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L’UNIVERS EN BREF Vol. 1, n o 3 Bulletin de la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice Mars 2013 Dans ce troisième numéro d’Univers en bref, nous vous présentons de courts articles sur les biens meubles et immeubles de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice. Nous débutons par un article sur le Plan de conservation et de restauration du Séminaire de Saint-Sulpice, par monsieur Gérald McNichols Tétreault, urbaniste, directeur de projet et conservateur en chef des biens immobiliers du Séminaire de Saint-Sulpice. Suivent ensuite des articles des départements des archives, des livres rares et des biens mobiliers sur des aspects des collections. Le Plan de conservation et de restauration du site du Séminaire de Saint-Sulpice Fig.1 : Vue en plongée montrant l’ensemble du site du Séminaire de Saint-Sulpice et l’état d’avancement des travaux de restauration de la couverture, 19 avril 2011. En mars 1672, monsieur François Dollier de Casson, supérieur du Séminaire de Montréal, alors que les Prêtres de Saint-Sulpice sont les seigneurs de l’Île de Montréal , trace le premier plan des rues de Ville-Marie. L’axe principal de ce tracé épouse la crête du coteau et prend le nom de rue Notre-Dame. Cette rue, en son point central, sera chevauchée par la nef de l’église dont le plan est inscrit dans le pavage actuel. Par son élévation, celle-ci établira en son point central une relation verticale avec le ciel. L’édification de cette église, intervention essentielle à la pérennité du plan du sieur de Casson, est entreprise dans les mois suivants. Après le fort et la croix de Maisonneuve, elle constitue l’un des actes fondateurs de Montréal. Sur le flanc sud du parvis de l’église, monsieur de Casson projette, puis élève, à partir de 1683 l’imposante maison seigneuriale sur le modèle familier aux sulpiciens de l’hôtel particulier parisien du XVII e siècle. C’est en 1687 qu’arrive de France l’ar doise de couverture, attribut architectural essentiel à l’affirmation de la préséance nobiliaire dans la colonie de l’Ancien régime. Au cours des décennies suivantes, monsieur François Vachon de Belmont, successeur de monsieur de Casson, complète la figure architecturale de l’édifice en ajoutant deux ailes qui bordent la cour d’honneur ainsi que quatre tours monumentales qui abritent les escaliers et utilités communes. L’édifice est aussi doté d’imposantes cheminées, de caves souterraines pour l’entreposage des réserves alimentaires et d’un réseau hydraulique qui assure l’approvisionnement en eau et la vidange des latrines. Le jardin aménagé à l’arrière de l’édifice est contemporain des expérimentations fruitières et potagères de Jean-Baptiste de La Quintinie, amorcées dans la paroisse sulpicienne de Paris et poursuivies au potager du Roi, à Versailles. Ce jardin a alimenté pendant trois siècles les cuisines du séminaire. Le séminaire et son jardin, toujours occupés par les sulpiciens, ont statut de site patrimonial. Le Plan de conservation et de restauration du site du Séminaire de Saint-Sulpice (PCR4S) a été élaboré en 2004 par l’urbaniste Gérald McNichols Tétreault, pour le compte des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal, lesquels, après avoir adopté ce plan et obtenu l’aval du ministère de la Culture et des Communications, lui en ont confié la mise en œuvre (fig.1). La mise en œuvre du PCR4S est financée conjointement par les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal et le ministère de la Culture et des Communications du Québec. Un comité scientifique pluridisciplinaire a été formé afin d’assurer le suivi critique et scientifique du projet. Les professeurs Louise Letocha et Philippe Poullaouec- Gonidec, ainsi que le doctorant Loïc D’Orangeville sont les scientifiques invités, tandis que les experts professionnels du ministère de la Culture et des Communications en architecture et archéologie, Catherine Michon, Chantal Grisé et Bernard Hébert, à la suite d’Anne-Marie Balac et de Gérald Savoie, complètent l’équipe des membres permanents. Des consultants professionnels en archéologie, architecture et architecture de paysage participent aussi au Comité scientifique. En 2009, monsieur Owen Mc Swiney, diplômé en architecture du University College de Dublin, s’est vu confier la synthèse infographique des relevés

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L’UNIVERS EN BREF

Vol. 1, no 3 Bulletin de la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice

Mars 2013

Dans ce troisième numéro d’Univers en bref, nous vous présentons de courts articles sur les biens meubles et immeubles de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice. Nous débutons par un article sur le Plan de conservation et de restauration du Séminaire de Saint-Sulpice, par monsieur Gérald McNichols Tétreault, urbaniste, directeur de projet et conservateur en chef des biens immobiliers du Séminaire de Saint-Sulpice. Suivent ensuite des articles des départements des archives, des livres rares et des biens mobiliers sur des aspects des collections.

Le Plan de conservation et de restauration du site du Séminaire de Saint-Sulpice

Fig.1 : Vue en plongée montrant l’ensemble du site du Séminaire de Saint-Sulpice et l’état d’avancement des travaux de restauration de la couverture, 19 avril 2011. En mars 1672, monsieur François Dollier de Casson, supérieur du Séminaire de Montréal, alors que les Prêtres de Saint-Sulpice sont les seigneurs de l’Île de Montréal, trace le premier plan des rues de Ville-Marie. L’axe principal de ce tracé épouse la crête du coteau et prend le nom de rue Notre-Dame. Cette rue, en son point central, sera chevauchée par la nef de l’église dont le plan est inscrit dans le pavage actuel. Par son élévation, celle-ci établira en son point central une relation verticale avec le ciel. L’édification de cette église, intervention essentielle à la pérennité du plan du sieur de Casson, est entreprise dans les mois suivants. Après le fort et la croix de Maisonneuve, elle constitue l’un des actes fondateurs de

Montréal. Sur le flanc sud du parvis de l’église, monsieur de Casson projette, puis élève, à partir de 1683 l’imposante maison seigneuriale sur le modèle familier aux sulpiciens de l’hôtel particulier parisien du XVII

e siècle.

C’est en 1687 qu’arrive de France l’ardoise de couverture, attribut architectural essentiel à l’affirmation de la préséance nobiliaire dans la colonie de l’Ancien régime. Au cours des décennies suivantes, monsieur François Vachon de Belmont, successeur de monsieur de Casson, complète la figure architecturale de l’édifice en ajoutant deux ailes qui bordent la cour d’honneur ainsi que quatre tours monumentales qui abritent les escaliers et utilités communes. L’édifice est aussi doté d’imposantes cheminées, de caves souterraines pour l’entreposage des réserves alimentaires et d’un réseau hydraulique qui assure l’approvisionnement en eau et la vidange des latrines. Le jardin aménagé à l’arrière de l’édifice est contemporain des expérimentations fruitières et potagères de Jean-Baptiste de La Quintinie, amorcées dans la paroisse sulpicienne de Paris et poursuivies au potager du Roi, à Versailles. Ce jardin a alimenté pendant trois siècles les cuisines du séminaire. Le séminaire et son jardin, toujours occupés par les sulpiciens, ont statut de site patrimonial. Le Plan de conservation et de restauration du site du Séminaire de Saint-Sulpice (PCR4S) a été élaboré en 2004 par l’urbaniste Gérald McNichols Tétreault, pour le compte des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal, lesquels, après avoir adopté ce plan et obtenu l’aval du ministère de la Culture et des Communications, lui en ont confié la mise en œuvre (fig.1). La mise en œuvre du PCR4S est financée conjointement par les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal et le ministère de la Culture et des Communications du Québec. Un comité scientifique pluridisciplinaire a été formé afin d’assurer le suivi critique et scientifique du projet. Les professeurs Louise Letocha et Philippe Poullaouec-Gonidec, ainsi que le doctorant Loïc D’Orangeville sont les scientifiques invités, tandis que les experts professionnels du ministère de la Culture et des Communications en architecture et archéologie, Catherine Michon, Chantal Grisé et Bernard Hébert, à la suite d’Anne-Marie Balac et de Gérald Savoie, complètent l’équipe des membres permanents. Des consultants professionnels en archéologie, architecture et architecture de paysage participent aussi au Comité scientifique. En 2009, monsieur Owen Mc Swiney, diplômé en architecture du University College de Dublin, s’est vu confier la synthèse infographique des relevés

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architecturaux, archéologiques et paysagers. Au fur et à mesure des découvertes effectuées sur le chantier, l’expert en archéologie architecturale François Gignac est chargé d’effectuer les relevés et l’interprétation des vestiges mis au jour. Le projet de conservation et de restauration de la couverture d’ardoise et de la charpente historique de bois de la toiture a été entrepris en 2005. Il a fait appel successivement à la contribution des architectes Nicolas Blais, Gilles Lavigueur et Jules Auger, à l’ingénieur Franz Knoll, aux conservateurs Éric Millette, Jérôme Morissette, Alain Dejeans et Alain Prince. Les travaux de restauration de la couverture ont été confiés à l’entreprise Couvreur Verdun et ceux de charpente à l’entreprise Praxi (fig. 2).

Fig. 2 : Vue montrant la restauration des corniches de pierre, des coyaux et de la poutre de brisis de l’ancienne mansarde constituant l’avant-toit de la façade sur le côté jardin du séminaire, 18 septembre 2007.

L’ardoise de couverture, qui reprend les caractéristiques de l’ardoise importée d’Angers en 1687, provient de la carrière de la société Glendyne, située à Saint-Marc-du-Lac-Long au Québec. La société Maçonnerie Rainville et frères s’est vu confier la restauration et le ravalement des souches de cheminées et des anciennes corniches de pierre taillée. Grâce à la mise au jour de surfaces intactes de maçonnerie datant du début du XVIII

e siècle, les

conservateurs de Technipierre-Héritage ont été en mesure d’effectuer l’analyse de fragments de l’ancien enduit, rendant possible la restauration des caractéristiques originales de l’apparence extérieure du séminaire. Les résultats obtenus correspondent à l’iconographie ancienne disponible. Les travaux de couverture ont été complétés en 2011 et les travaux restauration de la charpente se poursuivront jusqu’à la fin de 2013. La remise en fonction de la sonnerie de l’horloge ancienne du séminaire a nécessité la restauration du campanile et

du dispositif du carillon (fig. 3).

Fig. 3 : Détail de la façade de la cour d’honneur du séminaire montrant l’har-monie géométrique retrou-vée de l’ensemble du cadran, du carillon et de la paire de lucarnes latérales, 20 juin 2012.

La programmation de la sonnerie, basée sur l’étude des sources historiques, a fait appel à l’aimable collaboration de la musicologue Élisabeth Gallat-Morin. Au terme de cette intervention, la sonnerie autrefois réputée de l’horloge du séminaire a pu retrouver sa place dans le paysage sonore du Vieux-Montréal. L’une des composantes les plus fondamentales du site est son jardin historique situé du côté sud de l’édifice. Ce jardin, dont les dimensions et la composition correspondent à ceux des jardins des hôtels particuliers parisiens, a une double vocation à la fois ornementale et agricole. Sa restauration, amorcée lors des campagnes archéologiques de 2009 et 2010, implique l’expertise de l’architecte Luce Lafontaine et de l’architecte de paysage Peter Soland, celle des archéologues d’Archéotec et la reprise du travail d’analyse historique des espèces végétales entreprise par le regretté biologiste André Bouchard. Le programme d’intervention prévoit en 2013 la restauration du bassin central et de sa fontaine (fig. 4).

Fig. 4 : Vue d’ensemble de l’ancien bassin central du jardin du séminaire mis au jour au cours de la campagne de fouilles archéologiques de l’été 2009, 1

er septembre 2009.

Suivront la restauration de la plateforme d’observation du jardin et le dégagement de l’accès sous la voûte de cette plateforme qui reliait autrefois les caves du séminaire au jardin. Un scénario visant la restauration des composantes paysagères, fruitières et potagères du jardin et prenant en compte le contexte contemporain est en cours d’élaboration. Gérald McNichols Tétreault, urbaniste, conservateur en chef des biens immobiliers du site du Séminaire de Saint-Sulpice 13 mars 2013

Regards sur les collections sulpiciennes

Sous la loupe des archives

Débutons par une devinette : quels liens unissent la croix du mont Royal, la grotte de Notre-Dame de Lourdes de l’ancien Séminaire de philosophie, la crypte du Grand Séminaire de Montréal et la chanson « Les noms canadiens »?

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Un seul. En fait, une seule personne : monsieur Pierre Dupaigne, sulpicien, architecte, naturaliste, enseignant, aumônier, caporal-infirmier, photographe. Un touche-à-tout du début du XX

e siècle.

Un peu sur la vie de M. Dupaigne, p.s.s. M. Pierre Dupaigne est né le 26 juillet 1872 à Paris, rue d’Arras, dans une paroisse prédestinée, celle de Saint-Sulpice. Il est le quatrième d’une famille de sept enfants : trois frères et trois sœurs, dont l’une sera religieuse chez les Sœurs de Sion. La passion qu’entretient M. Dupaigne pour les sciences semble héritée de son père. Albert Dupaigne, fils d’un teinturier de Caen, s’installe à Paris pour étudier à l’École normale supérieure d’où il est agrégé ès sciences. Ensuite, il travaille comme inspecteur honoraire à l'Université de Paris et enseigne au Collège Stanislas de Paris. Son fils, Pierre, y est admis et y obtient son baccalauréat ès sciences. Il étudie par la suite à l’Institut catholique de Paris, puis poursuit à la Sorbonne, où il obtient une licence en sciences physiques, en 1895, et une licence en sciences naturelles en 1901. Par ailleurs, le milieu familial semble propice au développement de sa fibre « artistique », entre autres pour la musique et le chant qu’il enseigne plus tard au Canada. Par son père, d’abord, qui l’amène à la tribune de l’orgue de l’église Saint-Sulpice. Et par sa mère, aussi, bien qu’aucune source ne mentionne l’intérêt de Vittoria Balze pour les beaux-arts et le dessin. Or, une petite recherche nous dévoile que celle-ci, née à Rome et baptisée à la basilique Saint-Pierre, est la fille du peintre Paul Balze (1815-1884), un élève du célèbre Jean Dominique Auguste Ingres (1780-1867) et un copiste des œuvres de Raphaël. Il paraît que Vittoria aurait servi de modèle à son père pour des angelots. La vocation sulpicienne de M. Dupaigne

Pierre Dupaigne, sous l’influence de son père, un catholique convaincu, consacre ses temps libres au patronage de Notre-Dame de Nazareth, une œuvre qui veut favoriser le développement social et spirituel des jeunes. Selon ses propos, c’est là qu’il trouve sa vocation. En octobre 1895, il entre en théologie au Séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Tonsuré le 11 juin 1897, il est ordonné trois ans plus tard, le 22 décembre 1900, par M

gr Leroy. Le

lendemain de son ordination, il aurait célébré la messe à la chapelle des Carmes.

M. Dupaigne est admis dans la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice en 1902. La même année, il arrive à Montréal où il passera 51 années, dont 40 au profit des étudiants du Séminaire de philosophie (fig. 1). Il effectue quelques séjours en France, notamment pour une « affaire d’État » et pour revoir sa famille (fig. 5). Au cours de son passage au Séminaire de philosophie, de 1902 à 1942, il enseigne le chant, la physique, les

sciences naturelles et le français. La géologie, l’astronomie et la botanique ne lui sont pas étrangères non plus, si l’on

se fie aux cahiers de reprises d’examens dont il est responsable en 1942. Fig. 1 : MM. Pierre Dupaigne, p.s.s. (à droite) et Louis-Marie Lepoupon, p.s.s. (assis), accompagnés d’un marin, vers 1917.

Il partage ses connaissances et ses intérêts pour les voyages, les beaux-arts et l’Histoire sainte avec ses élèves par le biais d’une collection d’images fixes qu’il projette et commente. Aux dires d’un de ses anciens élèves, M. Dupaigne se plaisait à raconter qu’ainsi il « ouvrait des fenêtres » sur la culture générale. En 1949, lors du 25

e anniversaire de la croix du mont

Royal, un journal montréalais publie un article sur le projet que M. Dupaigne avait présenté en 1924, lors du concours visant à commémorer l’érection d’une croix sur la montagne par M. Paul de Chomedey de Maisonneuve (fig. 2). En posant ce geste, en 1643, le gouverneur obéissait au vœu qu’il avait fait à la Vierge si elle sauvegardait la ville d’une inondation. Le projet du sulpicien est d’élever une structure illuminée de 150 pieds de haut, dans laquelle les gens peuvent monter et voir la ville sous tous ses angles. On lui attribue d’autres projets à l’extérieur de Montréal : les croix du Bic et de Shawinigan, ainsi qu’un monument dédié au Sacré-Cœur, à Sainte-Élisabeth de Joliette.

Fig. 2 : M. Pierre Dupaigne, p.s.s. au pied de la croix du mont Royal, 1926.

À Montréal, il conçoit la grotte du Séminaire de philosophie (fig. 3), dont les travaux débutent en 1907, et une autre grotte au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. On lui doit

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aussi les plans initiaux du premier externat classique des Sulpiciens : le collège André-Grasset.

Fig. 3 : Grotte de Lourdes du Séminaire de philosophie lors de la visite du supérieur général, M. Henri Garriguet, p.s.s. (assis au centre), 8 novembre 1910.

Retenons une autre facette de ses activités : l’Oeuvre de vacances du Lac Gémont (fig. 4). En fait, il est l’ardent promoteur de ce projet avec cinq de ses confrères en 1919. Cet été-là, le camp accueille ses premiers séminaristes dans les bâtiments existants. Les années suivantes, M. Dupaigne dessine les plans de nouveaux bâtiments et en améliore d’autres, y compris la chapelle qui, une fois déplacée, est dotée d’un clocher en 1926. Pendant un certain temps, un lac à proximité porte son nom : le lac Dupaigne !

Fig. 4 : MM. Pierre Dupaigne, p.s.s., Dosithée Lalanne, p.s.s. et un jeune garçon au sommet d’une montagne surplombant le lac Gémont, avant 1924.

Son intérêt pour le chant, sa curiosité et son attachement pour son pays d’adoption l’amènent à composer des chansons. « Les noms canadiens », dont il signe les paroles et la musique, fait partie du répertoire du folklore canadien-français, que M. Charles Marchand (1890-1930), l’un des premiers folkloristes du XX

e siècle fait connaître.

Cette chanson trouve sa place dans les célèbres cahiers de La Bonne Chanson, de l’abbé Gadbois. M. Pierre Dupaigne s’éteint paisiblement dans la nuit du 29 au 30 janvier 1953 à l’Hôtel-Dieu de Montréal. Il est inhumé dans la crypte du Grand Séminaire qu’il avait d’ailleurs aidé à réaménager.

Traitement des documents iconographiques Une aide financière de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, dans le cadre du Programme de soutien au traitement des archives, nous a permis d’entreprendre l’organisation des archives iconographiques de M. Dupaigne. Nous avons ainsi recensé 1 785 négatifs et positifs gélatino-bromure d’argent sur plaques de verre et sur pellicules de plastique. Elles étaient rangées dans 43 contenants anodins tels que des boîtes de « Chocolats Laura Secord » ou de cigares « House of Lords ». De ce nombre, 682 images produites par M. Dupaigne ont été nettoyées, identifiées, numérisées et décrites. Nous avons identifié des lieux, des événements, des dates et des personnes sur les clichés. Quelques plaques de verre commerciales, acquises par M. Dupaigne, ont été échantillonnées et ajoutées, puisque ce dernier les utilisait pour son enseignement et pour ses fameuses activités.

Fig. 5 : Le personnel du train sanitaire PLM n

o 16 au printemps

1916. M. Dupaigne, p.s.s. (1re

rangée, à droite) a été caporal-infirmier durant la Première Guerre mondiale, 1916.

Nous ne saurons jamais le nombre exact de clichés réalisés par M. Dupaigne. Mais ce que nous conservons porte sur sa famille, ses confrères sulpiciens, sa vie au Séminaire de philosophie, ses visites au Collège de Montréal et au Grand Séminaire, ses excursions au lac Gémont et à Oka, ainsi que ses voyages en France, en Italie et dans l’Ouest canadien avec des géologues. Ces images sont d’autant plus importantes que nous détenons peu d’archives textuelles de M. Dupaigne. Elles sont de véritables petits trésors, tant pour l’histoire personnelle de ce sulpicien que celle des Prêtres de Saint-Sulpice, de la ville de Montréal et de ses environs. Le département des archives

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De la glace et des livres : le cas de l'explorateur John Franklin

Fig. 1 : Sir John Franklin (1786-1847).

Source : Wikipedia

Connaissez-vous l'histoire tragique de Sir John Franklin (1786-1847)? Cet explorateur britannique du XIX

e siècle

qui se perdit dans les eaux glaciales de l'Arctique avec son équipage, lors de l’une de ses expéditions à la recherche du mythique passage du Nord-Ouest? Assurément, me direz-vous, bon nombre de documentaires et de reportages foisonnent à la télévision depuis quelques années. Dans un contexte de réchauffement climatique ayant pour corollaire le rétrécissement de la banquise arctique canadienne, la recherche des bateaux de John Franklin connaît un nouvel engouement de la part du gouvernement fédéral, des scientifiques et de la population canadienne. Le contexte politique place l’Arctique au cœur des préoccupations canadiennes car plusieurs pays convoitent ce territoire, plus particulièrement la Russie, pour des motifs géographiques et économiques. Le site Internet de Radio-Canada contient un dossier complet sur les voyages de Franklin et sur des tentatives pour retrouver les épaves au fond de l'eau. Depuis une vingtaine d'années, un intérêt accru se manifeste également du côté des publications historiques. À ce chapitre, citons l’ouvrage d’Anne Pons au titre fort évocateur, John Franklin : l'homme qui mangea ses bottes (Paris : Fayard, 2009). Quel lien cela peut-il bien avoir avec le département des livres rares? Ce rapport peut s'examiner sous le prisme de la bibliothéconomie. Est-ce que des sulpiciens du XIX

e

siècle s'intéressèrent aux récits et péripéties de l'explorateur anglais? À en juger par la littérature de voyage présente au département des livres rares, tout indique que la communauté sulpicienne ne fut pas de glace en regard des aventures de Franklin dans l'Arctique canadien. Plusieurs ouvrages présents sur nos rayons témoignent de l'intérêt de prêtres de Saint-Sulpice pour les découvertes de Franklin au nord du 60

e parallèle. Il ne

faut pas s'étonner de cette attention car, à l'époque, les expéditions successives de Franklin tinrent en haleine les contrées de l'espace Atlantique Nord. Le récit de ses découvertes alimentait les esprits érudits par une description étoffée du territoire et des moeurs de ses habitants, les Esquimaux.

Sommairement, nous pouvons dire que le Catalogue Olier du département des livres rares contient huit titres ayant pour sujet John Franklin. Il ne faut pas oublier que la collection Saint-Sulpice à Bibliothèques et Archives nationales du Québec (BAnQ), qui appartenait autrefois aux Sulpiciens, comprend une vingtaine d’ouvrages sur les expéditions de Franklin dans l’Arctique. Pour cet article, notre choix s’est arrêté sur trois titres conservés par le département. Dans la première moitié du XIX

e siècle, la Grande-

Bretagne cherche un moyen plus rapide pour rejoindre le Pacifique en passant par les mers polaires. Cette tâche est dévolue à l’officier de marine John Franklin qui effectue plusieurs voyages, non sans certaines difficultés, dans l’Arctique canadien. Toutefois, il n’est pas seul dans cette quête. Au cours de l’année 1825, le capitaine Frederick William Beechey poursuit ce même but de trouver le passage du Nord-Ouest. C’est ce que nous révèle un ouvrage présent au département : A narrative of the voyages and travels of Captain Beechey, R.N. F.R.S. &c., to the Pacific and Behring's Straits, performed in the years 1825, 26, 27 and 28 : for the purpose of co-operating with the expeditions under Captains Parry and Franklin, and Captain Back … (Londres : W. Wright, 1836) Passant par l’Arctique, Beechey tente de ravitailler les expéditions de Parry et de Franklin. Beechey, habile dans l’art du croquis, dessine de nombreuses scènes maritimes lors de ses voyages.

Fig. 2 : Des Esquimaux de Hotham Inlet.

Source : BEECHEY, Frederick William. -- A narrative of the voyages and travels of Captain Beechey, R.N. F.R.S. &c., to the Pacific and Behring's Straits. – Londres : W. Wright, 1836. – 704 p.

Entre 1818 et 1845, Franklin se rendit dans l’Arctique à plusieurs reprises. Il ne revint jamais de la dernière expédition qui coûta la vie à tout son équipage. Dans l’histoire de la navigation, les relations des voyages effectués par Franklin dans les mers polaires au tournant des années 1820 sont très importantes. On les trouve sous le titre : Narrative of a journey to the shores of the Polar Sea, in the years 1819, 20, 21, and 22 (Londres : John Murray, 1823). À sa sortie des presses, l’ouvrage reçut immédiatement un accueil triomphal et devint par la

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suite un classique de la littérature de voyage. Ses multiples aquatintes en couleur nous montrent des scènes de la vie quotidienne des Autochtones du nord ainsi que la faune et la flore de l’Arctique. Dans le contexte actuel, ce genre d’ouvrage en sciences naturelles est très prisé des collectionneurs.

Fig. 3 : Vie quotidienne à l’intérieur d’une tente indienne.

Source : FRANKLIN, John. -- Narrative of a journey to the shores of the Polar Sea […] – Londres : John Murray, 1823. – 768 p.

En 1847, n’ayant plus de nouvelles de l’explorateur, le gouvernement britannique mobilisa des ressources extraordinaires afin de trouver Franklin et ses hommes. Pendant plus d’une dizaine d’années, une cinquantaine d'expéditions tentèrent en vain de les retrouver dans le nord canadien. Ces recherches contribuèrent à améliorer l'état des connaissances sur la région et entraînèrent la publication de nombreux ouvrages traitant des découvertes faites dans les eaux de l'Arctique. Les navires étaient équipés de presses qui servaient à imprimer des messages destinés à John Franklin et à son équipage qu'on espérait toujours en vie. Ils fournissaient des renseignements sur la localisation des bateaux et le lieu d'enfouissement de leurs provisions. L'imprimerie fut ainsi mise à contribution sur un navire durant ces années de recherches intensives comme jamais auparavant. Les navires amiraux d'Edward Belcher, l'Assistance et le Resolute avaient à leur bord, eux aussi, de petites presses à imprimer pour produire des «messages aérostatiques».

Fig. 4 : La traversée des canots entre la glace et l’eau.

Source : BELCHER, Edward. -- The last of the Arctic voyages […] – Londres : Lovell Reeve, 1855. – 2v.

Le récit de l’expédition d’Edward Belcher est raconté dans le troisième ouvrage qui se trouve au département, The last of the Arctic voyages : being a narrative of the expedition in H.M.S. Assistance, under the command of Captain Sir Edward Belcher, C.B., in search of Sir John Franklin, during the years 1852-53-54 : with notes on the natural history (Londres : Lovell Reeve, 1855). Le froid arctique est perceptible dans le choix des couleurs utilisées dans les nombreuses lithographies que l’on trouve à l’intérieur des deux tomes de cet ouvrage. Les plats intérieurs contiennent la signature du supérieur sulpicien Léon Villeneuve (1808-1873). M. Villeneuve avait une réputation de fin connaisseur pour avoir établi les riches collections d’histoire naturelle du Collège de Montréal. Fait surprenant, les cahiers de ce précieux livre ne furent jamais tranchés, ce qui indique que son possesseur n’en fit jamais la lecture, ni aucune personne après lui. Cet ouvrage alla sur les tablettes pour y être oublié pendant près d’un siècle et demi.

Bref, les Sulpiciens eurent le flair d’acquérir des ouvrages hors du commun qui se démarquaient par leur contemporanéité, par la richesse de leur récit et par la finesse des illustrations que recèlent chacun de ces livres. Désormais, notre devoir est de conserver et de mettre en valeur ce riche héritage que des sulpiciens d’une autre époque ont légué à la communauté. F.S.

Ex-libris de George Washington : précision

Dans mon dernier article sur l’ex-libris de George Washington, je mentionnais que la bibliothèque présidentielle comptait près de 2 000 volumes. Or, après avoir obtenu des informations plus précises du Mount Vernon Estate, Museum & Gardens, il appert que la collection de George Washington contenait près de 1 300 volumes. Les chiffres inscrits entre parenthèses dans mon article comprenaient non seulement des livres mais aussi d’autres documents imprimés ainsi que des documents d’archives. Ce qui explique pourquoi mon calcul dépassait le nombre réel de livres de la bibliothèque du président. Par ailleurs, la bibliothécaire, Michele Lee, a qualifié en ces mots notre découverte d’un ouvrage portant l’ex-libris de George Washington dans les collections sulpiciennes: «This is an interesting find». Cette trouvaille aura finalement trouvé écho… jusqu’en Virginie! F.S.

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Le legs d’argenterie de Mgr de Pontbriand

Peu après la capitulation de Québec en septembre 1759, l’évêque du diocèse de Québec, M

gr Henri-Marie Du Breil

de Pontbriand (1708-1760), quitta la capitale pour venir se réfugier à Montréal. Après avoir été reçu à l’Hôpital Général des Sœurs de la Charité, il fut l’hôte du séminaire de Montréal pendant un peu moins de huit mois, car la maladie, qui le minait, provoqua son décès le 8 juin 1760. Le séjour de l’évêque resta gravé dans la mémoire des Messieurs de Saint-Sulpice. À tel point que, pendant plus d’un siècle, ils conservèrent dans « la chambre de l’évêque» certains des meubles et des objets qu’il leur avait légués. Selon les dernières volontés du prélat, le séminaire avait hérité en effet de ses papiers secrets, de ses livres, de ses meubles, de ses provisions et de ses effets personnels, à l’exception de « ses habillements » et de son « linge d’église ». La donation au séminaire comprenait aussi de l’argent en espèce et son « argenterie » religieuse et civile, sauf pour quelques menus objets que l’évêque avait destinés à ses deux sœurs (religieuses de l’ordre de la Visitation) et à des compatriotes bretons, soit son secrétaire, l’abbé Jean-Olivier Briand, et M. de La Motte-Piquet, commandant de vaisseau de la marine française. Le contenu de la donation d’argenterie Grâce à l’inventaire après décès dressé par le notaire Danré de Blanzy, nous pouvons détailler le contenu de la donation d’argenterie du prélat. Elle comprenait :

- Une crosse et son bâton couvert de feuilles d’argent

- Un calice et sa patène - Des plats - Deux flambeaux - Une écuelle - Des cuillères à potage, à bouche et à ragoût - Des fourchettes - Sept couteaux de table à manche d’argent - Une boîte à savonnette - Deux bagues montées sur argent - Cinq bagues montées en or - Une montre avec son boîtier d’or guilloché - Une paire de boucles de souliers en argent - Une paire de boucles de culottes en argent - Deux écritoires en argent haché complets - Une petite boîte en argent avec sa bourse (pour le

saint chrême) - Une paire de flambeaux en argent haché avec

leurs girandoles - Une paire de flambeaux « dite Vieil » - Deux bougeoirs avec leurs binets d’argent haché - Un martinet (sorte de bougeoir à long manche) et

deux plus petits martinets en argent haché - Un plat à barbe en argent haché - Un chandelier d’étude avec mouchettes et

éteignoir en argent haché - Deux sucriers en argent haché

- Quatre couteaux à manche de nacre de perle, garni d’argent

- Deux garnitures de boutons à feuilles d’argent pour habit

- Quatre garnitures à feuilles d’argent pour veste.

Les pièces identifiées à ce jour Étant donnée l’importance du personnage, on aurait pu s’attendre à ce que sa donation soit conservée intacte jusqu’à nos jours. Or, tel n’a pas été le cas. Au cours des ans, des objets ont été égarés, d’autres n’ont peut-être pas encore été localisés ni même identifiés proprement. Si bien que ce qui reste aujourd’hui ne représente en fait qu’une infime portion du don original. Fort heureusement, la pièce la plus importante a été préservée. Il s’agit bien sûr de la crosse épiscopale de M

gr de Pontbriand.

La nomination du grand vicaire de Saint-Malo au titre d’évêque de Québec avait été faite officiellement le 19 décembre 1740. Le 6 mars 1741, le pape Benoît XIV lui avait accordé ses bulles. Le 9 avril, le nouvel évêque avait été consacré à Paris, alors qu’il résidait au séminaire de Saint-Sulpice. Le 16 mai, M

gr de Pontbriand avait quitté la

capitale en direction de La Rochelle, où il s’était embarqué sur le Rubis, le 7 juin 1741. C’est durant son séjour à Paris qu’il avait commandé sa crosse et d’autres de ses effets personnels. Le poinçon de l’orfèvre qui a façonné la crosse n’y apparaît plus. Cependant, les marques apposées à l’époque, relatives aux taxes imposées sur l’argent, confirment l’origine parisienne de l’objet et sa datation vers 1741. Entièrement recouverte de feuilles d’argent martelé, la crosse se couvre, étrangement, de deux décors différents. Au sommet, le crosseron présente un treillis losangé orné de fleurons (fig.1). Sur le bâton, une résille plus fine est parsemée plutôt de fleurs de lys, (fig. 2). La présence, sur la partie supérieure du bâton, du poinçon de l’orfèvre canadien François Ranvoyzé (1739-1819) a fait supposer qu’il l’avait réparé quand M

gr Jean-Olivier Briand

s’en était servi durant son épiscopat (1766-1794). Mais on peut se demander aussi si Ranvoyzé n’aurait pas entièrement refait le recouvrement du bâton?

Fig. 1 et 2 : Crosse épiscopale de Mgr de Pontbriand (détails).

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Quand on compare la crosse de Mgr

de Pontbriand à une aiguière (fig.3) qui ne figurait pas dans son inventaire après décès, mais qui lui a bel et bien appartenu (ses armoiries y sont gravées sur le devant du col), on ne peut qu’être frappé par la similitude du décor à fleurons qui la rapproche du crosseron, mais non du bâton de la crosse. D’où l’interrogation sur l’origine de ce motif à fleurs de lys.

Fig. 3a : Aiguière (détail).

Fig. 3 : Aiguière, v. 1740-1742.

Le calice de l’évêque, ses plats, ses flambeaux, ses écritoires et tous ses autres objets en argent manquent encore à l’appel, sauf pour quelques couverts qui ont été conservés jusqu’à nos jours. M. Louis Bouhier, p.s.s., (1867-1949), fondateur du Musée Notre-Dame, peut en être remercié. Dès l’ouverture de son musée, le 7 juin 1937, il y exposa en effet tout un assortiment de « vieille argenterie de table ». Et pour longtemps semble-t-il, car le catalogue de 1961 indique que des cuillères et des fourchettes, provenant de Saint-Malo ou ornées des armes de M

gr de Pontbriand, s’y trouvaient encore à cette date,

ainsi que sa crosse et d’autres pièces de son legs. Dans son inventaire de 1760, le notaire Danré de Blanzy mentionnait sept couteaux de table à manche d’argent. Or, à ce jour, nous n’en avons retrouvés que trois (fig. 4). Tous arborent sur leur manche les armes du prélat, bien que très effacées. Leurs lames sont gravées au nom de Shaw ce qui pourrait indiquer qu’elles ont été refaites à une certaine époque. Fait à signaler : l’éditeur montréalais Louis Carrier (1898-1961) eut un couteau de l’évêque dans sa collection. En 1959, cette collection fut acquise par le Musée du Québec (actuel Musée national des beaux-arts du Québec).

Fig. 4 : Un des trois couteaux de table que nous conservons.

Outre nos trois couteaux, nous n’avons retrouvé à ce jour qu’une seule fourchette (ébréchée), deux cuillères à ragoût et cinq cuillères à potage, dont une qui vient à peine de refaire surface. Les deux cuillères à ragoût ont été façonnées à Saint-Malo en 1741. L’une d’elles est clairement identifiée au maître orfèvre Pierre-Josselin Hamon, sieur de la Bréhaudais (1705-1742), qui eut son atelier à Saint-Malo à compter de 1729. Les cinq cuillères à potage proviennent, quant à elles, de chez Jean Gouel, maître orfèvre à Paris et à Tours à compter de 1722. Henry Nocq nous signale sa présence à Paris en 1739 (Le Poinçon de Paris, 1968). La question qui se pose évidemment est de savoir si M

gr de Pontbriand fit appel au

même orfèvre parisien pour la fabrication de ses couteaux et d’autres pièces de son orfèvrerie épiscopale? La réponse à cette question se trouve peut-être dans un simple pot à sucre appartenant au musée du Louvre (fig. 5). Il fut réalisé en 1710-1711 par Gilles Gouel, le père de Jean, qui avait été reçu maître orfèvre en 1694 et travailla à Paris jusqu’en 1743. Le père aurait-il aidé le fils dans la réalisation de la commande du prélat? Il est trop tôt pour le dire. Pour l’instant et pour conclure, laissons simplement parler l’image que voici :

Fig. 5 : Gilles Gouel (m.o. 1694), Pot à sucre (détail)

(C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi.

H.S.

L’Univers en bref Bulletin de la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice Pour consulter les numéros précédents : www.sulpc.org/ucss 116, rue Notre-Dame Ouest 2065, rue Sherbrooke Ouest Montréal (Québec) H2Y 1T2 [email protected] Montréal (Québec) H3H 1G6 Collaboration spéciale : Gérald McNichols Tétrault Équipe de production : David Émond, Caroline Laberge, Marc Lacasse, Frédéric Santerre, Hélène Sicotte. Crédits photo : Le Plan… figures 1 à 4 : Gérald McNichols Tétreault. Sous la loupe… fig 1 à 5 : UCSS. De la glace… fig. 1 : wikipedia : fig. 2 à 4 : Pascale Bergeron. Le legs… fig. 1 à 3 : Pascale Bergeron.