LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE...

14
LA POLITIQUE ANTITRUST DE NOUVEAU OBSERVÉE AU MICROSCOPE Les derniers développements concernant les recherches menées par la Commission sur les pratiques anticoncurrentielles de Google Décembre 2012

Transcript of LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE...

Page 1: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

1

LA  POLITIQUE  ANTITRUST  DE  NOUVEAU  OBSERVÉE  AU  MICROSCOPE    Les   derniers   développements   concernant   les   recherches   menées   par   la  Commission  sur  les  pratiques  anticoncurrentielles  de  Google        

Décembre  2012  

Page 2: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

1

Table des Matières

1. Principaux développements de l’enquête de la Commission menée sur Google 2

2. Nombre croissant de plaintes à l’encontre de Google 4

2.1 Agrégateurs et Éditeurs d’Informations

2.2 Services de Cartographie et de Référencement des Entreprises

2.3 Plateformes Publicitaires et Sites de Comparaison de Prix

2.4 Le Secteur du Voyage

3. La Commission enquêtera-t-elle sur Go Mobile ? 11

4. Conclusion 12

Page 3: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

2

1. Principaux développements dans l’enquête Google de la Commission En octobre 2011, l’ICOMP (Initiative for a Competitive Online Marketplace) a publié son livre blanc « La politique antitrust de Google observée au Microscope ». Ce document décrit de façon détaillée comment Google, par l’usage de pratiques anticoncurrentielles, a exclu ses concurrents et exploité les utilisateurs, s’octroyant ainsi le droit de décider de la prospérité ou du déclin des sociétés en ligne, aux dépens de l’innovation, de l’emploi et de la croissance. Depuis cette publication, des développements importants sont intervenus dans l’enquête de la Commission européenne sur les pratiques abusives de Google. Au total, la Commission traiterait une vingtaine de plaintes officielles (et de nombreuses autres non officielles) déposées à l’encontre de Google, les plus récentes d’entre elles émanant d’agences de voyage en ligne.1 Ces nouvelles plaintes ont renforcé les inquiétudes de l’ICOMP et ont apporté à la Commission de nouvelles preuves de l’abus de position dominante de Google. De façon prévisible, Google a manifesté de la condescendance vis-à-vis de l’amoncellement des preuves de son comportement abusif : la société a par deux fois au moins, en réponse aux nouvelles plaintes, soutenu qu’elle continuait de coopérer avec la Commission, « en expliquant divers aspects » de son activité et qu’elle « pense qu’il est toujours possible d’améliorer la situation et s’attèle ainsi à traiter tous les sujets de préoccupation éventuels ».2 L’ultimatum de M. Almunia Le 21 mai 2012, le commissaire européen à la Concurrence (et vice-président de la Commission), M. Joaquín Almunia, a formulé vis-à-vis de Google ce que beaucoup considèrent comme un ultimatum public :

« … Google Inc. a, à plusieurs reprises, exprimé sa volonté de discuter des inquiétudes que la Commission pourrait avoir, sans aller jusqu'à une procédure contradictoire. C’est pourquoi j’accorde aujourd’hui à Google l’opportunité de proposer des remèdes … »

En faisant cette déclaration, M. Almunia a offert à Google la possibilité de livrer des garanties pour favoriser la concurrence en ligne au lieu de se comporter d’une manière qui aboutira à l’ouverture d’une procédure d’infraction. L’approche du commissaire européen dissimule en réalité un raisonnement logique : il cherche à obtenir « une résolution rapide... en restaurant la concurrence rapidement au profit des utilisateurs » au sein de ce qu’il décrit comme étant des « marchés évoluant rapidement ». 1 Les plaignants incluent : les éditeurs allemands (VDZ et BDZV), Ciao!, Foundem, eJustice et sa filiale, 1plusV, Microsoft, Euro-Cities, Hot Maps, Interactive Lab, Elfvoetbal, NNPT.it, VfT, Deal Du Jour, AEDE, Twenga, Expedia, TripAdvisor, Odigeo et Streetmap 2 D’après le porte-parole de Google le 31 octobre, Al Verney, consécutivement à la déclaration de sa société du 27 octobre 2011, voir http://www.mlex.com/ EU/Content.aspx?ID=186145. La déclaration aurait également été reprise par Al Verney en février 2011 après le dépôt de plainte de 1plusVs : http://www.pcworld.com/businesscenter/article/220266/google_faces_another_antitrust_complaint_in_europe.html

Page 4: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

3

Le message de Joaquín Almunia semble clair : Google se voit offrir une dernière chance de répondre aux préoccupations d’abus de position dominante de la Commission, sinon ce dernier devra faire face à une longue, très longue et finalement pénible bataille juridique. Dans son offre de règlement, Joaquín Almunia a identifié quatre domaines dans lesquels les pratiques de Google peuvent être considérées comme des abus de position dominante sur les marchés de la recherche et de la publicité liée aux recherches : • Le traitement préférentiel par Google de ses propres services de recherche verticale par rapport

à ceux de ses concurrents.

• La copie, par Google, sans autorisation préalable, du contenu de moteurs de recherche verticale concurrents et l’utilisation de ce contenu dans ses propres offres.

• L’exclusivité de facto de Google à l’égard de sites web partenaires, tenus de publier la majorité voire la totalité de leurs annonces publicitaires liées à la recherche sur Google, bloquant ainsi les services d’intermédiation concurrents.

• Les restrictions imposées par Google en matière de portabilité des campagnes publicitaires liées à la recherche en ligne à partir de sa plateforme AdWords vers des plateformes concurrentes, notamment celles imposées aux développeurs de logiciels.

La lettre de Joaquín Almunia ne signifie toutefois pas que la Commission cessera d’enquêter sur d’autres questions ne relevant pas de ces quatre domaines, comme la conduite de Google concernant sa plateforme mobile, l’Android. Joaquin Almunia est donc conscient du fait que Google s’est montré peu coopératif avec les régulateurs 3 : d’après le Directeur de Watchdog, l’association américaine de défense des consommateurs : « Google s’est, par le passé, illustré par ses réponses évasives et ses atermoiements ».4

Prochaines actions de Google Il n’est pas certain que Google tiendra compte de l’avertissement sans détour de la Commission. Google a tout d’abord répondu aux déclarations du commissaire européen à la Concurrence en exprimant son désaccord avec les conclusions de la Commission. La société a toutefois ajouté qu’elle était ouverte à la discussion sur toutes les inquiétudes que la Commission pourrait avoir.5 Pourtant, le PDG de Google Eric Schmidt a peu après laissé entendre que Google pourrait en fin de compte ne pas être si désireux d’entamer d’importants pourparlers constructifs : « Nous réfutons l’affirmation en vertu de laquelle nous enfreindrions les règles européennes, et ce, tant qu’il ne nous sera pas fourni plus de détails sur les domaines de la législation que nous violerions. Donnez-nous des informations précises, exposez-nous le problème précis. »6 L’aspect frappant de cette déclaration réside dans le fait qu’il s’avère inconcevable que Google n’ait pas eu connaissance des questions soulevées : les plaintes lui ont été envoyées et il s’est entretenu avec l’équipe de la Commission en charge du dossier en de nombreuses occasions. Comme le mentionnent les communiqués de presse, la Commission a laissé à Google jusqu’au 2 juillet 2012 pour proposer des solutions. 3 http://www.i-comp.org/blog/2012/above-the-law/ 4 http://www.mlex.com/EU/Content.aspx?ID=240673 5 http://news.yahoo.com/e-u-antitrust-chief-seeks-remedies-google-114723698.html 6 http://www.ft.com/cms/s/0/90dbcd28-a687-11e1-968b-00144feabdc0.html#axzz1x0NKyak1

Page 5: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

4

2. Nombre croissant de plaintes à l’encontre de Google Depuis la publication du livre blanc de l’ICOMP, « La politique antitrust de Google observée au Microscope », de nombreuses autres plaintes ont été déposées auprès de la Commission. Celles-ci se répartissent plus ou moins dans les quatre catégories suivantes : • La tactique d’exclusion par laquelle Google place ses propres services dans les pages de

référencement au-dessus de ceux de ses concurrents réduit la compétitivité de ces derniers. • Google poursuit sa stratégie d’exclusion à l’encontre des services de ses concurrents, allant

jusqu’à les empêcher d’accéder à ses plateformes publicitaires et de recherche.

• Google semble s’être servi du subventionnement croisé en ce qui concerne ses services gratuits, tels que Google Maps et API, et ses plateformes génératrices de revenus. Cette pratique lui a permis de couvrir les coûts élevés liés aux données et aux licences, ce que ne peuvent faire ses concurrents, qui sont ainsi exclus du marché. Google chercherait maintenant à faire des bénéfices après avoir écarté ses concurrents du marché, en facturant certains de ces services.

• La politique d’exploitation « courber l’échine » ou « abandonner » a permis à Google d’utiliser

sans y être autorisé le contenu de tiers, sans véritablement être inquiété, tandis que les propriétaires de contenus perdent leurs recettes.

Le 27 octobre 2011, Google a publiquement divulgué les identités d’un certain nombre de plaignants. Ceux-ci incluent : le propriétaire d’un site de mise en relation d’affaires basé à Toulouse, Interactive Lab ; le site internet de football hollandais, Elfvoetbal.nl ; l’association allemande des sociétés de référencement, Verband freier Telefonbuchverleger ; le blog d’information, NNPT.it ; le site web français spécialisé dans les réductions, Deal du Jour ; et le site de cartographie allemand, Hotmaps. L’association des éditeurs de quotidiens espagnols, AEDE, a déposé plainte le 23 décembre 2011, en accusant Google d’abuser de sa position dominante par l’intermédiaire, entre autres, de son offre Google News. Exactement un mois plus tard, le comparateur de prix français, Twenga, a aussi officiellement déposé plainte à l’encontre de Google, rejoignant ainsi d’autres membres de FairSearch.org, suivis d’autres encore en mars et avril 2012. La Commission a révélé que d’autres plaintes avaient été reçues de deux voyagistes en ligne, TripAdvisor, le site qui recense les conseils et avis en matière d’organisation des voyages et Expedia, le service de voyage en ligne. Les plaintes de TripAdvisor et d’Expedia ont été soutenues par d’autres acteurs clés de l’industrie du voyage, notamment : l’European Technology & Travel Services Association, Lastminute.com et Amadeus. Level.com (un membre de Fairsearch.org) qui représente les intérêts des agences de voyages telles qu’Opodo, a affirmé que bien qu’il n’ait pas officiellement porté plainte, il surveillait la conduite de Google et avait alerté la Commission quant à la détection d’un « comportement irrégulier ». Dans son rapport déposé auprès de la SEC en date du 25 avril 2012, Google a révélé que le propriétaire d’Opodo, Odigeo, avait également porté plainte comme l’avait fait précédemment la société de cartographie, Streetmap. Peu de temps avant ces plaintes, le BEUC, le bureau européen des unions de consommateurs, a écrit une lettre datée du 27 mars 2012 à Joaquín Almunia dans laquelle il s’inquiétait de voir « les consommateurs pâtir de la position dominante de Google, ces derniers se voyant transmettre des résultats partiels relativement aux requêtes formulées... »7

Page 6: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

5

2.1 Agrégateurs et Éditeurs d’Informations Dans son livre blanc « La politique antitrust de Google observée au Microscope », l’ICOMP a minutieusement décrit la façon dont la conduite de Google avait nui aux agrégateurs d’informations, aux journaux et aux éditeurs. Si ce comportement varie d’une affaire à l’autre, il existe une constante : l’exploitation non autorisée, par google, du contenu de tiers. Cet argument a été avancé par l’Association des éditeurs de magazines allemands (BDZV et VDZ) dans leur plainte auprès de l’Office fédéral allemand de lutte contre les cartels (le FCO) au cours du mois de décembre 2010 et a également été traité dans le règlement de Google avec les autorités antitrust italiennes dans l’affaire FIEG (Fédération italienne des éditeurs de journaux).8

L’association des éditeurs de quotidiens espagnols (AEDE) Bien que l’utilisation par Google des bribes des éditeurs ait été au centre du débat antitrust afférent à l’abus de position dominante, la Commission n’a commencé à examiner les allégations spécifiques qu’en décembre 2011, lorsqu’elle a annoncé que l’association des éditeurs de quotidiens espagnols, l’AEDE, avait déposé plainte relativement à l’utilisation par Google du contenu numérique des membres de l’AEDE sur le service Google News, sans autorisation préalable et sans offrir une rémunération aux éditeurs. Comme en ce qui concerne les éditeurs allemands, l’AEDE a déploré le fait que la façon dont Google exploite son service Google News a un impact négatif important sur la capacité des journaux à générer des revenus par l’intermédiaire de la publicité en ligne. Pour cette raison, l’AEDE a demandé, pour ses membres, à percevoir une partie équitable des revenus que Google génère à partir des publicités présentées à côté des « bribes » de leurs articles. L’AEDE a critiqué « l’option de refus » de Google dont disposent les détenteurs de droits sur contenu qui ne souhaitent pas que Google utilise leur contenu sur Google News ; en exerçant cette option, les éditeurs ont la possibilité de protéger leur contenu, mais pas leur activité puisque « refuser » signifie aussi être complètement exclu des résultats de recherche de Google. Les Associations des éditeurs de magazines allemands – BDZV et VDZ Les Associations des éditeurs de magazines allemands, BDZV et VDZ, se sont plaintes, par-devant le FCO, de l’utilisation non autorisée du contenu de leurs membres par Google. Toutefois, lorsque leur plainte a été transmise à la Commission en décembre 2010, il a été décidé de confier au régulateur national le soin de traiter leurs demandes en matière de « part équitable ». En février 2012, peu de temps après l’annonce de la plainte antitrust de l’AEDE, les éditeurs allemands ont décidé de soumettre leurs réclamations en matière de « part équitable » à la Commission. Autres Éditeurs D’autres éditeurs et d’autres groupes ont contacté la Commission à cet égard. Une association représentant les éditeurs polonais aurait écrit à M. Almunia au sujet de l’attitude de Google envers les rivaux et deux autres sites ont officiellement porté plainte auprès de la Commission. Le premier est un site de football hollandais, Elfvoetbal.nl, dont les inquiétudes semblent se focaliser sur le fait que Google dirige les utilisateurs vers ses propres offres liées au football ; le second est un forum d’information italien, NNTP.it. 7 D’après Brent Thompson, Vice-Président des Affaires Gouvernementales, Expedia, le 30 mars 2012. Voir également la lettre de M. Goyens du BEUC (le bureau européen des unions de consommateurs) adressée à M. Joaquin Almunia, datée du 27 mars 2012 8 Voir pages 7-10 du livre blanc « La politique antitrust de Google observée au Microscope »

Page 7: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

6

2.2 Services de Cartographie et de Référencement des Entreprises Un nombre croissant de consommateurs utilise Internet pour rechercher des entreprises et effectuer des recherches par position. Google Maps est une ressource populaire parmi les utilisateurs. Une étude YouGov, portant sur un échantillon de 2 019 individus résidant au Royaume-Uni, révèle que 49% des sondés affirment utiliser régulièrement Google Maps.9 Ce chiffre est plus frappant aux États-Unis, où 71 % des 91,7 millions d’utilisateurs de la cartographie en ligne se sont rendus sur Google Maps en février 2012.10 L’interface de programmation de Google, Google Maps API, jouit d’une popularité croissante auprès des entreprises en ligne, puisqu’il leur est possible d’intégrer Google Maps à leurs propres sites et de localiser leurs entreprises sur le service de cartographie populaire de Google. Sans surprise, les services de référencement et de cartographie en ligne concurrents sont donc devenus la cible incontournable des manœuvres anticoncurrentielles de Google. Cette logique a été poussée à un degré tel que certains services, à l‘instar de la société française de cartographie Maporama, ont été évincés consécutivement aux pratiques d’exclusion de Google.11

Verband freier Telefonbuchverleger En octobre 2010, la Verband freier Telefonbuchverleger (VfT), une association allemande de 20 sociétés régionales de référencement, a déposé plainte auprès de la Commission en abordant des inquiétudes que suscite le traitement préférentiel discriminatoire des produits commerciaux de Google dans les pages de référencement. VfT a publiquement déclaré espérer que son « offensive » à l’encontre Google contribuera au retour des « moteurs de recherche objectifs ». Selon le site web de VfT, son analyse a démontré que lorsqu’une recherche est effectuée sur une entreprise sur Google en utilisant un lieu ou un code postal, Google place presque toujours ses sites au-dessus de ceux des référencements locaux.12

Hot Maps Hot Maps, un développeur et concédant de licence allemand de logiciel de cartographie, a déposé plainte à l’encontre de Google auprès du FCO le 12 octobre 2010. Dans cette plainte, Hot Maps accusait Google de tirer parti de son influence économique pour restreindre déloyalement la capacité de Hot Maps à proposer des services de routage et de cartographie, contrairement à la législation allemande interdisant les restrictions en matière de concurrence. Notamment, Hot Maps a affirmé qu’en offrant gratuitement Google Maps API à d’autres sites web et sans publicité, Google avait engagé une politique de prix prédatrice, puisqu’il ne finançait le paiement des frais de licence ni des données géographiques à travers ses services de cartographie. Il convient de noter que Google a depuis commencé à facturer fortement ce service à certains utilisateurs, dès qu’ils dépassent les limites d’utilisation (voir ci-dessous). En outre, Hot Maps a également observé que sa « visibilité » dans les résultats de recherche de Google avait « décliné de façon inexpliquée » depuis, entre autres, le lancement de Google Maps. D’après Hot Maps, cette situation « démontre clairement que Google favorise ses propres services ». Dans ce contexte, Hot Maps a pointé du doigt Universal Search qui, selon lui, mettrait en avant les images de Google Map dans les référencements organiques en réponse aux recherches par position.

Page 8: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

7

Le FCO a transmis la plainte de Hot Maps à la Commission à la fin de l’année 2010, ainsi que celle d’une autre société de cartographie, Euro-Cities.13 Si la décision de la Commission d’instruire ou non les réclamations relatives à l’API n’est pas clairement formulée, il ressort que le FCO, au moins dans l’affaire d’Euro-Cities, n’a pas renvoyé à la Commission les arguments relatifs à la gratuité de l’API de Google Maps et a, en conséquence, recommandé de soumettre cette question aux tribunaux allemands. Bottin Cartographes Le 31 janvier 2012 le Tribunal de Commerce de Paris a rendu un jugement en faveur de Bottin Cartographes. Celui-ci a estimé que Google avait abusé de sa position dominante, contrairement au code de commerce français, en pratiquant pour son API des prix anormalement bas sur le marché de la cartographie en ligne permettant la géolocalisation de points de vente sur les sites web des entreprises. Le Tribunal a observé que Google détenait un monopole de facto en France sur le marché des moteurs de recherche et en est venu à conclure que Google Map était dominant :

« Un tel raisonnement peut être transposé au marché de la cartographie en ligne, la position dominante de Google Maps étant liée à la domination de Google sur le marché des moteurs de recherche ».

Le Tribunal a analysé la façon dont Google avait abusé de sa position dominante. Le Tribunal a constaté qu’en proposant gratuitement ses programmes de cartographie, Google n’avait pas permis de recouvrir le coût de revient inévitable inhérent à son offre de services, y compris par exemple ceux inhérents à l’élaboration et à la distribution des produits, ainsi que les droits afférents aux données géographiques. Le Tribunal a estimé que le comportement de Google avait abouti à l'éviction de tout concurrent, mais en outre s’était inscrit à l'évidence dans le cadre d'une stratégie générale d'élimination. La pratique de gratuité a manifestement eu vocation à optimiser à terme la commercialisation de publicités ciblées ; cette systématisation influence définitivement les entreprises clientes, ces dernières estimant à juste titre que le choix de l'Api Google Maps favorisera leur référencement naturel sur le moteur de recherche Google.14 Ce jugement a réconforté certains acteurs du secteur de la cartographie en ligne et pourrait bien avoir encouragé les autres à se manifester au début de l’année 2012. Street Map Streetmap est un fournisseur britannique de cartes en ligne, permettant aux utilisateurs d’effectuer gratuitement des recherches par code postal, lieu, nom, nom de rue, code téléphonique, latitude et longitude. Streetmap offre également une variété de services de localisation payants aux entreprises. De 2002 à 2004, Streetmap a vu ses revenus augmenter de 653%. En 2006, une étude YouGov, a classé Streetmap.co.uk au 4ème rang des marques en ligne les plus plébiscitées et dignes de confiance. Toutefois, à partir du printemps 2007, Streetmap a assisté à une nette chute de son trafic et de son chiffre d’affaires, apparemment au profit de Google. En mars 2012, Streetmap a formellement porté plainte auprès de la Commission relativement à l’abus de la position dominante de Google sur les marchés de la recherche et de la publicité liée aux recherches et relativement au pouvoir que lui procure sa position dominante au sein du secteur de la cartographie en ligne. 9 Voir http://labs.yougov.co.uk/ 10 Voir http://www.nytimes.com/2012/03/20/technology/many-sites-chart-a-new-course-as-google-expands-fees.html 11 Voir la décision du Tribunal de Commerce de Paris, du 31 janvier 2012, concernant Bottin Cartographes, disponible à l’adresse

Internet suivante : http://www.i-comp.org/en_us/resources/resources/download/1340 12 http://www.mlex.com/EU/Content.aspx?ID=186150 13 Voir page 7 du livre blanc « La politique antitrust de Google observée au Microscope » 14 http://www.i-comp.org/blog/2012/bottin-cartographes-the-implications/ 15 http://googlegeodevelopers.blogspot.com/2011/10/introduction-of-usage-limits-to-maps.html 16 Voir l’Avis de l’autorité de la concurrence française No 10-A-29, du 14 décembre 2010, relatif à la concurrence sur le marché de la

publicité en ligne, paras. 324 et seq 17 Voir page 10-12 du livre blanc « La politique antitrust de Google observée au Microscope » 18http://www.mlex.com/EU/Content.aspx?ID=186148

Page 9: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

8

Certaines des réclamations formulées par Streetmap s’articulent autour des pratiques de discrimination de Google. Premièrement, comme de nombreux plaignants, Streetmap a affirmé qu’en mettant systématiquement en avant ses propres services dans les pages de résultats des moteurs de recherche, grâce à Universal Search, Google favorise ses propres offres, en dirigeant le trafic vers ses sites et en pratiquant une discrimination à l’égard de ceux des concurrents. En fait, selon Streetmap, Google Maps se classe parmi les sites qui connaissent la plus forte augmentation de trafic après le lancement d’Universal Search. Développant cet argument, Streetmap a également souligné qu’alors que la simple introduction d’un code postal britannique dans Google Search permettait de récupérer les résultats depuis les propres sites de cartographie de Google, ce dernier n’avait pas dressé la liste des sites concurrents, tels que Streetmap. Deuxièmement, Streetmap a soulevé la question de l’aspiration partielle : Google affiche un taux inférieur d’aspiration en ce qui concerne les sites concurrençant les siens. Les Algorithmes d’indexation des sites web de Google déterminent la fréquence et l’échelle de leur défilement en fonction du référencement des sites web. Cependant, Streetmap a affirmé qu’en dépit de ses notes de classement élevées de 7 sur 10 (soit seulement un point de moins que Yahoo!), en février 2012, le moteur de recherche de Google n’avait indexé que 5% de son site. À ce rythme, le délai imparti à Google pour complètement indexer le contenu de Streetmap devrait être fixé à 20 ans. Outre la question de la discrimination, Streetmap a également développé des arguments similaires à ceux avancés par Euro-cities et Hot Maps, en accusant Google d’offrir ses services de cartographie aux consommateurs et entreprises clientes à des prix anormalement bas. Contrairement aux concurrents, Google Maps propose gratuitement son service de cartographie à la plupart de ses utilisateurs sans publicité (tout du moins jusqu’à présent). Streetmap a affirmé que Google utilise les revenus générés par ses autres activités afin de financer les licences et données relatives aux cartes, en recourant au subventionnement croisé entre ses services de cartographie et sa plateforme publicitaire. Le service API de Google, qui permet aux entreprises d’incorporer Google Maps sur leur site et vice-versa, a également été proposé gratuitement jusqu’à tout récemment, lorsque Google a publiquement reconnu sa non-viabilité :15

« dans un contexte d’adoption croissante de l’API Maps, nous devons garantir son avenir à long terme en veillant, même lors de son utilisation par des sites à fort trafic, à assurer la continuité du service ». Google a instauré des limites d’utilisation et des pénalités pour utilisation excessive dès le mois d’octobre 2011 pour les utilisateurs de Google Maps API. Streetmap a décrit cette tactique comme faisant partie de la « stratégie de Google », qui consiste tout d’abord à évincer la concurrence, puis, à commencer à facturer les services. Cette analyse rejoint l’avis de l’Autorité de la Concurrence française : « Celui-ci [Google Maps API »] n’est certes pas payant aujourd’hui en France. Mais il l’est dans certaines villes des États-Unis, ce qui annonce peut-être une évolution ».16

2.3 Plateformes Publicitaires & Sites de Comparaison de Prix Les pratiques anti-concurrentielles de Google ont pour l’essentiel visé des moteurs de recherche verticale concurrents, puisque ceux-ci menacent (quelquefois directement, quelquefois indirectement) véritablement les services de Google. Parmi les premiers plaignants, figurent de nombreux sites de comparaison de prix, y compris Ciao! et Foundem.17 Plus récemment, Google a étendu lesdites pratiques aux sites de mise en relation d'affaires et aux sites spécialisés dans l’offre de réductions.

Page 10: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

9

Interactive Labs Le 3 février 2011, la société française Interactive Lab a déposé une plainte contre Google auprès de la Commission, en ce qui concerne ses tentatives d’utilisation avortée de Google AdWords aux fins de la promotion de son service de mise en relation d'affaires, Woxxo. Interactive Labs a accusé Google de présenter et d’exploiter sa régie publicitaire de manière « non transparente, mensongère et trompeuse ».18 La Commission a accepté en avril 2011 de se saisir de la plainte et d’ouvrir un dossier. Deal du Jour Deal du Jour est un site français (dealdujour.pro) qui agit en tant que plateforme publicitaire pour les entreprises locales et offre un service similaire à celui de Groupon. Au début du mois d’août 2011, Deal du Jour a déposé plainte auprès de la Commission en lui demandant « d’ouvrir de toute urgence une enquête sur Google, puisque notre société qui détient un capital limité est détruite par les actions de Google ».19

La plainte de Deal du Jour s’articule autour de trois arguments. Premièrement, Deal du Jour a affirmé avoir chuté dans le référencement effectué par Google sans explication dans une mesure telle qu’il est possible de parler de désindexation. Deuxièmement, Google est accusé d’avoir supprimé le compte AdSense de Deal du Jour au motif que ce dernier aurait mené une « activité incorrecte ». Le troisième argument aurait trait à la suppression à laquelle aurait procédé Google du compte AdWords de l’affilié de Deal du Jour, Int. Yellow Pages, aux motifs que les termes et conditions liés au compte et à la publicité ne respectaient pas les exigences de qualité établies dans les conditions générales d’utilisation de Google. Google avait précédemment agi de la sorte à l’encontre de Navx en 2009, empêchant ainsi cette société d’afficher des publicités sur sa plateforme AdWords.20

Il convient de noter que tout ceci se serait produit au cours du mois de juillet 2011, c’est-à-dire avant l’achat par Google de TheDealmap, un site spécialisé dans la géolocalisation des offres promotionnelles.21 Ceci renforce la théorie qui veut que Google se concentre sur les acteurs intervenant au sein de « secteurs ciblés » afin d’évincer les concurrents de façon à pouvoir par la suite procéder au lancement de ses propres produits ou services. Francotel LLC a également déposé plainte contre Google au cours du mois de janvier 2010 auprès de la Commission en ce qui concerne les conditions générales d’AdWords, bien qu’il ne soit pas établi que cette plainte fasse partie de l’enquête conduite. Twenga Au début de l’année 2012, une plainte déposée par le comparateur de prix français, Twenga, a rejoint les dossiers dont la Commission s’est officiellement saisie. La plainte de Twenga ne s’est pas limitée aux sujets de préoccupation habituels ayant trait au traitement préférentiel des services de Google, mais également a attiré l’attention de la Commission sur de nouveaux aspects de la conduite du géant américain : Google a, de façon discriminatoire, appliqué à des sites concurrents des ajustements algorithmiques qu’il ne s’applique pas. 22 Selon le PDG de Twenga, M. Bastien Duclaux « L'an passé, Google a procédé à plusieurs changements d'algorithme, et plus récemment, dans le but de pénaliser ces types de produits dans les résultats de recherche… causant une chute de 30 % du trafic de Twenga au mois d'août ». 23

19http://www.mlex.com/EU/Content.aspx?ID=164671 20 http://uk.reuters.com/article/2011/08/04/eu-google-dealdujour-idUKLDE77313M20110804. Pour obtenir de plus amples informations au sujet de la plainte de Navx, voir page 13 du livre blanc « La politique antitrust de Google observée au Microscope » 21 http://dealbook.nytimes.com/2011/08/01/google-acquires-the-dealmap/ Google aurait essayé de racheter Groupon l’année dernière 22 Notamment, la mise à jour « Panda » que Google n’a pas appliquée à ses propres produits et

services http://www.pcinpact.com/news/68661-twenga-google-concurrence-marche-recherche.htm 23 http://www.businessweek.com/news/2012-01-24/google-faces-eu-antitrust-complaint-from-french-shopping-website.html 24 Dans son rapport SEC. Une copie de la déclaration est disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.mlex.com/EU/Content.aspx?ID=233797

Page 11: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

10

2.4 Le Secteur du Voyage Au début de l’année 2012, deux membres de FairSearch.org, Expedia et TripAdvisor, à cinq jours d’intervalle l’un de l’autre, ont déposé plainte auprès de la Commission. Odigeo (le propriétaire établi à Barcelone d’eDreams, Opodo, GOvoyage et Travellink) a également été identifié par Google en tant que plaignant officiel.24

La conduite de Google au sein du secteur du voyage a déjà été observée à la loupe par les organismes de réglementation. Le géant du net américain a fait l’objet d’une enquête lancée par le ministère américain de la Justice lors de l’acquisition par Google d’ITA Software Inc.. Les plaintes auraient été déclenchées par le non-respect de Google des engagements qu’ils avaient alors donnés au ministère américain de la Justice afin d’obtenir son feu vert quant à l’acquisition d’ITA. L’année dernière, consécutivement à cette acquisition, Google a lancé son service de recherche de vols et de réservation de billets d'avion en ligne, Google Flights, en exploitant le logiciel QPX d’ITA, lequel est déjà largement utilisé par le secteur du voyage afin d’offrir une fonctionnalité de recherche de vols aux consommateurs.25

FairSearch.org – Expedia Inc. et TripAdvisor Le 30 mars 2012, Expedia a publié un communiqué de presse aux termes duquel il confirmait avoir déposé plainte auprès de la Commission. Le motif de sa plainte concernait notamment « les outils de recherche mis en place par Google qui constituent une violation des lois de l'Union Européenne sur la concurrence et la protection du consommateur ».26 Expedia est un voyagiste en ligne présent en Amérique du Nord, en France, en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas et s’avère être le premier voyagiste de ce type au Royaume-Uni. Expedia estime qu' « une action d'envergure » doit être menée par la Commission afin de restaurer un climat équitable et compétitif au sein du marché de la recherche en ligne et ce, dans le respect du droit des consommateurs. La nature exacte de sa plainte n’a pas été rendue publique, mais, la déclaration faite par Expedia lors de l’audition diligentée par la sous-commission du Sénat américain au cours du mois de septembre dernier, apporte un éclairage sur les éléments constitutifs de la plainte : Google exclurait tout lien menant vers d’autres agences de voyage en ligne sur Google Flights, et ce, en dépit des engagements qu’il aurait pris dans le cadre de l’affaire ITA.27

TripAdvisor, le site qui recense les conseils et avis destinés à apporter une aide en ce qui concerne l’organisation des voyages, rejoint Expedia en portant plainte auprès de la Commission le 3 avril 2012 et en développant apparemment un argument récurrent : le traitement préférentiel que Google réserve à ses propres services. Néanmoins, TripAdvisor est allé plus loin en traitant des sujets de préoccupation qui n’avaient traditionnellement été abordés que par la communauté des éditeurs (voir Partie 2.1 ci-dessus) – l’exploitation par Google du contenu de tiers. TripAdvisor a accusé Google de copier son contenu « en se servant » de ses conseils et avis et en les postant sur Google Places, sans tenir compte de l’annulation de l’accord Google/TripAdvisor relatif à l’exploitation sous licence du contenu de TripAdvisor. 28 Dans sa défense, Google avait argumenté (comme il l’a fait à maintes reprises en ce qui concerne Fieg, les éditeurs allemands et l’AEDE), que les sites web peuvent empêcher les aspirateurs de Google d’indexer leurs pages en bloquant cette fonctionnalité grâce au robots.txt file29 Toutefois, cette solution conduit en fin de compte à faire un choix entre « courber l’échine» ou « abandonner» puisque cette option exclurait également TripAdvisor des référencements de Google, une source importante de trafic visiteur. Les plaintes déposées par Tripadvisor, Expedia et Odigeo ont ajouté une nouvelle dimension aux recherches de la Commission à une étape cruciale et démontrent l’étendue des pratiques anticoncurrentielles de Google et de sa stratégie. Ce dernier utilise sa plateforme afin d’évincer les concurrents potentiels avant de pénétrer sur de nouveaux marchés. 25 Voir page 25 -26 du livre blanc « La politique antitrust de Google observée au Microscope » pour obtenir de plus amples informations sur la transaction ITA 26 Selon Brent Thompson, Vice-Président des Affaires Gouvernementales, Expedia 27 http://www.businessweek.com/news/2012-03-30/expedia-files-european-union-antitrust-complaint-against-google 28 http://www.guardian.co.uk/technology/2012/apr/03/tripadvisor-files-complaint-against-google 29http://www.mlex.com/EU/Content.aspx?ID=227761

Page 12: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

11

3. La Commission enquêtera-t-elle sur Go Mobile? Au cours du mois d’octobre 2011, l’ICOMP a publié le livre blanc intitulé « Google’s Efforts to Monopolise Key Segments of the Mobile Ecosystem ( Les Efforts de Google pour Monopoliser les Segments Clés de l’Écosystème Mobile) » dans lequel l’ICOMP a décrit les principales stratégies anticoncurrentielles employées par Google dans le secteur mobile, à savoir :

• Les restrictions anticoncurrentielles relatives à l’Android : Google a incité les opérateurs mobiles et les fabricants d’appareils à utiliser son Système d’Exploitation (SE) Android grâce à de fausses promesses de transparence et de liberté, puis les a empêchés d’utiliser les services concurrents.

• L’exploitation d’une position dominante dans le domaine de la publicité en ligne, en jouant de son influence sur la recherche mobile : Google a automatiquement conduit ses clients AdWords à faire le choix de la publicité liée à la recherche mobile, en haussant artificiellement le prix des publicités liées à la recherche mobile.

• Le refus opposé aux concurrents quant à l’accès aux informations d’interopérabilité : Google a refusé l’accès à ses concurrents aux informations d’interopérabilité dont ils ont besoin pour fournir un accès mobile attractif au contenu en ligne essentiel, tel que YouTube, en donnant artificiellement l’impression d’une expérience utilisateur médiocre.

• Les accords exclusifs aux termes desquels Google devient le moteur de recherche par défaut sur les mobiles : Google a conclu une série d’accords exclusifs avec les fabricants d’appareils et opérateurs mobiles, y compris un accord de distribution en matière de recherche avec Apple, obligeant ainsi les consommateurs à utiliser Google Search.

La récente acquisition de Google de Motorola Mobility,30 compte tenu de l’approbation réglementaire intervenue au cours du mois de février, est susceptible d’exacerber ces problèmes, en permettant à Google de consolider son influence économique sur le marché et en lui donnant accès à une profusion de brevets essentiels pour imposer d’autres restrictions anticoncurrentielles sur le mobile. Il s’avère que ces questions ont été expressément exclues de l’invitation à proposer des remèdes lancée par la Commission à Google ; probablement parce que son enquête n’était pas encore achevée : 31

• Il se peut que la Commission ne soit pas parvenue à une conclusion quant à la définition du mobile. Par exemple, dans sa décision Motorola Mobility, la Commission a laissé ouverte la définition exacte du marché pour les appareils mobiles et a estimé qu’il n’était pas nécessaire de déterminer dans cette affaire si les Systèmes d’Exploitation pour les téléphones intelligents et les tablettes appartenaient au même marché de produits. Il semblerait que la Commission cherche à mieux comprendre ces marchés avant de décider la manière dont ils doivent être découpés aux fins de la législation sur la concurrence.

• La Commission effectue d’autres recherches relativement à la concurrence sur les marchés mobiles (normalisations,32 chasseurs de brevets, paiements mobiles ; prétendus accords anticoncurrentiels, etc.).

• Des plaintes ayant trait à la conduite de Google en ce qui concerne la publicité liée aux recherches mobiles et la recherche mobile ont été évoquées récemment dans le cadre des enquêtes de la Commission.

30 Case No COMP/M.6381 – Google/ Motorola Mobility, 13 February 2012. (Affaire No COMP/M.6381 – Google/ Motorola Mobility, 13 février 2012) 31 "We continue the investigations on other issues, on other complaints we received recently, for instance all those complaints referring to Android” (« Nous continuons à enquêter sur d’autres sujets, sur d’autres plaintes que nous avons récemment reçues, par exemple, les plaintes afférentes à l’Android »). http://uk.reuters.com/article/2012/05/21/oukin-uk-eu-google-idUKBRE84K13V20120521 32 Vodafone, Deutsche Telekom, France Télécom, Telefónica, Vodafone et Telecom Italia and the GSMA were confirmed in March 2012 to have received RFIs in this respect. (Il a été confirmé à Vodafone, Deutsche Telekom, France Télécom, Telefónica, Vodafone et Telecom Italia et au GSMA, la réception en mars 2012 des RFIs à cet égard). Voir http://www.mlex.com/EU/Content.aspx?ID=221283 33 Voir paragraphe 107, ibid. En fait, un récent jugement du Tribunal européen daté du 1er juillet 2010 a effectivement confirmé la

décision de la Commission relative à Astra Zeneca en ce qui concerne la violation du procédé breveté. Voir Affaire T-321/05, le résumé est disponible ici.

34 http://www.mlex.com/EU/Content.aspx?ID=225878 35 http://www.mlex.com/EU/Content.aspx?ID=214153

Page 13: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

12

• L’interaction entre les règles et procédures visant à faire respecter le droit de l'Union européenne en matière d'ententes et de positions dominantes, le droit de la propriété intellectuelle, les procédures civiles compliquent l’examen de la Commission relatif à l’exploitation prétendument abusive des brevets. La Commission a, par le passé, sanctionné des abus portant sur les procédés brevetés. Dans sa décision Motorola Mobility, la Commission a indiqué que la simple menace de procédure en matière de brevets essentiels peut suffire à entraver de manière significative une concurrence efficace dans ce secteur, par exemple, lorsqu’une licence n’a pas été concédée selon des principes équitables, raisonnables et non discriminatoires (« FRAND terms »).33

Cette approche a été présentée par certains comme ne respectant pas la jurisprudence de certains États Membres, par exemple, l’Allemagne et une partie de la communauté PI estime que l’utilisation des règles antitrust pour traiter des questions relatives aux brevets engendre de l’incertitude.34

Ceci étant dit, Joaquín Almunia a déjà formulé un avertissement clair : il ne sera pas fermé les yeux sur les pratiques qu’adoptera Google en matière de brevets :

« La commission a validé le rachat de Motorola Mobility par Google parce que, au terme d'un examen minutieux de l'opération envisagée, il apparaît que cette dernière ne pose, en tant que telle, aucun problème de concurrence. Mais, je peux vous assurer que la commission prendra toute mesure nécessaire afin de veiller à ce que l’utilisation des brevets essentiels par tous les acteurs du secteur respecte pleinement la législation en matière de concurrence de l’UE et les engagements [à concéder des licences à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires] donnés aux organismes de normalisation. »35

Par conséquent, bien que l’ultimatum lancé par M. Almunia à Google de proposer des remèdes n’ait pas concerné les pratiques de Google sur les marchés mobiles, il est évident que la question n’échappera pas à l’attention des autorités antitrust.

4. Conclusion Le présent document contient une description des développements récents de l’enquête menée par la Commission sur Google, y compris les dernières informations relatives au flot incessant des plaintes relatives à ses pratiques persistantes d’exploitation, d’exclusion et de discrimination. Il apparaît clairement que Google les a mises en œuvre afin de cibler les concurrents potentiels présents dans les secteurs où il envisage d’offrir ses propres services, souvent à la suite d’une acquisition, en libérant la voie de façon à garantir la prospérité de ses propres offres. La Commission a donné à Google une chance de prendre un nouveau départ. Elle espère ainsi, d’après ses conclusions préliminaires, obtenir une solution rapide quant au préjudice qu’occasionne Google en matière de concurrence sur le marché en ligne, au détriment des entreprises et consommateurs. Si Google n’offre pas des remèdes appropriés, complets, efficaces et vérifiables, la Commission devra agir rapidement pour empêcher d’autres préjudices. Les entreprises européennes, l’innovation européenne et le consommateur européen risquent gros.

Page 14: LAPOLITIQUEANTITRUSTDENOUVEAUOBSERVÉEAUMICROSCOPE ...i-comp.org/.../2013/07/ICOMP_Pratiques-anticoncurrentielles-Google.pdf · à la recherche en ligne à partir de sa plateforme

n IIICOMP INITIATIVE FOR A COMPETITIVE ONLINE MARKETPLACE