ainsi qu’aujourd’hui nous ne parlerons pasde la responsabilité civile qui engage tout auteurde préjudice à réparer les dégâts par des dom-mages et intérêts, ces dégâts pouvant être la ruptu-re d’un contrat commercial ou un malheur nondélibéré. À ce propos vous savez que dans ces casle responsable n’est pas forcément l’auteur dumalheur : un enfant casse une vitre, les parentspayent,.. un ouvrier se blesse parce que le matérielest inadapté, le patron paye,.. une branche de poi-rier tombe, c’est le propriétaire qui paye,.. unchien qui mord le laitier, c’est le maître qui paye,..tous sont responsables du fait d’un autrui dont ilssont responsables.Nous ne parlerons pas non plus aujourd’hui de laresponsabilité pénale qui concerne tout délit com-mis, volontairement et sans contrainte, par la per-

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§ LE 4e R selon l’OPAL §

Bernard ANDRIEUXAncien maître de conférences à l’Université Pierre et Marie Curieet chargé de mission sur l’expérimentation animale au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

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sonne elle-même, et de façon directe : l’enfantcasse la vitre exprès, mais son père ne va pas aupénal alors qu’il est tenu de payer la vitre aucivil….Donc, on le voit la responsabilité juridique c’estl’engagement obligatoire de l’Homme vis-à-vis desautres hommes, le coupable doit en répondre.L’ensemble des engagements que la société a misen place sont décrits dans un document qui peutêtre la loi, un contrat commercial ou une descrip-tion de poste au moment d’une embauche.On l’a compris, les descriptifs doivent être respec-tés sinon la responsabilité civile ou pénale ou d’em-bauche est engagée et aboutit à une rétorsion dontles termes ultimes sont la mise à l’écart de l’indivi-du après des ruptures de relations sociales de sonfait : prison ou remboursement ou licenciement…Ces obligations sociales enferment l’Homme dansun ensemble de devoirs qu’il doit accomplir oudans un ensemble d’erreurs qu’il ne doit pas com-mettre, c’est son rôle d’Homme social.Ce rôle est par définition écrit, d’ailleurs le mot« rôle » vient du mot « rouleau », celui sur lequel oninscrivait le nom des nouvelles recrues pourconstituer des armées : les recrues étaient enrô-lées, et se présentaient devant l’officier à « tour derôle », c’est-à-dire dans l’ordre écrit sur le rouleau.Ce mot « rôle » est resté quand on parle du rôle del’équipage d’un bateau, ou du rôle des impôts oùfigure chacun d’entre nous, peu ou prou…Bref, les hommes sont tenus de jouer leurs rôlesdans la société tels que ceux-ci sont inscrits dansdes textes. Je ferai à ce propos trois remarques.

§ Tout d’abord, curieusement, pour ne parler parexemple que des contrats d’embauche qui lientl’employeur et l’employé il y a souvent deux typesde rôle : celui lié à la fonction qui décrit les tâchesprécises et qui sont très bien formalisées, et celuilié au tempérament attendu de la personne et quiévoque des tâches très informelles,…Donnons un exemple : le rôle formel, lié à la tâche« assurer l’entretien de plusieurs lignées de souris »va être associé à un rôle très informel qui peut être« aimer acquérir des connaissances nouvelles », etsouvent va s’étendre jusqu’à un « rôle informelélargi » qui ne se cantonne plus au simple exercicepratique, mais va concerner « l’aptitude de tra-vailler en équipe ». On n’écrira jamais que « l’agentdevra aimer son chef », mais on sous-entendraqu’il faudra qu’il respecte les consignes de la hié-rarchie et, de façon discrète, par oral la plupart dutemps, on laissera entendre qu’il faut être aimable,à sa juste place, et ne pas peser sur la collectivité…On le voit, insensiblement, les limites de ce qui estécrit glissent vers le non-écrit, ce qui veut direqu’au-delà des obligations qui doivent être stricte-

ment satisfaites et de façon irréprochable, arrivetrès asymptotiquement la Responsabilité del’Homme dans la mise opérationnelle de son tra-vail. On va dire en parlant simple, que au-delà dela tâche stricte il faudra tâcher de s’appliquer às’impliquer sans se compliquer.

§ La deuxième remarque part du constat qu’il n’ya pas que dans le cadre du travail que ces deuxrôles, donc les deux responsabilités, sont associés,ils le sont aussi dans les autres relations sociales.En effet, quand on regarde bien, la Responsabilitéjuridique est en prolongation continue de la res-ponsabilité individuelle, disons de la responsabili-té morale. Celle-ci a été magnifiée dès 1810,puisque dans notre Code Pénal la personnehumaine est sacralisée au point que le coderépugne à la punition même quand la société estmenacée ! C’est ce qui explique que les juges exa-minent toujours les circonstances atténuantes quipeuvent être liées à l’âge, au génome, à l’éduca-tion, aux émotions, ou aux passions… L’homme,bien que fautif, est toujours considéré dans sa glo-balité et non pas dans son simple rôle d’acteur.On peut noter à ce propos que la Directive2010/63 magnifie désormais la nature animaledans l’attendu numéro deux, en proclamant que le« bien-être animal est une valeur européenne ».Une valeur… morale ?

§ Enfin, on pourrait penser qu’un rôle bien écrit,avec un soin particulier apporté aux aspects infor-mels de la vie collective, serait le garant d’un bonfonctionnement. C’est évidemment le cas, saufque, hélas, cette minutie va engendrer une mise enscène nocive des différents acteurs. En effet, le rôleimplique que l’acteur est investi d’un certain pou-voir. C’est le pouvoir d’être entièrement respon-sable de ce dont on le charge. Or, qui dit pouvoirdit territoire, et qui dit territoire dit défense du ter-ritoire.Si bien que, non seulement l’acteur va avoir à gérerson territoire d’action, mais il va falloir aussi qu’ilpasse du temps à défendre ce territoire qui estmenacé de toute part : approvisionnement dematière première, comparaison et jalousie des ter-ritoires voisins, ordres contradictoires ou brimadesde la hiérarchie, limite de ses compétences indivi-duelles et douleur dans le constat de cette carence.Mais il n’y a pas que la défense, il y a aussi l’at-taque des territoires adverses, pour les mêmes rai-sons que celles qui l’ont frappé. L’acteur qui étaitdevenu une proie devient lui-même un prédateur,il va passer alternativement de la situation de vic-time à celle de bourreau.

Cette dualité, je le redis, découle strictement du« rôle » qui, loin de clarifier la situation, la déstabi-

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lise. La mission du « rôle à jouer » implique quel’acteur va avoir à réagir face aux autres et parfoisface à lui-même, heureusement c’est là que la res-ponsabilité individuelle va intervenir et être d’ungrand secours. Mais avant d’en parler regardonsde quelles façons les différentes forces territorialesen présence s’affrontent…L’idéal serait que les affrontements se résolventface à face, tranquillement, mais à cause de cesjeux de pouvoir… liés aux rôles, la plupart dutemps c’est impossible.Il faut alors faire appel à un appui extérieur, qu’onva appeler le « sauveur », mais là, la situation empi-re, le triangle ainsi formé devient dramatiquecomme l’a démontré Karpman (1968). En effet lejeu de pouvoirs qui s’établit entre la victime, lepersécuteur et le sauveur ne fait généralementqu’accentuer la position de chacun en réveillant aupassage des conflits larvés, en générant des ressen-timents, et en provoquant plus d’émotions qu’il nefaudrait. La source de cette mauvaise situationtient au fait que dans un triangle de Karpman il nefaudrait pas qu’il y ait jamais un acteur qui soitsupérieur à un autre (même le sauveur, ou surtoutle sauveur), or c’est la plupart du temps ce qui seproduit. Pour se sortir, si on y est entré, duTriangle de Karpman la solution consiste à nejamais parler des faits douloureux de front, maisuniquement analyser les conséquences qu’ilsengendrent, ainsi on a des chances de ne pas faireperdre la face à aucun des protagonistes. Dans cescénario triangulaire inexorable et fâcheux c’estl’attitude de chaque acteur qui va jouer un rôleimportant, cette attitude fait partie de la responsa-bilité individuelle dont nous allons parler.

Bien entendu, je ne vais pas en tenter une défini-tion, mais je vais rappeler qu’elle est déjà présentedans les textes de responsabilité juridique même sielle n’y est pas finement décrite, sauf dans le casde textes sociétaux construits sur un modèle idéo-logique.La responsabilité morale se situe juste au-delà du« rôle informel élargi » que j’ai évoqué il y a un ins-tant, dans lequel elle trempe d’ailleurs un peu. Elleconcerne la liberté de l’acteur dans le choix de sestextes, et dans les actions et les conséquences quien découlent. Comme il s’agit d’un domaine indi-viduel (on pourrait dire spirituel, peut-être mêmemoral ?) les erreurs actives ou passives qui pour-raient être commises ne seront punies que par dessanctions de l’esprit dans les registres de la honte,du remord ou de la repentance.Parfois, des principes spirituels, moraux, peuventêtre pris en référence (d’ailleurs on l’a dit, beau-coup de ces principes ont été insérés dans lestextes de loi et ont désormais une force légale),

mais il n’empêche que la morale de chacun estentièrement libre de tout engagement séculier ourégulier. Il semblerait aussi, peut-être, que cer-taines des vertus retenues comme référence, tellesque l’altruisme ou la compassion, soient, dans lamesure où elles sont observées dans le règne ani-mal, plus des caractéristiques biologiques que desréférentiels spirituels. Il n’en demeure pas moinsque nous sommes dans le domaine du libre arbitreet que nous pouvons en user.À ce moment, je peux proposer que ce libre-arbitrese manifeste par des phases d’enthousiasme, unsens du devoir, une aptitude d’improvisation, desdémonstrations d’ardeur, des stratagèmes de pré-caution, des élans de décision, un talent d’analyse,une volonté d’exigences, etc… autant de vertusqui vont assurer à leur auteur, on ne parle plusd’acteur maintenant, une fierté légitime, qui vontfavoriser une cohabitation de bon aloi avec lesautres collègues-territoires, et qui va garantir à lacollectivité une participation rentable de l’acteur.

La collectivité attend donc de l’acteur une bonneefficacité et une bonne humeur dans le travailcoopératif, les autres acteurs souhaitent un col-lègue charmant, actif et sans histoire, l’acteur lui-même souhaite se fatiguer le moins possible, entravaillant bien pour avoir une bonne impressionde lui-même et donner une bonne image de luiaux autres. La responsabilité morale a toute saplace dans ces attentes.Il est amusant de constater au passage, que cesattentes reposent essentiellement sur l’égoïsmeinné des individus, égoïsme qui est biologique-ment programmé et qui n’est nullement honteuxcar il est très fonctionnel, ceci pour dire, sans soucide polémiques, qu’il n’est pas forcément nécessai-re d’évoquer d’autres sources d’inspiration ver-tueuse… que la nature intrinsèque des acteurs.

En poursuivant un peu, si nous élaborons en prin-cipes les avantages attendus de la Responsabilitémorale, nous pourrons dire qu’il est de la respon-sabilité de chacun d’être compétent, sociable etrentable afin de pouvoir être fier de sa position enjouant bien son rôle. En tout cas, ce niveau estlégèrement plus satisfaisant que le strict minimumlégal où on peut à peu près bien faire, être ronchonet moyennement efficace, sans que ce soit franche-ment opposable. Et on peut même imaginer untroisième niveau de responsabilité dans lequel l’ac-teur va être inventif, animateur et généreux.Ces trois niveaux de responsabilité se placent tousau-delà du rôle, mais en garantissent la bonne exé-cution.Si nous revenons au cas de monsieur Raoul, nonseulement il joue son rôle de ramasseur de car-

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tons, mais il l’assume en le faisant avec discrétion,en optimisant le système de collecte, en triant pourpouvoir recycler d’un côté et donner aux clients del’autre, et en stockant de façon méthodique.Monsieur Raoul, dans ces conditions est alorsvraiment responsable de l’évacuation des cartons.Au total, le législateur peut être rassuré, je dis ceciparce que parfois j’ai la tenace impression qu’ilconsidère que l’Homme est d’emblée un fautifpotentiel, il peut être rassuré parce que les acteursde l’Expérimentation Animale ont des intérêtsvariés à bien faire fonctionner les établissementsdans lesquels ils pratiquent : ils sont égoïstes, ilsont une mission scientifique, ils aiment les ani-maux et en plus ils ont un libre-arbitre actif. Si onajoute les compétences techniques (qui sont préci-sément définies par le législateur qui pourrait secantonner à ce rôle) actualisées à ces items, on voitque l’ensemble offre le maximum de garantiespour assurer le bien-être animal.

Cette prise en considération de la Responsabilitéindividuelle n’est pas incongrue dans la mesureoù, à bref terme compte tenu des crises mondialesactuelles et à venir, notre monde va changer sonorganisation. En effet, si l’on suit par exemple,Jeremy Rifkin, nous sommes en train d’entrer dansla troisième ère industrielle qui va découler de ladisparition du pétrole et de l’uranium. Cette ère vaimposer que les sources d’énergie soient balkani-sées, alors que jusqu’à présent elles étaient centra-lisées. Ce changement de distribution va entraînerun changement de la structure de la société qui vadevenir horizontale… si on considère qu’actuelle-

ment elle est verticale (puisque l’énergie est centri-fugée à partir de grands centres…). Ceci va impli-quer que nous devenions tous capables de régulerla production locale d’énergie, donc de choisir,d’agir et d’interagir en proximité. Ce changementénergétique va ainsi impliquer que nous soyonsréellement responsables, autant donc ne pas avoirà réinventer cette aptitude à la responsabilité, c’estla raison pour laquelle il faut que nous la préser-vions en l’entretenant sans mesure.

Une autre bonne raison, outre le fait de considérerque chaque acteur est digne de confiance, est quela société doit s’appuyer sur la capacité de créati-vité que manifeste l’acteur tout au long de sonaction… ce qu’on ne peut espérer d’un robot qui,bien qu’il joue parfaitement son rôle, le fait sansgaîté et surtout sans imagination, d’autant plusque, nous l’avons vu, contrairement aux appa-rences, le « rôle » n’est pas aussi fiable et lumineuxqu’il n’y paraît… C’est pourquoi, il n’est pas vain de répéter ici quela responsabilité, outre son intérêt pour la rentabi-lité du travail, est la clé d’entrée de l’enrichisse-ment intellectuel de la société. Et là,contrairement à Rifkin, qui estime que Internet etréseaux sociaux sont les cerveaux de demain, jeprétends que ces outils de communication n’ontpas en eux-mêmes la moindre valeur ajoutée, etque la seule source d’enrichissement de l’humani-té réside dans la flamme qui brille en chacun denous, nous devons donc veiller à tout prix à ne pasla laisser s’éteindre.n

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§ LE 4e R selon l’OPAL §

1. IntroductionN’avons-nous vraiment de responsabilité vis-à-visdes animaux que pour autant que leur sort intéres-se les hommes ? On pourrait vouloir s’en tenir àune réponse positive, au motif que la responsabili-té concerne l’obligation qu’ont les hommes derendre compte, entre eux, de certaines de leursactions. Mais de toute évidence, il faudraitrépondre par la négative – et cette option est deplus en plus populaire de nos jours – si l’on accep-tait l’idée d’une valeur intrinsèque s’attachant à lavie des animaux eux-mêmes.De quoi s’agirait-il alors ? Le détour par une rapi-de analyse philosophique n’est sans doute passuperflu pour le déterminer, tant il est vrai que lesintuitions des uns et des autres, outre l’incertitudeentourant le crédit qu’il convient de leur accorder,ne s’accordent pas spontanément à ce sujet. On nepeut faire l’économie, dans ce domaine, d’uneargumentation permettait de relier la notion mora-le de responsabilité et les caractéristiques perti-nentes de notre rapport aux animaux et desaspects de leur condition dont il est difficile de nepas tenir compte à des fins d’évaluation éthique.

2. Différents types de responsabilitéLa responsabilité vis-à-vis des animaux a un ver-sant juridique comme toute forme de responsabi-lité liée à des choses que l’on possède. Mais le

statut même de « chose », dans le cas de l’animal,est certainement moins pleinement satisfaisantque pour la tuile sur un toit ou pour le pignondonnant sur la cour des voisins. L’animal semblen’être une « chose » que par la décision de le consi-dérer comme une chose, à l’égal des objets inani-més et des plantes qui sont susceptibles d’êtrepossédés. Doué d’une certaine autonomie dans sesdéplacements, dans sa vie sociale et dans l’activitéqu’il déploie pour protéger sa propre intégrité cor-porelle, l’animal n’est pas une chose comme lesautres1.L’animal a bien des intérêts susceptibles d’êtreprotégés, il est souvent attaché par de multiplesliens à d’autres êtres (dont l’éloignement ou la dis-parition lui importe) et ses émotions, dans le casde certains types d’animaux au moins, sont com-préhensibles pour nous. Membre important decette « communauté des vivants » évoquée parBertrand Saint-Sernin2, l’animal est au centred’un réseau complexe de fonctions, de lienssociaux et d’intérêts ; tout en lui paraît indiquerque son statut pourrait être différent de celuid’une chose.En outre, la responsabilité de l’homme vis-à-visdes animaux est mise en jeu dans des cas où lapropriété n’entre pas en ligne de compte. Parexemple, on en appelle à la responsabilité deshommes à propos de la préservation du milieu devie des bêtes sauvages, ou à propos des effectifs

Ce que l’on décrit en termes de responsabilité vis-à-vis desanimaux peut se laisser apercevoir, d’un certain point de vue,comme une forme de responsabilité vis-à-vis des autreshommes. Mais au regard de ce qu’on laisse alors de côté, peut-on se contenter de cette approche ? Ne doit-on pas considérerdes aspects de notre responsabilité qui concernent plus directe-ment le sort des animaux ? Ces interrogations conduiront àévoquer une pluralité d’aspects de la responsabilité envers lesanimaux, différant substantiellement les uns des autres.Ce que

l’on décrit en termes de responsabilité vis-à-vis des animauxpeut se laisser apercevoir, d’un certain point de vue, commeune forme de responsabilité vis-à-vis des autres hommes. Maisau regard de ce qu’on laisse alors de côté, peut-on se contenterde cette approche ? Ne doit-on pas considérer des aspects denotre responsabilité qui concernent plus directement le sort desanimaux ? Ces interrogations conduiront à évoquer une plu-ralité d’aspects de la responsabilité envers les animaux, diffé-rant substantiellement les uns des autres.

Emmanuel PICAVET

Professeur d’Ethique Appliquée à la SorbonneUniversité Paris 1

2 Les différentes facettes de la responsabilitéenvers les animaux

Résumé

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des animaux en voie de disparition. S’agissantmême des formes de responsabilité qui découlentdes droits de propriété sur les animaux, la diversi-té des enjeux est frappante.Dans certains cas, il s’agit d’une responsabilité vis-à-vis de tiers (par exemple, des personnes suscep-tibles d’être attaquées ou poursuivies par un chiende compagnie). C’est alors une responsabilité juri-dique qui se prête à des interprétations moralesadossées à diverses prescriptions (en particulier,respecter autrui, ne pas mettre en danger la sécu-rité d’autrui).Dans d’autres cas, la question « vis-à-vis de qui(ou de quoi) est-on responsable ? » a une réponsemoins claire. Dans le contexte du droit moderne,de manière typique, l’animal n’est pas reconnucomme un sujet de droit car ce dernier s’identifie,s’il s’agit d’un sujet individuel, à la personnehumaine. Typiquement, on ne peut pas porterplainte ni exiger réparation au nom d’un animal,ni faire valoir que des mauvais traitements ou desformes de délaissement le concernant appellentune réparation du point de vue de l’intégrité d’unecollectivité d’êtres vivants incluant les animaux(sur le modèle de la peine telle qu’on l’entend endroit criminel lorsqu’on a en vue la sanction dutort commis à l’encontre d’une collectivité humai-ne). Cela vient nous rappeler les limites du« monde commun » partagé par l’homme et lesanimaux ; notre univers normatif repose, de fait,sur une scission stricte, alors même que la compa-raison des facultés de l’homme et de l’animal peut,dans certains cas, être une affaire de degrés3. Onne peut donc pas dire que la responsabilité à cul-tiver vis-à-vis des animaux, s’il y en a une, soitd’un type très familier. On ne peut s’appuyer surune comparaison convaincante avec les formes deresponsabilité déjà consacrées par le droit pour cequi concerne les rapports entre les hommes.Cela étant, le droit pourrait, conventionnellement,traiter les animaux autrement que comme de pursobjets. À propos du fœtus humain, du cadavrehumain ou des embryons humains créés in vitro,on voit comment le grand partage des choses etdes personnes, cette summa divisio du droit, setrouve mis à mal, dans la mesure où ces entitéssont souvent entourées de protections spéciales(au moins pour certains usages ou certaines pra-tiques), parfois thématisées à partir de l’introduc-tion de notions jouant le rôle d’intermédiaire entrela chose et la personne, alors même que l’altéritépar rapport à la personne est essentielle à laconception de l’objet4. On peut penser dans ceregistre, par exemple, à la notion de « personnehumaine potentielle » dans la culture bioéthiquefrançaise5. Il pourrait en aller de même pour lesanimaux, avec la création de strates intermédiaires

entre la chose et la personne, permettant de doterles animaux de certains attributs des sujets dedroit. Ce serait affaire de convention et de projec-tion de catégories mentales sur les êtres vivants,comme cela est habituel pour la création denormes juridiques6. Ce qui est facilement admisen matière juridique reste cependant probléma-tique en matière morale : par exemple, noustenons en général à ce que la capacité d’être« bien » traité ou de subir des torts soit fondéedans la nature même des êtres concernés, en vertude propriétés qui soient véritablement les leurs, aulieu d’être simplement une affaire de conventionplus ou moins arbitraire7.Par ailleurs, ce que l’on décrit en termes de res-ponsabilité vis-à-vis des animaux peut se laisserappréhender, d’un certain point de vue, en termesde responsabilité vis-à-vis des autres hommes.Nous devons nous comporter de telle ou tellemanière avec les animaux parce que le sort desanimaux intéresse d’autres hommes, de multiplefaçon. Nul ne disconviendra de la pertinence de cepoint de vue. Mais qu’il soit suffisant ou non, celacontinue de faire débat. Est-ce que vraiment nousn’avons de responsabilité vis-à-vis des animauxque pour autant que leur sort intéresse leshommes, au sens où les hommes pourraient êtrelésés sous un certain angle, dussent les animauxn’être pas bien traités ? L’éthique prend le relaisdu droit et suggère très fortement une réponsenégative. Une réponse positive serait réductrice,semble-t-il, parce qu’elle conduirait manifeste-ment à laisser de côté des aspects importants de laproblématique.Bien sûr, cela paraîtra évident si l’on retient l’idéed’une valeur intrinsèque de ce qui arrive aux ani-maux, tel que cela est perçu par les animaux eux-mêmes. Il peut alors s’agir de la protection de leurenvironnement, de la préservation des conditionsde leur vie sociale, mais aussi du traitement indivi-duel qu’on leur réserve. Remarquons cependantque l’on parviendrait à la même conclusion parune autre voie, si l’on admettait seulement qu’uneimportance symbolique pût s’attacher au traite-ment des animaux, sans renoncer à privilégier enquelque façon le point de vue des hommes.Par exemple, quelles raisons avons-nous de regret-ter la disparition d’une espèce ? Il y aurait uneperte liée à des possibilités d’utilisation de l’ani-mal, éventuellement selon des modalités encoreinconnues et seulement potentielles. Néanmoins,la question n’est pas bornée aussi étroitement. Onpourra faire observer qu’il est simplement« meilleur » de vivre dans un monde où les espècessont préservées, quoi qu’il en soit de l’intérêt par-ticulier qu’y trouvent (ou pourront un jour y trou-ver) les uns ou les autres dans le contexte de telle

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ou telle activité. L’intérêt que l’on considèredemeure alors l’intérêt des hommes, mais sousune forme générique, abstraction faite de tout rap-port instrumental de moyen à fin dans le travail oudans une utilisation spécifique des ressources dumonde vivant.On fera également valoir, dans certains cas,qu’une importance intrinsèque s’attache à la pré-servation des espèces. Mais il faut avouer que lesidées de responsabilité que l’on tire de la valeur« intrinsèque » des choses sont a priori assez dou-teuses, difficiles à cerner. Quel est l’enjeu de lapréservation de la valeur de quelque chose, endehors du fait que l’on attribue de la valeur à cettechose ? Y a-t-il de la « valeur » pour quoi que cesoit, abstraction faite du point de vue deshommes ? Nous sommes pris dans un dilemme.S’agissant des animaux, dans la mesure où laréduction au statut de chose semble par trop limi-tative pour penser notre responsabilité vis-à-visd’eux, nous voudrions cerner la responsabilitéautrement qu’en termes de dommages potentiels,ou coûts (éventuellement aussi, des coûts d’oppor-tunité) causés à des tiers qui seraient forcémentdes hommes. D’un autre côté, une responsabilitéliée à une pure valeur intrinsèque du règne animalpeut sembler problématique, car la justificationqui est au cœur de la responsabilité s’adresse tou-jours à des hommes. Certaines doctrines, princi-palement issues de l’aristotélisme, s’accordent àreconnaître à l’animal une valeur intrinsèque, ainsique le résume B. Baertschi : « Les animaux sont[…] doués de sensibilité ; comme tels, ils ont unevaleur intrinsèque – celle d’êtres vivants sensibles– et donc une dignité »8. Dans cette perspective,avoir une dignité est simplement associé d’avoirune certaine nature, comme telle objet de respect.Cependant, si l’on caractérise la valeur intrinsèquesous une forme aussi générale, on n’aperçoit pasimmédiatement la corrélation avec des devoirsassignables à l’homme, ou bien avec une responsa-bilité particulière des hommes envers les animaux.Dans le cas même où l’on se limite aux transac-tions entre les hommes, il est souvent difficile defaire référence avec précision à une pure valeur «intrinsèque » des activités ou des configurationssociales d’où naîtraient des devoirs et une respon-sabilité spécifiques. Dans le cas où il est questiondes rapports entre l’homme et l’animal, la difficul-té risque d’être plus grande encore. Mais cette dif-ficulté n’est pas nécessairement insurmontable etmérite d’être examinée plus avant.

3. Comment situer la responsabilité faceaux animaux ?Les éléments suivants aideront à cerner d’unemanière plus positive le type de responsabilité qui

est en cause. On peut faire valoir que la présencedes différentes espèces animales sur terre et leurjouissance de conditions de vie adaptées fait partiedu « décor » de la vie sur terre, de ses ornements –tout comme la disponibilité de sites naturelsremarquables dont l’état est préservé. C’est, parexemple, un support pour l’éducation, un objetpour la méditation des artistes et une source debeauté, l’occasion de découvertes fascinantes pourpetits et grands. L’expérience de rapports harmo-nieux entre l’homme et l’animal est aussi unechose qui a, en soi, une certaine valeur. Ces élé-ments de valorisation peuvent fonder une respon-sabilité des hommes vis-à-vis des animaux(sauvages ou non), largement indépendante detoute idée d’exploitation technique ou écono-mique.En l’occurrence, il est crédible d’évoquer l’attribu-tion de valeur indépendamment de toute idée detorts particuliers à l’encontre d’autres personnes.Il n’y a pas lieu de limiter la « valeur » à une valo-risation qui engendre l’identification de coûts,voire de pertes individuelles pour les hommes. Onadmet souvent que l’on est responsable quant auxactions à entreprendre pour sauver une espèce ani-male, parce qu’une certaine valeur s’attache à sapréservation (une valeur que reconnaissent les unset les autres même si personne n’est spécialementlésé dans ses intérêts si l’espèce en question dispa-raît) et parce que l’on est par ailleurs en positiond’agir (même si d’importants problèmes se posentau regard de l’action collective efficace ou de ladistribution des devoirs).Nous pourrions être responsables non pas en tantque propriétaires, mais en tant qu’agents bien pla-cés pour préserver, protéger ou faire prospérer cer-tains êtres vivants. On peut y chercher lefondement de l’attribution morale de responsabi-lité, qui peut ensuite être concrétisée dans desnormes publiques à travers le medium du droit, lecas échéant. Ce type d’attribution de responsabili-té est étroitement associé au différentiel empiriquede capacité ou de pouvoir entre l’homme et l’ani-mal, le second étant de fait soumis au premier, àbien des égards. Mais il reste évidemment à préci-ser ce qui doit guider l’action que l’homme estbien placé pour entreprendre.On peut alors aller dans deux directions. Selonune première orientation, on dira que la protec-tion des êtres concernés peut, dans certains cas,avoir une portée symbolique intéressant largementl’humanité (comme dans le cas de la responsabili-té au regard d’un traitement digne d’autres entitésvivantes et comme dans le cas des obligations depréservation vis-à-vis d’entités inanimées – parexemple des œuvres d’art ou des témoignages his-

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toriques, ou des éléments du patrimoine immaté-riel – ayant une signification symbolique).Dans ces différents exemples, on dira volontiersqu’il importe de vivre dans un monde où certainsétats de fait sont le cas ou de vivre dans un mondeoù certains niveaux de protection sont acquispour certaines entités, quoi qu’il en soit des béné-fices concrets qu’en tirent les uns ou les autres. Onpourrait dire qu’il importe aux êtres humains devivre dans un monde où les espèces animales, liéesà l’humanité par un si grand héritage culturel etsocial, sont préservées et vivent dans une certaineharmonie avec les hommes (plutôt que selon desmodalités abjectes, cruelles, traumatisantes oudevant rester cachées).Nous avons une responsabilité vis-à-vis des ani-maux considérés comme des êtres individuels etsensibles. Le fait qu’ils vivent et éprouvent cer-taines choses, d’une manière parfois proche de cequi est le cas pour nous, nous crée une responsa-bilité vis-à-vis d’eux, au-delà de l’amour qu’ils ins-pirent dans certains cas et qui porte à agir en leurfaveur sans que la mention d’un devoir soit requi-se. Dans le cas même où le recours aux animauxest lié à l’alimentation humaine ou à l’expérimen-tation à finalité médicale, il est tout à fait clairaujourd’hui que l’on ne peut passer sous silenceles conditions dans lesquelles l’homme a recoursaux animaux. Le contournement du problèmen’est jamais admissible, à la différence de l’effortpour démontrer rationnellement que les tortssubis par les animaux sont, dans certains cas etdans certaines limites, tolérables au regard debénéfices très importants pour d’autres entitéssensibles (en particulier, les êtres humains).

Selon la seconde orientation possible que nousdiscernons, il faudra retenir l’idée d’une valorisa-tion intrinsèque qui ne s’applique pas à notre rap-port aux animaux, ni à la nature dans sonensemble, ni aux espèces, mais bien plutôt àchaque animal en particulier. Les animaux ne sontpas alors à considérer comme des êtres faisant par-tie indistinctement du mobilier de la nature (du «mobilier international », si l’on veut) ; ils sontd’abord et avant tout des individus, des êtresvivants appelés à coexister avec nous et avec les-quels nous partageons suffisamment de chosespour pouvoir parler d’une responsabilité vis-à-visd’eux. Il y a valorisation, et donc responsabilité,parce que nous vivons des choses partiellementpartagées avec des sujets animaux – des êtres quiévoluent dans le même monde que nous, qui leperçoivent et s’y adaptent à leur manière.Si l’on suit l’analyse qui précède, les formes de res-ponsabilité à considérer seront essentiellement detrois sortes. En premier lieu, la responsabilité liée

à la propriété et qui se traduit par des obligationsvis-à-vis de tiers qui sont eux-mêmes capablesd’être lésés, atteints dans leurs intérêts (d’unemanière qui transite par notre rapport à l’animal).En second lieu, la responsabilité vis-à-vis d’entitésqui sont appréhendées comme des individus,éventuellement porteurs de droits (ou en tout cas,appelés à bénéficier légitimement de certainesgaranties). Enfin, une responsabilité ancrée dansdes considérations d’ordre symbolique et qui peutviser des espèces ou des groupes d’animaux.Il faut surtout redire que nos modèles de la res-ponsabilité face aux animaux sont évolutifs. Quelledistance, par exemple, entre l’injonction deClaude Bernard à traiter les animaux de laboratoi-re comme un pur matériau de la science sans seposer trop de questions sur la douleur(Introduction à l’étude de la médecine expérimen-tale, 1865), et la dénonciation, par notre contem-porain Peter Singer, de la tendance « spéciste » àaccorder aux êtres humains des privilèges exorbi-tants par rapport aux animaux. Cela doit s’expli-quer, parce que notre vision des animaux et desdifférentes sortes d’animaux est elle-même enmouvement, du fait des changements apportés, aufil des décennies, par la biologie, les sciences ducomportement et la psychologie, ainsi que la phi-losophie de l’esprit.Pour aller à l’essentiel, il semble inévitable deremarquer que notre perception des conditions devie de nombre d’animaux a évolué vers une priseen compte plus marquée de leur intelligence, deleurs émotions ou de leur affectivité, de leur carac-tère individuel et, dans certains cas de leur réflexi-vité (leur aptitude à se situer eux-mêmes commedes individus dans leur environnement). Pour untrès grand nombre d’animaux, la prise en comptede la dimension de la vie sociale s’est imposée.Enfin, on doit reconnaître qu’il y a chez tous lesanimaux une résistance aux agressions venues del’extérieur.On est donc très loin de l’ « animal machine » car-tésien et l’on ne s’étonne pas qu’une philosophe,Elisabeth de Fontenay, ait pu sans invraisemblan-ce traiter le statut reconnu aux animaux commeun fil conducteur pour cerner des évolutions phi-losophiques essentielles au fil de l’histoire9. Cettehistoire n’est pas terminée, en particulier parceque nos représentations de l’esprit, de l’intention-nalité et des émotions n’a rien de stabilisé. Cesreprésentations ou modèles sont en débat, au cœurde la philosophie contemporaine. Or, cela a desconséquences pour appréhender ce que nousavons de commun avec les animaux, ce que nouspouvons comprendre d’eux, la manière dont ilsvivent eux-mêmes ce que nous leur faisons vivre.

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Ce n’est pas seulement une affaire de découvertesponctuelles qui se succèdent : sont impliqués nosmodèles généraux de l’esprit, de l’émotion, desattentes sociales, etc. (chez l’homme comme chezles animaux). Tout cela contribue à fixer, parétapes au fil du temps, les enjeux qui devraientêtre pour nous des problèmes de responsabilitévis-à-vis d’eux.

4. ConclusionRevenons finalement à ce qui est souvent un pointde départ dans l’éveil à des questions éthiquesimpliquant les animaux. S’agissant des animaux,le recours au vocabulaire des droits et des devoirsest souvent controversé parce que l’on renvoievolontiers les débats qui ont lieu dans ce domaineà des affaires de sentiment ou d’émotion. On nepeut pas déduire des « droits » pour les animaux(ou des devoirs envers eux) à la manière dont ontire les droits de l’homme ou les libertés publiquesd’un ensemble de postulats relatifs à l’autonomieindividuelle ou à la liberté sous une loi. Dès lors,droits et devoirs peuvent sembler manquer de fon-dements adéquats.

Toutefois, il faut être attentif au fait que le rôledéterminant des émotions n’est pas, en soi,

contradictoire avec l’importance à accorder auxraisons des choix ou des orientations collectives.Les émotions peuvent jouer un rôle de poteau-indicateur. La recherche d’une coordinationrationnelle ou souhaitable entre les personnes àpropos des animaux mérite également d’attirernotre attention et les émotions jouent tout aussibien un rôle à cet égard.

En outre, les émotions ou sentiments ne sont passimplement subis. Il faut aussi considérer latransmission de sentiments et de manières de lesfaire évoluer, ainsi que l’affinement de nos senti-ments et de notre vie commune. La question desgaranties que nous pouvons apporter aux animauxapparaît alors, tout simplement, comme un élé-ment de l’aménagement concerté de nos propresconditions de vie. Il peut en aller du respect quel’on se témoigne à soi-même ou que l’on témoigneaux autres. Cela peut constituer un moteur del’action collective et de l’initiative juridique, quipousse dans un second temps à aborder – commenous avons tenté de le faire à l’occasion de cetteintervention – la question des formes alternativesde responsabilité que l’on peut souhaiter privilé-gier.n

1 Sur le statut de l’animal au sein d’une différenciationdes êtres, particulièrement à partir des doctrinesd’Aristote, de Descartes et de Spinoza, on peut consul-ter : Chantal Jaquet, Le Corps, Paris, PressesUniversitaires de France, 2001.2 Bertrand Saint-Sernin, Le Rationalisme qui vient,Paris, Gallimard, 2007, 1ère partie, chap. II.3 Pour un aperçu des problèmes éthiques qui en résul-tent, on peut se reporter notamment à: GeorgesChapouthier, Au bon vouloir de l’homme, l’animal(Paris, Denoël, 1990).4 Evoquant (à la suite de Vincent Descombes) la maniè-re dont le rationalisme philosophique et juridiquecherche à conforter l’idée d’une « nature humaine », lajuriste Sarah Vanuxem souligne que le rationalismetend également à une opposition « radicale » entre leschoses et les personnes, corrélative d’une oppositionentre sujet et objet. Rapprochant Dabin de Kant, ellesouligne que pour eux, les choses servent l’humanitépar l’intermédiaire du sujet : « dépourvus de raison,les êtres que l’on nomme choses, n’existent pas commedes fins en soi ». En effet : « C’est au nom même de lanature humaine que les choses se distinguent des per-sonnes, à raison d’une essence que le sujet et l’objet nepeuvent permuter » (S. Vanuxem, Les Choses saisiespar la propriété, Paris, IRJS Editions, 2012, p. 55).

5 Pour un point de vue actuel sur l’évolution des doc-trines en concurrence et de la loi, v. Jean-René Binet,La réforme de la loi bioéthique. Commentaire et analy-se de la loi du 7 juillet 2011, Paris, LexisNexis, 2012.6 V. à ce sujet la mobilisation de la distinction deBertrand Russell entre l’« attitude propositionnelle » etla référence simplement extensionnelle, pour cerner lesattitudes vis-à-vis d’entités telles que l’embryonhumain, présentant des caractéristiques (éventuelle-ment relayées par le discours juridique) allant au-delàdes qualités propres de l’objet visé considéré tel qu’enlui-même, chez Jacques J. Rozenberg, « L’homme instatu nascendi et l’embryo-éthique », in Vers la fin del’homme ?, dir. C. Hervé et J.J. Rozenberg, Bruxelles,De Boeck, 2006, pp. 33-45.7 V. sur ce point : Mark H. Bernstein, On MoralConsiderability. An Essay on Who Morally Matters.New York et Oxford, Oxford University Press, 1998 ; p.21.8 Bernard Baertschi, Enquête philosophique sur ladignité. Genève, Labor et Fides, 2005 ; p. 187.9 Elisabeth de Fontenay, Le Silence des bêtes. La philo-sophie à l’épreuve de l’animalité. Paris, Fayard, 1998.

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La nouvelle directive 2010/63/UE relative à la protectiondes animaux utilisés à des fins scientifiques a abrogé la directi-ve 86/609/CEE le 8 février 2013. Elle s’inscrit dans l’esprit dela directive 86/609/CEE en précisant et en complétant des dis-positions qui existaient, et apporte également des nouveautés.

L’objectif principal de la directive 86/609 était double :harmoniser les pratiques entre les Etats membres en termes deprotection animale et éviter de porter atteinte à la mise enplace et au fonctionnement du marché commun.L’objectif affi-ché de la directive 2010/63/UE est plus ciblé sur la protectionanimale : il s’agit d’«établir des mesures de protection des ani-maux utilisés à des fins scientifiques », tout en considérant que« l’utilisation d’animaux vivants demeure nécessaire pourprotéger la santé humaine et animale et l’environnement ».

Les acteurs de l’expérimentation animale définis réglemen-tairement sont également plus variés. Nous allons nous pen-cher ci-après sur le rôle des acteurs selon les textes, la directivenouvelle et l’ancienne, c’est-à-dire aux fonctions telles qu’ellessont définies réglementairement de manière indépendante dansces textes. Cela ne veut pas dire que les acteurs n’ont aucunlien les uns avec les autres ou que plusieurs fonctions ne peu-vent pas être assurées par une même personne.

Nous distinguerons un groupe de fonctions « persistantes »,car déjà identifiées dans la réglementation existante, aux-quelles viendront s’ajouter de nouvelles fonctions propres à ladirective 2010/63/UE, le groupe des fonctions « nouvelles ».

Une fois les fonctions réglementaires décrites, la responsa-bilité morale qui découle de ces fonctions pourra être traitée pard’autres auteurs.

La responsabilité des acteurs représente depuis de nom-breuses années pour le ministère de l’enseignement supérieur etde la recherche (MESR), une nécessité morale importante,non réglementaire, d’assurer une mission et d’accepter d’assu-mer les conséquences de ses actes, le devoir étant consciemmentaccepté par les personnes qui assureront les fonctions identifiéesréglementairement, en tant que citoyens. Malgré un systèmeréglementaire plus contraint, où il jouera un rôle d’autoritécompétente fort, le MESR considère que la responsabilité indi-viduelle a encore une place, car toute fonction, aussi détailléesoit-elle réglementairement, se doit d’être accompagnée de res-ponsabilité morale. Cette notion est une valeur chère auMESR et demeure pour les années à venir ce fameux 4ème Rqu’il a identifié par le passé et qui a justifié son soutien affichépour le colloque 2012 de l’OPAL.

1- La nouvelle directive 2010/63/UE et satransposition

L’année 2012 a été une année charnière puisque latransposition de la directive 2010/63/UE, com-mencée fin 2010, a considérablement avancé, pourse terminer avec la publication des textes de trans-position le 7 février 2013. En effet, le Parlementeuropéen et le Conseil ont adopté le 22 septembre2010 la directive 2010/63/UE relative à la protec-tion des animaux utilisés à des fins scientifiques.Cette nouvelle directive devait abroger la directive86/609/CEE avec effet au 1er janvier 2013. Lanouvelle directive s’inscrit dans la continuité del’esprit de la directive 86/609/CEE tout en édic-tant une protection des animaux renforcée. Cetexte apparait comme « une photo » de la réflexionde la société européenne des années 2008-2010

sur une activité professionnelle associée à larecherche, qu’elle soit publique ou du secteurindustriel privé, et à l’enseignement : l’utilisationdes animaux à des fins scientifiques.

L’objectif principal de la directive 86/609 étaitd’une part d’harmoniser les pratiques entre lesEtats membres en matière de protection des ani-maux utilisés à des fins scientifiques et d’autrepart, d’éviter de porter atteinte à la mise en placeet au fonctionnement du marché commun, par desdistorsions de concurrence ou des entraves auxéchanges communautaires. L’objectif de la nouvel-le directive est plus ciblé sur la protection anima-le, le bien-être animal étant une valeur de l’Unioneuropéenne qui est consacrée à l’article 13 du trai-té sur le fonctionnement de cette Union : il s’agitd’« établir des mesures de protection des animaux

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Le rôle des acteurs selon les textes

Virginie VALLET-ERDTMANN

Chargée de mission sur l’expérimentation animale au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.Maître de conférences à l’Université Rennes 1.

3

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Résumé

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utilisés à des fins scientifiques », tout en considé-rant, et c’est important, que « l’utilisation d’ani-maux vivants demeure nécessaire pour protéger lasanté humaine, la santé animale et l’environne-ment ».

Le système d’encadrement national a ainsi étéadapté avec une modification de certains texteslégislatifs, réglementaires et administratifs. Latransposition de la directive 2010/63/UE a mobili-sé depuis l’automne 2010 de nombreux interve-nants : les pouvoirs publics comprenant toutd’abord le ministère chargé de l’agriculture(aujourd’hui le MAAF) désigné pilote pour latransposition, le ministère chargé de l’enseigne-ment supérieur et de la recherche (MESR), et lesministères chargés de l’écologie, de l’industrie, dela défense, de l’éducation nationale et de la santé.Les commissions consultatives placées auprès desministres chargés de la recherche et de l’agricultu-re ont également été mobilisées : il s’agit de laCommission nationale de l’expérimentation ani-male - CNEA -, en conformité avec l’articleR. 214-116 du code rural et de la pêche maritimeet le Comité national de réflexion éthique sur l’ex-périmentation animale - CNREEA. Interviennentégalement dans la phase terminale du processusde transposition le Conseil d’Etat et le Secrétariatgénéral du gouvernement. Les parties prenantesont aussi participé à la transposition : les orga-nismes de recherche publique (CNRS, Inserm,INRA, CEA), les universités et les entreprises dusecteur industriel privé ainsi que leurs associationsprofessionnelles connexes (OPAL, AFSTAL etGIRCOR) et syndicats (LEEM, SIMV…). Lesassociations de protection des animaux et de lanature enfin (Fondation Droit, animal, éthique etscience ou LFDA, Fondation Brigitte Bardot…)ne sont pas oubliées parmi les entités impliquéesdans la transposition.

2- Les nouveaux textes législatifs, régle-mentaires et administratifs français :

La directive 2010/63/UE a imposé aux Etatsmembres de publier et de transmettre à laCommission européenne les dispositions législa-tives, réglementaires et administratives pour s’yconformer, avant le 10 novembre 2012 pour uneapplication à compter du 1er janvier 2013. Ledélai de quelques semaines que la France a connuest sans répercussions majeures au niveau desautorités européennes, dans la mesure où laFrance demeure dans les premiers pays à avoirfourni ses textes de transposition.

Les modifications législatives et réglementairesdécoulant de la transposition de la directive2010/63/UE sont de plusieurs types :

• Une nouvelle ordonnance concernant lesexpériences scientifiques sur des animaux nondomestiques non tenus en captivité, et donc enmilieu naturel, a été votée au Conseil desministres en janvier 2012, après vote en Conseild’Etat. Elle permettra que ces animaux soientclairement couverts par le champ de la nouvelleréglementation française.

• Un nouveau décret, le décret N° 2013-118 du1er février 2013, a été inséré dans le code ruralet de la pêche maritime (les articles R. 214-87à 138 ont remplacé les articles R. 214-87 à 130anciens).

• Les nouveaux arrêtés d’application sont aunombre de quatre : agrément des établissementsd’expérimentation animale (EEA), fournituredes animaux, formation et compétence etautorisation de projet incluant l’évaluationéthique des projets.

Décret et arrêtés ont été soumis à l’avis de laCNEA avant la mise à la signature des ministresimpliqués avec une étape supplémentaire pour ledécret : le passage par le Conseil d’Etat, enoctobre 2012.

De nouveaux textes administratifs (formulaireCerfa de demande d’agrément des EEA et formu-laire d’autorisation de projet) ont également étéélaborés.

Il est à noter que la loi du 10 juillet 1976 n’est pasabrogée. Insérée dans la partie législative du coderural en 2000, elle est importante à conserver àl’esprit car elle établit en particulier d’une part quel’animal est un être sensible (article L. 214-1), etd’autre part, qu’il est interdit d’exercer des mau-vais traitements aux animaux en captivité, y com-pris en ce qui concerne les expériences biologiquesqui doivent être limitées au cas de stricte nécessité(principe des 3 R, article L. 214-3). Elle prévoitégalement les sanctions en cas de son non-respect(articles L. 214-5 et 6).

Le colloque 2012 de l’OPAL a pour nom : « Le4e R, la responsabilité des acteurs de l’expérimen-tation animale ». Il s’agit de réfléchir sur destermes aussi variés que science, bien-être animal,recherche impliquant des animaux, réglementa-tion et éthique, en focalisant sur les termes d’ac-teurs, de fonctions, de rôles, de devoirs et deresponsabilités. L’objet du présent exposé était detraiter du « rôle des acteurs selon les textes », c’est-à-dire de développer les fonctions des acteurs,telles que prévues par la nouvelle directive en com-paraison à l’ancienne. Il s’agit en tout premier lieubien entendu des personnels de l’établissementd’expérimentation animale (EEA), celui-ci étant lelieu d’exercice pour la grande majorité des person-

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nels travaillant avec des animaux en captivité, carhébergés dans ces EEA (les chercheurs travaillantsur les animaux non tenus en captivité, c’est-à-direhors EEA représentant un cas particulier, qui nesera pas traité ici).

Les fonctions des personnels des EEA que ce soitle personnel des établissements utilisateurs (EU)ou des établissements d’élevage ou fournisseurssont parfaitement définies dans la directive2010/63/UE et dans les textes de transposition endroit français. Les fonctions que je vais traiter plusloin, les acteurs de l’expérimentation animale,représentent les bases pour notre journée, puis-qu’elles permettront ensuite de décliner uneréflexion sur ce que sont les responsabilitésmorales de ces acteurs majeurs.

3- Les entités réglementaires, au sein desétablissements d’expérimentation ani-male ou à leur proximité :

Nous pouvons identifier des entités persistantes quiétaient décrites dans la réglementation issue de ladirective 86/609/CEE : il s’agit :

1 - des hommes comprenant certains personnelsdes laboratoires des organismes de recherchepublique, des universités et des entreprises du sec-teur industriel privé, qui vont se retrouver à tra-vailler dans l’établissement d’expérimentationanimale, et que nous détaillerons dans le para-graphe 5- ci-après, et le responsable de l’EU et levétérinaire désigné ;

2 - des animaux ; il s’agissait de vertébrés, sont cou-verts désormais par le champ de la nouvelle régle-mentation certains invertébrés (céphalopodes), etpar ailleurs le champ s’est étendu pour les mammi-fères en termes de stades de développement,puisque les mammifères seront couverts par lechamp réglementaire dès le 3e tiers de vie fœtale ;

3 - les locaux, et d’ailleurs la famille des établisse-ments d’expérimentation animale s’agrandit étantdonné que les établissements éleveurs et fournis-seurs, comme les EU, devront également êtreagréés ;

et 4 - les expériences, qui deviendront les procé-dures expérimentales avec une notion de seuilnouvellement introduite.

Nous pouvons identifier également de toutes nou-velles entités réglementaires : la structure chargéedu bien-être des animaux et les projets constituésde procédures expérimentales.

La structure chargée du bien-être des animauxsera composée au moins d’un ou de plusieurs res-ponsable(s) du bien-être des animaux et des soinsqui leur sont donnés et d’un concepteur (dans lecas d’un EU) et elle bénéficiera des conseils d’un

vétérinaire ou d’un expert si cela est plus appro-prié pour certaines espèces. Cette structure char-gée du bien-être des animaux aura pour missionde conseiller le personnel sur les questions rela-tives au bien-être des animaux et le principe des3 R, de suivre le bien-être des animaux utilisés etde suivre les projets au cours de leur réalisation.

Les projets et les procédures expérimentales quiles constituent sont définis à la fois dans la direc-tive 2010/63/UE et dans le décret de transposi-tion. Le projet au sens de la directive 2010/63/UEest un programme de travail répondant à un objec-tif scientifique défini, utilisant un ou plusieursmodèles animaux, et impliquant une ou plusieursprocédures expérimentales. Il ne faudra pasconfondre projet avec protocole (qui est la « recet-te de cuisine ») et il ne faudra pas confondre pro-jet au sens de la directive et projet de recherche,qui n’est pas forcément restreint à la mise enœuvre de procédures expérimentales sur les ani-maux et qui combine souvent plusieurs approchesvariées (histologie, biochimie, biologie moléculai-re, épidémiologie,…), et l’ensemble étant évaluépar d’autres, les agences ou directions (AERES,ANR etc.).

La procédure au sens de la nouvelle directive, etprécisément procédure expérimentale au sens dudécret, est définie quant à elle comme suit :

> une utilisation, invasive ou non, d’un animal àdes fins expérimentales ou à d’autres fins scienti-fiques, ou à des fins éducatives,

> une intervention destinée ou de nature à abou-tir à la naissance ou à l’éclosion d’un animal ou àla création et à la conservation d’une lignée d’ani-maux génétiquement modifiés,

> dès lors que ces utilisations sont susceptibles decauser à cet animal une douleur, une souffrance,une angoisse ou des dommages durables équiva-lents ou supérieurs à ceux causés par l’introduc-tion d’une aiguille effectuée conformément auxbonnes pratiques vétérinaires.

La définition des procédures expérimentalesreprend en gros la définition des expériences ausens de la directive 86/609/CEE, la nouveautéétant la mention des animaux transgéniques quiont vu le jour depuis [cela dit, les animaux généti-quement modifiés sont couverts de la même façonque les autres mutants (naturels, chimiques…) quiétaient déjà couverts par la réglementation] et lanotion d’un seuil de douleur. Les procéduresexpérimentales peuvent être très simples (ex : uneprise de sang) ou très complexes (ex : la mise aupoint d’un modèle de cancer hépatique par trans-génèse chez la souris). Une mise à mort (euthana-sie) selon une méthode réglementaire, puisque

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désormais les méthodes sont réglementairementdéfinies, ne sera pas une procédure expérimentale.Là encore, il ne faut pas confondre la procédure etle protocole relatif à la procédure.

4- Les entités hors des établissementsd’expérimentation animale :

Il s’agit de nombreux acteurs impliqués indirecte-ment dans les activités d’expérimentation animale.

Nous pouvons tout d’abord identifier les pouvoirspublics, MAAF, MESR et autres ministères impli-qués et précités, les commissions consultatives -CNEA et CNREEA, le Conseil d’Etat et leSecrétariat général du gouvernement, les orga-nismes de recherche publique (CNRS, Inserm,INRA et CEA…), les universités et les entreprisesdu secteur industriel privé ainsi que leurs associa-tions professionnelles connexes (OPAL, AFSTALet GIRCOR) et syndicats (LEEM, SIMV…). LesDirections départementales en charge de la protec-tion des populations (DDPP) et les comitésd’éthiques enregistrés auprès du MESR (CE), peu-vent également être identifiés. La Plateforme fran-çaise pour le développement des méthodesalternatives en expérimentation animale (FRAN-COPA) et les fournisseurs de matériels d’animale-rie sont d’autres entités. Enfin, il ne faut pas oublierles associations de protection des animaux et de lanature (LFDA, Fondation Brigitte Bardot …) quiont, en particulier, des représentants au niveau descommissions consultatives nationales.

Au cours du colloque, nous avons choisi de netraiter que de certains des acteurs précités : le per-sonnel des EU, la structure chargée du bien-êtredes animaux et les comités d’éthique ; nous netraiterons ni des autorités compétentes, ni des ani-maux, même s’ils peuvent parfois être de bonsacteurs.

5- Le rôle des acteurs selon les textes :

En ce qui concerne le personnel des EU, leshommes, ce sont les personnes qui vont utiliser lesanimaux à des fins scientifiques dans les procé-dures expérimentales constituant les projets. Demanière similaire au système issu de la directive86/609/CEE, le personnel des EU utilisera les ani-maux dans le cadre d’un objectif bien identifié(scientifique, éducatif ou réglementaire). Ce per-sonnel devra être compétent, ce n’est pas nouveau,sachant qu’un personnel compétent au sens régle-mentaire est une personne qu’un Etat membreconsidère comme compétente pour l’accomplisse-ment des tâches visées dans les textes. En termesde qualification, le personnel doit être d’un niveaud’études et de formation adéquat à l’accomplisse-ment des tâches prévues.

Dans les textes réglementaires issus de la directive2010/63/UE, comme dans les précédents, ce per-sonnel compétent doit être en nombre suffisant enrapport à l’activité de l’EEA.

Les personnels des EU sont des entités définiesprécédemment comme « persistantes », puisqu’ilest question dans les anciens textes de « personnesqui supervisent le déroulement des expériences »,« de personnes effectuant des expériences » et de« personnes assurant les soins des animaux » etdans les nouveaux textes, de fonctions telles que« la conception de procédures et de projet », « l’ap-plication de procédures aux animaux » et « le soindes animaux ». Voilà qui apparait bien similaire entermes de rôles. Sont également entités persis-tantes, le responsable de l’EU, et le vétérinairedésigné.

Nous avons décidé d’appeler au cours de la jour-née les personnes :

> assurant la conception de procédures et de pro-jets, les concepteurs ;

> assurant l’application des procédures aux ani-maux, les praticiens ;

> assurant le soin des animaux, les soigneurs.

En rapport avec le principe des « 3 R », ces entités« persistantes » peuvent être déclinées de la manièresuivante dans le nouveau système réglementaire :

• le concepteur de procédures et de projetsportera essentiellement sa réflexion sur leremplacement et la réduction, qui n’estd’ailleurs pas une notion nouvelle puisqu’ils’agit d’une obligation législative depuis 1976en France (article L. 214-3 du code rural et lapêche maritime),

• le praticien prendra en charge plus précisémentle raffinement, car il apportera tout son savoir-faire dans les procédures,

• enfin, le soigneur sera proche des animaux auquotidien, il s’occupera du bien-être desanimaux tout au long de leur vie dans l’EEA etdonc également au cours des procédures,participant également au raffinement. Il pourraparticiper dans la réduction, dans la mesure oùil pourra suggérer une « mutualisation » del’utilisation d’animaux entre plusieurs équipes,qui n’interagissent pas forcément entre ellesdirectement.

Dans les nouvelles fonctions réglementaires, nouspouvons identifier :

n La fonction de membre de la structurechargée du bien-être des animaux qui peut sedécliner en différentes catégories : responsable dusuivi du bien-être des animaux et des soins qui

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leur sont donnés, ou plus succinctement, leresponsable du bien-être animal (il peut y en avoird’ailleurs un ou plusieurs) ou concepteur ou bienencore le vétérinaire désigné de l’établissement.Les missions de ces membres ne sont pasindividuellement définies dans les textes, maisc’est la structure globalement qui est décrite(conseil et suivi, cf ci-dessus).

n La fonction de membre de comité d’éthique,se décline également en : personnels des EU, c’est-à-dire des concepteurs, des praticiens et dessoigneurs, auxquels s’ajouteront a minima unvétérinaire et une personne non spécialisée dansles questions relatives à l’utilisation des animaux àdes fins scientifiques. Les premiers membresassurent la compétence du comité initialement ausens de la Charte nationale portant sur l’éthiqueen expérimentation animale puis plus récemmentau sens des nouveaux textes.

Il est à noter que le rôle des CE est fondamentale-ment inchangé dans le nouveau système : il s’agi-ra, comme jusqu’à présent, avant de réaliser lesexpériences, d’émettre un avis sur un dossier sou-mis, en considérant :

• si l’objectif est justifié (toutefois, il ne s’agirapas ici de refaire une évaluation scientifique,d’autres s’en chargent par ailleurs) ;

• si les moyens utilisés sont pertinents ;

• si les résultats attendus sont bien identifiés ;

• si l’exploitation des résultats est prévue demanière rigoureuse,

l’ensemble permettant d’estimer si les avancéesscientifiques attendues l’emportent sur des dom-mages infligés aux animaux (douleur/souffrance/contrainte/dommages durables infligés aux ani-maux), c’est-à-dire si la balance « coût-bénéfice »penche en faveur du bénéfice, aboutissant à unavis favorable.

n À noter, la fonction de mise à mort/euthanasiedes animaux, dans les nouveaux textes, pourra,dans notre pays, être prise en charge par chacundes personnels concepteur ou praticien ; il n’yaura donc pas de personnel dédié uniquement àcette fonction.

Parallèlement à toutes ces fonctions, des responsa-bilités sont réglementairement définies : personneresponsable de l’EEA, personne responsable dumédicament, personne(s) responsable(s) de lamise en œuvre générale du projet, personne(s) res-ponsable(s) du bien-être des animaux, personneresponsable du suivi de la qualification des per-sonnels, les deux premiers responsables étant déjàidentifiés dans la réglementation issue de la direc-tive de 1986, et les quatre derniers correspondantà des missions d’intérêt collectif au sein de l’EEA.

Les textes définissent donc des responsabilitésréglementaires et ces responsables devront êtreparfaitement identifiés au sein des EEA.Toutefois,ces responsabilités réglementaires ne devront pasêtre confondues tout au long de notre réflexionavec la responsabilité individuelle, qui est propre àchaque acteur du système. Cet aspect sera décriten détail par les différents intervenants.

La responsabilité individuelle des acteurs repré-sente, pour le ministère de l’enseignement supé-rieur et de la recherche, une nécessité morale qui,bien entendu, a une place en 2012 et dans lesannées futures. En effet, toute fonction, aussidétaillée soit-elle réglementairement, se doit d’êtreaccompagnée de responsabilité morale. Cettenotion est une valeur chère au MESR et demeurepour les années à venir ce fameux 4e R qu’il a iden-tifié il y a bien des années, sous l’ère d’HubertCurien, et qui justifie son soutien affiché pour cecolloque porteur du même nom.

En conclusion, le nouveau système réglementairefrançais issu de la directive 2010/63/UE est un sys-tème ou chacun aura une place réglementairementdéfinie au sein des EEA, avec des fonctions et desresponsabilités identifiées. Ces fonctions et res-ponsabilités seront décrites dans le dossier dedemande d’agrément des EEA et dans les dossiersde demande d’autorisation de projet. Il convientdonc d’aborder les évolutions actuelles dans lasérénité, de façon à conserver une recherche dequalité et compétitive.n

* http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid28541/la-charte-nationale-portant-sur-l-ethique-de-l-experimentation-animale

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La responsabilité du concepteur de projet

L e propre de la recherche scientifique estd’atteindre les limites de la connaissance etde les repousser, pour, si possible, le bien

des êtres humains. Dans la recherche biomédicalecela signifie trouver de nouvelles solutions et denouvelles approches thérapeutiques.

Pour respecter un des trois premiers R (remplace-ment), le concepteur de projet a la Responsabilitéd’effectuer ses recherches sur des méthodes alterna-tives, la plus courante étant l’utilisation de cellulesen culture (figure 1).

Les cellules en culture peuvent être exposées sansdifficulté à des perturbations physiques, parmi les-quelles les champs électriques, souvent des champspulsés pour éviter des effets indésirables tels que lesaugmentations de température. Une série d’impul-sions très courtes, de 100 microsecondes de durée(0,1 milliseconde), de forte intensité, par exemple1300 Volts par centimètre peuvent causer un effettrès intéressant sur ces cellules, leur perméabilisa-tion transitoire1. Après 8 de telles impulsions, les

cellules peuvent récupérer l’intégrité de leur mem-brane et survivre sans aucune séquelle apparente. Ils’agit du phénomène d’électroperméabilisation. Eneffet, les cellules, aussi bien in vitro qu’in vivo, bai-gnent dans un fluide « physiologique » avec beau-coup d’ions (Cl-, Na+,…) et donc conducteur.L’intérieur des cellules, rempli d’ions Cl-, K+, …,est également conducteur. Par contre, la membranede la cellule est un vrai isolant électrique ; quand unchamp électrique est appliqué aux cellules, les ionsdans les milieux externe et interne se déplacent« librement » mais ne peuvent pas traverser la mem-brane. Ils s’accumulent alors de part et d’autre de lamembrane créant un champ électrique énorme auniveau de la membrane, celle-ci ne faisant que 5nanomètres d’épaisseur. Ce champ électrique localdéstabilise la structure des membranes et les rend «perméables » à des molécules (qualifiées de « non-perméantes ») qui sont incapables de diffuser à tra-vers la membrane des cellules dans son état normal.Avec de bonnes conditions expérimentales et desparamètres électriques adéquats, la membrane se «referme » après quelques minutes et la cellule conti-nue à vivre. Mais pendant que les cellules étaient «ouvertes », des molécules peuvent rentrer (ou sortir)des cellules et ce passage peut être très intéressantlorsqu’on s’adresse à des molécules qui d’habitudene traversent pas la membrane des cellules2.

La bléomycine est un médicament anticancéreuxparmi les premiers à avoir rejoint l’arsenal de la chi-miothérapie, même s’il n’est pas très efficace. Un deses intérêts est que, contrairement aux autres molé-cules, il a très peu d’effets secondaires en dessousd’une certaine dose cumulée, et que ces effets sonttrès bien connus, la molécule étant utilisée depuis lemilieu des années 1970.

L’observation faite au laboratoire fût la suivante : latoxicité de la bléomycine est jusqu’à 100 000 foisplus élevée sur les cellules « électro »perméabiliséesque sur les cellules non traitées par les impulsionsélectriques. Un tel résultat pousse le chercheur àvouloir savoir si l’observation peut être reproduite

Lluis M. MIR

UMR 8203 CNRS, Université Paris-Sud et Institut Gustave-Roussy à Villejuif

4

Figure 1 : Un exemple d’essai in vitro utilisant des cellules enculture pour éviter l’utilisation d’animaux.Les cellules animales sont mises (ou non) en présence d’unesubstance toxique, puis elles sont ensemencées dans des boîtes deculture (dans la figure une « plaque » avec six « puits »). Lescellules vivantes vont se multiplier et former des colonies de 50 à100 cellules en quelques jours, colonies que l’on peut facilementdétecter au fond des puits par des colorations très simples. Unecellule tuée à cause de l’exposition à l’agent toxique mourra et nefera pas de colonie. Il suffit alors de compter les colonies de cellulespour savoir si le produit testé est vraiment toxique ou pas. Seulsles produits réellement efficaces seront ensuite testés in vivo pouressayer de traiter des tumeurs chez l’animal.

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sur des tumeurs. Ceci exige de l’expérimentationanimale, et dresse le problème de la responsabilitédu « concepteur de projet » qui se trouve confrontéà la responsabilité d’exposer des animaux de labo-ratoire à une nouvelle technologie potentiellementtraumatisante, voire dangereuse.

En effet, à l’époque de ce travail, il n’y avait aucuneexpérience antérieure sur l’utilisation de ces impul-sions in vivo, chez l’animal ou l’homme. Ces impul-sions dépassaient les normes de sécuritéhabituellement tolérées et même si on considèreque les limites de « sécurité » laissent une grandemarge « acceptable », le risque pris pouvait ne pasêtre acceptable. En plus, notre subconscient estpeuplé de Frankensteins et la chaise électrique a été(et est encore) une malheureuse réalité…

Il fallait donc franchir le Rubicon… Commenttransposer cette observation chez l’animal, voirechez l’homme ? (Rappelons qu’il s’agit d’impul-sions électriques de 1300 V/cm, d’une durée de100 µs, répétées 8 fois !). Fallait-il exposer des ani-maux à des impulsions électriques dépassant lesnormes acceptées ? Quelle souffrance (immédiate,c’est-à-dire pendant ou tout de suite après) ouquelles séquelles sur le long terme allait-on générer? Bref, était-il responsable de faire l’expérience ?

Avec une certaine appréhension, les premiers ani-maux (souris) furent anesthésiés. Nous n’avonsmême pas traité des tumeurs, le tissu tumoral repré-sentant une situation vraiment trop différente decelle des expériences in vitro. Le raffinement aconsisté à ne pas utiliser un modèle « classique »mais à injecter une goutte de milieu physiologiquecontenant des cellules tumorales avec (ou sans) labléomycine puis à appliquer (ou non) les impul-sions électriques à travers la peau. Ces gouttes ontété injectées dans les pattes, ce qui permettait derespecter un deuxième R (Réduction) puisquequatre essais pouvaient ainsi être effectués par sou-ris. Un avantage supplémentaire (et non négligeabledans le cadre d’un premier essai tel que celui-ci)provenait du fait que l’application des impulsionsaux pattes diminuait, voire annulait la possibilitéd’atteinte d’organes vitaux (localisés dans la tête etle tronc des animaux). Finalement, cet essai per-mettait d’analyser une première difficulté, à savoirla présence de la peau qui est un excellent isolantnon seulement chimique et thermique mais aussiélectrique (la situation était vraiment proche decelle des expériences in vitro à ceci près que le «tube à essais » était remplacé par la peau). Cela fai-sant, nous étions vraiment dans une démarche deraffinement et de responsabilité puisque l’analysed’un seul paramètre, évitant tout facteur de confu-sion, fait partie de l’approche scientifique, qui sedoit d’être analytique et résolutive.

Ainsi, après l’anesthésie des souris, 5000 cellulestumorales furent injectées dans chaque patte, enprésence (ou non) de la bléomycine, et les impul-sions électriques appliquées (ou non) à l’aide dedeux plaques métalliques posées de part et d’autrede la jambe, au niveau de l’injection, en assurant lecontact peau-électrodes avec du gel à électrocardio-graphie. Dans les trois groupes sans traitement ouavec un traitement partiel (bléomycine seule, ouimpulsions électriques seules), des tumeurs se sontformées rapidement chez l’animal, mais pas dans legroupe recevant le traitement complet (Tableau 1).Plus important encore, les animaux ayant reçu lesimpulsions électriques avaient le même comporte-ment que les animaux ne les ayant pas reçues.Aucune séquelle sur le long terme ne fût mise enévidence, ce qui est à relier au fait que les impul-sions que nous utilisions, déjà in vitro, ne tuent pasles cellules : elles ne font que les perméabiliser tran-sitoirement… Une fois « refermées », les cellulescontinuent à vivre, sauf si la bléomycine est rentrépendant l’état transitoire de perméabilité. Donc latolérance aux impulsions électriques était montrée,à court et à long terme. Il fut aussi intéressant deconstater que les animaux des groupes avec bléo-mycine ne présentèrent aucune toxicité, ni SANSles impulsions électriques (la bléomycine en uneseule dose injectée rapidement n’affecte que les cel-lules électroperméabilisées), ni AVEC les impul-sions électriques. Donc, en présence des impulsionsélectriques, il n’y eut pas d’« exacerbation » de latoxicité de la bléomycine ailleurs que sur les cellulestumorales (c’est-à-dire dans la zone où il y a eu à lafois la bléomycine ET les impulsions électriques).

Tableau 1

Dans une deuxième étape, confortés par les conclu-sions de l’essai précédent, nous sommes revenusvers un essai plus classique, à savoir le traitement detumeurs greffées sur le flanc de souris. Dans cettesituation les électrodes allaient être beaucoup plusproches des organes vitaux, dont des organes « élec-triques » comme le cœur. Cependant, sachant quel’effet électrique étant restreint à la zone définie parles électrodes, cela ne semblait plus être un problè-me rédhibitoire, et ce ne le fut pas. Cette fois-cil’étude pouvait donc se concentrer effectivement

BleomycineImpulsions

électriques

Jours avant l’appari-

tion de tumeurs dans

la moitié des pattes

- - 11

- + 11

+ - 13

+ + 22

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§ LE 4e R selon l’OPAL §

sur l’effet sur le tissu tumoral qui présente de trèsgrandes différences (d’organisation, de structure,de physiologie, …) par rapport à des cellules enculture en suspension dans un liquide physiolo-gique. Nous avons donc induit des tumeurs cuta-nées et ensuite appliqué les impulsions électriquesà ces tumeurs avec le même type de résultats excel-lents (jusqu’à 60% des tumeurs disparaissant endeux semaines, sans séquelles, avec des doses debléomycine n’ayant aucun effet secondaire surl’animal et après un seul traitement de 8 secondes,avec 8 impulsions de 0,1 ms délivrées à la fréquen-ce de 1 par seconde). D’ailleurs certaines de cessouris ont été « guéries » (plus de 200 jours de sur-vie SANS réapparition de la tumeur inoculée) dèsla première expérience sur deux modèles tumorauxdifférents.

La recherche s’est ensuite accélérée, en essayant derespecter une fois de plus le troisième des 3 R(Raffinement des méthodes), car l’efficacité et l’ab-sence d’effets nuisibles des impulsions électriquesouvraient la voie au développement du traitement,pour des essais chez les animaux de laboratoire(souris, rats, lapins), pour des essais vétérinaireschez les chiens, les chats et même les chevaux3, etaussi pour des essais cliniques chez l’homme dontles premiers furent réalisés à l’Institut Gustave-

Roussy de Villejuif. Les essais cliniques ont apportédes résultats très intéressants. Nous avons alorsdéfini l’électrochimiothérapie antitumorale (ECT).Vingt ans après ce travail pionnier et beaucoupd’autres étapes ultérieures (essais cliniques4,conception de générateurs spécifiques, développe-ment d’électrodes appropriées, validation des pro-tocoles, établissement de procéduresopérationnelles standard5, etc.) l’électrochimiothé-rapie est pratiquée déjà dans plus de 120 centres delutte contre le cancer en Europe. Les indicationsactuelles de l’ECT sont toutes les métastases cuta-nées et sous-cutanées indépendamment de l’histo-logie de la tumeur primaire - en particulier,métastases de mélanome et de mélanome en tran-sit, récurrences locales du cancer de sein, carci-nomes de la tête et du cou, …, et les essais cliniquesactuels abordent des tumeurs très difficiles commeles métastases osseuses ou des métastases hépa-tiques inopérables.

Il fallait donc franchir le Rubicon, avecResponsabilité, basée sur le Raffinement et laRéduction, mais pas uniquement, car une réflexionspécifique était nécessaire, avant, pendant et aprèsles expériences, la responsabilité du concepteur deprojet étant finalement engagée aussi bien s’il yallait que s’il avait décidé de ne pas y aller.n

1 L. M. Mir. Impulsions électriques. In: « Champs élec-tromagnétiques, environnement et santé », M. Souquesand A. Perrin eds. pp. 31-40, Springer Heidelberg 2010.2 A. Silve and L. M. Mir. Cell electropermeabilisationand small molecules cellular uptake: the electrochemo-therapy concept. In “Electroporation in Science andMedicine”, Stephen Kee, Edward Lee and Julie GehlEds, pp 69-82, Springer, New York, 2010.3 L.M. Mir. L’électroporation dans le traitement descancers : l’électrochimiothérapie antitumorale. Bulletinde l’Académie Vétérinaire de France, 162, 371-376,20094 M. Marty, G. Sersa, JR Garbay, J.Gehl, C. Collins, M.Snoj, V. Billard, P. Geertsen, J. Larkin, D. Miklavcic, IPavlovic, S. Paulin-Kosir, M. Cemazar, N. Morsli, D.

Soden, Z. Rudolf, C. Robert, G. O’Sullivan and L.M.Mir. Electrochemotherapy - a simple, highly effectiveand safe treatment of cutaneous and subcutaneousmetastases: results of ESOPE (European StandardOperating Procedures for Electrochemotherapy) study.Eur. J. of Cancer Supplements, special issue“Electrochemotherapy”, 4, 3-13, 2006.5 L.M. Mir, J. Gehl, G. Sersa, C. Collins, JR Garbay, V.Billard, P. Geertsen, Z. Rudolf, G. O’Sullivan, M.Marty. Standard Operating Procedures of theElectrochemotherapy : Instructions for the use of bleo-mycin or cisplatin administered either systemically orlocally and electric pulses delivered by theCliniporator™ by means of invasive or non-invasiveelectrodes". Eur. J. of Cancer Supplements, specialissue “Electrochemotherapy”, 4, 14-25, 2006.

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Parmi les acteurs de l’expérimentation ani-male, l’expérimentateur a une responsabili-té directe vis-à-vis du bien-être des

animaux. En effet, l’expérimentateur, définicomme la personne en charge de la mise en œuvreet de la réalisation du projet, est en contact directavec les animaux et peut parfois être amené à faireface à des imprévus et situations d’urgence luiimposant d’analyser et de prendre des décisionsau-delà des exigences réglementaires.

Travaillant au sein d’un établissement d’expéri-menter, il a pour rôle :

> de mettre en place le projet soumis par sonconcepteur :

• Choix du matériel ou de l’équipement (ex : bonétat de fonctionnement, en quantité suffisante,adapté à l’espèce et au protocole)

• Respect de la période d’acclimatation et miseen place de programme d’apprentissage sinécessaire

• Vérification des animaux avant le début duprojet (ex : souche, âge/poids, sexe, statutsanitaire, examen clinique)

• Identification des animaux• Planification du projet (ex : respect du

chronogramme, préparation du matériel)

> de réaliser le projet tel que soumis :• Respect du chronogramme• Réalisation des procédures du projet

(formation, compétence)

> d’observer les animaux et d’alerter en casd’anomalie :

• Examens cliniques, observation des animaux• Détection des stades d’anesthésie, des phases

de réveils• Détection des signes cliniques et des points

limites• Vérification de l’efficacité des mesures

analgésiques• Réalisation de soins (ex : réhydratation,

traitements, entretien de cathéters)• Vérification de l’environnement des animaux

(ex : enrichissement, litière, température,humidité...)

• Mise à mort (ex : formation, compétence,respect des animaux, confirmation de la mort)

> d’enregistrer et de transmettre les don-nées brutes :

• Observations cliniques• Dommages sur animaux (degré de gravité réel)• Informations nécessaires pour le résumé non

technique et l’appréciation rétrospective

Tous ces exemples illustrent ainsi le rôle primor-dial de l’expérimentateur et la manière dont sa res-ponsabilité est engagée vis à vis du bien-êtreanimal et de la qualité des résultats scientifiques.Son interlocuteur principal est le concepteur deprojet, mais de part son rôle et ses responsabilités,l’expérimentateur est également en interface avecl’établissement et la structure chargée du bien-êtredes animaux. n

La responsabilité du technicien enexpérimentation animale

Aurélie GIROD Dr Vétérinaire, Responsable Insourcing Solutions.Charles River France

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Parmi les acteurs de l’expérimentation animale, le techni-cien a une responsabilité directe vis-à-vis du bien-être des ani-maux.En effet, il a en charge la mise en œuvre et la réalisationdu projet, est en contact direct avec les animaux et est parfoisamené à faire face à des imprévus et des situations d’urgencequi lui imposent d’analyser et de prendre des décisions au-delàdes exigences réglementaires.

Au cours de cette présentation, nous illustrerons au traversde quelques exemples de quelle manière la responsabilité dutechnicien en expérimentation animale est engagée lors de lamise en œuvre et la réalisation du projet, lors de l’observationet du suivi des animaux et dans l’enregistrement des donnéesbrutes et la transmission d’informations.

Résumé

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§ 21 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

La responsabilité de la personne chargée des soins auxanimaux et celle de la structure chargée du bien-être animal

Chrystophe FERREIRAUniversité Paris Descartes, chargé de la coordination de la plateforme des animaleries

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Tout comme les disciplines scientifiques qu’elle supporte, lazootechnie est en évolution constante et rapide. Ceci sous l’im-pulsion conjuguée des évolutions technologiques, des modèlesexpérimentaux, des niveaux sanitaires et bien sûr des exi-gences normatives et règlementaires actuelles et à venir.

Parmi les acteurs de l’expérimentation animale, les per-sonnes chargées des soins aux animaux (ou « soigneurs ») ontdès aujourd’hui un rôle et une responsabilité à différentsniveaux : technique bien sûr mais également scientifique etéthique par le biais du bien-être animal et de la traçabilité.

Demain, avec la mise en place de la structure chargée dubien-être animal, ces dimensions seront renforcées et officiali-sées. Dans ce contexte, la place du « soigneur » est appelée àprendre une part encore plus importante. En effet, dans le

cadre des actions de conseils, de suivi et d’enregistrementsdévolues à cette structure, ces professionnels auront pleinementla possibilité de dépasser le cadre de leur rôle réglementairepour, via des initiatives concertées, aller au delà de cette régle-mentation dans une démarche de responsabilité personnelle etinstitutionnelle.

Au cours de cette présentation nous envisagerons la placeque pourra et devra tenir le « soigneur » au sein de la cellulechargée du bien-être animal. Par ce biais, nous évoquerons lafaçon dont il pourra s’impliquer, de façon volontaire et respon-sable, dans le perpétuel mouvement d’amélioration des pra-tiques zootechniques au service de la science mais dans lemeilleur respect de l’animal.

Résumé

La responsabilité des différents acteurs del’expérimentation animale se situe au delàde leur rôle tel qu’il est défini par les textes

règlementaires. La personne chargée des soins auxanimaux, que nous appellerons ensuite soigneur nefait bien sûr pas exception à la règle.

La responsabilité aujourd’hui

Les rôles du soigneur sont définis par les textesd’application de la directive 86/609. Ils portent surdifférents éléments ayant des dimensions tech-niques mais également des impacts à des niveauxscientifiques et éthiques. Dans son travail journalierle soigneur va pouvoir chercher à aller plus loin queson rôle (responsabilité « légale ») pour entrer dansune démarche de responsabilité morale et intellec-tuelle vis-à-vis de ses actions et de leurs consé-quences.

Par exemple lors de son travail de change sous hottedans une animalerie rongeur à statut sanitairecontrôlé, le soigneur va pouvoir, au delà du simplechange, porter une attention particulière au maintiendu confinement sanitaire de la zone par le strict res-pect des procédures. En cela il participe au maintiende la qualité de fonctionnement de l’établissement.

Lors du change il va pouvoir également faire parti-culièrement attention à ne pas stresser les animauxpar une manipulation trop brusque et ainsi per-mettre que les animaux expérimentaux restent debon modèles. En cela son action a une dimensionscientifique en permettant le maintien de la repro-ductibilité des résultats.

Enfin, étant lors de ce change au contact journalierdes animaux, il va pouvoir être « l’œil du chercheur »et donner à son travail une dimension éthique. Parexemple en prêtant une attention particulière aubien-être des animaux, à l’apparition de signes cli-niques ou encore au respect des points limites.

Et demain… la nouvelle directive

Si le soigneur engage dès aujourd’hui sa responsa-bilité, cette possibilité sera prochainement renforcéeet élargie avec l’application de la directive2010/63/UE axée sur la protection animale. Cettedirective prévoit (entre autre) la création d’une nou-velle entité : la structure chargée du bien-être ani-mal. De façon individuelle ou dans le cadre de cettestructure, le soigneur va pouvoir s’impliquer dansune démarche volontaire pour aller plus loin queson devoir.

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§ 22 § § 23 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

> Bien-être / application de la règle des 3 R

Dans ce domaine, la première démarche de respon-sabilité pourra être de faire partie de la structurechargée du bien-être animal et nous en parleronsplus loin.

La responsabilité du soigneur dans le bien-êtrepasse également par la capacité à apporter lemeilleur conseil au moment opportun. Ceci aussibien au niveau technique, par exemple concernantle matériel le plus approprié, qu’au niveau des soinsaux animaux et des comportements adaptés aufonctionnement de l’établissement.

Afin d’être à même d’apporter ce conseil le soi-gneur va pouvoir chercher à améliorer ses acquis etcompétences personnelles, par exemple en partici-pant à des colloques ou en lisant la littérature spé-cialisée. Cette recherche de pertinence par laformation personnelle peut également passer pardifférents biais comme la participation à un comitéd’éthique, une implication dans un processus quali-té ou encore des échanges avec la communauté spé-cialisée du domaine.

Toutefois c’est au niveau du R de Raffinement prisau sens large du « raffinement des conditions d’hé-bergement pour améliorer le bien-être animal » quele soigneur va pouvoir apporter toute la compéten-ce de son cœur de métier dans une volonté de faire« encore mieux ».

Pour citer un exemple, à l’Université ParisDescartes les soigneurs de différents établissementsse sont déjà largement impliqués dans unedémarche active de raffinement de l’enrichissementde l’environnement (tests de préférence de placesuivi par vidéotracking pour la sélection desmeilleures litières) ou encore de validation de nou-veaux équipements (utilisation de poches jetablesd’eau en remplacement des biberons dans différentstypes de stabulation).

Ces actions ont été menées dans le cadre degroupes de travail préfigurant les futures structureschargées du bien-être animal. Dans ces groupes, lessoigneurs impliqués ont joué un rôle particulière-ment actif à différents niveaux : proposition dematériel, réalisation des tests, évaluation des béné-fices, participation à la rédaction du rapport d’ana-lyse etc. Cela a permis une optimisation desconditions d’hébergement dans les établissementsimpliqués.

Ce type de démarche a bien sûr un intérêt majeurpour le fonctionnement de la structure en alliantbien-être animal et ergonomie du travail journalierdes soigneurs. De ce fait, ces derniers entrent dansune démarche de responsabilité vis-à-vis de leur éta-blissement et de leur fonction. Toutefois c’est biendans la volonté affichée de vérifier avant tout l’adé-

quation des nouveaux éléments de l’hébergementavec le bien-être animal que les soigneurs exercentune véritable responsabilité morale vis-à-vis de leurfonction et des animaux dont ils ont la charge.

> Formation et information des utilisateurs

Dans cette dimension également, les soigneurs vontpouvoir s’engager dans une démarche de responsa-bilité et ceci à plusieurs niveaux.

Ils vont pouvoir jouer un rôle de conseil pratique ettechnique des nouveaux entrants, par exemple enrappelant les bonnes règles de manipulation desanimaux ou encore les procédures de travail et defonctionnement de la structure. Ceci lors de visitespréalables ou d’accompagnements initiaux des per-sonnes dans lesquels les soigneurs peuvent s’impli-quer activement voire même promouvoir ouorganiser dans certains cas.

Cette responsabilité a bien sûr une dimension prag-matique et un intérêt pour la structure puisque unétablissement qui fonctionne bien et selon les pro-cédures établies représente à terme une charge detravail moindre pour les soigneurs (animaux nonstressés faciles à manipuler, matériel fonctionnel etentretenu…). Elle est toutefois importante puisqueen plaçant le soigneur en position d’interlocuteurdirect et de formateur elle assure une valorisationaussi bien de la personne que du métier et permetune promotion du dialogue entre les différentsintervenants de l’établissement qui est toujoursbénéfique à son fonctionnement.

Les soigneurs peuvent également être impliquésdans des actions de formations internes aux outilsde métier à destination de leurs nouveaux collègues,ce qui permet une cohésion fonctionnelle de l’équi-pe zootechnique qui est là encore généralementsouhaitable et bénéfique.

Le soigneur va bien sûr pouvoir promouvoir le res-pect des besoins liés aux animaux et à leur héberge-ment. Il en est d’ailleurs l’acteur naturel puisque laconnaissance des animaux qu’il soigne ainsi que desspécificités éventuelles des modèles et celle desmoyens zootechniques applicables pour en optimi-ser les conditions d’hébergement constituent soncœur de métier et qu’il y est donc particulièrementcompétent. De plus son activité le place au jour lejour au plus près des animaux et donc aisémentaccessible pour les utilisateurs.

Dans cette situation la responsabilité du soigneurpeut s’exprimer par la volonté d’instaurer un dia-logue facile avec les autres acteurs de l’établisse-ment et de se rendre disponible pour cela afind’optimiser la circulation de l’information.

Enfin, former et informer suppose de l’être soi-même. Cet aspect sera d’ailleurs renforcé par l’ap-

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§ LE 4e R selon l’OPAL §

plication de la nouvelle directive instaurant une for-mation continue et un suivi des compétences. À ceniveau la responsabilité du soigneur peut se situerdans une démarche active et personnelle derecherche de formations adaptées et d’acquisitiondes compétences incluant si besoin celle de la trans-mission du savoir de façon à ce qu’il puisse agirpleinement comme interlocuteur et conseil.

> Contrôle et remontée des informations

Le soigneur a un rôle naturel dans le contrôle jour-nalier des installations et des animaux ainsi quedans la remontée des informations aux « bons »interlocuteurs. Sur ces aspects il va également pou-voir entrer dans une démarche active de responsa-bilité.

Pour cela le soigneur va par exemple essayer d’an-ticiper les dysfonctionnements techniques et leserreurs humaines en suggérant la mise en place desolutions adaptées (installation de reports d’alar-me technique, de portes à badges…) ou en optimi-sant la surveillance des animaux et de leurbien-être (qui devra être journalière avec la nou-velle directive). Sur ce dernier point une démarcheactive peut se placer au niveau d’une bonneconnaissance des objectifs et des spécificités desétudes en cours pour en tenir compte dans le suivides animaux. Cette connaissance peut être obte-nue par des réunions avec les utilisateurs scienti-fiques afin qu’ils décrivent précisément leursprojets et leurs attentes.

Concernant la remontée des informations au sujetdes animaux et plus généralement de toute anoma-lie, le soigneur en est encore une fois l’acteur natu-rel puisque sa fonction le place en permanence ausein de la structure et au plus près des animauxqu’il manipule tous les jours. De ce fait il constitue« l’œil du chercheur » et le « veilleur de l’animalerie »Il va donc être à même de rapporter toute anomalieou observation dans le respect de la méthodologieet de la chaine d’information prévue (c’est un de sesrôles habituels).

Toutefois, il peut s’engager dans une démarche deresponsabilité en le faisant le plus précocement pos-sible, de façon optimale suivant les circonstances eten étant prêt si besoin à intervenir voire à improvi-ser. En effet la démarche de responsabilité est sou-tenue par le désir et la volonté de faire au mieux (aubénéfice des animaux, de la structure et de laconscience professionnelle du soigneur) et peutimpliquer une part d’initiative personnelle. Il peutpar exemple être plus judicieux de remonter uneinformation à une personne effectivement présenteet à même d’agir plutôt qu’à celle normalementidentifiée par la procédure de la chaîne d’informa-tion si on sait que cette dernière est absente.

> La structure chargée du bien-être animal

La structure chargée du bien-être animal mise enplace par la nouvelle directive comprend à minima :la personne responsable du bien-être, un chercheur- pour les établissements d’expérimentation - etbénéficie des conseils du vétérinaire désigné.

Elle a des tâches définies par les textes qui schéma-tiquement vont concerner d’une part le bien-êtreanimal et la mise en application de la règle des 3 R,d’autre part les processus opérationnels internes(établissement et révision, contrôles et rapports), etenfin les projets (conseils, analyse prospective etrétrospective) ainsi que l’éventuel placement d’ani-maux réformés. Pour plus de détails voir la contri-bution de Virginie Vallet-Erdtmann et la figure 1.

En tant qu’entité, la structure jouera un rôle clé àplusieurs niveaux :

• Émanant d’une volonté européenne, elle sera unélément essentiel de la crédibilité du dispositifvis-à-vis des instances gouvernementales et plusgénéralement de l’opinion publique.

• Bien qu’elle n’ait pas un pouvoir décisionnaire,ses missions de formation et d’information enferont l’outil de promotion des bonnes pratiqueset du bien-être des animaux auprès de l’en-semble de la communauté de l’expérimentationanimale

• Ses conseils et les décisions qui en découlentseront consignés par écrit et devront être mis à ladisposition de l’autorité. De ce fait elle se placeraen garante de la conformité et de la qualité despratiques mises en œuvre.

Toujours en tant qu’entité sa responsabilité semanifestera dans son souci d’aller, par ses actions,vers une amélioration continue assez similaire àcelle d’une approche qualité et également vers l’ob-jectif d’une réelle recherche du « mieux-être » ani-mal.

> Le soigneur dans la structure chargée dubien-être

La liste fixant à minima la composition de la struc-ture chargée de bien-être n’est évidement pas closeet le soigneur va pouvoir en faire partie intégrante.C’est d’ailleurs logique puisque un certain nombredes rôles de cette future structure relèvent égale-ment d’une démarche de responsabilité « indivi-duelle » de sa part (conseils vis-à-vis du bien-être…)que nous avons déjà évoquée.

La volonté de participer activement à cette structu-re en y étant une vraie force de proposition et deconseil constitue en soit une démarche de responsa-bilité du soigneur. Cette implication est particuliè-rement importante. En effet la participation à cettenouvelle entité qui va jouer un rôle central dans le

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fonctionnement des établissements sera pour luiune source de motivation. Ce sera également unmoyen fort de valorisation de son travail, à la fois auniveau personnel et pour l’ensemble du métier.

Dans les actions liées au suivi des projets, il pourraapporter les compétences de son cœur de métieraussi bien au niveau prospectif (par exemple par desconseils sur le matériel, le type de cage le mieuxadapté…) que rétrospectif (par exemple sur leretour d’observation des points limites ou encorepar des propositions pratiques telles que la fourni-ture d’un accès plus facile à la nourriture pour desanimaux diminués physiquement).

Enfin concernant l’éventuel placement d’animauxde réforme après leur utilisation (principalementpour les espèces « non rongeurs » !), le soigneur vabien sûr pouvoir prendre la responsabilité de parti-ciper au programme de socialisation nécessaire,programme pour lequel il aura auparavant, en tantque membre de la structure chargée du bien-êtreanimal, pu donner des conseils sur la mise en place.

Conclusion

Au-delà du rôle légal du soigneur qu’on peut résu-mer grossièrement par la liste des actions pour les-quelles on le paye, sa responsabilité peut s’exercerdans le champ de tout ce qui est au delà de cetteliste et qui concourt à ce que l’établissement fonc-tionne le mieux possible.

Cette responsabilité se base sur un principe moralet une satisfaction intellectuelle d’avoir fait « aumieux » aussi bien à l’égard des animaux, que de sescollègues, que de l’établissement et plus globale-ment du progrès scientifique pour lequel on utilisedes animaux.

Pour être pleinement atteinte, cette démarchenécessite toutefois une certaine zone de liberté et decréativité pour pouvoir passer du « bien fait » au« mieux fait ». C’est pourquoi avec l’augmentation(actuelle et à venir) du nombre des rôles et de laprécision de leur cadrage règlementaire, il fautnéanmoins prendre garde à ne pas déresponsabili-ser les acteurs de l’expérimentation animale, et enparticulier les soigneurs, au risque de nuire in fineau bien-être animal par manque de satisfactiond’avoir pu faire « encore mieux » au bénéfice detous. n

§ LE 4e R selon l’OPAL §

§ 24 § § 25 §

Figure 1 : article 27 de la directive 2010/63/UE.

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§ LE 4e R selon l’OPAL §

§ 25 §

La transposition de la nouvelle directive2010/63/UE qui sera appliquée en Franceà partir de janvier 2013 va induire des

modifications importantes dans le concept de res-ponsabilité des acteurs de l’expérimentation ani-male. La responsabilité collective des acteurs del’expérimentation animale va être remaniée et lesresponsabilités individuelles des différents acteursredistribuées. Les responsabilités seront mieuxdéfinies et formalisées. La procédure d’agrémentdes établissements d’expérimentation animale seraétendue aux établissements éleveurs et fournis-seurs qui deviendront tous « établissements utilisa-teurs ».

La fonction responsabilité de l’établissements’exerce à la fois en termes de conformité d’instal-lations mais aussi de conformité de bientraitancedes animaux hébergés et de conformité de mise enœuvre des projets.

À la fois source de moyens, cadre d’intervention,carrefour de flux et centre de responsabilités, l’éta-

blissement d’expérimentation animale préside à lamise en place et au suivi des projets. C’est ainsique l’établissement d’expérimentation animaleengage sa responsabilité à travers un maillage decontraintes réglementaires, humaines et tech-niques qui lui imposent de maîtriser ses activitéspour atteindre des objectifs scientifiques par lavoie du bien-être animal.

Avec son réseau complexe d’acteurs interdépen-dants, une multitude d’interfaces à gérer etd’impératifs à satisfaire, la responsabilité de l’éta-blissement d’expérimentation animale débordelargement de son cadre strictement réglementaire.

Si le « bien faire » peut-être perçu comme l’appli-cation conforme des textes de lois, le « mieuxfaire » est lié à la culture de l’entreprise à laquellel’établissement est rattaché. Cette culture vaconduire l’établissement d’expérimentation ani-male à orienter sa politique stratégique vers lasatisfaction du client et le bien-être animal via desindicateurs d’activité et de performance pour

La responsabilité de l’établissementd’expérimentation animale

Philippe DELISCentre d’exploration et de recherche fonctionnelle expérimentale (CERFE),Genopole, EvryVice-Président de l’OPAL

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Siège des activités d’expérimentation des Vertébrés vivants,l’établissement d’expérimentation animale engage sa respon-sabilité à travers un maillage de contraintes réglementaires,humaines et techniques qui lui imposent de maîtriser ses acti-vités pour atteindre des objectifs scientifiques par la voie dubien-être animal.

Avec son réseau complexe d’acteurs interdépendants,une mul-titude d’interfaces à gérer et d’impératifs à satisfaire, nous verronsque la responsabilité de l’établissement d’expérimentation animaledéborde largement de son cadre strictement réglementaire.

Si le « bien faire » peut être perçu comme l’applicationconforme des textes de lois, le « mieux faire » est lié à la cultu-re de l’entreprise à laquelle l’établissement est rattaché. Cetteculture va conduire l’établissement d’expérimentation anima-le à orienter sa politique stratégique vers la satisfaction duclient et le bien-être animal via des indicateurs d’activité per-mettant d’optimiser les données obtenues.

Au cours de cet exposé, nous déclinerons les responsabilitésque l’établissement d’expérimentation animale est amené àprendre au-delà du rôle défini par la directive 2010/63/UE, etnous verrons également comment la responsabilité morale et laresponsabilité réglementaire se complètent.

C’est ainsi que les notions de responsabilité scientifique,opérationnelle, humaine, qualité, sanitaire, expérimentale etcontractuelle de l’établissement seront abordées et tour à tourpositionnées au sein d’un ensemble matriciel fonctionnel, cohé-rent et intégré.

Les interfaces entre l’établissement d’expérimentation ani-male et les autres acteurs de l’expérimentation seront préciséeset illustrées à l’aide d’exemples de comités de pilotage et d’ou-tils de management.

Cette présentation consacrera largement la responsabilitécollective et partagée des acteurs de l’établissement d’expéri-mentation animale.

Résumé

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obtenir des données de meilleure qualité etatteindre les objectifs fixés par sa direction.

Au cours de cet exposé, nous déclinerons les res-ponsabilités que l’établissement d’expérimenta-tion animale est amené à prendre au-delà du rôledéfini par la directive 2010/63/UE, et nous verronségalement comment la responsabilité morale et laresponsabilité réglementaire s’imbriquent et secomplètent.

Les notions de responsabilité scientifique, tech-nique, managériale, opérationnelle, humaine, qua-lité, sanitaire, expérimentale et contractuelle del’établissement seront abordées et tour à tour posi-tionnées au sein d’un ensemble matriciel fonction-nel, cohérent et intégré.

L’établissement d’expérimentation ani-male envisagé comme infrastructure

Siège des activités d’expérimentation des Vertébrésvivants, l’établissement d’expérimentation animaleest, dès son ouverture, confronté à un maillage decontraintes fortes ; non seulement réglementairespuisqu’il est une structure soumise à autorisationde fonctionnement, mais aussi techniques,humaines et morales puisqu’il héberge des ani-maux d’expérience qu’il a par ailleurs le devoir deprotéger tout en satisfaisant un ensemble d’impé-ratifs pour le compte de clients externes etinternes dans le respect d’objectifs scientifiques.

Le législateur consacre largement la responsabilitéde l’établissement d’expérimentation animale(EEA) en termes de mise à disposition de moyenset donc de locaux et d’équipement.

C’est ainsi que bien en amont de sa mise en routeopérationnelle et dès la création du projet archi-tectural, l’EEA qui n’est pas encore agréé, nimême déclaré mais déjà positionné comme futurexploitant, doit entreprendre de coordonner projetscientifique et projet technique.

Cette action/mission d’assistance à maîtrised’œuvre et d’ouvrage (AMO) est souvent mal anti-cipée et reléguée à un tiers dont la responsabiliténe sera pourtant pas de produire in fine un livrablede fonctionnement conforme.

Concrètement, la coordination des projets scienti-fique et architectural se décompose en deux mou-vements :

• traduire des données scientifiques en donnéespréhensiles pour un maître d’œuvre ;

• renseigner en temps réel les concepteurs desfuturs projets scientifiques de l’avancement duprojet architectural.

Les concepteurs de projet relaieront à leur tourl’information à l’extérieur auprès de leurs collabo-rateurs et partenaires.

Ce rôle primordial d’animation de ce que l’onappelle la « cellule projet » en langage de maîtrised’œuvre et d’ouvrage va coïncider avec l’appari-tion d’un acteur important de l’EEA : le respon-sable Qualité Sécurité Environnement (QSE).Celui-ci aura pour première mission de suivre lesopérations de qualifications des locaux dont l’ob-jectif est de s’assurer que le projet livré sera bienconforme au cahier des charges.

L’établissement d’expérimentation ani-male et ses parties intéressées

L’entité physique que représente l’EEA se situe ausein d’un environnement interne qui peut êtrel’institution auquel il est rattaché. Cet environne-ment interne est lui-même situé dans un environ-nement externe dont les différents acteursconstituent autant d’interfaces à gérer que de vis-à-vis à assurer pour l’EEA.

La figure 1 donne un panel non exhaustif des par-ties intéressées de l’EEA.

Parmi ces parties intéressées, on peut citer :• les clients externes et internes de l’EEA qui ne

sont autres que les autres acteurs del’expérimentation animale : le concepteur deprojet, l’expérimentateur, le comité d’éthique,la structure chargée du bien-être des animauxmais aussi les soigneurs, techniciens enexpérimentation animale et/ou techniciensd’élevage.

• Les fournisseurs d’animaux qui sont en amontde toute l’expérimentation animale et qui sontles premiers garants de la qualité des modèlesfournis et développés : qualité génétique,sanitaire, physiopathologique,…

• Les fournisseurs de matériel (consommables,réactifs, équipements) et de fluides (eau deville, énergie, gaz médicaux ou industriels…).

§ 27 §§ 26 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

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5 Colloque OPAL 4eR - 4 avril 2012 Figure 1 : Environnement de l’Etablissement d’expérimentationanimale

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• Les fournisseurs de service y compris les sous-traitants pouvant s’approprier tout ou partie dela mise en œuvre d’un projet ou de soins portésaux animaux comme les contract researchorganisations (CRO), les contract researchservices (CRS) ou les prestataires de facilitymanagement qui est une norme européenne (§.NF EN 15221).

• Les tutelles : services de la république agissantau nom de la Préfecture ou de ministères derattachement, agences de sécurité, organismesde certification.

• Les réseaux : banques, rocades, conservatoires,plateformes françaises et européennes, agenceset pôles de financement, technopôles,…

• La société civile représentée notamment par lesassociations de professionnels (Afstal, Opal,Gircor) mais qui est aussi présente dans lecomité d’éthique avec la personne extérieure àl’établissement.

La gestion de toutes ces interfaces en termes decoordination, planification et animation confèreau responsable de l’EEA une fonction différenciéede management.

Une mention spéciale sera accordée au managerdans le paragraphe suivant car l’établissement uti-lisateur de demain doit être envisagé comme uncentre de responsabilités et une unité managériale,voire même comme une business unit lorsque desobjectifs économiques lui sont fixés.

L’établissement d’expérimentation ani-male et ses parties constituantes

L’établissement d’expérimentation animale est unconstruit humain professionnel dont l’organisa-tion est à géométrie variable. Sa culture peut-êtretaylorienne, matricielle, c’est-à-dire fonctionner enmode « projets » ou encore polycellulaire (installa-tions multi-sites et filiales).

Le manager peut se retrouver à l’intersection deces 3 modes managériaux.

Les diagrammes de la figure 2 illustrent le posi-tionnement des acteurs de l’EEA avec, à titre indi-catif, leur niveau de contact avec les animaux.Certaines fonctions ne sont pas identifiées par lesréglementations qui ont découlé de la directives86/609/UE ou découlent de la directive2010/63/UE, ce qui est sans importance carcomme indiqué en introduction, l’atteinte des cri-tères de qualité et des objectifs fixés par la direc-tion de l’EEA conduiront la responsabilité del’établissement à dépasser le cadre de sa responsa-bilité purement réglementaire.

À la tête de l’EEA, figure le responsable adminis-tratif et juridique qui représente l’institution ou ladirection générale de l’entreprise. Comment iden-tifier formellement cet acteur ? C’est celui dont le

nom figure sur le formulaire Cerfa… Mais qui, leplus souvent, délègue la responsabilité des opéra-tions au manager dont la fonction n’est pas identi-fiée en tant que telle dans la nouvelleréglementation mais qui n’en est pas moins unpersonnage essentiel du dispositif pour la coordi-nation des activités de l’établissement.

Le chef de l’établissement en est-il le responsablescientifique ? Dans une société privée, assuré-ment : c’est le Chief scientist officer (CSO). Dansl’industrie du médicament et des biotechnologies,le CSO occupe généralement les plus hautes res-ponsabilités de l’entreprise et siège au sein dudirectoire.

Dans l’académie, le Chef de l’EEA représentel’institution qui prend les orientations scienti-fiques après avis du Conseil scientifique. On peuten effet prétendre sans trop se tromper qu’aucunétablissement d’expérimentation animale n’estsitué en amont d’un Conseil scientifique et encoremoins d’un Conseil d’administration.

Dans l’académie, la notion de « scientifique » peutêtre pour autant source de conflit d’intérêt car unamalgame culturel est opéré entre scientifique etchercheur. Ce raccourci est très tendance encontexte hospitalo-universitaire. De ce point de

§ 27 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

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Niveaux de contacts avec les animaux (arbitraire)

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Responsable pharmacie ?

Responsable pharmacie ?

Figure 2 : Positionnement des acteurs de l’Etablissementd’expérimentation animale

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vue, on est en droit de craindre légitime-ment que si le responsable de l’EEA déve-loppe des activités de recherche et quel’EEA dont il porte la responsabilité estune infrastructure commune avec deséquipements mutualisés, cette personne nesoit encline à orienter les investissementsde l’établissement en faveur de ses proprestravaux de recherche.

À noter que le rôle du responsable de l’ap-provisionnement et du stockage des médi-caments peut être joué par plusieursacteurs du dispositif. Ce même respon-sable doit pouvoir « déléguer » la remise demédicaments centralisés dans une armoireà pharmacie à une personne compétente ;étant entendu qu’une responsabilité se par-tage mais ne se délègue pas.

La responsabilité de l’établissement d’ex-périmentation animale face aux critèresde qualité

Une autre fonction importante du dispositif quielle-non plus n’est pas identifiée par les textes delois est celle de « pilote de processus ». Le terme deprocessus est emprunté au langage de la qualité etsignifie que l’on transforme des données d’entréeen données de sortie au cours d’un ensemble d’ac-tivités corrélées. Plus la transformation seraimportante, plus la prestation sera différenciée etplus la valeur ajoutée du service rendu sera élevée.Les pilotes de processus peuvent être ainsi placésà la tête d’une prestation de service au sein del’EEA comme par exemple une plateforme dephénotypage ou un service de redérivation delignées.

L’approche processus est une approche mondiali-sée. Plus qu’un outil de traçabilité, c’est un outilde management de la qualité destiné à obtenir unrésultat attendu fondé sur l’évaluation, la sur-veillance et l’amélioration d’un produit ou d’unservice. Dans la norme ISO 9001 qui est orientéesatisfaction du client, on progresse continuelle-ment en tirant profit des erreurs. C’est une métho-dologie qui sied parfaitement au programme desurveillance du bien-être animal en vigueur dansun EEA.

Il existe plusieurs référentiels qualité applicables àl’EEA. Lors de la ComTech du 8 mars 2012, il aété question de la norme ISO/CEP 17025 quiconcerne les laboratoires accrédités par le Cofrac.

La figure 3 donne une représentation schématiquedu recouvrement entre différents référentiels qua-lité applicables à l’EEA.

À noter que le réglementaire ne se limite pas à laseule transposition de la directive 2010/63/UE.

Un EEA est aussi avant tout un établissement toutcourt qui peut être identifié par un numéro deSIRET et qui n’échappe pas à la réglementationdu code du travail ni à la mise en conformité desrègles d’hygiène et sécurité et la mise aux normesdes installations : ce sont les mesures d’évaluationet de prévention du risque professionnel au labo-ratoire ; les plans de prévention, d’urgence ou decontinuité, les cellules de crise et l’ensemble desdispositions destinées à assurer la sûreté des sites,la sécurité des installations et la maîtrise de l’envi-ronnement notamment en termes de dissémina-tion d’organismes génétiquement modifiés.

Le référentiel bonnes pratiques de laboratoire(BPL) est un référentiel réglementaire qui concer-ne les études de sécurité non cliniques (= essais) etnotamment les études de sécurité précliniques dumédicament. Dans ce standard, l’EEA devient« installation d’essais ».

Le programme de bien-être animal de l’EEA doitêtre en synergie avec ces différents référentielslorsque ces référentiels sont appliqués, et en parti-culier le référentiel AAALAC qui, comme lanorme ISO 9001 orientée processus, est un réfé-rentiel qui tend à s’internationaliser.

Un exemple de responsabilité contrac-tuelle de l’établissement : la responsabili-té sanitaire

Indicateur de qualité majeur de l’établissementutilisateur, le maintien d’un statut sanitaireconforme à des recommandations prises commeréférentiel international tient à un équilibre trèsfragile. La responsabilité du maintien du statutsanitaire incombe pleinement et entièrement àl’établissement avec pour seul objectif recevable le« 0 contamination ».

Pour aider l’établissement à tenir cet objectif, leséquipementiers de la recherche biomédicale pro-posent toute une batterie de systèmes d’héberge-

§ 29 §§ 28 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

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Réglementaire Normatif

Réglementaire

Normatif

Colloque OPAL 4eR - 4 avril 2012 Figure 3 : Représentation schématique du recouvrement entre

différents référentiels qualité applicables à l’EEA.

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ment et d’enceintes de confinement dont le prin-cipe repose sur l’interposition de barrières phy-siques et de barrières de pression entre homme etanimal, manipulateur et manipulation.

En complément des équipements, des référentielset des ateliers émanant de bureaux ou d’associa-tions de professionnels proposent des recomman-dations et des formations pour la mise en place deprogrammes sanitaires traitant de la gestion desrisques de contamination, des méthodes decontrôle et de diagnostic sanitaires.

Ces éléments conceptuels constituent des outilsmis à la disposition de l’utilisateur pour l’aider à seprémunir d’une contamination mais ne dégage-ront pas la responsabilité contractuelle de l’établis-sement à l’égard de ses clients en cas de rupture destatut sanitaire.

Un programme sanitaire n’est qu’un élémentparmi d’autres qui s’inscrit dans une politiquesanitaire plus globale.

S’il y a bien une responsabilité de l’établissementqui n’est pas individuelle et qui ne peut être sup-portée par le « responsable technique » ou le « res-ponsable opérationnel » seul, c’est bien laresponsabilité du maintien du statut sanitaire. Lapolitique sanitaire et ses spécifications devraientêtre définies par un comité de pilotage sanitaireque le manager et le vétérinaire désigné de l’EEAappliquent. Cette organisation part bien évidem-ment du précepte que responsable opérationnel etresponsable ou référent vétérinaire soientmembres du comité de pilotage sanitaire.

Au programme sanitaire et aux listes d’exclusionde germes doivent s’ajouter une liste de fournis-seurs référencés par ce même comité de pilotagesanitaire ainsi que les plans d’actions à mettre enœuvre suivant la mise en évidence de tel ou telautre agent exclu.

À noter qu’un fournisseur référencé est un four-nisseur qui engage lui-même sa propre responsabi-lité contractuelle sur la qualité sanitaire desanimaux fournis.

L’objectif « 0 contamination » n’a ainsi de sens quesi la liste des agents microbiens dont on souhaiteque les animaux soient indemnes est qualifiée pourêtre adaptée aux activités et aux projets de l’EEAen relation avec les moyens dont dispose l’EEA.

La figure 4 donne ainsi quelques pistes pour qua-lifier une police sanitaire d’exclusion en ligne avecles activités de l’établissement utilisateur.

Le maintien du statut sanitaire est un processusdynamique pour lequel il n’existe pas de réponsebinaire. La responsabilité sanitaire passe par lamise en place de back-up sous forme congeléeet/ou respirante.

L’établissement d’expérimentation ani-male face à ses responsabilités

La figure 5 propose un organigramme fonctionneld’EEA à la lumière des différents comités de pilo-tage qui régissent et régulent son fonctionnement.À ce stade de fonctionnement conforme et diffé-rencié de l’EEA, les exigences réglementaires etnormatives s’imbriquent étroitement les unes dansles autres.

À noter que la structure du bien-être n’est pasreprésentée dans ce schéma. La raison en est quebien que cette cellule devrait être dotée d’uneindépendance de fonctionnement, elle n’en restepas moins une émanation de l’EEA mais qui rap-portera au comité d’éthique.

En fin de compte, ce sont les auditeurs (internes etexternes), les organismes de certification et les ser-vices de l’état républicain qui valideront la confor-mité de l’EEA pris comme système.

C’est là que l’approche processus prend toute sasignification lorsqu’elle est appliquée à l’EEA. Deplus, la norme ISO 9001 : 2008 sert d’ossature

§ 29 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

Figure 5 : Organigramme fonctionnel d’un Etablissementd’expérimentation animale

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Colloque OPAL 4eR - 4 avril 2012 Figure 4 : Qualifier une police sanitaire d’exclusion

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pour l’adjonction d’autres référentiels.

L’EEA porte-t-il une responsabilité sur l’exé-cution des projets et des procédures expérimen-tales ?

La réponse apportée à cette questionconditionne la réussite de la transcriptionet de l’application de la directive 2010/63dans le droit français. Il s’agit donc d’unequestion essentielle.

Cette réponse tient dans l’agrégation desarticles 4, 8, 13, 14, 15, 16, 23, 24.2, 26,27, 36, 37, 38, 40.1c, 40.2b, 43 et 44 de lanouvelle directive.

On y comprend que le législateur consacrelargement la responsabilité du concepteur de projetcomme moteur de la protection de l’animal de labo-ratoire et que la structure chargée du bien-être ani-mal n’est pas une composante de l’autorité. Il y apourtant une petite phrase lourde de responsabilitédans le premier paragraphe qui stipule que « l’auto-risation de projet précise l’EEA où le projet doit êtreréalisé ». Cette seule phrase prise comme directiveengage la responsabilité pénale de l’EEA vis-à-visdes projets mis en œuvre à l’intérieur de ses locaux.

Les responsabilités sont ainsi précisées et parta-gées. La demande d’autorisation de projet sera lefruit d’un travail commun entre le responsable deprojet et l’EEA. Le concepteur de projet maitrisele projet dont la justification est validée par lecomité d’éthique et l’EEA maitrise l’environne-ment du projet. Les deux acteurs ne peuvent rienl’un sans l’autre et en cas de maltraitance des ani-maux avérée et dénoncée, se retrouveront tousdeux sur le même banc des accusés.

C’est ainsi que l’EEA peut être amené à exercer unerégulation aval sur une procédure expérimentale.

La figure 6 propose une synthèse des responsabili-

tés prises par l’EEA. Ces responsabilités prisesseront validées par des agréments, des objectifs dedirection atteints et, le cas échéant, des labels deconformité voire d’excellence.

Dans cette lourde charge portée par un établisse-ment d’expérimentation animale positionné à lafois comme matrice et filigrane, qu’en est-il del’exigence réglementaire du paragraphe 1 de l’ar-ticle 23 : « Les États membres veillent à ce quetout éleveur, fournisseur ou utilisateur dispose, surplace, d’un personnel en nombre suffisant. » ?

Cette responsabilité est corrélée au modèle écono-mique de l’EEA. Si les différentes instances derégulation de l’EEA sont d’avis que l’EEA néces-site du personnel zootechnique supplémentaire neserait-ce que pour garantir le relatif bien-être desanimaux, le plan d’affaire doit permettre d’ajusterles effectifs de ce personnel en répercutant auto-matiquement les frais afférents à la mise à disposi-tion de ce personnel sur le coût de la prestationd’hébergement ou d’un autre processus.

C’est la responsabilité économique de l’EEA lors-qu’il est pris comme business unit.n

§ 31 §§ 30 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

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Figure 6 : Synthèse des responsabilités prises parl’Etablissement d’expérimentation animale

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La responsabilité du comité d’éthique

Actuellement, la saisine d’un comitéd’éthique est réglementairement facultative,même si elle est parfois rendue obligatoire

dans les faits (publication dans certaines revues,demande de financement européen, …), ou dans lefonctionnement d’une structure scientifique oud’un établissement d’expérimentation animale.

Ces comités regroupent des représentants des diffé-rents corps de métier concernés par l’expérimenta-tion animale (chercheurs, vétérinaires, techniciensen expérimentation animale, personnes chargéesdes soins aux animaux) et de la société civile, exté-rieure aux établissements d’expérimentation anima-le, dont le rôle de « naïf » est essentiel.

Ils ont à donner un avis sur le caractère éthique desprojets qui leur sont soumis, en particulier :

• sur l’importance pour la société du projet qui luiest soumis

• sur le plan expérimental lui-même (nombre delots, présence d’animaux témoins, robustesse del’interprétation des résultats)

• sur les différentes contraintes issues desprocédures expérimentales sur l’étatphysiologique et psychologique des animaux

• les points douloureux et les points limites quidoivent être identifiés et dont la gestion doit êtreprévue dans le ou les protocoles inclus dans leprojet

La responsabilité du comité d’éthique lors de lavalidation d’un projet est donc restreinte à ce qui

concerne le volet animal du projet. Il est obligé defaire confiance à ce que les demandeurs déclarentdans le document de saisine et n’a aucun pouvoirde vérification (activité des DDPP en particulier)de ces informations. Il n’a pas non plus d’avis àdonner sur différents sujets « satellites » à l’expéri-mentation animale :

• la protection (formation, vaccination, suivimédical) du personnel impliqué dans le projetest du domaine du directeur de l’établissementen tant que responsable de l’hygiène et de lasécurité et du concepteur de projet

• la protection de l’environnement (travail sur desagents pathogènes zoonotiques diffusibles oud’importance économique, …)

Dans le cas de procédures de contrôle établies pardes organismes de référence, il y a peu de latitudepour remplacer ou réduire mais il peut être possiblede raffiner, par exemple lorsque le comité d’éthiqueintroduit la notion de point limite par exemple.

L’application de la directive 2010/63/UE rend obli-gatoire deux contrôles préalables des projets d’ex-périmentation animale.Tout projet devra avoir reçuune autorisation préalable du ministère chargé de larecherche et avoir subi une évaluation éthique selondes modalités à définir par les ministères chargés del’agriculture et de la recherche. De plus, le comitéd’éthique pourra demander une appréciationrétrospective de certains projets, en particulier detous ceux utilisant des primates ou comprenant desprocédures avec une contrainte sévère.n

Jacques BARRATANSES - Laboratoire de la rage et de la faune sauvage de Nancy

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§ 31 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

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Des rôles dans des métiers

Depuis l’adoption de la Directive 2010/63, l’exer-cice professionnel des différents acteurs de l’expé-rimentation animale (EA) repose sur uneréglementation très stricte, incluant une formationinitiale bien codifiée, et une formation continue,toutes deux obligatoires. Au-delà de ces compé-tences dictées par la réglementation, des compé-tences techniques, scientifiques autres, selon le rôlejoué (concepteur, technicien EA, chargé des soins,responsable EEA, vétérinaire, autorité compétente(inspecteurs, comité d’éthique) sont indispen-sables. Une partie de ces compétences est couver-

te, au moins de façon générique et souvent théo-rique, par les formations réglementaires.

Ce foisonnement de compétences nécessaires àl’exercice professionnel de l’expérimentation ani-male peut se télescoper, au moins en apparence,avec les qualifications et exercices de natures pro-fessionnels : fiches et intitulés de poste, missions,rôles. Ceci peut générer de l’inquiétude, et à tout lemoins des questionnements : comment noussituons-nous chacun individuellement ? Quelleadéquation entre notre fiche de poste et notre rôleréglementaire en EA, et en particulier au regard dece que notre employeur attend de nous ? Plus lar-

§ 33 §§ 32 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

L’obligation de compétence des acteurs del’expérimentation animale

Dans un contexte de plus en plus réglementé, la responsa-bilité morale et individuelle en expérimentation animale a uneplace limitée mais primordiale. Cette responsabilité recouvreen particulier le champ de toutes les pratiques et évènementsnon prévus, parfois non prévisibles par les textes réglementaireset le projet autorisé.Dans le domaine de la recherche et de l’in-novation, ce champ est en évolution permanente du fait mêmede la nature innovante des activités.

La responsabilité au sens réglementaire et ses limitesdépendent du rôle attribué à chacun, ce rôle reposant, pour unexercice pertinent et efficace, sur des compétences documentéesqui découlent d’une formation initiale, et d’une acquisitioncontinue.Dans ce domaine précis, il y a lieu aussi de bien déli-miter le domaine des formations professionnelles et des forma-tions réglementaires, ainsi que ce qui concerne les professionsréglementées, qui donnent lieu intrinsèquement au respectd’une éthique et d’une déontologie minimale.

Après avoir dressé le panorama des problèmes potentiels etdes points de friction existants ou prévisibles, il sera tenté defaire des propositions pour l’avenir.

Ces propositions devraient permettre d’aider à bien définirla responsabilité morale et individuelle de chacun des acteursde l’expérimentation animale, tout en ouvrant la réflexion surle futur de l’évolution des compétences et des formations dechacun, en favorisant, au moins sur une certaine plage, unecapacité d’autorégulation de chacune des professions.

En effet, un des supports éthiques liés à l’exercice d’une

profession, ou d’un rôle professionnel, est souvent une déonto-logie écrite.

Une déontologie professionnelle ainsi que des travaux surla formation initiale et continue de chacun des acteurs de l’ex-périmentation animale, prenant en compte tous les aspects deleurs exercices respectifs (travaux de « routine », participationà la structure de bien-être animal, à des comités d’éthique,..)seront envisagés pour tenter de poser les fondations de l’évolu-tion future des formations initiales et continues des acteurs del’expérimentation animale, dans le contexte de l’évolution dela réglementation et des attentes de la société. Ces aspectsd’éthique et de déontologie professionnelles, qui vont obligatoi-rement de pair avec la formation et son suivi permanent peu-vent être logiquement pris en compte d’une façon systématiqueet professionnelles par des associations reconnues regroupantles praticiens concernés.

Enfin, il nous semble important d’insister sur le fait quemême si les rôles, reposant sur des compétences, seront de plusen plus codifiés et réglementés, les acteurs ne doivent pas selaisser enfermer dans une logique sclérosante et simplificatrice.Ceci concerne deux aspects principaux : un même individupeut-il exercer plusieurs rôles, et si oui dans quelles conditions ?L’autre aspect, qui est source de nombreuses confusions etdébats, surtout actuellement, concerne ce qui relève du vocablede « conflits d’intérêts ». Ce dernier point sera débattu, carl’éthique et la déontologie professionnelle, reposant sur des pro-fessionnels bien organisés et compétents, peuvent apporter desréponses très pertinentes.

Patrick GONINInstitut Gustave Roussy, VillejuifPrésident de l’OPAL

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Résumé

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gement, nous avons chacun une profession, unmétier de base, auquel s’est agrégé un passé profes-sionnel, pour finalement (ou dès le début) arriver àune fonction (au moins à temps partiel) dans ledomaine de l’expérimentation animale.

Nous pouvons être des véritables professionnels àplein temps dans ce domaine, ou tout simplementdes scientifiques qui ont recours plus ou moins épi-sodiquement à ces techniques dans le cadre de nosrecherches. Dans tous les cas, et sur une amplitudede temps variable suivant les personnes ou leuravancement de carrière, nous avons des rôles àjouer, des fonctions à remplir dans le cadre del’EA. Et nous devons les jouer pleinement, en touteconnaissance de cause et avec toutes les compé-tences nécessaires.

Du point de vue de l’adéquation des compétencesréglementairement opposables, il s’agit donc derôles, et l’exercice professionnel doit s’exercer dansce cadre. À titre d’exemple, le rôle de technicien enexpérimentation animale (ou praticien) peut êtrejoué à un moment donné par le concepteur de pro-jet lui-même. Des exemples du même type sontinnombrables et ceci est bien normal. Un anima-lier, soigneur, peut aussi jouer le rôle d’un techni-cien en EA, s’il a les qualifications requises.

Par ailleurs, les rôles joués ne reposent souvent passur un métier ou un ensemble de compétencescohérent avec une formation initiale unique : on nepeut pas parler de métiers, et il ne faut donc sur-tout pas tenter de décrire ou de limiter ces rôles àdes « fiches de postes ». Il s’agit donc bien d’unensemble de compétences nécessaires et indispen-sables pour remplir un ou plusieurs des rôlesdécrits dans la réglementation de l’expérimentationanimale. Le fait de consacrer un équivalent tempsplein complet ou partiel à tel ou tel rôle va doncdépendre de la quantité de travail, de tâches àaccomplir, comme classiquement, dans tout milieuprofessionnel, et va donc être du domaine dumanagement et de la gestion des ressourceshumaines. Aucun acteur de l’EA ne devrait se sen-tir ni obligé, ni en mesure d’interférer avec cetteorganisation classique, qui est forcément dépen-dante des contextes locaux, et des activités ducentre ou de l’entité de recherche ou de formationconcernée, et qui est du ressort du management etdes ressources humaines. Si les autorités dédiées àla vérification de l’adéquation des moyens (donthumains) à l’exercice efficace et réglementaire del’EA sont fondées à auditer ces aspects, elles nepeuvent donc en aucun cas donner des recomman-dations génériques « à l’emporte-pièce » sur le faitque telle ou telle fonction doive être ou pas exercéeà plein-temps.

Acquisition et maintien de compétencesspécifiques

L’exercice professionnel des différents rôles oumission de l’EA est donc sous-tendu par la mise enpratique de compétences professionnelles qui ontun socle commun et une diversité correspondanteaux différents rôles. Les contenus génériques et parthème / matière sont définis dans les arrêtés detransposition de la directive 2010/63. Le principede l’obligation d’une formation continue est aussiacquis. Ces compétences génériques sont légère-ment modulées suivant les rôles et sont survoléesdans le Tableau 1. Elles ne sont pas à confondreavec les compétences techniques correspondantesà la réalisation de tel ou tel geste technique (procé-dure expérimentale sur animaux vivants), qui doi-vent être suivies en fonction des gestes pratiqués etdu domaine d’activité de l’institution ou l’entitéd’exercice.

Tableau 1 - Compétences génériques clés des acteurs de l’EA.

Les compétences des acteurs de l’EA -Organisations professionnelles

Jusqu’à présent, la réglementation des formationsobligatoires concerne surtout les personnes quiinterviennent directement au sein de l’établisse-ment d’EA, et de manière récurrente, permanente.Ceci inclut le concepteur, la personne appliquantles procédures, la personne assurant les soins, lespersonnes assurant la mise à mort. En réalité, nouspouvons identifier de nombreuses autres fonctionsqui ne sont pas couvertes en tant que telles par laréglementation : le responsable d’EEA, les fournis-seurs professionnels d’animaux expérimentaux(éleveurs), les personnes en charge de l’agrément etde l’inspection des EEA (qui appliquent actuelle-ment des référentiels d’inspections non normés etnon communiqués aux intéressés), les vétérinaires(organisés en associations et organismes pourl’EA), les transporteurs d’animaux de laboratoire,les personnes intervenants au sein des comitésd’éthique et la liste n’est pas exhaustive. Un effortcontinu vers la qualité est donc à faire pour que

§ 33 §

§ LE 4e R selon l’OPAL §

Réglementation, notions juridiques

Principes éthiques, comités d’éthique, 3R, méthodesalternatives

Biologie de base des espèces concernées (alimenta-tion, comportement, entretien, enrichissement..)

Douleur et détresse, souffrance

Anesthésiques, points limites adaptés

Euthanasie, méthodes

Gestion et suivi de la santé animale

Conception de procédures et de projets

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tous les intervenants soient soumis à des référen-tiels de formation compatibles et cohérents. La (oules) autorité(s) compétente(s) ayant les responsabi-lités primordiales des agréments d’établissements,des formations initiales et continues et des projets,un défi important est devant nous.

Il nous semble que pour ce qui concerne cetteacquisition de compétences et son contrôle, l’auto-rité compétente doit absolument se reposer sur unereprésentation la plus complète et la plus exhausti-ve possible de la profession.Toutes les associationsprofessionnelles doivent avoir la possibilité de par-ticiper. En effet, le champ est très large comme onl’a vu plus haut. Il s’agit bien sûr des formationséquivalentes aux niveaux 1, 2 et 3, mais bien au-delà, les formations qui concernent tous les autresacteurs (cf supra).

En effet, les associations et organisation profession-nelles sont sur le terrain, elles regroupent d’unefaçon dynamique (non statique) des profession-nels, des praticiens, ce sont des lieux d’échangesd’informations, de réflexions, elles font ou partici-pent de facto grandement à la formation continueet des nouveaux arrivants. Notre réflexion a été,qu’en partant de là, ce rôle formateur pourrait êtreofficialisé et étendu. Mais, au-delà ne serait-il pasopportun que ces organisations professionnellespuissent être des véritables partenaires de l’autori-té compétente, à l’instar de ce qui se fait dans lesprofessions réglementées ? La gestion des manque-ments des acteurs de l’EA doit-elle être laisséeentièrement à l’autorité compétente correspondan-te ? Il nous semble que non.

La première raison est que les moyens qui sont etqui seront dévolus aux autorités compétentesseront forcément limités. De plus, le rôle d’autori-té compétente est fractionné entre plusieurs entitésqui ont un mot à dire ou un contrôle à faire sur lescompétences des personnels impliqués. Il est fortprobable donc que ces organismes n’en voientqu’une petite proportion, et uniquement les cas lesplus graves. Ceci serait très préjudiciable à uneprofession qui est déjà dans la ligne de mire de plu-sieurs groupes d’influence. Il est donc dans l’inté-rêt de la profession de s’organiser pour faire, dansune certaine mesure, et dans des limites strictes etbien définies, le suivi des autorisations d’exercer(formations, livrets de compétence) et des man-quements, ceci sans aucun préjudice des actionssubséquentes de l’autorité compétente correspon-dante, ni de la justice le cas échéant.

Notre proposition serait donc d’avoir un rôleproactif dans la définition d’une déontologie, l’or-ganisation et le suivi des compétences, allant jus-qu’à la constitution d’un syndicat ou d’un ordreprofessionnel reconnu. Cette organisation devrait

être constituée en différents collèges de praticiensen exercice effectif, et toutes les catégories profes-sionnelles doivent donc être correctement repré-sentées.

L’évolution d’associations ou d’organisations deprofessionnelles vers des structures de ce type estdans l’ordre des choses, et s’est déjà vue par lepassé dans de nombreuses professions. Elle corres-pond à l’atteinte d’une maturité, de valeurs et d’unlangage commun qui permettent sans équivoquede déterminer les conditions d’un exercice éthiqueet déontologiquement correct.

Au-delà de codes de bonnes pratiques, ou d’adhésionà des référentiels de qualité plus ou moins disparates,la définition d’un code de déontologie pourrait logi-quement commencer par les comités d’éthique etleurs membres (qui comprennent la plupart des caté-gories professionnelles concernées), et s’étendre enparallèle à tous les collèges de praticiens.

Ce code devra définir précisément les cas où il y aou pas conflit d’intérêt, de façon à les éviter systé-matiquement. Cette notion est primordiale, car laprésence d’un conflit d’intérêt est une chose quin’est pas toujours facile à apprécier et pour laquel-le l’idéal serait d’arriver à des consensus danschaque collège professionnel. Au-delà de cesaspects ou une détermination systématique estpossible, des cas particuliers, forcément rares,pourront être considérés et tranchés par les com-missions de déontologie des collèges de l’organisa-tion, le simple fait d’avoir saisi la commission étantdéjà un gage de bonne foi.

Conclusion

Les rôles joués par les différents acteurs de l’expé-rimentation animale se placent maintenant dans laperspective d’exercices très bien définis et codifiéspar la réglementation et les textes de lois. S’il estmaintenant clair pour tout le monde qu’une per-sonne peut avoir plusieurs casquettes, il n’endemeure pas moins vrai qu’une extrême diversitéexiste sur le terrain, et que toutes les situations nepeuvent pas simplement être anticipées et facile-ment prises en compte.

La maturité atteinte par les professionnels quiœuvrent dans le domaine de l’expérimentation ani-male est maintenant grande et affirmée, et il esttemps, nous semble-t-il, que ces professionnelss’auto-organisent d’une façon plus formelle et plusofficielle qu’actuellement.

Dans le but de faire un suivi correct et performantdes compétences réglementaires, de définir unedéontologie professionnelle couvrant les conflitsd’intérêt, les différents acteurs devraient s’organi-ser en une organisation professionnelle reconnue et

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ayant des attributions et pouvoirs qui vont plus loinque ceux des associations actuelles. Ces attribu-tions concerneraient pour l’essentiel la déontologieprofessionnelle et le suivi des compétences régle-mentaires. L’OPAL se propose résolument de par-ticiper activement à ce travail.

Enfin, et pour reboucler sur le thème central denotre colloque de 2012, n’oublions pas que toutesles constructions organisationnelles ne pourrontjamais prévoir ni prédire toutes les situations qui

peuvent se produire dans la « vraie vie ». La respon-sabilité individuelle et la morale de chacun sontdonc au final les seuls garants d’une réaction adap-tée et correcte en toute circonstance.

La compétence clef des acteurs de l’expérimenta-tion animale est donc bien cette responsabilitéindividuelle, ce fait de ne jamais omettre, négliger,oublier toute intervention en faveur du bien-être del’animal auprès de qui nous avons tous une respon-sabilité partagée (et bien codifiée).n

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Au cours de ce colloque, nous avons tenté derépondre à la question suivante :

Y a-t-il encore un espace de liberté pour laResponsabilité dans une situation où la réglementationa inscrit dans le marbre des principes moraux et a défi-ni précisément les rôles et les fonctions de chacun ?

Les acteurs de l’expérimentation animale ne doi-vent pas se contenter de limiter leur action au seulpérimètre de la réglementation qui se veut de plusen plus normative, d’autant que toutes les situa-tions ne peuvent pas être codifiées dans les textesréglementaires et législatifs. L’individu doit ainsiménager une place pour exprimer ses talents d’in-tervention et d’improvisation afin de compléter lestextes définissant les rôles et les fonctions. C’estainsi que la fonction de manager est une fonctionclé pour coordonner les activités de l’établisse-ment utilisateur bien que cette fonction ne soit pasidentifiée dans les textes réglementaires.Rappelons d’ailleurs que le Ministère de l’ensei-gnement et de la recherche a toujours voulu seplacer au-delà de la réglementation en faisantappel à la « responsabilité » des acteurs.

Dans cet espace de liberté de plus en plus régi,l’acteur qui conserve la plus grande latitude estsans doute le concepteur de projet dont le rôle est

de créer et d’innover, éventuellement en outrepas-sant certaines barrières, situation que le législateura d’ailleurs partiellement prise en compte en pré-voyant des possibilités de dérogations.

La réglementation a officialisé des structures ausein desquelles les individus interagissent avec deséchanges et des partages de responsabilité pouvantaller jusqu’à des conflits en ne sachant plus oùcommence et où s’arrête la responsabilité de cha-cun. Il nous faut miser sur la « Responsabilité » dechacun et les compétences de tous.

Dans le nouveau cadre réglementaire, des rôles cléssont joués par la structure du bien-être animal et lapersonne « responsable » du bien-être, la personneresponsable du suivi des projets et la personne res-ponsable du suivi des formations et des compé-tences. D’ailleurs la formation et l’entretien desconnaissances sont indispensables pour que puissevraiment s’exercer la responsabilité individuelle.Après le travail de transposition de la Directive endroit français, il nous reste à œuvrer pour que laformation initiale, les formations complémentaireset la formation continue soient à la hauteur desenjeux scientifiques et sociétaux en conférant àtous les acteurs de l’expérimentation animale :connaissance, expertise et… Responsabilité. n

Conclusion

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Directeur de la publication : P. GoninComité de rédaction : J.-P. Clot, Ph. Delis, P. Gonin,J.-P. Rebière (coordination)

RECHERCHE EXPÉRIMENTALE ET PROTECTION DE L’ANIMAL DE LABORATOIRE28, rue Saint-Dominique, 75007 Paris l Tél. : 01 53 59 02 16Courriel : [email protected] - Site internet : www.opal-association.fr

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