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L'autre Tiers Monde

Les femmes rurales face à l'analphabétisme

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L'autre Tiers Monde Les femmes rurales face à l'analphabétisme

par Krystyna Chlebowska

Unesco

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Les idées et les opinions exprimées dans cet ouvrage sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de l'Unesco. Les appellations employées et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part de l'Organisation aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant à leurs frontières ou limites.

Toutes photos : Krystyna Chlebowska, sauf mention contraire

Illustration de couverture : Ivette Fabbri Maïnero

Publié en 1990 par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris Photocomposition : Les Presses de l'Unesco Imprimerie Duculot, Gembloux (Belgique)

ISBN 92-3-202710-0 Version anglaise I S B N 92-3-102710-7

© Unesco 1990

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Préface

Aujourd'hui, plus d'un demi-milliard de femmes analphabètes vivent

dans les zones rurales des pays du Tiers M o n d e . Alors que leur rôle dans

la production agricole, l'éducation des enfants et la sauvegarde de

l'identité culturelle de la c o m m u n a u t é est primordial, elles n'accèdent

qu'occasionnellement à la parole et exercent rarement des droits qui

leur ont été difficilement accordés et qu'elles méconnaissent souvent, le

droit à l'éducation notamment. Cet ouvrage leur est consacré.

Trop souvent et trop longtemps ignorées des pouvoirs publics,

généralement absentes des statistiques, ces femmes représentent un for­

midable « levier » de développement dans leur pays.

Avec la ténacité et la patience qui les caractérisent, elles mènent

chaque jour une lutte éprouvante pour assurer le mieux-être - quand ce

n'est pas la survie - de leurs proches. D e u x fois défavorisées, parce

qu'elles sont femmes et qu'elles vivent dans des régions généralement

pauvres, elles font face à des obligations multiples qui ne leur laissent

guère de temps ni de moyens pour des loisirs éventuels, et encore moins

pour des activités éducatives. D u temps et des moyens qu'il faudra pour­

tant trouver, car c'est précisément l'éducation qui leur fournira l'outil le

plus sûr pour améliorer leur difficile condition. U n e éducation solide­

ment enracinée dans leurs réalités et leur culture, et qui répondrait à des

aspirations et des besoins qu'elles auraient elles-mêmes exprimés.

Publié à l'occasion de l'Année internationale de l'alphabétisation,

ce livre ouvre la voie à l'action. Celle-ci devra nécessairement être d'en­

vergure et de longue haleine pour mettre en œuvre une alphabétisation

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6 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

fonctionnelle, participative, libératrice, qui soit à la portée de toutes

les femmes rurales du Tiers M o n d e et qui réponde à l'appel unanimedes

participants à la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous :

« Priorité à l'éducation des jeunes filles et des femmes ! »

Le 29 juin 1990

Federico Mayor

Directeur général de ¡'Unesco

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Table des matières

Introduction 9

Qui est l'analphabète ? 13

Quand les chiffres parlent 17

Qui est la f emme rurale ? 21

L'alphabétisation des femmes rurales :

pour quoi faire ? 51

U n e alphabétisation de quel genre ? 59

La scolarisation 69

Les obstacles à l'alphabétisation 81

L'action 87

Autres ouvrages 775

Appendices 779

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Introduction

Alphabétiser les femmes a longtemps été considéré par les pays du Tiers

M o n d e c o m m e une tâche marginale par rapport aux autres priorités

de leur développement. Comprendre et concevoir l'alphabétisation

c o m m e une action spécifique qui tienne compte des particularités et des

besoins des femmes est aussi une tendance relativement récente.

Il aura fallu une prise de conscience de la communauté inter­

nationale, la vague de féminisme des deux dernières décennies et l'inté­

rêt croissant porté par les femmes lettrées du Tiers M o n d e à leurs

consoeurs des zones rurales - les plus directement touchées - pour que

l'analphabétisme féminin soit perçu c o m m e u n vrai problème et l'alpha­

bétisation estimée vitale pour les femmes elles-mêmes et pour l'essor de

la nation. La création et la reconnaissance d'associations et de groupes

féminins à caractère gouvernemental ou non gouvernemental a beau­

coup contribué à sensibiliser l'opinion publique, féminine et masculine,

à la nécessité d'assurer aux femmes, au m ê m e titre qu'aux h o m m e s ,

l'accès aux connaissances de base, à commencer par la lecture, l'écriture

et le calcul.

Avec le temps, des femmes du Tiers M o n d e ont réussi à trouver

place dans la hiérarchie du pouvoir et y occuper des postes de responsa­

bilité et de décision, tout d'abord dans le secteur de l'éducation, secteur

« féminisé » par excellence. Dans les premiers temps, l'accession d'une

femme à la fonction de ministre, de secrétaire d'État, de m e m b r e du par­

lement ou à d'autres fonctions de la sphère gouvernementale ou poli­

tique, pouvait avoir l'apparence d'un alibi permettant de donner bonne

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10 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

conscience aux décideurs. Bien souvent, toutefois, la « f e m m e alibi »

s'est révélée être « la f e m m e de la situation » et m ê m e , dans certain cas,

la f e m m e indispensable. Lorsqu'une telle f e m m e a de surcroît l'avan­

tage d'être solidement enracinée dans les réalités de son pays par ses ori­

gines ou une volonté de les connaître, elle se trouve en mesure de faire

réellement avancer la cause des femmes du Tiers M o n d e . Il est intéres­

sant à cet égard de constater qu'en Afrique les femmes qui ont « réussi »

et qui occupent des postes clés dans les institutions centrales du pays

sont pour la plupart originaires de régions rurales, d'un milieu villageois

dont elles ont partagé la vie à leurs débuts. L e continent africain étant

essentiellement rural, cette connaissance intime de ses réalités est un

atout majeur dans la lutte pour l'amélioration de la condition féminine.

Plus le nombre de femmes qui accèdent à la prise de décision à

tous les niveaux augmente, plus les populations féminines ont de

chances d'acquérir des droits et de les exercer, en particulier celui d'être

alphabétisées. Ainsi une f e m m e qui occupe un poste important dans le

secteur de l'éducation sera particulièrement sensible à la nécessité de

promouvoir l'éducation des jeunes filles et des femmes de son pays.

C'est dans les années 70 que la communauté internationale a pris

vraiment conscience de la nécessité de reconsidérer le rôle et le statut

des femmes dans le développement. Plus sensible aux revendications

des femmes, mesurant mieux leur contribution effective et possible à la

production, elle a compris qu'il fallait les intégrer au processus de déve­

loppement non seulement c o m m e bénéficiaires mais c o m m e partici­

pantes actives. L'éducation occupe une place privilégiée dans ce nou­

veau regard sur le développement. Le principe de l'égalité des sexes

dans la généralisation de l'accès à l'éducation en est le corollaire.

Alors que l'enseignement primaire dans les pays en développe­

ment enregistrait une augmentation considérable de ses effectifs entre

1970 et 1985, y compris pour les jeunes filles, et que des progrès notables

étaient réalisés en matière de scolarisation, il n'en allait pas de m ê m e

pour l'éducation non formelle et, en particulier, pour l'alphabétisation

des femmes.

Si les projets et les programmes d'alphabétisation des femmes font

encore exception et ne sont que trop rarement prévus dans les plans de

développement, c'est que les décideurs - presque toujours des

h o m m e s - hésitent à se lancer dans cette voie nouvelle, semée de diffi-

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Introduction 11

cultes et qui peut peser lourd sur le budget national. Il est vrai aussi que

les stratégies et les méthodologies d'alphabétisation des femmes sont

encore incertaines aussi bien au niveau national qu'international, et que

les projets couronnés de succès restent, dans ce domaine, encore peu

nombreux, surtout si la nécessité d'apprendre à lire, à écrire et à

compter n'a pas été clairement énoncée et suffisamment justifiée. Il ne

suffit pas, en effet, que les femmes comprennent que l'acquisition de ces

connaissances est un droit qu'elles peuvent exercer ; il faut encore

qu'elles soient convaincues que ce savoir représentera pour elles et pour

leur famille un bienfait manifeste qui les aidera concrètement à mieux

vivre.

Alphabétiser les femmes est une tâche ardue et les obstacles à sur­

monter auraient de quoi décourager aussi bien les responsables, à quel­

que niveau qu'ils soient, que les femmes elles-mêmes. Mais, devant

l'ampleur des chiffres, qui montrent qu'en 1985, dans le m o n d e , sur

965 millions de personnes adultes analphabètes âgées de plus de quinze

ans, 561 millions étaient des femmes, dont 548,5 millions dans les pays

en développement, principalement dans les régions rurales, la c o m m u ­

nauté internationale prend de plus en plus conscience qu'il s'agit, pour

elle, d'une des tâches majeures des décennies à venir.

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Qui est l'analphabète ?

Les dictionnaires classiques définissent l'analphabète c o m m e celui ou

celle qui ne sait ni lire ni écrire, qui est « illettré ». L'Unesco propose de

considérer c o m m e alphabétisée toute « personne capable de lire et

écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport

avec sa vie quotidienne »l. Est « fonctionnellement » alphabétisée une

« personne capable d'exercer toutes les activités pour lesquelles l'alpha­

bétisation est nécessaire dans l'intérêt du bon fonctionnement de son

groupe et de sa communauté et aussi pour lui permettre de continuer à

lire, écrire et calculer en vue de son propre développement et de celui de

la communauté »2.

L a définition de l'alphabétisé(e) qui tient compte de la relation

intrinsèque existant entre le degré de connaissance de l'individu et son

environnement immédiat est certes la plus appropriée, surtout pour les

pays du Tiers M o n d e . Toutefois, quand il s'agit des femmes rurales,

cette définition demande à être aménagée en fonction des réalités du

milieu et adaptée aux aspirations et besoins spécifiques de la population

féminine en matière d'alphabétisation. La f e m m e rurale alphabétisée

serait donc la personne qui posséderait une connaissance de la lecture,

1. Unesco, Compendium of statistics on illiteracy/Compendium des statistiques relatives à l'analphabétisme/Compendio de estadísticas relativas al analfabetismo, p. 20, Paris, Unesco, Office des statistiques, 1988.1 (Rapports et études statistiques, 30.)

2. Ibid.

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14 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Classe d'alphabétisation de femmes dans la zone de Beira (Mozambique)

de l'écriture et du calcul qui lui garantirait une amélioration de la qua­

lité de sa propre vie et de celle de sa famille et faciliterait sa participation

à part entière au développement du groupe et de la communauté .

Si l'on excepte les campagnes de masse plus ou moins contrai­

gnantes, voire obligatoires, l'expérience montre que l'alphabétisation au

sens étroit du terme, c'est-à-dire réduite à un simple apprentissage de la

lecture et de l'écriture, ne mobilise les femmes du Tiers M o n d e que si

cet apprentissage s'accompagne de l'acquisition de connaissances et de

compétences de base supplémentaires véritablement adaptées à leur

vécu quotidien et à leurs besoins. C e qui importe avant tout, pour elles,

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Qui est l'analphabète ? 15

c'est de pouvoir améliorer leur propre existence et celle de leur famille,

mieux gérer leur développement personnel et, par voie de conséquence,

celui du groupe et de la communauté . Si les programmes d'alphabétisa­

tion ne sont pas adaptés à des exigences de vie ou de survie, les femmes

seront réticentes à y participer ou elles abandonneront en cours de

route.

Il ne faut pas oublier que dans les pays en développement et en

particulier dans les zones rurales où l'organisation économique et

sociale est traditionnelle, et où l'individu ne se trouve pas confronté en

permanence au mot écrit, la connaissance de l'alphabet n'est pas tou­

jours d'une urgente nécessité. D e s générations entières ont grandi dans

le respect des traditions orales. C'est pourquoi l'apprentissage d'apti­

tudes techniques de base liées à la vie quotidienne des femmes peut se

faire sans alphabétisation, tout au moins à un premier stade. E n ce qui

concerne les femmes rurales, pour lesquelles la vente au marché de pro­

duits agricoles ou artisanaux représente une source importante du

revenu familial, savoir calculer est essentiel, parfois plus important que

lire et écrire. L a tâche des alphabétiseurs(euses) consistera pour beau­

coup à répondre aux aspirations et aux motivations des femmes, à y

adapter les méthodes et les moyens et, si les motivations sont absentes, à

les créer.

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Q u a n d les chiffres parlent

E n 1985, les femmes des zones rurales représentaient environ 60 % de

l'ensemble de la population féminine du monde , 70 % dans les pays en

développement et, pour ce qui est de l'agriculture, les deux cinquièmes

de la population active.

Aujourd'hui une femme sur trois est analphabète. La quasi-totalité

des femmes analphabètes vivent dans les pays du Tiers M o n d e .

Hommes

Femmes

1960 1985

Pays développés

1960 1985

Pays en développement

F I G . 1 . T a u x d'analphabétisme h o m m e s - f e m m e s , 1960-1985. Source : Office des statistiques de l'Unesco.

Si l'on analyse la situation par régions et sous-régions, on constate que le

taux d'analphabétisme des femmes de plus de quinze ans est de 64,5 %

en Afrique, 47,4 % en Asie, 19,2 % en Amérique latine et aux Caraïbes,

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18 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

10,2 % en Océanie (dont 64,5 % en Mélanésie) et 70,4 % dans les États

arabes. Les pays les moins avancés ( P M A ) , quant à eux, enregistrent un

taux d'analphabétisme féminin de 78,4 %.

T A B L E A U 1. Pourcentage des femmes analphabètes de plus de quinze ans des zones

urbaines et rurales de quelques pays choisis parmi quatre régions du monde*.

Région/pays

Afrique

Bénin Togo

Amérique latine

Brésil Equateur

République dominicaine

Asie

Chine

Inde Népal Pakistan Sri Lanka

Europe

Espagne Grèce

Yougoslavie

Année

1979

1981

1980 1982

1981

1982

1981

1981 1981 1981

1981

1981 1981

Pourcentage de femmes

Zone urbaine

80,0

60,1

19,2

8,0 21,6

26,4

48,1 67,0

65,3 8,9

9,3

10,0

7,5

analphabètes

Zone rurale

97,2

89,0

48,0

33,1 42,4

53,2 82,4 92,4

92,7

20,5

12,2

25,6 23,9

* Les statistiques relatives, dans ce domaine, aux pays arabes et aux pays du Pacifique dont dispose actuelle­

ment l'Unesco ne sont pas assez récentes (là où elles existent) pour pouvoir figurer ici.

Les estimations relatives à l'analphabétisme, et en particulier à celui des

femmes, dans les différents pays, sont difficiles à obtenir et souvent peu

fiables. Il est encore plus difficile de définir des taux d'analphabétisme

nationaux par régions géographiques ou par groupes de populations

urbaines et rurales. Les statistiques recueillies par l'Unesco à partir

d'enquêtes et sur la base de recensements nationaux indiquent néan­

moins très clairement que le pourcentage de femmes analphabètes est

systématiquement et considérablement plus élevé dans les campagnes

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Quand les chiffres parlent 19

que dans les villes, et ce dans la quasi-totalité des pays du m o n d e ,

Europe comprise.

E n Afrique, sur les 55 pays mentionnés dans le Compendium des

statistiques relatives à l'analphabétisme1 publié en 1988 par l'Unesco, 28

affichent un pourcentage de femmes analphabètes de plus de 90 %. E n

Asie, sur les 45 pays considérés dans le compendium, ce pourcentage

est rencontré dans 17 pays !

E n examinant l'analphabétisme par tranches d'âge, il est clair

- aussi bien dans le cas des h o m m e s que des femmes - que son taux

augmente avec l'âge. Dans le groupe des femmes rurales âgées de plus

de quarante cinq ans, l'analphabétisme est quasi total. Cet état de fait a

des conséquences particulières dans le Tiers M o n d e , où les grand-mères

et les grand-tantes jouent dans l'éducation des jeunes enfants le rôle

inestimable de gardiennes de la tradition orale. Et pourtant ces

femmes-là ne sont presque jamais sollicitées par les alphabétiseurs et les

formateurs.

E n tenant compte du fait que, pour alphabétiser un groupe de

vingt à trente personnes et s'assurer par la postalphabétisation que les

acquis sont durables, une période d'au moins deux ans est nécessaire et

que le coût de cette opération est d'environ 100 dollars des Etats-Unis

par personne, trouver le temps et les moyens financiers pour alphabéti­

ser les 550 millions de femmes analphabètes du Tiers M o n d e représente

une tâche titanesque.

A cela il faut ajouter que, sur les 135 millions d'enfants âgés de six

à onze ans qui, en 1985, n'avaient pas la possibilité d'accéder à l'école

primaire, 60 % étaient des filles. Demain , elles viendront à leur tour

grossir les rangs des femmes analphabètes...

1. Unesco, Compendium of statistics on illiteracy/Compendium des statistiques relatives à l'analphabétisme/Compendio de estadísticas relativas al analfabetismo, op. cit.

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Qui est la femme rurale ?

Lors d'une réunion sur l'accès des femmes rurales à l'éducation organi­

sée par l'Unesco au Zimbabwe en juillet 1989, u n professeur de l'univer­

sité de Harare spécialisé en éducation des adultes esquissait le « portrait-

robot » d'une f e m m e rurale de son pays de la manière suivante :

C'est une personne de couleur

. entourée de marmots,

• souvent enceinte,

• transportant des jarres d'eau de la rivière ou du puits,

• portant un bébé sur le dos et u n fagot de bois ou de branchages sur la

tête,

• parlant sa langue vernaculaire mais pas la langue officielle,

• ne sachant ni lire ni écrire,

• très peu au fait de la vie moderne et du progrès,

• ne disposant que de peu d'argent, ou d'aucun argent, pour les besoins

élémentaires de la famille,

• n'ayant qu'un accès limité aux services sociaux et médicaux,

• dont l'époux a un emploi marginal en ville et n'apparaît que rare­

ment à la maison,

• ou dont l'époux traîne dans le village à boire de la bière.

Cette représentation saisissante de la f e m m e rurale du Zimbabwe vue

par un h o m m e pourrait être celle des femmes rurales de la plupart des

pays du Tiers M o n d e . Elle n'est cependant que partielle et la réalité est

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22 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

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Le marché à Cochabamba (Bolivie)

encore plus dramatique. Il faudrait en effet ajouter à ce tableau que la

f e m m e rurale vit dans une pauvreté souvent extrême, qu'elle travaille

sans répit au service de ses enfants et de son mari et qu'elle est en m ê m e

temps une source de main-d'œuvre pour le secteur agricole tradition­

nel, dont elle constitue un élément majeur.

L a division du travail

Dans les zones rurales, la condition et le statut de la f e m m e , qui

demeure étroitement dépendante de l ' h o m m e , ainsi que les relations de

pouvoir établies entre les sexes au détriment des femmes n'ont pas suivi

l'évolution socio-économique et le progrès en général. Il est vrai que les

normes et les valeurs en vigueur dans les sociétés rurales ont tendance à

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Qui est la femme rurale ? 23

E n Afrique, les femmes font jusqu'aux trois quarts des travaux agricoles, en plus de leurs tâches domestiques.

Labourage: 30%

[Plantation: 50%;

]Élevage: 50%'

Récolte: 60%

iDésherbage: 70 %|

Transformation et conservation des produits alimentaires : 85 % teffllt

Travaux domestiques : 95 %;

Femmes Hommes

F I G . 2. Division du travail.

Source : Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique. Reproduit dans Joint United Nations/Non-governmental Organization Group on W o m e n and Development, Women and the world economic crisis, p. 22, Genève, United Nations Non-Governmental Liaison Service, 1989. (Women and development, kit n° 6.)

changer lentement, en particulier celles qui régissent la condition fémi­

nine. Il est vrai aussi que les institutions qui ont pour mission de favori­

ser le développement rural n'ont pas toujours encouragé ces change­

ments ; parfois m ê m e , elles ont contribué au maintien du statu quo,

voire à son renforcement. Les spécialistes, animateurs et agents de la

vulgarisation rurale sont, pour la plupart, des h o m m e s qui transmettent

leurs connaissances à d'autres h o m m e s reconnus c o m m e chefs de

famille. Les responsables chargés d'actions de type social sont pour la

plupart des femmes qui travaillent avec des femmes, mais principale­

ment dans le secteur domestique. C'est ainsi que se perpétue la division

sexuelle des rôles et que s'accentue la dichotomie entre 1'« h o m m e -

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24 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

producteur » et la « f e m m e domestique », alors que, dans la réalité, les

femmes rurales assument des fonctions qui vont bien au-delà du rôle de

f e m m e au foyer dans lequel les décideurs voudraient les enfermer.

La production

Parmi les multiples rôles que joue la f e m m e rurale en tant que mère,

épouse et m e m b r e de la communauté , celui de productrice agricole

mérite une attention spéciale. Des chiffres fournis par l'Organisation

des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ( F A O ) sur le rôle

des femmes dans l'agriculture indiquent qu'en 1985 elles constituaient

42,3 % de la population économiquement active en Afrique, 11,9 % en

Amérique latine, 46 % en Asie et 37,7 % dans la totalité des pays en

développement.

Il faut cependant admettre que ces chiffres ne reflètent pas pleine­

ment la situation réelle et qu'entre celle-ci et les statistiques officielles,

la différence est parfois considérable. Des études plus poussées ont mis

en évidence des taux beaucoup plus élevés de femmes exerçant une acti­

vité productive et démontré que, dans beaucoup de pays en développe­

ment, les femmes comptent pour plus de la moitié dans la production

alimentaire (en Afrique par exemple, de 60 % à 80 %) . Certains écono­

mistes affirment que la meilleure façon de résoudre les difficultés ali­

mentaires de l'Afrique serait précisément de porter une plus grande

attention au rôle des femmes dans la production agricole ainsi qu'aux

principaux problèmes auxquels elles doivent faire face.

La raison essentielle de ces différences d'appréciation du rôle pro­

ductif des femmes doit être recherchée dans la définition inappropriée

de la notion de travail et de travailleur telle que l'appliquent les recense­

ments. Les activités domestiques des femmes, l'élevage du petit bétail,

l'artisanat, les travaux agricoles, la transformation des produits alimen­

taires ne sont pas comptabilisés c o m m e tels. L e produit de ce travail

étant traditionnellement lié à la consommation familiale, il est consi­

déré c o m m e un simple apport au revenu familial et, par conséquent,

déclaré c o m m e le résultat des activités d'une f e m m e au foyer et de ce

fait non rétribué. D e cette façon, le travail féminin en milieu rural est

confondu avec l'exercice de tâches domestiques qui, elles, ne sont pas

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Qui est la femme rurale ? 25

Préparation locale du savon à Gapé (Togo)

reconnues c o m m e des activités recensables. Si le travail de la f e m m e au

foyer était correctement reflété dans les statistiques officielles et calculé

c o m m e l'équivalent des services rétribués, il représenterait la valeur de

la moitié du produit national brut de bien des pays.

L e travail féminin en milieu rural non seulement n'est pas

reconnu c o m m e productif, mais tend également à voir son champ

d'intervention limité par la modernisation des campagnes. Alors que le

phénomène de la migration des h o m m e s vers les villes intensifie la par­

ticipation et le rôle des femmes dans la production agricole, la moderni­

sation des techniques de production diminue le nombre d'emplois

rémunérés des femmes dans ce secteur et provoque leur exclusion d'ac­

tivités qui leur étaient traditionnellement dévolues. Avçc le développe­

ment des poulaillers industriels, par exemple, l'élevage de la volaille

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26 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

- activité traditionnellement féminine - est de moins en moins assuré

par les femmes.

Dans le processus de développement rural, les femmes jouent un

rôle différent de celui des h o m m e s . Si cette différence n'est pas prise en

compte dans la planification du développement, le succès de celui-ci

peut être compromis. Les réformes agraires qui ont exagérément avan­

tagé les h o m m e s en sont un exemple. Afin d'éviter d'accentuer le pro­

blème de la pauvreté et de l'exploitation auquel les femmes rurales font

face, la reconnaissance de leur travail et une redéfinition par les gouver­

nements de leur rôle dans le processus de développement sont essen­

tiels.

L'exode de la population rurale masculine vers les villes exige que

les femmes restent économiquement actives pour assurer la survie de

leur famille (à moins que les fonds remis par leur mari n'y suffisent, ce

qui est plutôt rare). Dans cette situation, les femmes sont très tentées par

l'idée de posséder une source propre de revenus et de créer de petites

entreprises familiales - tissage, préparation du savon, couture, poterie,

maraîchage, transformation et conservation des produits alimentaires,

etc. Cette tentation bute malheureusement sur les difficultés qu'elles

rencontrent pour accéder à la propriété de la terre et au crédit.

L a terre

E n dépit de l'importance des responsabilités qu'assume la f e m m e au

sein de la famille et dans la production, c'est dans la législation relative à

la famille que des changements favorisant les droits des femmes sont les

plus lents à venir et que se maintiennent les discriminations à leur

égard : parmi les plus flagrantes sont celles qui concernent la propriété

et la gestion des terres qu'elles cultivent.

L'accès de la f e m m e à la terre dépend en grande partie de la posi­

tion de la famille à laquelle elle appartient dans la structure socio-

économique environnante et des relations d'autorité et de subordination

à l'intérieur de cette famille. La division du travail et des responsabilités

selon le sexe dans les ménages, ainsi que l'attribution du titre de « chef

de famille » aux h o m m e s qui prévaut dans la plupart des législations,

interdit le plus souvent aux femmes la jouissance des terres.

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Qui est .la femme rurale ? 27

L'accès des femmes à la propriété de la terre est loin d'être pris en

compte d'une manière adéquate dans les politiques de développement.

Les réformes agraires ou les programmes de développement c o m m u ­

nautaire passent souvent cette question sous silence et, dans plusieurs

cas, ont aggravé la situation préexistante au détriment des femmes qui

ont perdu leurs droits traditionnels à la propriété foncière ou à l'usufruit.

E n Amérique latine, les changements apparus pendant les deux

dernières décennies dans la distribution des revenus ont provoqué un

phénomène d'appauvrissement considérable des campagnes et une

diminution de la population économiquement active dans l'agriculture

(de 50 % à 30 % pendant la période 1950-1980). L'urbanisation inten­

sive a non seulement entraîné une réduction de la force de travail rural

et une évolution des habitudes et des structures familiales, mais a égale­

ment provoqué une augmentation de la charge de travail des femmes

dans la cellule familiale.

A une ou deux exceptions près, les réformes agraires dans les pays

d'Amérique latine n'ont pas pris en considération les femmes c o m m e

bénéficiaires directes. La raison de cette « omission » est que, du point

de vue légal, seul un chef de famille reconnu c o m m e tel peut avoir accès

aux bénéfices de la réforme. La contribution fluctuante des femmes

rurales à la production agricole et la résistance « machiste » qui s'oppose

à ce que les femmes soient considérées c o m m e travailleurs de la terre au

m ê m e titre que les h o m m e s (en sus de leur rôle d'épouse, de mère et de

ménagère) ont également empêché la participation directe des femmes

à la réforme agraire.

E n Afrique, les conséquences des réformes pour les femmes, en

particulier de celles qui touchent à la propriété de la terre, sont diverses.

Dans certains pays, la loi a prévu d'octroyer aux femmes les m ê m e s

droits d'accès à la terre que les h o m m e s . Cependant, en dépit de la légis­

lation en vigueur, la f emme africaine ne jouit pas pleinement de ce

droit, loin s'en faut. Les attitudes, les coutumes et les traditions sont éga­

lement là pour l'en empêcher. La méconnaissance des réformes et de

leurs mécanismes est aussi la cause du maintien de cet état de fait.

L'analphabétisme quasi généralisé des femmes rurales en est une autre.

E n Asie, la terre demeure la ressource productive la plus impor­

tante des zones rurales, alors que s'accentuent la pénurie de sols arables

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28 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

et la pression démographique. Face à cette pénurie, les femmes repré­

sentent une des catégories de la population les plus vulnérables aux

plans social et économique. Leurs droits formels et réels relatifs à la pro­

priété de la terre et à l'emploi agricole sont tributaires des codes civils,

de l'histoire, des coutumes et des préceptes religieux. Dans la pratique,

l'exercice de ces droits est généralement discriminatoire au profit des

h o m m e s . Élaborés par des h o m m e s et destinés aux h o m m e s , les pro­

grammes de développement rural, tant dans leur conception que dans

leur mise en œuvre, sont généralement défavorables aux femmes. Lors

des réformes agraires, les titres de propriété sont enregistrés au n o m des

chefs de famille masculins, sans considération pour la contribution

importante des femmes à la survie économique de la famille, pour le

nombre des ménages gérés par une f e m m e , ni m ê m e pour les droits que

la coutume leur reconnaissait. Dans les cas où la réforme agraire visait à

améliorer la situation des femmes par rapport aux titres de propriété

ainsi qu'au droit de disposer des bénéfices de la production, les valeurs,

les pratiques traditionnelles et les structures patriarcales les ont e m p ê ­

chées d'en jouir pleinement en perpétuant une situation de subordina­

tion et en les excluant du processus de décision. C'est pourquoi les

femmes abandonnent l'agriculture chaque fois qu'elles découvrent

d'autres moyens d'existence, et viennent grossir le flot de l'exode rural.

Le combustible

Compte tenu du rôle essentiel que jouent les femmes dans l'utilisation

du combustible pour la transformation des aliments et pour le chauf­

fage, la dégradation de l'environnement et la crise naissante de l'énergie

dans les campagnes les affectent tout particulièrement. Traditionnelle­

ment, les femmes s'approvisionnent en branchages et en bois sur les

terres communales et les friches. E n raison de la surexploitation des

pâturages, de la désertification, de la pression démographique et de la

privatisation, qui limite également la disponibilité des terres, le combus­

tible se fait plus rare et les femmes ont de plus en plus de mal à en trou­

ver sur des espaces en continuelle régression. Les produits qu'elles col­

lectent, c o m m e le bois et les branchages, le fourrage, divers aliments,

des matières fibreuses et de l'argile, constituent par ailleurs des élé-

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Qui est la femme rurale ? 29

Paysage sahélien (Tchad)

ments indispensables à leurs activités artisanales ou aux petites indus­

tries familiales qu'elles gèrent et qu'elles exploitent.

L'eau

L'eau est un facteur essentiel de la santé et de l'hygiène dans les régions

rurales. La majorité des maladies et des infections parasitaires, si

c o m m u n e s dans les pays du Tiers M o n d e , sont liées directement ou

indirectement à la consommation ou au manque d'eau. O r les zones les

moins bien pourvues, tant en quantité suffisante d'eau courante qu'en

eau potable, sont les campagnes.

Les femmes rurales sont au contact permanent de l'eau. L'appro­

visionnement en eau et son utilisation sont des tâches qui leur

reviennent traditionnellement. C'est à elles qu'incombent la prépara­

tion des aliments, les corvées de nettoyage et de lavage, le transport de

l'eau. L'eau étant souvent rare et sa source éloignée de la maisonnée, les

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30 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Canaux d'irrigation à Tillabéry (Niger)

femmes doivent marcher longtemps pour aller la chercher. L e transport

sur la tête et sur les épaules de lourds récipients, s'il donne aux pay­

sannes des allures de reine, est en réalité une pénible corvée qui nuit à

leur santé. A cette charge vient s'ajouter celle de l'enfant qu'elles trans­

portent sur leur dos ou qu'elles portent dans leur ventre.

L e m a n q u e d'eau potable a de sérieuses incidences sur la santé de

la famille. Il entraîne également une charge supplémentaire de travail

pour les femmes, qui doivent consacrer plus de temps à l'approvisionne­

ment. L'eau a par ailleurs une incidence directe sur les revenus que les

femmes tirent de la culture de leur jardin ou de l'élevage de la volaille et

du petit bétail.

E n dépit de tout cela, les multiples tâches féminines en relation

avec l'eau ne sont pas appréciées à leur juste valeur. Les autorités

publiques se soucient peu de concéder, de préserver ou de renforcer le

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Qui est la femme rurale ? 31

droit des femmes à l'utilisation de l'eau. Elles sont également peu

consultées sur l'emplacement de nouvelles installations d'eau et rare­

ment invitées aux réunions de préparation de projets communautaires

d'assainissement de l'eau.

L e crédit

La propriété de la terre est une garantie essentielle pour l'obtention de

prêts par les paysans. Les femmes rurales, qui exercent rarement ce

droit, accèdent difficilement au crédit, pourtant indispensable à la mise

en route d'une entreprise génératrice de revenus supplémentaires.

Les femmes ne possèdent pas de terres, mais elles sont défavori­

sées aussi par leur méconnaissance des règles des systèmes bancaires, du

marché et de la commercialisation. Pour bénéficier pleinement des

prêts, il leur faudrait un m i n i m u m d'information sur les finances, les

affaires, la gestion et la comptabilité et surtout la capacité de lire et

d'écrire que la plupart d'entre elles ne possèdent pas.

Il existe pourtant des expériences d'acquisition et d'utilisation de

crédit par des femmes des régions rurales. Grâce à des actions et un

effort collectif, à l'assistance d'organisations, d'associations ou de

banques spécialisées, certaines ont réussi à s'organiser et à recueillir les

fonds initiaux nécessaires à l'octroi de prêts. Tel est le cas du projet de la

Grameen Bank1 au Bangladesh, où un système de prêt aux plus pauvres

a été mis en œuvre avec succès. Parmi les 490 363 membres des

501 filiales opérationnelles en 1988 dans 10 552 villages, 86 % étaient

des femmes rurales. Tel est également le cas de l'action du Fonds de

développement des Nations Unies pour la f e m m e ( U N I F E M ) , qui four­

nit aux femmes villageoises du Swaziland les moyens de créer de petites

industries locales et familiales.

Dans certains pays, les femmes s'organisent pour fonder leur

propre système d'épargne collective, c o m m e par exemple la « tontine »

au Niger. Chaque mois, dans un groupe d'une dizaine de femmes, la

1. International seminar on women and development : programmes and projects, Vienna, 1989. Women in development at IFAD; Grameen Bank Project in the People's Republic of Bangladesh: Phase II and III. Mai 1989. (Document IS/WRD/1989/CS.26.)

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32 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

totalité des cotisations est remise à l'une d'entre elles pour qu'elle puisse

effectuer un achat important. Le système fonctionne par rotation

et permet à chacun des membres du groupe de profiter de l'épargne

collective.

Les coopératives

Les coopératives et les réformes agraires comptent parmi les facteurs les

plus efficaces de développement rural. E n multipliant les activités

économiques et sociales, en facilitant la commercialisation des produits,

en équilibrant les prix, en rapprochant les productrices des c o n s o m m a ­

teurs, en renforçant l'artisanat, en organisant des services de santé,

d'éducation, de nutrition et de soins aux enfants, les coopératives repré­

sentent pour les femmes rurales un moyen d'améliorer leur niveau de

vie et leur condition.

Les femmes ont été associées au mouvement coopératif depuis

plus d'un siècle. A u début, les objectifs égalitaires et les principes non

discriminatoires des coopératives n'excluaient pas a priori et explicite­

ment les femmes. Cependant, dans la réalité, elles y ont été reléguées au

second plan. Cette situation désavantageuse pour elles persiste et actuel­

lement les femmes sont toujours minoritaires dans les coopératives.

Quant à leur participation à la gestion, elle est réduite au m i n i m u m .

Les données statistiques concernant le degré d'association des

femmes aux coopératives sont rares, mais celles qui existent confirment

- à quelques exceptions près - une disparité très marquée à l'avantage

des h o m m e s . M ê m e lorsqu'elles constituent la majorité des membres

dans les coopératives établies, le pouvoir de décision reste l'apanage des

h o m m e s . E n outre, il est fréquent que les femmes ne soient pas admises

parce qu'elles ne sont pas propriétaires des terres. Cette situation porte

un grand préjudice aux femmes du fait que les coopératives offrent des

avantages économiques et sociaux (un emploi, des revenus, des crédits,

des débouchés commerciaux) dont elles ne peuvent pas bénéficier.

Faute de pouvoir le faire dans des coopératives, les femmes s'organisent

dans des groupes d'entraide informels ou créent des structures qui leur

sont propres et qui leur permettent de concilier à la fois leurs activités

productrices et leur rôle au sein de la famille.

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Qui est la femme rurale ? 33

Dans les pays en développement, l'émigration est la cause principale de l'augmentation du nombre des femmes chefs de foyer.

Afrique Soudan 22% Kenya 30% Ghana 27% Malawi 29%

Amérique latine et Caraïbes Jamaïque 34 % Pérou 23% Honduras 22% Venezuela 20 %

Pourcentage de foyers dirigés par des femmes

FiG. 3. Émigration. Source : U S Bureau of the Census. Reproduit dans Joint United Nations/Non-governmental Organization Group on W o m e n and Development, Women and the world economic crisis, op. cit., p. 25.

Dans la plupart des pays, l'entraide des femmes rurales est une tra­

dition. Dans certaines civilisations africaines et à l'époque précolom­

bienne en Amérique latine, par exemple, les groupements constitués de

femmes s'organisaient selon des principes de solidarité, faisaient partie

intégrante de la vie communautaire et exprimaient une identité cultu­

relle spécifiquement féminine. Ces traditions de modes de vie et de tra­

vail collectifs des femmes les ont aidées à mieux s'adapter aux nouvelles

formes de groupements coopératifs.

U n e des difficultés qui s'oppose à la participation des femmes

rurales aux coopératives réside dans leur manque de formation aux

modes et aux principes de fonctionnement de celles-ci. Leur

méconnaissance des règles élémentaires de l'administration, de la

gestion et de la commercialisation est un handicap sérieux, auquel

s'ajoute celui de l'analphabétisme.

L'exode

L'immigration des h o m m e s , qui quittent les campagnes et leurs familles

pour la semaine, une saison ou des années et qui ne rentrent chez eux

que pour retourner à nouveau en ville, est un phénomène de plus en

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34 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

cultiver les terres, s'occuper des enfants et des vieux parents. Garante du

retour de l ' h o m m e qu'elle ne cesse d'attendre, Pénélope de notre temps,

la f e m m e rurale doit dorénavant affronter la redoutable responsabilité

de chef de famille. Actuellement, dans le m o n d e , la proportion de

ménages dirigés par des femmes ou pour lesquels les femmes font office

de chefs est d'environ 35 %.

L'exode, pour des raisons d'ordre économique, des h o m m e s vers

les villes provoque en premier lieu une augmentation de la proportion

des femmes dans les zones rurales. Outre leurs occupations habituelles,

elles doivent prendre en charge la part des activités traditionnellement

réservée aux h o m m e s . Quand ce cumul de tâches se fait avec le

concours d'autres membres de la famille, elles deviennent dépendantes

des frères, du père ou de la belle-famille et sont à nouveau dépossédées

de leur autonomie. Pour économiser l'argent que leur envoie leur mari,

elles sont souvent obligées de chercher des sources de revenus supplé­

mentaires et se font employer c o m m e salariées dans des exploitations

agricoles. Pour quelques-unes d'entre elles cependant, l'absence de

l ' h o m m e est le début d'une prise de conscience de leur propre valeur et

de leur potentiel personnel - la découverte de ce dont elles ont été

jusque alors exclues. Elles s'aperçoivent, par exemple, qu'elles aussi

sont capables de manier des outils et d'utiliser divers matériels, qu'elles

peuvent gérer leur foyer seules et réagir correctement face à des situa­

tions difficiles.

L'Unesco a analysé les répercussions et les conséquences de la

migration masculine sur la famille patriarcale traditionnelle et étudié les

fonctions et le rôle nouveaux de la f emme chef de famille. U n e étude

publiée en 1984 sous le titre Women in the villages, men in the towns [Les

femmes dans les villages, les h o m m e s à la ville]2 a démontré que la

migration des h o m m e s peut affecter les femmes de différentes manières.

2. Women in the villages, men in the towns, Paris, Unesco, 1984. (Coll. « Les femmes dans une perspective mondiale ».)

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Qui est la femme rurale ? 35

Quelques exemples

E n l'absence de l ' h o m m e , les responsabilités liées à la maison conti­

nuent à être celles de l'épouse, parfois aidée par la belle-mère, les

enfants plus âgés, les membres de la famille ou les voisins.

U n des proches du migrant prend la responsabilité de l'absent et la

f e m m e est maintenue à sa place de subordination.

Les décisions familiales importantes sont prises par correspondance par

le mari migrant ou à l'occasion de sa visite à la maison.

Bien que la f e m m e souffre de solitude, elle s'y résigne, sachant que

l'absence du mari est une source importante de revenus.

C'est le mari qui rend visite à la famille et rarement l'épouse qui va le

voir en ville.

E n dépit de la source supplémentaire de revenus que représente le tra­

vail du mari en ville, la famille continue à vivre dans la pénurie.

Les relations familiales traditionnelles sont renforcées en raison de

l'absence du mari et du père ou, au contraire, se compliquent.

L'absence du père a un impact négatif sur le processus de socialisation

des enfants.

Les revenus supplémentaires fournis par l ' h o m m e permettent l'intro­

duction de technologies qui facilitent les tâches domestiques et

permettent aux femmes d'économiser du temps.

La charge de travail supplémentaire occasionnée par l'absence du mari

laisse peu de temps à la f e m m e pour les relations sociales, les loi­

sirs, la formation et la participation aux affaires de la communauté.

U n e autre étude de l'Unesco sur le m ê m e sujet intitulée Les femmes

chefs de ménage dans les Caraïbes : structures familiales et condition de la

femme* conclut que la pauvreté constitue le problème majeur des

femmes chefs de ménage et qu'elles ont toutes à faire face aux m ê m e s

problèmes, dont le plus critique est de trouver les moyens de subvenir

aux besoins de leur famille.

3. Joycelin Massiah, Les femmes chefs de ménage dans les Caraïbes : structures familiales et condition de la femme, Paris, Unesco, 1983. (Coll. « Les femmes dans une perspective mondiale ».)

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36 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Paysanne dans la capitale (Bolivie)

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Qui est la femme rurale ? 37

L a prostitution

L a prostitution est directement liée au phénomène de l'exode rural. Les

femmes qui sont amenées à quitter leurs villages pour aller travailler

dans les villes, en espérant y gagner plus facilement leur vie, se

retrouvent souvent à la rue. Ces femmes, jeunes pour la plupart, n'ont ni

l'instruction ni les qualifications nécessaires pour exercer dans les villes

une activité licite. Pour survivre et faire vivre les proches restés au vil­

lage dont elles ont la charge, elles sont amenées à se prostituer.

D'autre part, les femmes qui restent à la campagne et qui subissent

le contrecoup de l'exode des h o m m e s en ville se débattent seules avec

des problèmes quotidiens. L a crise économique et la pénurie alimen­

taire aggravent encore leur situation. Pour augmenter les maigres res­

sources qu'elles tirent de l'agriculture ou d'autres travaux lucratifs, pour

survivre tant bien que mal avec leur famille, pour financer l'éducation

des frères et sœurs ou des enfants, pour avoir le droit de cultiver un ter­

rain ou de conserver leurs propres terres, ces femmes aussi sont parfois

obligées de se livrer à la prostitution. Les femmes divorcées ou abandon­

nées par leurs maris peuvent y avoir également recours pour subvenir

aux besoins des enfants dont elles ont la charge. Des familles rurales

entières subsistent grâce aux revenus qu'une des filles tire de la prosti­

tution.

Renforçant l'exode rural, accentuant la marginalisation des

ruraux, la crise économique qui frappe la plupart des pays du Tiers

M o n d e obligera de plus en plus les femmes à pratiquer des activités illi­

cites de ce type.

L'habitat

L a f e m m e est la principale utilisatrice de l'espace vital. L a maison, pour

elle, n'est pas seulement le domicile, le lieu de séjour, de repos et de

sécurité de la famille. Elle est surtout son lieu de travail. C'est dans la

maison que les femmes remplissent leurs principales fonctions domes­

tiques et s'occupent de leurs enfants. Pour beaucoup d'entre elles, c'est

également le lieu de travaux générateurs de revenus supplémentaires.

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38 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Villageoise de Sanyati décorant sa maison (Zimbabwe)

Dans ces conditions, la qualité de l'habitat revêt une importance

toute particulière. Or, dans la plupart des pays en développement, les

conditions de logement des populations rurales sont plus que précaires.

Les habitations protègent peu de la chaleur, du froid, du vent, de la

pluie. Il est difficile d'y entrer debout, il y fait trop sombre pour que les

enfants préparent leurs devoirs scolaires. L a pièce principale, souvent

unique, peut être constamment enfumée par les feux de cuisson. Les

animaux domestiques cotoyent souvent la famille. La surface habitable

est parfois si restreinte pour la nombreuse progéniture que le m i n i m u m

de 3,5 m 2 par personne recommandé par l'Organisation mondiale de la

santé dans des cas d'urgence apparaît c o m m e un luxe dérisoire. Les ins­

tallations sanitaires n'existent généralement pas ou se trouvent dans un

état d'hygiène catastrophique, d'autant plus qu'il y a souvent pénurie

d'eau.

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Qui est la femme rurale ? 39

Alors que les statistiques officielles l'ignorent, il est clair que la

contribution des femmes aux activités de construction est considérable.

Dans beaucoup de pays africains, les femmes construisent elles-mêmes

leurs cases, les décorent et les entretiennent. A u Kenya par exemple, la

première tâche de la jeune épouse consiste à se procurer le matériel de

construction, à le transporter dans sa nouvelle famille et y construire

une habitation avec l'aide des autres femmes. C'est encore la f e m m e

qui, chaque année, assurera les réparations des murs en y enduisant le

plâtre et en renouvelant les peintures décoratives ; c'est également elle

qui remettra à neuf le sol de la case. Il est donc faux de penser que la

construction d'un logement est uniquement une affaire d ' h o m m e s ,

m ê m e si dans les statistiques officielles les activités de construction

effectuées par les femmes n'apparaissent pas et sont considérées c o m m e

un travail non rémunéré : celui d'une f e m m e au foyer. D e la m ê m e

façon, quand il s'agit de la propriété de la maison, c'est encore de

l ' h o m m e qu'il est question et non de la f e m m e , que l'on considère tradi­

tionnellement c o m m e faisant partie intégrante de la maison.

La malnutrition

Si étroitement liées à la terre et à la production agricole, les femmes

rurales n'en sont pas pour autant mieux nourries, tant s'en faut. Elles le

sont moins bien que les h o m m e s , ce que prouvent des études récentes

sur la répartition de la nourriture dans la famille.

Il en est de m ê m e pour les petites filles qui souffrent beaucoup

plus de la malnutrition que les garçons. Des études effectuées au Ban­

gladesh, par exemple, ont démontré que les petits garçons de moins de

cinq ans reçoivent 10 % de nourriture de plus que les petites filles qui,

par conséquent, subissent plus durement les effets de ¡a famine.

Parmi les populations les plus pauvres, le taux de mortalité infan­

tile est plus élevé chez les filles que chez les garçons. Sachant que la

sécurité de leur vieillesse dépendra de la position économique de leurs

fils, les parents réservent de préférence une meilleure nourriture aux

garçons. Les femmes enceintes et les femmes qui allaitent sont égale­

ment mal nourries. Quand la nourriture se fait rare, ce qui est le cas juste

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40 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

avant les moissons, les femmes enceintes ne disposent pas de la nourri­

ture supplémentaire nécessaire et prennent insuffisamment de poids

pendant leur grossesse. L'enfant à la naissance est plus faible et ses

chances de survie et de croissance normale sont moindres.

Les femmes rurales font face à deux obligations principales qui les

obligent à dépenser beaucoup d'énergie : la production (les travaux

agricoles, les obligations familiales, le transport de l'eau et du combus­

tible, etc.) et la reproduction. Pour remplir ces deux fonctions, la f e m m e

rurale devrait pouvoir se nourrir correctement, ce qui la plupart du

temps n'est pas le cas. « Tant que l'alimentation des filles ne passera

qu'après celle des garçons, tant que les femmes seront les dernières à se

nourrir et qu'elles mangeront moins tout en étant celles qui travaillent le

plus durement et le plus longtemps, la grossesse présentera plus de

risques qu'elle ne devrait normalement en comporter4. »

Dans les pays en développement, l'anémie est très répandue chez

les femmes rurales en âge de procréer. Elle représente un problème

grave, en particulier chez les femmes qui ont eu des grossesses n o m ­

breuses et trop rapprochées. L'état nutritionnel a une incidence sur les

chances d'une f e m m e d'accoucher normalement, d'avoir un enfant de

poids normal et de le nourrir au sein sans dégâts pour la santé de la

mère. O n estime que près des deux tiers des femmes rurales enceintes et

la moitié de celles qui ne le sont pas sont anémiques. Cette forte prédo­

minance de l'anémie parmi les femmes rurales est d'autant plus préoc­

cupante qu'elles ont à assumer une lourde charge de travail aussi bien à

la maison que dans les champs.

L a santé et la maternité

Dans les sociétés où la belle-mère et les grand-parents dirigent le

ménage, l'épouse est tributaire des pratiques médicales traditionnelles.

Ces pratiques sont souvent bénéfiques, mais elles peuvent également

avoir des effets nuisibles sur la santé des femmes, des enfants et de la

famille en général. Étant illettrée, la femme n'est pas en mesure de

4. Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), La situation des enfants dans le monde, 1989, p. 40, N e w York/Genève, U N I C E F , 1988.

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Qui est la femme rurale ? 41

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Affiche murale : « Évitez les grossesses pendant l'adolescence. Elles compromettent votre avenir » (Gambie)

suivre les conseils prescrits par les services de santé et ce d'autant moins

qu'elle est soumise à la volonté et la décision du mari. Choisir de prati­

quer la planification familiale ou de participer à des projets d'améliora­

tion de la nutrition ou de la santé revient, dans certains cas pour la

f e m m e , à violer des tabous culturels et des coutumes ancestrales. A u

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42 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

FlG 4. Taux de natalité et de mortalité dans diverses régions du monde , 1987-1988. Source : Organisation mondiale de la santé, Safe motherhood ; an information kit, Genève, O M S . ( W H O 861663.)

lieu de s'adresser au centre médical le plus proche, elle fera appel au

guérisseur. Tout c o m m e sa mère, sa grand-mère et ses ancêtres, elle

continuera à croire que la lèpre est provoquée par la sorcellerie et non

par un germe, ou qu'enjamber certains arbrisseaux peut la protéger

d'une grossesse.

Dans la plupart des sociétés rurales, l'allaitement au sein est géné­

ralement pratiqué pendant une longue période. E n Afrique les mères

allaitent leurs bébés pendant dix-huit mois et parfois jusqu'à deux ans

ou plus. L e bébé étant en contact physique permanent avec la mère,

l'allaitement se fait jusqu'à dix fois par jour.

Bien que l'âge du mariage et de la première grossesse aille en s'éle-

vant, dans bien des pays du Tiers M o n d e plus de 50 % des premières

naissances surviennent chez les femmes de moins de dix-neuf ans. Chez

une f e m m e n'ayant pas encore atteint la maturité, un accouchement

peut être fatal. Le taux de mortalité maternelle chez les femmes de

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Qui est la femme rurale ? 43

moins de dix-neuf ans est souvent le triple de ce qu'il est parmi les

femmes de vingt à vingt-quatre ans.

L e plus grand nombre de décès chez les femmes en âge de pro­

créer surviennent parmi les populations rurales. Dans les pays où le

problème est particulièrement aigu, les taux de mortalité maternelle

peuvent être de 50 à 200 fois plus élevés que les taux les plus faibles dans

les pays industrialisés. C o m m e la cause de ces décès n'est pas toujours

précisée, l'ampleur du phénomène est reflétée dans les statistiques

d'une manière inadéquate.

L e risque pour une f e m m e africaine de mourir des suites d'un

accouchement est de 1 sur 14. E n Asie, il est de 1 sur 18 alors que, dans

les pays industrialisés, la proportion est de 1 sur 4 000 ou 7 000. Selon le

rapport annuel de l ' U N I C E F sur la situation des enfants dans le monde

en 1989, les naissances trop nombreuses et trop rapprochées chez des

mères trop jeunes ou trop âgées sont la cause de près d'un quart de tous

les décès de mères et d'enfants dans le m o n d e . Chaque année, près de

500 000 mères meurent de causes liées à la grossesse et à l'accouche­

ment, décès qui auraient pu être évités.

L'excision féminine - pratique qui remonte loin dans le temps -

est liée à des facteurs religieux et culturels. Les mutilations qui s'en­

suivent sont la cause directe de graves problèmes de santé, en particulier

lorsqu'il s'agit de la forme d'excision la plus radicale, qui provoque des

infections, des hémorragies et un choc psychique. S'y ajoutent les diffi­

cultés ultérieures rencontrées au début de la vie sexuelle de la femme et

pendant l'accouchement.

Le SIDA

L'Organisation mondiale de la santé estime qu'en 1988 quelque 1,5 mil­

lion de femmes étaient porteuses du virus qui provoque le S I D A . Bien

que la majorité de ces femmes se trouvent dans les villes, les zones

rurales sont à leur tour de plus en plus touchées, en particulier en

Afrique, dans les Caraïbes et certaines parties de l'Amérique latine.

L e S I D A , qui jusqu'alors était considéré c o m m e un fléau urbain,

c o m m e n c e à devenir également celui du m o n d e rural.

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44 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

La contagion vient principalement des villes et plus précisément

des membres des familles rurales partis à la recherche de travail et qui,

se sachant séropositifs, reviennent dans leur village où ils sont pris en

charge par les femmes. Celles-ci, trop souvent mal informées, sont plus

vulnérables et le risque qu'elles encourent de contracter la maladie est

par conséquent plus grand. A mesure que le phénomène de contagion

des femmes par le virus du S I D A se développe, les risques de transmis­

sion périnatale augmentent ainsi que le taux de mortalité infantile, déjà

si élevé dans le m o n d e rural. L ' O M S et l ' U N I C E F soulignent cepen­

dant que l'allaitement maternel ne constitue pas un m o d e de transmis­

sion majeur du S I D A et le recommandent vivement, m ê m e dans les

régions où le S I D A est endémique. Les avantages de l'allaitement pour

le nourrisson sont en effet sans c o m m u n e mesure avec le risque de

transmission du S I D A par le lait maternel5.

Il est à prévoir que, d'ici l'an 2000, à la double charge de travail

que les femmes rurales assument déjà en tant qu'épouses et mères et en

tant que productrices agricoles s'ajoutera celle de la prise en charge des

membres de la famille malades du S I D A . Les revenus supplémentaires

fournis à la f e m m e par le mari qui travaille en ville diminueront

si celui-ci est atteint, ou disparaîtront s'il est réduit au chômage pour

la m ê m e raison. La situation économique des femmes ne fera alors

qu'empirer.

Les femmes rurales sous-alimentées, souffrant d'anémie et trop

souvent enceintes, seront des cibles particulièrement exposées à la

maladie. Elles le seront d'autant plus que les conditions d'hygiène dans

les centres médicaux, les infirmeries et les centres de protection mater­

nelle et infantile dans les zones rurales sont généralement déplorables.

Mal équipé, le personnel des services de santé peut difficilement obser­

ver les règles élémentaires d'hygiène, c o m m e par exemple la stérilisa­

tion des seringues qui, d'ailleurs, font la plupart du temps cruellement

défaut dans les dispensaires villageois. L ' O M S et l ' U N I C E F ont cepen­

dant conclu que le risque de propagation de l'infection à V I H (virus de

l'immunodéficience humaine) lors des séances de vaccination d'enfants

est faible, m ê m e lorsque les méthodes de stérilisation laissent à désirer6.

5. Fonds des Nations Unies pour l'enfance ( U N I C E F ) , La situation des enfants dans le monde, 1989, op. cit., p. 70.

6. Ibid., p. 70.

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Qui est la femme rurale ? 45

c-^^r-:--

Centre de protection maternelle et infantile à Banibangou (Niger)

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46 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Bien que le phénomène soit moins répandu dans les campagnes

que dans les villes, il arrive que les femmes rurales pratiquent la prosti­

tution et prennent des drogues, s'exposant ainsi à la contagion. Les

risques de contamination sont d'autre part accrus par les pratiques tradi­

tionnelles de mutilation sexuelle des femmes et les cérémonies coutu-

mières d'initiation des enfants.

L a planification familiale

D'après l ' U N I C E F , plus d'un tiers des 140 millions de femmes qui

étaient enceintes au cours de l'année 1988 ne souhaitaient plus avoir

d'enfants. 200 000 d'entre elles sont décédées en essayant de mettre un

terme à leur grossesse, souvent en recourant à des méthodes d'avorte-

ment illégales.

Toujours d'après l ' U N I C E F , la pratique de l'espacement des nais­

sances permettrait d'épargner chaque année la vie de quelque trois mil­

lions d'enfants. Cependant, si dans certains pays en développement 30 à

40 % des femmes en âge de procréer utilisent les méthodes de planifica­

tion familiale, dans d'autres la proportion n'est encore que de 5 à 7 %.

Or l ' O M S déclare que, si les femmes du m o n d e entier pouvaient n'avoir

que le nombre d'enfants qu'elles disent souhaiter, le taux de natalité

brut se situerait entre 16 et 28 %o, au lieu de 28 à 40 %o c o m m e c'est le

cas actuellement. Il existe une contradiction manifeste entre le désir

explicite des femmes de pratiquer la planification familiale et leur réti­

cence à le faire ou leur méconnaissance du sujet. Cette réticence relève

principalement d'attitudes culturelles et de facteurs sociaux. Dans cer­

tains pays le nombre d'enfants valorise l'épouse aux yeux de son mari et

de la communauté . N e pas donner naissance à quatre ou cinq enfants au

moins est perçu c o m m e une anomalie qui peut marginaliser la mère. La

f e m m e rurale aura donc généralement beaucoup d'enfants, d'abord

pour bénéficier d'un meilleur statut dans la communauté , mais égale­

ment pour assurer ses vieux jours. Elle accordera une nette préférence

au garçon. Le désir et le besoin d'avoir ce fils entraîneront une fécondité

accrue et des naissances trop rapprochées.

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Qui est la femme rurale ? 47

L'ajustement structurel

Alors que dans les pays industrialisés la dernière décennie a été une

période prospère, l'économie des pays en développement n'a cessé de

décliner. La crise qui en a résulté a provoqué un endettement drama­

tique de ces pays et l'appauvrissement des populations.

L a solution proposée au problème de la crise économique et de la

dette extérieure est ce qu'on a appelé 1'« ajustement structurel », appli­

qué dans les pays de leur propre initiative ou négocié avec des agences

internationales de financement. L e but de cet ajustement est d'« ali­

gner » l'économie et les aspirations nationales sur les exigences inter­

nationales, en comblant ou en réduisant les déficits par des excédents

commerciaux. L'application des politiques d'ajustement a exigé l'impo­

sition de mesures d'austérité économique dont les répercussions sont

cruellement ressenties par les secteurs les plus pauvres de la population

et en particulier par les femmes.

Les mesures préconisées pour parvenir à l'ajustement structurel

sont supposé être appliquées sans différenciation de sexe. Cependant les

inégalités qui préexistaient à l'adoption de ces mesures font que les

femmes, plus vulnérables, sont plus gravement touchées par la crise et

les ajustements que les h o m m e s . C'est dire que la politique économique

d'ajustement menace de perpétuer et d'aggraver les inégalités. Les

répercussions de la crise, de la dette et des ajustements structurels

pèsent le plus lourdement sur les femmes les plus pauvres, celles qui

gagnent, possèdent et contrôlent le moins.

Les conséquences de l'ajustement structurel dans les zones rurales

ne sont pas tout à fait les m ê m e s que dans les villes. Les prix plus élevés

que les paysans doivent payer pour les produits importés sont compensés

par l'augmentation des prix des produits agricoles. Cependant les

femmes rurales ne disposent généralement que de peu de revenus ; la

plupart du temps, elles ne sont pas rémunérées du tout. Toute aug­

mentation de prix signifie pour elles une augmentation correspondante

de leur temps de travail dans la production, mais non pas nécessaire­

ment une augmentation de leurs revenus. D e toute évidence, les aides

accordées par de nombreux gouvernements à la production agricole

destinée à compenser les importations ont profité aux grands exploitants

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48 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

plutôt qu'aux petits, et les paysannes appartiennent à cette dernière

catégorie.

L'assistance financière fournie par les maris migrants, ou par

d'autres membres de la famille qui résident en ville, représente une part

importante du revenu des familles rurales. C o m m e les ajustements

structurels provoquent un chômage généralisé et une diminution du

salaire, ils peuvent avoir des incidences graves sur le maigre budget dont

les femmes disposent pour les besoins domestiques. D'autre part, la

hausse du prix des produits alimentaires de première nécessité rend dif­

ficile l'achat de produits essentiels au bien-être du ménage et aggrave la

malnutrition. Celle-ci affecte spécialement les femmes, dont les gros­

sesses exigeraient au contraire un régime alimentaire équilibré. L'orien­

tation de l'économie vers l'exportation a également contribué à dévaluer

le travail des femmes dans des domaines traditionnels, c o m m e par

exemple celui de la production agricole de subsistance, et ont accentué

leur marginalisation dans le processus de développement économique.

L e rééquilibrage des prix imposé par l'ajustement structurel oblige

les paysans à abandonner les cultures agricoles traditionnelles pour

d'autres plus rentables. Il n'est pas toujours facile pour les femmes de

s'adapter à des changements qui ne sont pas nécessairement compa­

tibles avec leurs attributions et leurs responsabilités familiales. L 'aug­

mentation de la production agricole exige aussi des femmes des efforts

et du temps supplémentaire ; ce temps qu'elles devront consacrer à la

production sera pris sur celui qu'elles réservent d'ordinaire aux enfants.

Ces obligations nouvelles ont ainsi une influence négative sur la famille

et en particulier sur la santé et la nutrition des enfants, ainsi que sur leur

scolarité, tout spécialement celle des filles et des enfants de parents les

plus pauvres. D ' o ù également une augmentation de la mortalité infan­

tile et des grossesses à risque, une baisse du niveau d'éducation et une

remontée du taux d'analphabétisme.

Pendant la période 1979-1983, dans près de 60 % des pays d ' A m é ­

rique latine, les dépenses d'éducation par habitant ont constamment

diminué. Il en va de m ê m e des dépenses de santé dans la moitié d'entre

eux. Les budgets de la santé ont baissé dans 47 % des pays africains et

les dépenses d'éducation dans 33 %. E n Asie, la réduction des budgets

de santé et d'éducation touche un tiers des pays. Dans les sociétés qui

privilégient les garçons, les limitations de l'accès à l'éducation ou les

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Qui est la femme rurale ? 49

restrictions qui affectent la santé touchent plus gravement les filles. U n e

étude de l'Organisation des Nations Unies7 portant sur un échantillon

de 17 pays (Argentine, Bangladesh, Brésil, Chili, Colombie, Côte

d'Ivoire, Egypte, Indonésie, Jamaïque, Mexique, Nigéria, Pérou, Phi­

lippines, République-Unie de Tanzanie, Soudan, Thaïlande, Yougosla­

vie) a démontré que la mise en œuvre des politiques d'ajustement struc­

turel a provoqué une détérioration notable dans le rapport garçons/filles

à tous les niveaux de l'enseignement, et particulièrement dans le

secondaire, au détriment de ces dernières. L'imposition de frais de sco­

larité souvent pratiquée dans les pays qui mettent en œuvre l'ajustement

structurel frappe durement les familles rurales pauvres et oblige les

parents à retirer leurs enfants de l'école, et en premier lieu les filles.

Dans certains pays les frais d'éducation sont tels qu'il a fallu fermer des

écoles, ce qui a encore restreint les possibilités d'accès des filles à l'édu­

cation, surtout dans les zones rurales.

7. Organisation des Nations Unies, Étude mondiale sur le rôle des femmes dans le développement, 1989, p. 34, N e w York, Organisation des Nations Unies, 1989. (ST/ C S D H A / 6 ; n de vente : F.89.IV.2.)

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L'alphabétisation des femmes

rurales : pour quoi faire ?

« Dans un village perdu de la campagne nigérienne, des femmes assises

sous l'ombre clairsemée d'un arbre délibèrent avec entrain, s'interpel-

lant à qui mieux mieux dans leur langue zarma, tout en mâchonnant

chacune un bâtonnet cure-dents. La cause de ces palabres animées,

accompagnées de larges gesticulations, de hochements de tête, d'éclats

de rire ou de colère est que chèvres, moutons, bovins et chameaux s'in­

troduisent dans le jardin maraîcher collectif des femmes et détruisent les

récoltes.

» C e jardin, que les femmes regroupées dans l'Association des

femmes du Niger de leur village cultivent en c o m m u n , leur a été cédé

par la municipalité. Après un long travail de défrichement, le terrain fut

divisé en parcelles et équitablement partagé entre la vingtaine de

femmes du groupe. Dans les moments de loisir que leur laissent leurs

multiples obligations familiales, ménagères et agricoles, elles cultivent

chacune un lopin de terre à l'aide d'outils et d'équipements très rudi-

mentaires, tout en s'efforçant de suivre les conseils techniques d'une

jeune animatrice rurale.

» L a proximité des canaux aménagés pour les besoins des rizières

qui font la richesse de la région permet d'y cultiver de beaux légumes,

des tomates, des oignons, de la salade, des choux, des haricots et m ê m e

des melons destinés à la consommation familiale ou à être vendus au

marché. Malheureusement, le jardin n'étant pas clôturé, les animaux

mal gardés ou laissés en liberté y provoquent de sérieux dégâts. A m é ­

nager des haies de branchages ou de buissons secs pour le protéger n'est

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52 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Réunion de l'Association des femmes du Niger de Tillabéry (Niger)

pas possible, ce genre de clôture étant, pour des raisons écologiques,

interdit. Quant au grillage ou aux fils barbelés, leur coût exorbitant n'est

pas à la portée des moyens financiers dérisoires dont dispose la c o m m u ­

nauté.

» Quelque peu déroutée par l'ardeur si expressive de ces femmes

en polémique, je décidai finalement de ramener la discussion à l'objet

de m a visite, que j'effectuais dans le cadre d'une mission de l'Unesco, et

m e hasardai prudemment à les questionner sur l'organisation éventuelle

d'activités d'alphabétisation... L a réponse fut plus qu'évasive et le pro­

blème de la clôture revint de plus belle sur le tapis, clôture que, m e sug­

géraient-elles, l'Unesco pourrait peut-être les aider à acquérir parce que,

m'expliquait-on, une clôture coûte très cher, payer un gardien égale­

ment et que, poursuivaient-elles, on peut difficilement tenir les chèvres

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L'alphabétisation des femmes rurales : pour quoi faire ? 53

en laisse... E n un mot , protéger à tout prix leur jardin était le souci

majeur de ces femmes. D'alphabétisation, il n'était pas question1. »

Les situations de ce type, si fréquentes sur le terrain, obligent à

poser d'emblée le problème : l'alphabétisation est-elle une priorité ? Si

oui, quel en est le degré ?

Certes, il ne fait aucun doute que l'analphabétisme des femmes

rurales est à combattre, et à combattre sans répit. C'est une tâche d'au­

tant plus impérieuse que le Tiers M o n d e est essentiellement rural, que

les femmes y représentent plus de 50 % de la population et que la majo­

rité d'entre elles sont analphabètes.

C o m m e n t cette nécessité est-elle ressentie sur le plan local, ou

m ê m e au niveau individuel ? C o m m e n t la f e m m e rurale perçoit-elle,

reçoit-elle, ce message en apparence si évident : pour vivre mieux, sois

alphabétisée !

Pour les femmes adultes qui n'ont pas pu bénéficier de la scolarité,

l'alphabétisation est une seconde chance d'acquérir des connaissances.

Nu l ne peut nier que l'alphabétisation est également un facteur d'épa­

nouissement personnel et - de toute façon - un droit fondamental qui

ne peut être dénié à personne.

Tout cela est juste et vrai. Mais quand il s'agit de l'analphabétisme

et des femmes rurales, ces énoncés peuvent rester lettre morte face à la

question à la fois simple et ardue que posent ces femmes : à quoi cela

nous servira-t-il d'apprendre à lire, écrire et compter alors que nos

mères, nos grand-mères et nos aïeules ne l'ont jamais fait et ne s'en por­

taient pas plus mal ? Difficile question, à laquelle il est indispensable

d'apporter une réponse si l'on veut que la lutte massivement déclarée

contre l'analphabétisme soit autre chose qu'un slogan et l'Année inter­

nationale pour l'alphabétisation plus qu'une simple célébration.

Alors que les femmes rurales constituent non seulement la popu­

lation la plus défavorisée mais également la plus nombreuse, les

recherches, les enquêtes et les études sur l'alphabétisation des femmes

adultes sont rares. Les documents de référence sur la question ne font

pas pléthore. Cela est d'autant plus regrettable, en ce qui concerne les

femmes rurales, que les expériences pratiques de plus en plus variées

1. Krystyna Chlebowska, Un temps pour apprendre, 1989. (Inédit.)

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54 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

d'alphabétisation des femmes qui sont conduites à travers le m o n d e per­

mettraient d'amorcer l'analyse du problème.

D e u x constatations valables pour tous les pays et toutes les régions

du m o n d e peuvent néanmoins être faites en relation avec les expé­

riences d'alphabétisation des femmes rurales. L a première est que la

contrainte, m ê m e appliquée avec de bonnes intentions, réussit rare­

ment, surtout au vu des résultats à long terme. L a seconde, que l'alpha­

bétisation stricto sensu, c'est-à-dire conçue c o m m e une fin en soi qui ne

garantit pas l'acquisition de connaissances et de capacités techniques de

base permettant de satisfaire des besoins fondamentaux et d'améliorer la

qualité de vie, m è n e également à l'échec.

D e ces expériences, deux options en quelque sorte philosophiques

se dégagent à leur tour. L 'une est la vision « féministe » du problème,

qui souligne le rôle libérateur de l'alphabétisation c o m m e instrument

du mieux être, qui voit en elle le premier pas vers la justice, vers la maî­

trise de sa propre existence, vers une participation plus large et plus

équitable à la vie de la société, et le m o y e n pour la f e m m e de se libérer

de l'exploitation économique et de l'oppression patriarcale. L'autre est

l'approche « fonctionnelle », pratique, qui préconise l'alphabétisation

c o m m e instrument du mieux vivre ou - plus immédiatement - de la

survie des femmes et de leur famille.

Il est difficile de n'adhérer qu'à l'une de ces deux visions - qui

souvent se complètent - de ce que doit être l'alphabétisation, m ê m e si la

seconde semble être plus proche des exigences et des besoins actuels des

femmes rurales. L'alphabétisation devrait contribuer à l'augmentation

de leurs revenus et à l'amélioration de leurs conditions de vie en les

aidant à sortir de la misère et de leur état de marginalisation, d'infério­

rité. Elle devrait aussi pouvoir favoriser leur épanouissement personnel,

renforcer leur confiance en elles-mêmes, leur faire prendre conscience

de leur propre valeur en tant que femmes et de leurs capacités de créa­

tion, et les convaincre que les limitations qui leur sont imposées ne sont

pas immuables.

Les femmes rurales ne refusent pas l'alphabétisation a priori.

Quand elles sont disposées à en bénéficier, elles invoquent des raisons

très précises qui ont toujours un lien direct avec leur vie de tous les

jours : se retrouver dans un groupe avec d'autres femmes, partager des

expériences, se concerter, s'entraider, passer de bons moment s

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L'alphabétisation des femmes rurales : pour quoi faire ? 55

ensemble ; s'occuper mieux des enfants et de leur santé ; être moins

dépendante des autres ; pouvoir signer son n o m , écrire une lettre, gérer

ses comptes ; comprendre les prescriptions du médecin, les étiquettes

des médicaments ; lire les textes sacrés et les prières ; ne pas être trom­

pée au marché ou dans les magasins ; améliorer la production du jardin,

de la parcelle, du c h a m p ; pouvoir exprimer par écrit des idées, un vécu.

E n termes plus généraux, l'alphabétisation est acceptée si elle per­

met aux femmes d'améliorer les conditions de vie de la famille (santé,

alimentation) ; d'augmenter la production et les revenus ; d'assurer le

mieux-être des enfants ; de maîtriser les nouvelles technologies ; d'ac­

céder plus facilement aux coopératives et à leur gestion, ainsi qu'à l'uti­

lisation du crédit.

D e nombreuses recherches ont permis de confirmer l'impact

négatif de l'analphabétisme sur presque tous les aspects de la santé.

L'incapacité de lire et d'écrire empêche de suivre les prescriptions

médicales, de comprendre les informations sur la santé, m ê m e orales ;

elle peut provoquer un mauvais usage des médicaments. Les analpha­

bètes sont plus nombreux à avoir des habitudes de vie qui nuisent à la

santé. Ils ne savent pas toujours où s'adresser pour obtenir l'aide médi­

cale dont ils ont besoin. C o m m e ils sont gênés pour la demander, ils

négligent la prévention et ne s'adressent aux services de santé que lors­

qu'il est trop tard.

Certaines études ont démontré que la santé des enfants dépend lar­

gement du degré d'éducation de la mère. La conduite des programmes

de protection des enfants est facilitée quand la mère est capable de lire

les instructions médicales qui peuvent sauver la vie de son enfant. U n e

f e m m e alphabétisée fait plus aisément face à une situation critique due,

par exemple, à la diarrhée, l'une des six principales maladies mortelles

des enfants du Tiers M o n d e . L a vie de l'enfant peut alors dépendre de la

capacité de sa mère à préparer la solution de réhydratation orale selon

les proportions indiquées sur l'étiquette.

Les mères alphabétisées sont plus aptes à rompre avec les cou­

tumes et les pratiques traditionnelles qui ont des répercussions négatives

sur la santé. Elles ont une attitude moins fataliste face aux maladies.

Plus sensibles à l'application des traitements médicaux modernes, elles

augmentent leurs propres chances de survie et celles des membres de la

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56 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

famille. Les femmes qui ont acquis un certain degré d'éducation aban­

donnent plus facilement la pratique d'un allaitement trop prolongé de

l'enfant. Elles sont également mieux préparées à revendiquer l'accès

aux services de santé. Elles seront plus à l'aise face à un médecin et une

infirmière que les femmes analphabètes, qui considèrent l'accès aux

soins médicaux c o m m e une faveur et non c o m m e un droit. Elles auront

également moins de difficultés face à la bureaucratie et aux tracasseries

administratives imposées par les services de santé publique.

Il existe également une corrélation entre l'éducation et le taux de

mortalité infantile, qui peut considérablement baisser quand la mère sait

lire et écrire. A u Pakistan et en Indonésie par exemple, il a été constaté

que le taux de mortalité infantile a baissé dans des proportions pouvant

atteindre jusqu'à 50 % dans le cas de mères ayant quatre années d'en­

seignement primaire. U n e étude réalisée au Bangladesh va jusqu'à

conclure que l'éducation de la mère peut avoir un impact plus grand

pour la survie des enfants que la santé de la famille et les médicaments.

Les mères alphabétisées ont généralement moins d'enfants que

celles qui ne le sont pas. A u Brésil, par exemple, une f e m m e illettrée a

en moyenne 6,5 enfants ; une femme ayant une éducation de niveau

secondaire en aura 2,5. A u Libéria, les femmes qui ont accédé à l'en­

seignement secondaire ont dix fois plus de chances de pratiquer la

contraception que les femmes qui ne sont jamais allées à l'école. U n e

étude menée en Amérique latine a démontré que, grâce à l'éducation, le

taux des naissances a décru de 60 à 40 % pendant la dernière décennie.

L'éducation a également une incidence sur l'âge auquel les

femmes se marient et une influence positive sur la diminution des

mariages précoces.

U n e f e m m e éduquée aura plus de chance de modifier les rapports

familiaux traditionnels et de rompre le déséquilibre qui la met dans une

position désavantageuse et discriminatoire. E n tant que principale édu-

catrice de ses enfants, elle aura une attitude différente dans ses rapports

avec eux et en particulier avec ses filles, qu'elle valorisera davantage.

Elle sera plus ouverte à leur égard, mieux disposée à les laisser fréquen­

ter l'école, et reconnaîtra plus facilement l'importance de l'éducation

pour leur avenir. Elle pourra également, grâce aux cours d'alphabétisa­

tion liés à l'enseignement civique, mieux connaître ses droits et les

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L'alphabétisation des femmes rurales : pour quoi faire ? 57

L e marché de Tillakaina (Niger)

défendre, ce qui consolidera son statut personnel et son rôle écono­

mique et politique dans la société.

L a motivation des femmes pour l'alphabétisation est directement

liée au phénomène grandissant de l'exode rural vers les villes. Seules

face à leurs nouvelles responsabilités de chef de famille, les femmes res­

sentent de plus en plus le besoin d'être mieux préparées et outillées pour

ce nouveau rôle. Les connaissances en agriculture nécessaires pour

mener à bien le travail productif dont elles ont dorénavant la charge leur

manquent. Elles voudraient également pouvoir lire les lettres que leur

envoie leur mari et lui répondre sans intermédiaire.

Si elle est génératrice de revenus, l'alphabétisation permettra aux

femmes d'augmenter la productivité agricole et le profit qu'elles

peuvent en tirer et, par conséquent, d'améliorer le bien-être de la

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58 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

famille. Elles pourront à cet effet mieux connaître et utiliser les tech­

nologies nouvelles adaptées à leurs besoins et leurs possibilités. Elles

auront plus facilement accès au crédit, aux coopératives et participeront

à leur gestion.

L'alphabétisation des femmes peut enclencher une dynamique

qui produit des effets multiplicateurs liés les uns aux autres et qui se ren­

forcent mutuellement. Par exemple, l'alphabétisation influe sur le

rythme des naissances et l'espacement des grossesses qui en résulte est

bénéfique à la santé maternelle et infantile. U n e meilleure santé des

enfants favorise à son tour la fréquentation scolaire et le succès scolaire

contribue, à plus long terme, à accroître la productivité agricole. D ' o ù

des revenus accrus pour la famille, qui entraînent une amélioration de

son alimentation et de la santé de ses membres . Et ainsi de suite...

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U n e alphabétisation de quel genre ?

Nous sommes pauvres, très pauvres,

mais nous ne sommes pas stupides.

C'est pour ça que, malgré notre analphabétisme,

nous arrivons à survivre.

Nous devons comprendre

pourquoi nous devrions être alphabétisées.

Nous avons déjà suivi des cours d'alphabétisation

mais après quelque temps, nous avons compris,

nous nous sommes sentis trompées - alors nous

avons cessé les cours. [...]

Ce qu 'ils nous ont appris a été inutile.

Savoir signer son nom ne veut rien dire.

Savoir lire quelques mots ne veut rien dire.

Nous acceptons de venir aux cours

si vous pouvez nous apprendre

comment ne plus dépendre des autres.

Nous devrions pouvoir lire des livres simples,

faire nos comptes, écrire une lettre,

lire et comprendre les journaux. [...]

Pourquoi nos maîtres se sentent-ils si supérieurs ?

Ils se comportent comme si nous étions

des ignorants stupides.

Comme si nous étions des enfants.

Comprenez-bien, s'il vous plaît, que

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60 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Classe d'éducation des adultes dans la région de Seti (Népal)

le maître sait peut-être des choses

que nous ne savons pas.

Mais nous connaissons beaucoup de choses

qui le dépassent. [...]

Nous avons assez

de soucis et de souffrances.

Pourquoi les empirer

en suivant des cours d'alphabétisation ?

Nous ne mangeons pas à notre faim.

Nous n 'avons pas assez de vêtements,

pas de logement convenable.

Et pour comble, les inondations arrivent

et emportent tout,

puis vient une longue période de sécheresse

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Une alphabétisation de quel genre ? 61

qui dessèche tout.

Cela nous aiderait d'être alphabétisés ? [...]

L'alphabétisation devrait nous permettre

de vivre mieux. [...]

Nous aidera-t-elle à savoir comment

accroître nos récoltes et augmenter notre revenu ?

A savoir où nous pourrions emprunter

de l'argent plus facilement et quels avantages

nous offrent les coopératives ? [...]

Nous sommes affaiblies et très souvent malades.

Ils disent qu'il y a des lois pour nous protéger

et prendre soin de nous.

L'alphabétisation nous aidera-t-elle

à connaître ces lois P...1

C e questionnement en forme de p o è m e en prose, qui traduit les expé­

riences personnelles d 'un groupe de ruraux pauvres et illettrés du

continent asiatique, reflète bien la réalité quotidienne des f emmes anal­

phabètes du Tiers M o n d e . Il est l'illustration du concret face aux

concepts c o m m u n é m e n t utilisés dans la littérature internationale sur

« l'alphabétisation et le développement ».

Pour les f emmes rurales, en effet, l'alphabétisation n'aura de sens

que si elle est en mesure de donner une réponse satisfaisante à ces ques­

tions vitales et à toutes celles qu'elles posent au n o m d'une vie meil­

leure. Sans cette réponse, l'alphabétisation sera u n échec et les femmes

s'en iront des classes pour n'y jamais revenir.

L'éducation, et en particulier l'alphabétisation, sont les piliers du

développement, affirme-t-on à juste titre. Encore faut-il préciser le

c o m m e n t et le pourquoi de ce développement. Les disparités flagrantes

et les structures discriminatoires qui séparent les riches et les pauvres,

l'urbain et le rural, les h o m m e s et les f emmes , créent ou aggravent les

conflits et les injustices, accentuent les inhibitions. 11 est donc vital,

s'agissant de l'analphabétisme et en particulier de celui des femmes

1. Extraits d'un texte publié dans : Margaret Gayfer (dir. publ.), L'alphabétisation dans les pays industrialisés ; point de mire sur la pratique, p. 19-20, Toronto, Conseil international d'éducation des adultes (CIEA), 1987. (Convergence ; Revue internationale d'éducation des adultes [Toronto, C I E A ] , vol. 20, n 3-4, 1987.)

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62 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

rurales, de prendre l'ensemble de cette problématique en considération,

et notamment ces données essentielles que sont la pauvreté et les iné­

galités.

U n e des originalités de l'œuvre du pédagogue brésilien Paolo

Freire a précisément été d'établir, dans sa manière d'aborder l'alpha­

bétisation, un lien entre l'éducation et la pauvreté. Dans le processus

éducatif, Freire a privilégié la dimension de la prise de conscience et

préconisé l'alphabétisation c o m m e un outil de lutte contre l'oppression,

qui stimule l'initiative et conduit à la libération du sujet. Dans cette nou­

velle approche éducative « militante » où l'apprentissage de la lecture et

de l'écriture est intrinsèquement lié à une vision critique du m o n d e ,

l'alphabétisation représente u n acte de résistance et d'émancipation

sociale et politique.

S'il importe, dans le processus d'alphabétisation, d'être à l'écoute

des personnes en leur donnant le droit de parler et de penser juste, alors,

dans ce m ê m e processus, il serait nécessaire d'être également à l'écoute

des femmes.

Or il faut bien le reconnaître, dans sa pédagogie nouvelle Paolo

Freire ne s'attache pas beaucoup au problème de l'oppression des

femmes et préfère aborder la question de la « conscientisation » princi­

palement sous l'angle de l'analyse des faits et des classes, non des sexes.

U n regard plus attentif porté sur la condition des femmes permet­

trait pourtant de réajuster les grands principes afin qu'ils tiennent

compte de cette réalité. U n e vision pédagogique au féminin est pré­

cieuse dans le travail d'alphabétisation des femmes rurales, où les pro­

blèmes concrets de vie et de survie rendent caduques les théories et les

pratiques d'apprentissage qui les méconnaissent.

Les femmes rurales ont des besoins et des aspirations spécifiques.

Elles ont aussi leur propre expérience de la vie, une manière à elles

d'acquérir des connaissances. Elles ont donc aussi des besoins spéci­

fiques en tant qu'élèves.

Les paysannes détiennent un savoir qui leur permet de lire la

nature, les plantes, les arbres, le ciel, le soleil, les nuages, la pluie. Elles

sont capables de gérer leur maisonnée avec des moyens dérisoires et

d'alimenter jour après jour leur famille, aussi pauvres soient-elles. Elles

respectent le rythme des saisons, les rites et les rituels. Elles dialoguent

avec les esprits, savent apaiser les vivants et pacifier les morts, et cela

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Une alphabétisation de quel genre ? 63

Wéshke se* tö nimg ktèkg.

Nmng diö dör chkö buò.

Ye* ami tö ù diö mèke ye' a.

Stsaw'ó we, p. 26. San José, Costa Rica, Ministerio de Educación Pública, 1986.

(Illustrations de Luis A . Vasquez M . ) [Manuel pour l'enseignement de la lecture et de l'écriture de la langue bribri.]

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64 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

depuis des siècles. Il n'est pas étonnant que, fortes de tout ce savoir

ancestral qu'elles enrichissent et transmettent de génération en généra­

tion, les paysannes attendent de l'alphabétisation qu'elle tienne compte

de cette science de la vie, qu'elles aimeraient retrouver dans les pro­

grammes qui leur sont proposés.

Les programmes d'éducation non formelle sont en effet générale­

ment conçus sans considération pour ce qui est particulier à la condition

des femmes rurales. Quand cette spécificité est prise en compte, il s'agit

principalement de sujets liés à leurs fonctions domestiques, à la cuisine,

la couture, la broderie, à l'enseignement ménager en s o m m e . Les pro­

grammes qui reflètent la dualité caractéristique de la f e m m e rurale, à la

fois productrice et reproductrice, sont rares. Les stéréotypes reflétés

dans les contenus éducatifs les plus usuels la représentent c o m m e un

individu voué essentiellement au service des autres et confiné au m o n d e

clos du cercle familial, le support obligé et naturel qui fournit des ser­

vices efficaces et gratuits à l ' h o m m e , le chef de famille. Quant aux pro­

grammes d'éducation non formelle qui tiennent compte du vécu quoti­

dien des femmes rurales, ils négligent le plus souvent de reconnaître

leurs activités du dehors, celles qui sont génératrices de produits et de

revenus.

La plupart des critiques formulées par les femmes à l'égard de

l'alphabétisation concernent précisément les contenus des matériels,

dans lesquels elles ne se retrouvent que partiellement ou pas du tout.

Quand elles y sont visibles, l'image qu'on y donne d'elles est déformée

et reflète essentiellement leurs fonctions de mère, d'épouse, de f e m m e

au foyer, en un mot , celle des charges et des corvées domestiques,

occultant leur rôle de productrices. Il y est également peu question de

leurs droits non plus que de leur rôle dans le développement de la

communauté et de la société.

Les besoins des femmes étant généralement identifiés par des

h o m m e s , il n'est pas étonnant qu'elles apparaissent peu dans le matériel

pédagogique et que, lorsqu'elles s'y trouvent, ce soit sous les traits clas­

siques de la ménagère.

Pourquoi ne pas donner aux femmes la possibilité de définir elles-

m ê m e s leurs propres besoins, de faire part de leurs expériences per­

sonnelles, d'exprimer leur propre vision du m o n d e , leurs propres

valeurs ? Des programmes d'alphabétisation dans lesquels les femmes

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Une alphabétisation de quel genre ? 65

trouveraient matière à explorer leurs expériences de la vie quotidienne

dans une perspective de partage, pour les convertir en termes d'action

pédagogique et d'enrichissement, mèneraient vers une alphabétisation

véritablement participative et transformatrice pour celles auxquelles

elle s'adresse.

U n e telle approche exige une analyse attentive des conditions

sociales, économiques, culturelles et politiques dans lesquelles se

meuvent les femmes rurales. Il est important, par exemple, de savoir que

les femmes ne deviendront pas de meilleures mères uniquement par le

biais de l'acquisition de connaissances en matière de protection infan­

tile. Pour ce faire, il est nécessaire de tenir compte du contexte social

dans lequel s'exerce cet apprentissage. A quoi en effet servirait-il à la

f e m m e d'apprendre les principes d'une nutrition saine et de savoir quels

changements il convient d'apporter aux habitudes alimentaires de la

famille, si c'est le mari qui en dernier lieu en décidera ?

Reconnaître l'alphabétisation c o m m e un droit au lieu de n'y voir

qu'une « corvée » supplémentaire est également une condition impor­

tante de son succès. Les classes d'alphabétisation devraient être pour les

femmes le lieu et l'occasion de se rencontrer, d'apprendre à mieux se

connaître, de parler, de s'exprimer.

Tout c o m m e celui du temps, le manque de motivation est un obs­

tacle considérable à l'alphabétisation des femmes. L e besoin et l'envie

de lire, écrire et compter ne se manifestent pas automatiquement dans la

vie quotidienne des femmes. L'initiation à l'agriculture, à la santé, à la

nutrition nécessaires dans leur lutte quotidienne pour la survie peut très

bien être réalisée sans l'aide de l'écrit. U n certain nombre de projets de

développement communautaire le prouvent. L e besoin et l'envie

doivent souvent être créés. Par conséquent, la « fonctionnalité » ne peut

plus être considérée c o m m e une simple composante de l'alphabétisa­

tion, c o m m e un des éléments du processus d'apprentissage, mais

c o m m e u n point de départ. Par exemple, les accoucheuses tradition­

nelles africaines, tout en étant analphabètes, n'en sont pas moins très

demandées dans tous les villages, surtout là où les centres de protection

maternelle et infantile ou les maternités villageoises font défaut. Quand

ces institutions existent, elles utilisent volontiers les services de ces

matrones moyennant compensation, à la condition que celles-ci

acceptent une formation et un recyclage adéquats. Dans ce contexte, il

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66 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Classe d'alphabétisation de femmes à Legbassito (Togo)

est difficile aux accoucheuses de demeurer analphabètes alors qu'elles

doivent tenir la comptabilité, la liste des médicaments ou le carnet de

présence. A partir de cette nécessité fonctionnelle se manifesteront chez

elles le besoin et l'intérêt d'apprendre. L'alphabétisation conçue et

acceptée c o m m e partie intégrante d 'un processus qui permettra de satis­

faire les besoins vitaux des bénéficiaires suppose une approche inter­

sectorielle et multidisciplinaire dans la conception des projets et des

programmes d'alphabétisation des femmes rurales.

L'agriculture, l'environnement, l'écologie, la santé, l'alimenta­

tion, la nutrition, l'hygiène, la planification familiale, l'économie

domestique, la protection infantile, la gestion de coopératives, la tech­

nologie devraient y figurer en bonne place. Cette nouvelle approche

implique une coopération plus étroite entre les différentes agences, les

services, les institutions et les organisations compétentes en la matière,

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Une alphabétisation de quel genre ? 67

ainsi que l'utilisation maximale de toutes les ressources humaines

œuvrant dans les domaines concernés.

L a formation d'agents de vulgarisation de niveau intermédiaire et

de cadres féminins ruraux revêt à cet égard une importance particulière.

Les services d'animatrices rurales polyvalentes, par exemple, qui joue­

raient le rôle de conception, de promotion et de coordination des

diverses activités intéressant les femmes rurales, dont celles de forma­

tion et d'alphabétisation, répondent à une nécessité aujourd'hui ressen­

tie par les populations féminines et de plus en plus préconisée par les

associations féminines et les gouvernements.

L a réflexion sur les genres d'alphabétisation des femmes rurales

demande à être élargie et approfondie. Il ne s'agit pas à proprement par­

ler de disserter sur la nécessité d'une alphabétisation ou d'une pédago­

gie féminine ou masculine. Il n'est pas question non plus de se can­

tonner dans des principes rigides c o m m e , par exemple, celui de

l'enseignement mixte à tout prix. L a mixité des classes d'alphabétisa­

tion ne devrait pas être tributaire d'un concept mais dépendre surtout du

milieu concerné, de la volonté des femmes et des h o m m e s qui décide­

ront e u x - m ê m e s s'ils veulent ou non apprendre à lire, écrire et compter

ensemble. Les facteurs dominants qui devraient prévaloir dans le choix

de la composition du groupe sont sa stabilité et l'efficacité des résultats.

Par contre, que ce soit l'alphabétisation traditionnelle ou fonc­

tionnelle, qu'il s'agisse de l'approche inductive « conscientisante »,

« auto-informative » ou autre, il est nécessaire de faire apparaître la

f e m m e rurale là où elle est absente et de faire une place à sa demande, à

ses intérêts et à ses vrais problèmes.

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L a scolarisation

« Si d'aventure vous êtes à la recherche de l'école, ne vous attendez pas à

la trouver dans le village, vous ferez fausse route. Il vous faudra aller loin

des agglomérations, dans un endroit désertique où vous la découvrirez

tout en haut d'une montagne. Arrivé au sommet , après avoir grimpé des

heures durant, traversé des ponts dont la stabilité approximative vous

fera chavirer, essouflé et le cœur battant, vous y trouverez, sur un fond

grandiose d'Himalaya, une charmante petite école en terre battue au

magnifique toit d'ardoises du pays.

» Dans la cour, assis à m ê m e le sol en demi-cercle autour d'un

tableau noir, des enfants vous accueilleront les yeux tout ronds d'éton-

nement, car ici l'étranger est rare. U n e ardoise sur les genoux, ils

écoutent avec un respect mêlé de crainte le maître leur apprendre à

répéter en chœur des textes qui ne leur rappellent en rien leur vie quoti­

dienne, celle de leur famille ou de leur village. Vous verrez des enfants,

accroupis en tailleur sur des nattes dans une minuscule salle de classe en

terre battue, se lever avec empressement à votre vue et vous saluer en

chœur d'un « ñamaste » amical accompagné du traditionnel geste de

bienvenue des deux mains jointes c o m m e pour la prière.

» Dans la classe, accroupie dans un coin, seule parmi les garçons,

un châle de coton blanc gentiment posé sur ses cheveux, toute menue

dans sa robe fleurie, une petite fille vous lancera un regard timide ...1 »

1. Krystyna Chlebowska, « Cheli Beti Story », Les actes de lecture (Paris, Association française pour la lecture), n ' 27, septembre 1989, p. 89.

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70 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

École rurale dans le district de Bajhang (Népal)

Les filles et l'école primaire

L a longue expérience des institutions internationales qui participent à

la lutte contre l'analphabétisme dans le m o n d e , faite aussi bien de suc­

cès que d'échecs, a démontré qu'il est préférable, pour plus d'efficacité,

d'aborder le problème simultanément sous deux angles : celui de

l'alphabétisation des adultes et d'une scolarisation appropriée des

enfants, l'école pouvant en effet être le lieu qui - de manière directe ou

indirecte - engendre paradoxalement l'analphabétisme.

Pendant les deux dernières décennies, l'enseignement primaire a

connu dans le m o n d e un développement notable. Aujourd'hui, il accuse

un recul manifeste. Il y avait en 1985, dans les pays en développement,

environ 130 millions d'enfants d'âge scolaire qui ne fréquentaient pas

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La scolarisation 71

Écolières du village Kasaï (Gambie)

l'école. Parmi eux, plus de 80 millions de filles issues, en grande majo­

rité, de familles pauvres en provenance des régions rurales.

Sous-scolarisation, déperditions scolaires, absentéisme sont des

phénomènes qui caractérisent l'éducation des filles. Il a été démontré

que l'éloignement de l'école est un des principaux obstacles à la fré­

quentation scolaire. Dans les zones rurales où les facilités de transport

sont limitées, les parents hésitent à envoyer leurs filles à l'école trop

éloignée d u village ou de la maison. Q u a n d les moyens de transport

existent, ils sont rarement gratuits. Les parents trop pauvres sont obligés

soit de renoncer à la scolarisation de leurs enfants, soit de faire un choix

entre leurs enfants. C e choix se fait malheureusement presque toujours

au détriment des filles, qui restent à la maison.

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72 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

École primaire à Cotopaxi (Equateur)

U n e récente étude de l'United States Agency for International

Development ( U S A I D ) effectuée en Egypte a démontré que le pourcen­

tage des effectifs des élèves était de 94 % pour les garçons et de 72 %

pour les filles quand l'école se trouvait à une distance de 1 k m et qu'il

descendait à 90 % pour les garçons et 64 % pour les filles quand l'école

se trouvait à une distance de 2 k m .

E n ce qui concerne les abandons scolaires, si fréquents parmi les

filles, les fiançailles, le mariage et les maternités précoces à l'âge scolaire

figurent parmi les causes principales de l'interruption des études des

filles en milieu rural.

A l'exception de l'Amérique latine, le pourcentage d'effectifs

féminins dans les écoles primaires de la plupart des pays en développe­

ment est moins important que celui des garçons. E n Afrique, en 1987, le

taux d'inscription des garçons âgés de six à onze ans était de 69 % et

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La scolarisation 73

celui des filles de 56,5 % pour le m ê m e groupe d'âge. E n Asie, les dispa­

rités sont encore plus grandes : 77,4 % pour les garçons et 59,3 % pour

les filles2.

N o n seulement les filles sont moins nombreuses à fréquenter

l'école que les garçons mais, quand elles s'y trouvent, elles ont à faire

face à des difficultés que ne rencontrent pas leurs camarades masculins.

Il est fréquent de constater que, dans les écoles mixtes, les maîtres n'ont

pas les m ê m e s comportements vis-à-vis des filles que des garçons. Relé­

guées au fond de la classe, les petites filles sont souvent ignorées par

l'enseignant qui ne leur pose que rarement des questions, persuadé

qu'elles sont moins douées et moins capables. Minoritaires dans la

classe, face à des garçons favorisés par un maître plus ou moins miso­

gyne, les filles ont beaucoup de mal à s'imposer.

L e déroulement de la scolarité diffère selon les sexes, en parti­

culier dans les régions rurales. Si les données manquent pour analyser

ce problème d'une manière totalement satisfaisante, on constate cepen­

dant que la chute des effectifs est souvent très importante entre la pre­

mière et la deuxième année d'enseignement primaire et que, mis a part

quelques pays d'Amérique latine, la déperdition des effectifs, qui peut

atteindre des proportions alarmantes, est plus accentuée chez les filles

que chez les garçons.

Les causes de la sous-scolarisation des filles dans les pays du Tiers

M o n d e ont leurs racines dans la condition de la f e m m e rurale, en géné­

ral pauvre, et dans son rôle dévalorisé au sein de la famille, de la

communauté et de la société. Pour les parents, la scolarisation des filles

ne s'impose pas, contrairement à celle des garçons qui auront plus tard à

assumer le rôle de chef de famille. Envoyer une fille à l'école est rare­

ment une nécessité, surtout quand elle doit accomplir des tâches domes­

tiques qui, aux yeux des parents et surtout de la mère, sont plus impor­

tantes que l'éducation. Pour aider la mère surchargée de travail dans

une maisonnée souvent très nombreuse, la fille reste à la maison, pré­

pare ou aide à préparer les repas, prend soin des petits frères et sœurs

alors que la mère est aux champs. Elle s'occupe de la corvée d'eau, pile

le mil, ramasse et transporte le bois sec pour les repas. La petite fille

2. Marlaine E . Lockheed et Adriaan Verspoor, Improving primary education in developing countries : a review of policy options, p. 167-168, Washington, D . C . , Banque mondiale, 1989.

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74 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

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~*sM: Dans un village au Népal [Photo : U N I C E F ]

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peut également être appelée à aider la mère dans la production agricole

ou les travaux d'artisanat.

Les contraintes

L e parcours des filles vers l'instruction est semé de multiples embûches

qui les empêchent de fréquenter l'école ou entravent le déroulement de

leur scolarité. Les difficultés qu'elles rencontrent varient selon les pays,

les continents et les cultures, mais, d'étape en étape, s'articulent tou­

jours autour de ces pôles que sont la maison et l'école, quand elles ne

sont pas inhérentes au fonctionnement des institutions et de la société

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La scolarisation 75

tout entière. Pour donner une idée de l'ampleur du problème, il suffit de

passer en revue, sans autre commentaire, certaines des raisons invo­

quées, à travers le m o n d e , pour expliquer les insuffisances de la scolari­

sation féminine, notamment par les intéressées elles-mêmes.

A u foyer familial : les conditions pour faire les devoirs scolaires

sont mauvaises ; les mères fatiguées ou malades se déchargent sur leur

fille des tâches domestiques ; les naissances sont rapprochées ; la fillette

surchargée de travail est trop fatiguée pour aller à l'école ; elle manque

d'encouragement de la part des parents pour apprendre ; les parents

sont trop pauvres pour envoyer leurs enfants à l'école ; ils ne com­

prennent pas l'importance de l'éducation de leurs filles ; l'instruction

est jugée incompatible avec les qualités et les valeurs féminines par les

parents ; la mixité n'est pas acceptée ; la fillette manque de temps pour

ses devoirs scolaires ; les parents sont illettrés ; les mères veulent surtout

apprendre à leur fille à devenir une épouse modèle ; les maladies se pro­

longent faute de soins et de services médicaux ; les frais de scolarité sont

trop élevés pour les parents de familles nombreuses, qui choisissent

d'envoyer à l'école les garçons plutôt que les filles ; le coût des manuels,

des repas scolaires, des uniformes est trop élevé ; les parents tirent béné­

fice du mariage précoce et coutumier de leur fille ; la garde des animaux

au pâturage et l'obligation de protéger les récoltes des oiseaux et des ani­

m a u x prédateurs incombent aux filles.

Dans la communauté locale : l'éducation des filles est considérée

c o m m e une affaire de la famille et de la communauté ; les chefs reli­

gieux s'opposent à la scolarisation des filles ; la participation aux céré­

monies religieuses, aux mariages et autres célébrations est obligatoire ;

la crainte existe que la fille soit plus instruite que le futur mari.

Sur le chemin de l'école : l'école est trop éloignée de la maison ;

les classes finissent trop tard pour la sécurité des fillettes ; les moyens de

transport font défaut ou leur coût est trop élevé ; la famille craint que la

fillette ne subisse des violences sexuelles sur le chemin de l'école.

A l'école : les maîtres ne sont pas assez qualifiés ; la communica­

tion entre le maître et les parents, et particulièrement les mères, est

insuffisante ; il n'y a pas d'internat pour les filles ; il est difficile d'adap­

ter le programme et les horaires d'étude aux calendriers saisonniers et

aux tâches spécifiques des filles.

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76 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

E n classe : le maître est un h o m m e ; il ne s'occupe pas des filles

pendant le cours ; son langage est trop rude ; les parents redoutent une

inconduite sexuelle de la part de l'enseignant ; les garçons c o m m u ­

niquent peu avec les fillettes.

Chez les décideurs : à ce niveau, les manquements sont qu'il n'y a

pas assez d'écoles en général ; peu d'écoles pour filles, pas d'école

secondaire à proximité pour poursuivre les études ; qu'il n'est pas facile

de garantir aux enseignantes des conditions de travail appropriées dans

les régions rurales reculées ; on invoque aussi le manque de matériel

scolaire, son inadaptation ; le manque de perspectives et de modèles

d'emploi pour les filles.

Dans les esprits : m a n q u e d'intérêt des filles - qui attendent d'être

mariées au plus vite - pour l'école ; m a n q u e de confiance des filles en

elles-mêmes ; existence d'inégalités et de barrières culturelles entre les

h o m m e s et les femmes ; crainte chez les parents et les h o m m e s que la

fille ne soit mieux éduquée que le futur mari ; mauvaise compréhension

ou interprétation erronnée de certains préceptes religieux ; idée que la

fille a, par nature, des capacités moindres que le garçon pour apprendre.

Dans les lois : le principe de l'enseignement obligatoire n'est pas

inscrit dans la législation du pays ou, s'il l'est, reste lettre morte ; il

n'existe pas de dispositions spécifiques en faveur de l'éducation des

filles et de l'égalité des sexes en matière d'éducation ; l'enseignement

du premier degré n'est pas gratuit.

Les stéréotypes

Les manuels scolaires véhiculent dans les textes et les illustrations des

stéréotypes préjudiciables à l'image des filles et contribuent de la sorte à

perpétuer diverses formes de discrimination fondées sur le sexe. Si les

données manquent pour démontrer l'impact de ces stéréotypes sur les

résultats scolaires des filles, il est certain qu'en tant que vecteurs de

transmission de normes, de valeurs et d'une idéologie sexistes, ils ont

une influence négative non négligeable sur le développement des atti­

tudes et des comportements. Les manuels scolaires étant des instru­

ments d'éducation de première importance et un outil du progrès et des

changements, il est inadmissible que les filles y soient si souvent repré-

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La scolarisation 11

sentées c o m m e des personnes passives, effacées, faisant preuve d'une

affectivité excessive alors que les garçons, à l'inverse - mais tout aussi

abusivement - sont censés être agressifs, bagarreurs et insensibles. Les

récits qui n'utilisent que le genre masculin, les exemples d'héroïsme qui

ne représentent que des h o m m e s , les scènes où les filles n'exécutent que

des tâches dites « féminines », ne contribuent pas à susciter chez ces

dernières un sentiment d'estime et de confiance envers leurs propres

capacités et la conviction de pouvoir faire aussi bien que les garçons. Ils

renforcent au contraire, chez les jeunes des deux sexes, l'idée c o m m u ­

nément admise de la supériorité de l ' h o m m e et de l'infériorité de la

f e m m e - « sexe fort » et « sexe faible ».

Les manifestations de la discrimination à l'égard des filles dans les

manuels scolaires prennent des formes diverses : par rapport aux gar­

çons, elles sont moins souvent mentionnées et moins présentes dans les

textes et les illustrations, on les décrit c o m m e obéissantes, dévouées,

silencieuses, maladroites, faibles, gentilles, dépendantes, parfois fri­

voles, alimentant ainsi le mythe de la « femme-objet ». Elles aiment les

fleurs, la poésie, les animaux, sont compatissantes et tendres, alors que

les garçons sont rebelles, bavards, actifs, forts, agressifs, courageux,

intelligents. A u foyer les femmes sont occupées à laver, à cuisiner, à soi­

gner les enfants alors que les h o m m e s se reposent.

U n e étude portant sur le Pérou3 a fait l'inventaire des images et des

textes sexistes relevés dans vingt-neuf manuels de six classes de l'en­

seignement primaire. Dans les textes, 78 % de références sont mas­

culines et 22 % féminines ; dans les illustrations, ce pourcentage est res­

pectivement de 75 % et de 25 %. L a prépondérance des références

masculines augmente avec le niveau d'enseignement, passant de 65 %

dans les illustrations des manuels de la première année à 82 % dans les

manuels de la sixième année de l'enseignement primaire. La m ê m e

étude a montré que, sur 100 textes décrivant un foyer, 70 % représentent

des femmes et 30 % des h o m m e s . E n revanche, dans les illustrations se

rapportant à l'école, 80 % des personnages sont masculins contre 20 %

féminins. Quant au m o n d e du travail décrit dans ces manuels, il est

essentiellement le royaume de l ' h o m m e : sur 104 professions recensées,

3. Andrée Michel, Non aux stéréotypes ! Vaincre le sexisme dans les livres pour enfants et les manuels scolaires, p. 32-33. Paris, Unesco, 1986.

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78 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Mashi Achic, lre éd. expérimentale, p. 23, Quito, Equateur, Ministerio de Educación y Cultura, 1987. (Illustrations de Humberto Cachiguango L e m a . ) [Livre de lecture de première année, Projet interculturel d'éducation bilingue, Convenio Ecuatoriano-Alemán.]

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La scolarisation 79

8 sont attribuées exclusivement aux femmes, 79 aux seuls h o m m e s et 17

seulement sont mixtes. Les professions qui exigent des études supé­

rieures sont presque exclusivement réservées aux h o m m e s . Les profes­

sions dites féminines sont le prolongement du rôle domestique des

femmes (blanchisseuses, couturières, cuisinières, etc.). Les jeux sont

majoritairement le domaine des garçons : 31 jeux leur sont réservés dans

les illustrations contre 7 pour les filles. Les activités des garçons sont

plus variées et prônent l'esprit d'aventure, la rapidité, le goût du risque.

E n revanche les filles jouent surtout avec des poupées ou des dînettes.

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Les obstacles à l'alphabétisation

« ... Les terres cultivables de cette région montagneuse du Népal étant

rares et la production agricole trop faible, les paysans s'en vont chercher

ailleurs les ressources supplémentaires nécessaires à la survie de leur

famille. E n hiver, ils s'exilent c o m m e travailleurs saisonniers, soit dans

une autre région, généralement dans la plaine, soit en Inde où ils

émigrent pour des périodes plus longues.

» E n l'absence de leurs maris, les femmes prennent la relève. A u x

tâches déjà lourdes qui sont habituellement les leurs viennent s'ajouter

celles des h o m m e s . Sur leurs épaules pèse la responsabilité de la maison,

des enfants, des travaux dans les champs.

» O n dit que, si les h o m m e s sont occupés du lever au coucher du

soleil, le travail des femmes n'a pas de fin. Levées à 4 ou 5 heures du

matin, elles pilent le riz ou le mil, puisent l'eau à la source ou à la

rivière, nettoient le four, préparent le repas du matin et le servent à la

famille, lavent la vaisselle, donnent à manger aux animaux domestiques,

s'occupent des enfants. E n fin de matinée et en début d'après-midi, elles

coupent l'herbe pour le bétail, ramassent le bois sec, emmènen t paître

les animaux, transportent le terreau ou le fumier dans les champs, pré­

parent la nourriture pour les animaux, s'en vont aider le mari dans les

travaux saisonniers aux champs, font la lessive et finalement prennent

un bain. E n fin d'après-midi et le soir, elles font le ménage dans la mai­

son, ramènent le bétail dans l'étable, traient les vaches, nettoient

l'étable, pilent ou broient le grain, puisent l'eau, préparent le repas du

soir et le servent à la famille, mangent elles-mêmes, nettoient l'endroit

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82 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Paysannes népalaises

où la nourriture a été préparée et font la vaisselle. La nuit tombée, les

paysannes de la région de Seti pilent à nouveau le grain pour le lende­

main, préparent la nourriture pour les animaux et, le lendemain, tout

recommence à nouveau1 . . .»

Le calendrier journalier des occupations féminines en milieu rural

varie, certes, selon les continents, les pays, les climats, les ethnies, les

castes, les classes, les traditions, le rythme des saisons, le nombre de co-

épouses et d'enfants dans chaque foyer. Dans l'ensemble toutefois, la

f e m m e rurale commence sa journée dès l'aube à 5 heures du matin et la

termine entre 20 heures et 22 heures, ce qui représente une journée de

travail de quinze heures au moins. A u x travaux agricoles qu'elle effec­

tue soit dans le champ du mari, soit sur son propre lopin de terre ou sur

1. Krystyna Chlebowska, « Cheli Beti Story », art. cit., p. 90-91.

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Les obstacles à l'alphabétisation 83

Préparation traditionnelle d u repas (Tchad)

des parcelles collectives, s'ajoutent les multiples obligations familiales.

L a f e m m e aide son époux à cultiver, récolter, transporter, stocker les

produits agricoles. Elle en assure généralement la vente et la trans­

formation. Elle prépare les repas journaliers, s'occupe de la lessive, du

ménage , des enfants qui vont - ou ne vont pas - à l'école. Parfois elle se

consacre à des activités artisanales c o m m e la poterie, les travaux du cuir,

le tissage, la couture ou la broderie, qui lui procurent des bénéfices sup­

plémentaires. Souvent elle doit parcourir de longues distances pour

transporter le bois, l'eau, les produits de la ferme, pour aller au marché

ou accompagner l'enfant malade au centre médical.

L'introduction et l'expansion des cultures de vente ont transformé

la division du travail, presque toujours au détriment des femmes. Dans

certains pays, l'adoption de variétés de cultures à haut rendement les a

dépouillées des activités lucratives qui traditionnellement leur étaient

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84 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

réservées. L a mécanisation des travaux agricoles les a privées d'une par­

tie de leurs revenus.

Pour compenser ce déficit, les femmes doivent consacrer plus de

temps à travailler dans les champs en tant que main-d'œuvre de la

famille. L'exode des h o m m e s , temporaire ou permanent, vers d'autres

zones rurales plus rentables, vers les villes ou l'étranger, contraint les

femmes à assumer des tâches supplémentaires. L a concurrence des pro­

duits manufacturés les condamne à multiplier, accélérer et améliorer la

production locale et provoque également une charge additionnelle de

travail.

A titre d'exemple, voici le calendrier journalier type de la f e m m e

rurale au Mali et au Bangladesh (il est similaire à celui de la plupart des

femmes rurales, à quelques variations près) :

Mali

4 h 30 Réveil

4 h 30 - 6 h Corvée d'eau

Préparation du petit déjeuner

Toilette des enfants

6 h - 10 h Vaisselle

Pilage du mil

Collecte de légumes ou de feuilles pour le repas

Lessive

Trajet au marché

10 h - 15 h Transport du repas aux champs

Travaux agricoles sur son lopin ou aider l ' homme à labourer,

sarcler, désherber, planter ou guider la charrue

15 h - 18 h Ramassage du bois de chauffe pour le dîner

Cueillette de fruits sauvages ou d'amandes de karité

18 h - 20 h Corvée d'eau

Pilage du mil

Nettoyage de la cour

Préparation du dîner

20 h - 21 h Cardage et filage du coton2

2. Malick Sene, « U n projet d'allégement du travail des femmes au Mali », Les carnets l'enfance (Genève, U N I C E F ) , vol. 36, octobre-décembre 1976, p. 69-70.

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Les obstacles à l'alphabétisation 85

Bangladesh

5 h Se lever, nettoyer la maison et la cour

6 h - 7 h Préparer le premier repas des travailleurs de la famille avant

qu'ils aillent aux champs

7 h - 8 h Traire, chercher le combustible, préparer le fumier à base de

bouse, entretenir le potager, nettoyer l'étable et son enclos,

mettre la paille à sécher pour la brûler

8 h - 9 h Préparer la nourriture du repas de midi, moudre les

ingrédients, éplucher les légumes

9 h - 11 h Décortiquer le riz, le trier et le tamiser, préparer des produits à

base de riz

11 h - 12 h Cuire les aliments

12 h - 13 h Laver les vêtements, se baigner, aller chercher l'eau, nourrir

les bêtes et la volaille

13 h - 14 h Sécher le jute et le paddy (riz non décortiqué), sortir d'autres

provisions au soleil pour les sécher

14 h - 15 h Donner à manger au mari et aux enfants et ensuite se nourrir

15 h - 16 h Fabriquer des articles tels que paniers et couvertures piquées

pour la maison ou pour les vendre

16 h - 17 h Préparer et cuire le repas du soir

17 h - 18 h Aller prier, ramener les enfants à la maison, enfermer la

volaille et les bêtes

18 h - 19 h Manger le repas du soir et nettoyer

19 h - 20 h Heure du repos passée à causer et à fumer avant le coucher3

Il est clair que l'emploi du temps très chargé des femmes rurales permet

difficilement d'y réserver une plage aux loisirs ou à des activités de for­

mation qui exigeraient d'elles une absence régulière et prolongée de

leurs occupations domestiques et agricoles. L e manque de temps pour

apprendre est un des obstacles à l'alphabétisation des femmes rurales

parmi les plus difficiles à surmonter.

E n dehors du temps limité dont la f e m m e rurale dispose pour par­

ticiper à des cours d'alphabétisation, d'autres contraintes s'imposent à

elle quotidiennement. Elle peut craindre que son mari ne la voie d'un

mauvais œil sortir de la routine quotidienne et partir le soir pour suivre

des classes d'alphabétisation. Souvent, l'enseignant n'est pas une

3. Elizabeth O'Kelly, Simple technologies for rural women in Bangladesh, 2e éd., p. 7, Dacca (Bangladesh), U N I C E F , 1978. [Women's Development Programme.]

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86 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

f e m m e . A la maison l'attendent les enfants ou petits-enfants dont il faut

s'occuper. Et la fatigue est grande au terme d'une journée harassante.

A toutes ces difficultés s'ajoutent en outre celles que rencontrent

les décideurs, les organisateurs et les meneurs d'actions d'alphabé­

tisation destinées aux femmes. L'éventail en est large : manque de

ressources financières ; manque de personnel qualifié, en particulier

féminin ; problèmes liés au recrutement de volontaires c o m m e alphabé-

tiseurs ; m a n q u e de locaux appropriés ; difficultés de transport ; inadap­

tation des programmes, méthodes et contenus aux réalités des femmes

rurales en général ; rareté des matériels d'alphabétisation et de postal­

phabétisation ; dilemme quant au choix de la langue d'alphabétisation.

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L'action

Améliorer la condition des femmes

La condition des femmes rurales du Tiers M o n d e varie selon les pays,

les régions, les zones où elles vivent, mais la majorité d'entre elles ont en

c o m m u n la pauvreté. C'est pourquoi toute action entreprise en faveur

des femmes , y compris et surtout l'alphabétisation, suppose également

la lutte contre la misère et les injustices. Si, dans cette lutte, la f e m m e est

négligée, c'est le développement m ê m e de la nation qui en fera les frais.

Pour favoriser l'accès des femmes rurales à la formation, il faut

donc aussi améliorer leur existence quotidienne, la sécurité matérielle

de leur famille et l'avenir de leurs enfants.

U n rapport des Nations Unies sur la condition de la f e m m e dans

les zones rurales publié en octobre 19891 propose à cette fin u n ensemble

de mesures, et en priorité : la planification familiale ; l'accès aux ser­

vices de santé ; l'éducation des adultes, l'alphabétisation ; la vulgarisa­

tion agricole ; la limitation des abandons scolaires des jeunes filles ; la

création de garderies, crèches et maternités ; l'accès plus facile à l'eau, à

l'électricité et aux sources d'énergie nouvelles ; l'initiation aux nou­

velles techniques ; la valorisation des activités productives féminines ;

l'accès au crédit, aux coopératives, à la terre ; l'amélioration de l'habitat.

1. Organisation des Nations Unies, Assemblée générale, Stratégies prospectives d'action pour la promotion de la femme d'ici l'an 2000 : expérience nationale en matière d'amélioration de la condition de la femme dans les zones rurales. Rapport du Secrétaire général, p. 16-19,13 octo­bre 1989, 34 p. (A/44/516, Assemblée générale, quarante-quatrième session.)

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88 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Dans cette perspective, il conviendrait de réexaminer les modèles

et les modalités de mise en œuvre des stratégies de développement

rural, en prévoyant la participation des femmes et en tenant compte de

leurs besoins et du rôle qu'elles peuvent jouer dans la communauté .

L'échec des programmes et des projets en faveur des femmes est sou­

vent dû à l'indifférence des responsables nationaux et internationaux

pour les préoccupations des femmes et à leur méconnaissance du rôle

des femmes dans le développement. Les décideurs sont plus sensibles à

la contribution des femmes rurales à la production et à leurs revendica­

tions s'il existe des mécanismes nationaux pour formuler des politiques

et des programmes de promotion de la condition des femmes. Les per­

sonnes responsables de ces mécanismes devraient recevoir une forma­

tion qui les aide à accomplir les tâches nouvelles de réorientation des

politiques et de l'action en faveur des femmes.

Il conviendrait également de fournir un soutien aux organisations

féminines qui protègent les acquis des femmes et les aident à progresser.

Encourager et aider les associations et groupements de femmes rurales

est à cet égard d'une importance capitale.

La formation de formateurs en matière d'éducation non formelle

devrait bénéficier d'une plus grande attention, les questions intéressant

les femmes rurales y trouver une plus large place et les moyens, les

méthodes et le matériel pédagogiques être adaptés en conséquence.

L'information sur les projets « modèles » d'alphabétisation des femmes

rurales qui ont été couronnés de succès est également un excellent outil

pédagogique.

Il faudrait faire des recherches sur la conception des programmes

et des projets d'alphabétisation des femmes rurales au niveau national

c o m m e au niveau international afin d'élaborer des méthodologies de

mise en œuvre souples et peu coûteuses. Il faudrait aussi rationaliser les

méthodes utilisées pour établir les statistiques, et ventiler systématique­

ment les résultats des recensements non seulement par sexe mais égale­

ment par type de population : rurale et urbaine. Des données relatives

aux femmes qui vivent dans les régions éloignées des centres et dans

celles où la population est clairsemée devraient également être dispo­

nibles.

Dans les pays où des actions d'alphabétisation sont entreprises à

l'initiative de plusieurs organisations, il serait utile de constituer une

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L'action 89

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Sur la parcelle collective (Niger)

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90 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

équipe nationale ou un comité d'alphabétisation à vocation pluridisci­

plinaire, qui se chargerait de trouver les voies et moyens de promouvoir

l'éducation des adultes et d'élaborer des méthodes et des contenus cohé­

rents, en particulier pour l'alphabétisation des femmes rurales. U n e

bonne représentation féminine au sein d'une telle équipe ou d 'un tel

comité est indispensable.

L'opinion publique est également importante et les moyens de dif­

fusion et d'information devraient s'attacher à mieux la sensibiliser aux

préoccupations des femmes rurales, à leurs besoins, à leurs droits. Des

campagnes d'information sur la nécessité de l'alphabétisation des

femmes en général, et des femmes rurales en particulier, devraient être

menées à l'aide de tous les médias.

Trouver du temps

La surcharge de travail et l'absence de temps libre sont, pour les femmes

rurales, les obstacles les plus difficiles à franchir vers l'aménagement

d 'un espace de loisir qu'elles utiliseraient à leur guise. C e n'est qu'à l'in­

térieur d'un tel espace, cependant, que pourra s'inscrire toute action

d'alphabétisation.

L'allégement du travail des villageoises et le dégagement du temps

nécessaire aux activités de formation passent, en premier lieu, par

l'amélioration des conditions de vie des populations rurales en général

avec tous les problèmes pratiques liés à la santé, à l'hygiène, à l'habitat, à

l'eau, à la construction de routes et au tracé de pistes rurales. La proxi­

mité de centres médicaux et de protection maternelle et infantile, par

exemple, épargnerait aux femmes de longs trajets vers la ville pour y

faire soigner leurs enfants.

L a solution est également à rechercher dans l'introduction de

technologies appropriées, dites petites, simples, intermédiaires ou villa­

geoises. Il s'agit de techniques qui se situent à mi-chemin de la tech­

nologie moderne, fondée sur des normes et des modèles généralement

originaires des pays développés, et des techniques traditionnelles, par­

fois ancestrales. Les techniques de pointe n'atteignent que rarement les

régions rurales et encore moins leurs populations féminines. Quant aux

techniques traditionnelles, elles sont pour la plupart d'un rendement

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L 'action 91

trop faible pour produire des revenus ou un surplus, m ê m e si leur coût

direct est peu élevé. Les techniques traditionnelles exigent des utilisa­

teurs beaucoup d'efforts, d'énergie et de temps et se révèlent, en fin de

compte, peu rentables. Les techniques intermédiaires, quant à elles,

permettent de mieux rationaliser et rentabiliser leur usage, de mieux

exploiter les matières premières, les matériaux locaux et le savoir-faire

des populations. Elles sont en outre mieux accordées aux capacités phy­

siques et au niveau de connaissance technique des femmes.

Les technologies intermédiaires adaptées aux femmes rurales sont

utilisées principalement dans la production agricole, l'approvisionne­

ment en eau, la transformation des récoltes et leur emmagasinage, la

conservation des aliments, l'habillement, l'habitat et son équipement,

l'artisanat, les services sociaux, dont la santé et l'éducation. C e n'est que

récemment que les chercheurs, les économistes et les statisticiens ont

reconnu le rôle capital que jouent les femmes dans le développement

rural et leur importance c o m m e productrices à part entière. Auparavant,

les machines et les équipements agricoles étaient avant tout destinés aux

agriculteurs. A partir des années 1970, les technologies adaptées aux

besoins et aux capacités des femmes font timidement leur apparition.

Des projets et des programmes sont alors formulés spécialement à leur

intention.

L'allégement du travail manuel, l'amélioration des conditions de

travail et l'agencement d'un temps libre pour les femmes rurales

peuvent être obtenus par des moyens simples et constituent u n premier

pas vers l'utilisation d'autres techniques plus performantes. Les houes,

par exemple, que la plupart des femmes africaines utilisent pour labou­

rer, sont pourvues, pour des raisons coutumières inexpliquées, de

manches très courts. Des houes dotées de manches plus longs soulage­

raient leur peine et donneraient de meilleurs résultats, à condition tou­

tefois que les champs où travaillent les femmes soient correctement

défrichés. Pourquoi aussi les paysannes ne placeraient-elles pas sur leurs

épaules meurtries et couvertes de bleus un coussinet destiné à les proté­

ger du bâton auquel elles suspendent les fardeaux qu'elles transportent ?

Et l'utilisation de canaris enterrés, aux parois poreuses qui laissent suin­

ter l'eau, est un m o y e n d'irrigation simple, peu onéreux et efficace, qui

peut considérablement aider les cultivatrices pendant la saison sèche.

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92 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Irrigation au m o y e n de canaris (Chili)

Plus de deux heures sont généralement nécessaires aux femmes

rurales pour piler la farine de maïs, de mil, de sorgho, de riz ou de toute

nourriture de base pour le repas qu'elles préparent. Si cette longue et

pénible corvée pouvait être réduite de moitié, un temps précieux serait

économisé chaque jour, que la f emme pourrait consacrer à ses enfants, à

ses loisirs ou - pourquoi pas ? - à l'alphabétisation. Il suffirait de rem­

placer le pilon et le mortier par de petits moulins à manivelle, à pédale

ou à traction animale, solution d'autant plus satisfaisante que, de toutes

les tâches ménagères, le pilage est celle dont elles sont les plus promptes

à se débarrasser.

L e problème du transport des fardeaux est plus complexe. La cor­

vée d'eau, à laquelle les femmes consacrent de nombreuses heures et qui

s'effectue sur de longues distances, représente un problème encore non

résolu dans bien des pays du Tiers M o n d e . Cette besogne harassante,

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L 'action 93

Panneau-réclame pour un modèle de foyer amélioré (Gambie)

qui oblige les femmes à marcher des kilomètres pour aller chercher

l'eau, les empêche de se consacrer à d'autres activités plus profitables, y

compris leur formation. E n dehors du fait que les points d'eau sont trop

éloignés parce que généralement choisis par des h o m m e s pour qui l'eau

nécessaire aux besoins domestiques n'est pas une priorité, le transport

de l'eau ne peut toujours se faire à l'aide d'un équipement sur roues. Les

chemins ruraux sont trop accidentés et, dans certaines régions m o n ­

tagneuses, si étroits que m ê m e les chevaux ou les mules ne peuvent y

passer. L'utilisation de véhicules à traction animale pour remplacer

l'énergie humaine n'est pas toujours bien acceptée, ni par les h o m m e s

ni par les femmes elles-mêmes. Dans ce domaine c o m m e dans d'autres,

les vieilles habitudes pèsent lourd ...

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94 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

L e transport de l'eau peut également être facilité par la création de

réserves plus proches des habitations, en recueillant l'eau dans des réser­

voirs, en multipliant le nombre de puits ou en installant des pompes.

Dans plusieurs pays cependant, on a pu constater que ces pompes

tombent facilement en panne parce que leurs leviers ont été conçus pour

être maniés par des h o m m e s alors qu'en fait les principaux utilisateurs

en sont les femmes et les enfants, qui n'arrivent pas à les manœuvrer

correctement.

Il importe d'associer les femmes à la planification et à l'exploita­

tion des nouvelles sources d'approvisionnement en eau. Dans l'implan­

tation des puits et des aménagements, il conviendrait de tenir compte de

l'importance que représente le point d'eau c o m m e lieu où les femmes

peuvent se rencontrer, discuter, laver leur linge, où les animaux

viennent se désaltérer et les enfants barboter.

L e bois de chauffage que les femmes transportent chaque jour se

fait de plus en plus rare et difficile à trouver. Dans le cas où les moyens

de transport font défaut, la solution la plus simple pour alléger la corvée

de ramassage serait de rationaliser l'usage du combustible. L'utilisation

de foyers améliorés, réduisant la quantité de combustible nécessaire à la

cuisson, est à recommander non seulement pour le bénéfice direct des

femmes mais également pour des raisons de protection de l'environne­

ment. L e reboisement des abords des villages avec des essences à crois­

sance rapide est, à cet égard, particulièrement important.

Les femmes rurales sont généralement mal informées de l'exis­

tence de nouvelles techniques qui peuvent améliorer leur condition de

vie et celle de leur famille, faciliter leur travail et augmenter le revenu

familial. Analphabètes pour la plupart, elles ne peuvent s'informer par

l'intermédiaire des imprimés. L a radio est généralement le seul moyen

de les atteindre, surtout dans des régions reculées. Elle représente dans

bien des régions rurales la source d'information la plus importante,

sinon la seule. Alors que les femmes pauvres des zones rurales ont le

plus grand besoin de ces techniques, c'est elles que les services de vulga­

risation négligent le plus souvent. Ceux qui desservent les c o m m u n a u ­

tés rurales proposent des programmes qui s'adressent surtout aux

h o m m e s . Les rares agents ruraux qui travaillent avec les femmes

manquent de formation et n'ont pas la connaissance nécessaire des tech-

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L'action 95

Le pilage du mil (Mozambique)

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96 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

nologies en général et de celles qui intéressent plus particulièrement les

femmes rurales.

L'introduction de technologies améliorées est généralement faite

par des h o m m e s , qui ne tiennent que rarement compte des besoins des

femmes rurales ou des retombées provoquées par ces innovations, et qui

oublient que ce sont les femmes qui accomplissent la plupart des tra­

vaux agricoles. Toute action en faveur de l'utilisation de technologies

villageoises nécessite une bonne connaissance de la spécificité de

chaque classe ou groupement social et de son milieu. L'introduction de

ces technologies génératrices de temps libre devrait être précédée d'une

analyse approfondie de la répartition des tâches par sexe, des normes

socioculturelles et du potentiel humain capable d'utiliser ces nouvelles

techniques. 11 faut s'assurer que celles-ci ne détruiront pas l'équilibre

existant dans la distribution des tâches entre h o m m e s et femmes au

détriment de ces dernières. Avant de mettre en œuvre les nouvelles

technologies destinées aux femmes, il est nécessaire de bien connaître

leurs habitudes, leurs croyances et leur système de valeurs, et de

comprendre pourquoi elles y sont attachées, sans perdre de vue que les

changements introduits n'auront un impact positif que si les valeurs

changent.

Les méthodes d'apprentissage devraient encourager la participa­

tion des femmes et leur permettre de prendre une part active aux débats

concernant les technologies nouvelles. L a formation pourrait être réa­

justée afin qu'elles apprennent à les utiliser et à assurer elles-mêmes

l'entretien et la réparation du matériel utilisé.

L'introduction de technologies nouvelles dans un projet de déve­

loppement exige que les femmes concernées participent à la sélection et

à la mise en œuvre de ces techniques, pour pouvoir faire valoir leur

point de vue et assumer leur part de la responsabilité des changements

attendus. Les femmes rurales sont généralement prudentes et réalistes.

Elles savent distinguer la bonne décision quand il s'agit de leur survie et

celle de leur famille. C'est seulement lorsqu'elles seront elles-mêmes

convaincues que telle ou telle technologie leur rendra la vie plus facile

qu'elles l'adopteront. Leur bon sens paysan et leur esprit pratique les

guideront dans le choix des formules qui leur conviennent.

L'introduction de nouvelles technologies dans un projet doit non

seulement tenir compte du choix des femmes mais se faire dans des

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L 'action 97

conditions propices, afin que la nouvelle technique apporte les résultats

escomptés. Il est important qu'elle soit préalablement testée et que la

preuve soit faite de son efficacité. U n échec éventuel pourrait être fatal

et entraîner la perte de confiance des femmes à l'égard de toute innova­

tion et du progrès technologique en général.

Enfin, il ne faut pas oublier que les ruraux n'ont pas toujours les

moyens d'acheter les outils et le matériel dont ils ont besoin et que l'ou­

tillage qu'ils fabriqueront eux-mêmes , ne fût-ce qu'en partie, avec des

matériaux locaux est plus à la portée de leur bourse.

Adapter les projets

Il est plus difficile et moins spectaculaire de mettre en œuvre des opéra­

tions d'alphabétisation que de construire des routes ou des écoles. La

tâche est encore plus ardue quand il s'agit de projets concernant les

zones rurales du Tiers M o n d e , et surtout ceux qui touchent les femmes

villageoises.

E n règle générale, les projets d'alphabétisation financés par des

donateurs sont moins nombreux que ceux qui ont trait à l'enseignement

primaire. Pour ce qui est des projets d'alphabétisation des femmes, et

notamment des femmes rurales, ils sont encore plus rares ; pour la plu­

part des projets à petite échelle, ils sont mis en œuvre en coopération

avec des associations non gouvernementales ou des organismes locaux

aux ressources financières modestes.

Moins nombreux que ceux qui se rapportent à la scolarisation, les

projets d'alphabétisation sont aussi, en règle générale, moins bien dotés

financièrement. Quant aux femmes rurales, elles échappent souvent aux

programmes de développement et les projets d'alphabétisation qui les

concernent ont le plus faible degré de priorité aux yeux des sources de

financement. Il est vrai que les projets de scolarisation sont plus faciles à

mettre en œuvre. Tout d'abord, le système scolaire dispose générale­

ment de personnel enseignant, m ê m e s'il n'est pas toujours qualifié ni

assez nombreux. L e personnel d'éducation des adultes, en revanche,

n'existe qu'accessoirement ou demande à être formé, ce qui pour un

projet représente une contrainte supplémentaire. Le secteur de l'éduca­

tion formelle dispose également d'infrastructures, de matériel et de

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98 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

structures, ce qui est loin d'être le cas pour l'éducation des adultes, sur­

tout dans les pays en développement. Enfin, pour ce qui est de l'alpha­

bétisation des femmes, les gouvernements n'ont jusqu'à présent

exprimé que rarement u n intérêt réel et soutenu pour ce type de forma­

tion où tout reste à faire, de la formation du personnel à la fourniture

d'un matériel d'enseignement approprié.

Les différents programmes ou projets d'alphabétisation des

femmes peuvent être classés en trois catégories. Premièrement, les pro­

grammes à l'échelle nationale qui se présentent soit sous la forme de

campagnes d'alphabétisation, dans lesquelles les femmes sont automa­

tiquement incluses, soit sous celle de programmes d'alphabétisation

spécifiquement destinés aux femmes, soit encore de programmes inter­

sectoriels et interdisciplinaires de développement liés à l'amélioration

de la condition des femmes. Tel est le cas, par exemple, du programme

intitulé « Les femmes et le développement » ( W o m e n in development)

que les grandes agences des Nations Unies, dont le Programme des

Nations Unies pour le développement ( P N U D ) et les banques, ont de

plus en plus tendance à financer.

Deuxièmement , les projets de grande envergure qui bénéficient

pour la plupart d'un financement externe relativement important. Ces

projets de type « classique » ont jusqu'à maintenant été plus volontiers

financé par le P N U D , par des organisations d'aide bilatérale ou par des

fonds créés auprès d'organisations internationales des Nations Unies.

Mais ils ont des difficultés à se développer de façon autonome, en parti­

culier quand ils sont conçus à l'intention des femmes. Il arrive souvent

que les activités prévues dans le cadre de ces projets cessent lorsque les

fonds d'origine extérieure sont épuisés.

Troisièmement, les projets restreints, à dimension plus humaine,

participatifs et adaptés aux populations cibles, qui sont généralement

soutenus par des organismes locaux, des organisations non gouverne­

mentales, des groupements féminins et des associations bénévoles.

Les expériences de coopération internationale des dernières

années ont démontré que, pour obtenir des résultats plus satisfaisants et

durables, la meilleure stratégie d'alphabétisation des femmes est celle

de l'intersectorialité, par le biais de projets restreints. D e tels projets

tiennent compte du contexte local, mobilisent les énergies et encou­

ragent la participation et les initiatives de la communauté ; ils

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L 'action 99

conviennent mieux aux femmes rurales. Toutefois, comparés aux activi­

tés de développement déployées à l'échelle nationale, les projets res­

treints ont tendance à n'avoir qu'un effet marginal et reçoivent un appui

politique et financier limité.

Beaucoup de projets qui bénéficient d'une assistance technique et

financière extérieure, et qui s'adressent à une clientèle féminine, sont

onéreux, rigides et trop complexes. Tributaires d'une longue chaîne

d'intermédiaires, ils ne donnent pas aux bénéficiaires les moyens de pro­

fiter pleinement des résultats, ne reflètent pas toujours les réalités et les

vrais besoins des femmes, leur manière d'être et leurs coutumes, et ne

prennent pas en compte leurs capacités et leur volonté croissante de se

prendre en charge.

L'identification des projets devrait être une affaire locale, la collec­

tivité et les principales bénéficiaires étant consultées au sujet de la défi­

nition des priorités et des besoins. Les techniques de formulation et de

préparation des projets devraient être connues des « partenaires natu­

rels » - les populations - et des autorités locales concernées. E n Equa­

teur, par exemple, l'Association latino-américaine d'éducation radio-

phonique a élaboré un guide pratique de préparation des projets de

développement communautaire, sous forme d'une bande dessinée. A u

Niger, l'Institut pratique de développement rural a inclus dans son pro­

g r a m m e officiel d'études sur l'animation rurale la méthodologie de la

conception et de la mise en œuvre des projets locaux de développement.

L'expérience prouve qu'il est nécessaire, avant de concevoir un

projet d'alphabétisation des femmes rurales, d'effectuer une étude de

faisabilité et des enquêtes socioéconomiques sur la population cible, et

ce d'autant plus que les statistiques nationales sont généralement inexis­

tantes. Les données porteront notamment sur les conditions de vie des

femmes et de leurs familles, les tâches quotidiennes et leur répartition,

l'emploi du temps et les possibilités de l'aménager, les sources et le

montant des revenus, l'accès aux ressources, les langues, les coutumes

et traditions de la communau té , les possibilités d'accès des femmes aux

services sociaux, les besoins en matière de formation, etc. Pour bâtir des

projets durables, il faut connaître le climat social et politique, respecter

les démarches et les initiatives qui se font dans le pays et consulter les

interlocuteurs les plus écoutés. Il est préférable que les personnes char­

gées de la collecte des données soient des spécialistes du pays, et plus

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100 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

particulièrement des femmes ayant vécu dans la région ou ayant une

bonne connaissance du milieu rural.

Les organisations et les groupes féminins nationaux et locaux

devraient être consultés, tout c o m m e les autorités locales concernées,

les organisations non gouvernementales, les organisations religieuses,

les coopératives, les enseignants, les agents de vulgarisation, les anima­

trices, les chefs de villages, les médias et toutes les institutions et per­

sonnes ayant une relation directe ou indirecte avec le futur projet. Les

bénéficiaires devraient pouvoir être associés à l'exécution du projet et le

personnel sensibilisé aux problèmes de l'alphabétisation des femmes.

Dans le cas de projets mixtes, il importe que les femmes soient égale­

ment incluses parmi les responsables chargés de la mise en œuvre du

projet.

Les activités du projet devraient être planifiées de manière à per­

mettre des réajustements en cas de nécessité. Pour les mener à bien, une

marge de temps suffisante est indispensable. Les donateurs doivent

octroyer ce temps aux exécutants et aux bénéficiaires et accepter d'en

financer le coût. Il faut laisser aux femmes rurales, submergées de tra­

vail, le loisir et l'envie de participer à un programme qui s'adapterait à

leur m o d e de vie et à leur disponibilité.

Exemples de projets

Projets de grande envergure

Option : Éducation civique

Projet : Alphabétisation et éducation civique des femmes rurales

Pays : Inde

C e projet fait partie d'un programme de l'Unesco destiné à former des

animatrices qui, à travers l'alphabétisation, fournissent aux femmes

rurales des éléments de connaissance de base en matière de civisme.

Quatre pays ont été choisis pour mener à bien cette expérience

pilote : l'Inde, le Pérou, la République arabe syrienne et le Cap-Vert.

E n Inde, le projet se déroule au nord du pays dans l'État d'Uttar

Pradesh. Dans cette région à prédominance rurale, le manque d'en­

seignants et le fort taux d'analphabétisme parmi les femmes sont des

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L 'action 101

problèmes majeurs auxquels le projet avait à faire face. C'est pourquoi,

après une étude de faisabilité effectuée en 1985, 300 centres d'éducation

destinés aux femmes adultes et aux jeunes filles ont été ouverts.

L'objet du projet est de fournir simultanément aux femmes adultes

de quinze à quarante-cinq ans et aux jeunes filles de six à quatorze ans

une éducation de base tout en leur facilitant une prise de conscience

sociale et civique.

Les principales bénéficiaires du projet sont des femmes rurales,

pauvres, généralement issues de castes inférieures et analphabètes, ainsi

que des fillettes qui ont prématurément abandonné l'école avant la troi­

sième année du primaire. Les 300 animatrices des 300 centres sont des

jeunes femmes entre dix-huit et trente-cinq ans. Les classes s'organisent

en groupes de 25 à 35 personnes.

Avant que ne commencent les activités des centres, une campagne

de sensibilisation a été menée parmi les membres des communautés par

l'intermédiaire des chefs de villages, par le contact direct de porte à

porte avec les villageois ou à l'aide de slogans et d'affiches. L e projet a

également bénéficié d'une bonne campagne publicitaire à la radio et à la

télévision, et dans les journaux locaux et régionaux. Des programmes

culturels ont été organisés, ainsi que des conférences et des expositions à

l'occasion de festivals locaux et de marchés.

L a population locale, motivée par ces campagnes, a adhéré en

nombre au programme et certains ont m ê m e cédé des locaux pour per­

mettre l'organisation des centres. Les comités villageois d'alphabétisa­

tion créés à cet effet, composés de huit membres et d 'un chef de village,

ont joué un rôle prépondérant dans la campagne de sensibilisation, dans

la mise en place des centres et dans la coordination avec les différentes

agences de développement communautaire concernées. Les éléments

de base de l'éducation civique, dont les principaux thèmes ont été choi­

sis par les participantes, ont été intégrés dans les manuels d'alphabétisa­

tion. L e livre de lecture pour la postalphabétisation inclut également le

sujet.

Les efforts entrepris dans le cadre de ce projet ont donné des résul­

tats positifs. Des chansons et des poèmes ont été écrits sur les consé­

quences négatives de la dot pour les filles ; la population rurale a pris

conscience de la nécessité d'une planification familiale ; les femmes

connaissent mieux leurs droits ; des foyers sans fumée (les chulhas) ont

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102 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

été aménagés ; des milliers d'arbres fruitiers plantés. Les habitudes ali­

mentaires ont changé. Les enfants sont vaccinés plus sytématiquement.

Les femmes s'expriment plus facilement en public sur des sujets impor­

tants pour elles. L e pourcentage de femmes analphabètes a baissé.

L e problème du manque d'enseignantes dans les zones rurales a

été en partie résolu par une approche permettant à une seule animatrice

de former aussi bien des femmes adultes que des jeunes filles. Ainsi le

projet a-t-il contribué à faire baisser le taux d'analphabétisme des filles

et des femmes dans la tranche d'âge de six à quarante-cinq ans, à déve­

lopper la conscience civique des participantes et à améliorer la qualité

de leur vie.

Les résultats du projet se sont révélé suffisamment probants pour

que l'approche consistant à former des animatrices qui enseigneraient

aussi bien à des filles d'âge scolaire qu'à des femmes adultes, selon un

programme d'études intégrant l'alphabétisation, l'éducation civique et

la formation professionnelle, soit adoptée par les autorités de l'Uttar Pra­

desh en vue d'en généraliser la mise en application.

Option : Éducation en matière de population

Projet : Intégration de l'éducation en matière de population aux

programmes de postalphabétisation

Pays : Maroc

C e projet, financé par le Fonds des Nations Unies pour la population

( F N U A P ) et mis en oeuvre par l'Unesco en 1987, a pour objectif majeur

de renforcer les capacités des cadres du Ministère de l'artisanat et des

affaires sociales en vue de planifier et de gérer des activités d'éducation

en matière de population dans les programmes d'alphabétisation.

A ce jour, le projet a produit et distribué un manuel de lecture en

60 000 exemplaires et un guide du maître en 1 200 exemplaires, où

figurent des sujets tels que la structure et la dynamique de la population,

la responsabilité des parents, la santé de la mère et de l'enfant, la planifi­

cation familiale, les rôles sociaux, le développement, l'environnement,

l'état civil, le recensement. Trois affiches ont également été produites

en 3 000 exemplaires sur la planification familiale, sur l'environnement

et sur l'intégration de la f e m m e au développement.

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L 'action 103

Grâce au projet, 15 professeurs de l'Institut national de l'action

sociale ainsi que 47 délégués régionaux, 73 cadres et 280 instituteurs

chargés de l'éducation des adultes ont reçu une formation en matière de

population et de démographie. 60 000 adultes et 240 étudiants y ont été

initiés.

Option : Éducation en situation de conflit armé

Projet : Éducation de populations déplacées

Pays : Mozambique

C e projet, qui bénéficie de l'assistance de l'Unesco, est implanté dans le

district de D o n d o , province de Sofala, une des zones les plus touchées

par la guerre.

Son objectif principal est de faciliter l'accès à l'éducation des per­

sonnes réfugiées. L e camp de Cheringoma compte actuellement plus de

7 000 personnes en provenance de différents villages du pays, dont

90 % sont analphabètes - en majorité des femmes, parmi lesquelles un

nombre grandissant de veuves.

Il s'agit dans ce projet de dispenser au plus grand nombre possible

d'adultes les connaissances de base qui les aideront à mieux faire face

aux difficultés du m o m e n t et qui leur seront utiles au retour dans leurs

villages, qu'ils réintégreront à la fin de la guerre. Il s'agit également de

donner aux 850 enfants d'âge scolaire les moyens de fréquenter l'école

dans les meilleures conditions possibles. Pour ce faire, les maîtres ont

reçu u n complément de formation en pédagogie active et une nouvelle

école est en cours de construction.

L'instabilité caractérise la vie des réfugiés de Cheringoma. Elle se

manifeste par l'afflux constant de nouveaux réfugiés, l'augmentation de

la population du camp, la détérioration des infrastructures existantes et

le manque de matériel nécessaire pour en construire de nouvelles.

Cette situation de secours et de transition a inévitablement un

impact négatif sur les relations humaines, la santé, l'alimentation, l'hy­

giène, la production agricole des populations et exige une approche

éducative adaptée.

L e travail éducatif avec les adultes se fera en intégrant l'école à la

communauté et en collaboration avec les instituteurs. Dans un premier

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104 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

stade, il sera orienté vers l'organisation, la sensibilisation et la mobilisa­

tion de la population dans une perspective intégrée dont l'objet princi­

pal est l'amélioration de ses conditions de vie. A ce stade, il ne pourra

être question d'alphabétisation qui, dans le contexte de Cheringoma, ne

s'avérera pas prioritaire, mais de construction de puits, de distribution

de semences, d'outils agricoles, de matériel et d'équipement destinés au

centre médical.

Trois animateurs ont été sélectionnés pour travailler avec la popu­

lation adulte du camp : deux pour l'éducation des adultes, un pour la

vulgarisation agricole. Chacun d'entre eux a bénéficié d'une formation

adéquate préalable.

U n e étude de milieu basée sur des entretiens avec la population a

permis de mieux cerner ses problèmes. Les propositions de plan de tra­

vail qui faisaient suite à l'étude ont été discutées et approuvées lors

d'une grande assemblée des membres de la communauté de Cherin­

g o m a .

Les principales activités menées en faveur des adultes en fonction

de ce plan ont été : la construction de latrines, de puits, de dépôt

d'ordures ; l'attribution de terres aux familles, la distribution de

semences, d'outils agricoles ; la rationalisation de la distribution de la

nourriture ; l'aménagement de l'ancienne école ; la participation à la

construction de la nouvelle école. Des sessions ont été organisées sur

des sujets concernant l'hygiène, la santé, l'agriculture, l'information

étant donnée dans la langue maternelle des réfugiés de Cheringoma,

avec du matériel d'appui visuel.

L'impact de ces activités pour adultes réalisées par les animateurs

en collaboration avec les maîtres de l'école a été positif. Les conditions

de vie dans le camp se sont améliorées, ce qui a laissé une plus grande

marge d'action pour satisfaire les besoins de base des populations.

Après un an d'activités de ce type, la demande pour une formation

plus poussée et plus structurée s'est fait sentir, notamment en faveur de

l'alphabétisation. C e projet a démontré que, dans des situations d'excep­

tion et d'urgence, l'amélioration des besoins élémentaires de survie des

personnes doit précéder l'action éducative. L'alphabétisation est à cet

égard à considérer c o m m e une composante des programmes d'éduca­

tion des femmes adultes et non c o m m e un point de départ.

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L'action 105

Option : Formation de cadres féminins

Projet : Formation d'animatrices rurales polyvalentes

Pays : Niger

A u Niger, sur une population de plus de 7 millions d'habitants, dont

plus de la moitié sont des femmes, 90 % des personnes actives vivent

dans les zones rurales. L'activité économique du pays est basée essen­

tiellement sur l'agriculture, l'élevage et la pêche. L a place et le rôle des

femmes dans ces activités sont considérables. E n dépit de cela, elles sont

défavorisées à bien des égards. Pour la plupart analphabètes, elles n'ont

pratiquement pas accès à la formation. Elles ne sont pas suffisamment

intégrées aux coopératives qui constituent un élément important du

développement rural au Niger. Les cours d'agriculture, d'hygiène, de

santé, de gestion, d'alphabétisation, ainsi que d'autres types de forma­

tion ou d'information qui leur seraient utiles, font défaut par manque

d'infrastructures, de moyens techniques, d 'un encadrement adéquat ou

de programmes adaptés aux besoins et possibilités réels.

L'amélioration de la condition des femmes rurales du Niger exige,

en premier lieu, l'acquisition de connaissances de base « de survie »,

principalement dans les secteurs de l'agriculture, de la santé, de l'hy­

giène, de l'économie domestique, de la nutrition, de la protection infan­

tile, de la planification familiale, de la gestion coopérative et dans tous

les autres domaines qui les intéressent directement. L a transmission de

ces connaissances devrait se faire par le biais de techniques et de

méthodes adaptées aux besoins spécifiques de ces femmes et par l'inter­

médiaire de personnel spécialement formé à cet effet.

Il n'existe pas actuellement au Niger d'institutions qui offrent des

possibilités de formation multidisciplinaire spécifiquement destinées

aux femmes dans des domaines correspondant aux réalités de leur vie

quotidienne en milieu rural. Les services de cadres féminins ruraux

polyvalents sont préconisés au Niger à la fois c o m m e une solution à la

demande de formation des femmes rurales et c o m m e u n palliatif à la

carence d'interlocutrices spécialisées dans les domaines d'intérêt de ces

femmes.

L e projet se propose de former des animatrices rurales qui seraient

intégrées à la fonction publique sous la tutelle du Secrétariat d'État à la

santé publique chargé des affaires sociales et de la condition féminine.

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106 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Elles seraient affectées progressivement dans tous les départements et

arrondissements du pays pour y représenter la Direction de la condition

féminine. Elles seraient chargées de concevoir, de promouvoir et de

coordonner les diverses activités destinées aux femmes rurales, en

m ê m e temps que de mobiliser les ressources humaines disponibles pour

soutenir l'action en faveur de la f e m m e en milieu rural.

Les animatrices rurales polyvalentes agissant au niveau des dépar­

tements auraient pour principales tâches : de participer à la préparation

des plans et des programmes régionaux de développement ; de conce­

voir et d'élaborer des actions de développement intéressant les femmes ;

de mener des études de milieu ; d'encourager les femmes à participer à

des actions visant à améliorer leur condition de femmes et de produc­

trices ; de coordonner et d'animer les activités des associations fémi­

nines agissant dans le département ; de collaborer avec les divers ser­

vices techniques de l'agriculture, des ressources animales, de la santé,

de l'hygiène, de la nutrition, de l'économie et de la planification fami­

liale, de l'alphabétisation ainsi qu'avec les organisations non gouverne­

mentales, les organisations internationales et les organismes bilatéraux

concernés afin de mettre à profit toutes les ressources humaines dispo­

nibles pour les besoins du développement et des femmes rurales ; de

participer à la conception et à la mise en œuvre de projets de développe­

ment concernant les femmes ; de coordonner et de superviser le travail

des animatrices rurales dans les arrondissements ; d'organiser le recy­

clage périodique des animatrices des arrondissements et de dispenser la

formation selon les besoins.

A u niveau des arrondissements, les animatrices auraient essen­

tiellement les m ê m e s tâches que celles qui sont affectées dans les dépar­

tements. Elles devraient toutefois également former des animatrices

locales dans les villages, organiser leur recyclage, superviser et coordon­

ner leurs activités auprès des femmes villageoises. Elles auraient en

outre à aider directement les femmes rurales dans toute action relevant

de leur compétence, selon leur disponibilité et les besoins exprimés.

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L 'action 107

Option : Alphabétisation par les moyens audiovisuels

Projet : Alphabétisation et postalphabétisation avec l'aide de la vidéo

Pays : Pérou

Mis en œuvre au Pérou, le projet a bénéficié du soutien de l'Unesco par

l'intermédiaire du Bureau régional d'éducation pour l'Amérique latine

et les Caraïbes ( O R E A L C ) ainsi que de contributions du Programme

des Nations Unies pour le développement ( P N U D ) et du Programme

du Golfe arabe pour les organisations de développement des Nations

Unies ( A G F U N D ) . Il représente une expérience originale d'alphabéti­

sation et de postalphabétisation de la population des régions andines, à

laquelle les femmes participent largement.

L'objectif principal du projet est d'améliorer les méthodes d'acqui­

sition de la lecture, de l'écriture et du calcul, et de toutes les connais­

sances de base utiles au développement local. U n e attention particulière

a été portée aux besoins des femmes en milieu rural.

L a population de la région andine à prédominance rurale vit diffi­

cilement de l'agriculture de subsistance, dont l'unité de production est

la famille. L'analphabétisme, tout c o m m e la pauvreté, est omniprésent

et atteint des pourcentages allant de 33,8 à 51,2 % selon les zones. Parmi

la population analphabète de plus de quinze ans, 73,1 % sont des

femmes dont la quasi-totalité parlent le quechua.

L'école dans ces régions reste assez étrangère aux besoins et aux

préoccupations des populations. Elle ne prépare pas les enfants à un

quelconque avenir rural, mais au contraire les en éloigne. L'application

de modèles éducatifs urbains étrangers à la vie rurale andine est une des

causes essentielles de son échec. Les abandons y sont nombreux, les

absences également et le succès scolaire peu satisfaisant. Il faut ajouter à

cela que l'école rurale fonctionne dans des conditions précaires, les

enseignants n'ont pas la formation nécessaire et les classes ont des effec­

tifs beaucoup trop importants par rapport au nombre de maîtres.

L'échec du système scolaire tel qu'il fonctionne dans les régions

rurales a largement contribué au développement de l'analphabétisme. A

partir de ce constat, les efforts du Gouvernement péruvien vont s'orien­

ter vers une action simultanée d'alphabétisation des adultes et de scola­

risation des enfants. C'est pourquoi, dans les années 80, le Ministère de

l'éducation a décidé d'une action d'alphabétisation dirigée vers les

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108 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

adultes en établissant des unités mobiles dotées de technologies éduca­

tives audiovisuelles auxquelles auraient accès les populations des

régions les plus reculées des Andes. Ainsi fut conçu le projet d'alphabé­

tisation et de postalphabétisation avec l'aide de la vidéo qui fait partie

intégrante du Plan national multisectoriel d'alphabétisation.

L e choix des programmes d'alphabétisation en vidéo a été fait en

raison de la valeur mobilisatrice de ce m o y e n audiovisuel et de son rap­

port coût-bénéfice plus satisfaisant. L'utilisation de la vidéo a exigé

l'adaptation de la méthodologie de production et d'utilisation du maté­

riel éducatif et une modification, du point de vue de la substance, de la

formation du personnel enseignant. L'équipement a été organisé en

modules interchangeables, d 'un maniement et d 'un entretien aisés.

Dans la sélection du personnel enseignant, la priorité a été donnée aux

éducateurs d'adultes qui ont reçu une formation en matière de tech­

nologie et de méthodologie audiovisuelles.

L a préparation des programmes vidéo a été m e n é e de manière dif­

férente de celle des programmes conventionnels d'alphabétisation. U n e

part importante de cette préparation a été consacrée à l'étude du milieu

et des réalités dans lesquelles vivent les paysans. A partir d'observations,

de témoignages, d'entretiens individuels et collectifs, les participants

ont exprimé leurs vrais problèmes et les moyens d'y remédier. Les

apports des futurs bénéficiaires ont été par la suite transformés en conte­

nus pédagogiques.

Les thèmes principaux du curriculum sont basés sur la vie quoti­

dienne des populations et le développement communautaire. Chacun

des thèmes est divisé en trois sous-thèmes : les ressources naturelles, les

activités productives et la vie familiale. Les groupes d'alphabétisation

sont en principe mixtes. Dans certains cas, la majorité des participants

sont des femmes auxquelles se joignent les enfants attirés par les images

et les sujets familiers.

L'expérience d'alphabétisation avec l'aide de la vidéo au Pérou a

non seulement confirmé le potentiel éducatif des moyens audiovisuels

mais permis d'en réorienter l'utilisation. Dans le projet, la vidéo devient

l'instrument qui non seulement informe, mais permet également aux

bénéficiaires une lecture de leurs réalités et une meilleure pratique de

leur savoir-faire.

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L'action 109

Utilisée de cette façon, la vidéo n'est plus une technique exposée à

la manipulation. Elle n'engendre ni aliénation ni agression culturelle.

A u contraire, elle a servi aux populations andines à s'identifier davan­

tage à leur vécu et leur culture propres.

Option : Activités génératrices de revenus

Projet : Alphabétisation et postalphabétisation des jeunes filles et des

femmes

Pays : Togo

L e Togo , où le taux d'analphabétisme des femmes est d'environ 70 %,

est un des rares pays africains à avoir entrepris, au niveau de la nation,

une action programmée et soutenue destinée à alphabétiser les femmes.

Jusqu'en 1976, le programme national d'alphabétisation s'adressait aussi

bien aux femmes qu'aux h o m m e s . E n 1977 démarre un projet destiné

spécifiquement aux femmes des régions rurales avec, pour objectif prin­

cipal, l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul allié à des

activités génératrices de revenus. A cette tâche difficile et de longue

haleine, l'Unesco a apporté u n soutien technique, l'Agence norvé­

gienne pour le développement international ( N O R A D ) et le Pro­

g r a m m e du Golfe arabe pour les organisations de développement des

Nations Unies ( A G F U N D ) , un appui financier.

La particularité de ce projet, m e n é avec beaucoup de conviction

par les autorités togolaises, tient au fait qu'il s'adresse aux femmes

rurales dans tout le pays et qu'il utilise les quatre principales langues du

T o g o : l'ewe, le kabiye, le tem et le ben. E n outre les cours théoriques

s'accompagnent d'activités pratiques et productives telles que la fabrica­

tion de savon local, d'huile de palme, l'élevage, l'agriculture, le tissage,

la couture, la poterie, la vannerie. Les femmes s'organisent en groupe­

ments productifs qui assurent leur participation active aux classes

d'alphabétisation et leur permettent également de tirer un profit i m m é ­

diat et concret de leurs connaissances. Ces activités ne sont pas nou­

velles pour les femmes togolaises, mais sachant lire, écrire et compter,

elles peuvent les mener avec plus d'efficacité. Dorénavant elles sauront

tenir les comptes et les registres, on les trompera moins facilement au

marché où elles vendent leurs produits. Elles pourront comprendre les

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110 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

prescriptions médicales, les panneaux d'information, elles s'intéresse­

ront davantage au travail scolaire de leurs enfants, elles liront les

ouvrages qu'elles trouvent dans la bibliothèque rurale ou les brochures

et journaux locaux qui paraissent dans les langues locales.

Les classes d'alphabétisation sont menées avec le concours de

volontaires qui reçoivent une formation pédagogique préalable de

quinze jours et suivent des cours de recyclage tous les six mois. Les

cours sont organisés en fonction du calendrier agricole, de préférence

avant la tombée de la nuit, aussi bien pour économiser le pétrole des

lampes que pour satisfaire les maris mécontents de voir leurs femmes

rentrer tard le soir.

Aujourd'hui le projet enregistre des résultats marquants, puisque

12 000 femmes et jeunes filles ont suivi les cours, 521 centres d'alphabé­

tisation ont été ouverts et équipés, 1 030 alphabétiseurs, 600 animateurs

ruraux, 80 bibliothécaires ruraux, 60 « écrivains locaux » qui servent de

correspondants pour la presse rurale ont été formés et plus de 54 000

exemplaires de matériel didactique divers ont été élaborés et distribués à

travers le pays. E n outre les femmes ont réussi à augmenter leur revenu

familial grâce aux activités de production des groupements féminins.

Les femmes togolaises qui participent aux activités d'alphabétisa­

tion du projet ont acquis des connaissances nouvelles. Elles manifestent

un intérêt accru pour la vie communautaire, à laquelle elles participent

plus volontiers. Elles comprennent mieux les tenants et les aboutissants

des problèmes qui les concernent et sont mieux équipées pour affronter

les difficultés inhérentes à leur condition doublement défavorisée, en

tant que femmes et qu'habitantes de régions rurales.

Projets restreints

Option : Éducation et santé

Projet : Éducation à la santé

Pays : Brésil

Mis en place par un organisme non gouvernemental, l'Institut d'action

culturelle ( I D A C ) , le projet se déroule dans le village de Paraty, dans

l'État de Rio de Janeiro.

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L'action 111

Cette expérience d'éducation à la santé constitue un trait d'union

entre le mouvement féministe et les couches populaires du Brésil et

constitue un exemple de la tendance du mouvement des femmes à

mener, de façon professionnelle, des activités dans le cadre du mouve­

ment féministe.

Issues du mouvement féministe et de l'Institut d'action culturelle,

les animatrices du projet ont une expérience confirmée en matière

d'éducation populaire.

L e projet se déroule à Paraty, dans un village situé à 240 kilo­

mètres de la capitale, où vit une population extrêmement pauvre dont

les principales activités productives sont l'agriculture et la pêche. Désor­

ganisée et démunie, la population de Paraty n'a guère les moyens de

satisfaire les besoins les plus élémentaires, notamment en matière

d'éducation et de santé. Les femmes de Paraty sont marquées par des

problèmes de santé d'ordre somatique et de nature psychique, c o m m e la

nervosité quotidienne liée à la difficulté de vivre et à une sexualité mal

vécue.

C'est dans l'un des quartiers les plus pauvres du village que

l ' IDAC a mis au point un projet éducatif dont les objectifs sont les sui­

vants : développer à l'intérieur de la communauté un programme d'in­

formation et de formation des femmes qui leur donnerait les moyens de

prévenir les maladies, de préserver leur santé physique et psychique

ainsi que celle de leur famille ; donner aux femmes les moyens de

revendiquer leur droit aux services publics de santé, auxquels elles ont

difficilement accès ; permettre aux femmes d'approfondir la connais­

sance de leur propre corps ; leur apprendre à mieux saisir les problèmes

de la communauté ; mettre à l'essai, à partir d'une intervention d'éduca­

tion communautaire reliant éducation et santé, une méthodologie de

formation des femmes fondée sur les notions d'autonomie et d'indépen­

dance.

La première étape du projet a consisté à étudier sur le terrain les

difficultés que peuvent créer, pour les femmes, certains aspects de leur

vie physiologique : les règles, la grossesse, l'accouchement, la période

post-puerpérale, l'allaitement, la ménopause. C e travail initial a permis

de sensibiliser l'ensemble de la communauté aux objectifs du projet et

d'identifier les femmes qui, localement, détiennent un savoir populaire

sur la santé. 100 familles ont été visitées, 96 femmes ont accepté de

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112 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

parler. L'enregistrement de leurs témoignages a servi à produire un

matériel audiovisuel d'appui et à amorcer la réflexion. L'histoire collec­

tive racontée par les femmes a été reconstituée à l'aide de diapositives.

L a synthèse des récits individuels a abouti à la définition d'un pro­

g r a m m e de travail.

La deuxième étape a consisté en une série de séances de travail en

petits groupes, visant à informer et à former les participantes ; les anima­

trices se sont employées à susciter une réflexion sur le pourquoi des pro­

blèmes rencontrés et à encourager la recherche en c o m m u n de solu­

tions et la construction collective d'une identité sociale chez les

femmes.

Pendant la deuxième année, le projet s'est poursuivi par des activi­

tés de recherche sur l'environnement. Les participantes ont formulé

elles-mêmes le besoin de réfléchir sur la situation d'insalubrité dans leur

communauté , ses causes et conséquences et les moyens d'y faire face.

Cette prise de conscience de l'interrelation de la santé et de l'environne­

ment a ouvert la voie à des initiatives locales visant à améliorer les

conditions de vie, surtout en ce qui concerne l'hygiène et l'habitation,

l'accès à l'eau potable et le régime alimentaire.

Bien que représentant une expérience très limitée (60 partici­

pantes en deux ans), le projet de Paraty a laissé des acquis intéressants.

D u point de vue pédagogique, il a fourni un modèle d'intervention qui

peut servir de point de repère et d'inspiration dans la mise en place de

politiques d'éducation des femmes adultes.

Programme d'entraide

Les projets qui suivent font partie d'un programme de l'Unesco qui,

depuis plus de trente ans, apporte un appui concret et durable à des acti­

vités conçues et mises en œuvre par les populations locales des pays en

développement. Ces projets sont soumis au Programme d'entraide (Co-

Action Programme) par l'intermédiaire soit des commissions nationales

pour l'Unesco, soit des organisations internationales non gouvernemen­

tales. Par principe, ils doivent contribuer, m ê m e modestement, à l'amé­

lioration des conditions de vie de la communauté à laquelle ils

s'adressent. L a priorité est accordée à ceux qui sont situés dans les pays

les moins avancés et aux groupes les plus vulnérables : les femmes, les

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L'action 113

personnes handicapées, les réfugiés. Les possibilités d'assistance

offertes par le Programme d'entraide doivent être un point de départ

pour la poursuite des activités et le développement du champ d'action

du projet.

Projet : Club des mères

Pays : Bolivie

Jadis la Bolivie faisait partie de l'Empire inca. Aujourd'hui, 60 % de sa

population est indienne (Quechua et Aymora). Alors qu'au xviesiècle

elle était le foyer mondial de l'argent, la Bolivie est aujourd'hui un des

pays les plus pauvres d'Amérique latine. Les femmes y représentent plus

des deux tiers des analphabètes. Bien que l'activité des femmes des

zones rurales représente la principale source des revenus de la famille,

grâce à la production agricole et à la vente de produits maraîchers et

d'objets artisanaux, seulement 20 % des Boliviennes sont officiellement

recensées en tant que femmes actives.

Il existe une contradiction flagrante entre le rôle économique et

productif que jouent les femmes en Bolivie et leur statut social. L a frus­

tration croissante due à leur situation défavorisée et la nécessité pres­

sante de nourrir leur famille ont incité les femmes rurales à s'organiser

en associations d'auto-assistance appelées « clubs des mères ». Ces

clubs,plus ou moins importants, ont tous le m ê m e but : promouvoir la

production alimentaire, l'artisanat et les autres moyens d'existence et

sources de revenus. Actuellement ils sont plus de 1 250, groupés en

fédérations départementales, et réunissent plus de 100 000 Boliviennes.

L e projet devrait permettre de fournir aux clubs des outils et du

matériel pour les unités de production dans lesquelles les femmes

cultivent leur terre et élèvent les animaux. Il facilitera également l'achat

du papier, de l'encre, du matériel photographique et des photocopieuses

nécessaires au travail de formation et d'information.

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114 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Projet : Construction d'un centre communautaire pour les classes

d'alphabétisation

Pays : Kenya

Les groupements de femmes constituent au Kenya une force puissante

du développement rural. Ils sont très actifs dans la production agricole

et les petites entreprises. Grâce à l'assistance du Programme d'entraide,

le groupe des femmes de M o k a n , situé près du lac Victoria, a déjà ins­

tallé un réservoir souterrain d'eau, une adduction d'eau et fait l'acquisi­

tion d 'un moulin à moudre les grains de millet. Actuellement, le groupe

a décidé de construire un centre communautaire qui sera utilisé pour

des classes d'alphabétisation pour adultes, de planification familiale et

de formation professionnelle de m ê m e que c o m m e lieu de rencontre de

toute la communauté .

Projet : Construction d'une bibliothèque scolaire

Pays : Inde

L e lycée de filles Saint-Justin a été construit il y a une dizaine d'années

par u n ordre de religieuses catholiques à Sivaganga, ville située au sud

du district de Tamil N a d u . L a majorité des élèves viennent de familles

pauvres qui vivent à Sivaganga et dans les villages avoisinants, où le taux

d'analphabétisme est le plus élevé. Afin que les élèves ne perdent pas les

connaissances nouvellement acquises, la directrice de l'école voudrait

faire construire une bibliothèque scolaire et la doter de livres. Les plans

pour la construction de cette bibliothèque sont dus à un ingénieur local.

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Autres ouvrages

AGENCE DE COOPÉRATION CULTURELLE ET TECHNIQUE (ACCT). Les femmes devant l'alphabétisation. Victoria-Mahê (Seychelles), 22 mars-8 avril

1982. Paris, Agence de coopération culturelle et technique, 1982. (Col­

lection Alpha.)

B H O L A , H . S. Les campagnes d'alphabétisation. Etude de l'action menée par huit

pays au XXe siècle et note à l'intention des décideurs. Paris, Unesco, 1986.

B R A H I M I , Denise et al. Femmes au pays. Effets de la migration sur les femmes

dans les cultures méditerranéennes. Paris, Unesco, 1985.

B U R E A U I N T E R N A T I O N A L D U T R A V A I L (BIT). Les femmes et la terre. Rapport sur la

Conférence-atelier régionale africaine sur l'accès des femmes à la terre en

tant que stratégie pour la promotion de l'emploi, la lutte contre la pauvreté

et la sécurité alimentaire des ménages, organisée par le Bureau internatio­

nal du travail en collaboration avec l'Université du Zimbabwe, Harare,

17-21 octobre 1988. Genève, BIT , 1989.

B U R E A U I N T E R N A T I O N A L D U T R A V A I L (BIT). Improved village technology for

women's activities. A manual for West Africa. Genève, BIT, 1984.

C A R R , Marilyn. Technologie appropriée pour les femmes africaines. Addis-Abéba,

Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, 1981. (ST/

E C A / A T R C W / 8 1 / 0 4 . )

C H A P O N N I È R E , Martine (dir. publ.). La formation des femmes : perspectives

actuelles. Genève, Le concept moderne, 1988.

C O L L O Q U E D E M A D R I D , 1986. Causes de la prostitution et stratégies contre le

proxénétisme. Actes de la Réunion internationale d'experts et bibliographies

annotées. Paris, Unesco/Fédération abolitionniste internationale (FAI),

1987. (Numéro spécial.)

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116 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

C O M M I S S I O N D E S C O M M U N A U T É S E U R O P É E N N E S . Action handbook: How to imple­

ment gender equality. Bruxelles, 1985. (Publié par : Programme Informa­

tion Office, I F A P L A N , Square Ambiorix 32, B-1040 Bruxelles. Doc.

0 5 W D 8 5 E N . )

C O N F É R E N C E D E L ' O R G A N I S A T I O N D E S N A T I O N S U N I E S P O U R L ' A L I M E N T A T I O N E T

L ' A G R I C U L T U R E , 2 4 E SESSION, R O M E , 1987. Deuxième rapport de situation

sur le programme d'action de la CMRADR, et notamment sur le rôle des

femmes dans le développement rural. R o m e , F A O , 1987. (C 87/19.)

CONFERENCIA REGIONAL DE LA FAO PARA AMÉRICA LATINA Y EL CARIBE, I9A

SESIÓN, B A R B A D O S , 1986. El papel de la mujer en el desarrollo rural. R o m e ,

F A O , 1986. (LARC/86/4.)

Convergence (Toronto, Conseil international d'éducation des adultes), vol. 21,

n" 4, 1988.

D A T E - B A H , Eugenia ; S T E V E N S , Yvette. Les femmes des campagnes en Afrique

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trimestrielle de l'Institut international d'études sociales (Genève), vol. 6,

n° 2 , avril-juin 1981, p. 157-171.

D e l'alphabétisation à l'éducation pour tous : la décennie critique (1990-1999).

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n° 4 , 1989, p. 521-634.

D E B L É , Isabelle. La scolarité des filles. Étude internationale comparative sur les

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(Notes and comments..., N . S . 150.) [Résumé d'un article publié dans

Human Organizations, vol. 42, n° 3, 1983.]

La f emme et l'eau. La Tribune. Bulletin sur les femmes et le développement

(New York, Centre de la tribune internationale de la femme), n° 2,

décembre 1983.

Les femmes optent pour les technologies appropriées. La Tribune. Bulletin sur

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H A M A D A C H E , Ali ; M A R T I N , Daniel. Théorie et pratique de l'alphabétisation :

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Autres ouvrages 117

INTERNATIONAL SEMINAR ON W O M E N AND RURAL DEVELOPMENT: PROGRAMMES

A N D P R O J E C T S , V I E N N A , 1989. National experience relating to the improve­

ment of the situation of women in rural areas. Vienne, Office des Nations

Unies, mai 1989. (Communication par Ruth Finney Hayward, consul­

tante à la Division pour l'avancement des femmes, Office des Nations

Unies, Vienne, Autriche. Doc . IS /WRD/1989/BP.3 . )

INTERNATIONAL SEMINAR ON W O M E N AND RURAL DEVELOPMENT: PROGRAMMES

A N D PROJECTS, V I E N N A , 1989. Rural women of Latin America: The lessons

of a decade of project and programme experience. Vienne, Office des

Nations Unies, mai 1989. (Communication par I. Amagada, Division du

développement social, Commission économique pour l'Amérique latine

et les Caraïbes [CEALC], Santiago, Chili. Doc. IS/WRD/1989/CS.17.)

JOINT U N I T E D N A T I O N S I N F O R M A T I O N C O M M I T T E E / N O N - G O V E R N M E N T A L O R G A ­

NIZATION G R O U P O N W O M E N A N D D E V E L O P M E N T . Women, science and

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vice, mai 1985. ( JUNIC/NGO W o m e n , dossier D.)

K A N D I Y O T I , D E N I Z . Women in rural production systems: problems and policies.

Paris, Unesco, 1985. (Les femmes dans une perspective mondiale.)

K I N G , E L I Z A B E T H M . Educating girls and women: Investing in development.

Washington, D . C . , Banque mondiale, 1990.

Literacy: Focus on Asia and the Pacific. Special issue to commemorate Inter­

national Literacy Year 1990. ASPBAE Courier (Canberra, Asian South

Pacific Bureau of Adult Education), n° 47, décembre 1989.

T h e literacy issue: Feminist perspectives on reading and writing. Voices rising.

A bulletin about women and popular education (Toronto, Conseil inter­

national de l'éducation des adultes), vol. 4, n° 1, janvier-février 1990.

MESA REDONDA SOBRE EL MINIFUNDIO Y SEXTA CONSULTA INTERAGENCIAL SOBRE

EL SEGUIMIENTO DE LA CMRADR EN AMÉRICA LATINA Y EL CARIBE, SAN­

TIAGO, C H I L E , 1987. Las mujeres en las pequeñas unidades agrícolas fami­

liares en América Latina y el Caribe. Organisation des Nations Unies

pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 1987. (Communication par

Fabiola Campillo. Doc. W / S 3734.)

O R G A N I S A T I O N DES N A T I O N S U N I E S . C O M M I S S I O N É C O N O M I Q U E E T SOCIALE P O U R

L 'ASIE E T L E PACIFIQUE (CESAP). Training manual on the transfer of tech­

nology among rural women. Bangkok, C E S A P . (ST/ESCAP/573.)

O R G A N I S A T I O N M O N D I A L E D E L A S A N T É (OMS). A S S E M B L É E M O N D I A L E D E LA

S A N T É , 3 8 E SESSION. Collaboration à l'intérieur du système des Nations

Unies : les femmes, la santé et le développement. Rapport du Directeur géné­

ral. Genève-, O M S , 1985. (A 38/12 + Annexe E B 75/22.)

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118 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS). ASSEMBLÉE MONDIALE DE LA

S A N T É , 4 2 E SESSION. Stratégie mondiale de la santé pour tous d'ici l'an 2000.

Deuxième rapport sur la surveillance des progrès réalisés dans l'exécution

des stratégies de la santé pour tous. Genève, O M S , 1989. (A 42/4.)

P I A U L T , C O L E T T E . Contribution à l'étude de la vie quotidienne de la femme

mawri. (Collection Études nigériennes, n" 10.) (Ouvrage publié avec le

concours du Centre national de la recherche scientifique, France.)

The Psychology of the girl learner. A Training workshop, Bahir Dar, Western'

Gojam region, Ethiopia, 1989. Report. (Sous le patronage de O N C C P ,

Ministère de l'éducation et U N I C E F . )

Les réseaux pour íes femmes dans le développement. Nouvelles INSTRAW

(Saint Domingue, République dominicaine, Institut international de

recherche et de formation des Nations Unies pour la promotion de la

femme), n° 11, hiver 1988.

UNESCO. BUREAU RÉGIONAL PRINCIPAL POUR L'ASIE ET LE PACIFIQUE (PROAP). Simultaneous education for women and girls. Report of a project. Bangkok,

PROAP, 1989. U N E S C O . Co-Action Programme: Catalogue of literacy projects. Paris, Unesco,

1989.

U N E S C O . Le Programme co-action de ¡'Unesco. Paris, Unesco, 1987.

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Appendices

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Appendices 121

I. Modèle classique pour la présentation d'un projet à un donateur éventuel1

Descriptif du projet

Titre :

Durée :

Lieu :

Organisme d'exécution (national) :

Organisme d'exécution (extérieur) :

Date approximative de lancement du projet :

Apports locaux ou gouvernementaux :

Contribution extérieure demandée :

Description succincte du projet :

La structure fondamentale d'un projet « classique » correspond à la hiérarchie

suivante des éléments de base du projet : objectifs de développement, objectifs

immédiats, résultats attendus, activités, apports.

U n projet formulé selon cette structure se développe selon la logique sui­

vante : les apports doivent être transformés par les activités pour obtenir des

résultats spécifiques, lesquels contribueront ensemble à la réalisation des objec­

tifs immédiats. Ceux-ci une fois réalisés contribueront, au moins pour une part,

à l'objectif de développement global.

1. Basé sur les instructions concernant la formulation des projets du Programme des Nations Unies pour le développement ( P N U D ) .

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122 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

A . Contexte

Rendre compte succinctement des principales caractéristiques de la situation

d'ensemble dans laquelle s'insère le projet : le secteur de développement visé et

ses principaux aspects ; le plan ou la stratégie du pays le concernant.

B . Justification du projet

Fournir les raisons pour lesquelles le projet est entrepris et en expliquer la

conception.

Indiquer : le problème que le projet cherche à régler ; la situation

escomptée au terme du projet ; c o m m e n t et par qui les résultats du projet seront

exploités ; la stratégie et les modalités d'exécution propres au projet et les rai­

sons justifiant l'assistance extérieure demandée ; les dispositions prises en vue

de relier le projet aux autres efforts menés dans le m ê m e secteur ; les moyens et

les efforts prévus en vue de fournir les éléments et le soutien nécessaires au suc­

cès du projet et à la durabilité de ses résultats.

C . Objectif de développement

Présenter l'objectif au niveau du secteur tel que défini dans les plans arrêtés par

le pays dans une perspective à long terme.

L'objectif de développement se situe à un niveau supérieur et le projet

n'est qu 'un des moyens pour y parvenir.

D . Objectif(s) immédiat(s), résultats, activités

OBJECTIFS

Il est indispensable que les objectifs immédiats du projet soient correctement

définis car les autres éléments et la structure du projet en découlent.

U n objectif immédiat définit le but escompté du projet et doit être défini

sous l'angle des changements spécifiques que le projet doit entraîner sur les

plans du comportement, du statut ou de la situation considérée.

Les objectifs du projet doivent être réalistes et tenir compte des

contraintes temporelles, financières et humaines du projet. Ils doivent être défi­

nis autant que possible d'une façon quantifiable ou tout au moins probante pen-

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Appendices 123

dant le déroulement ou à l'issue du projet. Les objectifs définis par des termes

tels que « renforcer », « soutenir », « conseiller », etc., sont difficiles à mesurer,

de sorte qu'il vaut mieux les éviter.

L e nombre d'objectifs immédiats de chaque projet devrait être limité,

certains projets n'auront qu 'un seul objectif.

RÉSULTATS

Les résultats sont les « produits » tangibles auxquels le projet devrait aboutir

pour atteindre tel ou tel objectif immédiat. L a description de ces résultats doit

être aussi concrète et verifiable que possible, chaque objectif immédiat devant

être illustré par au moins un résultat. Il faut veiller à décrire tous les résultats

nécessaires à la réalisation d 'un objectif, sinon l'objectif risque d'être irréali­

sable. Il est possible également q u ' u n résultat corresponde à plusieurs objectifs

immédiats.

A C T I V I T É S

Les activités du projet découlent naturellement des résultats. Il s'agit des tâches

concrètes que le projet suppose. Chaque résultat doit être en rapport avec au

moins une activité. Il ne faut indiquer que les tâches que le projet doit mener à

bien en veillant à distinguer les activités du projet et celles, plus générales, qui

sont déjà menées par l'institution ou le pays hôte. Chaque produit va générale­

m e n t requérir plus d'une activité et certaines activités peuvent être utiles à plus

d ' u n produit.

E . Apports

Les apports sont les « matières premières » du projet, qu'il s'agisse de matériel,

de fourniture, de bourses, de personnel, etc. Il faut énumérer tous les apports

requis pour mener les activités du projet ou pour réaliser les résultats recher­

chés, identifier les apports que le gouvernement ou l'institution hôte peut rai-

sonnablememt fournir et les énumérer, puis ensuite énumérer les apports qui

peuvent être fournis par une autre source que le pays hôte.

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124 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

F . Suivi, rapports et évaluation

L e suivi mesure les progrès accomplis. Il devrait être suffisamment souple pour

permettre une évaluation permanente afin de déterminer si l'exécution pro­

gresse de façon satisfaisante et d'effectuer d'éventuelles modifications en cas de

défaillance.

D e toutes façons, prévoir des évaluations intermédiaires et une évalua­

tion finale. Prévoir également des rapports techniques sur les activités du projet

et un rapport final.

G. Budgets

Indiquer la contribution nationale ou locale et la participation financière exté­

rieure demandée.

H . Annexes

Les annexes peuvent inclure un plan de travail, les programmes de formation,

les caractéristiques du matériel technique, les descriptions d'emploi pour le

recrutement du personnel nécessaire, etc.

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Appendices 125

IL Exemple de document de projet, Programme des Nations Unies pour le développement

Numéro et titre : Alphabétisation intégrée aux précoopératives de production

Durée : 45 mois

Secteur et sous-secteur : éducation, éducation n o n formelle

Organisme d'exécution du gouvernement : Ministère de la santé publique, des

affaires sociales et de la condition féminine

Agence d'exécution : Unesco

Date prévue de démarrage : avril 1988

Apport du gouvernement (en monnaie locale) :

Apport du P N U D (en dollars des États-Unis) :

Brève description du projet : L e projet se propose d'alphabétiser 10 000

m e m b r e s de groupements précoopératifs et de leur fournir, dans u n pro­

cessus de formation continue, les aptitudes nécessaires pour accroître

leur production agropastorale et contribuer au développement autogéré

des c o m m u n a u t é s villageoises. U n e attention particulière sera accordée

aux f e m m e s et aux jeunes filles eu égard à leurs motivations, leurs inté­

rêts et besoins spécifiques ainsi qu'à leur rôle déterminant dans la famille

et la c o m m u n a u t é rurale.

A u n o m de : Signatures : Date : Nom/titre (dactylographié) :

L e Gouvernement

L'agence d'exécution

Le PNUD

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126 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

A . Contexte

L'évaluation de tous les plans successifs de développement socioéconomique

de ... a fait apparaître que l'analphabétisme des populations constitue un obs­

tacle considérable au développement. C'est pourquoi l'orientation de la poli­

tique éducative actuelle du pays tend à promouvoir l'éducation c o m m e un fac­

teur important du développement. L ' u n des objectifs à long terme fixé par le

Gouvernement est l'élimination de l'analphabétisme d'ici à l'an 2000 au

m o y e n d'une approche intégrée de généralisation de l'enseignement primaire

rénové et de l'intensification de l'alphabétisation fonctionnelle des jeunes et

des adultes.

Depuis 1971, l'alphabétisation est retenue c o m m e une priorité dans tous

les plans successifs de développement de ... . Dès lors, le budget national enre­

gistre d'année en année un accroissement des allocations financières en vue de

l'extension des actions entreprises en ce domaine. Les programmes d'alphabé­

tisation touchent les populations des deux sexes sur toute l'étendue du terri­

toire national et plus spécifiquement les zones rurales. Leurs axes principaux

ont trait au développement de l'agriculture, à l'amélioration de l'élevage, à l'or­

ganisation des soins de santé, à la commercialisation et à l'organisation sociale

des villages.

B . Justification du projet

Les évaluations faites des expériences de développement rural en Afrique ont

démontré que toute action dans ce domaine n'est viable que si elle est prise en

charge par les populations concernées, permettant la solution des problèmes

que pose le développement en vue d'une plus grande maîtrise de l'environ­

nement.

Les microréalisations adaptées aux besoins réels et aux conditions locales

constituent un m o y e n efficace pour atteindre cet objectif, à condition toutefois

d'être accompagnées d 'un programme de formation adéquat à l'intention des

intéressés, permettant l'épanouissement individuel et collectif des villageois

tout en mobilisant la communauté en vue d'un développement autogéré.

L e projet s'adresse principalement aux habitants des régions rurales des

deux sexes sur toute l'étendue du territoire national, dont les occupations prin­

cipalement agricoles, pastorales et artisanales sont menées dans le cadre de

groupements précoopératifs.

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Appendices 111

Ces groupements de dimension restreinte, créés au niveau des villages,

cherchent à améliorer leur m o d e de fonctionnement et de rendement tout en

respectant les types d'organisation traditionnelle. L'alphabétisation et la forma­

tion constituent un moteur important de ces changements.

L'alphabétisation fonctionnelle, qui combine à la fois l'accès au savoir et

au savoir-faire avec les exigences locales du travail et du développement endo­

gène et vise à l'acquisition des mécanismes de lecture, d'écriture et de calcul,

au perfectionnement professionnel et à l'application des nouvelles technolo­

gies en vue de l'accroissement et de l'amélioration de la production, sera l'ins­

trument de formation utilisé dans le projet.

L'assistance du P N U D est sollicitée pour compléter les apports du G o u ­

vernement et les potentialités locales, renforcer et élargir davantage l'effort

national d'alphabétisation et de postalphabétisation.

Bien que le projet s'adresse à une population mixte, il est à prévoir qu'il

touchera plus particulièrement les femmes et tiendra compte de leurs besoins

spécifiques et de leur impact sur la vie et le progrès des habitants de la c o m m u ­

nauté, ainsi que de leurs motivations et leurs prédispositions à s'organiser,

notamment dans les groupements de production.

C . Objectif de développement

Familiariser les populations avec les projets locaux de développement en leur

donnant le complément de formation nécessaire à leur participation plus active

et plus efficace au programme de développement économique et social de la

nation et permettre aux communautés rurales d'utiliser les nouvelles tech­

niques agricoles en vue d'une autosuffisance alimentaire.

D . Objectifs immédiats, résultats attendus et activités

1. OBJECTIF I

Installer progressivement des centres d'alphabétisation dans le cadre des grou­

pements précoopératifs de production agropastorale et artisanale sur toute

l'étendue du territoire du pays.

1.1. Résultats attendus 1

300 centres d'alphabétisation créés à raison de 50 centres la première année, 70

centres la deuxième année, 80 centres la troisième année et 100 centres la qua­

trième année, tenant compte des critères suivants : existence dans le village

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128 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

d 'un comité d'alphabétisation, existence ou nécessité de la construction d 'un

local abritant la classe d'alphabétisation, disponibilité de deux volontaires

alphabétiseurs.

Activités

1.1.1. Étude de faisabilité dans 400 villages pour déterminer les villages cibles.

1.1.2. Choix des groupements viables réunissant les conditions favorables de

l'action projetée.

1.1.3. Sensibilisation des groupements choisis.

1.1.4. Étude socioéconomique pour déterminer les besoins pour la préparation

des programmes.

1.1.5. Installation des centres d'alphabétisation dans les groupements.

1.1.6. Équipement des centres en matériel didactique et en matériel de

démonstration.

2. O B J E C T I F 2

Fournir les connaissances de base que sont la lecture, l'écriture et le calcul aux

populations organisées au sein des groupements précoopératifs pour leur per­

mettre de mieux gérer leurs activités et améliorer leur niveau de vie, tant sur le

plan individuel que collectif.

2.1. Résultats attendus 1

10 000 personnes initiées à la lecture, à l'écriture et au calcul et capables de

tenir par écrit la comptabilité de base des groupements, de lire et d'écrire u n

texte en rapport avec leurs activités de production et leur vie quotidienne (ali­

mentaire, familiale, sanitaire).

Activités

2.1.1. Conception et élaboration du programme de formation des m e m b r e s de

groupements.

2.1.2. Conception et élaboration du matériel didactique en langues nationales.

2.1.3. Recrutement des alphabétiseurs.

2.1.4. Formation et recyclage des alphabétiseurs et des animateurs des centres

de postalphabétisation.

2.1.5. Diffusion du matériel didactique et du matériel de suivi au niveau des

centres d'alphabétisation.

2.1.6. Ouverture des centres.

2.1.7. Fonctionnement et suivi des centres.

2.1.8. Évaluation des connaissances et aptitudes des auditeurs.

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Appendices 129

2.2. Résultats attendus 2

600 alphabétiseurs formés pour les centres d'alphabétisation.

Activités

2.2.1. Recrutement des alphabétiseurs. (Réf. 2.1.3.) Formation et recyclage des

alphabétiseurs et des animateurs des centres de postalphabétisation. (Réf.

2.1.4.) Ouverture des centres. (Réf. 2.5.6.) Fonctionnement et suivi des

centres. (Réf. 2.1.7.)

2.2.2. Recyclage des alphabétiseurs.

2.3. Résultats attendus 3

100 encadreurs des activités d'alphabétisation et de postalphabétisation formés

pour le soutien pédagogique des centres (10 superviseurs, 45 chargés d'alpha­

bétisation, 25 rédacteurs de textes et 20 producteurs de textes).

Activités

2.3.1. Identification des encadreurs.

2.3.2. Détermination des besoins en formation des encadreurs.

2.3.3. Organisation des sessions de formation de recyclage (séminaires, ateliers,

voyages d'études).

3. OBJECTIF 3

Promouvoir l'éducation permanente des nouveaux alphabétisés afin d'amélio­

rer leur niveau professionnel, socioéconomique et culturel.

3.1. Résultats attendus 1

Mise en place de 50 centres expérimentaux de postalphabétisation dans les cinq

régions économiques du pays, destinés à environ 2 000 personnes.

Activités

3.1.1. Évaluation des connaissances et aptitudes des auditeurs. (Réf. 2.1.8.)

3.1.2. Sélection des centres expérimentaux de postalphabétisation.

3.1.3. Détermination des besoins en matière de postalphabétisation des nou­

veaux alphabétisés.

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130 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

3.2. Résultats attendus 2

Conception, élaboration et diffusion du matériel de postalphabétisation pour

50 centres expérimentaux de postalphabétisation.

Activités

3.2.1. Organisation des sessions de formation de recyclage (séminaires, ate­

liers, voyages d'études). (Réf. 2.3.3.)

3.2.2. Formation et recyclage des alphabétiseurs et des animateurs des centres

de postalphabétisation. (Réf. 2.1.4.)

3.2.3. Inventaire des services techniques et institutions chargés de l'éducation

des adultes.

3.2.4. Établissement d ' u n répertoire d'institutions chargées de l'éducation des

adultes.

3.2.5. Analyse des programmes de formation de ces institutions en vue de

déterminer les données et les thèmes les plus pertinents à vulgariser.

3.2.6. Constitution de banques de données et de groupes de « personnes de

ressource ».

3.2.7. L a n c e m e n t d 'un concours littéraire.

3.2.8. Dépouillement des résultats du concours.

3.2.9. Production des documents.

3.2.10. Diffusion des documents au m o y e n de la création de bibliothèques

rurales.

3.2.11. Évaluation de l'expérience de postalphabétisation.

E . Apports

ï. APPORTS DU GOUVERNEMENT

L'apport d u Gouvernement et des populations locales, estimé à 300 millions de

francs C F A , couvrira les dépenses relatives à :

la construction par la population locale, avec des matériaux locaux, de 300

centres d'alphabétisation ;

l'imprimerie pour la production des documents ;

la participation volontaire de 700 animateurs alphabétiseurs pour la durée d u

projet ;

l'équipement en mobilier des centres d'alphabétisation et des centres de post­

alphabétisation (5 tables, 5 bancs, 1 bureau, 1 escabeau, 1 tableau et

1 lampe pour chaque centre) ;

la mise à disposition de locaux équipés pour le personnel d u projet ;

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Appendices 131

bureaux équipés dans les régions ; bureaux équipés dans les secteurs sociaux ; prise en charge des frais d'eau, d'électricité, de téléphone et d'entretien.

L e projet s'appuiera sur le personnel suivant existant : au niveau central : le Directeur général des Affaires sociales, le Directeur de la

Division de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes (également Directeur national du Projet), 5 chefs de sections, 30 techniciens d'im­primerie et rédacteurs de textes ;

au niveau régional : 5 directeurs régionaux des Affaires sociales, 5 coordina-trices des activités féminines, 5 superviseurs régionaux d'alphabétisation, 47 chargés d'alphabétisation, 5 rédacteurs de textes, 25 chefs de secteurs sociaux.

2. APPORTS DU PNUD

2.1. Personnel

International : 1 volontaire des Nations Unies spécialiste en alphabétisation (24 m / h ) , 1 consultant en évaluation (0,5 m / h ) , 1 consultant en gestion coopérative (0,5 m / h ) .

National : 5 conseillers d'alphabétisation (220 m / h ) , 1 consultant spécialiste de l'enseignement du calcul (1 m / h ) , 1 graphiste (2 m / h ) , 1 consultant en agriculture (1 m / h ) , 1 consultant en nutrition (1 m / h ) .

Appui administratif : 1 assistant administratif (45 m / h ) , 1 secrétaire-dactylo­graphe (45 m / h ) , 1 chauffeur (45 m / h ) , 1 m a n œ u v r e (45 m / h ) .

2.2. Formation

20 sessions de formation de 600 animateurs alphabétiseurs ; 60 sessions de recyclage des 600 animateurs alphabétiseurs ; 5 sessions de formation de 100 animateurs des centres d'alphabétisation ; 10 sessions de recyclage des animateurs des centres de postalphabétisation ; 5 ateliers de conception et d'élaboration du matériel d'alphabétisation destiné

aux rédacteurs, aux conseillers et aux superviseurs d'alphabétisation ; 5 sessions de formation à l'intention des nouveaux alphabétisés ; 2 séminaires de formation technique des agents encadreurs du projet dans le

domaine de la supervision, de l'évaluation et de la gestion coopérative ; formation continue de 2 000 nouveaux alphabétisés dans 50 centres expéri­

mentaux de postalphabétisation ;

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132 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

2 voyages d'études des cadres nationaux dans la région d'Afrique ;

2 bourses de courte durée (1 régionale, 1 internationale).

2.3. Équipement

Matériel non consommable :

1 voiture Peugeot 504 « familiale » de liaison ;

1 camion 7 tonnes ;

45 scooters Vespa et Suzuki D a m e ;

2 machines à écrire (en langues nationales) ;

2 machines à ronéotyper ;

2 projecteurs ;

1 machine à calculer ;

équipement de démonstration.

Matériel consommable :

fournitures de bureau et d'impression de matériel d'aide pédagogique aux

niveaux central et régional ;

matières premières pour les démonstrations.

F . Suivi, rapports d'activités et évaluation du projet

L e projet fera l'objet d'une revue tripartite (avec la participation conjointe du

Gouvernement, de l'agence d'exécution et du P N U D ) au moins une fois par an

à partir du début de sa mise en œuvre.

L e Directeur national du projet et/ou le responsable international de

l'agence d'exécution prépareront et soumettront, à chaque réunion de la revue

tripartite, un rapport d'évaluation de l'exécution du projet. Si nécessaire,

d'autres rapports peuvent être requis pendant la durée du projet.

A la fin du projet, le (lés) responsable(s) du projet prépareront un projet

de rapport pour analyse et commentaires techniques de l'agence d'exécution

quatre mois avant la réunion finale de la revue tripartite.

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Appendices

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III. LISTE D'ÉQUIPEMENT

1. Équipement non consommable

1 véhicule Peugeot 504 « Familial »

1 camion 7 tonnes Toyota

35 scooters Vespa 10 Suzuki « D a m e »

2 machines à ronéotyper

2 machines à écrire (en langue nationale)

1 machine à calculer

2 projecteurs cinéma 16 m m

2. Matériel

Groupements de fabrication de savon et d'huile

Table de coupe, moule

Fût en plastique

Fût vide galvanisé

Fût de 25 1

Seau galvanisé

Seau en plastique

Cuvette en aluminium

Cuvette émaillée

Gants en caoutchouc

Truelle

Fût d'huile (200 1)

Soude caustique

Marmite en fonte

Couteau

Bassine galvanisée

Entonnoir

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144 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme

Groupements agricoles

Coupe-coupe

Houe

Daba

Sac de jute

Hache

Pioche

Râteau

Brouette

Arrosoir

Grillage

Fil de fer galvanisé

Provende poussins

Groupements d'artisanat

Fil teint

Rouleau de ficelle

Anneau en plastique

Anneau en fer

Anneau en bois

Cadre en fer

Pelote de laine

Aiguilles à tricoter

Ciseaux

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Appendices 145

IV. DESCRIPTION DE POSTE TYPE

Titre du poste : expert national en alphabétisation et postalphabétisation

Lieu d'affectation : chef-lieu, avec de nombreux déplacements dans la région

Description des fonctions :

L'expert fera partie de l'équipe du projet. Il travaillera sous la direction du

directeur national du projet, en étroite collaboration avec les autres membres

de l'équipe du projet ainsi qu'avec le personnel de la Direction régionale des

affaires sociales et de la condition féminine.

L'expert aura pour fonction principale de conseiller les superviseurs et

chargés d'alphabétisation de la région dans toutes les activités d'alphabétisation

et de postalphabétisation. Il assumera la responsabilité des activités suivantes :

• identification des besoins en formation et planification des activités du projet

dans la région ;

• conception et élaboration des programmes d'alphabétisation et de postalpha­

bétisation ;

• conception et élaboration du matériel didactique ;

• conception et élaboration des instruments de suivi et d'évaluation ;

• formation du personnel d'encadrement d'alphabétisation et de postalphabéti­

sation ;

• formation des auditeurs des centres ;

• supervision du suivi et de l'évaluation des activités des centres ;

• préparation des rapports semestriels d'activités pour soumission au directeur

national du projet.

Qualifications requises :

• formation de niveau supérieur en sciences de l'éducation ou en linguistique ;

• de préférence, spécialisation en alphabétisation et éducation des adultes ;

• expérience pratique en matière d'alphabétisation.

Durée : poste ouvert pour une durée de quatre ans avec contrat d 'un an renou­

velable.

Langues : connaissance du français avec maîtrise écrite et parlée d'au moins

une des langues nationales d'alphabétisation.