L'apprenant acteur social et les technologies mobiles...

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Thomas Vidal L'apprenant acteur social et les technologies mobiles : une utilisation des réseaux sociaux dans le contexte de l'enseignement du Français langue étrangère en Chine UNIVERSITE STENDHAL GRENOBLE 3 MEMOIRE DE MASTER MENTION SCIENCES DU LANGAGE 1ERE ANNEE SPECIALITE FLE ANNEE UNIVERSITAIRE 2012---2013 Sous la direction de Thierry SOUBRIE

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Thomas Vidal

L'apprenant acteur social et les technologies mobiles :

une utilisation des réseaux sociaux dans le contexte

de l'enseignement du Français langue étrangère en Chine

UNIVERSITE STENDHAL GRENOBLE 3

MEMOIRE DE MASTER MENTION SCIENCES DU LANGAGE 1ERE ANNEE

SPECIALITE FLE

ANNEE UNIVERSITAIRE 2012---2013

Sous la direction de Thierry SOUBRIE

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L'apprenant acteur social et les technologies mobiles :

une utilisation des réseaux sociaux dans le contexte

de l'enseignement du Français langue étrangère en Chine

3

Sommaire

Première partie

1 – Introduction 4

2 – Contextes 9

Deuxième partie

3 -TIC, une première approche empirique 18

4 - Les activités pédagogiques dans le réseau social 25

5 - Un réseau interculturel et pédagogique 29

6 - Mobile Learning 35

7 - Le réseau social et l'approche communicative interactionnelle 42

8 – Conclusion 45

9 – Bibliographie 48

10 – Annexes 52

&

Table des matières 50

4

L'apprenant acteur social et les technologies mobiles :

une utilisation des réseaux sociaux dans le contexte

de l'enseignement du Français langue étrangère en Chine

1. Introduction

La réflexion proposée dans ce mémoire s'inscrit dans le domaine de l'utilisation des

technologies de l'information et de la communication (TIC)1 dans une perspective

pédagogique. Elle résulte d'une expérience d'enseignement du français langue étrangère

(Fle) en Chine, dans un cadre précis, celui de l'Alliance Française de Pékin, dans un

contexte interculturel prégnant.

L'expérience relatée n'était pas conçue dans la perspective d'un travail de recherche. Elle

a commencé de façon très pragmatique, en recourant aux TIC pour faciliter les échanges

et l'expression orale des apprenants dans déroulement de mon enseignement, alors que

la réserve liée à la culture traditionnelle des étudiants chinois en freinait la mise en

œuvre.

Les effets positifs de cette expérience m'ont amené à l'analyser plus précisément, et à

revenir sur les traces laissées par les apprenants et moi-même au cours d'échanges écrits,

oraux et en images qui ont eu lieu, en dehors et en prolongation des cours, via un outil

de "chat"2 spécifique ,dans un réseau social3 précis, avec un groupe créé à cette occasion

puis reconfiguré et élargi selon les besoins et les circonstances.

1 TIC, Les technologies de l’information et de la communication désignent l’ensemble d’outils et de ressources technologiques permettant de transmettre, enregistrer, créer, partager ou échanger des informations, notamment les ordinateurs, l’internet (sites web, blogs et messagerie électronique), les technologies et appareils de diffusion en direct (radio, télévision et diffusion sur l’internet) et en différé (podcast, lecteurs audio et vidéo et supports d’enregistrement) et la téléphonie (fixe ou mobile, satellite, visioconférence, etc.). Unesco, http://glossary.uis.unesco.org/glossary/fr/term/2367/fr 2 Chat : messagerie instantanée, dialogue en ligne permettant l’échange instantané et interactif de messages textuels et, dans le cas présent, multimédia.

5

En relation avec cette analyse, le but de ce mémoire est également d'envisager des

convergences entre les activités menées dans le cadre des cours en classe, en présentiel,

et des activités moins formelles menées hors de la classe, donnant lieu à des échanges

en temps réel au sein du réseau social.

Il m'a semblé, au cours de mon expérience et à l'issue de cette réflexion, que les

complémentarités éventuelles entre situations de classe et ce qui approche du "mobile

learning" (explicité au chapitre 6) où l'apprenant communique par le biais d'une

technologie le mettant en relation avec le monde entier depuis son environnement

personnel, culturel propre, seraient particulièrement propices à la prise en compte de

l'apprenant "acteur social" tel que le CECR4 le définit.

Cette forme d'enseignement, mêlant des séquences en présence et des activités qui se

développent et se "visualisent" hors classe, hors cours, via un réseau social accessible

sur des téléphones intelligents (smartphones)5 a facilité mon enseignement du Fle dans

un contexte donné. Elle m'amène à m'interroger sur l'effet positif de la situation mise en

jeu, et à considérer plusieurs caractéristiques de cette expérience, dans la perspective de

la réitérer dans d'autres contextes. Plusieurs aspects sont à considérer, dont la prise en

compte de l'apprenant acteur social, de démarches communicatives actionnelles insérées

3 L’expression « médias sociaux » recouvre les différentes activités qui intègrent la technologie, l’interaction sociale (entre individus ou groupes d'individus), et la création de contenu. (…) Un groupe d’applications en ligne qui se fondent sur la philosophie et la technologie du net et permettent la création et l’échange du contenu généré par les utilisateurs. Wikipédia. Réseau social, médias socionumériques… la complexité de la définition est largement exprimée par Stenger et Coutant (2010). 4 CECR Conseil de l’Europe / Les Éditions Didier, Paris 2001 5 Un smartphone, ou téléphone intelligent, est un téléphone mobile évolué disposant des fonctions d'un assistant numérique personnel, d'un appareil photo numérique et d'un ordinateur portable. La saisie des données se fait le plus souvent par le biais d'un écran tactile ou d'un clavier. http://fr.wikipedia.org/wiki/Smartphone

6

dans le contexte culturel de l'apprenant, ou encore la forme conversationnelle liée au

réseau social.

Les TIC sont l'objet d'analyses au fur et à mesure de leurs nouveaux développements,

qu'il s'agisse de leurs aspects fonctionnels, purement techniques, commerciaux (avec un

marketing des constructeurs, spécialisé en direction des clients, dont le monde

enseignant), de leur insertion et de leur impact sur le développement des réseaux

sociaux.

Le travail que je propose ici est attentif à ces travaux, aux pratiques pédagogiques déjà

développées, et en en tenant compte, il a pour ambition d'étudier des communications

dans le cadre d'un réseau social donné, qui se sont faites via un outil de chat particulier,

"Wechat", une application sur smartphone, dans un cadre culturel et pédagogique bien

spécifique.

Plus largement, je m'interroge sur l'intérêt qu'une démarche combinant cours

enseignement en présence / mobile learning pourrait avoir pour la prise en compte des

recommandations du CRCE dans un contexte non européen, lorsque des traditions

culturelles significativement différentes de celles des pays occidentaux, ont un impact

marqué sur les comportements des étudiants.

Le transfert du CECR vers d'autres pays est déjà largement l'objet de travaux de

recherche, et je m'y réfère brièvement dans la mesure où le principe fondamental du

CECR amène à véritablement prendre en compte la personne sociale de l'étudiant tout

autant que la langue dans l'enseignement du Fle, et que l'utilisation des TIC, qui est mon

objet, y contribue.

Cette prise en compte est une des motivations de mon travail, fondé sur les observations

que j'ai pu faire pendant mon enseignement et à partir des traces des échanges entre

enseignants et apprenants, et apprenants entre eux, conservées via l'outil Wechat.

7

Des travaux de recherche de plus en plus nombreux sont publiés, analysant les contenus

de forums, chat, et autres lieux numériques où les participants laissent des "traces" de

leur communication et interactions. Sous un angle sociétal [Merzeau, 2009], ou

pédagogique [Sidir et al., 2006], notamment dans le contexte de l'enseignement à

distance, qu'il soit totalement à distance ou hybride6, où l'on interroge les "métiers"

pédagogiques mis à distance (enseignant, tuteur…), les comportements des étudiants, et

les démarches pédagogiques ayant recours à ces environnements numériques de

communication.

Ce sont des traces qui sous-tendent mon travail, et l'observation d'une progression

pédagogique dans ma propre démarche d'utilisation des TIC hors classe, d'une part, et

dans le comportement et la compétence orale des apprenants, d'autre part.

Première partie

Etant donné l'importance du contexte culturel, le premier chapitre de ce mémoire est

consacré à la présentation détaillée du cadre de l'expérience analysée, d'une part à partir

du "Guide interculturel à l’usage des enseignants de FLE et perspectives pédagogiques

dans le contexte des Alliances Françaises de Chine", fourni par l'Alliance française à

mon arrivée, dans la mesure où il constituait un premier filtre et une aide certaine pour

les premiers contacts avec la classe, et d'autre part à partir de regards et d'analyses plus

diversifiés.

Le chapitre suivant situe le cadre institutionnel et l'organisation de l'offre de cours, les

étudiants et leurs motivations, les moyens techniques mis à disposition pour enseigner,

et s'intéresse à l'usage des smartphones en Chine.

6 "Un dispositif de formation hybride se caractérise par la présence dans un dispositif de formation de dimensions innovantes liées à la mise à distance. Le dispositif hybride, parce qu’il suppose l’utilisation d’un environnement technopédagogique, repose sur des formes complexes de médiatisation et de médiation " [Peraya, Charlier, Deschryver, 2006].

8

Deuxième partie

Les caractéristiques culturelles en partie comprises, et la réaction très positive des

étudiants à l'usage d'un chat précis, Wechat, guident l'expérience relatée dans le chapitre

3, avec la mise en place d'activités, la façon dont les étudiants les ont suivies, l'évolution

d'échanges d'abord d'ordre organisationnels, à des tâches à finalité plus pédagogique et

ancrées dans le contexte social des étudiants, tâches plus à même de prendre en compte

l'apprenant acteur social.

L'analyse de cette évolution dans le chapitre 4, m'amène à considérer l'intérêt des

développements actuels du mobile learning, dans le chapitre suivant, 5, dans un rapport

avec mon expérience. Toutefois, celle-ci donne davantage de place à l'apprenant acteur

social, et se situe plutôt dans une approche communicative interactionnelle, ce que je

précise dans le chapitre 6.

Dans une conclusion, 7, nécessairement provisoire et liitée, car liée au seul contexte

interculturel bien particulier de mes cours à Pékin, je souligne l'utilité des TIC pour tirer

simultanément parti de plusieurs environnements, celui de la classe, concret, et celui

virtuel des réseaux sociaux pour l'enseignement du Fle.

9

Première Partie

2. Contextes

Ce mémoire est fondé sur mon expérience générale d'enseignement du français à

l'étranger et plus particulièrement auprès d'étudiants adultes en Chine en 2012-2013. Au

cours de mes expériences pédagogiques précédentes j'ai naturellement été confronté à

des différences culturelles d'une certaine importance, m'amenant parfois à adapter la

façon d'utiliser les outils pédagogiques dont je disposais. Mais la différence entre le

contexte culturel chinois et le contexte culturel occidental est profonde, et la façon dont

les étudiants chinois se comportent en classe, apprennent ou appliquent à l'apprentissage

du français des méthodes et des comportements très ancrés dans leurs façons

d'apprendre habituelles peut déconcerter un enseignant nouvellement arrivé en Chine, ce

qui était mon cas en 2012.

Le directeur des cours à l'Alliance Française de Pékin fournit d'ailleurs aux nouveaux

arrivants un "Guide interculturel à l’usage des enseignants de FLE et perspectives

pédagogiques dans le contexte des Alliances Françaises de Chine" extrêmement précis,

expliquant les principales caractéristiques de la culture chinoise et leurs incidences sur

le comportement et les habitudes des étudiants chinois susceptibles de dérouter

l'enseignant français, assortis de conseils et suggestions pour que ce dernier s'adapte et

tire le meilleur parti de la situation.

"Ce travail vise à présenter certains traits caractéristiques de la langue et de la culture chinoises, afin de permettre aux professeurs francophones natifs de mieux comprendre les réactions de leurs apprenants et de réfléchir à des aménagements de la démarche communicative / actionnelle pour optimiser leur enseignement"7.

Il m'apparaît indispensable de présenter les principaux points de ce guide ici, le seul fait

qu'il ait été nécessaire de l'élaborer montrant la réalité des difficultés potentielles face au

7 Guide interculturel à l’usage des enseignants de FLE et perspectives pédagogiques dans le contexte des Alliances Françaises de Chine, Samuel Bouak (Directeur des cours de l’Alliance française de Pékin) - 2009

10

comportement des étudiants chinois en classe – et dans son environnement social d'une

façon plus générale. Et c'est notamment la prise en compte du contexte social et culturel

sur laquelle le insiste "Cadre européen commun de référence pour les langues" (CECR).

En effet, la perspective actionnelle du CECR, en soulignant l'importance de considérer

l'apprenant en tant qu'acteur social, amène également à le considérer hors de la classe

tout autant qu'entre ses murs.

"Une perspective actionnelle Un Cadre de référence pour l’apprentissage, l’enseignement et l’évaluation des langues vivantes, transparent, cohérent et aussi exhaustif que possible, doit se situer par rapport à une représentation d’ensemble très générale de l’usage et de l’apprentissage des langues. La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. Il y a "tâche" dans la mesure où l’action est le fait d’un (ou de plusieurs) sujet(s) qui y mobilise(nt) stratégiquement les compétences dont il(s) dispose(nt) en vue de parvenir à un résultat déterminé. La perspective actionnelle prend donc aussi en compte les ressources cognitives, affectives, volitives et l’ensemble des capacités que possède et met en œuvre l’acteur social."8

Dans le cadre de notre expérience, c'est dans la mise en œuvre de la perspective

actionnelle, où l'apprenant est un acteur social à part entière, que le recours à un ooutil

issu de ce qu'il est convenu d'appeler les "technologie de l'information et de la

communication" (TIC), le téléphone intelligent, ou smartphone, équipé d'un outil de

chat particulier s'est révélé un atout facilitateur indéniable.

2.1. Contexte culturel et social de l'expérience relatée

2.1.1 – Approche culturelle générale et incidences sur l'enseignement

Le Guide interculturel à l’usage des enseignants de FLE et perspectives pédagogiques

dans le contexte des Alliances Françaises de Chine (désormais, le "Guide") fourni par

8 Conseil de l’Europe / Les Éditions Didier, Paris 2001 Page 15

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l'Alliance Française souligne le poids des habitudes sociales des chinois, et de la

pression de la société. Il précise également d'une façon très générale qui sont les

étudiants qui fréquentent l'Alliance Française. Il indique aussi qu'aux nombreuses

caractéristiques de l'interculturel franco-chinois, il faut ajouter les particularités du profil

des étudiants de chaque cours en fonction de leurs objectifs de carrière. Car ces objectifs

influent fortement sur leur façon d'aborder le français, et sur leur attitude vis-à-vis du

cours et de sa finalité. A chaque notion culturelle spécifique, le Guide donne des

indications sur ce que l'enseignant peut faire, ou quel pourrait être son comportement

pour une meilleure entente avec ses étudiants. Il s'inspire notamment des travaux de

Zheng Lihua, Professeur de sociolinguistique à l'Université des Études Étrangères du

Guangdong (Chine), et Pu Zhihong, professeur de français à l’Institut des Langues

étrangères de l’Université Sun Yat-sen, et insiste sur la part de l'influence du

confucianisme.

En voici plusieurs passages, les plus concernés par la problématique de l'action

communicative, avec, (en gras comme dans le Guide), les recommandations à

l'enseignant. J'ajoute une note en italique après certains paragraphes pour souligner la

partie de la recommandation qui concerne plus particulièrement mon expérience.

Comportement du professeur

"Traditionnellement, la parole du professeur est autoritaire et magistrale, et doit être écoutée attentivement. Ainsi dès l’enfance, on dit qu’il faut « écouter les adultes ». C’est la parole de l’adulte expérimenté, du maître, qui est toujours valorisée. Le professeur ne devrait pas s’étonner que l’étudiant chinois se

montre impatient quand il s’agit d’écouter les réponses ou les jeux de rôles

de ses camarades. Il n’y accorde en effet que peu de valeur et aura tendance à penser que le professeur étranger ne monopolise pas assez la parole. Il s’agit

donc de trouver des astuces pour capter l’attention des étudiants quand un

de leurs camarades s’exprime en français (donner des tâches concrètes à la

classe pendant les jeux de rôles, et « finaliser » systématiquement la

compréhension des énoncés produits au sein de la classe, par exemple)."

12

A noter : "astuces pour capter l’attention des étudiants quand un de leurs camarades

s’exprime en français" – avec notamment une référence aux jeux de rôles, activité sur

laquelle nous reviendrons tout particulièrement.

"En Chine, le professeur est considéré comme un guide autoritaire et bienveillant. Il détient le savoir, et se place au cœur des interactions dans la classe. C’est lui qui indique « le chemin » aux étudiants, qui les rassure et leur explique clairement ce qu’ils sont censés connaître et retenir dans le cours, grâce aux notes qu’il laisse au tableau, au manuel dont il suit fidèlement la progression et aux documents photocopiés qu’il fournit dans la classe. La méthode du professeur francophone natif va donc naturellement à l’encontre des schémas pédagogiques chinois. (…) Il faut aussi formuler clairement ses attentes vis-

à-vis des étudiants, notamment en termes de travail personnel à fournir en

dehors du cours :

« Révisez bien pour demain », phrase couramment employée et dont les

implications sont tout à fait claires dans le système éducatif français, ne

permet pas à l’étudiant chinois de savoir comment travailler chez lui. Des

indications précises de tâches concrètes à réaliser dans le livre et le cahier

d’exercices seront nécessaires… "

A noter : "travail personnel à fournir en dehors du cours ; des indications précises de

tâches concrètes à réaliser"

Comportement de l'étudiant

Le Guide rappelle que le confucianisme a souvent été assimilé à une culture de

l’imitation :

"Il s’agissait pour l’élève d’apprendre par cœur les canons classiques et l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école chinoise aujourd'hui se fait encore par la répétition de structures et de sons figés et souvent décontextualisés, par l’imitation des modèles linguistiques fournis par le professeur et le manuel. En aucun cas l’étudiant n’est encouragé à exprimer son point de vue ou à mettre en valeur son individualité. Il faut s’attendre à ce que les étudiants ne laissent

pas spontanément libre cours à leur imagination dans les activités de

production en classe, surtout lorsque les consignes et les explications qui ont

précédé ont été transmises uniquement à l’oral. Ils ne se sentiront vraiment

à l’aise que lorsqu’il leur aura été fourni un canevas (si possible écrit)

duquel ils pourront s’inspirer pour progressivement prendre leur

autonomie.

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A noter : "Il faut s’attendre à ce que les étudiants ne laissent pas spontanément libre

cours à leur imagination dans les activités de production en classe."

"Le perfectionnement de soi par l’étude est une autre valeur confucéenne importante. Il reflète le positivisme et le profond humanisme de cette philosophie qui considère que tout homme est naturellement bon, et possède en soi les ressources nécessaires à l’épanouissement des qualités morales les plus nobles. Le progrès personnel se fait par la correction systématique de ses propres fautes. Ainsi, on constate que l’étudiant travailleur réclame régulièrement des

retours détaillés sur ses productions orales et écrites, en vue de savoir

précisément où sont ses faiblesses et d’y remédier par ses efforts. "

- A noter : des retours détaillés sur ses productions orales et écrites.

2.1.2 La notion de "face"

Le Guide développe longuement la notion de "face" en indiquant qu'avec les influences

toujours présentes du confucianisme, elle joue un rôle considérable dans la société

chinoise.

Goffman résume ainsi cette notion :

"Une personne (…) agit dans deux directions : elle défend sa face, et, d’autre part, elle protège la face des autres. Certaines pratiques sont d’abord défensives, et d’autres d’abord protectrices, mais, en général, ces deux points de vue sont présents en même temps. Désirant sauver la face d’autrui, on doit éviter de perdre la sienne, et, cherchant à sauver la face, on doit se garder de la faire perdre aux autres » (Goffman, 1974).

Le sociolinguiste Zheng Lihua [Zheng Lihua , 1995] en distingue trois aspects :

• L’aspect moral : la dignité humaine, la réputation morale

• L’aspect social : le prestige

• L’aspect interactionnel : le sentiment personnel

Le Guide rappelle que l'enseignant doit savoir ce que ces notions recouvrent en Chine

pour pouvoir en tenir compte dans son enseignement.

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L’aspect moral : la dignité humaine, la réputation morale

Un proverbe dit : "la face est à l’homme ce que l’écorce est à l’arbre". Elle est ainsi naturelle à l’homme et nécessaire à son existence sociale. Elle constitue la dignité qu’il peut et doit avoir, dignité liée à son nom, sans laquelle la vie en société devient impossible. Eviter de perdre la face, c’est faire en sorte de ne pas perdre sa dignité humaine, sa qualité d’homme.

L’aspect social : le prestige

De même que "vouloir la face" est une attitude considérée comme un fait naturel et un besoin, le désir de prestige social est lui aussi considéré comme un élan naturel. Plus le statut de quelqu’un dans la société est élevé, plus il possède de la face. La logique chinoise veut que, si l’on a des liens avec une personne bénéficiaire d’une face considérable, l’on devient aussi quelqu’un qui "a de la face".

L’aspect interactionnel : le sentiment personnel

La particularité d’une relation personnelle chez les Chinois, c’est qu’elle est basée sur la face, qu’elle se voit contrôlée et soutenue par elle. Deux amis ont de la face l’un aux yeux de l’autre. La dimension de leur face dépend du pouvoir de chacun et du degré de leur amitié. Le gain de face dont on peut bénéficier par l’intermédiaire de quelqu’un se rembourse comme de l’argent qu’on a emprunté. C’est la "dette de face" que l’on doit toujours rendre. Au restaurant, un Chinois préférera payer l’addition pour son ami plutôt que de se sentir débiteur, en espérant que ce dernier en fera de même la prochaine fois. Le sentiment personnel s’entretient continuellement afin de ne pas "déchirer la face". Si l’on en veut à quelqu’un, on adoucira son reproche ou l’on s’abstiendra afin d’éviter tout sentiment de rupture et de préserver l’harmonie de la relation. Si la face en tant que réputation morale est une entité plutôt abstraite, la face en tant que prestige social est une entité plus concrète, ce dont témoignent les verbes de sens concret qui l’actualisent : elle est comme un objet qu’on peut "avoir", "donner", "gagner", "perdre", "faire", "demander", "refuser", etc. et les Chinois en jouent constamment.

Le Guide insiste donc sur la nécessité de ne pas heurter l'amour propre des étudiants, et

de garder la maîtrise de soi en toutes circonstances, de ne pas ridiculiser ou critiquer

violemment un élève dans la classe pour ne pas arriver à une situation de "perte", voire

de "rupture" de la face, qui serait considérée comme une humiliation difficile à accepter,

15

qui entacherait de manière irréversible la relation avec l’étudiant concerné, mais aussi

avec tout le reste du groupe.

Un aspect particulier souligné par le Guide est la réciprocité de ce respect de la face.

D’un côté, les étudiants vont tenter de protéger leur propre face en ne se mettant pas

trop en avant par rapport au reste du groupe, en évitant de répondre à des questions dont

ils ne sont pas certains de connaître la réponse... D’un autre côté, ils vont chercher à

protéger la face du professeur pour ne pas remettre en cause son autorité, son savoir et

ses compétences pédagogiques.

"Ainsi, le « oui » systématique qui suit la question « Ça va, vous avez compris ?» relève autant de l’appréhension de poser une question stupide devant les camarades que du souci de ne surtout pas donner au professeur l’impression qu’il a mal expliqué la première fois. Dans ce cas bien précis, c’est au

professeur de mettre en place des stratégies de questionnement qui

permettront de valider la compréhension des étudiants sans les obliger à se

mettre socialement en danger."

Mais le Guide indique aussi que toutes ces particularités culturelles sont petit à petit

diluées par les modifications sociales qui interviennent aujourd’hui dans la société

chinoise et qu'il convient de les relativiser, tout en retenant qu'aujourd'hui encore, un

étudiant qui se ferait trop remarquer par ses opinions et son attitude sera mal considéré

par le reste du groupe.

Des recommandations du Guide, je souhaite à présent souligner celles qui portent plus

particulièrement sur la pédagogie, et sur la dimension communicationnelle orale, dans la

mesure où les difficultés ont été récurrentes, et m'ont amené à chercher comment utiliser

des moyens spécifiques, i.e. relevant des TIC.

2.1.3 – Des recommandations pour la communication orale

Les recommandations du Guide portent sur la situation de groupe, en classe. Elles listent

quelques comportements verbaux, comme la façon d'attirer l'attention du professeur, de

parler en public, la voix – les chinois parlent plutôt plus fort que les français dans les

lieux publics - et le débit de la parole, que l'enseignant doit bien réguler pour une

meilleure compréhension, car les Chinois perçoivent la langue française comme un flot

16

ininterrompu du fait des liaisons et des enchaînements et ils éprouvent en général

d’importantes difficultés en compréhension orale.

Un point important concerne le respect du silence et de la parole d'autrui, les Chinois

ayant l’habitude de laisser un silence avant de répondre à leur interlocuteur, alors que les

Occidentaux ont plutôt tendance à répondre très vite et n’hésitent pas à couper la parole

de leur interlocuteur.

2.2. L'enseignant français face à sa classe chinoise

J'ai eu l'occasion de mesurer l'opportunité de la mise en regard par le Guide des

caractéristiques culturelles des chinois, et plus particulièrement des étudiants chinois,

avec les habitudes pédagogiques d'un professeur de FLE dans un cadre général, ou tout

au moins, non chinois.

Ces indispensables conseils m'ont beaucoup servi pour comprendre et construire une

relation pédagogique interculturelle efficace, enseignant / enseigné et enseignant /

groupe d'enseignés, ou pour mieux appréhender les comportements les uns par rapport

aux autres des étudiants en groupe classe.

Dans cet environnement interculturel ce sont assez nettement les aspects

communicationnels et actionnels qui ont été les plus ardus à faire vivre. Les étudiants,

d'une façon générale se comportaient tout à fait comme le Guide de l'Alliance Française

l'avait indiqué. Indépendamment de leurs connaissances et maîtrise linguistiques, la

communication orale était difficile à soutenir de façon active et suffisamment vivante

pour les amener à des phases de discussion suffisamment plausibles quant au rythme. Ils

ne prenaient que peu la parole, et ne proposaient pratiquement aucune idée personnelle

sur les sujets présentés à la discussion. Ils semblaient se préserver de toute participation

à la classe, au groupe, qui les aurait directement mis en jeu, se contentant d'un suivi

méticuleux des phases de travail structurées dans le manuel de cours, la "structure

hiérarchique" [Trevisi, 2010].

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Par ailleurs, même si cela variait un peu selon les groupes, il était assez évident que le

cours fini, leur travail d'apprentissage s'arrêtait. Il était difficile de les amener à

prolonger ou approfondir entre deux cours un travail ou une activité menée en classe.

Mais ils travaillaient beaucoup et de façon appliquée ! La lecture, les exercices, les

aspects plus scolaires leur convenaient suffisamment. Et j'ai effectivement remarqué,

comme l'indiquait le Guide de l'Alliance Française, qu'ils prenaient le temps de vérifier

continuellement les mots nouveaux – ou déjà connus – dans un dictionnaire9 en ligne à

partir de leurs smartphones. Ce qui m'a conduit à parler technologie avec eux, et à

découvrir l'intensité de leurs pratiques sur les terminaux mobiles, puis à décider de

tenter d'utiliser ceux-ci pour les amener à s'investir davantage personnellement, et à

communiquer. C'est ce que je décris dans le chapitre suivant (3), l'expérience menée

avec les étudiants de plusieurs classes dont j'ai eu la charge en 2012-2013 à l'Alliance

Française de Pékin, intégrant une technologie de communication mobile et une

application particulière, le "WeChat".

D'une certaine façon, j'avançais quelque peu dans leur direction en proposant d'utiliser

un support qui leur était propre, personnellement, mais aussi culturellement – on verra

jusqu'à quel point – et en leur accordant une distance dans l'acte communicationnel,

celle de la médiation par leur téléphone mobile personnel, plus conforme à leurs

habitudes. Il s'agissait aussi d'assurer une certaine réciprocité dans les échanges, et de ne

pas provoquer de heurt entre les deux approches culturelles en présence, chinoise et

française.

9 "Dans sa thèse de doctorat " Pour une approche interculturelle de l’enseignement du français comme

spécialité en milieu universitaire chinois", Yue Zhang indique que les enseignants francophones "se plaignent que les apprenants chinois utilisent tout le temps le dictionnaire bilingue ou le dictionnaire électronique bilingue. Ils ne veulent pas écouter les explications données par le professeur ou utiliser le contexte pour la compréhension du mot. Dès qu'ils rencontrent un nouveau mot, ils sortent leur dictionnaire pour consulter le sens, souvent en cachette. Ce qui énerve beaucoup leur professeur étranger. En fait, l'étude laborieuse des idéogrammes dès l'enfance a développé leur mémoire visuelle et l'enseignement du chinois met l'accent sur la compréhension linéaire et détaillée. Le dictionnaire joue un rôle très important dans l'apprentissage de la langue maternelle(…). Dans la société chinoise, on cherche à être parfait et l'erreur est à tout prix à éviter. Le dictionnaire est considéré alors comme un maître suprême qui permet de ne pas faire de faute et de ne pas perdre la face."

18

Deuxième partie

3. TIC, une première approche empirique

3.1. Les cours et leurs participants

L'Alliance Française de Pékin propose des programmes de cours :

- Intensifs : 25 à 30 h par semaine, pour des étudiants ayant très rapidement besoin

d'une maîtrise générale du français dans leur cadre professionnel. La plus grande

partie d'entre eux sont en effet des actifs;.

- Semi-intensifs : deux fois 5h, le samedi et le dimanche, ou quatre fois 2h30

réparties dans la semaine. Ce sont des apprenants de niveau A2 à B1. Je reviens

ci-dessous sur leur motivation.

- Extensifs : une fois 5h, pour des apprenants très diversifiés et de motivation

variable.

Les cours pour lesquels j'ai pu mettre en place de façon plus soutenue l'expérimentation

de communication "médiée" qui suit, sont ceux dits "semi-intensifs" soit quatre fois

deux heures et demie réparties dans la semaine. Ce sont des groupes de 7 à 8 étudiants.

Il y a bien sûr de nombreux profils d'apprenants à l'Alliance Française de Pékin, mais la

plupart des étudiants de ces groupes semi-intensifs présentait le même profil, c'est-à-dire

qu'ils étaient composés d'homme et de femmes (en proportion à peu près égale, les

hommes étant parfois plus nombreux) actifs professionnellement, d'une tranche d'âge

comprise entre 30 et 45 ans, et très généralement candidats à l'expatriation et au départ

pour le Québec10. Ils doivent présenter un dossier pour candidater, et réussir au Test

d’Évaluation de Français adapté au Québec (TEFAQ), un test de français général qui a

10 Le Québec propose en effet un programme d'immigration construit sur un système de points, et la maîtrise du français, associée à un diplôme supérieur, est un atout très important pour obtenir le visa d'émigration pour le Québec.

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pour objectif de mesurer le niveau de connaissance et de compétences en français en

compréhension orale et en expression orale11.

A priori les étudiants de ces groupes étaient donc motivés pour s'exprimer oralement, et

cependant la réserve liée à leur contexte culturel détaillé plus haut était notable et gênait

l'animation de la classe. Les comportements et interventions des hommes et des femmes

étaient à peu près identiques en classe, quoique l'on puisse noter que les femmes

n'interrompaient pas les hommes…

3.2. L'équipement en TIC des apprenants

Les chinois, et très clairement ceux avec lesquels j'ai travaillé, sont bien équipés en

téléphonie mobile – selon une étude du Ministère chinois des l’Industrie et des

Technologies de l’Information, publiée en janvier 2013, le nombre d’utilisateurs de

téléphones de troisième génération avait atteint 420 millions – celui-ci leur servant non

seulement à communiquer, mais étant également le principal moyen d'accès à Internet

en Chine.

" Par ailleurs, le téléphone portable est devenu le premier moyen d’accès à Internet en Chine. Le nombre de Chinois qui utilisent leurs téléphones portables pour surfer sur Internet -soit 74.5%. de tous les internautes - a dépassé celui des internautes qui passent par le traditionnel ordinateur de bureau – 45,9 % (au llieu de 70,6 % en 2011). Certains utilisent les deux moyens. Cela confirme l’ampleur du phénomène des "smartphones", qui font maintenant partie intégrante de quotidien. Un enseignement que l’on peut découvrir dans le dernier rapport semestriel du CNNIC (China Internet Network Information Center), organisme créé en 1997" [Shaolong Wang, 2013 ].12

Sur leur smartphone les étudiants disposaient tous d'une application de "chat", WeChat

(微信 en chinois ce qui signifie littéralement «micro message»), développée par Tencent

en Chine, ce qui la rend très populaire auprès des chinois, d'un certain niveau social

11 http://www.francais.cci-paris-idf.fr/tefaq-et-e-tefaq/

20

toutefois puisque cette application ne fonctionne que sur smartphone, terminal mobile

encore assez coûteux. Selon le site Marketing en Chine13, 76,1% des utilisateurs de

WeChat, sont âgés de 22 à 35 ans, principalement dans les grandes villes et

appartiennent à la classe moyenne. Toutefois le site indique que les "classes populaires"

rejoignent progressivement les rangs des utilisateurs de WeChat. D'après le président du

fabricant Tencent, l'application compte plus de 100 millions d'utilisateurs à travers le

monde en août 201314, est proposée en 18 langues et disponible dans plus de 200 pays et

régions.

Wechat existe en plusieurs langues, et selon les versions on relève certaines différences.

Par exemple, Facebook, interdit en Chine, n’est pas intégré dans la version chinoise

alors qu'il l'est dans la version anglaise.

Figure 1 - Les différentes langues dans lesquelles Wechat existe –

Il n'est pas encore développé en français.

12 Données mises à jour par mes soins en août 2013 auprès du site

http://www1.cnnic.cn/IDR/ReportDownloads/, à partir du Statistical Report on Internet Development in

China (January 2013) 13 http://www.marketing-chine.com/analyse-marketing/wechat-lavenir-de-la-communication-mobile-en-chine 14 http://french.cri.cn/621/2013/08/15/502s337237.htm

21

Figure 2 : les fonctionnalités de WeChat

Les applications sous WeChat permettent l'échange de contenus photo, audio (une

application qui profite du micro des téléphones mobiles pour envoyer des messages

vocaux courts et qui se révèlera très utile avec les étudiants), ou vidéo (en utilisant la

caméra du téléphone), des services de géolocalisation, avec des outils de détection

"sociaux" – permettant par exemple de savoir s'il y a des utilisateurs physiquement

proches, comme "Shake", ou "Look Around". Les codes QR15 permettent de retrouver

les "amis", et services évolués de Chat, avec les fonctions d'appel et de vidéo

conférence.

Il existe bien sûr beaucoup d'applications de "chat" concurrentes sur les smartphones16,

mais celle-ci a des fonctionnalités simples, faciles d'emploi, et, atout culturel certain

dans le contexte évoqué, a été conçue en Chine. Sa simplicité la rend intéressante de

toute façon, quel que soit le pays où on l'utilise, comme en témoignent les plus de 100

millions d'utilisateurs actuels dans le monde.

3.3. La mise en place des activités

3.3.1 Premiers contacts médiés

Quand je me suis présenté à mes étudiants lors de mes premières sessions de cours à

l'Alliance Française j'ai communiqué mon adresse de messagerie électronique – courriel

- en encourageant les étudiants à l'utiliser pour toute question relative au cours, à ses

contenus, à l'organisation, etc.

Ce qu'aucun ne fit.

15 http://fr.wikipedia.org/wiki/Code_QR 16 WeChat se positionne désormais en rival à WhatsApp, http://www.clubic.com/application-mobile/actualite-578066-wechat-positionne-rival-whatsapp.html - 16 août 2013

22

Au début des sessions suivantes et après avoir découvert l'omniprésence de Wechat

parmi les étudiants, j'ai indiqué mon nom de code Wechat plutôt que mon courriel

lorsque je me suis présenté. Cette fois des étudiants se manifestèrent dès le premier soir

après les cours. De façon individuelle d'abord, puis j'ai pu former un "groupe Wechat"

incluant toute la classe, et une communication de plus en plus nourrie s'est développée,

soit de façon individuelle, étudiant / enseignant, soit au sein du groupe.

Je reviendrai sur ces échanges qui se sont déroulés en dehors du cours, mais je voudrais

préciser ici que cette démarche était inhabituelle à l'Alliance Française. Les enseignants

français n'utilisaient que peu ou pas Wechat, et pas avec leurs étudiants, quant aux

enseignants chinois ils semblaient se préserver de toute démarche risquant de perturber

leur statut hiérarchique : on ne devient pas "ami" avec ses étudiants, bien que ce terme

ne signifie aucunement une amitié dans les réseaux sociaux, mais implique néanmoins

une sorte d'égalité de statut.

"… certains professeurs expriment des réticences vis-à-vis de l’usage des réseaux sociaux en général parce que cela rendrait plus délicate la séparation des relations sociales de celles à caractère académique" [Blattner, G. et Lomicka, 2012].

En effet, comme sur Facebook, il faut confirmer avec WeChat que l'on fait partie des

relations directes de la personne qui vous sollicite avant de pouvoir communiquer. Pour

des raisons un peu similaires l'utilisation du courriel n'est pas favorisée par les

enseignants chinois. C'est un dispositif trop personnel, dont on garde la trace aisément et

dont les contenus risquent d'être rediffusés, transférés.

L'application Wechat s'avère plus "légère", nettement plus restreint eaussi que

Facebook, et même si des groupes de personnes en relation peuvent être formés, ces

groupes ne sont accessibles à quiconque en dehors du groupe.

Néanmoins, même sur Wechat une certaine vigilance pour préserver un statut

d'enseignant est nécessaire (les recommandations du Guide s'appliquent là aussi …).

Dès le premier soir après que j'aie eu communiqué mon code WeChat, donc, quelques

demandes d'informations sur le cours du jour m'ont été faites via mon smartphone. Il

23

s'agissait bien d'une façon d'établir une communication plus directe et individuelle avec

l'enseignant, ce que les étudiants "wetchatteurs" n'avaient pas fait en présence.

J'ai ainsi rapidement pris l'habitude de leur envoyer des informations sur ce qu'il y avait

à faire pour le cours suivant, de leur repréciser les exercices à faire, de répondre à leurs

questions d'ordre pratique. D'abord par écrit, puis, les enregistrements audio courts étant

possibles, par oral également.

- Ce qui correspondait par ailleurs à la recommandation du Guide : travail personnel à

fournir en dehors du cours ; des indications précises de tâches concrètes à réaliser

3.3.2 Création d'un groupe au sein du réseau social

J'ai ensuite créé un groupe comprenant tous les étudiants du cours, et dans lequel est

aussi parfois intervenu un second enseignant avec lequel je fonctionnais en binôme, puis

des sous-groupes, plus restreints pour certaines activités ciblées. Parfois tout

simplement autour d'un repas pris ensemble et qui occasionnait au préalable des

échanges concernant le choix du restaurant, le lieu (envoi de cartes de la ville, etc.) au

cours desquels les étudiants étaient soucieux de montrer leur connaissance de la ville, ou

leur capacité à me renseigner.

Les échanges se faisaient de façon individuelle, surtout au début, puis petit à petit les

étudiants ont osé s'exprimer devant le groupe. Et j'ai pu voir qu'ils s'aidaient entre pairs,

par exemple photographiant la page de l'exercice à faire et se la transmettant au sein du

groupe.

Nous avons posé un principe absolu dans le groupe : tout le monde devait écrire en

français, et laisser des pistes audio en français. Il y a bien sûr eu des intrusions en

chinois, mais aussi en anglais, leur seconde langue en général.

24

Figure 3 – Un des groupes et un échange concernant un document visionné en classe

Un des groupes créé à partir d'un premier ensemble d'une classe de 8 étudiants, puis

augmenté petit à petit avec des étudiants de groupes ultérieurs. Il comporte ici 17

étudiants, dont :

- 11 femmes, dont une étudiante russe sinophone

- 6 hommes

On notera comme dans la plupart des réseaux sociaux certains participants se

manifestent ici sous couvert d'un pseudonyme, avec une image pour les représenter qui

n'est pas nécessairement leur portrait. Or, dans le groupe classe tous sont identifiés et

l'on sait qui est derrière tel ou tel pseudonyme ostensiblement utilisé. On se trouve donc

en présence d'éléments qui peuvent être utilisés dans le cadre d'un jeu de rôle.

25

4. Les activités pédagogiques dans le réseau social

4.1. Des conseils, aux tâches

Dans un premier temps il s'est surtout agi pour moi de guider, de répondre aux questions

et de corriger les erreurs écrites, ou orales au cours d'échanges réduits, plutôt d'ordre

organisationnel (heure du cours, page de la leçon, etc.) : les échanges étant immédiats il

m'était possible de demander de répéter la phrase dite aussitôt reçue, de faire réécouter

une prononciation correcte puisque les messages audio s'enregistrent comme les

messages écrits. Il a aussi fallu, de ma part, ajuster l'utilisation du chat aux compétences

réelles des étudiants, l'aide visuelle à la compréhension par des comportements non

verbaux n'étant plus mobilisable.

Les difficultés initiales : des séquences

sonores un peu trop longues de la part de

l'enseignant, et les interrogations, par

écrit de l'étudiante qui n'ose ou ne sait

prononcer oralement sa question.

Exemple d'un dialogue oral à plusieurs,

avec répétitions de mots et de phrases très

courtes.

Figure 4 – essais-erreurs en production orale

26

Une session avec un groupe plus restreint, avec image, et interventions écrites et orales :

Un groupe de six personnes

spécifiquement constitué

pour un exercice, et le

haut- parleur du "voice

chat"

Figure 5 – Mélange multimédia autour d'une photographie de château en France

Ce qui à première vue aurait pu ressembler à des SMS multimédia s'avère profondément

modifié par la possibilité de produire des enregistrements sonores– donc, notamment,

une production orale - qui tout en étant instantanés peuvent être réécoutés indéfiniment,

de même pour des séquences vidéo qui peuvent être commentées ensuite, par écrit ou

oralement.

- Ce qui, dans une certaine mesure, correspondait à la recommandation du Guide : "des

retours détaillés sur ses productions orales et écrites"

4.2. Mise en place de tâches dans l'espace du réseau social

J'ai ainsi pu commencer à leur donner des tâches et proposer diverses activités plus

autonomes à faire, soit oralement, soit par écrit, soit à partir d'images, de photos prises

avec le smartphone et pouvant être postées en temps réel, incluant éventuellement des

liens vers des sites web en français, à finalité pédagogique (exerciseurs, etc.) ou non.

Toutes ces possibilités d'expression étaient parfois mêlées. Ces tâches étaient très

simples, n'impliquaient pas de recherches approfondies ; leur durée était limitée, elles se

déroulaient dans le cadre d'échanges rapides, immédiats ou préparés en peu de temps,

27

afin de rester dans les limites de leurs compétences linguistiques et pour ne pas

émousser la bonne volonté des apprenants ni alourdir le reste du cours.

Un exemple très simple, image 6 : la consigne était de me poser une devinette visuelle.

Ecran n°1 - Envoi d'une

image, qui s'avèrera être

extraite d'un programme

pour la fête de Duanwu.

Ecran n°2 - Capture de

définitions dans le

dictionnaire en ligne, une

application qu'ils utilisent

continuellement, cette fois-

ci pour le bénéfice de

l'enseignant …

Ecran n°3 - Je reprends en

audio la phrase fautive :

"j'en ai mangé toute la

semaine dernière"

Figure 6 – A l'occasion de la fête de Duandwu, devinette et dialogue entre étudiants et

enseignant

4.3. Un cours qui se prolonge

Le second temps d'une séquence pédagogique est souvent organisé autour d'un débat,

dont le thème sera en relation avec le travail du début du cours, après mise en place du

lexique, de certains éléments syntaxiques, argumentaires, etc.

Malgré ce qui a été noté précédemment sur la retenue des étudiants chinois, il faut

reconnaître que le débat est, dans l'activité communicationnelle, le genre qu'ils préfèrent

et pour lequel ils font le plus d'efforts à l'oral. Ces débats en deuxième partie de session

sont donc très appréciés des étudiants, qui tentent en français de mettre en œuvre les

multiples facettes de leur propre technique de la négociation, notamment ne pas attaquer

28

frontalement tout en faisant comprendre son désaccord. Ce qui donne au professeur de

français de nombreuses occasions d'intervenir sur les diverses formes de la négociation

en français, d'entraîner des engagements interactionnels plus élaborés.

Un débat plutôt animé ayant eu pour objet des discussions entre "comités de quartiers"

fictifs, concernés par la préservation écologique d'un secteur de la ville, s'est ainsi

poursuivi via WeChat non pas véritablement sur le sujet en cours, mais sur la façon de

d'affirmer son bon droit tout en semblant rester suffisamment respectueux.

Nous étions entre le cours et un jeu de rôle hors les murs de la classe, et n'y avait-il pas

là, à l'épreuve, certaines des compétences distinguées par J. C. Béacco,

ethnolinguistique, relationnelle ; interprétative … ?

29

5. Un réseau interculturel et pédagogique

5.1. Un environnement pour discuter, et s'entraîner

Comme on l'a vu dans le chapitre précédent, de la demande de précision sur un horaire

de cours, les contenus des échanges spontanés, écrits, oraux et en images sont assez

rapidement passés à des propos plus larges en relation ou non avec les cours. Il a alors

été intéressant d'orienter les échanges soit autour des activités personnelles des étudiants

- ou des enseignants – soit dans la prolongation d'activités menées en classe.

Si dans la première phase, l'information était limitée sur le plan lexical et sur la forme

du message, parfois réduite à une photo de la page du manuel, à l'horaire ou la date du

cours, … il importait d'être plus exigeant dès lors que l'on provoquait des situations

d'échanges plus ambitieux, sans toutefois décourager la spontanéité et la bonne volonté

que l'outil et le contexte de type réseau social avaient favorisées.

En effet, je n'ai pas cherché à transformer cet espace de communication en lieu virtuel

de travail. Les étudiants ne se sont de ce fait jamais trouvés en situation d'échec

puisqu'ils n'étaient pas dans le cadre d'un apprentissage formel avec évaluation, voire

validation.

Mais j'ai pu noter des progrès dans le cadre du cours en classe, les étudiants ayant à

cœur de replacer sans craindre de moquerie, mais plutôt avec la complicité des autres

participants au groupe, ou surtout sous-groupe, une réplique, un fragment de phrase

répétés via le WeChat, à l'oral comme à l'écrit, et ainsi "travaillés" individuellement

avec l'enseignant en dehors du groupe.

Une certaine complicité s'est en effet établie, entre les étudiants du groupe, ou de chaque

sous-groupe, comme celui mentionné plus haut à l'occasion d'un repas au restaurant, et

en "présence virtuelle" de l'enseignant.

30

J'ai pu noter que des discussions en français s'étaient prolongées après mon départ –

comme en témoignent les trois écrans ci-dessous, image 7.

Figure 7 - Captures d'écran des 17 et 29 juillet 2013

Bien que les cours soient terminés, les étudiants savent que je suis toujours membre du

groupe et, image 7, un échange apparemment commencé en chinois, avec l'inévitable

photo de nourriture – un sujet de discussion et de capture d'image fréquent - se poursuit

en français …

5.2. Réserves et limites …

Il faut toutefois être attentif aux comportements des participants à ce que l'on peut

considérer comme un mini-réseau social, et à l'ambiguïté de la position que l'enseignant

y occupe. Il reste l'enseignant, et doit d'ailleurs veiller à conserver un statut différent de

celui des étudiants au sein du réseau social. Les limites que le niveau de langue

imposent aux contenus des communications, qui restent fort simples, ne doivent pas

masquer que cette communication, même si elle était plus riche, plus élaborée, resterait

emprunte d'une certaine contrainte. Il est probable que même lorsqu'ils semblent

discuter entre eux, les apprenants écrivent ou parlent en sachant que, même sans

31

intervenir, l'enseignant est attentif à la correction de la langue utilisée. C'est pour lui,

finalement, qu'ils s'expriment en français [Christian Ollivier, 2012, §20]. Les étudiants,

libres de s'exprimer sans contrainte apparente, en ressentent certainement une malgré

tout. Et à vrai dire, c'est peut-être aussi bien, dans la mesure où, ainsi, ils s'efforcent de

montrer leurs compétences linguistiques.

Ce réseau social est une sorte de lieu privilégié pour des jeux de rôles implicites tout

autant qu'à une communication "authentique" et spontanée.

5.3. Un réseau social interculturel

A plusieurs reprises j'ai qualifié de réseau social l'espace des échanges via WeChat. Il

s'agit ici en outre d'un réseau interculturel dont la vocation explicite est d'échanger entre

participants sur des aspects culturels, et implicite, de faciliter des pratiques

linguistiques.

En effet, au-delà des échanges de type organisationnels, la simplicité d'emploi du

WeChat permet des échanges plus diversifiés, comme on l'a vu avec les images 5 et 6

notamment, au cours desquels enseignant et étudiants peuvent aller puiser des

ressources visuelles (photos du château, image 5 ; dessin du gâteau Zongzi en petit

personnage à pattes, image 6), écrites (les définitions du dictionnaire pour la fête de

Duanwu, image 6), et sonores, en plus de leurs propres productions écrites et orales.

Ces possibilités favorisent des interactions culturelles, chacun – surtout les étudiants

bien sûr - pouvant aisément proposer un "objet" issu de sa propre culture sans être

préalablement gêné par une maîtrise malhabile du français, mais toujours dans un cadre

conversationnel, rappelant une des théories de base de l'enseignement à distance (Borje

Holmberg 1982) 17.

17 L'approche conversationnelle est par ailleurs la base d'une des théories développées sur l'enseignement à distance, par Borje Homberg en premier lieu : a methodological approach - empathy-creating

conversational style – leads to increased motivation to learn and better results than conventional

presentation of learning matter. Holmberg B., 1982 et 2003

32

Cette première étape, la proposition d'un objet visuel ou sonore, en provenance des

environnements chinois, ou français, enclenche assez facilement les suivantes sous

forme d'échanges verbaux : commentaires, opinions, comparaisons …

Une sorte "d'espace virtuel interculturel interactionnel" multimédia s'est ainsi créé, en

marge de la classe et dans une relation variable avec le cours : ses effets y sont parfois

réinvestis mais peuvent rester totalement déconnectés.

A priori l'utilisation de WeChat n'était surtout pas destinée à organiser un enseignement

complémentaire à distance, mais plutôt à ouvrir et faciliter la possibilité pour les

apprenants de dialoguer librement avec l'enseignant – toutefois dans une certaine

mesure seulement – ce que la réserve habituelle des étudiants chinois leur rendait

inconfortable, qu'il s'agisse de "garder la face" ou, ce qu'ils ne se seraient pas autorisé

dans une logique hiérarchique chinoise stricte.

- Une façon de répondre à la recommandation du Guide notée plus haut : "Il faut

s’attendre à ce que les étudiants ne laissent pas spontanément libre cours à leur

imagination dans les activités de production en classe"

5.4. Le rôle de la médiation technique

Comme déjà indiqué, je n'ai pas cherché à transformer cet espace de communication en

outil de travail formalisé, mais j'ai tenté d'en exploiter pédagogiquement certaines

caractéristiques techniques et sociales :

- La communication multimédia, avec la possibilité d'aller cherche sur le web et de

manipuler écrit, audio, images, où une sorte de "parler multimédia" facilite la

prise de parole verbale :

"Aggregating, combining, tagging, valorizing content through annotations and giving new meaning to raw sources in entirely new forms of expression constitute both a technical possibility and a social function that gives users far more space for creative engagement. It also makes content manipulation a much easier and more flexible process (…). Here, the "architecture of participation" (Musser et al., 2007: 16) that is embedded in social media is fundamental to the possibilities given to

33

users to "play" with data and content and thus contribute to the new vision of Internet" [Zourou, 2013] ;

- Le terminal individuel, smartphone, continûment ouvert et utilisé par ses

propriétaires, donc mobilisable à tout moment pour une communication directe,

individuelle ou de groupe, mais également capable de répéter à l'infini les courtes

séquences enregistrées, qu'elles soient visuelles, sonores, audiovisuelles ou

écrites ;

- l'insertion étroite, voire la "greffe" du smartphone dans la vie quotidienne de

l'apprenant, donc dans sa culture, lui permettant de partager des fragments de

celle-ci de façon personnelle et délibérée, construite ou impromptue selon les

sollicitations de l'enseignant.

Avec ces possibilités de partage concernant sa propre culture, l'apprenant semble se

sentir plus à même de discuter autour des sollicitations concernant la culture et la langue

françaises, réels objets de la formation qu'il suit, d'y répondre aussi par ses propres

objets.

Il est certain que l'empirisme de ma démarche doit nuancer ces premiers constats, même

si Holmberg pense qu'une théorie, la sienne en l'occurrence, celle de l'approche

conversationnelle, a été testée "empiriquement"18. La part affective dans la relation entre

enseignant-enseignés joue également un rôle important dans la spontanéité et l'ouverture

des échanges. Néanmoins, il me semble que l'utilisation d'une technologie si présente,

dont la vie des apprenants est si imprégnée, a été un facteur facilitant pour obtenir des

dialogues, simples certes, mais animés et susceptibles d'être réinvestis dans le cours

ensuite ; ce que je ne parvenais pas à obtenir qu'avec difficulté dans le cours classique,

présentiel.

Mais outre le recours à une technologie qui leur était familière, des échanges souvent

fondés sur des différences culturelles, un autre aspect du dispositif m'a intéressé : la

18 Borje Homberg "My theory is a predictive theory that generates inter-subjectively testable hypotheses which can be – and have been - empirically tested". Conférence-Reasearch Workshop du réseau EDEN, Catseldefells, octobre 2006.

34

médiation d'une communication qui, bien que médiée, était souvent immédiate, en

temps réel, et paradoxalement s'effectuait parfois entre interlocuteurs géographiquement

très proches - d'une salle à une autre par exemple, voire dans un restaurant à quelques

places les uns des autres. Elle avait aussi pour caractéristique de se poursuivre de lieu en

lieu, parfois au cours d'un même échange continu. La communication elle-même se

déplaçait, ambulante en quelque sorte, et son sujet pouvait lui aussi changer selon le

lieu, devenir mobile à son tour.

Il s'agissait donc de mieux comprendre l'intérêt de cette médiation mobile.

35

6. Mobile Learning

Quelques mots-clefs plus tard, au fil des définitions ou traduction trouvées via Internet,

j'ai exploré les travaux existants sur le "mobile learning", l'apprentissage mobile,

nomade, la "e-formation par téléphone", ou encore la baladodiffusion19. Ce sont les

revues scientifiques concernant les technologies éducatives et l'enseignement à distance,

francophones20, ou anglophones21, ou, l'enseignement à distance s'affranchissant des

frontières, des sites à vocation plus interculturelle22 qui reflètent le plus nettement les

avancées du mobile learning, ainsi que des sites effectuant une veille continue sur les

TICE, tel Thot Cursus23. Et ce qu'Eric Bruillard détectait en 2009, est tout à fait

confirmé :

On constate la progression vers un rôle central des "technologies mobiles et

ubiquitaires pour l’apprentissage, accompagnant les apprenants dans leurs

déplacements, communiquant avec leur environnement, sensibles au contexte"

[Bruillard, 2010].

6.1. M-learning, de quoi s'agit-il ?

Une première définition trouvée sur le site elearning-actu24 :

Définition du Mobile Learning (M-learning)

Le mobile learning également appelé m-learning, est une version e-learning adaptée aux usages mobiles des apprenants.

19 Baladodiffusion, terme proposé par l’Office québécois de la langue française en octobre 2004, issu de la contraction de baladeur (en référence au iPod) et de radiodiffusion. Ils ont été créés sur le modèle de radiodiffusion, télédiffusion et webdiffusion. 20 comme STICEF, D&S, DistanceS, Revue de l'Éducation à Distance, DMS-DMK … 21 comme le British Journal of Educational Technology , IRRODL, AmericanJDE, AsianJDE … 22 comme EURODL, ou OpenPraxis, ou même un site collectant des articles de plusieurs revues sur l'EAD sur un thème commun : www.distanceetdroitaleducation.org 23 http://cursus.edu/ 24 http://www.elearning-actu.org/ Ce même site a une approche assez promotionnelle du mobile learning (voir annexe) comme nombre de sites anglophones par ailleurs.

36

Ce qui renvoie implicitement à une adaptation pour écran de smartphone des produits et

méthodes développés pour le e-learning (terme qui lui non plus n'a pas vraiment trouvé

d'équivalent en français), et amène à examiner l'expression mobile learning sous

plusieurs angles :

La définition varie souvent selon les auteurs. Certains le définissent donc comme une

extension du e-learning, avec des technologies mobiles [Traxler, 2007], de façon plutôt

technocentrique. Mais on verra plus loin que la recherche s'intéresse bien sûr aussi aux

activités d'apprentissage.

Une interrogation générale via un moteur de recherche généraliste comme Google

conduit à un premier constat : il y a un site expliquant de façon très détaillée de quoi il

s'agit sur le wikipedia anglophone25, mais il n'y a rien sous cette appellation sur le

wikipedia francophone, du moins il n'y en avait-il pas en août 2013, même si bien

évidemment les concepts d'enseignement à distance et de e-learning y sont présents et

documentés.

Le site du wikipédia anglophone M-learning a été créé en janvier 2005. Il comptait alors

195 mots et n'était référencé dans aucune catégorie. Il était passé à plus de 3000 mots en

août 2013, et référencé dans six catégories :

• Alternative education • Computing and society • Educational technology • Distance education • Simulation • Mobile technology

Il renvoie vers d'autres formes d'apprentissage :

• IAMLearn • Instructional Simulation • International Journal of Mobile and Blended Learning • mHealth

25 http://en.wikipedia.org/wiki/M-learning

37

• Offline mobile learning • Smartphone • Online learning • E-learning

Il cite 22 références dont la plus ancienne date de 1993 :

Wireless Coyote: A Computer-Supported Field Trip, Wayne C. Grant. (1993), Communications of the ACM - Special issue on technology in K–12 education, Volume 36 Issue 5, May 1993, 57-59

Et l'une des plus récentes, de février 2013 :

"What’s Holding Back Mobile Phones for Education?", un article issu du blog "

Stanford Social Innovation Review Blog " de la revue Standford Social Innovation Review.

Il est intéressant de noter que, sur le wikipédia francophone, la rare référence à

l'expression mobile learning, ou m-learning, est sur un site d'industriel, I3M Aérospace

Multimédia26 , qui indique dans ses métiers :

M-Support (Mobile) : Intervention sur le portage et développement d’applications spécifiques sur mobile. Outils d’aide à la maintenance à distance en complément de vos solutions.

Mais via "Google scholar" ou autres explorations filtrées à partir de sites de

recensement tournés vers la recherche ou les ressources en éducation, on constate que si

les travaux francophones sur le M-mobile sont de plus en plus nombreux, ce sont

surtout les travaux et expériences anglophones qui proposent des conseils,

recommandations, descriptions formalisées d'utilisation du M-learning. Les équivalents

francophones sont souvent des traductions de l'anglais.

On trouve sur Thot-Cursus27 notamment des extraits traduits de l'anglais du blogde

Nickly Holby28, enseignante et consultante en formation à distance, avec une sorte de

"check list" pour l'enseignant, comportant entre autre des questions telles que :

26 http://fr.wikipedia.org/wiki/I3M_A%C3%A9rospace_Multim%C3%A9dia

38

• Les contenus d'apprentissage seront-ils utilisés en classe ou à l'extérieur ?

• Quel genre de matériel utilisera-t-on : celui des étudiants ou des téléphones mis à disposition par l'institution ? Ce qui pose bien sûr la question de la variété des systèmes d'exploitation devant supporter les contenus.

• Envisage-t-on un contenu riche en multimédia et en interactions, ou plutôt des quiz, des SMS, des jeux et des applications à utiliser seul ?

• S'agira-t-il de contenus originaux, créés par l'enseignant, ou de contenus pré-existants organisés en parcours, voire identifiés par les apprenants ?

• A quelle fréquence fera-t-on appel à ces contenus mobiles : régulièrement ou ponctuellement, en appoint à l'enseignement principal ?

La revue du mois de mai 2010 de l'association Educause29 résume en 7 questions les

principales caractéristiques du M-learning :

"7 things you should know about mobile apps for learning" (7 points à connaître au

sujet des applications pour le m-learning)

• What is it ?

• How does it work ?

• Who's doing it ?

• Why is it significant ?

• What are the downsides ?

• Where is it going ?

• What are the implications for teaching and learning ?

On trouve aussi sur le web des "boîtes à outils" en plusieurs langues pour le mobile

learning 30, tel Mobile Learning Toolkit, un guide sur l'apprentissage mobile initié par

27 http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/7302/strategie-approche-apprentissage-mobile/ 28 http://www.emoderationskills.com/ 29 http://net.educause.edu/ir/library/pdf/ELI7060.pdf EDUCAUSE is a nonprofit membership association created to support those who lead, manage, and use

information technology to benefit higher education. A comprehensive range of resources and activities is

available to all EDUCAUSE members. The association’s strategic directions include focus in four areas:

39

l'Organisation internationale du travail (OIT) dans le cadre de son programme de

formation Managing Your Cooperative (My.Coop).

6.2. La recherche et le mobile learning

Comme l'indique Laure Endrizzi en 2010, les travaux sur le mobile learning abondent :

"Les expressions mobile learning (ou m-learning), ubiquitous learning (ou u-

learning) ou bien handlheld learning, encore quasiment inconnues il y a 5 ans, bénéficient aujourd'hui d'une santé florissante sur la toile. D'autres expressions, telles que wireless (ou mobile) communication systems in education, laissent soupçonner des enjeux économiques colossaux, auxquels les constructeurs et opérateurs de télécommunication d’une part et les milieuxpolitiques d’autre part ne sauraient restés insensibles1. D'autres encore, telles que mobile assisted

language learning (MALL), témoignent de l'inscription progressive de la mobilité technologique dans les champs disciplinaires. Bien que la terminologie semble parfois peu explicite ("apprentissage nomade", "pédagogie embarquée", "apprentissage pervasif") la tendance s'installe aussi dans les milieux éducatifs et scientifiques francophones [Endrizzi 2010]

6.2.1 Perspectives pour les activités d'apprentissage

Dans les travaux portant sur les renouvellements des situations d'interaction et des

contextes d'usage des technologies, dont la mobilité, on trouve des perspectives plus

centrées sur des activités d’apprentissage, [Tchounikine, 2009] :

- "Couplage dynamique de l’apprenant avec son contexte (accessibilité, adaptabilité) et de ses dimensions temporelles

- Structuration de l’activité au sein de ces nouveaux contextes (outils de communication ou de perception support à l’interaction)

- Aide à la gestion du multimédia et de la multimodalité : partage du contrôle, nouvelles modalités permises par les technologies (gestes et regards dans la communication)…

Teaching and Learning; Managing the Enterprise; E-Research and E-Scholarship; and the Evolving

Role of IT and Leadership. For more information, visit educause.edu. 30 http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/18222/learning-formation-professionnelle/

40

- Nouvelles compétences mises en jeu et/ou nécessaires des apprenants : gestion de ressources diverses, autonomie…"

6.2.2 Continuités et transferts pédagogiques

Toutes ces formalisations pragmatiques et rationnelles supposent une intention

pédagogique explicite, précise, du Mobile Learning, et reposent souvent sur des activités

de plus en plus structurées, modélisées, individuelles (bidirectionnelles enseignant

/apprenant) mais le plus souvent collaboratives et se déroulant à distance, dont la

production se déroule avec des contraintes temporelles définies.

La spécificité des terminaux mobiles individuels est de plus en plus prise en compte, et

amène à penser des contenus et des séquences d'enseignement qui ne soient pas que

l'adaptation à un téléphone mobile de ce qui a été pensé pour un ordinateur

La notion de continuum d'enseignement, que cette continuité concerne l'adaptation

technique (d'un écran à l'autre), ou localisée (classe / hors classe), ou personnalisée

(groupe classe / apprenant) revient dans plusieurs travaux :

"The challenge is to enable learners to learn whenever they are curious and seamlessly switch between different contexts, such as between formal and informal contexts and between individual and social learning, and by extending the social spaces in which learners interact with each other. (…). We review the potential of mobile learning research for designing seamless learning environments that can bridge both formal and informal learning" [Chee-Kit Looi, et al. 2009].

On s’interroge aussi sur d'autres continuités, celle du transfert de compétences réalisés

entre les tâches médiatisées sur les réseaux sociaux et celles traditionnelles,

académiques [Depover 2012].

Les travaux évoquant ou portant directement sur le mobile learning, mettent

fréquemment en garde sur les compétences supposées des nouvelles générations pour

utiliser les TIC pour apprendre, d'une façon raisonnée qui contraste quelque peu avec

l'assurance des sites anglophones cités plus haut :

41

"Si les nouvelles générations naissent désormais dans un univers largement informatisé, cela n’implique évidemment pas qu’elles possèdent, de manière innée, les compétences et les savoirs suffisants pour utiliser les technologies en contexte scolaire ou dans leur vie privée. Ils ont, en ce sens, besoin d’être guidés pour conceptualiser la nature des outils informatiques et développer des stratégies efficaces afin d’en tirer pleinement parti". [Baron, G.-L. et Bruillard, E, 2008].

Mais l'enthousiasme n'est pas absent, comme en témoigne cette intervention de Louis-

Martin Essono sur Cursus.edu en 2008, intitulée : "Classes sur mobile : allô, prof. C’est

moi. On continue le cours ?"31, et qui regrette, à cette date, que les innovations autour

des smartphones de par le monde n'atteignent pas assez rapidement l'Afrique.

31 http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/1832/classes-sur-mobile-allo-prof-est/

42

7. Le réseau social et l'approche communicative interactionnelle

Le mobile learning existe bel et bien, comme on l'a vu, et se modélise peu à peu, où des

supports de type TIC sont en passe d'entrer dans une catégorie TICE.

Mon expérience avec les apprenants chinois de l'Alliance Française de Pékin en 2012-

2013 est bien modeste au regard de ces travaux et avancées. Et il n'est pas question à ce

stade de réinventer le mobile learning à l'aune de mon expérience à Pékin. Cependant

mon intérêt, et mes tentatives ont surtout porté sur la possibilité de mettre en œuvre la

dimension actionnelle interculturelle dans un contexte culturel très marqué, en ayant

recours à des utilisations du smartphone et de WeChat, une question peu abordée par les

travaux accessibles sur le web.

Ma démarche, tout en ayant présent à l'esprit les recommandations du Guide de

l'Alliance Française et en respectant la place et le rôle des apprenants et de l’enseignant,

ne pouvait être que simple, ne devait pas bouleverser la méthode traditionnelle et le

support indispensable du manuel en cours. Autrement dit être la moins "provoquante"

possible (sur les plans pédagogique comme culturel) tout en me rapprochant des TIC

utilisées par les apprenants et de leurs nouvelles habitudes sociales.

7.1. Une approche communicative

Il s'agissait d'une "approche communicative" en miniature en quelque sorte :

Avant l’AC (approche communicative), « c’est la perspective actionnelle qui est mise au service de la perspective culturelle » [Puren 2002]. La finalité première de l’enseignement/apprentissage est bien en effet la découverte tantôt de valeurs culturelles présentées comme universelles (le Vrai, le Beau, le Bien), tantôt la découverte de civilisations. Dans l’AC, le rapport s’inverse : « la culture y étant en effet considérée comme une composante (dite « socioculturelle ») de l’objectif visé, à savoir la compétence de communication » (idem). De ce point de vue, le CECR s’inscrit dans ce mouvement. Mais il opère une nouvelle rupture, cette fois-ci en ce qui concerne la fin et les moyens de l’action pédagogique. Cette dernière n’est plus seulement envisagée d’un point de vue langagier (le langage comme moyen d’agir sur

43

autrui) mais également d’un point de vue social (…) Il est question désormais d’agir avec, de mener des projets communs, et ce faisant de co-construire des savoirs et savoir-faire. Les unités didactiques ne sont plus construites à partir de situations de communication mais « en fonction d’actions collectives authentiques que les élèves doivent préparer et réaliser entre eux : un spectacle de Noël, la fête d’anniversaire de l’un d’entre eux, des mini-olympiades pour tous les élèves de l’école,... » [Puren 2002]. C’est donc la tâche (qui peut être déclinée en micro-tâches), et non plus l’acte de parole, qui devient l’unité minimale pour la conception de séquences didactiques [Soubrié, 2010].

Les discussions en temps réel, impliquant enseignant et apprenants, ou à plusieurs, mais

néanmoins captées et réutilisables, laissant des "traces" (écrits, pistes son et séquences

audiovidelles "rejouables") que nous avons pu mettre en œuvre via le smartphone et

WeChat correspondaient soit à des échanges spontanés soit à des tâches, réduits, certes,

car, dans notre cas, limités à l'espace virtuel des interactions du réseau social du groupe

classe, mais très ancrées dans la réalité sociale des apprenants, comme dans celle de

l'enseignant de FLE par ailleurs.

On peut dire qu'il s'agissait de tâches actionnelles sociales réduites, ne faisant appel à

aucune simulation, proches par exemple de celles que définissent Ali Pakdel et Claude

Springer :

"Elles vont au-delà du cadre scolaire et s'inscrivent dans un contexte social réel. La tâche n'est pas entièrement prescrite par l'enseignant. Celui-ci fournit uniquement les grandes lignes de l'activité en relation avec un objectif spécifique. C'est en réalité le contexte social dans toute son authenticité qui appelle à l'action; ce type de tâche met en jeu des interactions authentiques au sein des communautés sociales et professionnelles." [Pakdel et Springer, 2010]

Il s'agissait bien de "tâches fondées sur une approche interactionnelle de l'enseignement

/ apprentissage des langues" telles que les définit Christian Ollivier :

"Nous définissons ainsi toute tâche à réaliser dans le cadre d'interactions sociales réelles et donc clairement définies. Varier les acteurs et destinataires de ces tâches pouvant s'avérer difficile dans certains contextes, nous proposons d'exploiter les potentialités du web social". [Christian Ollivier, 2012]

7.2. L'apprenant, acteur social conscient ?

Les activités menées correspondent donc assez bien à certains des critères énoncés ci-

dessus. Mais avec les limites évoquées plus haut.

44

Une hypothèse est que ces limites, tâches brèves, peu ou non didactisées, individuelles

ou de groupe, ont été le facteur facilitant pour que les étudiants adhèrent à la démarche,

aux discussions au sein du réseau, partagent des dimensions culturelles de façon

spontanée et en tirent profit en cours par la suite. Les apprenants ont été ici des "acteurs

sociaux" plus ou moins conscients de l'être.

Une démarche de mobile learning "réelle", ostensible, avec des exercices structurés et

organisés pour leur utilisation sur le smartphone aurait peut-être été perçue comme un

véritable cours supplémentaire, ou m'aurait amené à réarticuler la méthode du manuel

pour tenir compte du travail effectué hors de la classe. Conscients de devoir l'être

(acteur social), les étudiants auraient-ils été aussi spontanés dans leur partage d'artefacts

culturels ? Loin de pouvoir l'affirmer, on peut néanmoins supposer que cette démarche,

cours + échanges informels mais contraints, dans un réseau social précisément défini,

avec un outil permettant une expression multimédia en temps réel a offert la possibilité

de développer quelque peu une compétence interculturelle, telle que Windmüller

l'envisage :

"L'objectif ultime de l'enseignement/apprentissage des langues : décentration des attitudes et des valeurs envers la culture maternelle et acceptation de l'Autre dans ses différences. Il est impossible d'accepter l'Autre sans vouloir se connaître et se comprendre mutuellement en respectant nos différences, c'est cela qui caractérise la "conscience interculturelle". " [Windmüller, 2011].

45

8. Conclusion

8.1. Réseau social et pédagogie

Mon hypothèse est donc qu'une forme hybride d'enseignement est peut-être à développer

dans le cas d'une approche interculturelle où les cultures en présence sont fortement

marquées et diffèrent de façon significative, associant cours traditionnel et "chat"

multimédia. Ceci en ménageant la dimension conversationnelle permise par l'outil

technique à des tâches plus ou moins limitées, portées par des engagements

interactionnels dans le réseau social constitué par les apprenants.

A mi-chemin entre les formalisations de cours spécifiques pour mobile learning, cette

expérience montre que l'on pourrait peut-être profiter :

- de l'insertion réelle dans le contexte social et culturel de l'apprenant via le chat

sur smartphone, ce qui produit une certaine authenticité des échanges,

- et de la double contrainte :

o d'un jeu de rôle qui ne dit pas son nom

o de la présence de l'enseignant dans le réseau social.

Une sorte de double "hybridation" pédagogique est là, d'une part à l'intérieur du réseau

social, qui est lui-même "hybridé" (au sens de Peraya et al., op.cit.) avec le cours en

présentiel.

Un autre aspect serait à étudier, celui de la place et de la mobilisation de l'enseignant.

Lui aussi se trouve pris dans une sorte de jeu de rôles, qu'il doit jouer sérieusement, sans

faille et sans rupture : enseignant, tuteur, "ami", conseiller … à tout moment de la

journée.

Le brouillage des frontières est patent. Au-delà de l’opposition présence et distance, de multiples agencements sont proposés qui assurent la continuité des activités dans divers lieux ou avec différents intervenants (accompagnement scolaire) : blended

learning, environnements hybrides, ENT (environnements ou espaces numériques de

46

travail)… Dans ce contexte, il devient problématique d’isoler ce qui ressort de la sphère publique et de la sphère privée… [Bruillard, 2010]

8.2. L'environnement numérique interculturel

Cette expérience, démarche pragmatique pour tenter de faciliter l'expression orale,

individuelle et de groupe des apprenants, a été motivée par le décalage entre les cultures

de l'enseignant, équipé de son manuel conçu dans le cadre du CECR, et celle de ses

apprenants chinois. Les freins interculturels rencontrés étaient d'ordre classique et

connu, comme en témoignent le Guide élaboré par l'Alliance Française de Pékin, mais

aussi divers livres et articles scientifiques portant sur cette question. Par exemple :

"L’expression orale constitue un handicap largement répandu chez les étudiants chinois, alors que leurs efforts s’orientent naturellement plus vers la lecture, la compréhension écrite que vers l’écoute ou la production orale". [Qian, 2007]

Ou encore …

"Nous avons signalé que faute d’exigences du programme, les interactions entre l’enseignant et ses élèves présentent souvent une grave carence en Chine. (…) Il y a également beaucoup d’enseignants qui, à l’aide de nouveaux moyens technologiques, font des efforts pour créer des situations de simulation pour leurs élèves et faire des exercices de communication avec eux" [Wang Wenxin. 2012, p199].

En cours de route, je me suis interrogé sur les raisons expliquant les effets positifs du

recours à un réseau social, sous-tendu par l'outil WeChat sur smarphone, dans le cadre

limité de cette expérience. Je me suis également demandé si celle-ci fonctionnerait dans

un contexte "interculturellement" plus homogène, si cet emploi très simple du chat sur

smartphone, qui n'est pas encore un "mobile learning" à part entière dans la mesure où il

ne s'agit pas de cours structuré, pouvait être formalisé, intégré de façon stable dans un

cours classique, ou ,contexte chinois oblige, s'il était préférable de laisser agir "la

propension des choses" [Jullien, 1992] à trouver le déroulement qui convient le mieux.

Dans notre cas, le chat sur téléphone mobile s'étant fortuitement présenté pour répondre

à un besoin spécifique, peut-on, et est-il souhaitable, de formaliser son utilisation sous

47

formes de "bonnes pratiques" par exemple, de façon à pouvoir la transférer à d'autres

contextes ?

Répondre à cette question demanderait de réitérer l'expérience dans un autre contexte,

piste pour un travail exploratoire ultérieur – et cette fois délibéré - de ma part.

&

Remarque …

En marge de cette expérience, j'ai pu constater que la question de l'adaptation du CECR,

- conçu dans un contexte européen, où il n'y a notamment pas d'équivalent à la culture

chinoise, pas de langue idéographique (dont l'apprentissage repose sur la mémoire

visuelle)… - à d'autres contextes que l'Europe, était l'objet de discussions et de travaux.

L'un des auteurs du CECR, Daniel Coste, dans un entretien dans un numéro de la revue

Synergie Europe traitant de la transférabilité du CECR au-delà du continent européen

indique :

"Reste que, au-delà du considérable et rapide succès premier rencontré par un instrument qui arrivait au bon moment, il convient de penser localement en termes d’adaptation (ou d’ailleurs, dans certains cas, d’inadaptation), non en termes d’application sans réexamen et encore moins d’imposition [Coste, 2011]

48

9. Bibliographie

Baron, G.-L. et Bruillard, E. (2008) Technologies de l’information et de la communication et indigènes numériques, quelle situation ? STICEF, vol.15.

Bruillard, E. (2010) Formation à distance : dispositifs techniques, Structuration organisationnelle, spatiale et temporelle des environnements, Distances et savoirs, vol8/2

Coste, D. (2011), Entretien Daniel Coste – propos recueillis par Germain-Rutherford, A. et Piccardo, E. Revue Synergies Europe 8/3/2012

Goffman, E. (1974). Les rites d’interaction. Paris, Minuit

Beacco, J-C (2000). Les dimensions culturelles des enseignements de langue, Hachette, Paris.

Beacco, J-C. (2011). Les dimensions culturelles et interculturelles des enseignements de langues : état des pratiques et perspectives. Texte présenté lors du séminaire Convergences curriculaires pour une éducation plurilingue et interculturelle. Strasbourg 29-30 novembre 2011, www.coe.int/lang/fr

Blattner, G. et Lomicka, L. (2012). Facebook-ing and the social Generation : a new era of language learning. ALSIC, vol.15, n°1.

CECR - Cadre européen commun de référence pour les langues, Conseil de l’Europe / Les Éditions Didier, Paris 2001

Chee-Kit Looi, et al. (2009). Leveraging mobile technology for sustainable seamless learning : a research agenda, British Journal of Educational Technology

Coubard, F. et Pauzet A. (2003/4). L'utilisation du dictionnaire en classe de FLE : les japonais. Études de linguistique appliquée., n°132.

Depover, C. (2012). Les environnements numériques d’apprentissage (ENA) : des lieux pour apprendre en échangeant et en collaborant à distance. Communication orale au séminaire Aïda du 01/06/12. http://eda.shs.univ-paris5.fr/spip.php?article314

Endrizzi, L. (2010). Eléments pour une cartographie de la recherche sur les apprentissages nomades en Europe. Manuscrit auteur, publié dans "L'éducation à l'heure du numérique : états des lieux, enjeux et perspectives", INRP (Ed.) p.167-188.

Holmberg, B. (2003). Distance education in essence, Oldenburg : Bibliotheks- und Informationssysem der Universität Oldenburg, (avec référence à son ouvrage de 1982)

Jullien, F. La Propension des choses, Seuil 1992

Merzeau, L. (2009) Du signe à la trace : l’information sur mesure, Hermès, 53, p. 23-29. http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/48/32/92/PDF/HERMES-53-MERZEAU.pdf

Ollivier, C. (2012). Approche interactionnelle et didactique invisible – Deux concepts pour la conception et la mise en œuvre de tâches sur le web social. Alsic, Vol. 15, n°1 | 2012, mis en ligne le 30 mars 2012, Consulté le 12 août 2013. http://alsic.revues.org/2402

Pakdel, A. Springer, C. (2010). De l'activité communicative à l'activité sociale en ligne : exploiter les réseaux sociaux pour élargir le cadre social de la classe de langue. Eurocall 2010 : "Languages, cultures and virtual communities", 8-11 septembre 2010, Bordeaux, France

Peraya, D. Charlier, B. Deschryver, N. (2006), Apprendre en présence et à distance. Une définition des dispositifs hybrides, Distances et savoirs, vol4/4.

Puren, C. (2002). Perspectives actionnelles et perspectives culturelles en didactique des langues-cultures : vers une perspective co-actionnelle co-culturelle, L’interculturel, Langues modernes, n° 3/2002, juil.-août-sept. 2002, pp. 55-71 – cité par Soubrié T.

Qian, P. (2007). De la pratique naît la compétence... Comment accroître la compétence orale des étudiants chinois spécialisés en français. Synergies Chine, n°2, pp.133-138

49

Shaolong Wang (2013). Transfert de technologies et développement de la téléphonie mobile en Chine : le cas de Huawei. Cahiers du LAB.RII, – Documents de travail – N°264 Février 2013 Laboratoire de Recherche sur l’Industrie et l’Innovation.

Sidir, M., Lucas, N., Giguet, E. (2006) De l’analyse des discours à l’analyse structurale des réseaux sociaux : une étude diachronique d’un forum éducatif, Revue STICEF, Volume 13, 2006, mis en ligne le 20/03/2007, http://sticef.org

Soubrié, T. 2010 (?). TIC et enseignement / apprentissage du FLE. Cours du Cned / Université Stendhal-Grenoble 3, Master mention sciences du langage spécialité FLE 1ère année.

Stenger, T., Coutant, A. (2010), Les réseaux sociaux numériques : des discours de promotion à la définition d’un objet et d’une méthodologie de recherche, Hermes – Journal of Language and Communication Studies no 44-2010

Tchounikine, P. (2009). Résultats de l’atelier de réflexion prospective sur les EIAH, programme PIRSTEC. http://membres-liglab.imag.fr/tchounikine/Articles/AtelierPirstec EIAH.pdf

Traxler, J. (2007). Defining, discussing and evaluating mobile education. The International Review in Open and Distance Learning, 8(2).

Trevisi, S. 2010 (?) Observation de classe et analyses didactiques. Cours du Cned / Université Stendhal-Grenoble 3, Master mention sciences du langage spécialité FLE 1ère année

Wang Wenxin. (2012). Potentiel d’adaptation du CECR dans les facultés de français en Chine. In Adopter ou adapter : le Cadre européen commun de référence est-il seulement européen ? Coordonné par Enrica Piccardo, Aline Germain-Rutherford et Richard Clément, Synergie Europe, mars 2012.

Zourou, K. (2012). On the attractiveness of social media for language learning: a look at the state of the art, Alsic, Vol. 15, n°1 | 2012, mis en ligne le 30 mars 2012, Consulté le 23 août 2013. URL : http://alsic.revues.org/2436

Windmuller, F. (2011). Français langue étrangère (FLE), L'approche culturelle et interculturelle, Paris, Belin.

Zhang Yue (2012) Pour une approche interculturelle de l’enseignement du français comme spécialité en milieu universitaire chinois. Thèse de doctorat en Sciences du langage. Université du Maine, directeur de thèse Michel Candelier

Zheng Lihua (1995). Les chinois de Paris et leurs jeux de face. Paris. L’Harmattan

Zheng Lihua et al. (2003). Comment les chinois voient les européens, Puf, Collection Sciences sociales et sociétés.

Ainsi que l'ensemble des supports des cours du Cned / Université Stendhal-Grenoble 3, Master mention sciences du langage spécialité FLE 1ère année.

50

TABLE DES MATIERES

PREMIERE PARTIE

1. INTRODUCTION ..................................................................................................................... 4

2. CONTEXTES ........................................................................................................................... 9

2.1. CONTEXTE CULTUREL ET SOCIAL DE L'EXPERIENCE RELATEE ...................................................... 10

2.2. L'ENSEIGNANT FRANÇAIS FACE A SA CLASSE CHINOISE ............................................................ 16

Deuxième partie

3. TIC, UNE PREMIERE APPROCHE EMPIRIQUE .................................................................... 18

3.1. LES COURS ET LEURS PARTICIPANTS ................................................................................... 18

3.2. L'EQUIPEMENT EN TIC DES APPRENANTS ............................................................................ 19

3.3. LA MISE EN PLACE DES ACTIVITES ...................................................................................... 21

4. LES ACTIVITES PEDAGOGIQUES DANS LE RESEAU SOCIAL ............................................... 25

4.1. DES CONSEILS, AUX TACHES............................................................................................. 25

4.2. MISE EN PLACE DE TACHES DANS L'ESPACE DU RESEAU SOCIAL ................................................. 26

4.3. UN COURS QUI SE PROLONGE .......................................................................................... 27

5. UN RESEAU INTERCULTUREL ET PEDAGOGIQUE .............................................................. 29

5.1. UN ENVIRONNEMENT POUR DISCUTER, ET S'ENTRAINER ......................................................... 29

5.2. RESERVES ET LIMITES … ................................................................................................. 30

5.3. UN RESEAU SOCIAL INTERCULTUREL .................................................................................. 31

5.4. LE ROLE DE LA MEDIATION TECHNIQUE ............................................................................... 32

51

6. MOBILE LEARNING ............................................................................................................. 35

6.1. M-LEARNING, DE QUOI S'AGIT-IL ? ................................................................................... 35

6.2. LA RECHERCHE ET LE MOBILE LEARNING .............................................................................. 39

7. LE RESEAU SOCIAL ET L'APPROCHE COMMUNICATIVE INTERACTIONNELLE ................ 42

7.1. UNE APPROCHE COMMUNICATIVE .................................................................................... 42

7.2. L'APPRENANT, ACTEUR SOCIAL CONSCIENT ? ....................................................................... 43

8. CONCLUSION ....................................................................................................................... 45

8.1. RESEAU SOCIAL ET PEDAGOGIE ......................................................................................... 45

8.2. L'ENVIRONNEMENT NUMERIQUE INTERCULTUREL ................................................................. 46

9. BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. 48

10. ANNEXES.............................................................................................................................. 52

10.1. RESEAUX SOCIAUX, DE LA DIFFICULTE D'UNE DEFINITION ....................................................... 52

10.2. IRRODL, UN NUMERO THEMATIQUE SUR LE MOBILE LEARNING ............................................. 53

10.3. UNE DEFINITION DU MOBILE LEARNING (M-LEARNING) ....................................................... 54

52

10. Annexes

10.1. Réseaux sociaux, de la difficulté d'une définition

Conclusion d'un article de Thomas Stenger & Alexandre Coutant, dans la revue Hermès, en 2010. "L’analyse des discours tenus sur les RSN, et sur le Web 2.0 en général, a fait apparaître un enthousiasme et une confusion (parfois volontaire) autour du phénomène « web social », aussi bien au niveau des technologies que des pratiques. La nécessité de construire des définitions précises des dispositifs qui s’y développent, sous peine d’assimiler des phénomènes sociaux relevant de logiques parfois fortement éloignées, s’en est d’autant plus faite ressentir. La définition des RSN proposée soulève un point essentiel : ces dispositifs ne sont pas constitués d’entités sociales qui apparaîtraient ex

nihilo mais reposent sur des infrastructures techniques spécifiques. Bien que nécessitant une prise en compte des usages se développant sur ces plateformes, il demeure donc fondamental de souligner à quel point une bonne compréhension des caractéristiques techniques de ces sites – applications, outils et modalités de fonctionnement – s’avère aussi nécessaire. Cette double dimension sociale et technologique nous encourage donc à proposer une légère modification de la dénomination des RSN pour encourager à l’emploi de l’unique qualificatif « socionumérique ». La qualification « réseaux socionumériques » (Rsn) possède effectivement l’avantage d’entériner leur double qualité intrinsèque et de prévenir ainsi la focalisation de l’attention sur l’un des deux termes – « social », comme on pourrait être tenté de le faire avec l’ARS ou « numérique » comme la définition technique de Boyd et Ellison (2007) le proposait. Enfin, nous voulons insister sur la nécessité de mener des recherches spécifiques sur les réseaux socionumériques qui sont le lieu de pratiques encore peu connues et trop souvent assimilés aux plateformes de blogs, de chat ou aux communautés virtuelles."

Stenger, T., Coutant, A. (2010), Les réseaux sociaux numériques : des discours de

promotion à la définition d’un objet et d’une méthodologie de recherche, Hermes – Journal of Language and Communication Studies no 44-2010

53

10.2. IRRODL, un numéro thématique sur le mobile learning

Sommaire de la revue International Review of Research in Open and Distance

Learning (IRRODL ), volume 8, 2007 - http://www.irrodl.org

54

10.3. Une définition du Mobile Learning (M-learning)

Une définition "positiviste" du mobile learning …sur elearning actu, l'actualité de la

formation à distance, http://www.elearning-actu.org/mobile-learning/

Le mobile learning également appelé m-learning, est une version e-learning adaptée aux usages mobiles des apprenants. Le m-learning est une notion très récente, qui permet de délivrer des formations à distance sur d’autres supports que les postes informatiques. Ainsi, grâce aux nombreuses applications développées, l’apprenant peut poursuivre sa formation où qu’il soit grâce à un appareil mobile que ce soit un smartphone (téléphone mobile intelligent qui permet entre autre de naviguer sur internet), un lecteur multimédia comme l’iPod, une tablette mobile telle l’iPad ou encore depuis une console de jeux portative. En tant qu’outils de formation à distance, le m-learning peut prendre plusieurs formes :

�Documents texte compatibles sur supports nomades, �Vidéos sur téléphone portable ou tablette, �Pistes audio téléchargeables sur un baladeur, �Programmes de formations complètes adaptées à des terminaux mobiles comme des tablettes (voir notre article Se former avec l’iPad)…

De plus en plus de formations sont disponibles sur support mobile, mais ce type de formation en est encore à ses débuts. En effet, les contenus disponibles en version e-learning sont parfois difficilement adaptables aux supports mobiles puisque les écrans réduits de ces derniers peuvent être inadaptés à la diffusion de vidéos ou de documents de grande taille. Toutefois, certains contenus, comme les supports de cours audio et vidéo, s’adaptent généralement bien à un usage mobile (baladeurs audio et vidéo, streaming vers un périphérique mobile).

Avantages du m-learning

Flexibilité

La formation en m-learning possède l’avantage d’être accessible n’importe quand. L’apprenant est le seul à décider du moment où il suivra sa formation, il n’est plus limité à des horaires contraignants de présence sur le site où est accessible la formation en ligne ou encore dans une salle de cours pour rencontrer son professeur.

Accessibilité

Au même titre que le contenu en m-learning est disponible à tout moment, il est également accessible de partout : Transport, salle d’attente, … les supports de cours sont accessibles à la demande.

55

Apprentissage informel

L’apprentissage mobile est par nature bien plus informel qu’une session de formation sur un poste de travail ou en centre de formation. Cela peut être plus motivant pour certains apprenants.

Inconvénients et limites de l’apprentissage mobile

Freins à l’usage professionnel

Lors d’une formation dans le cadre du travail, le m-learning peut être vu comme une tentative de la part de l’entreprise de « profiter » de périodes où l’employé n’est pas dans les locaux de la société, pour poursuivre la formation, à son domicile. Pour éviter ces dérives, il est intelligent de proposer ce type de formation sur la base du volontariat et de présenter le m-learning comme une ressource à disposition des employés.

Cadre peu adapté pour l’apprentissage

Certains environnements sont bien évidemment peu adaptés à l’apprentissage qui nécessite confort, calme et concentration. Un aéroport ou un train peuvent ainsi constituer des environnements peu propices à l’assimilation des contenus. Le m-learning est donc a priori peu adapté aux contenus théoriques complexes.

Perspectives du m-learning

Le m-learning peut être un complément intéressant à la méthode classique du e-

learning ou blended learning. Le développement des supports mobile le rend particulièrement intéressant pour les employés qui sont souvent en déplacement, voire qui n’ont pas de bureau fixe. En revanche, il n’est pas question aujourd’hui de remplacer complètement l’e-learning par le m-learning. Le développement de nouvelles plateformes matérielles telles que les tablettes tactiles et de contenus adaptés pourrait changer la donne dans les prochaines années. On peut aussi envisager le développement de serious games pour consoles portables, téléphones ou tablettes.