L’ordre et la fête...imaginé de les faire participer aux séances de la Méthode d’analyse en...

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Les Presses de l’Université de Montréal L’ordre et la fête Frédéric Diaz Préface de Philippe Robert

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isbn 978-2-7606-3280-629,95 $ • 27 e Photo : © shocky /Dollar Photo Club

Aussi disponible en version numérique

www.pum.umontreal.ca

Véritables catalyseurs d’enjeux économiques et sociaux, les grands

événements sportifs ou artistiques rythment la vie collective. Ils

sont aussi au cœur des débats sur la place du risque et le partage

des responsabilités. Promoteurs, politiques et forces de l’ordre,

tous cherchent à réguler l’espace festif pour éviter les catastrophes,

juguler les coûts exorbitants et, surtout, faire en sorte que la fête

puisse se déployer dans toute sa splendeur.

Ce livre unique en son genre rend compte de l’organisation

de plus de 30 événements, au Québec et en France, et met en

lumière les interactions durant ce moment si particulier de la vie

en société. Il intéressera tous ceux qui veulent mieux comprendre

le concept de sécurité dans les grands rassemblements, qu’ils y

aient ou non un rôle à jouer.

Frédéric Diaz est docteur en sociologie. Chercheur permanent au Groupe

de recherche sur les espaces festifs (GREF, UQAM), il est chargé de cours à

l’Université de Montréal et à l’École nationale de police du Québec. Il est aussi

conseiller auprès de plusieurs organisateurs d’événements de grande envergure,

ainsi qu'auprès de ministères et de municipalités.

Les Presses de l’Université de Montréal

L’ordre et la fêteFrédéric Di a z

Préface de Philippe Robert

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L’ORDRE ET LA FÊTE

Préface de Philippe Robert

Les Presses de l’Université de Montréal

Frédéric Diaz

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Diaz, Frédéric L’ordre et la fête Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3280-6 1. Événements spéciaux - Sécurité - Mesures. 2. Événements spéciaux - Gestion. I. Titre.GT3405.D522 2014 394.2 C2014-942554-6

Mise en pages : Folio infographie

ISBN (papier) : 978-2-7606-3280-6ISBN (PDF) : 978-2-7606-3281-3ISBN (ePub) : 978-2-7606-3282-0

Dépôt légal : 1er trimestre 2015Bibliothèque et Archives nationales du Québec© Les Presses de l’Université de Montréal, 2015

Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Elle remer-cient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

imprimé au canada

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In Maât, Der Isfet

Mission du pharaon qui consiste à générer l’harmonie à partir du chaos.

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Préface

Pour ouvrir un nouveau champ de connaissances, il arrive qu’on doive se risquer à des méthodes peu canoniques. Frédéric Diaz a voulu étudier la sécurité des manifestations sportives ou musicales et il a vite constaté que des démarches classiques – l’observation pure ou même les entretiens avec des acteurs de la sécurité – ne permettaient pas de dépasser une connais-sance superficielle ; parfois il était même malaisé de savoir où l’on aurait pu poster un observateur. Il en a conclu qu’il fallait avancer davantage dans l’arène et endosser le vêtement de certains de ces acteurs. N’était-ce pas, après tout, un retour à une observation « participante1 » peut-être un peu en perte de vitesse de nos jours, mais qui a eu son heure de gloire dans les débuts de la sociologie, par exemple dans le Chicago des années 1920, même si, à l’époque, l’observation n’a en fait pas toujours été « partici-pante », et en tous cas rarement dans des positions institutionnelles2 ?

Pour autant, cette posture n’allait pas effacer toutes les difficultés. La première tient, on le conçoit aisément, au caractère très parcellaire de l’observation autorisée par la plupart des fonctions de sécurité. Aucune ne semble permettre une observation complète du dispositif de sécurité, même celle de conseil ou de direction : les manifestations de petit gabarit en sont souvent dépourvues, l’organisateur les assume lui-même ; quand elles existent, elles ne sont évidemment pas accessibles au novice ; enfin,

1. La matière semble y pousser : Cyril Magnon-Pujo (2013 : 490) explique comment il a dû y recourir (au moins partiellement) pour étudier les stratégies de légitimation des compagnies de sécurité privée.

2. Sauf peut-être les expériences de Clifford Shaw comme délégué à la probation ou agent de liberté surveillée.

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elles permettent certes de prendre une vue panoramique mais trop globale pour saisir la complexité des interrelations. Pour échapper à l’unilatéra-lisme d’une participation confinée à une seule fonction de sécurité, M. Diaz explique qu’il les a patiemment endossées l’une après l’autre, du stadier au conseiller en sécurité, ce qui implique évidemment une entre-prise de longue haleine, commencée en France et continuée au Canada, avec des dizaines d’événements. Il y a gagné de découvrir que le dispositif de sécurité peut varier du tout au tout selon l’ampleur de la manifestation et qu’il faut parcourir non seulement toute la gamme des fonctions, mais aussi toutes les sortes de manifestation, du petit concert aux épreuves sportives internationales.

À l’observateur qui se fait embaucher par l’organisateur de ces spec-tacles sportifs ou musicaux certaines fonctions de sécurité – policier, pompier, urgentiste, ambulancier… – échappent cependant. M. Diaz a imaginé de les faire participer aux séances de la Méthode d’analyse en groupe (MAG) qu’il a empruntée au sociologue bruxellois Luc Van Campenhoudt3. Ainsi pouvait-il plus facilement reconstituer les interac-tions et les jeux de pouvoir entre acteurs de la sécurité. Ce n’était pas le seul profit attendu de cette démarche : elle devait aussi aider à enjamber la fragmentation que crée la faible durée de chacune de ces manifestations et la médiocre capitalisation collective des expériences passées.

Le sociologue s’interroge évidemment sur le point de vue du consom-mateur de tels spectacles. M. Diaz a risqué, au début de ses investigations, la posture du simple observateur et conclu qu’on n’y voyait pas grand- chose du système de sécurité. C’est au fond ce qui arrive généralement au spectateur et tout est fait pour que les dispositifs ne fassent pas fuir le chaland en lui « gâchant la fête ». Pour autant, ceux qui mettent en place les mécanismes de sécurité doivent bien tenir compte des attentes du public et de ses humeurs. À vrai dire, il y a autant de publics que de genres de spectacle et les problèmes de sécurité qu’ils posent peuvent varier considérablement d’une population à l’autre. Les professionnels s’en tirent en postulant des types de public dérivés de la sorte de spectacle. Le socio-logue, lui, serait intéressé à confronter ces classifications de la pratique à des enquêtes – qui restent à faire – non pas tant sur ce que les consom-mateurs voient des dispositifs de sécurité mais plutôt sur les attitudes et

3. Van Campenhoudt et al., 2005.

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leurs attentes vis-à-vis des spectacles auxquels ils se rendent. S’intéresser à ceux qui ont eu effectivement affaire aux dispositifs de sécurité consti-tuerait aussi une piste intéressante de recherche, à l’image des monogra-phies sur les supporters des clubs de football.

Reste une dernière catégorie d’acteurs que voit malaisément l’obser-vateur posté dans une fonction de sécurité : ceux qui sont au-dessus, soit les organisateurs de ces manifestations sportives ou musicales, soit les autorités publiques. Dans l’ouvrage, beaucoup d’efforts sont consacrés à inférer des mesures prises en matière de sécurité les intérêts et les straté-gies des premiers. Au fond, on les montre face à deux sortes de problème : d’une part, une menue monnaie de problèmes sécuritaires de basse inten-sité, ainsi celui des resquilleurs ou des chahuteurs, que l’on peut généra-lement gérer sans déployer de dispositifs spectaculaires4 ; d’autre part, le risque rare ou rarissime mais dont l’occurrence serait désastreuse. Dans le premier cas, on peut imaginer que la sécurité ne pose pas aux organi-sateurs de véritables dilemmes ; il peut en aller différemment dans le second : en faire trop – au risque de faire fuir le spectateur – ou en faire trop peu – au risque d’une catastrophe, il n’est toujours aisé d’échapper à ces dérives opposées. En tous cas, du point de vue de ces organisateurs, il est impératif que les précautions sécuritaires ne ruinent pas l’atmosphère du spectacle. Au total, on observe cependant souvent un surdimension-nement des dispositifs de sécurité rapportés à la ténuité des risques effec-tivement observés. M. Diaz se demande si cette disproportion est due à une prévision trop pessimiste – peut-être parce que les normes ont été généralement édictées après une catastrophe sérieuse – ou si elle traduit l’efficacité des mesures prises ; lui-même semble pencher pour la seconde interprétation.

Analyser les politiques des autorités publiques est plus malaisé ; le point de vue que leurs exécutants peuvent exprimer dans les interactions avec les agents de sécurité ou lors de leur participation à des séances de la MAG ne suffit pas à en rendre compte. Il serait intéressant de mettre ici en œuvre les méthodes de l’analyse des politiques publiques et celles de la sociologie de la création de la loi. Là s’ouvre une voie qui compléterait bien les investigations dont ce livre rend compte.

4. Il est toutefois arrivé que les supporters de clubs de football débordent les capacités d’encadrement de leurs clubs et posent des problèmes d’ordre public qui ont contraint finalement la puissance publique à s’impliquer directement.

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Avec tout cela, le livre de M. Diaz procure finalement au sociologue des connaissances qui vont au-delà des nombreuses monographies consa-crées à une sorte de manifestation sportive ou à l’autre. Traditionnellement, la logique de sécurité reposait sur l’idée que les grands concours de popu-lation se passaient dans l’espace public de la rue et la police moderne avait été inventée, non pour courir après les délinquants, mais pour patrouiller sans cesse cet espace public. Que se passe-t-il5 quand ce sont des espaces privés accessibles à un large public qui deviennent des lieux privilégiés de rassemblement ? On a déjà bien étudié le cas des grands espaces commer-ciaux, mais celui des spectacles sportifs et musicaux restait dans l’ombre. Grâce à ce livre, on pénètre dans ce domaine jusqu’alors mal exploré. Sans vouloir passer en revue tous ses apports, je voudrais en pointer certains qui m’ont paru particulièrement intéressants.

D’abord ce fin démontage de la stratégie de mise en place d’un dis-positif de sécurité : tout se joue avant dans une capacité d’anticipation qui doit, à la fois, appréhender l’imprévisible et arbitrer entre le trop et le trop peu pour éviter des coûts disproportionnés et pour ne pas ruiner l’atmos-phère et faire fuir le client.

Ensuite, l’émergence d’une gamme de situations où la puissance publique – qui peut aller de la ville à l’Etat – s’implique de manière très variable. Si elle estime que l’ordre public n’est pas menacé, que les seuls risques éventuels sont d’ordre privé, elle peut être quasiment absente et laisser à l’organisateur tout le soin du dispositif de sécurité. A vrai dire, il serait plus exact de dire que la puissance publique se tient alors à l’ar-rière-plan : souvent, elle a fixé les règles générales du jeu et elle peut encore conseiller les acteurs privés, mais elle n’intervient pas dans le dispositif. À l’autre extrême, si elle juge que l’ordre public peut être mis en jeu – ne serait-ce pas que la « visibilité » d’un spectacle d’ampleur internationale ou la possibilité d’attentat terroriste – son intervention peut être domi-nante et elle peut reléguer les acteurs privés de la sécurité à une place subordonnée. Pour autant, cette domination n’est pas toujours très visible : la puissance publique peut « infiltrer » ses représentants dans des fonctions cruciales en les déguisant en acteurs privés pour ne pas trop endommager l’apparence ludique de l’événement ; elle peut aussi laisser en première ligne des agents privés de terrain ce qui permet aux agents publics de

5. Voir par exemple une synthèse in Robert, 1999 : 161-196.

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sécurité de se réserver une place – beaucoup plus confortable et de ce fait très prisée – d’intervenants de second rang. Entre ces deux cas extrêmes, prennent place des situations intermédiaires où acteurs privés et publics sont, à la fois, associés et rivaux, au nom de logiques d’action dont les rationalités sont fondamentalement différentes mais doivent finir par s’accorder plus ou moins harmonieusement. Pour autant, les enjeux de pouvoir restent palpables et il serait difficile d’analyser le système de sécurité sans en tenir compte.

Il est aussi intéressant de relever la persistance du clivage entre espace privé – qui relève en principe d’une sécurité privée – et espace public – de la compétence d’une sécurité publique – à condition toutefois d’admettre l’importance de (nombreux) cas intermédiaires où l’espace n’est ni abso-lument privé ni tout à fait public.

Avec cette publication, Fredéric Diaz achève un cycle de recherches débuté par une thèse soutenue voici une dizaine d’années. Mais l’étude des attitudes et attentes des publics de ces manifestations, l’analyse des politiques publiques et la sociologie de la création de la norme juridique offrent des pistes adjacentes propices à l’enrichissement des connaissances sur les mutations des logiques de sécurité dans nos sociétés.

Philippe RobertDirecteur de recherches émérite au CNRS

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Avant-propos

Ce livre est une invitation inédite à accompagner le chercheur, mais aussi le praticien, dans les coulisses des salles de spectacles et autres vestiaires des terrains de jeux. Passons ensemble de l’autre côté du rideau et cher-chons à mieux comprendre comment la vie sociale est rendue possible au moment de la fête.

Mon cheminement, depuis 1997, m’a conduit dans plus de trente organisations différentes, sur deux continents, au sein des événements sportifs et culturels parmi les plus importants en termes d’enjeux écono-miques, politiques et médiatiques. De cette expérience – véritable enquête ethnographique – j’ai tiré une méthode d’analyse d’activités en train de s’accomplir fondée sur l’examen des comportements individuels et col-lectifs, et sur la mise en évidence des liens entre les individus.

Au début de mes recherches, je me suis demandé pourquoi l’espace festif devait s’accompagner de sécurité ; je mettais même en question la nécessité de la présence policière ou celle de l’agent privé dans ce lieu. Je me suis également interrogé sur le sens de l’action de sécurité et sur la manière dont chaque acteur évalue le risque.

Après toutes ces années, je ne regarde plus l’espace festif de la même façon, pour trois raisons principales. Premièrement, considérer le risque et la sécurité comme des réalités objectives est une illusion. La réalité sociale est un processus en construction permanente, fait d’interactions qui créent des manières de penser et d’agir sans cesse fluctuantes.

Deuxièmement, il faut dépasser l’artificialité de l’opposition apparente entre l’ordre et la fête. Les réalités sont multiples, partagées qu’elles sont entre des individus en interdépendance.

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Troisièmement, découvrir les jeux permanents de pouvoir, les riva-lités, les associations et les stratégies témoigne de l’intérêt d’étudier les processus de décision des protagonistes. Tout objet ne s’impose jamais de manière univoque. Il n’est qu’un construit social. Il est donc pertinent d’analyser le traitement qui en est fait par les acteurs en présence.

Ces trois constats sont possibles par le rapprochement du travail de sociologue et de celui de praticien qui, dans cette recherche, sont intime-ment liés. Le sociologue a parfois pris la posture du praticien, et le prati-cien a, par moments, endossé le rôle du sociologue.

Sur une période de près de quinze ans, j’ai suivi de l’intérieur ces événements festifs. Chacun d’eux m’a permis de saisir la construction d’un monde partagé entre les différents individus qui en composent le champ.

Cet état des lieux pourrait d’ailleurs être réutilisé pour d’autres types d’espace, à partir du moment où une grande masse de population s’y déplace et y vit.

Ainsi, analyser l’espace festif, c’est préciser les relations, les liens sociaux ; déterminer l’origine des modes de contrôle ; saisir les influences, les conflits et les consensus, en se concentrant sur les univers des acteurs institutionnels et des spectateurs. Cette approche met en évidence les échanges entre les individus, les organisations et les systèmes en réseaux. Les pratiques sont décortiquées pour révéler le sens des actions de sécurité.

C’est bien des acteurs eux-mêmes qu’on peut saisir comment se créent des modes pour penser, planifier, coordonner, négocier, évaluer l’organi-sation de l’espace festif. Il faut faire appel à leur réflexion, à leur travail de mise à distance et à leur regard critique.

L’acteur social est au centre de l’analyse. Il témoigne de la subjectivité des choix qui sont effectués, car aucun d’eux n’est déterminé par avance. Ils sont contingents des acteurs et également de l’observateur dans notre cas.

Par conséquent, le risque et la sécurité sont au cœur du changement et sources de débats. Trois processus permettent de rendre compte de l’objet étudié : analyser les interactions, assimiler les interdépendances et décortiquer les jeux de pouvoir.

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Selon la formule rituelle, les propos n’engagent que leur auteur, même si ce travail prend pour assise la réflexion des praticiens qui en ont jalonné la route, et notamment dans les ateliers du Groupe de recherche sur les Espaces Festifs (GREF) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il serait trop long de nommer chaque personne qui m’a accompagné, j’en oublierais sans doute et je sais, de toute façon, qu’elles se reconnaîtront. J’apprécierais surtout qu’elles y voient le fruit de nos échanges, des diverses réalités qu’elles m’ont amené à découvrir. Ces rencontres ont permis de développer une source infinie de perspectives à discuter.

Philippe Robert a constamment gardé jusqu’à aujourd’hui cette curiosité pour me lire et cette clairvoyance pour me faire percevoir de nouvelles pistes de réflexions salvatrices. Chaque fois que je rends compte de ce que j’ai pu observer, je m’oblige inlassablement, pour reprendre ses mots, à « raconter une histoire ». Jean-François Cauchie a su me faire prendre conscience de ce qui rendait mon travail de terrain si particulier. Il m’a accompagné, m’a guidé dans mes choix de lecture, a orienté les perspectives théoriques et méthodologiques de mon travail. Sylvain Lefebvre a permis la constitution d’un réseau d’échanges par l’organisa-tion d’ateliers entre divers partenaires privés et publics. Finalement, sans la relecture et la confiance obstinée de Catherine Rossi, ce travail n’aurait pas été ce qu’il est. Je ne peux oublier Bessie Leconte et Christian Foing pour leur patient travail de relecture. Pour avoir peut-être cru avant moi au projet de ce livre ma gratitude va à Claude Duchesnay, et pour lui avoir donné vie, à Antoine Del Busso, Nadine Tremblay et Bénédicte Prouvost. Virginie a donné la touche finale et accompagné une dernière ligne droite si difficile à franchir. C’est à mes parents que vont mes derniers remercie-ments. Pour cela et tellement d’autres choses.

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Introduction

Tous les métiers ont leurs ficelles, les solutions spéci­fiques à leurs problèmes spécifiques, leurs manières de faire simplement des choses que les profanes trou­vent très compliquées […]. Cela exige que vous posiez des questions sur tout ce que vous voyez, entendez ou touchez, jour après jour et toute la journée, ou aussi longtemps que vous et vos compagnons pouvez le supporter.

Becker (2002 : 23 et 333).

Les manifestations sportives et culturelles rythment aujourd’hui la vie collective. Elles sont devenues l’apanage des sociétés modernes et un symbole de leur santé tant sociale qu’économique. Véritable catalyseur des divers enjeux contemporains, elles concentrent dans un espace donné les phénomènes significatifs qui président et justifient des prises de déci-sion. Elles mettent en évidence les jeux de pouvoir, de rapports de force et de répartition des responsabilités. À partir des échanges entre les individus, l’espace festif apparaît comme un terrain où il est possible de recomposer le sens des actions, de déterminer, et de comprendre non seulement les rationalités mais aussi les sens cachés.

Plusieurs grandes compétitions internationales sont apparues au xxe siècle et font depuis l’objet de toutes les attentions (Jeux Olympiques modernes en 1896, Coupe du monde de football1 en 1930). Mais tel n’est

1. Nous utiliserons, tout au long de cet ouvrage, la notion de football qui correspond au soccer en Amérique du Nord.

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pas seulement le cas du domaine sportif. Les premiers Oscars ont été remis en 1929 et le festival de Cannes a été créé en 1946. À partir de la fin des années 1960, les manifestations culturelles se sont elles aussi développées, en commençant par des festivals comme celui de l’île de Wight en 1968, ou le célèbre festival de Woodstock en 1969. Aujourd’hui, nombreux sont les pays, partout sur la planète, qui accueillent des rassemblements tant à l’échelle locale qu’internationale.

Dans les villes, la place de ces événements est en constante expansion. Ils deviennent une source non négligeable de revenus pour le tourisme et l’activité économique. Ils sont créateurs d’emploi, de nouveaux modes de solidarité et justifient des niveaux de plus en plus exigeants d’obligation au sein des pouvoirs publics ou des institutions privées, tant sur le plan individuel que collectif. Ces événements, qui constituent de véritables microsociétés, peuvent mobiliser des foules considérables et susciter bien des questions. Il s’agit en effet d’évaluer les risques, de trouver un équilibre entre sécurité et festivité, de répartir des rôles, des espaces et des coûts entre les différents organisateurs, publics et privés. Ils obligent des milieux axés essentiellement, dans les premiers temps, sur le domaine artistique ou sportif, à porter un regard de plus en plus attentif sur les risques et la sécurité.

Au sein de telles manifestations, deux types d’acteur cohabitent : les organisations publiques et privées et leurs responsables qui ont pour mission de créer l’événement, d’y attirer le public mais aussi de mettre en place les dispositifs de sécurité et de secours nécessaires pour en assurer le bon déroulement ; et les spectateurs, qui amènent avec eux autant de pratiques et de rites. L’analyse de l’espace festif permet pour les profes-sionnels de mieux appréhender ce que les autres intervenants font et ce qui motive le raisonnement de chacun. Elle révèle également aux citoyens la complexité du processus qui mène à une action de sécurité, la richesse des savoirs constitués et la réalité des choix qui animent chaque alternative.

Dans l’espace festif se côtoient des jeunes et des moins jeunes, des fêtards et des familles, des invités officiels et des resquilleurs, des per-sonnes venues se détendre et d’autres avec l’intention de créer du désordre ou en quête d’émotions fortes. Certains fréquentent le site dans un cadre strictement professionnel, d’autres se l’approprient à titre de consomma-teurs, clients, invités ou simples curieux. Certains organisateurs ou par-

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Table des matières

Préface 9

Avant-propos 15

Introduction 19L’observateur engagé 21L’ordre, la fête et le risque 24

P R E M I È R E P A R T I E

les interactions

chapitre 1L’espace festif 33

Distinguer les pièces du puzzle 34Intégrer le cadre légal et l’incident 41

chapitre 2Regards croisés sur l’ordre et la fête 47

La capacité réflexive des acteurs 47La simplification dualiste 55

D E U X I È M E P A R T I E

les interdépendances

chapitre 3L’évaluation des risques par la réciprocité 69

Les acteurs institutionnels 70Les spectateurs 83

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chapitre 4Les acteurs et la construction de la sécurité 95

L’illusion du risque 96Un contrôle illusoire 106

T R O I S I È M E P A R T I E

les jeux de pouvoir

chapitre 5Rivalités et échanges stratégiques 131

Les dynamiques du pouvoir 131L’appropriation du pouvoir 143

chapitre 6 153Les associations et les modes de coopération 153

Faire réseau 154Le risque et les échanges 168

Conclusion 177

Bibliographie 181

Liste des tableaux et figures 187

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