L’épuration des eaux usées domestiques par les plantes; une alternative à encourager pour une préservation durable de l’environnement en zones arides :

cas de la station pilote du vieux Ksar de Témacine, Touggourt

HAFOUDA Lamine*, HADAD Mouloud*, ARIF Yaakoub*, DJAFRI Kaouther*, BALLECHE Ouardia*, TALAB Brahim*, DEBBA Mouhamed Said***

Dr. Mark Nelson**, Florence Cattin**

* Institut National de La Recherche Agronomique de L’Algérie ; Station Expérimentale de Touggourt (hafoudalamine@yahoo.fr, haddadmld@yahoo.fr, kaouther33@yahoo.fr, balleche.ouardia@yaho.fr) ** Institute of Ecotechnics et Wastewater Gardens (WWG) / Division Espagne (nelson@biospheres.com, fc@internationalsolutions.org) *** Office National d’Assainissement ; STEP de Touggourt (debbasaid@yahoo.fr)

Résumé

L’urbanisation et l’évolution des modes de vie des populations rendent les volumes des eaux usées rejetées dans la nature de plus en plus importants. La création des stations et des unités d’épuration des eaux usées autour des principales concentrations urbaines et rurales, est devenue impérative comme des mesures de prévention et de réduction des risques de la pollution de l’environnement. Divers systèmes d’épuration des eaux usées sont présents dans le monde avec pour chacun leurs particularités techniques et leurs conditions financières. L’épuration des eaux usées au moyen de certaines techniques est une opération coûteuse, soulève un certain nombre de questions et de contraintes auxquelles on doit répondre avant d’entreprendre des opérations extensives de construction des stations dont l’intérêt social, technique et économique doit être mis en évidence. L’état des lieux en Algérie montre que les stations à boues activées représentent le 100% des stations d’épuration des eaux usées, ces stations sont à l’origine presque toutes en arrêt à cause des problèmes techniques et de fonctionnement. Pourtant, les techniques d’épuration des eaux usées par les plantes ont été introduites en Afrique depuis bientôt environ 30 ans, mais ces technologies rustiques n’ont pas encore trouvé leur place dans les concepts d'assainissement et de traitement des eaux usées en Algérie. Les travaux de mémoires et thèses montrent des bons résultats d’épuration des eaux par les plantes, mais aucune station n'a encore réellement fonctionné à grande échelle, pour des différentes raisons; entre outre l'absence d’informations sur le rendement épuratoire de ce type de stations. Aux Etats-Unis cependant le traitement des eaux usées par les plantes connaît des implantations allant jusqu’à 100,000 habitants. L'expérience unique de traitement des eaux usées par les plantes en Algérie est celle du vieux ksar de Témacine (Ouargla) où elle montre que le rendement épuratoire actuel est acceptable et que les installations, le fonctionnement et la maintenance sont moins coûteux et plus bénéfiques pour l’environnement. Pour un développent durable de cette technique d’épuration et pour une valorisation justifiée des eaux usées épurées en domaine de l’agriculture saharienne, nous essaierons à travers cette communication d’apporter des éléments de réponse à certaines questions relatives au traitement des eaux usées domestiques par cette technique

Mots clés : Eau usée domestique - Epuration - Plantes – Sahara Algérien – Zones humides artificielles Recyclage de l’eau - Développement durable - Ecologie

Colloque International sur l’Aridoculture, Optimisation des Productions Agricoles et Développement Durable Centre de Recherche Scientifique et Technique sur les Régions Arides (CRSTRA), Biskra, 13 et 14 Décembre 2008.

Introduction C’est en 2004, à l’issue d’une rencontre pluridisciplinaire et multiculturelle organisée par Monsieur le Cheikh de la Zaouïa Tidjania de Témacine et l’Association SHAMS, afin d’envisager les conditions d’un développement et d’un avenir durable des Oasis Saharienne, que le bureau d’étude Institute of Ecotechnics et Wastewater Gardens / Division Espagne (WWG), suite à plusieurs échange avec des chercheurs de l’INRAA, ont gagné un appel d’offre pour la réalisation d’un système pilote de traitement des eaux usées par les plantes auprès du Ministère des Ressources en Eaux, Direction de l’Assainissement et de la Protection de l’Environnement (MRE/DAPE), pour un système traitant 15 m3/jour d’eaux usées d’origine résidentielles, en bordure de Vieux Ksar de Témacine. La réalisation de l’unité fut prise en charge par la Commune de Témacine, les frais logistiques des bureaux d’étude WWG pour l’étude et la formation sur place, incluant la supervision des travaux de réalisation de l’unité ont été pris en charge par le MRE/DAPE et la Coopération Technique Belge (CTB). En avril 2008 une offre est établie en réponse à une sollicitation du Ministère des Ressources en Eau à la Station Expérimentale de l’INRAA de Sidi Mahdi Touggourt, en vue de prendre en charge l’ensemble du suivi des aspects agronomiques de l’unité pilote du vieux Ksar de Témacine sur une période de deux ans. L’objectif de ce travail est de réunir toutes les conditions agronomiques garantissant un développement optimal des végétaux et un contrôle de la qualité de l’eau et des produits issus du bassin de traitement

Présentation du système WWG

Les Jardins d’Epuration des Eaux Usées, Wastewater Gardens, furent développés pour l’expérience la plus importante au monde d’écosystèmes fermés, Biosphère 2, par Dr. Mark Nelson, conjointement avec des scientifiques de la NASA. Le système WWG était responsable de l’épuration du cycle entier (fermé) de l’eau provenant des animaux, des êtres humains, de l’activité agricole et des laboratoires. Le système fut ensuite affiné par la Planetary Coral Reef Foundation (PCRF) conjointement avec le Institute of Ecotechnics et sous la direction de l’éminent spécialiste de l’Ecologie des Systèmes, le Professeur H.T. Odum du Centre for Wetlands de l’Université de Floride.

Wastewater Gardens® dans Biosphere 2

Biosphere 2, Arizona, USA

Technique du traitement des eaux usées par le système WWG Un bassin WWG est une zone humide artificielle (ZHA) à flux horizontal souterrain, une écotechnologie qui reproduit les conditions des zones humides naturelles (ZHN). Le traitement primaire des eaux usées par ce système dans le cas de Témacine est assuré par une fosse septique (rétention des particules grossières). Le traitement secondaire est assuré par un bassin WWG, imperméabilisé, rempli de gravier et planté par des plantes pouvant vivre en milieu saturé d’eau. L’eau évacuée du bassin WWG est dirigée vers des tranchées de drainage pouvant servir à alimenter une zone verte additionnelle dont les plantes bénéficient également des nutriments toujours présents dans l’eau.

0

100

200

300

400

500

600

DBO5

(mg/l)

DCO

(mg/l)

MES

(mg/l)

N-NO3

(mg/l)

P-PT

(mg/l)

Entée station

Sortie du filtre

Présentation de l’unité pilote de traitement des eaux usées du Vieux Ksar de Témacine

La WWG de Témacine est dimensionnée pour traiter 15 m3 d’eaux principalement fécales par jour, correspondant à la production de 100 personnes +/- à raison de 150 L/personne/jour. La surface totale du bassin de traitement est de 400 m2, le niveau de gravier dans le bassin est de 0,70 cm rempli par de l’eau de telle manière à ce que le niveau supérieur de l’eau soit de 10-15 cm au-dessous du gravier. Le bassin WWG de Témacine comporte environ 941 plantes reconnues pour leurs capacités à vivre dans un milieu saturé d’eau : Laurier rose, Hibiscus, Cana, Papyrus, Grenadier, Jonc.

Station d’Épuration des Eaux Usées Wastewater Gardens, Vieux Ksar de Témacine

Schéma de la disposition des Plantes et Vue Globale de la Station WWG

Résultats d’épuration de l’eau usée par le système WWG du vieux Ksar de Témacine

Fosse septique

Sortie du WWG

Rendement (%)

DBO5 (mg/l) 372.754 60.116 83.872 DCO (mg/l) 481.75 75.63 84.3 MES (mg/l) 501.7 22.432 95.528

N-NO3 (mg/l) 35 29.29 16.314 P-PT (mg/l) 31.71 23.57 25.67 Coliformes totaux à 30

(germes/100 ml) 110000 3233 97.06

Evolution des paramètres de pollution

Boîtier de control Eau épurée Bassin de traitement : Jonc : Papyrus : Hibiscus : Cana : Laurier rose : Grenadier : Vétiver *** testé Arrivé d’eau Usée

Fosse septique

G

G

Résultats d’épuration de l’eau usée par le système Normes nationales de rejets industriels à boue activée (STEP de Touggourt)

Entrée STEP

Sortie STEP

Rendement d’élimination (%) Paramètres Valeur

Maximale

DBO5 (mg/l) 312 10.83 96.528 DBO5 (mg/l) 40

DCO (mg/l) 421.5 15.95 96.215 DCO (mg/l) 120

MES (mg/l) 803.59 21.84 97.282 MES (mg/l) 30

N-NO3 (mg/l) 35 7.9 77.428 Azote Kjeldahl (mg/l) 40

P-PT (mg/l) 30.88 5.66 81.67 Phosphate (mg/l) 2

Coliformes totaux à 30 (germes/100 ml) 110000 9300 91.545

Performances épuratoires du WWG du vieux Ksar Les performances épuratoires du système depuis sa mise en service (juin 2008) à ce jour sont globalement bonnes et se situent au-delà de 80% pour la plupart des paramètres considérés, en effet les taux moyenne de rabattement calculé soit de l’ordre de 83,872 % (DBO5), 83.87% (DCO), 95.528% (MES). Le Système a éliminé faiblement les ions phosphates (25.67), les ammonium (16.314) mais montre par contre une réduction très importante en coliformes totaux. Ces performances sont dans l’ensemble proche des gammes des performances exigées par la législation Algérienne et peuvent êtres améliorées après un bon développent et une bonne couverture du bassin par les plantes

Conclusion La station pilote d’épuration des eaux usées par les plantes du vieux ksar de Témacine reçoit actuellement la charge polluante de 100 habitants (15 m3/j) en écoulement continu. Globalement les faibles coûts de réalisation et la simplicité d’entretien du WWG sont les plus grands avantages du système, ces coûts restant liés aux travaux de la maçonnerie (fosse septique, bassin de traitement, boîtier de contrôle), remplissage du bassin par le substrat (gravier) et la mise en place du matériel végétal. Ces coûts peuvent êtres minimisés par l’utilisation d’une fosse septique préfabriquée et une étanchéité du bassin faite par la pose d’une géomombrane au lieu du béton armé. Le système nécessite un entretien simple mais régulier. Les seules opérations d’entretien consistant dans la taille des plantes, le nettoyage régulier du filtre de la fosse septique (sous risque de taux d’épuration moindres) et la vidange périodique (tous les 4 à 7 années, voir jusqu’à 20 ans, selon la nature des eaux entrantes – en cas de rejets excédants le dimensionnement de la fosse septique, cette vidange peut avoir à prendre place tous les quelques mois). En moyenne, un simple employé passera 3 heures par semaine sur la station pour la vérification du niveau de l’eau, le nettoyage ou changement éventuel du filtre (si celui-ci est végétal), pour la taille des plantes et le ramassage des débris végétaux. Dans ce système la consommation d’électricité, l’utilisation des pompes et des produits chimiques sont nuls. Ce système a jusqu’ici montré des performances épuratoires globalement satisfaisantes, et ces multiples facteurs ont certainement joué un rôle important dans le choix de cette technologie comme meilleure solution pour le traitement décentralisé des effluents domestique des agglomérations (villes, villages, écoles, …). Il est donc important et utile de : - Sensibiliser davantage les populations et des décideurs politiques sur les problèmes environnementaux liés

aux eaux usées. - Encourager la recherche scientifique et sociologique de ce procédé de traitement des eaux usées.