L’écrivain en herbe et le grillon - Erudit

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Tous droits réservés © Lettres québécoises inc., 2015 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 18 juin 2022 00:02 Lettres québécoises La revue de l’actualité littéraire L’écrivain en herbe et le grillon Michaël La Chance Numéro 160, hiver 2015 URI : https://id.erudit.org/iderudit/81996ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Lettres québécoises inc. ISSN 0382-084X (imprimé) 1923-239X (numérique) Découvrir la revue Citer cet article La Chance, M. (2015). L’écrivain en herbe et le grillon. Lettres québécoises, (160), 5–6.

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Document généré le 18 juin 2022 00:02

Lettres québécoisesLa revue de l’actualité littéraire

L’écrivain en herbe et le grillonMichaël La Chance

Numéro 160, hiver 2015

URI : https://id.erudit.org/iderudit/81996ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Lettres québécoises inc.

ISSN0382-084X (imprimé)1923-239X (numérique)

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Citer cet articleLa Chance, M. (2015). L’écrivain en herbe et le grillon. Lettres québécoises,(160), 5–6.

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hiver 2015 • Lettres québécoises • 5

Autoportrait

l’écrivain en herbeet le grillon

Michaël la chance

Mon premier portrait d’écrivain a étéune notice dans le Dictionnaire desécrivains québécois, en 1983. Après

quelques titres, j’y déclarais ceci : « Je m’écri-vais des lettres à ouvrir plus tard, c’était larecherche d’une langue secrète… » Je parlaisde moi-même au passé, en m’adressant àvous et à moi qui lisons ceci trente ans plustard. La notice était accompagnée d’une pho-tographie prise dans Hyde Park, où les grandsarbres qui longent The Serpentine et leurs reflets dans l’eau ondoyaientcomme un rideau du temps. La vie aurait pu s’arrêter là, j’avais trouvémon éternité.

Qu’est-ce que je suis devenu depuis ? Je ne sais pas. Notre vie est faitede démons qui occupent les devants de la scène, des démons-méca-niques et des démons-clowns avec des petits jeux de miroir. Il faut dutemps pour que le visage apparaisse. Parfois il est déjà là, tout autour,nous ne le voyons pas encore. Pour cet autoportrait dans les Lettres,je fais appel à mon démon de Hyde Park : Michaël, dit-il, il y a une pho-tographie de toi sur la couverture, tu prends la pose comme dans untableau de Géricault. Est-ce encore toi? Arrive un jour où nous ne nousreconnaissons plus, nous souhaitons être nous-mêmes jusqu’à la fin,pourtant nous disparaissons, jour après jour, dans chaque chose quenous faisons, et même sans rien faire. L’écriture commence commeça, une négociation à l’aveuglette pour tenter de savoir si l’on estencore vivant. Une morsure à la main, un coup d’œil pour apercevoirla trace des dents sur la peau.

L’écriture est un exercice d’une grande solitude et pourtant les autressont là, fantomatiques dans l’écoute, alertes dans les vocables. Pendantque j’écris, je crois oublier l’abîme qui me sépare des autres et ausside moi-même. Cet écart donne une résonance à ma voix, il est vrai,pourtant je ne l’entends pas, sauf lorsqu’elle me semble revenir deloin. Aujourd’hui, je tente un autoportrait, je me demande si je m’y

reconnais, parce que je m’écoute de tropprès.

Michaël, tu te parles. Tu te dis : quel est cemonde ? Tu en fais l’examen instant par ins-tant. Le jour est une grande vérité dilatée,que dire de plus? Tu es un enfant sur un brasspiralé du temps, avec un anneau à décro-cher et l’espoir de remporter un autre tour.Le carrousel dessine des cercles toujours plus

vastes. Pourtant, sans l’enrobage du sens, tout s’arrêterait de tourner.Aux lisières du sommeil, j’imagine que j’étends les bras, je parviens àprendre appui sur l’air, je m’endors en tournoyant, je m’envole en tou-chant les extrémités du ciel. Le lendemain, je retrouve mes chantiers,je retourne à mes écritures. Pourquoi? Parce que, avant d’écrire, j’avaisdéjà l’impression que ma vie était enlisée dans les pages d’un romaninachevé, qu’elle n’était qu’une pensée perdue dans un traité philoso-phique dans l’impasse. Alors je tente de donner suite, en retournantles phrases, au texte décousu de ma propre existence.

Malgré mon désarroi devant un monde profondément malade, médiocreet cruel, j’aime les êtres humains, à quelques exceptions près. J’aimeleur spontanéité et leur courage. Pour la plupart, ils ont la grâce, que jen’ai pas toujours, d’être dans la vie. Cette beauté des êtres ne sauraitse dire que par la poésie la plus pure. Ma poésie n’est qu’un petit cli-quetis qui permet à un autre langage d’emprunter le couloir des motset de s’infiltrer dans notre réalité pour en révéler la beauté. Lorsquej’étais enfant, j’avais appris à tuter le grillon en glissant un brin d’herbedans son terrier, pour le chatouiller : au bout d’un certain temps, le petitanimal faisait son apparition, son front bombé et noir d’abord, puis sonpetit corps musical, comme hypnotisé par l’herbe frétillante. La poésieest une herbe qui danse, qui capture un chant de la terre.

Car je dois l’avouer, j’ai le plus grand besoin de beauté, mais je suistrop lâche pour la chercher à chaque instant. De nombreux démons

La poésie est une herbe qui danse, qui capture un chant de la terre.

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troublent ma concentration, me portent à la paresse et me laissentconfus. Je suis la personne la plus dispersée, je m’intéresse à tout, lamécanique quantique, la télépathie, la planétographie de Mars…tout m’entraîne de-ci de-là, pourtant je veux écrire pour accéder àla vraie vie qui est devant moi. Pour compliquer les choses, je meméfie de ma facilité à faire les choses, alors je me cherche desdétours, je ne fais rien de bon sans me piéger moi-même.

Alors je n’écris pas, je crayonne. J’attends qu’un paysage complet sedessine tout seul, pendant que je m’occupe du détail. Parce que jecrois qu’à partir de quelques mots jetés pêle-mêle, pourvu qu’ilssoient retournés dans tous les sens jusqu’au sens, un miracle del’écriture se produira. Car il n’y a rien de banal en ce monde, partoutle monde passe dans le monde. J’aurai préféré faire de la peinturele jour plutôt que de m’acharner sur des textes dans la nuit, jusqu’àne plus rien voir. Mes yeux embrouillés de mots, le reste n’est quecendres de fatigue. Je suis assez délirant pour me persuader quecela pourrait être un atout. Encore des michaëlires.

Je ne sais pas écrire, je sais seulement que c’est un travail fastidieuxet désespérant. Je ne peux rivaliser avec de vrais écrivains, alors jetente des avancées, selon la stratégie d’Hemingway : « Chacun deses livres devrait être, pour un véritable écrivain, un nouveau com-mencement, un départ une fois de plus vers quelque chose qui esthors d’atteinte. » Je mentionne en passant que mon père, écrivainen herbe (ah, l’herbe de nouveau) anglophone, avait écrit plusieurslettres à Hemingway, que ma grand-mère n’avait pas postées, decrainte de déranger le grand écrivain, ce qu’elle m’a dit avoir regrettépar la suite.

Je suis né à Neuilly à l’hôpital américain, de parents journalistes, j’aiété baptisé à Saint-Germain-des-Prés sur le tombeau d’ancêtres écos-sais dont la devise était « Tendre et vrai », la dépouille de Descartesdans les murs. J’ai couru sur les quais de la Seine, le fleuve a été mascène primitive, je l’ai vu déborder dans la crue de 1958. J’ai été àl’école rue Georges V, à Saint-Pierre-de-Chaillot, où je trempais laplume dans l’encre violette pour « faire des bâtons ».

Pensionnaire d’un manoir, Le Grand Colombier, où je suis resté septans, j’étais fasciné, dès mon plus jeune âge, par les récits d’emmurésvivants. Il m’a été suggéré que ma soif de visages, qui ne m’a pasquitté, révélerait une vie antérieure au cachot. Il est vrai que j’aivécu une période de ma vie au XVIIIE SIèCLE, ayant fait une thèse sur lascience et la politique chez Jean-Paul Marat, fasciné que j’étais parla représentation qu’en avait donnée Artaud dans le film de Gance.Une image conduisant à l’autre, je creuse une issue.

Invité par Lettres québécoises à présenter cet autoportrait, dans lanuit même je rêve d’animaux écorchés, je vois sur l’étal un agneauvidé de son sang, comme transparent, qui cherche du museau quellescarcasses l’accompagnent. Il dodeline lentement de la tête, peut-être cherche-t-il une caresse ? Vraiment, quel drôle d’animal je fais !Qui est Michaël ?

Dans un autoportrait, on peut révéler qu’on boit du thé Earl Grey,qu’on aime les chiens, bref, décliner ses préférences…, mais il fautaussi, en toute honnêteté, parler de l’amour et de la confiance queles autres ont mise en nous. Dante est passé par l’enfer, pour remon-ter vers la lumière. Dans toute création, pour une part, je doute etje me défais, je rechute dans la composante visqueuse de l’être. Etsi je parviens à remonter, c’est que vous m’avez tendu la main, m’avezdonné un peu de votre intelligence et de votre cœur.

Autoportrait par MICHAËL LA CHANCE

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