Alain Seban : "J'ai imaginé le Centre Pompidou en 2042" - Beaux Art Magazine

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 72 Beaux Arts  Beaux Arts 73 Entretien avec ALAIN SEBAN propos recueillis par Fabrice Bousteau & Anne Picq  photos Victor Picon POLITIQUE CULTURELLE Pompidou mobile, Pompidou virtuel… Beaux Arts fait le point sur les cinq ans d’action d’Alain Seban à la tête de l’institution. Can didat à un second mandat, il expose en exclusivité ses axes de exion pour l’avenir en imaginant Beaubourg dans trente ans face à un monde de l’art en pleine révolution. C’est déjà demain ! «J’AI IMAGINÉ LE CENTRE POMPIDOU EN 2042» Beaux Arts magazine : Comment déniriez-vous en trois mots le Centre Pompidou ? Alain Seban : Contemporain, populaire, pluri - disciplinaire. Après votre nomination en avril 2007, vous avez déni pour les cinq ans de votre mandat plusieurs projets que vous appelez «stratégiques». Nous vous propo- sons de faire un bilan de chacun d’entre eux. D’abord le Centre Pompidou-Metz… Le Centre Pompidou-Metz est un projet ima- giné par Jean-Jacques Aillagon, initié par Bruno Racine et que j’ai réalisé. Depuis son inauguration, en mai 2010, il a accueilli 1,2 million de visiteurs. C’est trois fois plus que le musée le plus fréquenté en régions, et plus de la moitié de ce public vient de Lorraine. C’est donc un énorme succès populaire. C’est aussi le premier exemple de décentralisation d’une grande institution culturelle : j’entends par là une réinventio n des valeurs du Centre Pompidou dans un partenariat avec des collec- tivités territoriales. Autre projet stratégique mis en œuvre, la création d’un espace dédié aux adolescents que vous pré- sentez comme une première mondiale. On a du mal à le croire… C’est pourtant vrai. Les 13-16 ans sont un public délaissé alors que c’est un âge charnière de la vie où se cristallise le rapport au musée. Nous avons donc été les premiers à imaginer pour eux un espace permanent, ouvert en dehors du temps scolaire pour favoriser les  visit es indiv iduell es. Nous n ous appuyo ns sur les réseaux des MJC et des associations pour faire venir les ados à des ateliers autour de ques- tions qui les intéressent : la mode, l’environ- nement, la musique, les jeux vidéo, le sport… C’est souvent l’occasion pour eux de rencontrer des artistes et de produire des projets. Vous avez également créé le Nouveau Festival, dont la troisième édition va se dérouler du 22 février au 12 mars. Pourquoi un festival ? Les artistes font bouger les lignes, le Centre Pompidou doit bouger avec eux. Il fallait au Alain Seban photographié devant Giant Triple Mushroom Amanita muscaria / Helvella crispa / Boletus badius  de Carsten Höller. Envisagez-vous d’autres Centre Pompidou en régions ? Non, c’est un projet unique, un engagement considérable pour nous et pour la collection, il n’est pas question de couvrir la France de Centre Pompidou. Mais parce que nous avons une mission nationale qu’il faut pouvoir exercer sur tout le territoire, j’ai imaginé le Centre Pompidou mobile, afin d’aller partout au- devant des publics qui ne vont jamais au musée, dans des villes moyennes, des territoires ruraux ou en périphérie des grandes agglomérations. Lancé par Nicolas Sarkozy à Chaumont, en Haute-Marne, une ville de 23 000 habitants, le Centre Pompidou mobile a accueilli 29 000 visi - teurs en deux mois et demi, soit à peu près six fois la fréquentation annuelle des musées de Chaumont. Et depuis que nous sommes là, leur fréquentation a doublé. On constate que l’on touche un public qui n’a jamais été au musée et, en plus, cela produit un effet d’entraî- nement, c’est-à-dire que les visiteurs, souhaitant prolonger cette expérience, se tournent tout naturellement vers les musées de la ville.

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Centre Pompidou, Centre Pompidou mobile, Centre Pompidou Virtuel… J'aime bien cette interview d'Alain Seban, le Président du Centre Pompidou, qui dessine un musée d'art contemporain en 2042. Beaubourg dans 30 ans ? A lire.

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Entretien avec ALAIN SEBAN

propos recueillis par Fabrice Bousteau & Anne Picq • photos Victor Picon

POLITIQUECULTURELLE

Pompidou mobile, Pompidou virtuel… Beaux Arts ait le point sur les cinq ans d’action d’Alain Seban à la tête

de l’institution. Candidat à un second mandat, il expose en exclusivité ses axes de réexion pour l’avenir

en imaginant Beaubourg dans trente ans ace à un monde de l’art en pleine révolution. C’est déjà demain !

«J’AI IMAGINÉLE CENTRE POMPIDOUEN 2042»

Beaux Arts magazine : Comment déniriez-vous entrois mots le Centre Pompidou ?Alain Seban : Contemporain, populaire, pluri-disciplinaire.

Après votre nomination en avril 2007, vous avez dénipour les cinq ans de votre mandat plusieurs projetsque vous appelez «stratégiques». Nous vous propo-sons de aire un bilan de chacun d’entre eux. D’abordle Centre Pompidou-Metz…Le Centre Pompidou-Metz est un projet ima-giné par Jean-Jacques Aillagon, initié parBruno Racine et que j’ai réalisé. Depuisson inauguration, en mai 2010, il a accueilli

1,2 million de visiteurs. C’est trois ois plus quele musée le plus réquenté en régions, et plusde la moitié de ce public vient de Lorraine.C’est donc un énorme succès populaire. C’estaussi le premier exemple de décentralisationd’une grande institution culturelle : j’entendspar là une réinvention des valeurs du CentrePompidou dans un partenariat avec des collec-tivités territoriales.

Autre projet stratégique mis en œuvre, la créationd’un espace dédié aux adolescents que vous pré-sentez comme une première mondiale. On a du malà le croire…C’est pourtant vrai. Les 13-16 ans sont unpublic délaissé alors que c’est un âge charnièrede la vie où se cristallise le rapport au musée.Nous avons donc été les premiers à imaginerpour eux un espace permanent, ouvert endehors du temps scolaire pour avoriser les

 visites individuelles. Nous nous appuyons surles réseaux des MJC et des associations pouraire venir les ados à des ateliers autour de ques-tions qui les intéressent : la mode, l’environ-

nement, la musique, les jeux vidéo, le sport…C’est souvent l’occasion pour eux de rencontrerdes artistes et de produire des projets.

Vous avez également créé le Nouveau Festival, dontla troisième édition va se dérouler du 22 évrier au12 mars. Pourquoi un estival ?Les artistes ont bouger les lignes, le CentrePompidou doit bouger avec eux. Il allait au Alain Seban photographié devant Giant Triple Mushroom Amanita muscaria / Helvella crispa / Boletus badius de Carsten Höller.

Envisagez-vous d’autres Centre Pompidou en régions ?Non, c’est un projet unique, un engagementconsidérable pour nous et pour la collection,il n’est pas question de couvrir la France deCentre Pompidou. Mais parce que nous avonsune mission nationale qu’il aut pouvoir exercersur tout le territoire, j’ai imaginé le CentrePompidou mobile, ain d’aller partout au-devant des publics qui ne vont jamais au musée,dans des villes moyennes, des territoires rurauxou en périphérie des grandes agglomérations.Lancé par Nicolas Sarkozy à Chaumont, enHaute-Marne, une ville de 23 000 habitants, leCentre Pompidou mobile a accueilli 29 000 visi -

teurs en deux mois et demi, soit à peu près sixois la réquentation annuelle des musées deChaumont. Et depuis que nous sommes là,leur réquentation a doublé. On constate quel’on touche un public qui n’a jamais été aumusée et, en plus, cela produit un eet d’entraî-nement, c’est-à-dire que les visiteurs, souhaitantprolonger cette expérience, se tournent toutnaturellement vers les musées de la ville.

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sein de l’institution un laboratoire intem-pesti, un territoire plus expérimental, que j’aicherché à inventer en tirant parti de notrespécicité : la pluridisciplinarité. Or celle-ciest complètement en phase avec les désirs etles pratiques de beaucoup d’artistes d’au-

  jourd’hui. J’ai voulu cette nouvelle propo-sition pour rendre compte de ce phénomène.

Et, parce que les ormes les plus expérimen-tales doivent s’ouvrir le plus large ment aupublic, le estival est gratuit.

Enn, dernier projet phare : le Centre Pompidou virtuelqui sera lancé à la n du premier trimestre 2012. Dequoi s’agit-il ?C’est une stratégie Internet complètementnouvelle, absolument révolutionnaire, quitourne le dos à tout ce qui s’est ait jusqu’ici.Nous avons ait le choix de mettre à disposi-tion sur le web la totalité des contenus pro-duits par le Centre Pompidou : nous numéri-sons donc les œuvres de la collection, desentretiens avec des artistes, des captations deconérences, mais aussi des catalogues d’expo-sition lorsqu’ils ne sont plus disponibles, l’en-

semble des projets du concours d’architecturedu Centre Pompidou, nos archives, etc. Tousces documents sont indexés et mis à disposi-tion à travers une plate-orme sémantiqued’une conception entièrement nouvelle. On y intègre une dimension collaborative, dans lamesure où les internautes seront appelés àparticiper à l’indexation et à enrichir la pro-duction des contenus, comme sur Wikipédia.

«Les artistes ont bouger les lignes,le Centre Pompidou doit 

bouger avec eux. J’ai cherché à inventer un territoire plus expérimental,

en tirant parti de notre spécifcité :la pluridisciplinarité.»

POLITIQUECULTURELLE

ENTRETIEN AVEC ALAIN SEBAN

Ce qui, pour une institution culturelle, estassez révolutionnaire, puisque nous sommesen principe les détenteurs du savoir.

Vous êtes candidat au renouvellement de votre man-dat qui s’achève le 2 avril. Nous vous proposons, pourenvisager l’avenir du Centre Pompidou, de tirer troiscartes du jeu Oblic Strategy conçu par Brian Eno

et Peter Schmidt dans le but de avoriser la réfexionet la créativité. Chaque carte propose un axede rélexion original. Quels commentaires vousinspirent les phrases de ces cartes ? Tout d’abord :Question the heroic approach .Cela évoque pour moi le modèle du super-musée des années 1990, avec des super-archi-tectes, des super-rais de onctionnement, dessuper-marques et des super-directeurs. Cetteère est terminée. Le moment n’est plus à laconstruction de milliers de mètres carrés quigénèrent des coûts de onctionnement exor-bitants. Nous devons imaginer des dévelop-pements qui nous donnent de l’agilité au lieude nous alourdir.

Deuxième carte : Work at different speed.

Le Centre Pompidou vit en permanence avecdes pulsations multiples et diérenciées : celledes grandes expositions qui nécessitent trois àquatre années de conception ; celle des raccro-chages de la collection permanente qui duredeux à trois ans ; celle du Nouveau Festival quiest annuelle mais également horaire, tant laprogrammation est riche ; celle de la pr ogram-mation des spectacles et des projections de

cinéma qui peut être extrêmement rapide.L’enjeu pour nous est de gérer ces diérentesréquences et de aire en sorte qu’elles com-posent une partition à la ois lisible et attrayante.

Enn, Turn it upside down .Si cela signie repenser le modèle, c’est inté-ressant, mais je ne crois pas qu’il aille pour

autant mettre le musée à l’envers ! Un muséedoit rester basé sur sa collection. Je croisque l’avenir du Centre, c’est précisément des’appuyer encore plus sur la collection qu’il nele ait aujourd’hui.

Si votre mandat est renouvelé, y aura-t-il un secondplan stratégique et quels en seront les grands axes ?S’il y a un deuxième mandat, comme je le sou-haite, il audra en eet qu’il y ait un deuxièmeplan stratégique. Mais aujourd’hui, j’ai engagéune rélexion diérente : j’ai demand é àmes collaborateurs d’imaginer ce que sera leCentre Pompidou dans trente ans. Envisagerle Centre en 2042 amène à répondre à nombrede questions de ond : aut-il créer un secondsite en Ile-de-France ? Faut-il diviser la collec-

tion entre XXe et XXIe siècle ? Faut-il avoirdes antennes à l’étranger ? Quelle stratégie derayonnement en régions ?… Au centre deces questions, ce qui nous est apparu essentiel,c’est la collection. Et nous sommes convaincusque ce serait une grave erreur de dissociercollection moderne et collection contem-poraine. D’abord parce que cela amoindriraitnotre orce de rappe à l’inter national pour les

Le Centre Pompidou-Metz, conçu par Shigeru Ban et Jean de Gastines, a ouvert le 12 mai 2010

prêts d’œuvres et le montage des expositions. Mais de manière beaucoup plus proonde, celanous handicaperait pour relever ce qui consti-tue à mon sens un dé majeur : construire unecollection globale pour demeurer au

 XXIe siècle dans le peloton de tête des muséesmondiaux. Or nous avons une collection qui

n’a aucun équivalent au monde en ce quiconcerne les origines de la mondialisationartistique car tous les artistes issus des paysaujourd’hui considérés comme les nouveauxpays de l’art contemporain (Arique, Moyen-Orient, Asie) sont passés par Paris durant lapériode moderne, et leurs œuvres se trouventdans nos collections. Se couper de la collec-tion moderne, ce serait se priver d’un argu-ment absolument décisi pour construire unecollection globale unique au monde. Ce dontnous avons besoin, c’est de créer un réseauavec les institutions qui, demain, auront descollections de réérence sur telle ou telle zonegéographique. Il nous aut trouver à l’exté-rieur des soutiens qui permettront de aireentrer des artistes pertinents dans la collection

du Centre Pompidou.

Se concentrer sur la collection implique orcémentune augmentation du nombre d’œuvres conservées.Comment gérer cela ?En eet, chaque année la collection augmentede 2 % en volume. Par dénition, cela veutdire que nous allons consacrer des ressourcescroissantes à stocker les œuvres, les invento-rier, les conserver, les étudier. Il est donc trèsimprobable, dans le contexte actuel des nan-cements publics qui ne sont pas extensibles,que nous puissions construire et gérer denouveaux bâtiments pour les présenter. Parconséquent, nous devons avoir une gestion dela collection encore plus active. Nous devonsla aire tourner davantage dans ce bâtiment

à Paris, où on peut sans doute gagner desmètres carrés d’exposition, adapter les espacespour la présentation de l’art contemporain. Sil’on choisit d’exposer en priorité nos acquisi-tions contemporaines et un peu moins d’artmoderne, cela laisse la possibilité de mobiliseret de déployer beaucoup plus ortement la col-lection hors les murs, à la ois en régions et àl’étranger – dans des ormules intermédiaires

entre le Centre Pompidou mobile et le CentrePompidou-Metz. Nous pourrions imaginerd’être présents pour trois, quatre ou cinq ans

dans un musée existant ou un lieu en devenir,sans doute avec la marque Centre Pompidou,avec des œuvres de la collection mais aussides expositions temporaires. Cela permettraità la ois de générer des ressources nouvelles etd’accroître le rayonnement du Centre.

Vous envisagez également, semble-t-il, pour cenouveau plan stratégique, une transormationarchitecturale du Centre Pompidou…C’est un bâtiment iconique de l’architecturedu XXe siècle. Il n’est pas classé monumenthistorique mais il le sera certainement un jour.Il n’est pas question de transormer son esthé-tique. Il aut en revanche garder son esprit

 vivant. Revenir au plus près de l’esprit origi-nal. Aujourd’hui, outre des travaux de rénova-

tion technique sur lesquels je ne m’étendraipas, quelles sont les deux ou trois choses quine onctionnent pas bien dans le bâtiment ? Lapremière est presque un détail, mais il aut lerégler : c’est la taille d’une de nos galeriesd’exposition, la Galerie 2, qui n’est pas austandard international. Il audrait atteindre1 100 m2 (contre 900 m2 aujourd’hui) commec’est le cas à la Tate et au MoMA. Les deux

autres enjeux sont plus lourconcerne l’atelier Brancusi, trau Centre. D’un point de vue

lieu a une valeur incroyable mque 300 visiteurs par jour al’entrée y est gratuite. Il aut trtion architecturale et urbainele relier au bâtiment princienjeu, peut-être le plus ondatirer vers le musée le public deDans le projet du Centre P

 jamais été pensé une intégratla Bpi (Bibliothèque publiqudans l’ensemble culturel.

Il est vrai que le public de la Bpile musée mais parce qu’il manqueà Paris…Ce n’est pas si simple. Il y a 1,teurs qui réquentent la Bpi.

sont des jeunes. Mais rien n’encourager à se rendre au mdepuis les travaux de 2000, la Bdans le Centre et lui tourne est donc de créer un espacerôle de rotule, d’articulationétablissements. Un espace de l’on pourrait imaginer, par esenter des œuvres du musée a

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de contextualisation mis en œuvre par la Bpi.Pour résumer, la réinvention que je propose

 vise donc une mobilisation beaucoup plusactive de la collection, dans la volonté d’orien-ter résolument le bâtiment de Piano & Rogers

 vers le contemporain, de créer un véritablecroisement des publics entre notre biblio-thèque et le musée. Je souhaite égalementexploiter de manière plus active la pluridisci-plinarité de cette institution qui est à la ois unmusée et un centre d’art, comme le souhaitaitle Président Pompidou. Un centre d’art, c’estun lieu d’expérimentation, un laboratoire.

C’est l’enjeu que nous avons abordé avec leNouveau Festival, les Rendez-vous du Forum,avec une exposition comme «Paris-Delhi-Bombay», avec les expériences en matière demédiation, etc. Ce que nous pouvons apporterde singulier aux artistes, c’est ce caractèrepluridisciplinaire qui croise les arts visuels, lecinéma, le spectacle vivant, la parole ou encorela musique avec l’Ircam. Demain, on ne pourra

Ensuite grâce au développement du mécénatet des expositions à l’étranger. Je crois possiblede générer de nouvelles recettes à travers desprestations d’ingénierie culturelle et par unepolitique de valorisation à l’international denotre collection. C’est ce que nous souhaitonsmettre en place en Arabie Saoudite, en appor-

tant notre expertise à une institution émer-gente dans un pays totalement neu en ce quiconcerne la création contemporaine. Ce pro-

 jet nous a paru d’autant plus intéressant qu’ilrenvoie à la mission du Centre Pompidou,c’est-à-dire comment, à travers la culturecontemporaine, on peut aider une société às’ouvrir et à se moderniser.

Étant donné l’explosion des prix sur le marché del’art, avez-vous vraiment les moyens de développervotre collection ? Est-ce que, ace à la diminution devos ressources, vous n’êtes pas de plus en pluscontraints d’être au service du marché de l’art, c’est-à-dire de valoriser les artistes stars du marché parcequ’il n’y a que les galeries des artistes dominants quipeuvent vous aider à nancer les expositions ?

Pour nos acquisitions, nous aisons comme lesautres musées. Nous développons le mécénat,surtout celui des particuliers, qui en est encoreà ses débuts en France, alors qu’il permet desacquisitions signicatives dans les grandsmusées étrangers. C’est une culture philan-thropique qui doit évoluer en France. Lesdispositis scaux sont en place.Quant au marché, je ne pense pas qu’il aillel’opposer aux institutions. Ce n’est pas parcequ’un artiste est une star du marché qu’il n’apas sa place au musée. Il peut aussi arriver queles institutions découvrent ou assent émergerdes artistes en marge du marché, avant celui-ci. Au bout du compte, il y a un «écosystème».Et non des systèmes qui s’opposent. Dans cetécosystème, le marché et les institutions sont

des instances de validation qui, ensemble,concourent à déterminer un état de la créationcontemporaine à un instant donné. Ce qui estimportant, c’est que les institutions se dotent,

  vis-à-vis des acteurs du marché, de règlesd’éthique et de déontologie qui permettentd’adopter des bonnes pratiques. Au CentrePompidou, aucune collection privée n’estexposée sans donation à la clé : c’est une règle

POLITIQUECULTURELLE

ENTRETIEN AVEC ALAIN SEBAN

plus concevoir la pluridisciplinarité dans unesimple logique de diusion : une salle de spec-tacle, une salle de cinéma, un endroit où on aitdes conérences. Il audra l’envisager davan-tage dans une logique de production.

Quel est l’impact de la crise économique sur leCentre Pompidou ?En 2011, notre subvention a diminué de 5 %.Ce qui, dans un budget assez rigide – 65 % desalaires, 15 % de charges xes –, a été compli-qué à absorber. Nous avons mis une pressionmaximale sur nos dépenses et respecté l’inté-

gralité des préconisations du gouvernement.Nous réduisons nos eectis de 1,5 % par an.Par ailleurs, nos charges de structure ontbaissé en 2011, pour la première ois dansl’histoire du Centre. Elles vont à nouveau êtrediminuées en 2012. Enn, nous avons aug-menté nos ressources propres de 50 % aucours de mon mandat. D’abord grâce àl’accroissement de 40 % de la réquentation.

Pour sa première étape à Chaumont, le Centre Pompidou mobile a accueilli 29 000 visi teurs.

que nous revendiquons. Bien entendu, nous

acceptons l’aide des galeries pour la produc-tion d’œuvres. En revanche, nous ne décidonspas d’une exposition en onction des mécénatsque nous pouvons obtenir, de galeries oud’autres. Nous ne aisons pas d’exposition àbudget zéro, contrairement aux musées anglo-saxons. Lorsque je décide de programmer telartiste, j’alloue un budget susant à l’expo-sition. Ensuite, si une galerie propose son aidepour aire venir telle ou telle pièce importante,ou pour contribuer au catalogue, cela vient ensupplément.

Quelles sont les diérences, selon vous, entre le MoMA,la Tate et le Centre Pompidou ?C’est incontestablement le trio de tête desmusées d’art moderne et contemporain.

Qui s’adressent à des publics très larges etqui comptent plusieurs millions de visiteurspar an : 5 millions pour la Tate, 3,6 millionspour nous en 2011, 3 millions pour le MoMA.Les diérences sont substantielles quant auxmodèles de onctionnement. Un modèle avecun nancement public important, près desdeux tiers, pour le Centre Pompidou. Pourle MoMA, un modèle dans lequel il n’y a

aucun nancement de l’État. Et un modèle

mixte pour la Tate. Les diérences concernentégalement les collections : une collection deches-d’œuvre au MoMA, encyclopédique auCentre Pompidou, et un peu moins vaste pourla Tate, mais qui se développe de manièreactive et intelligente.

Comment le Centre Pompidou peut-il lutter contrel’échec de la démocratisation de la culture et séduirede nouveaux publics ?Il est de bon ton de parler de l’échec de ladémocratisation culturelle en France. Nousconstatons quotidiennement l’extraordinairehétérogénéité de notre public. Évidemment,les catégories qui ont ait le plus d’études sontsurreprésentées. Mais notre public est extrê-mement divers. Cela dit, le ait que la réquen-

tation augmente ne nous dispense pas de nousposer la question de l’élargissement despublics, qui est au cœur de la quasi-totalité denos projets stratégiques. Le Centre Pompi-dou-Metz, le Centre Pompidou mobile, leStudio 13-16, tous visent à élargir les publics.Il en va de même concernant les initiatives que

 j’évoquais pour croiser davantage les fux despublics entre la Bpi et le musée. Et pour les

nouveaux ormats, que l’on

dérer comme plus pointus, telsFestival ou les Rendez-voussouhaité qu’ils soient gratuitssibles possible. Aussi pointu sleurs le Nouveau Festival et, ples «leçons de peinture» dél’événement, qui ont permis dormat aussi populaire que œuvre» : une œuvre majeureest présentée pendant une jlieue, dans une salle polyvalenun cinéma, etc.

Parmi les derniers livres que vouscelui que vous conseillez à nos le

 Je suis en train de relire un cDickens – je lis tous les ans un

texte – A Tale of Two Cities . À d’une amille qui traverserançaise, les choix opposés dl’Angleterre : la France qui l’État, la centralisation, et lchoisit le commerce, la memodèle décentralisé. Toutemondialisation est là-dedanlument vertigineux. n

«Il ne aut pas opposer marché et institutions.Ensemble ils constituent un écosystème.

Ce qui est important, c’est que les institutionsse dotent, vis-à-vis des acteurs du marché,

de règles de déontologie.»

Alain Seban photographié devant la sculpture *y Struc/Surf de Marc Fornes [détail].

Le Centre Pen chiffres

121,9 M€ C’es

du Centre Pompidou en

(onctionnement et inv

80 M€ de subventions

31 M€ de ressources p

10,9 M€ en autofnanc

5,3 M€ ont été dpour les acquisitions e

1 073 personnes

3,6 millions dsoit une progression d

Près de 4 500visitent chaque jour l’e

«Edvard Munch, l’œil m

(du 21 septembre 201