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Thème 4 : Le rôle de la langue dans l’adaptation professionnelle de travailleurs sociaux qui ont immigré au Québec Annie Pullen Sansfaçon et Alice Gérard Tétreault Conférence de partage de connaissances 7 novembre 2014, Montréal 1

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Thème 4 : Le rôle de la langue dans l’adaptation professionnelle de travailleurs

sociaux qui ont immigré au Québec

Annie Pullen Sansfaçon et Alice Gérard TétreaultConférence de partage de connaissances

7 novembre 2014, Montréal

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PLAN DE LA PRÉSENTATION

1. La langue liée à l’adaptation des immigrants

2. La nécessité de maîtriser le français

3. Méthodologie

4. Présentation des résultats

5. Quelques éléments de discussion

6. Questions et période d’échange

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La langue liée à l’adaptation des immigrants

• Français = plus de points pour immigrer au Québec

• « […] la langue structure nettement les relations sociales. » (Lebeau et Renaud, 2002, p.70)

• « […] connaître le français avant la migration favorise la mobilité en emploi pour les nouveaux immigrants. » (Godin et Renaud, 2005, p.152)

• « On constate essentiellement que la connaissance pré-migratoire du français et (ou) de l’anglais est un facteur temporaire donnant accès aux emplois qualifiés ou mieux rémunérés, mais qu’elle n’a aucune incidence sur la participation au marché du travail. » (Godin et Renaud, 2005, p.149)

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• « L'apprentissage d'une langue d'accueil se fait dès l'arrivée au pays et progresse très rapidement pendant les 5 premières années de résidence. Après, le ralentissement est net. L'adoption d'une langue d'accueil comme langue couramment parlée, comme langue seconde ou comme langue principale, se réalise le plus souvent au bout de 10 ans à 15 ans de résidence. (Veltman, 1988, p. 347)

• « […] les immigrants adultes ont, sur leur lieu de travail, un contact avec les langues qui constitue un creuset influençant fortement leur intégration. » (Pagé, 2010, p.19)

• « Tout le monde s’accorde pour dire que le milieu de travail influence de façon déterminante les conditions d’insertion dans les diverses sphères de la société québécoise. Il constitue souvent le lieu privilégié de contacts avec les Québécois francophones. » (Piché, 2004, p.14)

• Selon Piché (2004), plusieurs facteurs influencent l’intégration linguistique des immigrants au Québec: l’âge d’arrivée, la durée de résidence, le marché du travail, les politiques linguistiques, etc.

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L’exigence du français pour être membre d’un ordre professionnel

• « Les ordres professionnels ne peuvent délivrer de permis qu'à des personnes qui ont de la langue officielle une connaissance appropriée à l'exercice de leur profession. » Charte de la langue française, article 35.

• Si la personne n’est pas « réputée » avoir cette connaissance de la langue, elle doit obtenir une attestation de l’Office québécois de la langue française via un examen de français.

• L'examen, spécifique à chaque profession, évalue la compréhension du français oral et du français écrit ainsi que l'expression orale et écrite en français du candidat. (Site web de l’Office québécois de la langue française)

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Méthodologie

Participantes «francophones » *

Participantes « allophones »

13* 13

* La participante espagnole est inclus dans ce groupe car elle a vécu plus de 5 ans dans un pays francophone et est complètement bilingue

Pays d’origine des participantes

N=26

France 12

Liban 4

Roumanie 3

États-Unis 3

Colombie 2

Espagne 1

Venezuela 1

N = 26 Toutes les participantes sont membres de l’OTSTCFQ 2002-2012

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Présentation des résultats

• Langue = aspect fondamental à l’adaptation professionnelle

• Les participantes francophones ou ayant une bonne maitrise du français à leur arrivée ont aussi vécu des défis linguistiques liées au contexte professionnel.

• 6 thèmes ont émergé sur la question de la langue:

1. Les difficultés techniques liées à la langue française et/ou québécoise;

2. Les impacts négatifs que les difficultés en français ont amenées sur le plan professionnel;

3. Les impacts positifs liés à l’adaptation au français sur le plan professionnel;

4. Les difficultés rencontrées par rapport à l’anglais au travail;

5. Les éléments ayant facilité l’adaptation à la langue des participantes et;

6. Les impacts de la maitrise de la langue d’origine et autres langues sur le plan professionnel

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Présentation des résultats

1. Les difficultés techniques liées à la langue française et/ou québécoise

Californie, États-Unis « Le français c’est difficile. La prononciation. La grammaire. C’est nouveau dans une langue pour moi. »

France (5)« [...] mais y'a des choses que je comprends encore pas, au niveau du vocabulaire, des mots employés pis au niveau de l'accent. »

Espagne « […] t'es espagnole et en plus t'a appris ton français en France, ça fait que le français n'est pas ta langue maternelle . C'est pas évident, non c'est pas donné, tu sais. Il y a beaucoup de mots que tu comprends même pas et beaucoup d'expressions et même l'accent là […] »

France (4) « Puis c'est ça qu’ils me parlaient du savoir-être du savoir-faire et pour moi c'était pas un vocabulaire qui était connu puis ça fait partie un peu de la différence culturelle. Quand je suis arrivée, il y avait beaucoup, quand on me parlait du clinique puis du légal, je dis « oh là là! » C'est un vocabulaire que moi je ne connaissais pas mais c'est sûr que c'est, ça s'appelle autrement »

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• Difficultés techniques différentes pour les allophones et les francophones.– Langue étrangère VS subtilités de la langue

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Présentation des résultats

2. Les impacts négatifs que les difficultés linguistiques ont amenées sur le plan professionnel

Californie, États-Unis «[…] before I moved, I found the Canadian counselling association online, and at the time I couldn’t communicate with Ordre cause it was just in French and I knew not a lot of words. »

France (5) « […] quand on est en entretien devant deux personnes qui sont sur le terrain et qui emploient un vocabulaire qui est pas forcément familier, ben on arrive à se comprendre mais ça amène un stress en plus qui fait que, on est peut-être moins à l'aise que quelqu'un qui a déjà travaillé ici. »

France (8) « Le premier défi c’est de bien se comprendre. Et moi et eux. De quoi ils me parlent, qu’est-ce qu’ils attendent de moi, est-ce que j’ai bien compris leur demande.»

Venezuela « Finalement, j'ai transmis le dossier aussi à elle, euh... oui. Je sais pas si c'était ben… Après on a jasé un peu après par rapport le dossier, la travailleuse sociale de l'école m'a dit que c'était pas si vraiment, par rapport à mon intervention, y'avait comme des autres choses plus, pour lesquelles la madame voulait pas vraiment être en contact avec une personne qui maîtrisait pas la langue en tant que telle, elle se sentait plus à l'aise avec … »

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France (3) « […] c'est comme si un peu, on devait repartir de zéro, prouver aux gens qu'on savait […] C'est comme si on était un peu novice pour, pour certaines collègues. Ouais c'est bizarre. C'est un peu déroutant en débutant car nous on a quand même un p'tit bagage là. J'avais quand même travaillé 3 ans pis c'était comme si je venais de sortir de l'école pour certaines personnes. »

France (3) « C’était un peu compliqué des fois on a l’impression de parler chinois entre les filles et moi. Elles me demandaient des choses que je comprenais pas du tout. […] dès qu’on doit commencer les réunions, là, je comprenais rien (rires), c’était super dur. »

Roumanie (2) « […] je n'étais pas certaine de ce que je fais dans mon travail à cause de ma langue. J'avais l'impression que je ne comprends pas trop ce que je fais au début. […]Ben, t'es toujours en train de te demander est-ce que tu fais, est-ce que tu fais assez […] c'est justement comme je vous ai dit, de, de me sentir en confiance, que je suis assez … assez capable de travailler justement en français.[…] je me sentais toujours moins bonne mettons. C'était comme un handicap.»

France (6) « […] il y a des moments où je peux perdre ma crédibilité. Par exemple, quelque chose de tout bête … un parent il me dit je suis au BS. Moi c’est quoi le BS ? Ben , bien-être social. Ah oui mais moi je sais pas. […] les parents des fois ils savent plus de choses que moi. Par exemple … euh qu’est-ce que je pourrais dire comme … C’est dans des sigles en fait. […] c’est comme si ils me parlent de la DPJ, et je dis « c’est quoi la DPJ ? » «Ben vous êtes travailleuse sociale, la DPJ vous savez pas ce que c’est, c’est là où … » Pour un parent c’est tellement logique pour une travailleuse sociale de savoir ça […] »

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• 4 niveaux d’impacts des difficultés linguistiques sur le plan professionnel:

StressIncertitudeSe sentir perdueCrédibilité professionnelleConfiance en soi

Barrière de communication essentielleImpact sur l’interventionDiscriminationManque de confianceImpatience

Démarches pré emploi EntrevueChoix de l’emploi

Comprendre son travailRelations avec les collèguesDiscriminationManque de confiance

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Présentation des résultats

3. Les impacts positifs liés à l’adaptation à la langue sur le plan professionnel

• Avec la clientèle/usagers– « J'ai jamais eu de commentaires, au contraire, ils disent qu'ils trouvent

mon accent charmant. Puis euh, souvent, l'expérience, ben ça a été comme un modèle pour certains, parce que moi venue d'ailleurs, je parle leur langue, donc ça les encourage à poursuivre donc ça, ça a été comme un facteur facilitant en fait à la motivation. » Roumanie (3)

• Avec les collègues– « Avec les collègues […] c'était plus de m'apprendre les expressions qui

les faisaient, qui les faisaient eux beaucoup sourire. C'était plutôt un impact positif de se dire, comme je vous disais tout à l'heure. J' avais pas l'impression que ce soit un poids pour eux mais au contraire, c'est quelque chose qu'ils trouvaient le fun de m'apprendre les nouvelles expressions. Pis des fois ils se faisaient même un plaisir de me regarder incrédule pis, de me l'expliquer. » France (7)

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Présentation des résultats

4. Les difficultés rencontrées par rapport à l’anglais au travail

• Liban (3) « […] intervenir en anglais avec quelqu'un qui a le même niveau que moi ça c'est très facile pour moi mais intervenir avec un anglais, un canadien-anglais qui est né ici, c'est un grand stress pour moi […] Il y a une cliente qui m'avait dit, passez-moi quelqu'un, au téléphone, qui peut parler et comprendre l'anglais. Alors j'ai été et puis j’ai cherché quelqu'un qui peut parler avec elle mais ça a créé en moi une angoisse par rapport à intervenir en anglais. »

• France (5) «Ce qui a été difficile mais c'est vraiment personnel, c'est que je parle pas anglais (rires). Ou très, très peu. Donc j'étais pas en mesure de postuler sur des postes où il fallait être bilingue. Malheureusement à Montréal il y a beaucoup, beaucoup d'organisations […] qui demandent à ce qu'on soit bilingue. Donc ça éliminait d'entrée une partie des offres d'emploi. Notamment, tout ce qui est offre d'emploi dans les CSSS. Y'a des secteurs où il faut absolument, des quartiers […]»

• Moins nommées qu’avec le français• Impacts sur:

– La capacité d’intervenir;– L’accès à l’emploi;– Les relations avec les collègues (contexte de travail anglophone);– La perception de soi, compétence.

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Présentation des résultats

5. Les éléments ayant facilité l’adaptation à la langue des participantes

Colombie (2) : « Alors je me suis mis à des activités où il fallait que je sois obligée de parler la langue tout le temps. Toute la journée pis avec des gens qui parlaient juste la langue […]»

Liban (3) « […] il y a des expressions que je connais pas du tout du tout et les gens partent à rire mais pas moi. Tu vois, ils font une anecdote et moi je comprends pas, je passe pas à autre chose avant de comprendre. Pis j'ai eu tout le temps le courage de poser des questions et ça a tout le temps été bien reçu. »

Californie, États-Unis : « Quand je suis arrivée ici, j’ai commencé avec une cure de français. 6 heures par jour pour 6 semaines. Ça aidé beaucoup. »

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France (8) : « […] j’utilise le même vocabulaire qu’eux, pis je trouve que c’est hyper important quand on travaille avec peu importe la clientèle, de parler le même langage pour se faire comprendre. Donc, j’utilise pas des gros mots, j’utilise pas… je vais vraiment dans le concret […] tsé c’est important que eux me comprennent. Donc c’est à moi de m’adapter encore une fois. »

France (3) « je marquais les mots que je comprenais pas pis après on me les expliquait […] je demandais à des collègues. »

Californie, É-U : « Moi je peux faire une entrevue en français, pas de problème, oui je fais des erreurs, mais je peux le faire. Mais j’écris la réponse en anglais, mais souvent la famille dit « oui moi je suis bilingue. J’accepte une évaluation en anglais, mais faites l’entrevue avec mon père en français. » […]mais j’ai assez de travail en anglais, donc finalement, c’est rare que j’accepte une dossier moi-même en français, parce que j’ai une équipe francophone. »

Roumanie (3) « […] je pense, que j'ai une facilité aussi à l'apprentissage des langues.»

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Présentation des résultats

5. Les éléments ayant facilité l’adaptation à la langue des participantes

Apprentissage de la langueClarificationAdapter son travailAdapter son niveau de langueSe référer

CollèguesUsagers/ClientsSuperviseursOrdreOffice

Prédispositions à l’apprentissage de la langueAttitudes face aux difficultés

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Présentation des résultats

6. Les impacts de la maitrise de la langue d’origine et autres langues sur le plan professionnel

Liban (4) « […] la majorité de mes clientes sont des immigrantes, des femmes immigrantes victimes de violence conjugale. C’est très facile pour moi de travailler avec ces femmes. À cause, parce que je leur comprends la culture, la langue. Premièrement je parle les langues que elles, elles parlent.»

Californie, É-U « A lot of the kids say to me “ah I’m so glad you can speak English and don’t have an accent.” »

France (5) « […] ben quand même je parle français et je le maîtrise bien donc c'est facilitant. Au niveau de la présentation de mon cv et de ma lettre de présentation, là je pense que c'était vraiment facilitant. »

• Impacts essentiellement positifs = atouts pour l’emploi

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ÉLÉMENTS DE DISCUSSION

• Enjeux et atouts liés à la langue• Langue et relation d’aide• Les variations de la langue française• Niveau de français accrédité VS réalité du terrain• Bilinguisme VS attentes• Le temps

• « L'adoption d'une langue d'accueil comme langue couramment parlée, comme langue seconde ou comme langue principale, se réalise le plus souvent au bout de 10 ans à 15 ans de résidence. » ( p.347)

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PÉRIODE D’ÉCHANGES SUR LA QUESTION DE LA LANGUE

Pistes de questionnement:

Comment faciliter l'acquisition de la langue? Comment faciliter l'adaptation aux subtilités de la langue? Est ce qu'un plus grand accompagnement faciliterait cette adaptation? Est-ce une responsabilité partagée entre l'organisme d'accueil et le TS? Quel niveau de maitrise de la langue est acceptable pour le travail social? Est ce que les prérequis actuels sont suffisants? Comment le mesurer?