Lascience,quelleaventure?...Cahier du«M onde»N o 22087 datéMercredi2 0j anvier 2016N ep...
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Cahier du « Monde » No22087 datéMercredi 20 janvier 2016 Ne peut être vendu séparément
Lascience,quelleaventure ?Lesgrandesexpéditions,commelevoyagedeDarwinautourdumonde,onttoujoursconstituéunpuissantmoteurscientifique.Cettetraditionrenaît.
Mais,entrelesexigencesmédiatiques,pédagogiquesetdesponsoring,cesopérationsserventellesaumieuxlarecherche?Enquête.PAGES 4-5
Toucher l’autre, c’est toutbénéfice
L’observatoire Awipev, dans l’Arctique, sert de base pour de nombreux programmes de recherche. PAOLO VERZONE/VU POUR «LE MONDE»
PORTRAIT
LES COMBATS DU MÉDECIN 2.0DOMINIQUE DUPAGNE
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NUMÉRIQUE
DE VIEILLES ANTENNESAU SECOURS DU GPS
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HÔPITAL
EN PREMIÈRE LIGNE FACEAUX RÉSISTANCES BACTÉRIENNES
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c a rt e b l an ch e
AngelaSiriguNeuroscientifique,
directrice de l’Institut de sciencecognitiveMarcJeannerod,département neuroscience(CNRSuniversité LyonI)
U nhomme choisitil sa femme en se rappelant la douceur soyeuse des cheveux samère? C’est en tout cas l’hypothèse formulée en 1932 par Roy Sheldon et Egmont
Arens, deux pionniers du design industriel qui voulaient illustrer l’importance de lamémoire des premières sensations tactiles et son intérêt dans le domainedumarketing. Parmi nos sens, le toucher est celui dontnous sommes lemoins conscients, alors que c’est unmoyen direct d’action sur lemonde physique et social.Le simple fait d’effleurer quelqu’un demanière amicale peut avoir plus d’impact qu’un échange verbal.C’est l’«effetMidas» (ce roi qui transforme en or toutce qu’il touche),mis en évidence dans les années 1980par la psychologue April Crusco, de l’université duMississippi, avec une expériencemontrant que les serveurs de restaurant ont de plus gros pourboires s’ilstouchent l’épaule du client en présentant l’addition.Le toucher social est inscrit au plus profond de notre
histoire naturelle. Observés dans de nombreuses espèces animales, les contacts tactiles ont été étudiés chezles primates, qui pratiquent l’épouillagemutuel, l’équivalent de nos câlins etmassages. En effet, s’il ne s’agis
sait que d’une pratique hygiénique, on s’attendrait àce que la durée de l’épouillage varie avec la taille desurface à entretenir. Or, il n’en est rien, les gros ne sontpas épouillés plus longtemps que les petits, et la fréquence des séances dépasse largement le strict nécessaire pour garantir une fourrure propre. La sélectionnaturelle opérant selon des principes plutôt rationnels, la raison d’un tel investissement (jusqu’à deuxheures par jour!)mérite d’être posée. Le temps sacrifiépour les activités plus «sérieuses» comme la recherche de la nourriture doit bien être compensé par desbénéfices d’un autre ordre. Quels sontils?Lesmouvements d’épouillage sont rythmiques
et alternent de vifs pincements de la peau et descaresses amples et douces. Ces dernières activent desfibres sensorielles (fibres tactiles du groupe C), nonmyélinisées et à vitesse de conduction lente, dont lesprojections terminent dans l’insula et le cortex orbitofrontal. Des études ontmontré que l’activité de toilettage provoque la sécrétion d’endorphine et d’oxytocine, ces systèmes neuroendocriniens impliquésdans des fonctions telles l’analgésie, le plaisir, l’attachement social. On observe aussi un abaissement de
la tension artérielle et du tonus parasympathique,et un état de bienêtre et de relaxation.Voilà pour les effets directs.Mais quel avantage sélec
tif un tel souci du bienêtre d’autrui procuretil? L’anthropologue RobinDunbar (université d’Oxford) évoque l’hypothèse du cerveau social. Les primates sedistinguent des autresmammifères par un très groscerveau rapporté à la taille du corps, et, lorsqu’on compare différentes espèces, par une forte corrélation entre volume cérébral et complexité des structures sociales. Les primates humains et non humains établissentdes relations fortes et de longue durée avec leur partenaire de reproduction,mais aussi avec de nombreuxautresmembres de leur groupe. Ces relations doiventêtre gérées finement afin de préserver les coalitions etles équilibres nécessaires à la survie individuelle et àla cohésion du groupe. Une relation non reproductivedurable, autrement dit une amitié, ça se cultive. Letoucher social, selonDunbar, est peutêtre la solutionqu’a trouvée l’évolution pour créer un environnementpsychopharmacologique propice à l’établissement dela confiance réciproque et au renforcement des liens.Prêts pour un câlin gratuit? p
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2 | 0123Mercredi 20 janvier 2016 | SCIENCE &MÉDECINE | A C T U A L I T É
L’antibiorésistance,menacemondiales a n t é p u b l i q u e | Devantl’accroissementrapidedelarésistanceauxantibiotiques, lesmédecinshospitaliers
tirentlesignald’alarme.L’enjeu ?RéduirelaconsommationdecesmédicamentsenFrance
pascale santi
A u bout du couloir du servicemaladies infectieusesdu centrehospitalier de VilleneuveSaintGeorges (ValdeMarne), un panneaumentionne «Isolement trèsstrict», en français, anglais,
arabe. Un sas sépare deux chambres isolées. Al’entrée, des masques. A l’intérieur, deux patients chez qui des bactéries multirésistantesont été identifiées dans le tube digestif. Cesmalades doivent donc être isolés afin d’éviter la dissémination des bactéries. L’un est arrivé pourune insuffisance respiratoire, l’autre a effectuéplusieurs séjours hospitaliers à l’étranger. Danschacune des 31 chambres de ce service, dirigépar le docteur Olivier Patey, figure un pictogramme qui varie selon le type d’infection, debactéries et de virus (cutanés, pulmonaires, urinaires…) et lesmesures à prendre.Si des progrès sont à noter depuis dix ans
dans la diffusion de bactéries résistantes– comme le pneumocoque résistant à la pénicilline ou le staphylocoque doré résistant à laméticilline –, la situation se dégrade en ce quiconcerne les entérobactéries (bacilles), présentes dans le tube digestif de l’hommeoude l’animal, notamment les entérobactéries productrices de bêtalactamases à large spectre (EBLSE),et l’émergence de souches productrices de carbapénémases (EPC).On parle de résistance lorsqu’une bactérie
n’est plus mise hors de combat par unmédicament auquel elle était jusqu’ici sensible. Onpeut être porteur de ces bactéries et êtreasymptomatique. «Plus on prescrit d’antibiotiques et/ou plus on les prescrit longtemps, pluson modifie l’écosystème digestif, et plus onexerce un impact délétère sur la flore commensale (digestive, vaginale…)», explique le professeur Vincent Jarlier, bactériologiste à la PitiéSalpêtrière (APHP).
L’émergence de ces résistances bactériennesde haut niveau progresse et constitue un phénomène inquiétant. «Il y en avait peu il y a quelques années. Aujourd’hui, on en voit régulièrement», constate le docteur Olivier Patey. Ellessont surveillées depuis le milieu des années1990. C’est en 2004 que le premier épisode impliquant des EPC a en effet été signalé, précisel’Institut de veille sanitaire (InVS). Au 4 septembre2015, 2026 épisodes concernaient 3417 patients. S’ils se sont stabilisés en 2013, le nombrede signalements est reparti à la hausse, notamment depuis la fin de l’été 2015, ajoute l’InVS.Les EPC les plus fréquentes sontKlebsiella pneumoniae (59 % des cas) et Escherichia coli (34 %),
deux bactéries intestinales courantes. Cette résistance est bien supérieure dans d’autres payscomme la Grèce, l’Italie ou les pays d’Europe del’Est. En France, 158000 patients développent,chaque année, une infection liée à une bactérierésistant aux antibiotiques et 12500 en meurent, selon l’étude Burden BMR, de juin 2015,réalisée par l’InVS.«Il devient très difficile de prendre en charge
ces patients», constatent les cliniciens. Parexemple «E. coli, responsable denombreuses infections urinaires, est d’abord devenue résistante à l’amoxicilline, puis peu à peu aux céphalosporines de deuxième puis de troisième génération et désormais dans certains cas auxcarbapénèmes (classe d’antibiotiques des bêtalactamines). Ce qui peut aboutir à des impassesthérapeutiques», explique le docteur Patey.C’est le cas de l’un de ses deux patients. Poursoigner ces malades, les règles d’hygiène doivent donc être draconiennes. Des mesures élémentaires comme le lavage des mains sont essentielles, et encore trop souvent négligées.L’enjeu est de réduire la consommation d’an
tibiotiques chez l’humain comme chez l’animal, à nouveau en hausse depuis 2010, ce quedénonce la députée européenneMichèleRivasi.La France fait figure de mauvais élève et consomme 30 % de plus que la moyenne européenne. Tout le monde se souvient du slogan«Les antibiotiques, c’est pas automatique»,lancé en… 2001, mais il semble oublié. Les associations Le Lien et AC2BMR et la Société de
pathologie infectieuse de langue française veulent faire de l’antibiorésistance une grandecause nationale. Le mésusage est encore tropsouvent pointé du doigt, les antibiotiques étantsouvent prescrits pour traiter des infections virales, pour lesquelles ils n’ont aucune utilité.«Pour chaque traitement problématique, un
infectiologue est joignable tous les jours dansl’établissement, et de l’extérieur par l’intermédiaire du médecin de ville», précise le docteurPatey. Un bémol: «Notre spécialité est peu valorisée, et nos conseils aux autres services ne sontpas rémunérés. Nousmenons un combat avec lesyndicat des infectiologues pour valoriser cetteactivité.» Un enjeu d’autant plus fort qu’ilexiste peu de recherches. Certaines anciennesmolécules doivent être réutilisées.«Les superbactéries hantent les hôpitaux et les
unités de soins intensifs du monde entier», a récemment lancéMargaret Chan, directrice générale de l’Organisationmondiale de la santé, quiappelle à la mobilisation. Des problèmes deplus en plus aigus sont liés à des dispersions degermes multirésistants à travers la planète. EnChine, des chercheurs ont découvert chez leporc et l’homme des bactéries porteuses d’ungène rendant inefficaces certains antibiotiques,dont la colistine, donnés en dernier recoursquand les autres traitements ont échoué. Desrésultats jugés «extrêmement inquiétants» parle professeur Liu Jianhua, de l’université agricole de Canton, principal auteur de l’étude publiée le 18 novembre dans The Lancet Infectious
Diseases. Pour le professeur Jarlier, la lutte contre l’antibiorésistance s’inscrit dans un combatglobal au même titre que la lutte contre le réchauffement climatique. Ilmilite ainsi pour desactions visant à réduire la contamination del’environnement par les déchets humains etanimaux, et ce au niveaumondial. p
olivier dessibourg
«Le Temps», Lausanne
T rahir la confiance del’amitié, violer le plussaint de tous les pactes,(…) ce ne sont point là des
fautes, ce sont des bassessesd’âmeetdesnoirceurs.»L’histoirene dit pas si JeanJacques Rousseau fréquentait des primatologues. Mais le philosophe auraitprobablement été intéressé parles recherches de ceux de l’Institut Max Planck d’anthropologieévolutionniste de Leipzig (Allemagne). Cellesci montrentaujourd’hui, à travers des étudessur des chimpanzés, à quel pointl’amitié fondée sur la confianceest une inclination réciproqueancrée déjà chez l’ancêtre autantde l’homme que d’autres prima
tes. Autrement dit, que ce sentiment n’est de loin pas propre àHomo sapiens.Ces conclusions, publiées le
jeudi 14 janvier dans la revueCurrent Biology, nourrissent unchamp de recherches assez récent, nommé «économie comportementale», qui se focalisedavantage sur les comportements humains que seulementsur les forces abstraites desmarchés pour comprendre les prisesde décision en économie.
Soutenir la vie en groupeL’idée, comme le résume le cé
lèbre primatologue Frans deWaal (université Emoryd’Atlanta)dans un article du Scientific American, est de «montrer que les tendances et préoccupations économiques basiques de l’homme – la
réciprocité, la répartition desgains ou la coopération – ne sontpas l’apanage de notre seule espèce,mais qu’elles ont évolué chezd’autres animaux pour lesmêmesraisons que chez nous: aider chaque individu à tirer aumieux profit de ses congénères sans nuireaux intérêts communs qui soutiennent la vie en groupe».«Nous souhaitions vérifier si les
chimpanzés – parmi nos plus proches cousins, qui “descendent”d’unancêtre communavecHomosapiens il y a entre 5 à 7 millionsd’années, faisaient davantageconfiance aux pairs avec lesquelsils sont plus intimement liés», ditJan Engelmann, auteur del’étude. Son équipe a observé durant cinq mois 15 chimpanzés vivant dans un sanctuaire naturelkényan, afin d’identifier lesquels
avaient le plus d’affinités entreeux. Ils ont ensuite impliquédeux de ces primates, «amis» ounon, dans une expérience.Le premier avait le choix : soit
tirer vers lui une corde avec, aubout, une récompense immédiate sous forme de nourriture,mais de loin pas l’aliment qu’ilpréfère ; soit actionner un autrelien amenant un réceptacle, oùun mets de choix a été placé,vers son congénère, cela en espérant que ce dernier partage cefestin avec lui. En d’autres mots,le second cas présente le potentiel d’une situation gagnantgagnant intéressante, mais uniquement si le premier cobayefait confiance au second. Chaque singe a interagi douze foisavec ses amis, puis autant avecses «nonamis».
Au final, « les chimpanzésavaient largementplus tendanceàmettre volontairement les vivres àdisposition du partenaire de jeu– donc de choisir une option plusrisquée mais potentiellement plusjuteuse – lorsqu’il s’agissait d’unami», résume Jan Engelmann.«Ces résultats montrent que, chezles chimpanzés aussi, l’on tend àfaire plus confiance à un ami qu’àun congénère moins proche, commente Frans de Waal. De surcroît,ils montrent que les singes ne sontpas sensibles à une réciprocité immédiate. Cette conclusion peutsembler surprenante, tant l’accentest souvent mis sur ce conceptdans les recherchesanimales.Maisdans une amitié stable, humaineou simiesque donc, on ne fait passans arrêt le décompte des échanges de bons procédés, ce qui néces
siterait beaucoup de mémoire etd’énergie. En réalité, l’on mise surdes bénéfices à plus long terme.»Pour Jan Engelmann aussi, il ne
peut s’agir d’une «confiance stratégique»de lapart du singe tirantles ficelles ; on peut penserqu’après douze essais les cobayesen jeu auraient simplement puapprendre comment obtenir lameilleure nourriture. «Mais,dans ce cas, les statistiquesauraient dû être moins différenciées selon qu’on soit en présenced’amis ou pas.» Selon le primatologue, une forme de «confianceémotionnelle», fondée sur l’identité des partenaires, entre bien enjeu. «Un lien affectif au long coursdont il faut tenir compte lorsquel’on étudie des interactions sociales ponctuelles au sein de groupesd’animaux.» p
En France, 158 000 patientsdéveloppent, chaque année,
une infection liée à une bactérierésistant aux antibiotiques
et 12 500 enmeurent
La bactérie «Pseudomonas aeruginosa» (en bleu), responsable d’infections nosocomiales,résiste aux carbapénèmes, une classe d’antibiotiques. JUERGEN BERGER/SPL/COSMOS
Face auxbactériesmultirésistantes, les bactériophagesouphages (LeMondedu 16 juin2012) semblent prometteurs. Ces virus prédateurs naturels des bactériesfurent utilisés en France jusquedans les années 1960,puis oubliés, hormis enRussie et enGéorgie. Quelquespatients ont récemment été traités en France, parfoisde façon clandestine. Un essai clinique, coordonnéparl’hôpital Percy d’instructiondes armées, et soutenuparPherecydes Pharma, a débuté en juillet 2015. Il testedeux cocktails de bactériophages contre les infectionscutanées chez les grands brûlés. Aucun texte réglementaire européenn’autorise la phagothérapie, «mais nousespérons prochainement des autorisations temporairesd’utilisation de l’Agence nationale de sécurité dumédicament pour d’autres indications», indique le docteurOlivier Patey du centre hospitalier deVilleneuveSaintGeorges qui, avec lesHospices civils de Lyonet Pherecydes Pharma, a lancé début 2015 un essai de bactériophages contre les infections ostéoarticulaires duesaux staphylocoques. Un colloque, destiné à sensibiliserles pouvoirs publics sur l’intérêt de cette alternative,est organisé à l’Assembléenationale le 18 février.
Lesphages,unealternative?
L’amitiéchezlechimpanzé,unpactedeconfianceLeprimatesemontregénéreux,aurisquedetoutperdre,avecdescongénèresquiluisontproches
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A C T U A L I T É | SCIENCE &MÉDECINE | Mercredi 20 janvier 20160123 | 3
ClimatologieL’activité humaine pourraitretarder le prochain âge glaciaireLa prochaine glaciation pourrait êtrerepoussée à 100000ans, au lieu de50000ans, en raison des émissionsde dioxyde de carbone dues à l’activitéhumaine. C’est ce que prédit unmodèledéveloppé par une équipe germanosoviétique cherchant à simuler les cyclesde glaciation. Ceuxci dépendent duniveau d’ensoleillement des régionsboréales, conditionné par la position dela Terre par rapport au Soleil,mais aussidu niveau de CO2 dans l’atmosphère, quecemodèle a la particularité de prendreen compte. Si on ne considère que le gazcarbonique naturel, la prochaine ère glaciaire est prévue dans 50000ans,montretil. Une échéance qui est doubléesi les calculs intègrent des émissionscumulées d’origine humaine de 1000 gigatonnes, un niveau que le GIEC jugevraisemblable pour la fin duXXIe siècle.> Ganopolski et al., «Nature»,14 janvier.
Archéologie
L’hommedéjà présent enArctiqueil y a 45000ansLa présence humaine en Arctique étaitjusqu’ici datée autour de 35000ans. Ladécouverte de la dépouille d’unmammouth laineux vieux de 45000anssuggère qu’Homo sapiens avait franchile cercle polaire 10000ans plus tôt:mis au jour en Sibérie centrale parune équipe d’archéologues russes, lesquelette du pachyderme présentedes lésions dues à des pointes d’os oud’ivoire. La forme et l’orientation desimpacts ont permis de reconstruire lascène de chasse. De fines lames, destinées à servir d’outil, ont été prélevéessur l’extrémité d’une défense et l’os delamâchoire brisé afin d’extraire la langue en guise de trophée pour les chasseurs. Cette découverte confirme laprésence précoce d’humains à de telleslatitudes et nourrit l’hypothèse qu’ilsauraient pu traverser le détroit deBéring vers le NouveauMonde avantle derniermaximum glaciaire(–26000ans). (PHOTO: ALEXEI TIKHONOV/AP)> Pitulko et al., «Science», 15 janvier.
3,9 × 1013C’est le nombre de bactéries et autresmicrobes qui constituent lemicrobiote d’un individu de 70 kg – soit39000milliards –, selon une estimationmise en ligne sur bioRxiv par RonMilo et Ron Sender (InstitutWeizmann de Rehovot, Israël) et Shai Fuchs(hôpital des enfantsmalades de Toronto). Un décompte publié en 1972par lemicrobiologiste Thomas Luckeyfaisait jusqu’alors autorité. Il estimaitque les communautésmicrobiennespeuplant notamment le système digestif comprenaient dix fois plus decellules que le corps humain luimêmen’en comptait. La nouvelle analyse estime que leur nombre est en fait assezcomparable, avec un ratio de 1,3/1 enfaveur desmicrobes.Mais «les nombres sont suffisamment proches pourque chaque défécation puisse fairebasculer le ratio en faveur des celluleshumaines», concluent les chercheurs.
Contrairement à ce qu’indique le supplément le «Science&médecine» du13 janvier, la version française deWikipédia n’est pas la 3e en nombre d’articles(1,7million),mais en nombre d’éditeursactifs (plus de 4000 en novembre 2015).
Demandedesursispourl’ancêtreduGPSn a v i g a t i o n | Aprèsl’arrêtdusystèmedepositionnementLoranCparlaFrance, uneentrepriseenappelleàl’Europepourmaintenirunenouvelleversion,l’eLoran.Avecquelquesarguments
david larousserie
D ans l’indifférence générale, la France s’estcoupée de l’Europe.Le 31 décembre2015,elle a éteint ses deuxémetteurs, à Sous
tons (Landes) et Lessay (Manche),servant à la navigation marine.Ce système, dit LoranC (pour longrange navigation, «navigation longue portée»), était utilisé depuis lesannées 1960 bien avant les systèmesdepositionnementpar satellite –GPS(américain), Galileo (européen), Glonass (russe)… Il s’agit d’émetteurs radio terrestres à basse fréquence(100000 hertz, proche des «grandesondes» de la radio) envoyant un«top» temporel d’une précision inférieure à lamicroseconde, permettantau récepteur de connaître sa distanceà l’antenne. En captant plusieurs antennes, d’une portée de plusieurscentaines de kilomètres, la positionest déterminée. Un peu moins de80 stations couvrent ainsi le globe.«Çamarche partout. Avant les satel
lites, c’était très utile. Mais c’est moinsprécis (environ 500 mètres) et moinspratiqueque lepositionnementdepuisl’espace», constate Francis Zachariae,secrétaire général de l’Association internationale de signalisation maritime. «Ce système n’était plus utilisédepuis de nombreuses années par lanavigationmaritime civile. L’échéancedu 31 décembremarquait en fait la finde l’intérêt de la défense nationale
pour lui», justifie leministèrede l’écologie, du développement durable etde l’énergie, partenaire de la défensepour ces installations. La Norvège, leDanemark et l’Allemagne ont aussiéteint leurs stations en fin d’année.Mais certains ne veulent pas voir
mourir une technologie éprouvée,dont la dernière version, eLoran,améliore de plus de dix fois la précision de LoranC. «Il est certain que lesstations LoranC sont obsolètes, etnous comprenons la décision française d’arrêter ce système. Mais nous
ne comprenons pas le manque d’intérêt actuel pour la technologie eLoran,qui a fait ses preuves. Surtout, elle peutpallier les vulnérabilités des systèmessatellites», s’étonne David Last, professeur émérite de l’université deBangor (Pays de Galles), ancien président de l’Institut royal de la navigation et de l’Association internationaleLoran. En décembre, une entreprise,Taviga, a été créée pour promouvoirle système eLoran et convaincre lespays de ne pas démanteler leurs précieuses antennes, hautes d’environ300 mètres. «Obtenir les autorisations de construire des antennes est lefacteur limitant principal. C’est pourquoi nous plaidons pour la réutilisation des anciennes antennes de LoranC»,expliqueCharlesCurry, le fondateur de Taviga. L’entreprise et sesconsultants ont donc écrit au Parlement européen et aux gouvernements des pays ayant coupé leurs antennes. Elle s’est réjouie des décisionsbritanniques de poursuivre les émissions eLoran de son antenne d’Anthorn. Et salue la publication d’unelettre du Congrès américain du 8 décembre reconnaissant qu’«eLoranpourrait être une solution nationalecomplémentaireduGPS». LaCoréeduSud est en outre en train de déployerun tel réseau; la Chine et le Russie seraient sur le point de faire demême.
Ces dernières années,de nombreux exemples
de brouillage voirede leurrage du GPS ont
été observés
Laschizophréniemaltraitéepar…lesmédiasUneanalyselexicographiqueaétémenéeàtravershuitjournaux,dont«LeMonde».Décapant
sandrine cabut
Q u’estce que la schizophrénie?Pour la médecine, c’est unepathologie psychiatriqueparmi les plus handicapantes,qui concerne presque une
personne sur cent. Dans lesmédias français, c’est… une maladie quasi invisible,dont ils parlent peu et mal. L’usage dumot «schizophrénie», dans les articles,est plus souvent métaphorique quemédical. Et c’est en premier lieu dans les pages traitant de la culture qu’est retrouvéce termedans sonsensdepathologie. Enoutre, si les clichés et idées fausses sontlégion, les informations médicales sont,elles, quasi inexistantes.Ces résultats peu glorieux, issus d’une
étude inédite dans notre pays sur la représentation de la schizophrénie dansles médias, doivent être présentés le21 janvieraucongrèsde l’encéphale, àParis, par le psychiatre Yann Hodé (hôpitalde Rouffach, dans leHautRhin).A l’origine de cette recherche, une asso
ciation, PromesseS, membre du collectif
Schizophrénies,qui regroupe lessixprincipales associations de familles concernées par cette maladie. Créée fin 2015,cette entité s’est fixé des objectifs ambitieux, dont celui de transformer l’image,assez épouvantable, de la schizophrénie.Elle est souvent perçue comme le symboled’une folieoù l’onentenddesvoixetoù l’on tue; une représentation erronéemais source de stigmatisation et de souffrance pour les patients et leur famille.Plusieurs études internationales ont
montré que la façon de parler de la schizophrénie dans la presse influence lastigmatisation, mais aussi les choix desfinanceurs de la santé.
Spécificité françaisePour faire cet état des lieux en France,
l’association a fait analyser l’utilisationdes termes «schizophrène» et «schizophrénie» dans huit quotidiens et hebdomadaires: LeMonde, Libération, Le Figaro, La Croix, Le Parisien, L’Express,Le Point, ParisMatch.La recherchede cesmots dans leur sens médical ou métaphorique a été réalisée avec un logiciel,
Alceste, sur tous les articles parus entrele 1er janvier 2011 et le 31 mars2015. Lesdonnées ont également été étudiées parun sociologue de l’Observatoire de la société et de la consommation (ObSoCo).L’étude a été financée par les laboratoires Sanofi et Ipsen.Surplusde 1,3milliond’articles traités,
le terme«schizophrénie»n’est retrouvéque dans 2038 articles. Son usage ausens médical est minoritaire (44 % desarticles), et souvent inadapté. Il apparaîtmajoritairementdansdes articles culturels à propos de films, de livres…, ce quiserait une spécificité française. L’emploidansuncontextemédicosocial, scientifique ou judiciaire est moins fréquent.Et dans ces articles, l’ensemble du discours est fréquemment associé à lasouffrance, au malheur, et surtout à laviolence. La plupart des réalités concrètes de la maladie sont occultées, le propos «ne laisse émerger aucun discoursporteur d’espoir», déplore l’associationPromesseS.Quand il est utilisé dans son sens mé
taphorique (soit dans presque six arti
cles sur dix), lemot «schizophrénie» désigne alors une contradiction, une ambivalence ou un double discours… assimilant ainsi lamaladie à un dédoublementde la personnalité, ce qui est totalementfaux. Cet emploi métaphorique trouveson terrain de prédilection dans le contexte politique, avec comme figure deproue pour la période 20112015 le président FrançoisHollande. LeMonde est assez emblématique de cette tendance.«Le mot “schizophrénie” est largement
employé mais rarement défini, comme sitout le monde savait de quoi on parle,alors que très peu de gens savent ce quec’est exactement. Il y a un décalage entrele “plaisir” à employer ce terme et l’absence d’information à la hauteur de cetemploi», résume Yann Hodé. Bref, lesjournalistes ont des progrès à faire. Lesmédecins et les pouvoirs publics aussi.«Nous souhaiterions que les médecinss’investissent davantage dans la communication sur cette maladie, pour en donner une image plus humaine, plus concrète, et plus positive», plaide FabienneBlain, viceprésidente de PromesseS. p
Nombre d’antennes Loran sont en cours de démantèlement. Celleci, au Canada, a été détruite en 2014. CAMBRIDGE BAYWEATHER
t é l e s c o p e
«Ce lobbying est normal. Il a le mérite de pointer le problème des vulnérabilités des systèmes satellite, pour lecalcul des positionsmais surtout pourcelui de la synchronisation», expliqueFrancis Zachariae.LeGPSou le futurGalileone sert en
effetpasseulementàguider lesvoitures des particuliers. Militaires, agriculteurs, transporteurs routiers ouferroviaires sont friands de ces données spatiales. Surtout, un nombrecroissant de services demandent uneparfaite synchronisation entre leséquipements et donc le recours à deshorloges extrêmementprécises, dontle tempo est fourni par les satellites.La finance les utilisent pour dater destransactions. Les réseaux d’énergie,de diffusionvidéoouaudio fonctionnent aussi avec ces «métronomes».Ces signaux sont donc vitaux et…
fragiles. Ces dernières années, denombreux exemples de brouillagevoire de leurrage du GPS ont été observés (LeMonde du 24mars2012). Letalon d’Achille de ces systèmes est lafaible puissancede leurs signauxprovenant demilliers de kilomètres d’altitude, donc faciles à perturber. Quece soit intentionnellement ou non,comme lors de tempêtes solaires parexemple. Les émissions eLoran sont,elles, plus puissantes, dès lors plus résistantes. Elles pallient aussi un autre
défaut des signaux de type GPS: inopérants en intérieur et perturbésdans certains «canyons»urbains.Plusieurs études ont montré les
qualités d’eLoran. Le bureau des phares britanniques a démontré en 2013une localisation à 10 mètres prèspour les navires. Mais au prix d’unecartographie de la propagation desondes dans la région étudiée afin decorriger les perturbations électromagnétiques. La marine américaine, àl’été 2015, a conclu à une transmission du temps de référence audessous de 50 nanosecondes, minimumrequispour la synchronisation.Enfin,David Last estimeà440000euros lescoûts de mises à jour pour les deuxstations françaises et à 190000 eurosles coûts annuels d’opération.Pour répondre aux vulnérabilités
des systèmes de positionnement parsatellite, d’autres options existentcependant. Elles reposent souventsur l’émission par des stations terrestres de signaux temporels précis etnécessitent des changements d’équipements plus lourds que Loran. Il estprobable que lesmeilleures solutionssoient une combinaison de plusieurstechniques. Chronos Technologyvient ainsi de décrocher 100000 livres du RoyaumeUni (133000 euros)pour fairemarcher de concert eLoranetGalileo. p
p r é c i s i o n
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4 | 0123Mercredi 20 janvier 2016 | SCIENCE &MÉDECINE | É V É N E M E N T
ExplorationLeretourdessavants
baroudeurse n q u ê t e
Larecherche,aventureintellectuelleparexcellence,redevientuneépopéeaveclarenaissancedesgrandesexpéditionsscientifiques
cécile michaut
D ans Seul surMars,deRidleyScott, sorti ensalles le 21 octobre2015, Matt Damon, laissé pourmort sur la Planèterouge avec très peude vivres, doit met
tre en œuvre toute son ingéniosité descientifique pour survivre. Le même joursortait également un film beaucoup plusdiscret: La Glace et le Ciel, de Luc Jacquet,qui retrace la vie de Claude Lorius, glaciologue mais aussi pionnier de l’Antarctique. Ce physicien a été le premier scientifique à y passer une année entière, avecdeux collègues, en 1957, dans le but demieux comprendre ce continent glacé.Quoi de commun entre le blockbusteraméricain de près de 70 millions de dollars et le documentaire quasi confidentiel? Tous deux racontent la même histoire: la science est une aventure.L’existence de scientifiquesaventuriers
ne date pas d’aujourd’hui. Le plus illustrereste Charles Darwin, dont le voyage decinq ans (de 1831 à 1836, CapVert, côtessudaméricaines, NouvelleZélande, Australie, île Maurice) à bord du Beagle est àl’origine de sa théorie de l’évolution. Lesnaturalistes et les géographes ont toujours eu une grande tradition d’aventure: ce n’est pas en restant chez soi quel’on découvre de nouvelles espèces animalesouvégétales, ouque l’ondressedescartes. Ces expéditions ont connu leurâge d’or au XVIIIe siècle, et surtout auXIXe. Lequartier deParis autourdu Jardindes plantes témoigne de ce passé à travers les noms de rue de scientifiquesvoyageurs tels que Jussieu, Linné ouGeoffroy SaintHilaire. Mais le plus reconnu est probablement l’AllemandAlexander von Humboldt (17691859),non seulement pour le nombre de sesvoyages en Amérique du Nord et du Sud,et en Sibérie,mais aussi pour la précisionde ses observations scientifiques.Les expéditions scientifiques se sont ra
réfiées au XXe siècle au profit de voyages
plus «intimistes», notamment ceuxd’ethnologues comme Claude LéviStrauss. Aujourd’hui, pourtant, l’aventure scientifique connaît une nouvellejeunesse, portée à la fois par des aventuriers indépendants, comme l’explorateurdes pôles et médecin JeanLouis Etienneou l’aéronaute Bertrand Piccard, et pardes organismes scientifiques de premierplan, comme le CNRS ou le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).«Les Sept Bornes? “KohLanta”… en
pire!» L’article sur le blogdumagazine en
ligne CNRS Le Journal relatant le démarrage d’une expédition scientificomilitaire à la frontière entre la Guyane et leBrésil en juin 2015 frappe fort. Signé parFrançoisMichel Le Tourneau, le géographe à l’origine de ce projet, il joue à fondsur la fibre baroudeuse et martiale.D’abord par le titre de l’expédition, le Raiddes sept bornes, à connotation très sportive voire extrême. Ensuite par les termesutilisés: «Une seule certitude: ça ne va pasêtre une partie de plaisir!»; «C’est là quel’aventure vavraiment commencer!»,notele chercheur, avant dedécrire tous les obstacles rencontrés, puis de conclure:«Reste à espérer que l’ensemble de l’équipetiendra le choc…» Dans la communication, l’objectif scientifique –une importantemissiongéographique– s’effacederrière le défi sportif. Pourtant,«une expédition nous intéresse dans la mesure où elleva produire des résultats scientifiques, pasuniquement pour l’aventure qu’elle repré
sente, souligne Brigitte Perucca, directricede la communicationduCNRS.C’est pourquoi, lors de la conférence de presse sur leraid, nous avons insisté sur ses enjeuxscientifiques. Nous nemédiatisons pas systématiquement les expéditions.»FrançoisMichel Le Tourneau, lui, reven
dique cette communication. «Ce typed’opération permet de parler de scienceautrement, soulignetil. Il faut trouverl’équilibredans la communicationentre lesrésultats scientifiques et des chosesplusattractives pour le public.» Avec le risque depasser du stéréotype du chercheur enblousedans son laboratoire à l’image toutaussi stéréotypée du scientifiquebaroudeur? Car, rappelonsle, l’immense majorité des scientifiques passent l’essentielde leur temps devant leur ordinateur oudans leur laboratoire, et leurs voyages sebornent à des participations à des con
grès internationaux. Et, même pour lesscientifiques de terrain, «le temps passéen expédition estminime par rapport à celui passé en laboratoire, rappelle LaureCorbari, chercheuseauMNHN, spécialistedes crustacés, qui a participé à plusieurscampagnes de recensement de la biodiversité en Guyane. Quatre semaines d’expédition donnent de la matière pour plusieurs décennies de travail d’analyse.»Le MNHN, lui, s’appuie largement sur
l’exotisme en communiquant sur «le renouveau des grandes expéditions naturalistes» dans le cadre de son programmeLa Planète revisitée. Mais «faire rêvern’est pas le but premier, souligne FannyDecobert, directrice adjointe de la communication au MNHN. L’objectif de cesexpéditions est de dresser des inventairesexhaustifs des espèces dans les hot spots,des zones très riches en biodiversité.»
« Quatre semainesd’expédition donnentde lamatière pourplusieurs décenniesde travail d’analyse»
laure corbarichercheuse au MNHN
Un entomologistede La Planète revisitée,
dans le Mitaraka(Guyane).XAVIER DESMIER
E t si l’aventure scientifiqueaujourd’hui ne se passaitplus sur Terre, mais dans
l’espace? C’est dumoins ce donttentent de nous convaincre laNASA et d’autres organismescomme l’Agence spatiale européenne (ESA). Cellesci ont largement profité du récent film Seulsur Mars (de Ridley Scott, sorti enoctobre2015) pour promouvoirune nouvelle fois une explorationhumaine sur la Planète rouge.Ainsi, la NASA a largement sou
tenu cette production. Non seulement elle a conseillé le réalisateursur les aspects scientifiques ettechniques, mais elle a aussi contribué à la promotion du film, notamment en le diffusant en avantpremière dans la Station spatialeinternationale, le 19 septembre2015.De son côté, l’inspecteur
général de l’ESA, Rudolf Schmidt, aapporté son expertise pour que lefilm soit le plus réaliste possible– même si certaines incohérencesont été repérées par de nombreuxscientifiques, comme la puissance dela tempête qui force l’équipage àabandonnerMatt Damon.
Des motivations pas très clairesL’objectif de ces agences: créer de
la fascination chez les spectateurspour les missions habitées sur Marsou ailleurs. Ce public pourra ainsifaire pression sur les gouvernements (ou aumoins ne pas s’opposer à eux) lorsqu’il s’agira de déciderde tels projets, dont les coûts serontfaramineux – plusieurs centainesde milliards de dollars. D’autant queles motivations scientifiques desvols habités dans l’espace, contrairement à celles des expéditions sur
notre planète, ne sont toujours pastrès claires.A ses origines, la raison d’être de la
conquête spatiale était nettement politique etmilitaire, dans un contextede guerre froide. Aujourd’hui encore,les objectifs de la Station spatiale internationale restent assez flous, etson coût, estimé à 115milliards dedollars (105,5milliards d’euros), difficile à justifier. Les retombées scientifiques des vols habités sontminimescomparées à celles du télescope spatial Hubble ou desmissions robotisées, commeGalileo vers Jupiter ouOpportunity surMars, qui ont beaucoup apporté à notre compréhensionde l’Univers. Bref, n’en déplaise à ceuxqui ont rêvé devant Star Trek ouGravity, lesmeilleurs «savanturiers»de l’espace ne seront sans doute pasdes êtres humains,mais des robots. p
c. mi.
Mars: lesdessousd’une fascination
Reste que ces expéditions offrent une visibilité incomparable aux organismes derecherche, clairement liée à la fascination du public pour l’aventure.Autre expédition particulièrementmé
diatique: Tara Oceans. Elle est née dansl’esprit du biologiste Eric Karsenti grâceau livre de Darwin relatant ses cinq années d’expédition avec le Beagle, Voyaged’un naturaliste autour du monde. «Jevoulais utiliser le rêve et le romantismed’un voyage à la voile pour parler de labiologie moderne», expliquetil. Car ils’agissait au départ d’un projet de vulgarisationqui n’a pas abouti. C’est alors quele chercheur a rebondi avec l’idée d’unevéritable expédition scientifique. De2009 à 2013, le voilier Tara a accueilli descentaines de chercheurs de différentesdisciplines, afin de collecter et d’analyser(notamment génétiquement) le planc
Le voilier «Tara»aumilieudes glaces,en Arctique.ANNA DENIAUD GARCIA
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É V É N E M E N T | SCIENCE &MÉDECINE | Mercredi 20 janvier 20160123 | 5
ses travaux dans la revue scientifiqueaméricaine Science. Et, si notre articleportait essentiellement sur les résultatsscientifiques, la fascination pour l’aventure était aussi présente. Elle se ressentégalement dans la double page rédigéepar notre envoyé spécial lors de l’expédition du MNHN sur le massif du Mitaraka, en Guyane, en avril 2015.Mais cette surmédiatisation des expé
ditions scientifiques estelle une mauvaise chose? La science étant très souvent négligée par les médias, toutes lesoccasions d’en parler ne sontelles pasbénéfiques? Peutêtre, à condition que lamédiatisation n’influence pas la science.Or, David Dumoulin souligne, dans sonarticle «Laplanète revisitée. Fabriquerunnouveau mode d’inventaires globaux?»(Etudes rurales, janvierjuin 2015), quel’influence des mécènes et des médiass’exerce à trois niveaux: «Une orientation dans le choix des pays, une incitationà promouvoir une “culture de communication” des expéditions et, indirectement,l’attrait d’une visibilité médiatique pour“enrôler” d’autres partenaires.»D’autres critiques émergent, liées à
l’histoire des grandes expéditions naturalistes. Les scientifiquesexplorateursdu XIXe siècle ont largement servi les colonisateurs. Beaucoup d’expéditions militaires embarquaient des scientifiquesavec eux – la plus emblématique étant lacampagne d’Egypte(17981801) de Napoléon, qui emmena 167 scientifiques ayantpourmissiond’aider l’armée. Les géographes, notamment, dressent denombreuses cartes en vue de la colonisation. Lesbotanistes ne sont pas en reste, leurs inventaires étant souvent le prélude aupillage des plantes pour les cultiver enmétropole, comme l’indique l’historiendes sciences Christophe Bonneuil dansson article «L’empire des plantes», publié sur le site deCourrier de la planète. Lacommunication très martiale et virileautour du Raid des sept bornes, ainsi quecelle du MNHN autour du «renouveau»des expéditions anciennes n’en sont queplus surprenantes. Cependant, les pratiques ne sont plus les mêmes: «Nous incluons toujours des chercheurs locaux etles étudiants, souligne Fanny Decobert,du MNHN. Et nous restituons des spécimens que nous prenons.»Dernière critique, et non des moin
dres: pourquoi s’obstiner à rapporterdes milliers d’échantillons, quand unnombre encore plus important dortdans les réserves des organismes de recherche, faute de scientifiques pour lesétudier? Autrement dit, certains financements destinés aux expéditions ne seraientils pas mieux utilisés dans le recrutement de chercheurs pour analyserles collections?Cependant, les expéditions scientifi
ques restent indispensables dans denombreuses disciplines qui ne peuvent
se contenterdes laboratoires: botanistes,zoologues, géologues, géographes, océanographes, climatologues et biend’autres ont besoin d’aller sur le terrain.Et les endroits intéressants scientifiquement, les «hot spots en biodiversité»,sont souvent situés dans des régionslointaines et peu accessibles.Malgré unecertaine surmédiatisation de l’aventure,et des rapports parfois ambigus entrescientifiques et aventuriers, personnene remet en question leur utilité. «Lascience fondamentale, c’est de l’exploration, que ce soit dans les grands fonds,l’infiniment petit ou l’espace, souligneDavid Dumoulin. L’aventure est aussidans les laboratoires.» p
ton sur tous les océans du globe. Le succès a été au rendezvous tant journalistique – «Une couverture médiatique dingue», se souvient Eric Karsenti – quescientifique, avec 35000 échantillons récoltés et plusieurs publications dans desrevues scientifiques prestigieuses.Là où les anciens naturalistes se conten
taient de recueillir, de manière aléatoire,quelques espèces parmi les plus visibles,les chercheursactuelsutilisent toute lapanoplie des technologies les plus modernes. Ainsi, Tara embarque sept appareilsscientifiques permettant entre autres deconnaître la concentration de pigmentsdu plancton ou leur fluorescence, de mesurer de manière très précise la couleurdes océans ou leurs propriétés physiques(pression, température, salinité, présencede particules…). Sans oublier les analyseseffectuées à terre, notamment le séquençage de l’ADN des échantillons récoltés. Siles grandes expéditions actuelles s’inspirent de celles du XIXe siècle, leurs technologies sont clairement celles duXXIe.C’est que la réussite scientifique des ex
péditions est un point crucial pour leschercheurs, qui craignent plus que toutd’être amalgamés à des aventuriers. Loind’eux l’idée d’être assimilés à un JeanLouis Etienne ou un Bertrand Piccard!Pourtant, dans les faits, les frontières nesont pas si claires. «D’un côté, les scientifiques se démarquent sans arrêt des aventuriers. De l’autre, ils font parfois appel à eux,comme dans l’expédition Clipperton, surl’île du même nom, où les chercheurs ontdemandé à JeanLouis Etienne d’être à latête du projet», rappelle David Dumoulin,sociologue au CNRS, spécialiste de l’aventure. Menée de janvier à avril 2005, cetteexpédition visait à inventorier l’état de lanature dans cet atoll corallien au large duMexique. JeanLouis Etienne, lui, ne seconsidère pas comme scientifique, maiscommeentrepreneur d’expéditions polaires. «Je nem’occupe pas de science: je choisisde faireuneexpédition, et jeproposeauxscientifiquesdeveniravecmoi,notammenten bateau. Même si j’ai parfois collecté deséchantillons lorsque j’étais seul.»Les expéditions sont aussi un formida
ble outil pédagogique: l’occasionde créer
des liens avec des classes d’élèves de tousâges. Tara Oceans possède tout un voletéducatif permettant aux élèves de suivreles recherches menées sur le bateau, etmême de «mettre les élèves en situationd’apprentis» à l’aide de kits de donnéesprovenant du voilier. LeMNHN, lui, interagit avec des classes et forme des étudiants dans les pays où ont lieu ses expéditions, comme à Madagascar. De quoirelancer les vocations scientifiques, encrise? Peutêtre: «Beaucoup de climatologues actuels ont été inspirés par le glaciologue Claude Lorius et ses expéditionsaux pôles», souligne Matthieu Ravaud,rédacteur en chef de CNRS Le Journal.Autre raison de jouer sur l’image de
l’aventure: les financements. «Il n’estpas facile de mobiliser des moyens pource type d’expédition, observe FrançoisMichel Le Tourneau. Parfois, le baroudeur y parvientmieux que la blouse blanche.» Dans son cas, le Raid des sept bornes était essentiellement financé parl’armée, qui était majoritaire (quatorzelégionnaires pour cinq scientifiques) etqui a assuré l’essentiel de la logistique etde l’infrastructure. Pour David Dumoulin, «le renouveau des expéditions naturalistes depuis les années 1990, fondéessur la notion de sauvegarde de la biodiversité, a permis de trouver de nouveauxfinancements».De son côté, Tara Oceansa bénéficié de financements à la fois publics et privés – notamment de la Fondation agnès b., propriétaire du bateau.«C’est la combinaison de la science et dela médiatisation qui a fonctionné, explique Eric Karsenti. Les institutions scienti
fiques voulaient aider des projets permettant de parler de science au grand public. » Mais cette médiatisation estparfois à double tranchant: «Au départ,nous nous sommes heurtés à l’idée que ceprojet n’était pas de la science, seulementde la communication, que ce n’était pastrès sérieux», témoigne Romain Troublé,secrétaire général de la Fondation Tara.Pour JeanLouis Etienne, «avoir un butscientifique n’est pas déterminant pour financer une expédition, mais c’est un deséléments de décision, cela rassure despartenaires sur l’utilité du voyage». Deleur côté, des mécènes comme Total(avec la Fondation Total), qui ne sont pasparticulièrement connus pour leursbienfaits environnementaux, bénéficient du prestige scientifique et del’image écologique duMNHN.Lesmédias sont bien sûr très friands de
ces expéditions scientifiques lointaines,jugées plus «sexy» que la science de laboratoire. Les journalistes sont parfoisconviés à partager le quotidien des chercheurs, comme pour Tara Oceans, pourlaquelle de nombreux journalistes ontété embarqués sur le navire, parfois plusieurs semaines. Ceux de l’émission«Thalassa», sur France 3, ont suivi Tarapendant dixmois, et leurs émissions ontlargement contribué à faire de l’expédition un énorme succès médiatique. Làencore, la beauté des paysages, l’aventurehumaine et les enjeux écologiques sontmis en avant, loin devant la science.Ici même, au Monde, nous avons con
sacré enmai 2015 une double page à l’expédition à l’occasion de la publication de
Certains financementsne seraientils pasmieuxutilisés dans
le recrutementde chercheurs pour
étudier les collections?
Lorsqu’on leur parle «aventure»,la plupart des scientifiques deterrain habitués des expéditionslointaines répondent «aventurehumaine». Car tous l’affirment:pour réussir un tel projet, il fautune équipe soudée. Rienn’estplus éloigné de la réalité quel’image du scientifiquebaroudeur solitaire. «Nous travaillonsen groupe, c’est commeunegrande colonie de vacances avecdes scientifiques professionnels etparfois amateurs, tous passionnés, souligne Laure Corbari, duMuséumnational d’histoire naturelle.Nous construisons un laboratoire sur place, les chercheurspartent en journée et rapportentleurs échantillons le soir. Sans lapassion de découvrir et d’observer,on ne tient pas huit semaines dansces conditions difficiles.» Enplusdes scientifiques professionnels,de nombreuxnaturalistes amateurs se joignent à l’expédition,aux compétences très pointues.Même lesmarins professionnelsapportent leurs connaissancesde lamer pour améliorer l’échantillonnage ouutiliser aumieuxles engins de pêche pour collecterles échantillons. Selon Eric Karsenti, le biologiste qui assure ladirection scientifique de TaraOcéans, le secret d’une expédition réussie, ce sont aussi les gensqui y participent, tant du côté del’organisation quede celui desscientifiques. «Il y a une autosélection des scientifiques: seulsceux intéressés par l’aventure postulent. Nous choisissons ceux quisont de bons scientifiquesmaisaussi robustes et enthousiastes.»
L’aventure,untravaild’équipe
Tara Oceans possèdetout un volet éducatif
permettant auxélèves de suivreles recherches
menées sur le bateau
Soins dispensés au cours du Raid des sept bornes, en Guyane.3E REI
Un peintre naturaliste associé à l’expédition Clipperton sur l’atoll éponyme.XAVIER DESMIER/7E CONTINENT
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Conversationsultimesl e l i v r e
Unmédecinaméricain, auplusprèsdespatients en findevie,témoignede sapratique
elisabeth berthou
D ans LaMort d’Ivan Ilitch, Tolstoï écrità propos de son personnage: «Ilaurait voulu qu’on le caressât, qu’onl’embrassât, qu’on pleurât sur lui (…).
Il savait qu’avec lui, hautmagistrat à barbe grisonnante, c’était impossible,mais il le désiraitquandmême.»Cet extrait, au début deNoussommes tousmortels, illustre la question quiobsède l’auteur, chirurgien américain, professeur à laHarvardMedical School: qu’estce quicompte le plus pour un patient en fin de vie?Dans ce volumineux essai, Atul Gawande
évoque des observations et des réflexions surdes cas précis, notées au fil de sa carrière, quipermettent de le suivre dans l’élaboration intellectuelle de sa pratique. Et de sa prise de conscience, qui rappelle celle dont a témoigné, enFrance, la psychologue clinicienneMarie deHennezel, très investie dans le domaine dessoins palliatifs. Ainsi, remarquetil, lesmédecins sont formés à des actes techniques, à la recherche de traitements efficaces pour repousser un peu plus loin l’échéance de lamort. Ilsveulent agir dans l’intérêt de personnes obligées d’affronter les réalités du déclin et de lamortalité,mais sont bien peu outillés pour lesaider à réaliser leurs ultimes désirs propres.
Médecine «paternaliste»Atul Gawande relate de nombreuses expé
riences émouvantes au chevet de ses patientset de ses proches, qui l’ont amené à prendre lecontrepied d’unemédecine «paternaliste»contreproductive, voire source de souffrancessupplémentaires – «bien souvent, nous ne faisons qu’aggraver la situation», écritil. En examinant ses échecs et ceux de ses collègues, ildresse un bilan des avancées en gériatrie, etconsacre de longs passages à ses rencontresavec des responsables de résidences pilotespour personnes âgées, des infirmières expertesen soins palliatifs, des oncologues, des psychologues…A leur contact, il apprend à affûter ses«conversations difficiles» avec ses patients et às’assurer de ne jamais sacrifier leurs désirs, car,«même quand lamortalité les réorganise, il n’estpas impossible de les satisfaire».Le docteur Gawande porte un regard sévère
sur lesmaisons de retraite obnubilées par la sécurité, priorité des soignants et des familles.Pour les résidents, expliquetil, cette obsessionengendre une perte de personnalité et d’estimede soi. Par exemple, les conflits sur la nourriture ou à propos des choses qu’on leur autoriseounonde faire sont quotidiens. Imposer desdiktats à des patients sans se préoccuper deleurs habitudes ou de leurs envies va à l’encontre d’une fin de vie digne, car ils «veulent conclure leur histoire comme ils l’entendent».Pour pallier les souffrances des Ivan Ilitch
contemporains, Atul Gawande prône ce quedesmédecins suédois appellent des «conversations sur le point d’interruption».Des entretiens permettant de savoir à quel moment lessoignants «doivent cesser de se battre pourgagner quelques semaines de vie et commencer à se battre pour toutes les choses importantes aux yeux de leurs patients» – passer dutemps avec leur famille, voyager ou suivre unchampionnat de football… p
Nous sommes tousmortels, d’Atul Gawande(Fayard, 400 p., 22 €).
L’hommequitoussaitdel’urineétudiant de cinquième année demédecine qui se prépare pour sesexamens. Ses condisciples et lui ontadopté uneméthode de révisionintensive par groupes de travail, qui,apparemment, se révèle fort efficace:«Cela peut sembler difficile à croire,écritil, mais six semaines avant queles examens aient lieu, nous avionsterminé nos révisions. Il n’y avait plusrien à creuser.»Or, commeon le sait, l’oisiveté est
mère de toutes les âneries. Voilà cesétudiants qui, sur leur lancéemédicale, semettent à imaginer des pathologies plus oumoins grotesques.L’un d’eux émet ainsi l’idée d’unhypothétique humain qui, à la suited’un accident de développement embryonnaire, a vu un de ses deux reinsse former non pas dans l’abdomenmais plus haut, dans le thorax. Undeuxième carabin ajoute que, ducoup, du côté du reinmal placé, ilmanquerait un testicule. «C’est juste,renchérit un troisième, et si ce demihomme souffrait d’une infection pulmonaire, celleci pourrait s’étendre aubassinet du rein, ce qui aurait pour résultat que ce patient… – Tousserait de lapisse», conclut un quatrième étudiant.
Un casmagnifique. Trop beau pourêtre vrai. Au point qu’il faut, en toutelogique, le publier dans une revuemédicale. Un complot semet enplace. Les participants comprennentvite qu’il est hors de question quel’étude de cas vienne des PaysBas, carles auteurs seraient vite démasqués.«Heureusement, écrit Querido, nousavions toujours nos colonies.»Quiva en effet enquêter sur un compterendu signé par unmédecin desIndes orientales néerlandaises(aujourd’hui l’Indonésie), dont estoriginaire un des comploteurs?
Un rein dans le thorax!L’article est donc écrit, quimet
en scène l’arrivée à l’hôpital d’unhomme de 24ans doté d’un seultesticule et dont lamoitié du corpsprésente des caractéristiques féminines… Le patient souffre d’une pneumonie qui s’aggrave rapidement. Autroisième jour de son hospitalisation,il tousse de grandes quantités d’unliquide qui ressemble à de l’urine eten a l’odeur. Il décède peu après qu’onlui a aspiré 1 litre de liquide pleural.L’autopsiemontre, dans le thorax, laprésence d’un rein inattendu de 15 cm
de long, en forme de saucisse. Lesauteurs du canular imaginentmêmeun instant joindre à l’étude la photod’une vraie saucisse, mais trouventque, tout demême, c’est un peu gros.L’article est envoyé en Indonésie, avecla consigne de le transmettre, depuislàbas, auNederlands Tijdschrift voorGeneeskunde, c’estàdire au Journalnéerlandais demédecine.Comme le raconte le sieurQuerido,
aucundes farceurs n’imagine que larevue va tomber dans le panneau: letest de laboratoire effectué sur l’urineest bidon, les caractéristiques féminines du patient sont du grandn’importe quoi, l’auteur n’existe pas, pasplus que deuxdes journaux qu’il citeen référence. Après s’être bien amusés,les étudiants oublient leurmalheureux patient indonésien et sa toux aupipi. Ils oublient aussi, par lamêmeoccasion, le principe du «plus c’est grosplus ça passe». En 1923, la revue sollicitée publie sans seméfier leur canular.Il faudra attendre 2003, soit quatrevingts ans, comme le rapportaitrécemment le site RetractionWatch,pour que le journal corrige son erreur.La science est souvent lentemaissa police peut l’être plus encore… p
Laboîtedepeinturegénétiquedespapillons
Les papillons d’Amazonie (photo) sont les représentants de plusieurs espèces du genreHeliconius.Les structures rouges décorant leurs ailes ontfait l’objet d’une étude publiée dans PLoS Biologydu 14 janvier: leur extrêmediversité est due àdeux «interrupteurs» génétiques qui contrôlent
de façon indépendante l’expression d’unmêmegène intervenant dans la colorationmais aussidans d’autres fonctions essentielles. L’échangede ces interrupteurs lors de croisements entreancêtres des espèces actuelles a pu engendrerune variété formelle sans altérer ces fonctions. p
L a scène se déroule en 1923 auxPaysBas et elle a été racontée,des décennies plus tard, dansles Mémoires d’un des prota
gonistes, un certain Arie Querido(19011983), professeur éméritede médecine sociale à l’universitéd’Amsterdam. A l’époque, il est un
ManifestationLa Science se LivreLesHautsdeSeine fêtent les 20ans de leurfestival, La Science se Livre, à partir du 20 janvier et jusqu’au 13 février. Autour du thème«Demain la science», 150 animations scientifiques sont annoncées dans les bibliothèquesetmédiathèques; trente conférences sont proposées, avec Françoise BarréSinoussi, ValérieMassonDelmotte, EtienneKlein, Jean Jouzel…Lemercredi 20, pour l’inauguration: remisedes prix littéraires, présentations de thèses en180 secondes, spectacle autour de la COP21…> Renseignements: Lssl.hautsdeseine.fr.
Agenda
JIGGINS GROUP, CAMBRIDGE
a f f a i r e d e l o g i q u e
improbablologie
PierreBarthélémyJournaliste et blogueur
Passeurdesciences.blog.lemonde.fr
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R E N D E Z V O U S | SCIENCE &MÉDECINE | Mercredi 20 janvier 20160123 | 7
DominiqueDupagne,Jedidelamédecine2.0
p o r t r a i t | AgitateurduWeb,cemédecingénéralistepourfenddésinformation,dogmatismesetemprisedesintérêtsprivésensanté
EnRoumanie,la sciencepoursortirdeprison
v i e d e s l a b o s
mirel bran
(Bucarest, correspondant)
B alzac en aurait pâli d’envie. Dix livresécrits en dixhuitmois, voilà un exploit difficile à battre. L’auteur, DanVoiculescu, est unhommed’affaires
sulfureux qui a dirigé un empiremédiatiqueenRoumanie avant de se retrouver derrière lesbarreaux pour corruption. Son exemple a faitécole puisque 188 détenus roumains ont écrit430 livres ces deux dernières années. L’originede la passion des prisonniers roumains pourl’écriture? Selon une loi votée en 2000, un détenu qui publie un ouvrage scientifique peutalléger sa peine d’unmois. Il suffit qu’un éditeur ouunprofesseur d’université valide laqualité ou l’aspect scientifique du livre pourgagner le précieuxmois de liberté. «Ce phénomène a échappé à tout contrôle», a affirmé le11 janvier laministre de la justice, RalucaPruna, qui promet d’abroger cette loi.Les procureurs du parquet national anticor
ruption se sont saisis eux aussi de cette affairede livres concoctés à la chaîne dans les prisons. En 2000, deux ouvrages étaient publiéspar des détenus, en 2014 il y en avait 90 et,en 2015, la production estmontée à 340 livres.Cet intérêt subit pour les sciences s’explique.Mis à part les délinquants de droit commun,les prisons roumaines accueillent actuellement la crèmedu pays. Grâce à une campagneanticorruption sans précédent, plus de3000 hauts fonctionnaires et hommes politiques, députés, sénateurs,maires, généraux etministres se sont retrouvés derrière les barreaux. Pour réduire leur peine, ils ont trouvéune astuce: contribuer au progrès de lascience grâce à des ouvrages scientifiques etdes livres de toutes sortes.
Professeurs complicesSelon l’enquête ouverte par les procureurs
anticorruption, ces nouveaux auteurs ontréussi leur opération grâce à la complicité deplusieurs professeurs d’université. «Le cadrelégislatif très imprécis permet à des nonspécialistes d’apprécier le caractère scientifique d’unouvrage, liton dans un communiqué de lacommission d’éthique de l’université de Bucarest. Leur décision est arbitraire,mais elle permet de réduire les peines.» Le plus souvent, lesenseignants qui ont recommandé ces ouvrages pour publication ne les ontmêmepas lus.C’est le cas du livre intitulé «Le Contrôle de laqualité du lait, des produits laitiers et dumiel», signé par Sorin Apostu,maire de la villede Cluj, située dans le nordouest du pays, condamné à quatre ans de prison ferme en 2014.Son livre a été recommandé pour publicationparDorin Tibulca, professeur à l’université deCluj. «C’est un ouvrage scientifique qui sera trèsutile aux étudiants, atil déclaré à la suite del’enquête des procureurs. Je ne l’ai pas encorelu,mais cela valait la peine de l’écrire.»Le plagiat est aussi courant chez cette nou
velle vague d’écrivains. George Copos, un richehommed’affaires condamné en août 2014 àquatre ans de prison ferme, auteur de cinq livres, en a été accusé. «Je n’ai repris que 2%d’autres auteurs, atil déclaré.C’est une limiteacceptable, je n’appellerais pas ça du plagiat.»Les étudiants roumains ont protesté eux aussicontre cet engouement pour l’écriture né dansles prisons. Le 10 janvier, l’Alliance nationaledes associations d’étudiants de Roumanie arendu publique l’étude «Les universités copiercoller: le phénomène duplagiat et l’imposture académique dans l’enseignement supérieur roumain», et a tiré la sonnetted’alarme contre ce fléau. «L’imposture académique est allée trop loin, affirme cette étude.Nous aimerions être fiers d’avoir étudié en Roumanie. Nous ne voulons pas que le systèmed’éducation que nous avons intégré avec bonnefoi produise cette série de vols intellectuels.»Le rapport des procureurs a de quoi inquié
ter: 38 universités publiques et 24 écoles privées sontmêlées à cette affaire riche en casexotiques. Un violeur a signé quatre livres surles finances; unmeurtrier a publié «Evolutionversus création»; un voleur d’essence a écritun guide gastronomique; et un chanteur a signé deux ouvrages sur lamédecine dentaire.Cette production risque de ternir l’image desuniversités roumaines, qui réagissent avec retard à ce dérapage. L’enquête des procureursanticorruption n’en est qu’à ses débuts,maiselle a commencé à calmer la frénésie d’écriture scientifique des détenus roumains. p
florence rosier
I l est fier d’avoir été croqué par Voutch,dans son cabinet parisien. D’un traitfidèle, le dessinateur a campé ledécor:lourdes tentures, tapis persan, parquet de chêne… et jusqu’à la pénombre, propice aux confidences.Onaper
çoit même un coin de la cheminée, avec sesmoulures haussmanniennes. Un feu y crépitait, en cet aprèsmidi de janvier. On avaitrendezvous avec Dominique Dupagne, médecin généraliste. «Ce bureau de bois était celui de mon père, cardiologue, confietil. Demon arrièregrandpère àmon fils, nous sommes cinq générations demédecins!»Vertige du temps qui passe, et du gouffre
entre les époques. Dans ce cabinet intime etcossu, situé juste en face du parc Monceau,rien ne semble avoir changé depuis des lustres. Et cependant, tout a changé avec l’arrivée d’un écran, sur un coin de l’antique bureau. Transformant ce petit monde deProust en un épicentre du «Web de lasanté». C’est là, en effet, qu’officie un despionniers de la médecine 2.0. En 2000, Dominique Dupagne a fondé un site sur lasanté, Atoute.org. Un succès: regroupant forums et articles sur la pratique, l’enseignement et l’éthique de la médecine, ce site reçoit un million de visiteurs par mois – dontde nombreux professionnels de santé.A travers ce site, cet agitateur d’idées de
viendra un pourfendeur de l’emprise deslobbyings privés dans le monde de la santé;un croisé de la lutte contre la désinformation et les errances de la médecine. Le sabrelaser de ce Jedi? La fibre optique ou téléphonique de la communication Internet. «Avecle Web, j’ai rencontré le vecteur que je cherchais.»Unvecteur quasi idéal car il offre unepuissance de diffusion très large des idéesnon dominantes, affranchie des hiérarchieset d’un coût dérisoire.Le scandale du Mediator l’a bien illustré.
Dès 2003, Dominique Dupagne a été le premier à démasquer sur la Toile ce coupefaim. En 2011, il brandira son sabre laserpour défendre sa «princesse Leia» : IrèneFrachon. Pour avoir osé s’en prendre au système, la pneumologue était victime de violentes attaques anonymes sur les réseauxsociaux. «J’ai pourfendu ces attaques tordues sur le Web.»Ce 19 janvier,DominiqueDupagne lanceun
nouveau site: une «eConférence nationalede santé» où il invite ses confrères à débattresur notre systèmede santé. Une initiative quise veut constructive. Mais ce frondeur avouevouloir «faire ainsi concurrence à la “GrandeConférence nationale de santé”» organiséepar la ministre de la santé, Marisol Touraine,pour réorganiser le système de soins. Unedouzaine de questions récurrentes serontsoumises au vote et aux propositions despraticiens sur les mutuelles et assurancescomplémentaires, le tiers payant généralisé,les déserts médicaux, la formation des médecins par l’industrie…«Quand j’étais en cinquièmeannéedeméde
cine, se souvienttil, j’ai découvert qu’on pouvait lire dans de grands quotidiens des chosesfausses sur la santé. Ce fut un choc! J’ai vitecompris qui était derrière cette manipulation.» Il devra attendre la findes années 1990pour disposer du relais de choix contre cettedésinformation. «Nos chemins se sont croisésquand leWeb en santé a commencéàdécoller,raconte le médecinentrepreneur LaurentAlexandre [contributeur du supplément«Science & médecine»]. Dominique Dupagne a créé Atoute.org et j’ai développé Doctissimo. Je lui ai proposé de racheter son site,mais il a choisi de rester indépendant, dans unmodèle à but non lucratif. Il est devenu incontournable, avec des prises de position parfoisiconoclastes et souvent courageuses. Il faituneanalyse très scientifiquedes situations, indépendante des lobbys. Dans son rôle deveilleurmoral, il est très respectable.»Le grandpublic l’a découvert en 2009: dans
un texte cosigné par 240 confrères, il a révéléles contrevérités qui circulaient sur la pandémie de grippe A (H1N1). Ces iconoclastes ontété les premiers à critiquer la campagne devaccination contre cette pandémie.«Aujourd’hui, les Français ont perdu confiance dans les autorités sanitaires, qui leuront menti à propos du vaccin contre lagrippeA (H1N1),analyseDominiqueDupagne.Pour restaurer cette confiance, laministre doitjouer la carte de l’information complète, transparente et honnête sur chaque vaccin.»«Je ne dors que cinq heures par nuit», confie
cet infatigable, qui avoue être un «inattentifhyperactif».A 58ans, ilmultiplie les activités.Ses consultations l’occupent entre vingtcinqet trente heures par semaine, soit «un mitemps de médecin». Il consacre beaucoup detemps à la gestion de ses sites, blogs et forums. «Il y a dans la médecine générale unedimension humaine que je retrouve sur les ré
seaux sociaux.» Ce toucheàtout est aussiconsultant auprès des éditions Vidal, spécialisées dans les médicaments. Depuis 2011, ilcollabore régulièrement à l’émission scientifique «LaTête au carré», sur France Inter, et ilarrive que France 2 fasse appel à ses lumières.Par ailleurs, il est membre de l’associationFormindep, quimilite pour une formation etune information médicales indépendantes.A ses heures «perdues», il écrit aussi desouvrages sur les dysfonctionnements de lamédecine ou de la société.Du redresseur de torts, il a, de prime abord,
cet air un rien rugueux, farouche, hérissé.Estil un indigné? «Je ne m’indigne pas, j’attaque ! Mine de rien, j’ai acquis un poidssignificatif dans le monde de la santé. Et j’es
saie de l’utiliser pour des causes qui me paraissent justes.» Ses croisades l’ont parfoisconduit à des désillusions. «J’ai cessé de mebattre pour la transparence absolue des liensd’intérêt en santé: c’est un combat perdu. Cequi m’importe, c’est que les gens comprennent que les experts ne délivrent pas toujoursla bonne parole.»Dans son livre La Revanche du rameur (Mi
chel Lafon, 2012), il dénonce un ordre socialfondé sur unmodèle archaïque: les dominations hiérarchiques. Reprenant des thèses dePierre Bourdieu ou d’Henri Laborit, il s’enprend au systèmedes élites, avant toutmotivées par le maintien de leur pouvoir. «Tantqu’on n’aura pas compris que le cerveau estunemachine à dominer, on ne pourra pas lutter efficacement contre ces hiérarchies aliénantes.» Il s’élève aussi contre les puissantsméfaits de la «démarche qualité» dans lemonde du travail, quand les directives, lesnormes et les procédures sont appliquéessans discernement. Pour autant, ce subversifse veut constructif, tendu vers la recherchede solutions.Son intransigeance ne lui vaut pas que des
amis. Mais la rigueur de sa démarche estsouvent reconnue. «Dominique Dupagnes’est singularisé de longue date par la diffusion demessages scientifiquement fondés surdes preuves, indépendants de l’industriepharmaceutique. A une époque où ce n’étaitpas la mode, il a été un grand et intelligentprécurseur, estime le professeur Vincent Renard, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). Il a su très tôtcomprendre et exploiter la puissance d’Internet et des réseaux sociaux dans la diffusiondes messages. A travers ses actions, c’est unhomme et unmédecin utile à la société et auxpatients.»Le docteur Dupagne confie être «un des
derniers dinosaures à s’être installé en secteur 2 [les tarifs pratiqués en secteur 2 sont librement fixés par lemédecin]». Sa consultation, dans ce quartier huppé, coûte 50 euros.Le prix de son indépendance?Ou celui d’unemédecine «lente» et dequalité, face aux contraintes de l’exercice de lamédecine libérale?Il continue d’aimer pardessus tout son métier. «Il y a peu de professions où l’on a en finde journée le sentiment d’avoir été si utile.» p
«Tant qu’on n’aura pas comprisque le cerveau est unemachine
à dominer, on ne pourra pas lutterefficacement contre
les hiérarchies aliénantes»
DominiqueDupagne, dansson bureau,à Paris,
le 13 janvier.BAUDOUIN POUR
«LE MONDE»
v1
8 | 0123Mercredi 20 janvier 2016 | SCIENCE &MÉDECINE |
SOURCE : ABDUL BARAKATINFOGRAPHIE : HENRI-OLIVIER
Le systèmeUne centaine de capteurs sont déposés sur un stentclassique et reliés entre eux. Une antenne permetl’interaction avec ces capteurs. Sans batterie,elle est alimentée par induction et renvoie sansfil les informations.
DétectionUn courant électrique parcourt le capteur,et la réponse dépend du type de cellules déposées.L’entreprise garde confidentiels les détailsde fonctionnement. Les capteurs font environ10 micromètres d’épaisseur pour un stent faisantquelques millimètres de diamètre et moinsde 5 centimètres de long.
Des risques postopératoiresDeux effets secondaires peuvent être induitspar la pose du stent. La resténose estla croissance de cellules internes, ditesmusculaires lisses, qui obstruent le canal.La thrombose est induite par la créationd’un caillot (agrégat de plaquettessanguines et de globules rouges)en réponse à une mauvaise cicatrisation.
Capteur sur la faceinterne du stent
Antennede réceptionet d’émission
Connexion
Signald’entrée
Cellule
Signalde sortie
THROMBOSECaillot
Cellulesendothéliales
CaillotCellulesmusculaires lisses
Cellulesendothéliales
Rien
Cellulesmusculaires
Membraneextérieure
RESTÉNOSE
I l y a un peu plus d’un an, regardant dans le rétroviseur l’épreuve du cancer que je venais detraverser depuis la découverte de mon myélomeen2007, je constataisque jedevaismavieà la solidarité fondamentale de notre systèmede santé. Evaluant le coût de la prise en charge
de mon myélome à plus de 100000 euros, je mesurais la chance d’êtremalade dans un pays où l’on sortsa carte Vitale et non Visa pour se soigner, et où l’onconserve son salaire pendant les longs arrêts pourmaladie que suppose le traitement du cancer.Je ne croyais pas si bien dire en saluant la qualité de
notre systèmedeprotection, qui est trop souvent décrié, mais aujourd’hui je suis profondément inquietpour sa survie. En effet, le débat actuel à propos ducoût desmédicaments contre le cancer, particulièrement les thérapies innovantes, soulève un risquemajeur. Celui de ne plus pouvoir maintenir longtemps cette solidarité dont j’ai bénéficié, à cause demédicaments excessivement onéreux.Un des médicaments qui m’a été prescrit dans
le traitement de mon myélome, le Velcade (bortézomib), coûte en moyenne entre 28000 euros et37000 euros. Je n’ai pris conscience de ce coût querécemment, en acceptant l’invitation de l’InstitutPaoliCalmettes (IPC, à Marseille) à participer à unprochain débat public – le 28 janvier – sur le coût desmédicaments innovants en cancérologie. Je suis eneffetmembre du comité de patients de cet établissement, dans lequel j’ai été traité par chimiothérapie,puis autogreffe.En me penchant sur le sujet, j’ai découvert avec
consternation ce qui ressemble à une inflation excessivement dangereuse, une surenchère des coûts,avecdesmoléculesqui atteignentdes sommesastronomiques: ainsi, un autre médicament, qui faitmaintenant partie du traitement «standard» dumyélome, le Revlimid (lénalidomide), médicamentfourni aux patients en rétrocession hospitalière [distribution, par les établissements de santé, de médicaments à des patients ambulatoires], a représentéen 2014 un chiffre d’affaires de 140,7 millionsd’euros, soit pour la Caisse nationale d’assurancemaladie (CNAM) le troisième poste de dépenses enproduits rétrocédés en France! A l’IPC, ce médicament représente le premier budget de rétrocession,évalué en novembre 2015 à 2,3millions d’euros.Autre maladie, autre produit, autre exemple, le
Glivec (imatinib), premier traitement miraculeuxdes leucémies myéloïdes chroniques (LMC), dont lecoût annuel, par patient et par an, est de30000 euros en France et atteint 100000 dollars(environ 92200 euros) aux EtatsUnis. Des médecins américains de renom, officiant dans les plus
grands centres américains de lutte contre le cancer,mais aussi la presse américaine la plus sérieuse, sesont émus déjà de ce que leWall Street Journal a qualifié de «toxicité financière» des médicaments contre le cancer.Près de 1000produits d’oncologie sont en cours de
développement clinique dans le «pipeline» des industriels. Soixante pour cent d’entre eux sont dits«biologiques» et souvent «ciblés», et donc seronttrès onéreux si la logique actuelle continue de s’appliquer. On estime les dépenses enmédicaments anticancéreux, au niveau mondial, à 100 milliards dedollars en 2014, soit unehausse de 10%par rapport àl’année précédente, et les projections prévoientqu’elles atteindront 117 milliards en 2018, soit unecroissance annuelle estimée entre 6% et 8%.Alors, fatalité? Prix à payer pour lutter contre la
maladie? C’est ce que l’on croit souvent. On se dit
– parce qu’on nous l’a rabâché – que la recherchecoûte cher et qu’il est donc normal que l’industriepharmaceutique reporte sur le prix du médicamentles investissements lourds que l’innovation exige.Pourtant, le Glivec, précédemment cité, n’a pas vuson prix diminuer dix ans après sa mise sur le marché, au contraire: le coût du médicament a augmenté de façon spectaculaire!Comment l’expliquer? Autre argument, particuliè
rement cynique, des industriels : le médicamentépargne des soins beaucoupplus lourds et beaucoupplus chers… Comme le dit la Ligue contre le cancer,c’est comme si les fabricants d’airbags fixaient leurprix en fonction des économies réalisées en cas d’accident de la route!Il n’est pas question, bien sûr, de jeter l’opprobre
sur les industriels qui développent desmédicamentsmiraculeux, capables de sauver nos vies, mais il estindispensable, partant de la conscience de plus enplus partagée de ce qui ressemble à une dangereusebulle spéculative, de trouver comment modérer lesprix et réguler ces charges financières. Car, si nous
ne le faisons pas, demain, notre systèmede santé risque de ne plus pouvoir garantir auxnouveauxmalades la solidarité dont j’ai bénéficié. Au lieu de diminuer, l’inégalité face à la maladie se creusera encoredavantage – inutile de dire que lesmalades qui ont lamalchance de vivre en Afrique ou aux EtatsUnis subissent déjà de plein fouet cette inégalité. De trèsnombreux patients américains arrêtent leur traitement faute de pouvoir payer le reste à charge. Cettesituation glaçante nous épargne aujourd’hui enFrance,mais pour combien de temps?Les médicaments ne peuvent pas être un objet de
spéculation. Sinon, il arrivera unmoment où la bulleéclatera, mettant en péril l’ensemble du système, ycompris ceux qui voient en ces médicaments unesource inextinguible de profits.Lespatients atteints de cancerdoiventpouvoirnon
seulement être informés de façon transparente,mais aussi participer aux nécessaires évolutions dessystèmes de régulation. Notre pays est bien placépour susciter une telle initiative et porter ces valeursà l’échelle internationale. p«De nombreux patients américains
arrêtent leur traitement faute de pouvoirpayer le reste à charge. Cette situationglaçante nous épargne aujourd’hui enFrance, mais pour combien de temps?»
¶Philippe Petit,
membre du comité depatients de l’InstitutPaoliCalmettes (IPC).
PourPhilippePetit,membreducomitédepatientsdel’InstitutPaoliCalmettes, leprixdesmédicamentsaugmentedefaçondémesurée.Cequicréelerisquedecreuserdavantagel’inégalitéfaceàlamaladie
Lesmédicamentsducancer,objetsdespéculation| t r i b u n e |
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Unstent intelligentet communicantEn 1986, unpetit tube arévolutionné la cardiologie, le stent,capable demaintenir la circulationsanguine dans les artères oules veines obstruées. Quelque7millions de ces dispositifs seraientposés par andans lemonde.Instent, une startup issue de l’Ecolepolytechnique, vise l’améliorationde cette technologie éprouvée.Elle propose unmeilleur diagnosticde deuxde ses effets secondaires:la resténose et la thrombose.La première est une croissance decellules qui finissent par obstruer ànouveau le canal. La seconde est liéeà la formationd’un caillot sanguin.Lesmédecins ne sont pas démunisface à ces risques. Des stentsdits actifs libèrent desmoléculesempêchant la prolifération cellulaireet donc la resténose.Mais ellesbloquent aussi le processus decicatrisation., ce qui peut favoriserla thrombose. Contre celleci, desanticoagulants sont prescrits.Maisonne sait pas quanddébuter cestraitements ni quand les arrêter.La solutiond’Instent est d’équiperles stents actuels de capteurs quiidentifient le type de cellules ensurface du stent afin de déterminerun traitement. La communicationdes résultats peut se faire sans fil.«De premiers essais ont débuté cetété sur un cochon. Un seconda étéappareillé en décembre. Nousprévoyons unemise sur lemarchéen 2019», expliqueAbdul Barakat, del’Ecole polytechnique, qui a cofondéavec Franz Bozsak Instent en 2014.
david larousserie
êt dela science
Dans l’
14:00-15:00
mathieu vidard
14 : 00 - 15 : 00
mathieu vidard
la tête au carré
avec, tous les mardis,la chronique de Pierre Barthélémy
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