Lamy Droit du sport - N°66

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ÉCLAIRAGE La responsabilité solidaire de la FFF et la LFP engagée à la suite d’une erreur manifeste d’appréciation de la DNCG Dans un arrêt du 5 février 2009, la Cour administrative d’appel de Versailles a condamné solidairement la FFF et la LFP à indemniser le club de l’Entente Sannois Saint-Gratien de son préjudice résultant de l’inexécution par la DNCG de son obligation d’imposer à tous les clubs participants au championnat de National le respect des conditions financières exigées par les règlements fédéraux, afin de préserver l’égalité entre les clubs et l’équité de la compétition (CAA Versailles, 5 févr. 2009, n o 07VE01769, Entente Sannois Saint-Gratien c/ Fédération française de football et Ligue de football professionnel). 3 Fabrice Rizzo Maître de conférences à l’Université Paul Cézanne (Aix-Marseille III) Directeur du Centre de droit du sport Codirecteur scientifique du Lamy droit du sport 1. La perte de chance d’accéder à la Ligue 2. – L’accès d’un club aux différents championnats orga- nisés par sa fédération dépend bien évidemment de son classement obtenu à l’issue de la saison précé- dente, mais également d’autres critères, en parti- culier sa situation financière. La performance écono- mique est donc prise en compte pour la promotion, le maintien ou la relégation d’un club ( Buy F., Marmayou J.-M., Poracchia D. et Rizzo F., Droit du sport, LGDJ, 2 e éd., 2009, n o 830 ; Thomas V., Accès des groupements sportifs à la compétition, Lamy droit du sport, n os 436-85 et s.). L’objectif principal des autorités sportives consiste à empêcher les clubs de s’inscrire à des compétitions pour lesquelles ils ne dis- posent pas des moyens financiers requis et d’éviter que la disparition de l’un d’entre eux en cours de championnat, pour des motifs économiques, affecte le déroulement loyal et régulier des épreuves. Confor- mément à cet objectif, la Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG) s’est opposée, au terme de la saison 2004/2005, à l’accession en Ligue 2 du club de football de l’ASOA Valence en raison de ses difficultés financières. Cette décision a constitué un des éléments à l’origine du contentieux opposant le club de l’Entente Sannois Saint-Gratien (ESSL) à la Fédération française de football (FFF) et la Ligue de SOMMAIRE ÉCLAIRAGE ......................................................... 1 La responsabilité solidaire de la FFF et la LFP engagée à la suite d’une erreur manifeste d’appréciation de la DNCG ACTUALISATION DE L’OUVRAGE ............................ 6 3 Accidents de ski – responsabilité de la commune . 6 3 Éducateurs sportifs – diplômes ........................... 8 3 Agrément de centres de formation ...................... 8 3 Fiscalité des sportifs étrangers ......................... 11 q Lamy Droit du sport ACTUALITÉS N° 66 mai 2009 ISSN en cours Ce bulletin actualise votre ouvrage entre deux mises à jour Grâce au E-pass accessible depuis votre cédérom, vous pouvez consulter les informations de ce bulletin dès son bouclage par nos rédactions, effectuer des recherches, par mot(s)-clé(s) et disposer d’une veille juridique personnalisée. Pour en savoir plus, nos conseillers sont à votre disposition au

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Revue spécialisée sur le Droit du sport. N°66 de Mai 2009.

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➜ ÉCLAIRAGE

La responsabilité solidaire de la FFF et la LFPengagée à la suite d’une erreur manifested’appréciation de la DNCGDans un arrêt du 5 février 2009, la Cour administrative d’appel de Versailles a

condamné solidairement la FFF et la LFP à indemniser le club de l’Entente Sannois

Saint-Gratien de son préjudice résultant de l’inexécution par la DNCG de son

obligation d’imposer à tous les clubs participants au championnat de National

le respect des conditions financières exigées par les règlements fédéraux, afin

de préserver l’égalité entre les clubs et l’équité de la compétition (CAA Versailles,

5 févr. 2009, no 07VE01769, Entente Sannois Saint-Gratien c/ Fédération française

de football et Ligue de football professionnel).

3 Fabrice RizzoMaître de conférences à l’UniversitéPaul Cézanne (Aix-Marseille III)Directeur du Centre de droit du sportCodirecteur scientifiquedu Lamy droit du sport

1. La perte de chance d’accéder à la Ligue 2. –L’accès d’un club aux différents championnats orga-nisés par sa fédération dépend bien évidemment deson classement obtenu à l’issue de la saison précé-dente, mais également d’autres critères, en parti-culier sa situation financière. La performance écono-mique est donc prise en compte pour la promotion,le maintien ou la relégation d’un club (Buy F.,Marmayou J.-M., Poracchia D. et Rizzo F., Droit dusport, LGDJ, 2e éd., 2009, no 830 ; Thomas V., Accèsdes groupements sportifs à la compétition, Lamy droitdu sport, nos 436-85 et s.). L’objectif principal desautorités sportives consiste à empêcher les clubs des’inscrire à des compétitions pour lesquelles ils ne dis-posent pas des moyens financiers requis et d’éviterque la disparition de l’un d’entre eux en cours de

championnat, pour des motifs économiques, affectele déroulement loyal et régulier des épreuves. Confor-mément à cet objectif, la Direction nationale decontrôle et de gestion (DNCG) s’est opposée, au termede la saison 2004/2005, à l’accession en Ligue 2 duclub de football de l’ASOA Valence en raison de sesdifficultés financières. Cette décision a constitué undes éléments à l’origine du contentieux opposant leclub de l’Entente Sannois Saint-Gratien (ESSL) à laFédération française de football (FFF) et la Ligue de

SOMMAIREÉCLAIRAGE ......................................................... 1La responsabilité solidaire de la FFF et la LFP engagéeà la suite d’une erreur manifeste d’appréciationde la DNCG

ACTUALISATION DE L’OUVRAGE ............................ 63 Accidents de ski – responsabilité de la commune . 63 Éducateurs sportifs – diplômes ........................... 83 Agrément de centres de formation ...................... 83 Fiscalité des sportifs étrangers ......................... 11

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Lamy Droit du sport

ACTUALITÉS

N° 66

mai

2009

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football professionnel (LFP), sur lequel la Cour administra-tive d’appel de Versailles s’est prononcée dans un arrêt du5 février 2009.

En l’espèce, à l’issue du championnat de National 2004/2005, le club de Valence a obtenu la seconde place du clas-sement lui permettant, en principe, d’accéder à la Ligue 2.Mais, la DNCG s’est opposée à sa promotion au motif qu’ilne remplissait pas les conditions financières imposées parles règlements de la LFP. Classé quatrième de cemême cham-pionnat (c’est-à-dire juste après les trois places qualificativespour l’accession à la Ligue 2), l’ESSG a soutenu que la FFF etla LFP, informées dès le 30 juin 2004 des difficultés écono-miques rencontrées par le club de Valence, ont commis unefaute en autorisant ce dernier à s’inscrire à cette compéti-tion. Sans la participation du club de Valence, l’ESSG consi-dère qu’il aurait terminé l’épreuve sur le podium et auraitacquis, à ce titre, le droit d’accéder à la Ligue 2. Le clubfrancilien a alors demandé à la FFF et la LFP réparation dupréjudice constitué par la perte de chance de participer auchampionnat professionnel de Ligue 2 au cours de la sai-son 2005/2006. Saisi d’une requête de l’ESSG tendant à lacondamnation solidaire de la FFF et la LFP à lui verser lasomme de 4 300 000 euros, le Tribunal administratif deCergy-Pontoise, dans un jugement du 21 juin 2007, adébouté le club de ses prétentions au motif que le dom-mage invoqué ne pouvait être tenu pour acquis. Stigmati-sant le caractère purement hypothétique du préjudice invo-qué, les premiers juges ont refusé de retenir la responsabilitédes autorités sportives en cause.

Devant la Cour administrative d’appel de Versailles, l’ESSG ainvoqué l’erreur de droit du tribunal administratif. Le clubreproche au jugement de première instance d’avoir estiméque le préjudice ne pouvait être tenu pour acquis, alors quel’indemnisation d’une perte de chance exige seulement ladémonstration d’une probabilité suffisante de son acces-sion à la Ligue 2, laquelle était établie si le club de Valenceavait été mis à l’écart du championnat de National. Le clubfrancilien a soulevé deux arguments au soutien d’une tellemise à l’écart. Tout d’abord, il a fait valoir qu’en applicationde l’article 4-I-3 du règlement des championnats nationauxde la FFF interdisant l’accès au championnat de National desclubs ne justifiant pas de capitaux propres positifs, la DNCGaurait dû refuser d’inscrire le club de Valence à cette com-pétition. Ensuite, il a invoqué la faculté offerte à la DNCG,par l’article 11-6 de l’annexe à la convention conclue entrela FFF et la LFP, de proposer l’exclusion de l’ASOA en cours

de compétition dans la mesure où il présentait une situationfinancière particulièrement obérée et n’apportait pas lapreuve de perspectives significatives de redressement àmoyen terme. Ainsi, selon l’ESSG, l’admission dans le cham-pionnat National, puis l’absence d’exclusion du club deValence l’a privé d’une chance réelle et sérieuse d’être classédans les trois premiers de la compétition, justifiant la miseen œuvre de la responsabilité solidaire de la FFF et la LFP.

La Cour administrative d’appel de Versailles a annulé le juge-ment du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et a déclaréla FFF et la LFP solidairement responsables du préjudice subipar l’ESSG dont elle a fixé le montant à 500 000 euros. Sonraisonnement procède en trois étapes sur lesquelles ilconvient de formuler quelques observations. Tout d’abord,même si la cour émet des doutes sur le respect par le club deValence des conditions posées par l’article 4-I-3 du règle-ment des championnats nationaux de la FFF, elle ne remetpas en cause l’autorisation d’inscription de ce club au cham-pionnat de National délivrée par la DNCG (I). En revanche,dans un deuxième temps, elle qualifie la décision de la DNCGrefusant l’exclusion du club de Valence en cours de cham-pionnat d’erreurmanifeste d’appréciation constitutive d’unefaute de nature à engager la responsabilité solidaire de laFFF et la LFP (II). Enfin, les juges versaillais évaluent à500 000 euros le montant des dommages-intérêts dus enréparation du préjudice de l’ESSG, au titre de sa perte dechance d’accéder au championnat de France de Ligue 2 (III).

I. – L’inscription du club de Valence au championnat

de National

2. L’interprétation de l’article 4-I-3 du règlement deschampionnats nationaux de la FFF. – L’inscription d’unclub au championnat de National nécessite, notamment, lerespect des dispositions de l’article 4-I-3 du règlement deschampionnats nationaux de la FFF. Aux termes de ce texte,« la situation économique et financière des clubs accédantau championnat National est obligatoirement etpréalablement à cette accession examinée par la DNCG dansles conditions prévues par son règlement. À cet effet, lesclubs sont notamment tenus de produire un bilan et uncompte de résultat ainsi que des documents budgétairesprévisionnels. Un club ne peut accéder au championnatNational que s’il présente au plus tard le 31 mai de la saisonen cours les éléments (bilan et prévisions) permettant dejustifier de capitaux propres positifs au 30 juin de la mêmesaison (…) ». Dans leurs mémoires en défense, la FFF et laLFP ont considéré que la commission de contrôle des clubsprofessionnels de la DNCG n’était pas tenue d’appliquer cetarticle lorsqu’elle s’est prononcée sur les conditions d’admis-

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sion de l’ASOA au championnat de National pour la sai-son 2004/2005. Elles ont estimé que ces prescriptions concer-naient exclusivement les clubs accédant au championnat deNational grâce à une promotion à l’issue du championnatamateur (CFA), à l’exclusion de ceux subissant une reléga-tion sportive en provenance de la Ligue 2. La participationde l’ASOA au championnat de National supposait simple-ment que sa situation financière apparaisse « compatibleavec les exigences de la compétition », sans pour autant quele club démontre qu’il disposait de capitaux propres posi-tifs. En revanche, selon le mémoire en réplique de l’ESSG,l’article 4-I-3 du règlement des championnats nationaux dela FFF concerne l’accès de tous les clubs au championnat deNational quel qu’en soit le mode, par promotion, maintienou rétrogradation. Nous souscrivons pleinement à ce pointde vue dans la mesure où la finalité du texte consistant àgarantir l’intégrité de l’épreuve, l’ensemble des clubs doi-vent, en faisant état de capitaux propres positifs, apporter lapreuve de leur capacité économique à participer à la com-pétition.

À la lecture de l’arrêt de la cour, il est difficile de déterminersi la DNCG s’est référée expressément à l’article litigieux.Quoi qu’il en soit, elle ne s’est pas opposée à l’inscription duclub de Valence au championnat de National, mais a adoptédeux mesures restrictives à son encontre. Elle a limité à uneseule saison l’utilisation de joueurs professionnels et a misen place un contrôle du recrutement de ces derniers. Cetteposition repose, d’une part, sur les documents produits parl’ASOA faisant état d’une situation nette prévisionnelle etd’un budget prévisionnel pour la saison 2004/2005 légère-ment positifs et, d’autre part, sur les allégations des diri-geants du club concernant des projets d’entrée au capitalsocial de nouveaux investisseurs et de promesses de subven-tions des conseils généraux de la Drôme et de l’Ardèche.

La Cour administrative d’appel de Versailles n’a pas relevéd’erreur manifeste d’appréciation de la DNCG. Elle a jugéque les documents transmis par l’ASOA justifiaient son ins-cription à la compétition. Selon nous, il était difficile pour lacour de stigmatiser la position de la DNCG car, à ce stade del’affaire, aucun élément de preuve ne permettait d’affirmeravec certitude l’impossibilité du club de Valence de satis-faire aux conditions économiques de participation au cham-pionnat de National. Toutefois, il nous semble que la courn’aurait peut-être pas remis en cause une position plus sévèrede l’organe de contrôle de gestion – notamment le refusd’inscription – dans la mesure où, comme elle le reconnaîtdans son arrêt, « les difficultés économiques du club deValence étaient connues depuis plusieurs années de la FFFet de la LFP et, tout au long de la saison 2003/2004, les

créanciers de ce club ont inscrit de nombreux privilègesauprès du greffe du Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère ».

Lesmagistrats versaillais se sontmontrés, en revanche,moinsconciliants avec la DNCG au sujet de sa décision de ne pasexclure l’ASOA au cours de la compétition.

II. – Le refus de l’exclusion du club de Valence

en cours de championnat de National

3. Le texte. – Aux termes de l’article 11 de l’annexe à laconvention établie entre la FFF et la LFP (dans sa versionapplicable à la saison 2003/2004), la DNCG peut, en coursde saison, prévoir l’exclusion d’un club des championnatsnationaux. Le texte précise que « cette mesure, proposéepar la DNCG, est soumise à l’examen et à la décision duConseil fédéral pour les clubs présentant une situation finan-cière particulièrement obérée et ne justifiant pas de pers-pectives significatives de redressement àmoyen terme (…) ».Sa mise en œuvre a fait apparaître une différence d’appré-ciation entre les autorités sportives et la Cour administratived’appel de Versailles.

4. La position de la FFF et de la LFP. – Pour la FFF et laLFP, l’exclusion, visée par l’article 11 précité, constitue unesimple faculté pour le Conseil fédéral qui dispose, avec laDNCG, d’un pouvoir d’appréciation de la situation écono-mique du club concerné. En l’espèce, les autorités fédéralesont considéré qu’il n’y avait pas lieu de recourir à ce type desanction pour deux raisons principales. En premier lieu, ellesont considéré que l’état financier du club de Valence n’étaitpas particulièrement obéré. À l’occasion des auditions desreprésentants du club par la DNCG en novembre et décem-bre 2004, plusieurs faits et décisions laissaient entrevoirl’éventualité d’un futur redressement du club. La prise decontrôle du capital social par de nouveaux investisseurs nepouvait pas être exclue eu égard aux bons résultats sportifsde l’ASOA et un accord avec l’URSSAF relatif à l’apurementdes dettes sociales était en voie de conclusion. En outre, laDNCG a adopté plusieurs mesures destinées à éviter l’aggra-vation de la situation (limitation de lamasse salariale et inter-diction de recrutement de nouveaux joueurs sous contrat)et à inciter les dirigeants de l’ASOA à trouver des solutionsrapides et efficaces (rétrogradation du club à titre conserva-toire). En second lieu, la FFF et la LFP ont estimé que l’exclu-sion étant un acte grave bouleversant le cours de la compé-tition, il convenait de réserver son prononcé aux hypothèsesdans lesquelles le maintien du club présenterait plus de ris-ques, pour le bon déroulement du championnat, que sonéviction. L’ASOA ayant terminé le championnat sans que sasituation financière en affecte le déroulement, aucun repro- q

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che ne pouvait être adressé à la DNCG. Les autorités fédé-rales ont ajouté que « la circonstance qu’en fin de saison,seuls deux clubs au lieu de trois, après le refus de l’admis-sion de l’ASOA Valence, ont intégré la Ligue 2 ne caractérisenullement une entrave au bon déroulement des compéti-tions ». En définitive, selon la FFF et la LFP, le refus d’exclurele club de Valence du championnat de National ne consti-tue pas une faute imputable à la DNCG, susceptible d’enga-ger leur responsabilité à l’égard de l’ESSG.

5. La solution de la Cour administrative d’appel deVersailles. – La cour a décelé dans la décision de la DNCGune erreur manifeste d’appréciation constitutive d’une fautede nature à engager la responsabilité solidaire de la FFF et laLFP. Son raisonnement s’ordonne autour de deux points.

Tout d’abord, la cour estime que les autorités de contrôleétaient, dès la fin de l’année 2004, au courant de l’incapa-cité du club de Valence de répondre aux conditions finan-cières afférentes à sa participation au championnat de Natio-nal et à l’absence de perspectives significatives deredressement. De fait, les auditions par la DNCG des diri-geants de l’ASOA, en date des 25 novembre et 16 décem-bre 2004, ont révélé plusieurs informations déterminantes :les promesses relatives à l’arrivée de nouveaux investisseurset de subventions n’ont pas été tenues ; les charges du clubétaient en forte augmentation ; les prévisions faisaient appa-raître au 30 juin 2004 un résultat net combiné déficitaire de819 000 euros et une situation nette négative de672 000 euros, contrairement aux prévisions optimistes duclub présentées à l’issue de la saison précédente ; les attes-tations du commissaire aux comptes et le procès verbald’approbation des comptes n’étaient toujours pas produits.Dans ces conditions, la cour dénonce l’attentisme de la DNCGqui s’est traduit par l’adoption demesures, largement insuf-fisantes, de contrôle des recrutements de joueurs et de rétro-gradation sportive du club à titre conservatoire au terme dela saison 2004/2005. De surcroît, en décembre 2004, lesecrétaire général du club a reconnu que la situation finan-cière réelle de l’ASOA avait été dissimulée, que le club faisaitl’objet d’une procédure d’alerte devant le tribunal de com-merce et que les salaires des joueurs étaient payés avec retard.Pour la cour, cette attitude dissimulatrice du club de Valenceconstitue une circonstance aggravante renforçant le carac-tère inéluctable de l’exclusion du club de la compétition.

Ensuite, la cour juge que « le pouvoir des organismes decontrôle ne saurait se limiter à veiller à l’organisation maté-rielle et au bon déroulement des épreuves ». Leurs préroga-

tives doivent également les amener à « imposer le respectde conditions d’équilibre financier exigées par le règlementdu championnat afin de préserver l’égalité entre les clubs etl’équité de la compétition ». Il faut souligner l’importance etle bien-fondé du message délivré par le juge administratif.Selon ce dernier, les difficultés économiques rencontrées parl’ASOA n’ont pas eu d’incidences matérielles sur les rencon-tres disputées par ce club et ne l’ont pas empêché d’obtenirla seconde place du classement final de l’épreuve. Mais, surle plan sportif, l’absence d’entrave au bon déroulement duchampionnat n’est qu’apparente. En réalité, la faculté offerteau club de Valence d’obtenir des résultats sportifs satisfai-sants en utilisant, contrairement à ses concurrents, desmoyens financiers totalement disproportionnés par rapportà ses propres ressources porte atteinte à l’équité de la com-pétition et à l’égalité de traitement des clubs.

En définitive, la cour a relevé une erreur d’appréciation de laDNCG au motif qu’en ayant pris conscience, dès le mois denovembre 2004, de la situation économique obérée du clubde Valence et de la volonté de ses dirigeants de la dissimu-ler, elle aurait dû prononcer immédiatement son exclusiondu championnat afin de respecter deux des principes fon-damentaux de l’organisation des compétitions sportives,l’égalité des chances des participants et l’intégrité des épreu-ves. La faute des autorités sportives étant avérée, il restait àla cour à réparer le dommage subi par l’ESSG.

III. – La réparation du préjudice subi par le club

de l’ESSG

6. Le caractère certain du préjudice. – La FFF et la LFPont invoqué, dans leurs mémoires en défense, la naturepurement éventuelle du préjudice allégué par l’ESSG. Ellesont estimé que la non-participation du club de Valence auchampionnat de National pour la saison 2004/2005 auraitprofité à l’ensemble des clubs inscrits à cette compétitiondont le déroulement aurait été totalement bouleversé. Ellesen ont déduit l’impossibilité d’évaluer, avec un degré decertitude raisonnable, la position qu’aurait été en mesured’occuper l’ESSG au classement final d’un championnat privéde l’ASOA. La cour réfute l’argumentation développée parles autorités sportives. Selon les magistrats versaillais,« nonobstant les aléas sportifs inhérents à toute compéti-tion, l’absence d’exclusion de l’ASOA Valence, classédeuxième en fin de saison, a en toute hypothèse privé l’ESSG,classée quatrième, d’une chance réelle et sérieuse, qui cons-titue en soi un préjudice important, de terminer le cham-pionnat National dans les trois premiers du classement et,partant, de participer au championnat de Ligue 2 pour lasaison 2005/2006 ». Elle estime donc que, malgré l’absence

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de caractère certain du préjudice subi par l’ESSG, ce dom-mage doit être réparé car il correspond à la perte d’unechance réelle et sérieuse d’accéder à la Ligue 2, c’est-à-direà la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favo-rable (pour une définition de la perte de chance, voir Cass.1re civ., 21 nov. 2006, no 05-15.674, JCP G 2007, I, no 115,obs. Stoffel-Munck Ph.).7. L’évaluation du préjudice. – Lorsque l’indemnisationest possible, les dommages-intérêts alloués à la victime d’uneperte de chance ne représentent qu’une fraction de l’avan-tage espéré, plus oumoins forte selon la probabilité. L’indem-nité n’est donc pas égale à la totalité du gain manqué, dontl’obtention est, par hypothèse, aléatoire (cf. Malaurie Ph.,Aynes L. et Stoffel-Munck Ph., Les obligations, Defrénois,2007, 3e éd., no 242). Conformément à ce principe de cal-cul, la Cour administrative d’appel de Versailles a évaluél’augmentation des recettes certaines (droits de retransmis-sion télévisée des matchs de championnat, participation à lacoupe de la Ligue et primes versées par les sponsors) et des

charges d’exploitation induites par l’accession en Ligue 2.

Au vu de ces différents éléments, elle apprécie le préjudice

subi par l’ESSG au titre de sa perte de chance d’accession au

championnat de France professionnel de Ligue 2 en condam-

nant solidairement la FFF et la LFP à lui verser une indemnité

de 500 000 euros (sur l’évaluation du préjudice pour la perte

de chance d’un club de football de se maintenir en Ligue 1,

voir T. com. Nancy, 15 nov. 2004, no 1291, Cah. dr. sport

no 1, 2005, p. 117, note Rizzo F.).

8. Conclusion. – Nous souscrivons pleinement à la solu-

tion adoptée par la Cour administrative d’appel de Ver-

sailles. Il faut souligner la rigueur de la rédaction de l’arrêt et

le bien-fondé de samotivation. Il reste que le résultat obtenu

par l’ESSG n’est pas totalement satisfaisant dans la mesure

où ce club aurait sans doute mérité d’accéder à la Ligue 2

pour au moins une saison. L’indemnisation financière ne

peut pas, selon nous, compenser une frustration sportive

d’une telle ampleur.✜

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