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L’intégration d’élèves en situation de handicap a-t-elle...
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Université Lumière Lyon 2 Institut des Sciences et Pratiques d’Education et de Formation Année Universitaire 2008-2009
L’intégration d’élèves en situation de
handicap a-t-elle une incidence sur les
représentations des enseignants ? En vue de l’obtention du Master 1 « Sciences des Sociétés et de leur environnement - Mention Sciences et Pratiques d’Education et de Formation - Campus Numérique FORSE » Sous la direction d’Yves JEANNE Catherine ROCROY N° 5070642
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
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En préambule à ce mémoire, je souhaiterais adresser mes remerciements les plus
sincères aux personnes qui m’ont apporté leur aide et ont contribué à l’élaboration
de ce mémoire ainsi qu’à la réussite de cette année universitaire.
Je tiens à remercier Monsieur Yves Jeanne, directeur de mémoire, qui s’est montré à
l’écoute et disponible tout au long de la réalisation de ce travail, ainsi que pour
l’inspiration, l’aide et le temps qu’il a bien voulu me consacrer et sans qui ce
mémoire n’aurait pas vu le jour.
Mes remerciements s’adressent également à Madame Marie-odile Idrac et Monsieur
Yves Riquet, chefs d’établissements, pour leur aide à l’organisation des entretiens et
la grande patience dont ils ont su faire preuve malgré leurs charges académiques et
administratives.
J’exprime ma gratitude à tous les enseignants rencontrés lors de mes recherches et
qui ont accepté de répondre à mes questions avec gentillesse.
Je tiens à exprimer ma reconnaissance aux collègues qui ont eu la gentillesse de lire
et de corriger ce travail.
Enfin, j’adresse mes plus sincères remerciements à tous mes proches et amis, qui
m’ont soutenue et encouragée au cours de la réalisation de ce mémoire.
Merci à tous et à toutes.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
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SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE ………………………………… 8
PARTIE 1 …………………………………………………………. 10
1. Théorie, historique et évolution des représentations du handicap ……… 10
1.1. Introduction ………………………………………………………… 10
1.2. Les représentations sociales ……………………………………….. 10
1.3. Les représentations du handicap ………………………………….. 13
1.4. Historique et évolution des notions de handicap …………………. 14
1.4.1. Dans l’antiquité ………………………………………………… 15
1.4.2. Au moyen âge ………………………………………………….. 15
1.4.3. Du XVIème au XIXème siècle ………………………………… 16
1.4.4. Au XXème siècle ………………………………………………. 16
1.4.5. A partir de 1975 ………………………………………………… 17
1.4.6. Aujourd’hui ……………………………………………………. 17
1.5. La notion de déficience intellectuelle ………………………………. 18
1.6. Intégration scolaire …………………………………………………. 20
1.6.1. Terminologie de l’intégration ………………………………….. 21
1.6.2. Evolution de la notion d’intégration scolaire ………………….. 22
1.6.3. Ce que dit la recherche …………………………………………. 24
2. Les textes actuels et les dispositifs ………………………………………… 24
2.1. La loi du 11 février 2005 …………………………………………….. 24
3. Le terrain d’observation …………………………………………………… 27
3.1. Adolescence et problématique identitaire ………………………….. 27
3.2. Les dispositifs de scolarisation ……………………………………… 29
3.3. Unité Pédagogique d’Intégration …………………………………… 29
3.3.1. UPI, un dispositif collectif ……………………………………… 29
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3.3.2. L’UPI répond à des besoins particuliers ……………………….. 30
3.3.3. L’UPI s’inscrit dans le projet d’établissement …………………. 30
3.3.4. Les contenus d’enseignement en UPI ………………………….. 30
3.3.5. Un avenir après l’UPI …………………………………………… 30
3.3.6. Evolution et points forts ………………………………………… 31
3.4. Histoire et projet de l’UPI observée ………………………………… 32
3.4.1. Objectifs généraux ………………………………………………. 33
3.4.2. Objectifs pédagogiques ………………………………………….. 33
3.5. La différence comme projet d’établissement ……………………….. 34
4. Conclusion ………………………………………………………………….. 35
PARTIE 2 ………………………………………………………… 36
1. Méthodologie de recueil des représentations du handicap ……………… 36
1.1. Introduction ………………………………………………………….. 36
1.2. L’échantillonnage …………………………………………………….. 36
1.3. L’entretien ……………………………………………………………. 38
1.3.1. L’entretien exploratoire ………………………………………… 39
1.3.2. Le guide d’entretien …………………………………………….. 39
1.3.3. l’entretien test du guide …………………………………………. 40
1.3.4. Les conditions des entretiens …………………………………… 41
1.4. L’analyse de contenu ………………………………………………… 42
1.4.1. L’analyse de contenu en sciences humaines …………………… 42
1.4.2. Les principes de l’analyse de contenu …………………………. 42
1.4.3. Pertinence de l’analyse de contenu dans le recueil
des représentations sociales ……………………………………. 43
1.4.4. Choix de l’analyse thématique ………………………………… 43
1.4.5. Catégories retenues …………………………………………….. 44
1.4.6. Tableau descriptif et exemple d’énoncé
des catégories thématiques ……………………………………... 45
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1.5. Les limites de la méthode …………………………………………. 45
2. Résultats de l’enquête ……………………………………………………. 46
2.1. Analyse des premières phrases ……………………………………. 46
2.1.1. Tableau reprise des premières phrases ………………………….. 47
2.1.2. Analyse entretien par entretien …………………………………. 48
2.1.2.1.ESTD01………………………………………………………. 48
2.1.2.2.ESTD02……………………………………………………… 49
2.1.2.3.ESTD03…………………………………………………….. 49
2.1.2.4.ESTD04…………………………………………………….. 49
2.1.2.5.ENDS01…………………………………………………….. 49
2.1.2.6.ENDS02…………………………………………………….. 49
2.1.2.7.ENDS03…………………………………………………….. 49
2.1.2.8.ENDS04…………………………………………………….. 50
2.2. Analyse thématique par entretien……………………………………. 51
2.2.1. ESTD01 …………………………………………………………. 51
2.2.2. ESTD02 …………………………………………………………. 52
2.2.3. ESTD03 …………………………………………………………. 53
2.2.4. ESTD04…………………………………………………………. 53
2.2.5. ENDS01…………………………………………………………. 54
2.2.6. ENDS02…………………………………………………………. 54
2.2.7. ENDS03…………………………………………………………. 55
2.2.8. ENDS04…………………………………………………………. 56
2.3. Comparaison entre établissements « avec » et « sans » UPI ……… 56
3. Conclusion …………………………………………………………………. 58
PARTIE 3 …………………………………………………………. 60
1. Discussion ………………………………………………………………….. 60
1.1. Introduction ………………………………………………………….. 60
1.2. Analyse thématique transversale …………………………………… 60
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1.2.1. Les notions de handicap ………………………………………… 61
1.2.1.1.La perception du handicap par rapport à soi ……………… 61
1.2.1.2.La perception du jeune en situation de handicap .................. 62
1.2.2. Les apprentissages ……………………………………………… 63
1.2.2.1.Les apprentissages sociaux ………………………………… 63
1.2.2.2.Les apprentissages scolaires ……………………………….. 64
1.2.3. La situation d’intégration ……………………………………….. 64
1.2.3.1.Avantages de l’intégration………………………………….. 64
1.2.3.2.Limites de l’intégration …………………………………….. 66
1.2.4. La situation des enseignants …………………………………… 66
1.2.4.1.La formation……………………………………………….. 66
1.2.4.2.Les enseignants spécialisés ……………………………….. 68
1.2.4.3.Les adaptations…………………………………………….. 68
1.2.5. La situation institutionnelle ............................................................ 69
1.2.5.1.La mise en relation du projet d’établissement ……………. 69
1.2.5.2.La dimension pastorale…………………………………….. 70
1.2.5.3.L’implication de l’équipe pédagogique …………………… 70
1.2.5.4.La législation ………………………………………………. 70
1.3. Discussion …………………………………………………………….. 71
1.4. Retour aux hypothèses ………………………………………………. 74
2. Les limites de la recherche ………………………………………………… 76
2.1. Du fait du terrain, du temps et de la population …………………… 76
2.2. Dans un second temps, ce que nous pourrions faire ……………….. 77
CONCLUSION …………………………………………………….. 79
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BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………… 82
Ouvrages ……………………………………………………………… 82
Conférences et colloques ……………………………………………… 83
Revues …………………………………………………………………. 83
Site internet ……………………………………………………………. 85
ANNEXES ………………………………………………………. 86
1. Tableau d’inventaire et identification des thèmes émergeants d’un
entretien exploratoire illustré par des extraits
de données brutes ………….…………………………………….……. 86
2. Guide d’entretien ………………………………………………………. 91
3. Retranscription complète entretien ESTD01 et codage ........................ 94
4. Tableau des catégories retenues ……………………………….……. 107
5. Exemple de tableau thématique – Entretien ENDS03 ……………. 110
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LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
A.E.S. Adaptation et éducation spécialisées.
A.V.S. Assistant de vie scolaire.
C.I.F. Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la
santé.
C.I.H. Classification internationale des handicaps.
C.L.I.S. Classe d’intégration scolaire.
I .M.E. Institut médico-éducatif.
O.M.S. Organisation mondiale de la santé.
P.P.S Projet personnalisé de scolarisation.
U.P.I. Unité pédagogique d’intégration.
SEGPA Section d’enseignement général et professionnel adapté.
T.I.F.C. Troubles importants des fonctions cognitives.
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INTRODUCTION
On parle aujourd’hui de situation de handicap ce qui met en avant l’importance de
l’environnement dans la création du handicap, et le fait que si certaines activités sont
restreintes, d’autres ne sont pas empêchées.
Le handicap dépend donc de la réponse de l’environnement et du fait que
l’environnement s’adapte ou non aux incapacités de la personne, facilite ou non la
vie dans la société.
Le handicap a toujours touché les hommes, sa perception a évolué au fil des siècles.
De tout temps les malformations, les mutilations ou encore les différences
intellectuelles ou comportementales ont à la fois nourri l’imagination et intrigué les
bien-portants. Au XXIème siècle, Charles Gardou dit encore du handicap « qu’il soit
moteur, sensoriel, intellectuel, comportemental, d’ordre congénital ou acquis, ceux
qui sont affectés par un handicap partagent une condition commune. Encore tenus en
marge, enfermés dans des catégories, ils vivent dans une sorte de marécage social ».
(Gardou, 2006).
Notre mémoire traitera du handicap, car depuis plusieurs années l’intégration des
personnes handicapées est au cœur de bien des débats sociologiques, politiques et
culturels, en particulier avec la loi du 11 février 2005 pour « l'égalité des droits et
des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », même si,
comme nous le verrons, « nous peinons à sortir de la culture des lieux spécialisés et
des territoires séparés, les conduisant à une existence insularisée, périphérisée. »
(Gardou, 2006). Il parait important pour enseigner de savoir comment faire pour
communiquer avec un enfant porteur de handicap et dans quelles situations cela est le
plus facile, mais on cherche beaucoup plus spontanément à savoir le « pourquoi », et
il faudrait pouvoir dépasser ce questionnement pour s’attacher au « comment ».
Nous allons nous intéresser plus particulièrement aux regards que portent les
enseignants sur l’intégration d’élèves handicapés dans leurs établissements et dans
leurs classes. Pour cela nous allons nous appuyer sur la théorie des représentations
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sociales développée par Serge Moscovici et Denise Jodelet. Les représentations
sociales sont à la fois une manière de percevoir des objets et des situations, mais
aussi des manières de penser et d’interpréter la réalité. Nous réagissons en fonction
des représentations que nous avons construites de notre environnement physique et
social. Pour réfléchir à nos représentations individuelles, les comprendre et les faire
évoluer, il nous a paru intéressant de nous pencher sur les représentations collectives
et culturelles, que les enseignants se font du handicap.
La première partie de notre mémoire retracera l’évolution des représentations du
handicap en acceptant que le fait « de parler des personnes handicapées avec
quelques pertinences, c’est dévoiler les profondeurs sociales ». (Sticker, 2005)
La seconde partie sera consacrée à la méthodologie de notre recherche et aux moyens
mis en œuvre pour atteindre notre objectif. Le mémoire doit répondre à des critères
de rigueur et d’objectivité, c’est pourquoi nous avons adopté dans ce travail une
démarche et des techniques d’analyses dites scientifiques.
Notre fil conducteur sera notre question de recherche : La présence d’élèves porteurs
de handicap dans un établissement scolaire, modifie-t-elle les représentations du
handicap qu’ont les enseignants ?
Nous tenterons d’y répondre en analysant les entretiens que nous avons pu réaliser,
puis essaierons de mettre en évidence les représentations du handicap de ces
enseignants, et enfin procéderons à une analyse de contenu thématique.
Sans prétendre à l’exhaustivité nous présenterons dans une troisième partie les
résultats de cette analyse. Quelles sont les représentations du handicap des
enseignants ? Quels liens peut-on en tirer avec la théorie ?
L'objectif fondamental qui nous a conduit à la réalisation de cette recherche a été le
besoin d'éclaircir un peu l'univers de la pensée des professeurs de l'enseignement
général, à travers l'étude de leurs représentations sociales. Plus que connaître ce qu'ils
pensent, notre but était de déchiffrer comment se fait la construction de leurs
conceptions, quelles influences reçoivent-ils et comment traitent-ils les informations
qui leur sont disponibles ?
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PARTIE 1
1. Théorie, historique et évolution des représentations du handicap
1.1. Introduction
Une multitude d’appellations a été utilisée pour désigner ceux que nous appelons
aujourd’hui « handicapés », « aliénés, anormaux, arriérés, inadaptés, boiteux,
bossus, chroniques, débiles, déficients, déviants, difformes, diminués, estropiés,
handicapés, idiots, impotents, inadaptés, incurables, infirmes, incapables, invalides,
malformés, paralysés, paralytique, personnes à mobilité réduite, personnes
dépendantes, personnes exceptionnelles, personnes en situation de handicap, tarés,
etc. » (Sticker, 2005). Le vocabulaire utilisé au cours de l’histoire témoigne de la
difficulté à faire face au handicap. Avant de développer les évolutions de la notion du
handicap, il semble nécessaire de revenir sur la notion de représentations sociales et
plus particulièrement encore de représentations du handicap.
1.2. Les représentations sociales
Le terme représentation n’a pas le même sens, qu’il soit utilisé en sciences, en
mathématiques, ou en psychologie.
Dans le langage courant le terme de « représentation » a une double signification. Il
fait à la fois référence à un processus, action de représenter, ou de se représenter, et
aux résultats de ce processus. La représentation est « le produit et le processus d’une
activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il
est confronté et lui attribue une signification spécifique. » (Abric, 1994). La
représentation est donc un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes et de croyances
se référant à un objet ou à une situation.
Chaque culture génère un ensemble de représentations, de croyances, de conventions
qui permettent à ses membres d’interpréter les évènements qu’ils observent et de
communiquer avec leurs semblables.
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Lorsque nous nous rencontrons et que nous entrons en contact avec d’autres, nous
véhiculons des attentes, c'est-à-dire un certain contenu mental correspondant à des
jugements et à une connaissance des personnes ou des groupes en présence.
Emile Dukheim introduit en 1898 l'idée de représentation collective et fixe à la
psychologie sociale la tâche d'étudier les représentations sociales. Il est le premier à
évoquer la notion de représentations et essaie de comprendre dans quelle mesure le
social s’inscrit dans l’inconscient des individus. En France, c’est à Serge Moscovici
que l’on doit, en 1961, la première investigation systématique des représentations
sociales.
Moscovici distingue deux processus dans la construction des représentations : d’une
part, l’objectivation qui rend concret ce qui est abstrait et permet de s’approprier des
concepts, des phénomènes et des savoirs complexes ; d’autre part l’ancrage comme
processus d’intégration d’éléments qui ne nous sont pas familiers et permet de les
confronter avec des éléments typiques d’une catégorie familière.
Moscovici retient trois processus dans l’ancrage :
o Le sens : l’objet représenté est investi d’une signification par le groupe.
o L’utilité : le système d’interprétation des éléments de la représentation fait
fonction de médiation entre l’individu et son milieu.
o Le classement : pour pouvoir intégrer de nouvelles informations, les membres
d’un groupe les rangent et les classent dans des cadres de pensée socialement
établis.
Dans la vie des groupes, les représentations sociales se déplacent, mais se combinent
aussi, se modifient ; certaines disparaissent et d’autres sont alors élaborées. Ce
travail en étudiera les variations. Nous classons automatiquement les personnes que
nous rencontrons dans une espèce de catégorie mentale ce qui est lié à notre
fonctionnement cognitif. Cela permet d’anticiper les interactions avec la personne.
Nous nous servons pour cela de repères sociaux issus des normes culturelles
intégrées depuis l’enfance : ces repères fonctionnent d’autant plus lorsqu’il s’agit de
handicap.
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Ces représentations sont pensées par des individus qui les produisent au cours
d’échanges ou encore d’actes de coopération, et l’école peut être un lieu non
seulement d’échanges mais aussi de collaboration et de coopération : c’est en ce sens
qu’elle est un terrain de recherche intéressant.
Selon Denise Jodelet, la représentation se trouve à l’interface du psychologique et du
social. Elle définit ainsi cinq caractères fondamentaux d’une représentation sociale.
Celle-ci :
o est toujours représentation d’un objet. Il faut donc s’intéresser aux
interactions entre un sujet et un objet.
o a la propriété de rendre interchangeable le sensible et l’idée. Elle relie les
choses aux mots, elle matérialise les concepts.
o a un caractère symbolique.
o a un caractère constructif : la représentation construit la réalité sociale.
o a un caractère autonome et créatif : elle a une influence sur les
comportements.
Au-delà de ces caractères fondamentaux, Denise Jodelet définit cinq fonctions aux
représentations sociales :
o Des fonctions cognitives, qui permettent aux individus d’intégrer des
nouvelles informations à leur système de pensée.
o Des fonctions d’interprétation et de construction de la réalité. Soit, une
manière de penser et d’interpréter le monde qui nous entoure.
o Des fonctions d’orientation des conduites et des comportements, qui ont une
fonction sociale et permettent de communiquer dans un environnement
donné.
o Des fonctions identitaires : elles permettent de situer les individus ou les
groupes dans un champ social.
o Des fonctions de justifications des pratiques.
Nous pouvons supposer que les représentations du handicap, et plus précisément du
handicap intellectuel, des enseignants auront un impact non négligeable sur la
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perception et l’intégration sociale des jeunes dont ils ont la charge. Les
représentations sociales sont au centre de la construction de la réalité sociale du
handicap car elles sont la traduction de relations complexes, réelles et imaginaires ou
encore, objectives et symboliques à l’égard de l’invalidité. C’est pourquoi dans un
premier temps il convient de s’interroger sur la notion même de handicap.
1.3. Les représentations du handicap
Le terme de handicap est apparu dans la législation française avec la loi de 1957 puis
avec celle de 1975 en « faveur des handicapés physiques, sensoriels et mentaux » et a
mis fin à l’utilisation du mot « infirme » dans les textes officiels.
Cependant l’usage du mot « handicap » reste flou du fait de son utilisation dans des
domaines variés et auprès de populations hétérogènes. Simone Veil, Ministre de la
Santé à l’époque de la loi de 1975 justifiait l’absence de définition précise en
expliquant que la notion de handicap devait être relative et évolutive puisqu’elle
intègre le contexte social.
Dès 1977, l’UNESCO déclare « le degré du handicap dépend de l’équipement dont
dispose la communauté, des possibilités de son utilisation et de la perception du
handicap par les autres ».
Le « handicapé mental » fait peur : tel est l’un des premiers constats de l’entretien
exploratoire réalisé auprès d’une enseignante intégrant de jeunes déficients
intellectuels dans ses cours de musique. Ces jeunes seraient violents et incapables de
se contrôler. La différence, quand elle est visible, se rapprocherait ainsi de la notion
de stigmate, un indicateur privilégié pour classer socialement une personne que l’on
rencontre. Vallade et Lupersat (1995) ont montré dans leur enquête que le traitement
social de la déficience intellectuelle par le personnel éducatif sera différent selon son
étiologie déclarée : les jeunes porteurs de psychose ne seront pas appréhendés de la
même façon que les trisomiques par exemple. Elle sera également située
temporellement dans l’histoire du sujet.
La peur qu’évoque l’infirmité s’inscrit différemment dans l’histoire selon les
époques. La différence portée par une personne emmène tout un lot de stéréotypes
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dévalorisants : vulnérable, faible, incapable de nombreuses activités. L’intériorisation
de nos normes culturelles nous amène à définir une normalité qui nous correspond.
S’ajoutent également les notions de souffrance et d’empathie, capacité de s’identifier
à quelqu’un, à ressentir ce qu’il ressent. La rencontre de personnes souffrantes ou
limitées dans leurs capacités nous renvoie un sentiment d’étrangeté et de malaise. En
fait, nous sommes renvoyés à notre propre vulnérabilité, à notre finitude et tout
simplement à notre condition d’être humain, ce qui fait dire à Henri-Jacques Sticker
« le handicap est la preuve de l’insuffisance de ce que nous aimerions voir établir
pour référence et pour norme. Il est cette déchirure de notre être qui ouvre sur son
inachèvement, son incomplétude, sa précarité. Il empêche la société des hommes
d’ériger en droit, et en modèle à imiter, la « santé », la vigueur, la force, l’astuce et
l’intelligence. Il est cette écharde au flanc du groupe social, qui empêche la folie des
certitudes et de l’identification à un unique modèle. Oui, c’est la « folie des bien-
portants » que dénoncent l’enfant mongolien, la femme sans bras, le travailleur en
fauteuil roulant …ce qui ne signifie pas que le handicap soit nécessaire, mais que
cette différence là, quand elle surgit, joue un rôle d’équilibration et d’avertissement
à nulle autre pareille. » (Sticker, 2005).
De la nature du handicap dépend l’acceptation du sujet porteur de handicap dans une
société de valides. Le « malade mental » et par extension, ou assimilation, le
handicapé mental font peur d’autant qu’ils portent en eux les stigmates de leur
« folie », alors que la personne handicapée physique appelle à la compassion mais
rassure, car sa souffrance est compréhensible par la raison. Le handicap physique a
un sens que la « folie » n’a pas.
La notion de handicap et ses représentations varient selon l’histoire, les civilisations
et les systèmes politiques, économiques et sociaux.
1.4. Historique et évolution des notions de handicap
De ces théories populaires et culturelles, découle la manière dont on considère et
dont on traite les personnes handicapées. Du maléfice au sacré, voici à travers un
bref rappel historique, quelques exemples de représentations du handicap.
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Pour Jean-Christophe Parisot, « comprendre l’histoire du rejet permet de
comprendre le langage du handicap, qui est un langage récent. On ne comprend pas
l’altérité sans risquer le récit terrifiant de la non-histoire des infirmes. » (Parisot,
2008).
1.4.1. Dans l’antiquité
Dans l’antiquité grecque et romaine, le rejet, l’abandon et l’exposition des enfants
difformes protègent de la colère des dieux : infirmité maléfique, « corps difforme,
mal-né ou abîmé » (Sticker, 2005). Les infirmités sont le signe d’une faute. Les
personnes malades ou difformes sont classées : la difformité est exposée, la maladie
mentale est cachée, les maladies ou infirmités acquises sont soignées et prises en
charge par l’obole publique.
Dans la culture hébraïque il s’agira plutôt d’impureté qui désigne « ce qui sépare le
divin et l’humain ». Stiker parle alors de cohérence du système juif ancien à propos
de l’interdit cultuel des infirmes ; il nous dit « Interdit cultuel relié à une certaine
représentation de Dieu qui fait comprendre que cet interdit même innocente les
infirmes et rabat le problème sur une éthique de la responsabilité sociale. On peut
comprendre sans presque de paradoxe que la non-intégration cultuelle est la
condition de leur non-exclusion culturelle ». (Sticker, 2005)
1.4.2. Au Moyen Age
Dans la catégorie des indigents se retrouvent les pauvres, les voleurs et les
handicapés. Le handicap de naissance est toujours assimilé à une faute et au
châtiment divin.
La fonction de dérision des infirmes dans l’entourage du pouvoir public au Moyen
Age est l’expression du « système de la bouffonnerie » (Sticker, 2005) et accorde un
statut particulier à certains infirmes tels que les nains et les bossus, tout en les
mettant à distance des lois établies.
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1.4.3. Du XVIème au XIXème siècle
Avec les progrès de la médecine sont découverts les mécanismes de l’hérédité et de
la contagion. Les connaissances se rationalisent mais il faudra du temps pour que
changent les systèmes explicatifs des différences, pendant que « l’on assiste ainsi à
la montée d’un nouveau pouvoir, le pouvoir médical » (Stiker, 2005).
Un nouvel ordre social se développe qui souhaite regrouper et enfermer les
personnes anormales. Les pratiques d’exhibition perdurent cependant jusqu’au
XXème siècle.
A la fin du siècle des Lumières l’idée de rééducation se développe et notamment
pour certaines catégories d’infirmes, les aveugles grâce aux travaux de Valentin
Haüy et les sourds avec le combat de l’Abbé de l’Epée. Ainsi « les idées principales
de la rééducation d’aujourd’hui sont incluses dans les institutions de V Haüj et de
l’Abbé de l’Epée : affirmer que l’infirme peut accéder aux mêmes biens que les
valides, inventer des techniques et des pédagogies pour le faire, fonder des
institutions spécialisées pour le permettre. » (Sticker, 2005).
1.4.4. Au XXème siècle
Les guerres donnent naissance à des handicapés permanents que la nation se doit de
dédommager. C’est l’apparition des premiers centres de rééducation. Si l’éducabilité
des enfants handicapés semble acquise au tournant du XXème siècle, il n’en reste pas
moins de bons et de mauvais infirmes : ainsi les accidentés du travail et les infirmes
de guerre d’une part, les infirmes de naissance d’autre part.
A cette époque les personnes handicapées de naissance sont considérées comme
incurables. Elles sont alors prises en charge dans les hôpitaux psychiatriques qui sont
des lieux de vie et de soins mais pas d’éducation.
La charité est la réponse apportée à ceux qui ne peuvent pas travailler, comme les
pauvres et les exclus.
Avec les mouvements antipsychiatriques, l’infirmité est définie comme un symptôme
et un effet de la dégradation des rapports sociaux.
L’infirmité devient handicap dès lors qu’elle résulte d’un accident dont la société est
responsable et qu’elle a pour devoir de réduire, ou tout le moins, de compenser.
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Les termes évoluent : « l’enfance déficiente » apparaît sous le front populaire.
« L’enfance inadaptée » est officialisée sous le régime de Vichy, 1943, sous
l’influence prédominante des médecins. Elle contribue à mettre l’accent sur les
facteurs d’environnement et à favoriser le développement de l’hygiène mentale.
C’est en 1956 qu’apparaît « l’enfance handicapée » dans les textes qui précisent les
conditions d’agrément des établissements.
1.4.5. A partir de 1975
La loi de 1975 fait de l’insertion des personnes handicapées une obligation nationale.
Elle reconnaît le droit à l’éducation et permet d’engager une politique d’intégration
scolaire en faveur des enfants et des adolescents handicapés. C’est la loi de 1989 qui
fait de l’éducation « la première priorité nationale », plaçant l’élève au centre du
système éducatif tout en affirmant réellement le principe de l’intégration scolaire des
jeunes handicapés.
1.4.6. Aujourd’hui
En 1980, L’Organisation Mondiale de la Santé propose une définition du handicap :
« est handicapé un sujet dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou
définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge, d’une
maladie ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter
l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises ».
La notion de handicap évoque donc un déficit, des limitations, qui ont des
conséquences sur la vie sociale des individus. Etre handicapé, c’est être empêché
dans sa vie sociale. Le handicap est créé par l’environnement et par les autres même
s’il découle à l’origine d’une déficience. Pour Murphy « c’est la société qui définit
l’invalidité et la culture qui lui confère sa signification et, de ce fait, c’est un mal de
société » (Murphy R, 1990).
En mai 2001, l’OMS adopte la Classification Internationale du Fonctionnement du
handicap et de la santé (CIF). Le CIF met l’accent sur « la vie », c'est-à-dire sur la
façon dont les personnes s’accommodent de leur état de santé, et comment il est
possible de les aider à mener une vie productive et satisfaisante. De cette nouvelle
classification doivent découler des modifications de la pratique médicale ainsi que de
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18
la politique sociale pour permettre l’accès aux soins et la pleine participation de
chacun.
On peut agir à deux niveaux, celui de la personne en tentant de la guérir ou de
compenser son incapacité par des moyens techniques, et celui de l’environnement
qui doit s’adapter de manière à réduire le handicap au maximum. Dans cet esprit, la
scolarisation semble un moyen de réduire les difficultés liées au handicap.
1.5. La notion de déficience intellectuelle
En 1795, le médecin Philippe Pinel est nommé à la direction de la Salpêtrière : c’est
là qu’il distingue les fous comme une entité et isole les malades du domaine carcéral
en pensant que la folie relève du pouvoir médical. En 1798, il établit une
classification des maladies mentales. En 1809, il publie son Traité médico-
philosophique sur l’aliénation mentale qui sera la référence de l’époque pour la
compréhension des symptômes et des causes de la folie.
Etienne Esquirol, disciple de Pinel, s’intéresse au début du XIXème siècle à l’idiotie,
figure particulière de la folie qu’il définit comme n’étant « pas une maladie, c’est
un état dans lequel les facultés intellectuelles ne se sont jamais manifestées ou n’ont
pas pu se développer assez pour que l’idiot ait pu acquérir les connaissances
relatives à l’éducation que reçoivent les individus de son âge et placés dans les
mêmes conditions. »
C’est au début du XXème siècle qu’Alfred Binet et Théodore Simon vont construire
l’échelle métrique d’intelligence qui va permettre d’évaluer le niveau mental en
fonction d’une classe d’âge. Leurs travaux vont conduire à la création en 1909 de
classes et d’écoles pour ce qu’on nommera les « arriérés d’école ». Après la
deuxième guerre mondiale, se développeront les classes de perfectionnement
destinées à l’accueil de ces enfants.
Les années 1944 à 1970 peuvent se définir comme l’âge d’or de l’éducation
spécialisée.
Dans les années 1970, sous l’influence d’un certain nombre de psychiatres et de
psychanalystes, Françoise Dolto, Roger Diatkine, Serge Lobovici, Roger Misès, une
nouvelle approche clinique apparaît. Les travaux de Misès ont permis de mettre à
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19
jour les effets positifs des soins et des apports éducatifs et pédagogiques dans la prise
en charge d’enfants auparavant jugés comme inéducables et incurables.
La loi du 30 juin 1975 indique dans son préambule que les personnes handicapées
doivent avoir accès aux mêmes institutions que les autres « chaque fois que leurs
aptitudes le permettent » : s’ouvre alors la période de l’adaptation et de l’éducation
spécialisée (AES). Il s’agit d’adapter l’enfant à l’école ordinaire.
La Classification Internationale des Handicaps, CIH, utilise le terme de « déficience
intellectuelle » au lieu de celui de « handicap mental ». La déficience correspond à
« toute perte ou anomalie au niveau psychologique, anatomique ou physiologique ».
Cependant la confusion entre « handicap mental » et « maladie mentale » reste
fréquente. Les difficultés de la personne handicapée mentale ne sont pas dues
exclusivement à la déficience physiologique, ni à l’inadaptation de
l’environnement : elles proviennent de l’interaction de ces deux facteurs.
Pour Jean-François Gomez « l’enjeu d’une véritable prise en compte de ces
personnes se situe forcément dans les représentations » (Gomez, 2001). Murphy, lui,
affirme « qu’il est impossible d’écarter le caractère intensément problématique des
relations entre quelqu’un dont le corps est détérioré et quelqu’un dont le corps est
plus ou moins intact en prétendant que la maladie émane seulement de l’ineptie, des
préjugés, de la stupidité, etc. du second. » (Murphy, 1990).
Les déficients mentaux sont les troisièmes après les aveugles et les sourds à
bénéficier d’initiatives pédagogiques. Faret à la Salpêtrière, Voisin et Ferrus à
Bicêtre mettent en place les premières stratégies d’éducations « des idiots ».
En 1841, Seguin publie un Traité théorique et pratique de l’éducation des idiots, il y
prône une nouvelle méthode d’éducation, grâce à l’épanouissement des nerfs, des
muscles et des sens.
Bourneville, disciple de Seguin et d’Itard, défend, quant à lui, l’apprentissage
scolaire et professionnel des idiots avec des instruments pédagogiques nouveaux, il
rappelle que les idiots ne sont pas des « non-valeurs sociales ».
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
20
En 1895 le docteur Régis et Rousseau-Saint-Philippe classent « les dégénérés » en
quatre catégories : les déséquilibrés, les débiles, les imbéciles et les idiots.
« En 1909, on parle toujours d’ « enfance arriérée ». Ils deviendront en 1930 les
« enfants déficients ». Dans les années 1940, on parlera d’ « enfance inadaptée »,
spécifiant au fil du temps s’il s’agit d’une inadaptation mentale, intellectuelle ou
physique. On ne parlera d’ « enfant handicapé » que dans les années 1960-1970. »
(Parisot, 2008) .
Ce bref rappel historique du handicap met en perspective l'évolution d'une volonté de
savoir dans quatre disciplines : médecine, psychiatrie, psychologie, et pédagogie en
perpétuel mouvement et remaniement au gré des progrès scientifiques internes de
chacune de ces disciplines et contingents de l'évolution sociale.
Le handicap est un concept qui s’est construit progressivement. Aujourd’hui les
prises en charge évoluent : on dispense éducation et soin dans différents
environnements et sous différentes formes, on soutient les liens entre l’enfant et sa
famille, on reconnaît les possibilités d’évolution, d’action et de pensée des personnes
handicapées, et on est dans une dynamique croissante d’intégration.
A partir de toutes ces évolutions, de langage et d’éducabilité, quelles sont les
représentations des enseignants d’aujourd’hui, et les conséquences de l’intégration
pour tous, handicapés, jeunes ordinaires ou encore adultes ? Nous tenterons
d’analyser le regard porté sur ces « corps malades » mais aussi les qualités et les
limites des conditions actuelles d’intégration scolaire.
1.6. Intégration scolaire
La scolarisation des enfants handicapés n’est pas une préoccupation récente. Dès le
XVIIIe siècle, des institutions spécialisées ont été créées un peu partout dans le
monde. Les années 60 sont un point crucial de l’histoire en ce qui concerne
l’intégration. Dans les pays les plus avancés, notamment la Suède, la Norvège,
l’Italie et les Etats-Unis, naissent de nouveaux concepts. La Suède est un précurseur
en la matière : 1966 pour l’accessibilité, 1969 pour l’intégration. En France c’est la
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21
loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées qui institue
l’obligation éducative pour les enfants et les adolescents, quelle que soit la nature de
leur handicap.
1.6.1. La terminologie de l’intégration
Dans la littérature sur le sujet de l’intégration scolaire des élèves handicapés, la
terminologie varie selon les pays ; si certains distinguent différentes catégories de
déficiences, motrices, sensorielles, mentales, en gardant la notion de handicap,
comme la France, d’autres ont opté pour le concept « d’élèves à besoins éducatifs
particuliers », notamment la Grande Bretagne, et le Canada. Cette formulation plus
positive que les termes de « déficiences » ou « d’incapacité » veut mettre l’accent
sur les capacités d’apprentissage. L’individualisation de la prise en charge éducative
marque en ce sens l’évolution du concept de handicap en milieu scolaire.
Aux Etats-Unis et au Canada apparait dans les années 90 le concept d’inclusion.
C’est l’idée d’une éducation pour tous les élèves dans l’école du quartier, qui dès le
départ ne laisse personne en marge du système scolaire ordinaire, alors que dans la
notion d’intégration reste présente l’idée de « remettre » dans le circuit ordinaire des
enfants qui en auraient été préalablement exclus. L’Europe parlera le plus souvent
d’intégration, pour essayer de répondre au mieux aux besoins individuels, on observe
même parfois un mélange de ces deux situations.
La logique est centrée sur le handicap quand l’élève handicapé intégré en milieu
ordinaire doit s’adapter au système. Pour Mercier, l’intégration est le « processus
qui consiste à favoriser l’adaptation de la personne en situation de handicap, dans
un milieu ordinaire : ses comportements doivent correspondre aux normes et aux
valeurs sociales dominantes et la personne en situation de handicap doit développer
des stratégies pour être reconnue comme les autres » (Mercier, 2004).
La logique d’adaptation est centrée sur la situation de handicap quand le système
doit s’adapter à l’élève handicapé. Pour Mercier, l’inclusion est le « processus
dialectique où d’un côté la personne en situation de handicap cherche à s’adapter le
plus possible aux normes sociales, et de l’autre, les normes sociales s’adaptent pour
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
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accepter les différences : développement de stratégies par lesquelles chaque
population, avec ses spécificités, devrait trouver sa place » (Mercier, 2004).
Cependant le terme « intégration » peut recouvrir des réalités relativement
différentes, allant de l’intégration individuelle dans une classe ordinaire pour un
temps plus ou moins variable à l’intégration collective dans une classe spéciale,
dans un établissement ordinaire entrainant une participation plus ou moins
importante à la vie sociale et scolaire de cet établissement.
1.6.2. Evolution de la notion d’intégration scolaire
L’intégration fait partie d’un tout et peut se réaliser à différents niveaux. Soit
l’intégration physique qui se résume à vivre parmi les autres, soit l’intégration
fonctionnelle qui implique en plus l’utilisation des installations et services publics,
ou encore l’intégration sociale, c'est-à-dire se percevoir et être perçu comme faisant
partie d’un contexte social et enfin l’intégration sociétale ou encore pouvoir exercer
des responsabilités, participer à l’activité d’association. L’introduction du guide « à
l’appui des écoles favorisant l’inclusion », de l’association Education, Citoyenneté et
Jeunesse Manitoba commence par définir l’inclusion comme « constituant une façon
de penser et d’agir qui permet à chaque personne de se sentir acceptée, appréciée et
en sécurité. Une collectivité qui favorise l’inclusion est elle-même dynamique et
évolue au rythme des besoins changeants de ses membres. En reconnaissant les
besoins de ceux-ci et en leur offrant l’appui nécessaire une collectivité inclusive
assure à ses membres l’occasion de jouer un rôle pertinent et l’égalité d’accès aux
avantages qui leur reviennent à titre de citoyens ». Ainsi l’intégration scolaire se
trouve au croisement des différentes intégrations physique, fonctionnelle, sociale et
sociétale. Dans cette optique l’étude des conditions d’intégration d’élèves déficients
intellectuels et le regard posé par les enseignants sur leurs besoins semblent
primordiaux pour réussir une intégration avec un « i » majuscule.
Pour Charles Gardou, le préalable à l’inclusion scolaire est sans nul doute « la
pleine et entière reconnaissance de la variabilité individuelle des enfants touchés par
une déficience » (Gardou, 2006), sans omettre que l’inclusion scolaire c’est aussi
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
23
« L’entrecroisement des regards et des compétences » (Gardou, 2006). Autrement
dit, par inclusion scolaire nous entendons tout ce qui favorise les interactions entre
les parents, les enseignants et tous les intervenants scolaires, de manière à satisfaire
les besoins particuliers des jeunes et à leur fournir un environnement favorisant leur
épanouissement. Pour Maurice Capul et Michel Lemay, le sens de l’éducation c’est
de « modifier des interactions entre la personne et son environnement afin de
réaliser des changements appréciables en fonction d’une certain vision adaptive »
(Capul & Lemay, 1996).
Les lois et les textes réglementaires traduisent l’évolution des mœurs et des
mentalités et en donnent une photographie à un moment donné.
Les deux lois de 1975 ont profondément et durablement déterminé les politiques
sociales en direction des personnes handicapées jusqu’à leurs réformes en 2002 et
2005. Le recours à un vocable moins discriminatoire après d’autres dénominations
comme « infirme, inadapté, incapable, invalide » est officialisé avec la loi
d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 et entre dans le
langage courant. En changeant de vocabulaire, la société cherche à supprimer les
connotations négatives et stigmatisantes mais aussi à ancrer le handicap dans le
social. Ainsi le terme handicapé/handicap est utilisé indifféremment dans le champ
médical et sert à désigner des personnes souffrant d’incapacités et/ou de déficiences,
et dans le champ social pour spécifier le niveau de contraintes, de difficultés ou de
désavantages.
La loi de 1975 pose la question centrale de savoir s’il faut désigner les handicapés
pour les conduire à imiter les bien-portants. La loi disait ce qu’il fallait « pour » les
handicapés mais n’évoquait pas encore véritablement leurs droits. Or, une des
lacunes marquantes de la loi de 1975 est de ne pas parler d’intégration scolaire.
Dans le même ordre d’idée, la loi d’orientation et d’éducation du 10 juillet 1989
complétant celle de 1975, exige le remplacement, dans tous les textes officiels et
administratifs, de l’expression « débile mental » par celle de « déficient
intellectuel ». Elle affirme avec vigueur des droits essentiels pour intégrer les
enfants en situation de handicap à l’école.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
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La loi de janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, en réaffirmant la
place centrale de l’usager, a permis de passer d’une logique d’institution à une
logique fondée sur les besoins de la personne.
La loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées » définitivement adoptée le 11 février 2005 a mis au
premier plan la compensation du handicap, l’accessibilité pour tous ainsi que la
scolarisation des enfants et adolescents handicapés.
1.6.3. La recherche aujourd’hui
En évoquant les effets de l’intégration observés à l’occasion de nombreuses
recherches il est possible de dépasser le niveau des simples convictions.
Il persiste cependant, une certaine difficulté à tirer des conclusions nettes en regard
de résultats pouvant être contradictoires. Ionesecu et Bouteyre (2005) apportent
quelques explications d’ordre méthodologique : une diversité des populations
étudiées ainsi qu’une diversité des dispositifs d’intégration.
2. Les textes actuels et les dispositifs
2.1. La loi du 11 février 2005
La Loi du 11 février 2005 constitue une véritable rupture avec une nouvelle
conception du handicap et de la personne handicapée : une approche individualisée
où la personne est au cœur du dispositif, avec des notions de projet de vie et de choix
de vie ainsi que la mise en évidence du principe d’écoute, d’accompagnement et de
consultation de la personne en situation de handicap.
La loi du 11 février 2005 prévoit un dispositif en six points :
- L’augmentation des ressources,
- Le droit à compensation,
- L’accessibilité proclamée,
- La scolarisation affirmée comportant
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
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o La substitution d’une « obligation de scolarité » à une notion
d’intégration scolaire.
o L’Inscription de principe dans l’établissement scolaire le plus proche
du domicile.
o L’Evaluation régulière par une équipe pluri-disciplinaire.
o L’importance reconnue de l’initiative et de la volonté des parents et
du jeune.
o Le rôle pivot de l’enseignant référant.
- L’insertion professionnelle.
- L’affirmation d’une standardisation des normes d’accessibilité, à la
citoyenneté, à la culture et aux médias.
La loi s'appuie sur le principe de libre choix de projet de vie. Elle insiste sur l'accueil
de la personne handicapée dans un cadre ordinaire de vie. L'intégration scolaire est
donc à nouveau affirmée comme prioritaire.
Pour Guy Geoffroy, député chargé du rapport sur l’intégration scolaire des enfants
handicapés, remis le 29 septembre 2005 à Gilles de Robien alors ministre de
l’éducation : « Avant la loi du 11 février 2005, l’intégration scolaire des enfants en
situation de handicap était l’exception. L’inscription à l’école de quartier leur ouvre
la porte soit de l’école ordinaire, soit d’un institut médico éducatif. Chacun bénéficie
de la définition de son projet personnalisé de scolarité. Ce n’est plus à l’enfant
handicapé de s’adapter, mais bien à l’éducation nationale ».
Une des nouveautés de la loi de 2005 est sans nul doute de parler de scolarisation
plutôt que d’intégration scolaire. Pour Serge Ebersold c’est important car cela
marque un virage « parce qu’à partir du moment où l’on parle de scolarisation, on
admet que l’école n’est plus une fin en soi mais un moyen ». (Ebersold, 2006).
La loi du 11 février 2005 est l'une des principales lois sur les droits des personnes en
situation de handicap depuis la loi de 1975. Dans les premières lignes elle donne la
définition suivante : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute
limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
26
environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou
définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives
ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. » .
Pourtant tout n’est pas encore fait ; ainsi Jean-Christophe Parisot raconte que
« durant une nuit de débat au Sénat, la haute assemblée a voté un texte écartant les
élèves handicapés « qui présentent un trouble à la communauté éducative ».
(Parisot, 2008). Commentant cet événement, il affirme que « le surgissement de cet
amendement traduit cette peur d’un autre âge et montre la difficulté d’intégrer la
différence ». Ainsi le texte législatif ne fera pas tout, il faudra la volonté des
établissements, des acteurs sociaux et des familles elles-mêmes pour que sa mise en
œuvre constitue un réel avancement pour les élèves porteurs de handicap.
Cette loi se fixe pour objectif d’une part, d’améliorer la participation sociale de tous
les élèves en situation de handicap mais aussi de rechercher des effets positifs chez
tous les élèves en terme de participation citoyenne, sachant que les attitudes
négatives des pairs sont un frein à une pleine intégration sociale. Pourtant avec la loi
de 2005 « la question n’est plus : l’école doit-elle accepter tel ou tel enfant ? Mais que
doit-elle faire par elle-même ou en collaboration avec d’autres partenaires, avec
d’autres institutions, pour offrir à chaque enfant les modalités de scolarisation les plus
propices à son développement, fût-il entravé par un handicap sévère. » (Jeanne, 2008).
Même imparfaite, cette loi « contient en germe la promesse d’évoluer vers une école qui
d’intégrative (et donc sélective, dans laquelle on choisit qui l’on veut intégrer)
deviendrait inclusive, ouverte sur toutes les diversités. Cette promesse est attendue par
les parents comme par les enfants puisqu’elle apporte l’espoir qu’enfin les enfants
porteurs de handicap entrent dans le commun et soient reconnus comme n’importe quel
enfant. » (Jeanne, 2008).
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
27
3. Terrain d’observation
Nous nous intéresserons donc à ces élèves en situation de handicap, à la fois
adolescents et porteurs de déficiences intellectuelles. Certains d’entre eux peuvent
être intégrés dans des établissements ordinaires, par petites unités que l’on nomme
UPI, Unité Pédagogique d’Intégration. Ils sont généralement peu nombreux, au
milieu de beaucoup d’autres. Ils sont semblables et différents à la fois. Notre
recherche tentera d’analyser, dans un premier temps, les effets de leur rencontre sur
les enseignants, puis sur leurs pairs. Nos représentations se trouvent-elles modifiées
par ces rencontres ? Les représentations du métier d’enseignant évoluent-elles en
fonction des échanges, des questionnements et des adaptations pédagogiques
nécessaires à leur apprentissage ?
3.1. Adolescence et problématique identitaire
Ces enfants sont semblables parce que pour eux aussi, l’adolescence est un âge
intermédiaire et incertain qui correspond à une période de croissance. Elle est
caractérisée principalement par le phénomène pubertaire et la découverte de la
sexualité. L’adolescent devient fragile sur le plan émotionnel et plus vulnérable à
toutes les influences du monde qui l’entoure.
Mais l'aspect spécifique de l'adolescence est la problématique identitaire. Le sujet
n'est plus un enfant, mais pas encore un adulte. Il cherche à rejeter les facteurs qui
caractérisaient son enfance et à se rapprocher, se conformer à ceux qui représentent
l'indépendance et l'affirmation de l'adulte.
Il remet en cause les normes et les conventions de sa famille, alors que cela l'aidait
jusqu’alors à se repérer, à se définir et à se sécuriser, pour s'identifier à des modèles
idéaux. « La crise normale de l'adolescence » correspond à ce passage d'un équilibre
socio-affectif acquis , à un autre équilibre, non encore atteint mais surinvesti, le
passage d'une identité sécurisante mais devenue caduque à la suite des maturations
physiologiques, à une nouvelle identité d'adulte, valorisée mais encore difficile à
assumer pleinement. L'enjeu de cette quête identitaire est double : à la fois, choisir
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
28
des modèles à imiter pour définir une nouvelle image de soi, et les tester puis
affirmer auprès, non plus des seuls parents, mais des jeunes du même âge, ces
identifications et prises de position personnelles, comme les modifications de
l'apparence physique, sans que cela ne réduise les capacités du sujet à aimer et à être
aimé.
Cependant pour un jeune handicapé, à la « crise d’adolescence » classique vient
s’ajouter la déficience plus ou moins sévère de son état. Quelle que soit la maladie ou
le handicap, les jeunes font l’expérience douloureuse de leurs limites au moment de
quitter l’enfance. A la recherche identitaire de l’adolescent et aux difficultés qu’elle
engendre s’ajoute la souffrance liée au handicap. La blessure de l’image de soi est
une source de fragilité, de dévalorisation et d’incertitude : la crise sera d’autant plus
douloureuse que l’adolescent pourra conscientiser l’étendue de son handicap et les
conséquences en termes d’autonomie et d’intégration. Si la prise de conscience du
handicap est particulièrement douloureuse à l’adolescence, elle n’est pas un
événement qui a un début et une fin. Toute l’existence est ponctuée de ces moments
pour avancer mais c’est la confrontation au regard des autres qui pose la question du
« pourquoi moi ? ».
« Les hommes ne se sont jamais bien accommodés de ce qui leur apparait difforme,
raté, cassé. Parce qu’ils n’ont jamais su qui était fautif. » (Stiker, 2005). Alors que
l’image corporelle est déjà complexe chez l’adolescent, une des difficultés dans la
rencontre des adolescents concerne l’approche du corps handicapé.
Pour Gardou « comprendre l’autre différent, c’est d’abord s’appréhender soi-même,
tenter de s’analyser, conduire une introspection, se reconsidérer et exiger de soi une
adaptation » (Gardou, 2006), alors comment et jusqu’où l’intégration de jeunes
déficients intellectuels dans nos établissements scolaires peut-elle modifier les
représentations du handicap des adolescents ordinaires qui les côtoient et celles de
leurs enseignants, en sachant que « les invalides sont pour les valides un rappel
vivant et permanent du fait que la société dans laquelle ils vivent est minée par
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
l’iniquité et la souffrance, qu’ils habitent un paradis fallacieux, qu’ils sont eux aussi
vulnérables. » (Murphy, 1990).
L’étude s’appuiera sur le
repris par Jodelet et Abric,
3.2. Les dispositifs de scolarisation
3.3. Unité Pédagogique d’Intégration
La circulaire n°2001-035 du 21 février 2001 portant sur la scolarisation des élèves
handicapés dans les établissements du second degré pose le cadre de l’UPI en
définissant le profil de l’élève qui «
d’assumer les contraintes et l
la vie au collège, et de disposer d’une capacité de communication compatible avec
les enseignements scolaires, les situations de vie et d’éducation collectives. Il est en
outre indispensable de concevoir u
proches, afin d’assurer les meilleures conditions de fonctionnement et d’efficacité
pédagogique de l’UPI ».
3.3.1. UPI , dispositif collectif
L’UPI est un dispositif collectif de scolarisation en milieu ordinaire qui
objectif d’assurer la continuité de la s
et la souffrance, qu’ils habitent un paradis fallacieux, qu’ils sont eux aussi
(Murphy, 1990).
sur les concepts de la représentation sociale d’après Moscovici,
repris par Jodelet et Abric, et de l’inclusion scolaire selon Gardou.
Les dispositifs de scolarisation
Unité Pédagogique d’Intégration
035 du 21 février 2001 portant sur la scolarisation des élèves
handicapés dans les établissements du second degré pose le cadre de l’UPI en
définissant le profil de l’élève qui « … en règle générale, doit être capable
d’assumer les contraintes et les exigences minimales de comportement qu’implique
la vie au collège, et de disposer d’une capacité de communication compatible avec
les enseignements scolaires, les situations de vie et d’éducation collectives. Il est en
outre indispensable de concevoir une classe dont les besoins sont suffisamment
proches, afin d’assurer les meilleures conditions de fonctionnement et d’efficacité
».
dispositif collectif
L’UPI est un dispositif collectif de scolarisation en milieu ordinaire qui
objectif d’assurer la continuité de la scolarisation d’élèves porteurs de handicap
29
et la souffrance, qu’ils habitent un paradis fallacieux, qu’ils sont eux aussi
’après Moscovici,
035 du 21 février 2001 portant sur la scolarisation des élèves
handicapés dans les établissements du second degré pose le cadre de l’UPI en
en règle générale, doit être capable
es exigences minimales de comportement qu’implique
la vie au collège, et de disposer d’une capacité de communication compatible avec
les enseignements scolaires, les situations de vie et d’éducation collectives. Il est en
ne classe dont les besoins sont suffisamment
proches, afin d’assurer les meilleures conditions de fonctionnement et d’efficacité
L’UPI est un dispositif collectif de scolarisation en milieu ordinaire qui a pour
colarisation d’élèves porteurs de handicap dans
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
30
le second degré. Le dispositif propose un parcours fondé sur un Projet Personnalisé
de Scolarisation, P.P.S.
3.3.2. L’UPI répond à des besoins particuliers
L’UPI répond à des besoins particuliers d’élèves en situation de handicap, ou de
maladie invalidante, entrainant des troubles importants des fonctions cognitives
(TIFC). Les élèves de l’UPI sont des collégiens à même de se soumettre aux
obligations définies par le règlement intérieur de l’établissement.
3.3.3. L’UPI s’inscrit dans le projet d’établissement
Son fonctionnement s’inscrit dans le projet d’établissement. C’est un dispositif
ouvert qui implique une alternance entre des phases de regroupement et des phases
de participation à des activités dans des classes ordinaires.
3.3.4. Les contenus d’enseignement en UPI
Le parcours scolaire en UPI peut durer entre deux et quatre ans selon le projet
personnalisé de scolarisation de l’élève et le moment d’arrivée dans le dispositif. Les
contenus d’enseignement sont définis en référence au socle commun de
connaissances et de compétences en tenant compte des acquis et des difficultés de
chaque jeune. Cela entraîne une diversité des projets en fonction des compétences et
des besoins de chacun. A partir de 14 ans, les élèves bénéficient de stages de
découverte professionnelle.
3.3.5. Un avenir après l’UPI
L’UPI collège peut être un « sas » avant une réorientation vers d’autres structures
spécialisées ou scolaires. Les modalités sont étudiées en équipe en tenant compte des
projets, des possibilités et des besoins des jeunes. Des orientations en SEGPA,
Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté, ou en IME, Institut
médico-éducatif, voire en classe ordinaire peuvent être proposées. Cette orientation
peut intervenir à tout moment dans les quatre années du cursus collège en fonction
du projet personnalisé.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
31
Notons que deux cents Unités Pédagogiques d’Intégration ont été ouvertes à la
rentrée 2007 et que le dispositif devrait attendre deux mille UPI à l’horizon de la
rentrée 2010. Jean-Christophe Parisot, dans son livre « Le handicap, une chance pour
l’école » indique qu’en 2008, 155 000 élèves handicapés sont scolarisés en milieu
ordinaire, ce qui représente 1,9% des élèves.
3.3.6. Evolution et points forts
Depuis 1995, l'UPI (unité pédagogique d'intégration) est un dispositif qui permet,
dans le second degré, l'intégration pédagogique des élèves de 11 à 16 ans porteurs de
handicap. En réalité la circulaire de 1995 confirmait l’ouverture de classes spéciales
ouvertes dans le prolongement naturel des CLIS (Classe d’intégration scolaire). Les
classes restaient cependant « expérimentales ». L’ambition est alors de favoriser « la
participation la plus fréquente possible des jeunes élèves intégrés aux activités des
autres classes du collège ».
La circulaire de 2001, en se substituant à la précédente tout en la reprenant pour
l’essentiel, vise surtout à la réactiver. Elle n’étend le dispositif précédemment
applicable qu’aux élèves présentant différentes formes de handicap mental, aux
jeunes handicapés sensoriels ou moteurs.
L'UPI est donc une structure de collège ou de lycée où elles sont plus rares. Son
projet intégratif se doit d’être inscrit dans le projet d'établissement, ce qui le rend
d’autant plus visible à l’ensemble des intervenants des établissements et permet de
fonctionner selon des liens de solidarité grâce aux diverses formes de collaboration :
regroupement des élèves pour les enseignements les plus instrumentaux, intégration
en classe ordinaire pour certaines activités, stages d’observation en entreprise.
L'intervention des professeurs qui accueillent les élèves de l'UPI se fait avec les
professeurs volontaires, dans le cadre de moyens spécifiques attribués dans la
dotation globale de l'établissement. La progression optimale d'un élève d'UPI ne
peut être assurée par l'école seule, mais implique que ce dernier puisse bénéficier
d'accompagnement éducatif, rééducatif et/ou thérapeutique complémentaire.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
32
Le dispositif se veut souple et permet l’intégration d’adolescents qui n’auraient pas
accès à l’éducation secondaire ordinaire si un dispositif d’ « intégration collective »
n’était pas mis en œuvre.
3.4. Histoire et projet affiché de l’UPI observée
Si « le handicap, ça commence par des contraintes, ça se poursuit par des
découvertes. Et ça devient des valeurs individuelles. » (Parisot, 2008), il n’en reste
pas moins que le handicap intellectuel semble plus difficile à appréhender que le
handicap moteur ou le handicap sensoriel. En ce sens le projet de Saint Dominique
de créer, dès 1982, à l’initiative de parents d’élèves handicapés mentaux de l’école
primaire Lamazou (Paris XVIe) une première « classe intégrée » au sein du collège,
afin de permettre aux adolescents de 12 ans et plus de poursuivre leur intégration en
milieu scolaire ordinaire était novateur. En 1984 une seconde classe est ouverte pour
accueillir des élèves âgés de 14 à 17 ans. Elles sont devenues UPI en 2003 avec la
spécificité de recevoir des jeunes présentant des troubles des fonctions cognitives.
Ces classes qui ne recevaient initialement que des filles porteuses de trisomie,
deviennent mixtes et pluri handicap à partir de 2005. Ce dispositif a pour objectif,
commun à tous les collégiens, « le développement optimal des capacités cognitives,
de l’efficience scolaire, de la sensibilité, du sens de la coopération, de la solidarité et
du civisme ».
Les élèves accueillis sont principalement issus des CLIS 1, Classe d’Intégration
Scolaire pour enfants atteints d’un handicap mental.
Pour l’année 2008/2009 : sept garçons et huit filles entre douze et seize ans
forment le groupe des élèves de l’UPI. Les élèves sont répartis sur deux niveaux de
classe. Sept élèves de niveau 1 et huit de niveau 2 soit quinze élèves pour cette
année scolaire. Cinq sont rattachés aux classes de 6e et dix aux classes de 5e. Un des
enfants présentant des troubles sévères n’est accueilli qu’à mi-temps. Si les classes
de 6e et 5e sont plutôt homogènes, les classes UPI sont elles fortement hétérogènes
non seulement en terme d’âge mais aussi de niveau scolaire, comme de handicaps.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
33
Cet accueil a deux objectifs principaux :
L’intégration, qui consiste à permettre à ces élèves porteurs d’une déficience de
participer dans la mesure du possible à des activités communes avec des jeunes de
leur âge et à favoriser leur accession à un meilleur degré d’autonomie pour
contribuer ainsi à leur épanouissement.
Une formation générale consistant à développer des savoirs et des savoir-faire en
référence aux apprentissages fondamentaux.
Nous retrouvons la description de ces engagements dans la publication annuelle de
l’établissement.
3.4.1. Objectifs généraux
Au-delà de la simple socialisation, cette intégration vise à permettre à chaque élève
quelle que soit la nature de son handicap de poursuivre des apprentissages scolaires
au niveau le plus avancé.
Mais aussi à :
- Réaliser l’intégration d’élèves handicapés et développer de façon optimale
leur personnalité.
- Encourager leur participation à la vie du collège.
- Promouvoir le respect de l’autre et de ses différences, la solidarité et le
civisme.
- Continuer à parfaire l’autonomie de ces jeunes dans la conduite de leur vie
sociale en leur apprenant à établir des relations avec les autres collégiens.
- Apprendre à respecter les règles de vie en collectivité.
3.4.2. Objectifs pédagogiques
Il s’agit de développer et d’améliorer les compétences de chaque élève au travers de
domaines disciplinaires en liaison avec les priorités de la vie quotidienne. Ainsi, il
s’agira comme le rappellent Toubert et Liégeois de mobiliser l’intelligence. Elles
définissent l’intelligence comme étant « cette faculté à s’adapter à partir d’aptitudes
diverses, à un environnement, capacité d’adaptation à des situations nouvelles,
capacité de modification de soi-même, de ses comportements, de ses idées, face à
une situation nouvelle. Dans le cas de la déficience intellectuelle, les capacités de
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
34
base pour traiter la réalité sont limitées (système mnésique, perceptif, attentionnel)
mais elles existent. Il y a reconnaissance d’un potentiel, le problème réside dans sa
mobilisation. » (Toubert & Liégeois, 2008)
o La communication et la maitrise de la langue sont au centre du projet de
classe. L’initiation à la langue écrite vise à compléter les acquisitions
linguistiques, améliorer les compétences fonctionnelles en regard des
informations contenues dans les textes et les images.
o En mathématiques sont développées les activités logiques, compter, calculer,
mesurer, résoudre.
o Dans le cadre de la découverte de l’environnement le projet est de leur faire
appréhender le monde, celui des objets et de la vie, comme de les initier à la
culture environnante.
Pour réaliser ces objectifs, outre un enseignant spécialisé, sont associés au projet des
professeurs de mathématiques, des professeurs de français, pour poésie, théâtre et
maitrise de la langue, des professeurs d’EPS, pour le développement corporel, un
professeur d’arts plastiques et un de musique, des professeurs de sciences, tous par
ailleurs enseignent au collège dans les classes ordinaires.
A ces temps variés en groupe s’ajoutent des temps d’intégration en classe ordinaire
dans la mesure des compétences et des aspirations des jeunes.
3.5. La différence comme projet d’établissement
Pour pouvoir parler d’intégration, peut-être faut-il avant tout que ces classes
s’inscrivent véritablement dans un projet d’établissement. La « différence » comme
projet d’établissement permettrait la modification des représentations du handicap
chez les enseignants dans la mesure où la confrontation deviendrait à la fois
quotidienne et ordinaire, mais encore faut-il que cette rencontre ait lieu : « il y a
inclusion lorsqu’une organisation sociale se fait flexible et modifie son
fonctionnement » (Gardou, 2005).
« L’inclusion n’est pas de l’ordre d’une nécessité liée au seul handicap : elle relève
de l’investissement global et suppose un processus de profonde mutation culturelle
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
35
(…). L’école en constitue le socle. ». (Gardou, 2005). C’est à ce titre que l’étude des
modifications des représentations du handicap, dans un premier temps chez l’adulte
enseignant, et dans une seconde enquête chez l’adolescent, nous semble capitale afin
de comprendre les ressorts d’une mutation culturelle.
4. Conclusion
Dans cette enquête, nous tenterons de comparer les représentations du handicap
chez les enseignants selon leurs contacts avec ces jeunes déficients intellectuels,
intégrés ou non, dans leur structure d’enseignement.
Un groupe minoritaire, regroupé dans une unité d’enseignement spécifique, est-il
suffisant pour modifier sensiblement les représentations du handicap des
enseignants ?
Dans quelle mesure l’intégration partielle des jeunes dans certaines activités de
classes ordinaires influence-t-elle les représentations des enseignants, dés lors qu’ils
sont réellement impliqués dans l’éducation de ces adolescents déficients
intellectuels ? La mission d'intégration des U.P.I conduit à rechercher la participation
la plus active et la plus fréquente possible des jeunes élèves intégrés aux activités des
autres classes du collège. Leurs objectifs prioritaires sont, d'une part, de scolariser
ces élèves, même très partiellement, dans des classes ordinaires (intégration scolaire),
d'autre part, de les faire participer le plus possible à la vie de la communauté scolaire
( intégration sociale).
Après avoir traité de la théorie que nous mettrons en lien avec notre sujet d’étude,
nous allons dans le chapitre suivant, expliquer comment nous nous y prendrons
concrètement pour atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
36
PARTIE 2
1. Méthodologie de recueil des représentations du handicap
1.1. .Introduction
Parce que la communication est au cœur du processus de formation des
représentations sociales (Moscovici, 1976), les techniques de recueil de données de
ces représentations sont généralement qualitatives.
Si l’on s’accorde sur le fait que l’analyse de contenu se réfère à la représentation
sociale et au discours, alors l’analyse de contenu d’entretiens peut nous aider à faire
l’analyse de la représentation sociale.
Pour Abric l’étude des représentations sociales nécessite une approche multi-
méthodologique dans la mesure où l’utilisation des méthodes doit avoir un triple
objectif qui vise « à repérer et à faire émerger les éléments constitutifs de la
représentation, et d’autre part à connaitre l’organisation de ces éléments et à
repérer le noyau central de la représentation. » (Abric, 1994).
Les principaux concepts théoriques posés, l’hypothèse élaborée, il est important de
passer à la présentation de la démarche méthodologique de recueils des données,
avant de terminer par l’analyse des résultats.
L’outil de recueil de données utilisé dans cette étude est l’entretien de recherche.
Nous avons procédé par entretiens semi-directifs auprès de huit enseignants de deux
établissements, quatre dans chacun des établissements, en nous appuyant sur un
guide d’entretien détaillé. (cf. annexe 2)
1.2. L’échantillonnage
« Le mot « échantillon » peut prendre une double signification, au sens strict il
désigne le résultat d’une démarche visant à prélever une partie d’un tout bien
déterminé ; au sens large, il désigne le résultat de n’importe quelle opération visant
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
37
à constituer le corpus empirique d’une recherche. » (Pires, 1997). C’est donc au sens
large qu’il faut l’entendre ici.
Le choix s’est porté sur des enseignants exerçant leur activité pour moitié dans un
établissement accueillant (« avec ») une UPI et pour une autre moitié dans un
établissement « sans » accueil d’élèves porteurs de handicap dans un dispositif
particulier, ce qui n’exclut pas, comme nous le verrons, l’accueil individuel. Nous
avons pris soin de choisir deux établissements accueillant d’autre part une population
identique, soit deux établissements de la région parisienne, cité scolaire d’environ
deux mille élèves issus de catégories socio-professionnelles aisées. Les interlocuteurs
ont été sélectionnés pour être, autant que possible, représentatifs des différentes
disciplines enseignée dans l’enseignement secondaire.
Etant donnés les moyens à disposition pour cette étude : le temps imparti, la
disponibilité des personnes contactées et la technique d’enquête retenue, nous avons
restreint l’échantillon à huit personnes. Nous retiendrons que dans le contexte
enseignant fortement féminin, nous avons cependant pu intégrer trois enseignants
masculins à notre échantillon.
Les quatre premiers interviewés enseignent au sein de l’établissement où nous
exerçons. Ils ont été approchés lors de moments privilégiés en salle des professeurs
ou encore pendant le temps de repas. C’est dans ce cadre informel que la demande
leur a été formulée. Les quatre personnes pressenties ont aimablement accepté de se
plier à l’exercice, en exprimant toutefois quelques craintes, en particulier celle de ne
pas savoir répondre. Le fait de travailler dans l’établissement et donc d’être en lien
quotidien avec les enseignants interrogés représente un premier obstacle à notre
enquête.
Les quatre autres personnes enseignent dans un établissement dont le chef
d’établissement nous est connu. Nous lui avons adressé un e-mail de présentation
afin d’exposer notre demande et lui permettre de la relayer auprès d’enseignants
qu’elle a elle-même choisis sur des critères qui ne nous ont pas été transmis mais
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38
dont nous peuvons imaginer que le principal était un intérêt pour le sujet, ce qui
représente un second biais à notre étude.
Caractéristiques de la population interrogée
Hommes Femmes Total
STDO NDS STDO NDS
Lettres Peu expérimenté 1 1
Expérimenté
Langues vivantes Peu expérimenté 1 1
Expérimenté 1 1
Histoire géographie Peu expérimenté 1 1
Expérimenté
Matières littéraires 1 1 1 1 4
Mathématiques Peu expérimenté
Expérimenté 1 1
Physique Peu expérimenté 1 1
Expérimenté 1 1
Matières scientifiques 1 1 1 3
EPS Peu expérimenté
Expérimenté 1 1
Matières artistiques et sportives 1 1
TOTAL 2 1 2 3 8
Le nombre restreint de personnes consultées ainsi que les modalités de sélection
appellent à une certaine prudence dans l’interprétation des résultats. Notre but n’était
pas de faire ressortir des points de vue dominants, mais de montrer leur variété dans
un milieu donné, c’est pourquoi nous avons opté pour une démarche qualitative qui
nous permette, sans avoir recours à des méthodes statistiques, d’identifier au-delà
d’un discours convenu et sans prétendre à l’exhaustivité, les mécanismes de
représentations du handicap.
1.3. L’entretien
Le but de l’entretien est de recueillir les représentations du handicap intellectuel
d’adolescents chez des enseignants ayant été en contact ou non avec des jeunes
porteurs de ce ou de ces handicaps. Dans un premier temps et en leur qualité de
représentants du corps enseignant, les questions ont été posées à un professeur de
lettres classiques et à un professeur de mathématiques par ailleurs chef
d’établissement.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
39
Les entretiens effectués pour cette recherche sont semi-directifs. Ils doivent nous
permettre de dégager des propos de l’interviewé certaines représentations du
handicap. Cette méthode de recueil de données verbales à partir d’un discours
linéaire permet aux personnes interrogées de structurer elles-mêmes leur pensée dans
un cadre légèrement contenant et formalisé par un guide d’entretien.
1.3.1. L’entretien exploratoire
Après une première présentation de notre question de recherche, il nous a fallu
aborder une nouvelle étape : l’exploration.
Nous avons effectué un entretien exploratoire auprès d’une enseignante très investie
dans le projet UPI de l’établissement, dans le but de compléter nos lectures. Le
contenu de cet entretien sera utilisé comme nouvelle source d’informations visant
non pas à confirmer nos idées mais à recueillir de nouvelles informations sur le sujet
quitte à remettre en question nos premières opinions. Cet entretien non, ou peu
directif a permis de faire émerger certaines représentations qui ont ensuite été
reprises comme pistes de recherches dans le guide d’entretien. Un tableau
d’inventaire et d’identification des thèmes émergents est proposé en Annexe 1.
1.3.2. Le guide d’entretien
Le guide d’entretien est une grille thématique portant sur les énoncés et les contenus.
C’est un support à l’entretien semi-directif. Il doit rester suffisamment souple pour
pouvoir évoluer en fonction de l’avancement de l’enquête et laisser aux interviewés
la possibilité de développer un discours détaillé et précis sur leurs opinions, leurs
perceptions et leurs pratiques. L’enquêteur pourra rebondir sur les propos livrés par
l’enquêté et l’inciter à l’aide de relances pertinentes à parler davantage ou plus
précisément afin de mettre à jour les mécanismes et les raisonnements derrière les
opinions et comportements. Le guide d’entretien revient à un « cahier des charges »
des thèmes à aborder lors d’un entretien, il ne doit en aucun cas être autoritaire.
A travers les questions servant de guide d’entretien, nous cherchons à savoir
comment se construisent les représentations du handicap de l’adolescent chez les
enseignants et si la présence d’une Unité Pédagogique d’Intégration (UPI) influence
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
40
la transformation des opinions et des attitudes des adultes enseignants, dans le cadre
de leur métier.
Au cours de l’entretien tous les items présentés devront être abordés, l’ordre n’ayant
pas d’importance, sauf pour la première question qui permet une entrée dans le sujet
et fera l’objet d’une analyse distincte.
Le guide couvre les thématiques suivantes :
o La notion de handicap : l’objectif est, à partir de l’énoncé de mots
définissant le handicap, de déterminer quels sont les éléments de la déficience
que les acteurs identifient et comment ils se situent par rapport à ceux-ci.
o La situation d’intégration en interrogeant les interlocuteurs sur leurs
expériences d’intégrations, le but est d’identifier et de caractériser
l’importance que les enseignants accordent à la prise en compte du handicap.
o Les apprentissages, en leur demandant de décrire ce qu’ils observent et les
raisons des évolutions, on attend qu’ils fassent état de leurs expériences en
même temps qu’ils nous renseignent sur leurs attitudes vis-à-vis du handicap.
o La situation des enseignants : cette thématique cherche à évaluer les
moyens dont ils disposent ou souhaitent disposer pour une gestion durable du
handicap dans l’établissement où ils exercent.
o La place de l’institution : il s’agit de déterminer si l’implication de la
direction, le soutien des équipes pédagogiques ou encore le projet
d’établissement explicite ont une influence sur les représentations des
enseignants.
Les questions du guide sont présentées en annexe 2, en correspondance avec ce que
nous cherchons, ce qui permet d’expliciter les notions utilisées et le contenu
recherché.
1.3.3. L’entretien test du guide
Une pré-enquête a permis d’optimiser le guide d’entretien, et d’en tester la validité.
Une question jugée trop complexe par les deux premiers enseignants ayant répondu a
été reformulée. Deux questions sur la prise en charge scolaire des élèves déficients
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
41
intellectuels ont émergé alors qu’elles n’avaient pas été préalablement définies. Elles
sont donc reprises dans le guide d’entretien définitif. A la lecture des réponses
obtenues, l’objectif de la recherche a pu être affiné et centré sur les représentations
du handicap des enseignants dans le cadre de leur métier, notamment autour des
notions de crainte, de patience ou encore celle de formation.
1.3.4. Les conditions des entretiens
Le but de notre enquête étant de recueillir des informations qualitatives sur les
représentations du handicap, nous avons choisi l’entretien de type semi-directif. Il
doit permettre de dégager des propos de l’interviewé, certaines représentations du
handicap de l’adolescent.
Les entretiens se sont déroulés entre les mois de décembre 2008 et mars 2009.
Les entretiens réalisés auprès d’enseignants de Saint Dominique se sont déroulés
dans notre bureau en ayant pris soin de couper le téléphone et de fermer la porte. Les
entretiens réalisés dans l’établissement Notre Dame de Sion l’ont été dans une petite
salle mise à notre disposition à cet effet. La durée moyenne d’une entrevue a été de
50 minutes, la durée maximum étant d’une heure du fait des obligations de cours des
enseignants. Les entretiens ont été menés selon la méthode empathique qui « consiste
à comprendre le système de valeurs de la personne interrogée et à y adhérer (sans
excès), pour libérer les propos et renforcer le caractère de sincérité » (Kaufmann
1999). Les huit entretiens ont été enregistrés sur bande magnétique avec l’accord des
personnes interrogées. L’échange a été ensuite intégralement saisi dans un logiciel de
traitement de texte courant, en vue de faciliter l’exploitation des données.
Le traitement des données a été fait par analyse de contenu catégorielle, par étapes
successives en passant au crible chaque retranscription, ligne par ligne, afin de
répertorier les unités sémantiques significatives du discours de chaque enseignant
interrogé. Dans une seconde étape, les unités sémantiques ont été classées dans
chacune des thématiques de recherche du guide d’entretien.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
42
1.4. L’analyse de contenu
De l’analyse de ce premier recueil de données, nous confirmerons ou non nos
hypothèses de départ, la principale étant que le partage des activités permet de faire
évoluer le regard, et notamment ce sentiment de peur ressentie par les adultes comme
par les enfants, face au handicap, avec en toile de fond l’interrogation du passage de
l’intégration qui accepte à l’inclusion qui modifie.
1.4.1. L’analyse de contenu en sciences humaines
L’analyse de contenu vient des Etat Unis où elle a émergé au début du XXème
siècle. Elle était principalement utilisée pour l’analyse de journaux intimes, de
lettres, de rapports officiels, ou encore d’articles de presse.
En France elle apparaît dans les années 50 dans le manuel de la Sociologie de
Cuvellier qui n’utilise pas encore le terme mais où il est écrit « outre l’analyse
critique des documents, on utilisera tous les procédés possibles d’inventaire ou
d’enregistrement. » (Cuvellier, 1950).
Les travaux de Berelson et Lazarsfeld insistent sur les exigences de rigueur et
d’objectivité. Les règles de l’analyse de contenu vont en rester marquées.
Avec l’influence de la linguistique, et en particulier les travaux de Maingueneau, le
champ des possibilités de l’analyse de contenu va s’élargir.
1.4.2. Les principes de l’analyse de contenu
Le langage, la communication et l’interprétation influencent la genèse des
représentations sociales. Le langage permet de structurer les représentations sociales
et est porteur de représentations.
L’analyse de contenu s’appuie sur six grands principes :
o L’auteur d’un discours est dans le langage.
L’analyse de contenu fait référence à la langue comme lieu de représentation de la
pensée. Ce qui fait dire à Ducrot dans son livre « Dire ou ne pas dire » que « les
langues auraient comme origine première l’effort de l’humanité pour représenter la
pensée, pour en constituer une image perceptible, un tableau ; l’acte de parler
s’expliquerait alors essentiellement comme l’acte d’une pensée qui cherche à se
déployer en place d’elle-même, pour s’expliciter et se connaitre. » (Ducrot, 1997).
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
43
o Il convient de rapporter le discours aux conditions de sa production.
Pour une recherche de sens il est important de connaître les conditions du discours.
Qui parle ? A qui ? Pour qui ? Quand ? Dans quelle situation ?
o Il y a des discours et non un discours.
Pour l’analyse d’un discours, fut-ce un entretien, il faut se demander à qui s’adresse
réellement le discours.
o La pluralité de sens du langage.
Un mot peut revêtir plusieurs sens. Nous ne sommes jamais totalement sûrs que
l’autre pense comme soi avec les mêmes mots.
Un des objectifs de l’analyse de contenu est « d’épingler » le mot et d’analyser son
contenu.
o L’acte de langage n’est pas innocent.
La thèse d’Austin est que la fonction du langage est tout autant d’agir sur la réalité
que de permettre à celui qui produit un énoncé d’accomplir une réaction.
o Parler, c’est aller au-delà de la parole.
Ainsi pour Bakhtine, le discours a toujours un sens plus ou moins caché qui est en
réalité le véritable sens que le locuteur veut donner à ses paroles.
1.4.3. Pertinence de l’analyse de contenu dans le recueil des représentations
sociales
En résumé, utilisée de façon méthodique, l’analyse de contenu permet une recherche
de sens ou une attribution de sens au discours émis.
Le discours nous semble un outil privilégié dans cette étude, il donne accès d’une
part à des raisonnements, à des éléments d’argumentation et d’explication et d’autre
part à la façon dont les enquêtés se situent dans leur environnement.
Notons cependant que l’interprétation joue un rôle important dans l’assimilation des
représentations.
1.4.4. Choix de l’analyse thématique
La première phase de travail a consisté en une analyse de contenu thématique,
transversale.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
44
Après avoir retranscrit l’intégralité des huit entretiens réalisés, nous avons défini une
grille d’analyse de contenu thématique. Cette grille comporte cinq chapitres eux-
mêmes déclinés en sous chapitres. (cf. annexe 4)
Une seconde phase d’analyse longitudinale nous a permis de mettre en valeur la
logique d’enchaînement des thèmes présents dans chaque entretien. Au cours de cette
deuxième phase de travail, nous nous sommes imprégnés des entretiens. Dans une
troisième phase de travail, ces impressions ont été classées par ordre d’importance en
vue d’établir un tableau comparatif ; ces impressions ont ensuite été reliées aux
thèmes récurrents et contradictoires qui ont permis d’organiser les thèmes et sous-
thèmes en fonction de leur importance.
L’analyse de contenu thématique repère les thèmes communs et transversaux à
l’ensemble des entretiens recueillis. Une fois les thèmes repérés, nous procédons au
tri des termes synonymes et nous les groupons par catégories sémantiques.
1.4.5. Les catégories retenues
Les catégories sont des regroupements d’unités effectués selon des caractéristiques
déterminées. « Classer les éléments en catégories impose de rechercher ce que
chacun d’eux a de commun avec d’autres. » (Bardin, 2007).
Un principe régit la catégorisation, d’une part toute unité d’enregistrement doit
trouver sa place dans une catégorie, et d’autre part toute unité d’enregistrement ne
peut figurer que dans une et une seule catégorie.
Pour Laurence Bardin, « il n’y a pas de bonnes et de mauvaises catégories. Un
ensemble de bonnes catégories doit avoir les qualités suivantes : l’exclusion
mutuelle, l’homogénéité, la pertinence, l’objectivité et la fidélité, la productivité. »
(Bardin, 2007) .
Après plusieurs lectures nous avons procédé à l’analyse de chaque entretien :
séquence, codage de mots, groupe de mots, phrases ou paragraphes entiers dans une
catégorie. Nous avons ainsi pu constituer une première grille d’analyse « flottante »
pour finalement aboutir à une grille précise faisant ressortir tous les items de tous les
entretiens.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
45
Au fil des lectures et relectures nous avons réduit les catégories par élimination des
catégories redondantes. Nous sommes arrivé à un nombre de catégories à la fois
limité et exhaustif, c’est-à-dire permettant d’avoir épuisé la totalité des textes sans
nous répéter. Nous avons porté une attention particulière à la cohérence des énoncés
classés dans une même catégorie, à la fois cohérence entre les énoncés et le titre de la
catégorie et cohérences entre les catégories elles-mêmes. Ainsi les énoncés d’une
même catégorie doivent-ils être homogènes et révéler une unité de sens.
Nous avons retenu quatre qualités au choix des catégories
o La pertinence : le rapport direct avec le contenu et les objectifs de l’analyse.
o La définition claire évitant toute confusion.
o La productivité : richesse en indices d’inférences, d’hypothèses nouvelles de
données fiables.
o L’exclusivité dans la mesure où aucun énoncé ne peut apparaitre dans des
catégories différentes.
1.4.6. Tableau descriptif et exemple d’énoncé des catégories thématiques.
Il s’agira de découper le texte en énoncés restreints possédant un sens complet. C'est-
à-dire une ou plusieurs phrases dans lesquelles l’enquêté parle de la même chose et
exprime la même idée (cf. annexe 4 et 5).
1.5. Les limites de la méthode
L’entretien permet d’aborder des récits, des explications, des idées et des opinions.
L’important est à la fois « la mise en mots » et « la mise en scène » qui permettent de
saisir et de comprendre ce que les interviewés cachent, taisent ou modifient. Une des
limites reste cependant que l’entretien ne permet pas une production de parole
complète et exhaustive. Une autre des limites réside dans l’aptitude verbale variable
selon les individus.
Le discours des enquêtés se crée dans la communication avec l’enquêteur mais
« D'un côté, l’analyse de contenu tente de dégager la signification de l’énoncé pour
l'émetteur, c'est-à-dire sa subjectivité, de l'autre côté, elle cherche à établir la
pertinence pour le récepteur, à savoir son objectivité. » (Negura, 2006) ce qui
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
46
représente une des difficultés majeures de l’analyse finalement produite par
l’enquêteur.
2. Résultat de l’enquête
Il s’agit de mettre les éléments de l’enquête en relation avec le cadre conceptuel et
de suggérer des hypothèses.
Avant de commencer l’analyse des entretiens, il est nécessaire de s’en « imprégner »
par plusieurs relectures afin de connaitre le contenu de chacun. L’étude sur les
représentations sociales d’un objet, ici le handicap, renferme probablement des
représentations personnelles sur le sujet. L’objectif est de retranscrire les textes en y
restant fidèle. Malgré tout, les entretiens contiennent parfois des sous-entendus qui
demandent à être interprétés. Lorsque c’est le cas, nous aurons soin de noter qu’il
s’agit d’une manière personnelle de comprendre ce qui est exprimé.
Nous avons fait le choix d’une analyse thématique des entretiens qui repère, au sein
des expressions verbales ou textuelles, les thèmes généraux récurrents. Nous
proposons dans les paragraphes suivants trois niveaux d’analyse. Nous débuterons
par l’analyse des premières phrases « dans la mesure où, pris de court, n’ayant pas le
temps de se défendre, l’interviewé livre sa structuration thématique d’emblée et
malgré lui. » (Bardin, 2007), nous poursuivrons avec l’analyse verticale de chaque
entretien, et terminerons par une comparaison des entretiens selon que les
interviewés étaient ou en contact plus ou moins fréquent avec des jeunes porteurs de
handicap.
2.1. Analyse des premières phrases
L’analyse des premières phrases qui selon Laurence Bardin « fonctionnent un peu
comme un slogan » (Bardin, 2007) peut permettre de révéler l’attitude de base de
chacune des personnes interrogées.
La première question, présentée comme une mise en condition était «Pour lancer les
choses puisque je suppose que ce n’est pas aussi simple que ça de démarrer : ma
première question serait « qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand je te dis handicap –
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Quels sont les 5 premiers mots qui te viennent spontanément ? ».Cela avait pour
objectif de permettre le recueil d’une première expression spontanée que nous nous
proposons d’analyser séparément du reste des entretiens.
2.1.1. Tableau reprises des premières phrases
ESTD01
Handicap ? euh je dirai SEGPA, UPI déjà parce que j’ai fait des stages dans la formation avant saint Do, quand tu me dis handicap je pense forcement aux difficultés scolaires d’abord donc du point de vue intellectuel, euh du point du vue du handicap physique je penserai plus euh pas tellement pour des choses de mobilité, mais plus à la cécité ou à des difficultés de vision ou éventuellement d’audition qu’on a parfois en classe avec des élèves aussi. Ce genre de choses. Pas forcément la représentation du handicap telle qu’on l’a euh comme la difficulté de marcher, un cas avec lequel je n’ai pas été confronté non plus, mais euh plus fondée sur du vécu.
ESTD02
Euh, ce qui me vient tout de suite à l’esprit, c’est entre ce que porte la personne handicapée et ce que porte l’environnement de la personne handicapées. Euh, pour les UPI je ne vois que trop la croix que c’est pour les parents. Personnellement, tu sais aussi, ce que je vois du handicap, et tu en es bien consciente. Après pour, alors je ne parle pas des adultes, mais pour l’enfant handicapé, je ne vois que trop leur misère quand ils s’aperçoivent de leur propre handicap. J’ai pas trop d’idée, mais c’est les premières choses.
ESTD03
Trisomie, euh, incapacité intellectuelle, enfin euh, également handicap et euh …
Problème d’insertion, famille, rapport avec la famille, comment la famille gère ça.
ESTD04
d’abord qu’est-ce qu’on appelle le handicap, est-ce que le handicap se définit à partir d’une norme ? Qu’est-ce que c’est la norme ? La normalité. Voilà. Il peut y avoir des handicaps. Le handicap est-ce que c’est la différence par rapport à l’autre ? Bon mais on est tous différents les uns par rapport aux autres. Il y en a qui ont des handicaps visibles, il y en a qui ont des handicaps cachés. Voilà … Pour moi le mot handicap, c’est relatif. On peut tous … quelqu’un est toujours handicapé par rapport à quelqu’un d’autre.
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ENDS01
handicap ? Je dirais soutien, … handicap intellectuel plutôt ?
je dirais soutien, euh … le regard vis-à-vis des autres … euh c’est pas évident, on n’a pas d’élève … euh, jugement, la compassion et … en gros c’est ça.
ENDS02
Alors pour moi c’est difficulté motrice, difficulté de contact, visuel ou auditif et après organisation de l’existence pour pouvoir suivre une vie dite normale. Voilà pour moi c’est un peu ça .
ENDS03 alors je dirai, alors physique, ostracisé, exclu et puis … en fait je pense à un élève en particulier …
ENDS04
déjà le type de handicap, c’est vrai qu’on pense à handicap physique, bon il y a l’handicap moteur, mais je, … je vais vous dire tout récemment, on a vécu des handicaps qui sont peut-être moins connus ou plus difficiles à cerner, plus difficiles à aider. Nous avons là par exemple une élève, qui souffre et qui a souffert, et je me demande si elle n’est pas en train de faire une rechute en terme de phobie scolaire. Bon, d’une forme plus ou moins atténuée, plus ou moins atténuée d’autisme, parce que le mot n’a jamais été prononcé. Nous avons de plus en plus, quand même, d’élèves qui nécessitent un accompagnement parce qu’ils sont dyslexiques et finalement c’est un handicap, mais finalement les enseignants n’ont pas l’impression que c’est vraiment un handicap à prendre en compte. On entend maintenant parler d’aphasie, voyez tout ça voilà … C’est vrai que, c’est vrai qu’on pense souvent, trop souvent peut-être handicap physique parce qu’on le voit et handicap moteur parce que ça se voit aussi, alors que les autres handicaps c’est plus pour nous un terrain un peu inconnu pour l’instant qu’on essaye d’accompagner.
2.1.2. Analyse par entretien
2.1.2.1.ESTD01
L’interviewé se place résolument dans la position technique de l’enseignant avant de
détailler les handicaps qu’il connaît. Les premiers mots qui lui viennent
spontanément à l’esprit décrivent des dispositifs scolaires « SEGPA », « UPI » et il
évoque en premier le handicap intellectuel que l’on trouve dans l’établissement où il
exerce. Le handicap sensoriel apparaît en seconde position tandis que le handicap
moteur n’est évoqué qu’en dernier lieu.
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2.1.2.2.ESTD02
Les mots clés de cette réponse assimilent le handicap à la souffrance avec « la
croix », « la misère ». Le locuteur utilise la totalité de sa réponse pour marquer sa
peine par rapport au handicap. Il évoque sa situation personnelle qui semble influer
sur son engagement professionnel.
2.1.2.3.ESTD03
La réponse est hésitante en ce qui concerne une définition du handicap, par contre la
réflexion se porte sur la famille de l’enfant, tant sur le plan personnel « comment la
famille gère ça » que sur le plan professionnel « le rapport avec la famille ».
2.1.2.4.ESTD04
Cette réponse se démarque des autres en refusant de définir le handicap et en se
positionnant plus philosophiquement sur « la différence » et « la normalité ».
L’expression se veut positive mettant en avant les avantages des différences et le
relatif des situations de handicap.
2.1.2.5.ENDS01
Trois mots sont utilisés ici pour définir le handicap : « soutien », « jugement » et
« compassion ». La relation au handicap est ambivalente, tout en nécessitant soutien
et compassion, la peur du jugement fait irruption dans l’appréciation du handicap.
Une hiérarchie est instaurée où le meilleur serait le « soutien », le pire « le
jugement » et l’entre deux« la compassion ».
2.1.2.6.ENDS02
La position est apparemment positive, technique et impersonnelle. Mais dans la
seconde séquence apparaît un niveau latent plus anxieux avec « l’organisation d’une
vie dite normale. »
2.1.2.7.ENDS03
Ici les mots pour situer le handicap sont à la fois forts et sans concession
« ostracisé » et « exclu ». Ce sentiment très négatif est encore amplifié par le fait de
« penser à un élève en particulier ».
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2.1.2.8.ENDS04
Cette réponse apporte de nombreuses informations sur les handicaps « moins
visibles » rencontrés en milieu scolaire et nécessitant un accompagnement spécifique
sur un « terrain méconnu ».
Nous pouvons à l’analyse de ces premières réponses choisir un titre pour chacune des
personnes interrogées résumant la spécificité de son discours :
• ESTD01 : Enseigner aux élèves porteurs de handicap.
• ESTD02 : Le handicap est avant tout une souffrance.
• ESTD03 : La place de la famille dans l’accompagnement de l’enfant porteur
de handicap.
• ESTD04 : Le handicap : une différence comme une autre.
• ENDS01 : Le soutien de l’enseignant aux jeunes porteurs de handicap.
• ENDS02 : L’adaptation pour une vie normale.
• ENDS03 : Le risque d’exclusion.
• ENDS04 : La variété des situation de handicap.
Pour confirmer ou non cette première analyse nous procéderons à l’analyse
thématique de chacun des entretiens, ou analyse verticale.
2.2. Analyse entretien par entretien
L’ analyse verticale, entretien par entretien, permet de restituer la logique discursive
et comportementale de chaque interviewé. Cette étude repose sur huit entretiens, ce
nombre restreint laisse la possibilité de l’analyse verticale. L’analyse se focalise sur
les énoncés singuliers pour repérer les processus propres à leur production. « Le but
de l'analyse thématique comme méthode d'analyse de contenu est de repérer les
unités sémantiques qui constituent l'univers discursif de l’énoncé. Dans ces
conditions, il s'agit de produire une reformulation du contenu de l’énoncé sous une
forme condensée et formelle. » (Négura, 2006).
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51
2.2.1. ESTD01
L’entretien d’une durée légèrement supérieure à 60 minutes a été réalisé dans
l’établissement où exerce l’enquêteur. L’interviewé et l’interviewer se connaissent
depuis plusieurs années ce que l’enseignant précise en début d’entretien laissant
entendre qu’il est au courant de la recherche en cours. Il est donc possible d’imaginer
qu’au moins le début de son discours est convenu et répond à ce qu’il pense être la
demande du chercheur, cependant après plusieurs questions il s’opère une rupture.
Néanmoins, le locuteur tente de garder tout au long de l’entretien une position
d’enseignant, et est réticent à exprimer des sentiments plus personnels. Sitôt que son
avis personnel est sollicité, il fuit en insistant sur sa méconnaissance des situations
d’intégration. Cela se produira une quinzaine de fois au cours de l’entretien. Il utilise
assez peu le « je » et reste autant que possible assez distant par rapport aux
difficultés du handicap qu’il situe exclusivement dans la fonction d’enseignement.
La représentation du handicap de l’enquêté est essentiellement construite autour de
difficultés du handicap même s’il tente à plusieurs reprises de parler de richesse. Il
est sensible au lien qu’il analyse comme possible avec ces « élèves là ». Il exprime
une grande angoisse dans sa relation au handicap, parlant de douleur à plusieurs
reprises. En reconnaissant des différences liées au handicap, il craint la stigmatisation
et choisit là encore la fuite : « la politique de l’autruche ». Cependant, en qualité
d’enseignant il se dit prêt à réfléchir aux adaptations permettant une meilleure
intégration, tout en exprimant son besoin de reconnaissance dans la fonction qu’il
craint de ne pas avoir en s’intéressant aux jeunes porteurs de handicap.
Son approche est relativement ambivalente, faite de crainte et de fuite tout en étant
disposé à la réflexion, pour lui le handicap reste douloureux pour l’élève, ce qu’il
n’est pas pour l’instant prêt à accepter. Le handicap n’est acceptable que dans la
mesure où l’élève peut et veut apprendre « un même objectif avec le respect de la
différence d’autrui. Un objectif qui pourrait être l’envie d’apprendre tout
simplement. »
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2.2.2. ESTD02
L’enquêté est non seulement enseignant mais aussi chef d’établissement. Il se place
clairement dans la fonction de chef d’établissement, porteur du projet d’intégration
pour répondre à nos questions.
Son histoire personnelle l’a mis depuis plusieurs années en relation avec le handicap,
il y fait régulièrement allusion pour expliciter son engagement professionnel : « tant
que tu n’as pas mis les mains dedans ».
Il s’interroge sur les apports de la scolarisation telle qu’il l’a propose. Face à ses
doutes, il insiste sur ce qu’il définit comme son projet « en tant que directeur, c’est
beaucoup plus la prise de conscience qu’ils existent … » mais là encore le doute
l’emporte : « il y a encore du chemin », « 10% du temps, 90% c’est raté ». Selon lui
l’intégration est un réel bienfait, mais il rencontre des difficultés à gérer les équipes
pédagogiques, au point d’imposer une « intégration forcée » mal perçue. Il craint par
ailleurs la réaction des parents d’enfants ordinaires, alors il explique à chacun, lors
des rendez-vous d’inscription, son projet en espérant être entendu ; quant à l’avenir
des enfants, il est source d’ inquiétude : « l’orientation post UPI est dramatique dans
99,99% des cas ! ».
De ses relations directes avec les enfants, il parle peu. Il est un homme de dossiers, il
participe à l’élaboration des PPS (Projet Personnel de Scolarisation), il a
essentiellement un rôle de coordination et travaille en amont avec l’équipe
pédagogique. Les enfants, il les croise et n’échange que quelques mots, pourtant il
les connait tous par leur prénom et dit « s’enthousiasmer » de leurs progrès.
Il se sent coupable des liens et des activités qui ne se font pas que cela soit avec les
élèves du lycée ou avec les enseignants. Il a « honte » de ne pouvoir faire plus et
mieux. Pour lui « c’est l’établissement qui est porteur du projet, l’adulte est le
vecteur qui permet les liens ». La responsabilité lui incombe donc et les enseignants
ne sont que des vecteurs. On retrouve là encore un sentiment de culpabilité très fort.
L’entretien se terminera sur une longue digression mettant en scène l’enseignement
des mathématiques, ce qui semble avoir un effet d’apaisement après l’expression des
doutes, des engagements, et d’une culpabilité toujours en filigrane.
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2.2.3. ESTD03
L’interviewée a un réel désir de s’intéresser à la scolarisation d’élèves porteurs de
handicap. Elle avoue d’emblée avoir évolué depuis qu’elle enseigne dans cet
établissement qui intègre des élèves d’UPI. Elle a depuis tenté diverses expériences
d’enseignement à des élèves en situation de handicap. Elle a été jusqu’à envisager
d’enseigner en UPI sans aboutir à une réelle décision. Elle aurait besoin pour prendre
une décision d’un accompagnement, d’un soutien tant elle craint d’être vite lassée,
voire frustrée dans sa fonction essentielle de transmission de savoir.
Toutes ses remarques sont étayées par de plus ou moins longues expériences ou des
échanges avec d’autres enseignants. On sent un intérêt pour les enfants mais cet
intérêt est associé à une angoisse qui va au-delà de celle de ne pas savoir faire, on
sent une crainte de s’en approcher de trop près qui fait que, malgré une volonté
affichée les choses ont du mal à se faire dans la réalité. Ses diverses expériences ont
été vécues comme des échecs, une prise en charge individuelle s’est soldée par :
« j’ai abandonné … je me suis rendu compte que je n’avais pas la formation … je
n’avais pas les outils … ». Une autre expérience où la difficulté n’a été découverte
que tardivement est source de culpabilité : « je l’ai traité de j’menfoutiste quand
même ! ».
Le problème principal reste la gestion de la classe. Si rencontrer les enfants, discuter
avec eux semblent possible, l’intégration en cours reste difficile et l’enfant doit
répondre à une certaine normalité pour que le cours puisse avoir lieu dans de bonnes
conditions, ce qui est le véritable engagement de l’enseignant.
2.2.4. ESTD04
Nous sommes ici dans un entretien où le handicap mental est résolument
appréhendé, aucune allusion à d’autres formes de handicap ne sera par ailleurs faite.
Dans une première séquence, c’est le mot handicap, « mot énorme » qui sera
disséqué, qu’est-ce que le handicap ? Par rapport à quoi sommes nous handicapés ?
La difficulté à nommer le handicap est prégnante.
Une deuxième séquence sera riche en adjectifs positifs pour décrire les jeunes en
question : « ils sont attachants », « ils sont vrais », « leur gentillesse », « leur
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spontanéité », « leur joie » et même s’ils sont « coléreux », ils sont tout de même
« joyeux » et « heureux de vivre ».
L’enseignante cherche le contact, et vit la relation avec ces jeunes comme un
engagement. Présente dans l’établissement depuis l’origine de l’expérimentation, elle
a su trouver des avantages à l’intégration : « apprendre à relativiser », « se remettre
en question », « avoir une vision plus juste des choses ». Elle a accepté que les
acquisitions soient différentes et pour elle « le fait important c’est d’être avec eux ».
Dans ce discours tout paraît simple et plein de richesses, pourtant lorsqu’il s’agit de
décrire les qualités d’un enseignant spécialisé, nous retrouvons des termes forts qui
viennent en contradiction avec cette simplicité apparente : « don de soi »,
« charisme », « vocation », « capacité à rebondir ».
2.2.5. ENDS01
L’enfant handicapé est un enfant comme les autres. Le plus important pour
l’enseignant est de tout mettre en œuvre pour que le handicap soit gommé et passe
inaperçu. Elle est prête pour cela à investir en dehors du cours, « à part » des autres.
Pourtant elle met en avant la richesse de la différence, porteuse de valeurs de
solidarité mais semble craindre que les autres élèves ne considèrent le handicap
comme un privilège, la meilleure façon qu’elle ait trouvé dans la vie personnelle et
reproduite dans la vie professionnelle est de faire « comme si ».
Elle appuie toute sa démarche d’accueil sur son expérience familiale et personnelle
et souffre assez peu du manque de formation. Elle est engagée dans sa vie
personnelle et il lui semble normal de l’être dans la vie professionnelle. Elle a une
vision de son rôle d’enseignante au-delà de la transmission de savoirs savants et se
place dans une fonction d’accompagnement et de soutien. Elle est un modèle pour
ses élèves et c’est à ce titre qu’elle agit pour « essayer avec la différence, par la
différence de faire une certaine unité »
2.2.6. ENDS02
Les maitres mots pourraient être adaptation et acceptation. L’enseignant adapte et
l’homme accepte.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
55
On restera tout au long de l’entretien sur le handicap moteur, voire sensoriel et le
handicap intellectuel, bien que présenté comme l’objet de la recherche, sera à peine
effleuré. L’expérience de l’interviewée tant personnelle que professionnelle se
focalise sur le handicap moteur et le handicap mental semble peu connu et peu
analysé. Il est comme éliminé des possibilités d’intégration. Il faut dire que
l’intégration passe par l’accord de l’élève, tout le travail semble être un travail
d’acceptation négociée de la situation dans laquelle se trouve l’élève.
Il est à noter qu’hors enregistrement, l’enseignante a fait référence à un colloque sur
le handicap moteur et l’intégration en sport, « handicap et EPS », auquel elle a
assisté récemment ce qui explique, du moins en partie, qu’elle se soit centrée sur ce
type particulier de handicap lors de l’entretien.
2.2.7. ENDS03
Les premiers mots pour parler du handicap sont « ostracisé » et « exclu » qui sont
des mots durs et définitifs. Pour ce professeur la meilleure solution paraît être celle
de l’intermédiaire qui prendrait en charge les difficultés de l’élève porteur de
handicap. Le rôle de l’Assistante de Vie Scolaire nouvellement intégrée à
l’établissement et dont la mission est d’accompagner les élèves « différents » est
valorisé. La notion d’une personne relais qui serait formée pour ça le séduit.
Il semble inquiet du rapport au corps de certains élèves en situation de handicap qu’il
connaît et sa position à la fois d’homme et d’enseignant le gène, il avoue d’ailleurs
« avoir un peu contourné le truc » lorsqu’il s’est trouvé en situation de devoir
intervenir. L’enquêté accepte de participer à l’intégration péri-scolaire mais a
quelques difficultés à envisager une adaptation de ses cours eux-mêmes. Il justifie
son attitude « par manque de temps, manque de formation », mais aussi par ce qu’il
appelle un « triste mélange de paresse et d’incompétence » qui pourrait être
préjudiciable à l’enfant. Pour lui la « prise en charge du handicap est dans l’air du
temps ». Il considère que l’intégration nécessite de « renégocier les rôles » ce qu’il
ne semble pas encore prêt à faire, mais avoue qu’il se fait peut-être une fausse idée.
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56
2.2.8. ENDS04
L’interviewée commence par une recension des handicaps, du handicap moteur qui
lui apparaît comme « plus facile », aux différents handicaps scolaires comme la
phobie scolaire ou la dyslexie, qu’il faut pourtant aussi accompagner. Si elle
considère que l’intégration d’un élève porteur de handicap ne donne pas plus de
travail, elle s’avoue tout de même soulagée de la présence de l’AVS dans
l’établissement qui permet une prise en charge de relais. Si d’autre part, elle se
félicite de l’accompagnement proposé par un établissement spécialisé, elle admet ne
pas avoir cherché à avoir des retours de l’équipe enseignante. Elle évoque pour cela
le manque de temps de chacun pris dans son planning.
2.3. Comparaison entre établissements « avec » et « sans » UPI
La comparaison des entretiens réalisés dans un établissement « avec UPI » et dans
un autre « sans UPI » font apparaître à la fois des différences et un certain nombre de
ressemblances.
Il apparait plus facile pour les enseignants de l’établissement accueillant une UPI
d’évoquer la déficience intellectuelle. Les enseignants de l’établissement « sans »
s’orientent plus volontiers et spontanément vers le handicap moteur.
L’expression d’angoisses et d’inquiétudes face aux handicaps est différente selon les
individus et ne semble pas correspondre exclusivement à la fréquentation des élèves
de l’UPI. Les enseignants qui ont une expérience plus personnelle du handicap quel
qu’il soit révèlent une angoisse moins forte que ceux qui ne perçoivent le handicap
qu’à travers l’exercice de leur métier.
L’intégration est reconnue par tous comme un avantage pour les jeunes ordinaires
comme pour les élèves porteurs de handicap, mais tous évoquent la difficulté de
gestion de la classe dans les pratiques d’intégration. La crainte de ne « pas savoir
gérer » est présente dans tous les interviews.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
57
Le respect de l’autre, la prise en compte des différences et les acquis de codes
sociaux sont évoqués par l’ensemble des interviewés comme étant les acquis les plus
importants de l’intégration.
Une différence apparaît malgré tout : les enseignants « avec UPI » s’interrogent sur
les acquis pour le jeune porteur de handicap alors que les enseignants « sans UPI »
orientent presque exclusivement leur discours vers les jeunes « ordinaires ».
L’ensemble des personnes interrogées ressent le manque de formation comme un
frein à l’intégration, car il renforce le sentiment de ne « pas avoir les outils », ce qui
renvoie à l’inquiétude face à la gestion du groupe classe et au risque « d’être
débordé ».
La présence d’une personne « dévolue à ces enfants à besoins particuliers » dans
l’établissement « sans UPI » permet aux enseignants de se sentir encadrés alors que
dans l’établissement « avec UPI » il n’est pas imaginé la présence d’une telle
personne, ce rôle de soutien est réservés à l’enseignant spécialisé en charge de l’UPI.
La demande de formation est toutefois plus forte pour les personnes fréquentant
régulièrement des jeunes déficients intellectuels ainsi que le besoin d’échange avec
leurs pairs.
Tous se disent prêts à adapter leurs enseignements mais la crainte de ne pas pouvoir
alors répondre à leur « obligation de résultat » est toujours présente. L’élève porteur
de déficience ne doit pas « ralentir la classe », il doit « pouvoir s’intégrer ». Les
enseignants en rapport avec des jeunes déficients intellectuels ont manifesté leur
appréhension d’une certaine frustration intellectuelle à enseigner à ces enfants, mais
en parallèle ils sont demandeurs de reconnaissance.
L’engagement de l’établissement à travers sa direction et son projet d’établissement
est ressenti comme une nécessité absolue par les enseignants de l’établissement
« sans UPI » qui pratique l’intégration individuelle d’élèves porteur de handicap
majoritairement moteur. Pour les enseignants de l’établissement « avec UPI », la
seule présence de cette Unité Pédagogique Intégrée semble être l’expression de la
volonté de l’établissement, cependant ils estiment qu’« on pourrait le développer »
tout en avouant ne pas savoir comment.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
58
La législation au travers de la loi de février 2005 semble plus connue par les
enseignants de l’établissement « avec UPI » que par les autres. Quand la législation
a été évoquée, il a été généralement déploré le manque de moyens « ces lois là c’est
bien, mais comme d’habitude pour mettre en œuvre ces lois là il faut de l’argent ».
Aucun des professeurs interrogés ne prend en compte l’obligation de scolarisation de
la loi de 2005, tous font uniquement référence à la volonté de l’enseignant de vouloir
accueillir un élève porteur de handicap.
Les enseignants interrogés exercent tous dans l’enseignement privé catholique
pourtant ils n’ont fait qu’effleurer la dimension pastorale de l’intégration ce qui a été
une surprise. Tous ont été plus centrés sur les difficultés de leur métier que sur un
engagement de foi, ce qui est en contradiction avec la mise en avant du charisme, de
la volonté et du don de soi indispensable à l’enseignant spécialisé.
3. Conclusion
Cette première analyse centrée sur chaque entretien nous a permis de découvrir des
attitudes variés face aux handicaps dans les situations d’enseignement. Dans la
mesure du possible nous avons essayé de chercher « à comprendre de l’intérieur la
parole d’une personne, cette approche rappelle peut-être l’attitude d’empathie au
sens du psychothérapeute américain Rogers, d’immersion dans le monde subjectif
d’autrui. » (Bardin, 2007)
Si tous ont évoqué le manque de temps, l’approche individuelle du handicap et
l’intégration dans les établissements scolaires sont vécus différemment selon les
expériences et les individus.
L’analyse comparée des entretiens permet de faire ressortir que :
o Il est plus facile d’évoquer la déficience intellectuelle lorsqu’on y est
confronté.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
59
o L’anxiété face aux handicaps varie plus en fonction de l’expérience
personnelle qu’en fonction d’une expérience exclusivement professionnelle.
o L’intégration est acquise pour tous mais la crainte qu’elle véhicule reste très
prégnante.
o Les avantages de l’intégration sont évoqués par tous mais les enseignants en
contact plus régulier s’interrogent sur les acquis de l’intégration pour les
jeunes déficients intellectuels.
o La formation est une nécessité pour tous. Le manque de formation est un
frein à l’intégration.
o La présence d’une UPI est à elle seule la preuve de la volonté d’intégration de
l’établissement.
o Pour prendre en charge des jeunes porteurs de handicap il faut charisme,
volonté et don de soi.
o La législation est mieux connue par les enseignants de l’établissement « avec
UPI », pourtant aucun n’u voit une obligation d’intégration.
Pour valider ou non notre hypothèse de départ il nous reste à procéder à une analyse
transversale des informations recueillies lors des entretiens. Nous discuterons
également des résultats en lien avec notre problématisation et les apports théoriques.
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60
PARTIE 3
Après avoir procédé à l’analyse des premières phrases ainsi qu’à celle des entretiens
pris un à un, nous avons comparé les représentations des enseignants en relation avec
des élèves porteurs de handicap avec les représentations des enseignants ayant peu de
relation avec des élèves porteurs de handicap et en particulier de déficience
intellectuelle. Nous allons maintenant procéder à une analyse transversale. Nous
allons associer ce qui est identique dans les différents entretiens et distinguer ce qui
ne l’est pas. Que pensent en général les enseignants du handicap, de l’intégration et
de leur formation ?
Dans un second temps, nous allons mettre en lien nos résultats avec la théorie des
représentations sociales. Nous allons tenter de la mettre en pratique, et rechercher
quelle pourrait être la structure des représentations mises en avant dans notre analyse.
Nous reviendrons également sur l’hypothèse émise et nous argumenterons sur sa
pertinence. Est-elle vérifiée ou au contraire inappropriée ? Et pourquoi ?
1. Discussion
1.1. Introduction
L'interprétation constitue, dans le cadre de l'approche qualitative, le fondement de
l'activité de recherche. Elle constitue l'interface entre les données de terrain,
autrement dit la réalité, et le modèle théorique construit. L’interprétation a pour
objectif d'établir deux types de faits : le «fait substantiel», établi sur la base de
fragments de réalités objectives et le « fait symbolique », caractérisant le sens
attribué aux propos de l’interviewé.
1.2. Analyse thématique transversale
L’ analyse transversale relie l'ensemble du discours, thème par thème, et conduit à
mettre en évidence les différentes attitudes et positions.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
61
1.2.1. Les notions de handicap
Nous retiendrons deux sous-chapitres autour de la perception du handicap : ce qui est
ressenti pour soi-même et ce qui est perçu du ressenti du jeune porteur de handicap.
1.2.1.1.La perception du handicap par rapport à soi
Une première difficulté apparaît dans la définition même du terme « handicap »,
chacune des personnes interrogées ayant sa définition personnelle. Ainsi pour l’une
d’entre elles, la notion de handicap commence dès l’apparition d’une différence
pouvant être de l’ordre de la difficulté scolaire alors que d’autres attacheront
systématiquement à la notion de handicap une déficience motrice. Le handicap
mental ou intellectuel n’est pas naturellement le premier à être décrit par les
interlocuteurs. Toutefois la notion de handicap mental est plus facilement
appréhendée par les enseignants de l’établissement accueillant des UPI même quand
ils reconnaissent être peu en relation avec lui.
Il semblerait dans une première analyse que la perception négative soit plus
importante que la perception positive. Ainsi, nous avons pu relever dans l’ensemble
des entretiens plus d’expressions d’inquiétude et d’angoisse voire de peine et de
douleur que de sentiments de richesse. Ces sentiments sont souvent justifiés par les
enseignants par une certaine incertitude ou méconnaissance de la situation des jeunes
qui leurs sont confiés, mais aussi par le manque de formation sur le handicap d’une
façon général.
L’inquiétude se trouve le plus souvent exprimée autour du métier d’enseignant plutôt
que vis-à-vis de soi même. Même si le mot « peur » revient assez régulièrement dans
les entretiens, il est toujours associé à la notion d’enseignement et à la « peur de ne
pas savoir ». Quand la peur est évoquée, elle l’est généralement pour l’autre et pas
pour soi même « je sais que certains adultes ont peur … », « je pense que certains
profs qui n’ont jamais été confronté à ça sont gênés. ».
La richesse de la relation avec les jeunes porteurs de handicap est dite par les
personnes de l’établissement accueillant une UPI, alors qu’elle n’apparaît pas dans
trois des quatre entretiens de l’autre établissement.
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62
Il est intéressant de constater que dans les entretiens où l’expression de l’angoisse
face au handicap est la plus forte, l’idée de richesse de relation est aussi fortement
présente. Il semble y avoir là un besoin d’équilibre entre inquiétude et bonheur dans
la rencontre, l’espérance de la richesse permet de surmonter l’anxiété de la rencontre.
1.2.1.2.La perception du jeune en situation de handicap
Nous avons retenu six éléments de perception du jeune en situation de handicap,
évoqués très différemment selon les personnes.
Ces six éléments sont :
o le courage du jeune face à son handicap,
o l’installation d’une distance différente d’avec les autres élèves,
o l’image selon laquelle ces enfants sont plus affectueux que les autres,
o l’attachement plus fort que l’on ressent vis-à-vis d’eux,
o la reconnaissance de particularité d’attitude ou de comportement vis-à-vis
d’eux,
o et enfin la conscience qu’ils ont ou non de leurs difficultés. La violence
imputée à certains de ces jeunes a été assez peu invoquée par les personnes
interrogées, sinon pour justifier la peur d’autres enseignants.
Sur l’ensemble des entretiens, nous notons une plus grande richesse de réponses
émises par les enseignants de l’établissement accueillant des UPI qui semblent avoir
davantage d’occasions d’analyser leur sentiment d’attachement, de courage ou de
conscience, qu’ils soient positifs ou négatifs, alors qu’au contraire, les enseignants
de l’autre établissement ont fait peu de remarques sur leur perception du jeune.
Cependant ces éléments sont plus attachés à la représentation du handicap mental
qu’à celle d’autre forme de handicap, telle que le handicap moteur ; or, les
enseignants de l’établissement sans UPI, quoique pratiquant l’intégration
individuelle, sont plus enclins à réfléchir sur leur expérience du handicap moteur,
peu (un seul élève a été évoqué) d’élèves porteurs d’une déficience reconnue comme
mentale, intellectuelle voir cognitive, étant individuellement intégrés dans
l’établissement. Cet élément tend à confirmer notre hypothèse de départ.
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63
Le courage n’a été évoqué qu’une fois par un enseignant en racontant son expérience
lors d’une demande de présentation faite aux jeunes. Les autres enseignants n’ont fait
aucune allusion au courage La conscience du handicap par les jeunes eux-mêmes
corrobore cette première remarque puisqu’elle n’est retenue que par deux personnes
dont celle qui déjà évoquait le courage. A noter qu’il s’agit dans ces deux cas de
deux des trois hommes de notre échantillon. Peut-être doit-on voir là une « analyse
masculine » du handicap ? Si l’on retenait cette possibilité « sexuée » de la
représentation, il conviendrait de la confirmer ou de l’infirmer par une enquête plus
large et plus complète en retenant la viable « sexe ».
Reconnaître les particularités de ces enfants semble aller de pair avec l’acceptation
d’une distance différente ; ainsi, ce qui ne serait pas acceptable pour un enseignant
avec les élèves dits « normaux » devient non seulement supportable, mais agréable et
source de richesses avec les jeunes porteurs de handicap y compris au sein même de
l’établissement dans lequel l’instauration, par exemple, du vouvoiement est inscrit au
règlement intérieur. Il est remarquable que cette situation particulière soit acceptée
par l’ensemble des enseignants interrogés et cela quel que soit le handicap évoqué.
1.2.2. Les apprentissages
Nous avons retenu deux niveaux d’apprentissage, le premier d’ordre social et le
second d’ordre scolaire. A l’intérieur de ces deux niveaux nous trouvons des
acquisitions à la fois pour les enfants « ordinaires » et pour les enfants bénéficiaires
de l’intégration.
1.2.2.1.Les apprentissages sociaux
Dans les apprentissages sociaux nous retrouvons le respect de l’autre valable pour les
deux populations d’élèves en présence, ainsi que la prise en compte de la différence
qui concerne plus directement les élèves « ordinaires » dans leur apprentissage de
l’aide de son prochain et la prise en compte de ses difficultés, a contrario on trouve
l’acquisition des codes sociaux profitables aux jeunes élèves des UPI, ce qui
rappelons le fait partie du projet. Quel que soit le handicap dont est porteur l’élève,
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64
les enseignants parlent toujours de l’intérêt de l’intégration comme étant
l’apprentissage du respect de l’autre et de ses différences.
1.2.2.2.Les apprentissages scolaires
La stimulation et l’encouragement des apprentissages scolaires que peut permettre
l’intégration pour les jeunes porteurs de handicap ont été évoqués par quatre des huit
enseignants interrogés ; deux dans chacun des établissements, que l’établissement
accueille ou non une Unité Pédagogique d’Intégration. La nécessité d’acquisitions
scolaires semble moins prégnante que celle de l’apprentissage social. Apprendre à se
conduire en société, à respecter les codes sociaux (ne pas tutoyer, ne pas serrer la
main plusieurs fois) apparaît comme l’engagement pris par l’établissement et ses
enseignants alors que les acquisitions de compétences scolaires (lire, compter, écrire)
passent en seconde position. Ce constat est en contradiction avec les adaptations
pédagogiques que tous non seulement évoquent comme un passage obligé mais
disent encore mettre en œuvre.
Un troisième point est abordé en conclusion des apprentissages : l’avenir des élèves
d’UPI ; ce point n’étant abordé que par les enseignants confrontés aux élèves d’UPI.
Cela semble être une conclusion logique de ces notions d’apprentissage, un objectif à
atteindre « leur donner accès à une vie où ils seraient heureux … ».
1.2.3. La situation d’intégration
Dans la situation d’intégration nous pouvons trouver l’expression d’avantages pour
les jeunes porteurs de handicap ou/et pour le groupe classe mais aussi des limites
différentes selon que l’on s’intéresse au handicap moteur ou au handicap intellectuel.
1.2.3.1.Avantages de l’intégration
Les enseignants interrogés identifient plusieurs avantages de l’intégration pour les
enfants handicapés : la préparation au « monde réel », l’indépendance plus grande de
l’enfant et la mise en valeur de ses apprentissages. Le bénéfice pour les enfants
«valides » le plus souvent cité est l’apprentissage de l’existence et du respect des
différences individuelles.
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65
Une étude menée en 2001 par Hadadian et.al. auprès de 189 milieux d’accueil aux
États-Unis montre que 90% des professionnels sont d’accord avec le principe de
l’intégration des enfants en situation de handicap. Ils pensent que c’est positif pour
ces enfants (76%) et pour les enfants « valides » (90%). Néanmoins 68% estiment
que cela a un effet perturbateur sur le fonctionnement de la classe et 63% que cela
représente une charge de travail supplémentaire pour eux. Nous confirmons donc ces
résultats.
Les avantages retenus par les enseignants vont de l’indifférence positive à « un autre
regard », en passant par l’envie d’apprendre, l’échange et l’expérience.
L’indifférence positive ou encore ce qu’une personne nomme « l’intégration entre
guillemets » est fortement évoquée par les enseignants étant en relation avec des
élèves d’UPI. Tout en se voulant positive, cette remarque met en avant des limites à
l’intégration du type « ne me demandez pas d’être tous les jours avec eux ». Ce qui
est évoqué dans ces séquences concerne le plus souvent l’attitude des autres élèves ;
peu d’enseignants s’expriment en effet sur l’attitude des adultes et encore moins sur
leur propre attitude, même si cela semble sous-jacent. Les personnes exerçant dans
l’établissement sans UPI ne font aucune allusion sur cet aspect de l’intégration, mais
dans leur cas, l’intégration concerne essentiellement des jeunes handicapés moteurs
ce qui peut expliquer la différence d’appréhension.
A contrario de la notion d’indifférence, même positive, les interviewés évoquent la
modification du regard, là encore des élèves, sur le handicap du fait de la relation,
même restreinte, avec des jeunes de l’UPI. Est notamment mise en avant la prise de
conscience de la différence entre eux, qualifiée de « chance » pour les élèves
ordinaires par opposition non verbalisée de malchance pour les autres. C’est à partir
de la prise de conscience de cette « chance » que l’accueil de l’autre peut être pensé.
De façon plus générale les avantages de l’intégration sont plus facilement invoqués
pour les jeunes « ordinaires » dans le cadre scolaire : il s’agira d’apprendre pour soi
et d’apprendre des autres, de favoriser les échanges et de vivre une expérience. Nous
retrouverons ces dimensions dans les entretiens des enseignants de l’établissement
sans UPI pratiquant l’intégration individuelle.
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66
1.2.3.2.Limites de l’intégration
Les difficultés de gestion des groupes « intégrant » ont été pointées par l’ensemble
des personnes interrogées. L’irrégularité de l’intégration en particulier pour les
élèves d’UPI dans les classes ordinaires a été mis en avant, faisant état de la
difficulté de mise en œuvre d’un projet pour l’élève comme des interactions entre
pairs. Dans le cas de l’intégration d’élèves porteur de handicap mental ou
intellectuel, les capacités intellectuelles et sociales apparaissent aussi comme une
limite d’intégration.
L’intégration semble ne pas toujours être possible : si le bien de l’élève en
situationde handicap est évoqué, le risque de ralentissement du groupe-classe est
toujours exprimé. Du ralentissement mettant systématiquement en cause les qualités
d’enseignement de l’adulte en charge du groupe, apparaît l’inquiétude de la gestion
de la classe justifiée par le manque de régularité des intégrations. Si l’irrégularité
semble être moins prégnante dans le cas des intégrations du handicap moteur, le
besoin d’adaptation que nous retrouverons dans le thème consacré aux enseignants
reste une inquiétude face à l’avancement de l’ensemble des élèves et au temps
mobilisable pour le soutien aux enfants différents.
Ainsi les avantages sont généralement analysés en fonction des jeunes « ordinaires »,
alors que les limites sont essentiellement imputées aux élèves porteurs de handicap.
1.2.4. La situation des enseignants
Pour permettre de faire émerger les représentations du handicap qu’ont les
enseignants il nous a paru intéressant de les interroger sur leurs attentes en terme de
formation et sur leur possibilité d’adaptation pour un accueil d’élèves différents.
1.2.4.1.La formation
S’il est un thème qui fait consensus, c’est bien la formation, ou pour être plus juste,
le manque de formation académique. Chacun doit faire appel à son vécu, à ses
réseaux, à ses expériences plus ou moins valides. Une des personnes interrogée parle
même de « de formation zéro. Je dirais que c’est l’intuition », une autre s’exclame
« aucune formation à la base ! », pour encore un autre « Dans la formation initiale
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
67
pour moi, ça devrait être une obligation », au mieux on avoue ne pas savoir ce qu’il
en est de la formation. Ce besoin de formation n’est pas exprimé avec la même force
par toutes les personnes interrogées selon l’établissement dans lequel elles exercent,
leur âge ou leur expérience. Pour les plus jeunes elle est incontournable, alors que
pour les plus expérimentés elle serait juste une confirmation de leur pratique. Les
enseignants en contact avec des élèves porteurs de handicap sont plus demandeurs de
formation académique et d’échanges que les autres. Plusieurs auteurs recommandent
que la formation initiale et continue des professionnels de l’éducation et / ou de la
petite enfance intègre des contenus portant sur leurs représentations du handicap
(Brownlee, 2000), ce qui nous semblerait un début de réponse au besoin exprimé par
les enseignants interrogés.
Au manque de formation vient s’ajouter le besoin d’accompagnement, mettant en
évidence un besoin d’exprimer ses doutes et ses inquiétudes ; pouvoir demander
conseil, être encadré ce qui débouche naturellement sur le besoin de reconnaissance
cité par trois des huit interviewés. Ce sont ceux qui sont le plus vindicatifs sur le
manque de formation qui associent la nécessité d’une reconnaissance. Il est abordé
par trois des enseignants de l’établissement avec UPI, une certaine frustration
intellectuelle à enseigner dans ces classes spécialisées, ce qui nous renvoie au besoin
d’accompagnement, de formation et d’organisation.
La présence d’une personne ressource dans l’établissement sans UPI mais pratiquant
l’intégration individuelle, est louée par trois des quatre enseignants interrogés de cet
établissement. Sa présence semble répondre au besoin d’accompagnement et
d’échange nécessaire à l’intégration. C’est une présence rassurante pour ces
enseignants.
Du manque de formation, nous passons au manque d’informations tout aussi
prégnant qui vient comme renforcer la peur « de ne pas savoir ». Le besoin est
manifesté par tous d’ « au moins être informé », par les parents, les collègues, la
direction ou encore l’AVS s’il y a lieu, par toutes ces personnes qu’ils jugent plus au
courant qu’eux.
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68
1.2.4.2.Les enseignants spécialisés
Avec plus ou moins de connaissance du travail de l’enseignant spécialisé, toutes les
personnes interrogées s’accordent sur les capacités de patience de celui-ci. Ainsi,
accompagner les jeunes porteurs de handicap demande principalement de la patience
et de la volonté ; moins prégnantes sont les qualités pédagogiques rappelées
uniquement par l’un des enseignants interrogés. Il est aussi mentionné la capacité à
se détacher ou encore à avoir du recul. Des mots tels que charisme et vocation ont été
utilisés pour parler du travail de l’enseignant spécialisé. Sa formation spécifique
n’est pas évoquée, elle paraît aller de soi.
1.2.4.3.Les adaptations
Deux sous-thèmes dans cette catégorie. Tout d’abord, bien que reconnues
nécessaires par tous les adaptations proprement dites sont très variées, selon les
histoires personnelles mais aussi selon que les jeunes confiés sont porteur de
handicap moteur, sensoriel ou intellectuel ; d’autre part l’expression des qualités qui
seraient nécessaires à l’enseignant pour mettre en œuvre ces adaptations.
Ainsi, ressort la nécessité de préparer l’intégration ; selon qu’il s’agisse d’un
handicap moteur ou intellectuel, l’adaptation ira de l’installation matérielle de la
classe à une proposition plus ludique de travail permettant l’implication de l’élève
différent ou encore une notation adaptée aux difficultés de l’élève. Mais ce qui est
majoritairement mis en avant est « le travail supplémentaire dans la mesure où on le
fait différemment » qui implique de donner du temps et de la réflexion. Certains iront
jusqu'à évoquer un investissement différent impliquant que « le professeur reste très
humble par rapport à sa matière », « il ne faut pas attendre qu’ils reçoivent un
enseignement tel que l’on voudrait qu’ils le reçoivent ». La posture de l’enseignant
est différente avec les élèves porteurs de handicap. La fonction d’accompagnement et
de soutien est première, alors qu’avec les jeunes ordinaires c’est la fonction de
transmission qui est première pour l’ensemble des enseignants interrogés.
De l’obligation de recherche pédagogique, au temps investi en passant par
l’acceptation de ne pas toujours pouvoir transmettre un savoir académique, tout cela
demande de l’énergie et des ressources personnelles citées par tous, allant de
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
69
l’expression d’un désarroi, « c’est vraiment difficile » à celle d’une certaine
euphorie dans « l’enthousiasme qu’on peut avoir devant les progrès réalisés. ».
Adaptations pédagogiques parfois associées au deuil de la transmission du savoir
scolaire proprement dite, en passant par un temps investi bien au-delà des heures
normalement rémunérées, plus le manque de formations, d’informations et de
communication ; la conclusion naturelle est donc qu’il ne peut s’agir que « d’un
choix individuel et personnel » que l’on ne peut pas imposer. Pourtant tous
accueillent ou ont accueilli un élève différent sans en avoir fait le choix sans que
cela semble les avoir véritablement contrariés ; chacun a essayé de faire au mieux et
a cherché des informations auprès de collègues pour répondre au mieux aux besoins
de l’élève en question.
Une majorité des enseignants semble prête à mettre en chantier des aménagements
pédagogiques dans leur classe s’ils ont acquis une meilleure connaissance de la
réalité du handicap. Ainsi, l'accueil d’un élève en situation de handicap, en classe
ordinaire, conduit les professeurs du secondaire à repérer les invariants pédagogiques
susceptibles d’être exploités par le groupe tout en adaptant des gestes d’aide au
particularisme d’une déficience (Gombert & Roussey, 2007). Dans un premier
temps, la recherche a montré que les transformations déclarées par les enseignants
tentent généralement de compenser le handicap en adaptant les moyens de parvenir
aux objectifs d’apprentissage communs à la classe.
1.2.5. La situation institutionnelle
La connaissance et l’interprétation du projet de l’établissement, l’engagement
pastoral et l’implication des équipes pédagogiques et de direction sont-elles en
cohérence et permettent-elles l’intégration ? C’est pour répondre à cette interrogation
que nous nous sommes appliqué à recueillir l’avis des enseignants interrogés.
1.2.5.1.La mise en relation du projet d’établissement
« C’est l’établissement qui est porteur du projet, mais l’adulte est le vecteur qui
permet les liens » résume l’une des personnes interrogées et de dire un peu plus loin
« ce serait bien si un jour, on arrivait à ne pas le marquer dans le projet », l’accueil
serait alors une évidence. Il n’en reste pas moins que le fait qu’ « ils veulent bien
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
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accepter des élèves comme ça, mais pas trop difficiles, parce que mine de rien, ils
ont la réputation de l’école, le niveau de l’école » : cela peut justifier qu’on ne
s’implique pas trop dans ces expériences d’intégration et quelles restent à la fois
minoritaires et peu connues à l’intérieur même des établissements. De l’avis des
enseignants interrogés, il faudrait donc un projet explicite si l’on souhaite voir le
regard sur le handicap évoluer.
1.2.5.2.La dimension pastorale
Alors que les entretiens ont eu pour cadre des établissements privés catholiques, les
interviewés ont fait peu de commentaires sur la dimension pastorale et le regard porté
par l’Eglise sur le handicap ; aucun n’a fait allusion au devoir d’accueil de son
prochain. Il a tout juste été fait allusion qu’ « ici encore plus qu’ailleurs » : une
allusion qui ne va pas beaucoup plus loin. Deux solutions sont possibles, soit les
enseignants sont peu engagés sur le plan pastoral, soit cette dimension est totalement
implicite du fait de sa prégnance dans les établissements du corpus.
1.2.5.3.L’implication de l’équipe pédagogique
Nous trouvons ici une nouvelle expression du besoin de soutien ressenti par les
enseignants devant faire face à un élève porteur de handicap. Quand elle est évoquée
l’équipe pédagogique se confond avec l’équipe de direction. Il s’agit pour
l’enseignant, en équipe, de « penser l’élève handicapé » comme un élève en devenir.
1.2.5.4.La législation
L’ensemble des personnes interrogé connaît l’existence de la loi de 2005 avec
toutefois une meilleure compréhension pour les enseignants de l’établissement
accueillant des UPI. La plupart ne fait pas de lien avec ce qui se passe dans leur
établissement ou dans leur classe, et n’évoque pas pour eux l’obligation de
scolarisation de la loi. Le sentiment que la France est en retard par rapport à d’autres
pays européens permet d’évacuer la question de l’obligation imposée par le texte de
loi. D’une façon générale, là encore, s’il y a obligation, c’est de la responsabilité de
la direction de mettre en place les dispositifs. L’enseignant n’est alors qu’un
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
71
exécutant d’où l’importance du rôle du projet d’établissement explicite en ce
domaine.
1.3. Discussion des résultats
Nous avons vu dans la première partie que le concept des représentations sociales
était une manière de percevoir un objet ou une situation. Cette perception pouvait
être différente d’un groupe à l’autre. Dans notre analyse des entretiens nous avons pu
voir les représentations du handicap qu’avaient les enseignants.
L’enseignement est une tâche exigeante qui demande à l’enseignant d’être un
spécialiste de l’apprentissage. Elle l’est d’autant plus lorsque l’apprenant éprouve et
manifeste des difficultés d’apprentissage.
Tous présentent dans leurs discours des sentiments plus ou moins affectifs, d'amour
et de soutien. Le plus souvent, dans leur fonction d’enseignant ils disent avoir peur
de ne pas pouvoir gérer l’élève handicapé, mais surtout le reste du groupe classe. Les
enseignants « en contact » ou non mettent plus l'accent sur la différence que sur la
similitude de l’élève porteur de handicap par rapport aux élèves « ordinaires ». Par
conséquent l’élève porteur de handicap est d’abord perçu comme une personne que
l'on doit assister pour pallier son manque d'autonomie dans la vie quotidienne. La
valorisation de l’élève porteur de handicap ne s'accompagne donc pas d'une
véritable reconnaissance de ses capacités individuelles propres. La déficience
physique a comme caractéristique d'être visible et cette visibilité se dessine au travers
des marques corporelles et des difficultés fonctionnelles, contrairement à la
déficience sensorielle ou mentale, qui, elle, suscite une attitude qui conduit
systématiquement à la compassion.
Leur représentation de l’élève porteur de handicap renvoie à leur expérience
professionnelle mais surtout personnelle dans les relations avec des personnes
porteuses de handicap. Il est en revanche difficile de déterminer ou de distinguer la
part qui relève de leur expérience de celle qui relève de leur imaginaire. Ces deux
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
72
parts pourraient être considérées comme entrelacées et ressortant en fonction des
évènements.
Le handicap reste encore aujourd’hui une notion subjective, souvent mal utilisée et
presque toujours connotée de façon négative. Dans la représentation collective il est
presque toujours associé à l’image stéréotypée de la personne en situation de handicap
moteur lourd. Alors que la notion de handicap recouvre une grande diversité de
situations.
« Cependant, il serait simpliste de penser que les conceptions du handicap considéré
comme anomalie pas plus que celles qui réduisent la personne en situation de handicap
à son handicap ont disparues. Elles demeurent vivantes dans nos représentations
mentales car toujours et partout le handicap fait peur et il serait vain, peut-être même
dangereux de feindre de l’ignorer. » (Jeanne, 2008)
La similitude des résultats entre les deux catégories de notre échantillon, « avec
UPI » et « sans UPI » s'explique par la nature et les caractéristiques du groupe des
personnes "Sans UPI" avec les personnes handicapées. Si les personnes "non
concernées" se déclarent dépourvues, à priori, de toute situation d'implication avec
les personnes handicapées, cela ne s'est pas avéré être le cas avec les personnes que
nous avons interrogées.
Beaucoup de résistances sont liées aux conceptions que se forgent les enseignants de
leur identité professionnelle, aux représentations qu’ils se font des limites de leur
fonction et aux modèles pédagogiques qu’ils privilégient.
Quand il y a intégration d’un élève porteur de handicap en classe ordinaire, le travail
des enseignants s’en trouve considérablement complexifié. Cela passe
nécessairement par une évolution des attitudes et des pratiques qui n’est possible
qu’au prix d’une transformation des cadres de référence et d’un réaménagement des
certitudes.
Les enseignants ne s’estiment pas formés à l’intégration d’élèves en situation de
handicap. Dans le cadre de leur formation initiale, ils ne sont guère préparés à gérer
la différence ou la diversité. En général, le type d’enseignement qu’ils pratiquent fait
davantage appel au contenu et à une démarche d’apprentissage uniforme pour tous
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
73
les élèves de la classe. Les enseignants expriment un grand besoin d’être outillés
pour apprendre à fonctionner auprès de ces élèves «à besoins spécifiques ».
La connaissance de soi et de ses réactions face au handicap exige une formation
sérieuse pourtant, il y a tout lieu de craindre que les enseignants soient peu armés
pour affronter l’intégration d’élèves en situation de handicap, en particulier ceux
porteurs d’une déficience intellectuelle, même légère, et ceci indépendamment de
leur valeur pédagogique quand ils sont en présence d’élèves ordinaires. Ces
enseignants n’ont reçu aucune formation théorique dans le domaine du handicap
mental, de plus ils n’ont généralement guère eu de contact préalable au niveau
pratique. « C’est aussi une connaissance construite à partir d’éléments divers qui
s’apparente au bricolage. »(Jodelet, 1989).
Les enseignants peu préparés sont moins enclins à intégrer dans leurs cours. Ils
manifestent un manque de confiance quant à leurs capacités à enseigner et à diriger
les élèves intégrés dans leur groupe classe, ce qui justifie leurs réticences.
D’autre part ils expriment le besoin d’en retirer quelques avantages et pas seulement
un surplus de tâche. Ils demandent souvent peu de chose, sinon une simple
reconnaissance de leur implication.
Dans le cadre de l’intégration, les enseignants voudraient pouvoir confronter plus
souvent leurs expériences de l’accueil d’un enfant handicapé avec leurs collègues. Ils
disent souhaiter rencontrer des enseignants spécialisés, qu’ils estiment capables de
les conseiller dans la pratique. Ainsi , on peut en conclure que « Seul le partage d’une
importante matrice entre tous les acteurs pourra rendre possible l’inclusion. Car il ne
s’agit pas d’ingurgiter des contenus, il s’agit d’apprendre à travailler ensemble, à
partager des « arts de faire » à les construire ensemble. Le besoin de formation dépasse
le simple apport de connaissance, il est un besoin de culture, un besoin de partage.
Apprendre à faire ensemble, apprendre à penser en groupe, apprendre à imaginer. Tels
sont quelques-unes des pistes à suivre. » (Jeanne, 2008)
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
74
Nous pouvons provisoirement conclure qu'en qualité d’enseignant, nous sommes
concernés subjectivement par le handicap, même lorsque nous nous trouvons en
dehors de toute implication directe avec des personnes handicapées, mais que les
réticences sont encore bien présentes que l’on soit ou non en contact régulier avec
des jeunes porteurs de handicap.
1.4. Retour sur les hypothèses
Notre hypothèse suppose que "les enseignants en contact avec les élèves handicapés
auraient des représentations du handicap qui diffèrent de celles des enseignants
sans interaction directe avec les élèves handicapés". Nous avons donc postulé pour
une différence des jugements, des opinions, des conduites entre les principaux
acteurs de l'échantillon.
Dans la problématique qui nous concerne ici, le handicap semble porteur de
contradictions dans les représentations véhiculées à son égard : valorisation de la
personne d'un côté (égalité des chances, respect de la différence, droit à la
participation), dévalorisation de l'autre (manques, incapacités, déficiences).
Les trois caractéristiques qui peuvent déterminer les représentations sociales, selon
les théoriciens du noyau central, à savoir l'objet, les relations avec l'objet, les
idéologies et les cultures apparaissent clairement dans notre recherche.
Cependant, entre les acteurs en contact avec les élèves porteurs de handicap et les
acteurs sans interaction directe, il n'y a pas de différences de jugement significatives.
La tendance générale au niveau de ces deux types de population est plutôt celle de la
valorisation de la personne en situation de handicap (courage, volonté, gentillesse,
etc.) , même lorsqu’il s’agit d’un handicap intellectuel. La tendance élevée du
sentiment de compassion est aussi perceptible chez les deux types de populations.
Cette démarche vise à faire la part des choses entre une représentation de la personne
porteuse de handicap relevant de l'imaginaire individuel et celle liée à l'expérience
personnelle des situations quotidiennes avec les personnes handicapées. La
représentation de la personne déficiente se trouverait alors déterminée par les codes
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
75
culturels en vigueur dans les milieux spécifiques dans lesquels les sujets évoluent ou
non auprès des personnes handicapées. C'est donc sur la déficience en terme de
manque que l'accent est mis. L'idée véhiculée n'est pas celle de potentialités
susceptibles de se développer, dans une dynamique évolutive et de progrès.
Concernant la personne handicapée physique, l'accent est mis sur l'assistance
technique.
Le handicap physique véhicule une image de vouloir vivre, de volonté de s'adapter,
de capacité d'autonomie. La déficience mentale renvoie à l'image affective vide et
close. « La personne handicapée physique porte une image de capacités d'en sortir,
tout en étant affublée d'incapacités ; la personne handicapée mentale porte une
image de non compréhension et de repli sur soi, bien qu'on lui attribue fréquemment
une caractéristique d'exubérance, de trop plein affectif, d'envahissement des
autres. » (Rondal, 2001)
Ce constat nous rappelle que Serge Moscovici (1961) décrit la représentation
sociale comme un ensemble d’opinions analysables selon trois principes :
• L’information qui renvoie à la somme des connaissances qu’un individu
possède sur un objet social ;
• Le champ de représentation, qui est complexe et exprime l’idée d’une
organisation du contenu ;
• L’attitude, qui est considérée comme la dimension « primitive » de la
représentation et exprime l’orientation (générale ou individuelle), positive ou
négative vis-à-vis de l’objet de la représentation.
Une nouvelle hypothèse se dessine après cette étude : si les représentations de l’élève
porteur de handicap dans la population enseignante varient peu en fonction du
contact direct ou non, d’autres critères de variabilités apparaissent : l’âge, le sexe et
le niveau d’expérience d’enseignement. « Les membres de la communauté agissent,
pensent et sentent en groupe et sous sa pression certes, mais surtout pour le groupe
et en son nom. » (Jodelet, 1989).
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
76
Cependant, ces critères n'influencent pas de la même manière les représentations des
acteurs sur les personnes en situation de handicap, certains critères ont plus de poids
que d'autres. Pourtant si un élève « hors normes » remet en question les routines
pédagogiques du métier, il interpelle aussi les représentations, et interroge l’identité
professionnelle de l’enseignant.
Une seconde hypothèse pourrait supposer une modification de la perception sociale
du phénomène du handicap, sous l'influence des changements économiques, sociaux,
politiques et culturels.
Nous pourrions alors reformuler notre hypothèse de la manière suivante « Comment
les changements politiques et culturels d’une part ; la situation professionnelle
d’autre part, influencent-ils les représentations qu’ont les enseignants du
handicap ?»
2. Limites de la recherche
2.1. Du fait du terrain, du temps et de la population
Deux établissements ont été retenus pour cette étude. Ce travail n’a donc pas la
prétention d’appréhender la situation au niveau général. D’autre part, nous exerçons
dans l’un de ces établissements ce qui représente une première limite à notre étude.
En effet, le choix des personnes interrogées a été biaisé par la connaissance que nous
en avions dans l’exercice quotidien de nos activités. Il est évident que nous sommes
porteur de notre image et que si certains enseignants ont refusé de participer à cette
étude du fait d’une entente médiocre préalable, a contrario d’autres enseignants se
sont spontanément portés volontaires.
Pour ce qui est du second établissement, le chef d’établissement a choisi les
enseignants sans que nous ayons connaissance des critères retenus. Cependant nous
avons pu établir que ceux-ci avaient été désignés du fait de leur intérêt reconnu pour
l’intégration, ce qui est un second obstacle à notre recherche.
Les résultats obtenus ne sont donc valables que pour les personnes enquêtées et dans
un contexte particulier.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
77
Le fait que dans l’établissement « sans UPI », la pratique de l’intégration individuelle
soit historique et régulière a pour conséquence que nous n’avons pas été en contact
avec des personnes qui n’auraient réellement aucune expérience en terme de
handicap, ce qui a rendu difficile l’orientation des discours en direction d’un
handicap particulier.
Le temps imparti à la réalisation de cette étude était relativement court, nous
pouvons alors facilement imaginer que nous n’avons pas eu la possibilité d’une
analyse plus complète, et notamment le nombre d’entretiens réalisés reste trop peu
important pour permettre de conclure réellement. Cette recherche est en fait très
limitée à la fois en termes de temps, et de population interrogée. Nous ne pouvons
donc que conclure momentanément et envisager une seconde partie venant confirmer
ou infirmer nos premières analyses.
2.2. Dans un second temps : ce que nous pourrions faire
Lors d’une seconde partie d’enquête il serait possible d’envisager :
o Pour toucher une population plus large, des questionnaires pourraient être
proposé aux enseignants des deux établissements déjà retenus. Ces
questionnaires reprendraient les cinq thèmes déjà abordés dans les entretiens.
Une analyse quantitative viendrait alors en soutien de l’analyse qualitative
des entretiens.
Pour aller plus loin sur le thème de l’intégration, les élèves acteurs de cette
intégration pourraient être interrogés :
o Des questionnaires remis aux élèves de 5e, comportant trois dimensions :
Affective, comportementale et cognitive avec cinq niveaux de réponses (de
tout à fait d’accord à pas du tout d’accord) ; dix items par dimension. ; deux
classes interrogées par établissement, soit environ cent vingt élèves.
Pour compléter la vision des enseignants recueillie lors des entretiens d’une part
et par questionnaires d’autre part, comme celle des élèves une troisième étude
pourrait être proposée à la même population.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
78
o Des observations sur les interactions entre élèves ordinaires et élèves de
l’UPI. L’observation porterait sur le comportement des uns (enfants
« ordinaires ») envers les autres (enfants handicapés) et sur les différences
éventuelles de réactions dans des situations données (comportement avec les
pairs dans la cour de récréation, attention à l’autre ….par exemple). Pour
cela, une présence dans la cour, en classe ou en activité avec un guide
d’observation préalablement établi permettrait une observation. Celle-ci
pourrait être réalisée par des membres du personnel de l’établissement, tels
que des surveillants ou des enseignants.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
79
CONCLUSION
Prétendre pouvoir conclure sur un tel sujet serait bien ambitieux. Toutefois, la
réforme du 11 février 2005 a montré combien le problème de l'insertion et du
maintien des jeunes porteurs de handicap en milieu scolaire ordinaire est complexe,
en rappelant certains principes comme le principe de non-discrimination.
« Les personnes handicapées mentales nous posent des défis particuliers, par les
caractéristiques particulières qu’elles présentent et qui peuvent être résumées de la
façon suivante : rythme de travail lent, habiletés conceptuelles limitées, besoin
constant de suivi rétroactif de la part de l’enseignant, distraction, faibles habiletés
de mémorisation, faibles habiletés d’attention, difficultés de communication verbale,
difficultés de communication écrite, difficultés de réalisation de tâches à partir de
consignes écrites, sur-utilisation d’un vocabulaire limité et concret, structuration des
phrases inadéquates, image négative de leurs capacités d’apprentissage, faible
estime d’eux-mêmes. » (Petit, 2001). Avec la loi de 2005, outre les possibilités
d’accueil en établissements spécialisés (IME, IMPro) ou dans des classes spécialisées
d’établissements classiques (CLIS, UPI), les enfants avec une déficience
intellectuelle ont le droit d’accéder aux mêmes écoles que les autres enfants, avec ou
sans assistant (AVS) selon leur pathologie
Ce mémoire avait pour objectif de mettre en évidence les représentations du
handicap qu’ont les enseignants. Nous avons choisi de mener une réflexion sur la
notion de représentation dans le champ des handicaps pour cerner la place faite aux
jeunes porteurs de handicap en situation d’intégration scolaire, non seulement dans
l'imaginaire, mais aussi sur un plan pratique de prise en charge.
Si cette recherche a permis d'approcher les représentations, stéréotypées et les
attitudes des enseignants vis-à-vis d’élèves porteurs de handicap, tant par rapport aux
acquisitions que par rapport au handicap lui-même, cela ne constitue en aucun cas
son unique apport. En effet, dans les discours des enseignants nous avons également
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
80
eu l'occasion de relever des éléments d'ordre pratique dont l'amélioration favoriserait
l’intégration scolaire d’élèves en situation de handicap. De plus, certaines réalités
décrites par les enseignants interviewés nous ont permis de mieux comprendre la
difficulté de changer les représentations sociales existantes.
Il ressort donc de ces résultats que, malgré des attitudes positives à l'égard des élèves
handicapés, les enseignants ont une représentation du handicap en termes de
manques. La solarisation proposée ou recherchée doit donc camoufler ces manques.
Les réalités mises en exergue par cette recherche semblent constituer autant de freins
à la transformation de telles représentations. En effet, outre les représentations
sociales des enseignants, cette recherche nous a permis de mettre l'accent sur :
o Le manque de formation des enseignants concernant l’accueil et
l’accompagnement d’élèves porteurs de handicap. Dans le domaine scolaire,
le principe de « normalisation » et son corollaire « l’intégration » nécessite
une adaptation de la formation aux besoins des personnes concernées.
o Les difficultés de communication inhérentes à nos institutions comme frein à
l’intégration. « Prendre soin des enfants handicapés relève alors de notre
grandeur d’âme, elle est le témoignage de l’excellence de notre dévouement.
Cette conception a largement prévalu, à l’exception de quelques grands esprits,
jusqu’au 19ème
siècle. Est-on d’ailleurs bien certain qu’elle ait disparu ? »
(Jeanne, 2008).
o Le peu d’accueil d’élèves en situation de handicap dans les structures dites
« classiques » d’enseignement. Alors que l’intégration suppose qu’un élève
ait déjà été exclu, l’inclusion affirme sa volonté, dès le départ, de ne laisser
personne à l’extérieur de l’enseignement ordinaire.
Diverses pistes d'action et de réflexion peuvent dès lors être envisagées.
Pour faciliter dans un premier temps, le changement de représentations des
enseignants.
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
81
Pour pallier le manque d'informations il serait possible d’envisager la réalisation
auprès des enseignants d’une sorte de marketing social favorisant aussi la
démystification de certains stéréotypes.
Enfin, il faudrait envisager un travail d'analyse des représentations du handicap dans
une perspective plus large, ce que nous avons évoqué avec la proposition d’une étude
statistique sur le même terrain, complétée par des questionnaires remis aux élèves en
relation avec des jeunes porteurs handicap ou encore la mise en place d’une
observation des interactions entre tous les acteurs de la communauté éducative en
lien avec les jeunes porteurs de handicap.
Nous conclurons avec Charles Gardou que « Comprendre l’’autre différent, c’est
d’abord s’appréhender soi-même, tenter de s’analyser, conduire une introspection,
se reconsidérer et exiger de soi une adaptation. », et qu’au fond « handicapés ou
non, nous devons tous apprendre à des degrés divers, à vivre avec et malgré nos
multiples dépendances. » (Gardou, 2006).
Master 1 FORSE 2008 – 2009, Catherine ROCROY
82
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Handiscol
Ce site du ministère de l’Education nationale concernant la scolarisation des élèves
handicapés, en trois parties, présente les différents dispositifs de scolarisation, les
parcours de formation ainsi que l’aménagement des parcours possibles.
http://www.education.gouv.fr/cid207/la-scolarisation-des-eleves-handicapes.html
Ministère du travail des relations sociales et de la solidarité, La loi du 11 février
2005 et ses décrets : http://handicap.gouv.fr/article.php3?id_article=97
Scolarisation des élèves handicapés dans les établissements du second degré et
développement des Unité Pédagogique d’Intégration, Circulaire 2001-035du 21
février 2001 : http://daniel.calin.free.fr/textoff/upi_2001.html
Intégration scolaire et partenariat
http://scolaritepartenariat.chez-alice.fr/index.htm
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ANNEXE 1
Tableau d’inventaire et indentification des
thèmes émergeants d’un entretien exploratoire
illustré par des extraits de données brutes
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Tableau d’inventaire et identification des thèmes émergeants illustré par des extraits de données brutes
Thémes Eléments d'analyse Extrait de l'entretien d'observation
Demandes et limites d'intégration sujet de connaissance
"Pour les parents la filière UPI c'est le côté
intellect"
"Ici ils vont avoir du scolaire, et il faut qu'ils
continuent, si tot qu'on arrete on revient 10
ans en arrière"
"Quand ils vont ponctuellement en
physique ou de sciences pour faire des
expériences là c'est super"
"Le petit H, il venait de SEGPA, on l'a mit
en 6e en math, en français … C'est lui-
même qui a demandé à arreter, parce
qu'il était malheureux"
st do ça va plus vite qu'ailleurs déjà que
les éléves en difficultés ils sont paumés
"L'idée c'est de les faire monter de classe
mais eux ils mettent 4 ans là ou un gamin
va mettre 6 mois "
Engagement personnel
angoisse
reconnaissance
diffcultés concrétes
"Pour moi ça été une occasion vraiment
extraordinaire"
"ça aussi c'est un peu génant parce que
les gens qui font parti de l'équipe c'est de
la bonne volonté".
"ça aussi le lien entre collègue c'est de la
bonne volonté"
expression d'une volonté institutionnelle Parcours cohérent, évolutif, personnalisé
"le scolaire c'est l'état d'esprit de tout
l'étalbissement"
"Ils ont lhabitude de les voir"
"ça devient une norme"
"ils sont différents, mais finalement on vit
ensemble et ça se passe bien !"
"Ici c'st acquis : la différence ils l'acceptent"
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Thémes Eléments d'analyse Extrait de l'entretien d'observation
Intégration Des textes à la réalité de l'établissement
"En EPS ça fait longtemps qu'ils sont
intégrés"
Cette sorte d'intégration elle se fait
beaucoup en dehors des cours, beaucoup
dans les couloirs"
"ce qui marche bien c'est les bînomes"
"En musique il n'y a pas le soucis de la
réussite,tu chantes faux on s'en fout !"
"l'intégration c'est quelque chose de
difficile, moi je trouve que c'est quelque
chose de difficile ! Que ce soit avec les
autres élèves, ou que se soit pour les
adultes"
"les textes actuellement c'est faut
intégrer, faut intégrer", mettre un gamin
en fond classe en potiche , ça peut se faire
... ça va apporter quoi ?"
"J'ai été les voir dans les stages, et là on
s'aperçoit qu'ils ne sont pas heureux."
"c'est les leurrer"
Interrogation sur le handicap et
conséquences : des questions qui
demandent des réponses
Déficience, différence, identité
"ils se posent beaucoup de questions. Des
questions pratiques souvent … des
questions par rapport à leur handicap …"
"Ils ont des questionnements du quotidien"
"ils essayent de comprendre pourquoi ils
ont ce type de comportements, pourquoi ils
n'arrivent pas à lire ..."
La formation des enseignants
sentiment de solitude
angoisse
difficultés concrétes
"Il faut préparer les profs qui veulent
intégrer"
"On est pas formé … ça aussi c'est un
problème"
"On a pas de lieu d'écoute"
"Il y a des gamins on ne sait pas comment
les prendre. C'est pas de notre ressort"
" On fait avec notre expérience, notre
caractère et puis c'est débrouille toi !"
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Thémes Eléments d'analyse Extrait de l'entretien d'observation
Les acquisitions sociales de l'intégration Elaboration identitaire
"l'intégration c'est aussi l'autonomie."
"Ils sont conscient qu'ils sont dans un grand
contexte" "Ils
sont pas dans leur bulle"
"Ils sont dans un contexte où ils se
débrouillent"
"Ils sont en contact tout le temps avec des
gens "
"Ils sont conscients qu'ils sont différents,à
chaque fois qu'il ont quelques choses de
l'extérieur qui les renvoue à ça et bien ils
en prennent plein la figure"
Partage d'activités Elaboration identitaire
regard
"Ce qu'ils aiment bien c'est faire des
activités des fois avec eux"
"mais bon de là à aller déjeuner ensemble
à la cantine..."
"Mais de là à aller faire quelque chose
pour eux ! ...."
"Les sorties comme Rambouillet avec les
6e, ils peruvent pas se mélanger , du coup
ils restent en groupe"
" Ils ont du mal à suivre parce qu'ils
marchent lentement ils fatiguent...."
Possibilité d'aide droit à compensation
"Ils se disent qu'il faut peut être les aider"
"c'est beaucoup de petites choses qui se
mettent les unes par dessus les autres et
qui font qu'ils se rendent compte"
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Thémes Eléments d'analyse Extrait de l'entretien d'observation
Prise en compte de la différence par les
élèves ordinaires Altérité et variabilité individuelle
"en musique par exemple, ils s'aperçoivent
qu'ils sont capables de faire, et des fois
mieux qu'eux !"
"ils se rendent aussi compte que c'est
difficile, qu'ils ont des difficultés partout"
"ils s'aperçoivent quand ils en ont dans leur
classe, qu'ils se donnent de la peine pour
arriver à quelquechose ..."
"ça leur renvoie une différence qu'ils ne
veulent pas voir"
Responsabilité "ça aussi les entrées et les sorties c'est une
sacré responsabilité pour l'accueil"
Sexualité, puberté et mixité peur "C'est discuté avec jeunes, handicapés ou
non, du respect de l'autre".
"les handicapés mentaux, ils ont leur âge
ingrat aussi. Ils sont en plein puberté"
"Les garçons qui ont envi de tripatouiller
les filles, les handicapés, ils n'ont pas de
barrière eux !"
"Il y a des tranches d'âges : je pense que
6e5e c'est un boncrenau, le lycée c'est un
bon creneau, mais 4e3e ils ont trop de
problèmes eux-mêmes pour accepter"
ANNEXE 2
Guide d’entretien
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Guide d’entretien
Consigne de départ
J’aimerai que vous me parliez du handicap intellectuel à l’école et de l’intégration de ces élèves. Quelle est votre expérience personnelle ou professionnelle à ce sujet et votre point de vue sur cette question ?
Ce que nous cherchons
Thèmes à aborder Questions et relances
Cette première question a pour objectif de lancer
l'entretien, et de recueillir une liste de mots en
référence au handicap
La notion de handicap quels mots vous viennent à l'esprit quand je vous dis handicap ? (Citez en 5)
A travers cette question - indirecte - nous cherchons à
faire apparaitre les réticences ressenties par les
adultes et attribuées aux élèves
La situation de l’élève
Intégration
1-D'après vous, les collégiens rejettent ils les élèves de l'UPI ?
2- Pensez vous que les jeunes d'UPI soient isolés ou au contraire intégrés dans les activités periscolaire (recréation, temps de midi…)
3- Quel sens donnez vous au terme "intégration" ?
4- Pensez vous que la présence d'élèves handicapés dans l'établissement soit positive pour les élèves ordinaires ?
Ces questions conduisent l'enquêté à faire des compaisons entre les
différentes situations et à prendre position,
Les apprentissages
:Codes sociaux
5- Comment interviendrez vous si vous êtes temoin d'un incident entre un élève de l'UPI et un collégien ?
6 - Accepteriez vous que les élèves de l'UPI vous tutoie ?
7- Que pensez vous d'un élève UPI embrassant une collégienne ?
C'est la représentation du devenir et des
transformations identitaires du jeune par les éducateurs
que l'on souhaite faire apparaitre.
L’ Avenir des élèves
8 - Comment envisagez vous le l'avenir des adolescents handicapés ?
9- Comment envisager vous la vie affective de ces jeunes ?
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Ce que nous cherchons
Thèmes à aborder Questions et relances
Cette question conduit l'enquêté à s'exprimer sur sa
perception du handicap mental.
La situation des enseignants implication
10- Connaissez vous le type de handicap dont sont porteurs les élèves de l'UPI ?
11- Avez-vous des contacts avec eux ou certains d'entre eux ?
Nous cherchons par cette question à permettre
l'expression des représentations de l'autonomie, des
compétences et des déficences des adolescents
handicapés.
Le métier d’enseignant
12- Quels intérêts voyez vous aux sorties pédagogiques communes (élèves ordinaires et UPI) ?
13- Pouvez vous lister les difficultés que vous voyez à l'intégration d'un élève UPI dans votre classe ?
14 Quelles activités proposeriez-vous à un élève de l'UPI ?
15- Comment imaginez vous l'accompagnement des élèves handicapés ?
L'objectif ici est de faire émerger les besoins, les reticenes et les freins en
terme d'intégration.
La formation des enseignants
16- Quelles sont pour vous les qualités d'un enseignant spécialisé ?
17- Que pensez vous de la formation des enseignants concernant l'intégration des enfants handicapés ?
Nous cherchons à définir ll'influence de l'institution
(direction, textes législatifs …) dans le cadre du
handicap
La volonté institutionnelle
18- Quelles sont pour vous les limites de la prise en charge institutionnelle dans un établissement scolaire ordinaire ?
19- si je vous dis "LOI du 11 février 2005" que répondez vous ?
Pour plus de clarté les questions sont présentées en correspondance avec « ce que nous cherchons » ce qui permet d’expliciter les notions utilisées et le contenu recherché.
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ANNEXE 3
Retranscription et codage de l’entretien EST01
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Retranscription et codage de l’entretien semi-direction avec un enseignant en lettres. Codage : I1 Interviewer I2 Interviewé N1, N2 … rang de l’intervention dans la question Q1,Q2 … codage de la question et de ses relances Les points de suspension correspondent à un ralentissement du discours, une hésitation de l’interviewé ou de l’interviewer, ou à un temps de réflexion.
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ANNEXE 4
Tableau des catégories retenues
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L’étude porte sur l’intégration scolaire d’élèves porteurs d’un handicap intellectuel et les représentations du handicap qu’en ont les enseignants. L’objectif est d’analyser les effets de l’intégration sur les enseignants en termes de représentation du handicap. Analyse thématique Découpage en unités d’enregistrement thématique et fréquence d’apparition. L’analyse catégorielle de contenu thématique est la méthode la plus classique pour analyse une production verbale. Il s’agit de procéder à une classification par thèmes des différentes unités d’enregistrement. Il s’agit de découper le texte en énoncés plus restreints possédant un sens complet, soit une ou plusieurs phrases dans lesquelles le sujet exprime la même idée. Grille finale
A Notion de handicap
A1 Perception du handicap par l'enseignant en rapport à lui-même
A1a Inquiétude, angoisse
A1b stigmatisation
A1c incertitude, flou, méconnaissance
A1d douleur, peine, difficulté, sentiment d'inutilité
A1e richesse
A2 Perception par l'enseignant du jeune porteur de han dicap
A2a courage
A2b distance différente
A2c plus affectueux
A2d particularité
A2e attachement
A2f conscience de son handicap
B Apprentissage et acquisition
B1 Acquisitions sociales
B1a respect de l'autre
B1b code social
B1c prise en compte de la différence
B1d accès à une vie de bonheur
B2 Acquisitions scolaires
B2a stimulation, encouragements des acquisitions
C Situation d'intégration
C1 Avantages
C1a indifférence positive
C1b UPI = un autre regard
C1c apprendre
C1d échange
C1e expérience
C2 Limites
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C2a difficulté de gestion de groupe
C2b régularité et durée de l'intégration
C2c capacités intellectuelles et adaptabilité
D Situation des enseignants
D1 Formation
D1a formation, information, communication
D1b mise en pratique
D1c accompagnement, personne ressource, partage
D1d reconnaissance
D1e expérience, stage
D1f frustration
D2 Enseignant spécialisé
D2a patience
D2b implication
D2c détachement
D3 Adaptation
D3a préparation supplémentaire
D3b investissement différent
D3c adaptation pédagogique
D3g énergie et volonté
E Le rôle des institutions
E1 Volonté institutionnelle
E1a projet d'établissement
E1b dimension pastorale
E1c équipe pédagogique
E1d la législation
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ANNEXE 5
Exemple de tableau thématique
Entretien ENDS03
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A le handicap
Perception par rapport à soi
A1a Inquiétude, angoisse
curieusement ça ne m’en a pas posé tant que ça. C’est-à-dire quand on était en cours j’y faisais pas attention en fait, en plus moi je suis prof d’anglais. Mais c’était à chaque fois qu’on faisait une sortie c’est vrai qu’on se disait « mais est-ce qu’il peut venir, est-ce que ça va pas être un souci ». Et puis je pense à une autre petite, alors là c’était beaucoup plus difficile, qui avait un handicap vraiment beaucoup plus lourd, des prothèses pour marcher et puis … c’était une situation très particulière à son corps, qui était assez surprenant, c’est-à-dire qu’elle pouvait par exemple mettre, je ne sais pas, des jupes très courtes alors qu’elle avait sa prothèse en fait, elle n’avait pas du tout pour le coup d’inhibition par rapport à son handicap. Je veux dire par exemple des choses que nous on estimait très dure, par exemple perdre sa prothèse et elle est était à quatre pattes pour ramasser sa prothèse, et elle faisait ça très naturellement. Et en fait les gens, et notamment les enseignants, on était surpris par … finalement agréablement surpris, mais on anticipe toujours que les personnes qui portent un handicap soient super pudiques par rapport à ça, qu’ils veuillent le cacher et tout. Et elle, elle n’était pas du tout comme ça.
…. Je me sentirais assez incompétent. Je pense qu’il ya des choses qui sont du domaine du bon sens mais je pense que j’airai du mal à assumer le risque ce serait que par un triste mélange de paresse et d’incompétence qu’en fait, je ne fasse pas, ce que je pense que j’ai envie de faire, c’est-à-dire la pédagogie différenciée et que du coup l’enfant soit un peu lâché …
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Et bien, il y en a qui s’en font une montagne de tout ça « comment on va faire ?et qui va porter le fauteuil ? et si et ça … » Notamment dans le cadre du handicap physique parce que finalement c’est ça qui est le plus représenté ici, par exemple, le cas de la petite qui est handicapée. Cette petite là, enfin, potentiellement j’aurai pu être amené à la porter et je n’étais pas à l’aise dans cette idée là. Ça ne m’aurait pas trop gêné dans l’absolu, mais je n’étais pas à l’aise. Non ça ne m’aurait pas gêné, mais dans le positionnement enseignant je trouvais ça difficile d’avoir un rapport physique, tactile avec une élève quoi. Ça me mettait mal à l’aise. D’ailleurs je ne sais plus trop comment ça s’était goupillé mais il y a quelqu’un d’autre qui l’avait fait. J’avais un peu contourné le truc … Les gens ne savent pas du tout comment il faut prendre en compte. Ce qu’on peut dire, ne pas dire. Enfin je pense qu’il y aussi une grande crainte de mal faire. Qui est assez handicapante. Et je pense qu’il y a pas mal de gens qui ne savent pas trop ce qu’ils peuvent dire ou ne pas dire par exemple. Ne serait ce que par rapport à la façon de nommer le handicap. Enfin je veux dire, dire ou pas dire le handicap, comment le dire, qu’est-ce que l’enfant dit. C’est pour ça aussi, que je pense qu’il y a cette frilosité, que les gens ont peur. Je pense que les gens ont envie mais qu’ils ne savent pas trop comment faire. Il y a la masse qui est dans la norme et du coup … on voit bien comment c’est
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Mais je pense que là pour le coup, oui il y a des implications, mais le grand souci des enseignants, on est tellement encore dans une logique de transmission de connaissances et d’acquisitions qu’on va se dire quel est l’intérêt de mon cours. Alors effectivement si l’objectif premier n’est pas ça , l’enseignant se sentira plus cool, plus détendu, sera plus prêt à lâcher prise aussi, Ça c’est des choses qu’on peut imaginer mais il faut qu’on sache … Finalement beaucoup d’enseignants placent la barre assez haute, je trouve que c’est quand même un métier où les gens sont assez consciencieux. Ils n’aiment pas trop ni l’approximatif, ni l’à peut près et si on leur dit pas vraiment ce qu’on attend d’eux et que là ça rentre dans … enfin c’est autre chose que ce à quoi ils sont habitués, et ce à quoi ils ont été formé, ils ne vont pas être à l’aise.
A1b stigmatisation Parce que l’idée ce n’est pas forcément d’être laxiste non plus
A1c incertitude, flou
Bon celui dont je parlais tout à l‘heure, il y a d’autres élèves à NDS, cette année je pense notamment à un autre élève avec un handicap alors là vraiment lourd et qui est alors là à la fois physique et je pense mental mais je n’en suis même pas trop sur. En fait je ne le connais pas alors. en l’occurrence cet élève là je ne sais pas vraiment ce qu’il a quoi, mais il a vraiment, je crois qu’il a quelque chose au niveau mental qui ne va pas avec des infos qui ne circulent pas et des choses qu’on découvre à posteriori … C’est des choses que je me sens plus à mène de vivre maintenant, ça fait 5 ans que j’enseigne, j’ai un peu plus de bouteille mais par exemple en entrant, comme débutant, j’aurai été incapable de gérer ce genre de truc.
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une exigence et puis en même temps c’est aussi de se dire que c’est un sujet sensible, qu’on veut surtout pas froisser l’élève ou être maladroit ou … dire des choses qu’il ne faut pas dire … je pense qu’il y aussi un grand souci de ça.
A1d douleur, peine
Je pense que ce qui doit être le plus difficile, par exemple c’est quand le handicap mental est léger. Comme je n’y connais rien je ne sais pas trop comment appeler ça. Mais quand il y a un trouble vraiment … qui fait que l’enfant n’est pas complètement dans la norme mais n’est pas consi-consid-considéré vraiment comme handicapé entre guillemets Alors que je dirai qu’un enfant qui aurait un handicap vraiment avéré, je pense là, du coup, ça déclencherai cette espèce de bienveillance qui peut être parfois … un peu limite. Je pense qu’il y a du bon et du moins bon là dedans. Mais par contre je me demande dans quelle mesure ça pourrait vraiment bénéficier à l’enfant.
Enfin le poser là comme ça sans rien faire, ça n’aurait aucun intérêt.
A1e richesse Perception du jeune
A2a courage A2b distance différente A2c plus affectueux A2d particularité A2e attachement A2f conscience
B Apprentissage Acquisitions sociales
B1a respect de l'autre
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B1b code social
Moi, ça ne me dérangerait pas du tout pour le coup. Je pense que du moment, entre guillemets, en fait il y aurait le code social et l’ordre établi, mais dés lors que toutes les parties en fait savent qu’on est dans un cas particulier, et que les élèves savent et comprennent pourquoi je tolère ça de cet enfant et pas d’eux, ça ne me gênerait pas du tout.
B1c prise en compte de la différence
B1d accès à une vie de bonheur
Acquisitions scolaires
B2a stimulation, encouragements, acquisitions
Oui en fait ça dépend, c’est pour ça que je disais ça dépend beaucoup des objectifs qui sont fixés parce que si les objectifs, ce n’est pas des objectifs d’acquisitions, mais que c’est des objectifs, de savoir être, d’interactions avec les autres là oui très bien. C’est encore plus simple j’ai envie de dire Je pense à des choses toutes bêtes. Si on fait un panneau, l’aider à faire un panneau c’est pas difficile et c’est à la fois une acquisition, à la fois un travail d’équipe, travailler avec d’autres
C intégration Avantages
C1a indifférence positive C1b UPI = un autre regard
C1c apprendre
Bah spontanément je dirais que j’essayerai de l’intégrer dans des cours où il risque moins de n’être pas gêné par son handicap. Je pense notamment aux activités qui font une part à la créativité ou à la liberté de mouvement, ou d’expression. parce que je pense qu’il faut que l’enfant il grandisse, qu’il découvre des choses.
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C1d échange
Alors là pour le coup je ferai une distinction entre handicap physique et l’handicap mental. Pour l’handicap physique alors complètement. Moi j’ai vu, notamment dans le cadre de Marion, la petite fille qui est en fauteuil, des fois c’est un peu lourd parce que c’est toujours un peu les mêmes personnes quand même, enfin les mêmes élèves qui étaient là pour lui porter son cartable etc. Mais elle était quand même très très bien intégrée, j’ai l’impression, dans l’école. . Je pense que c’est là que c’est le plus difficile parce que je pense que ça dérange et le fait que l’enfant ne rentre pas dans une case je pense que ça dérange les autres en fait. Enfin je pense qu’ils vont avoir du mal du coup à interagir avec lui etc. et puis ce qui ne veut pas dire laisser l’enfant comme ça lâcher dans la nature, mais du coup mettre un accent plus sur les liens avec les autres
C1e expérience Limites
C2a difficulté groupe
Bah en fait le truc … Cette élève là, celle qui était en fauteuil, plus ou moins en fauteuil, je ne l’ai jamais vraiment eu en cours, j’ai fait des sorties avec elle et là justement le problème s’était posé … la question c’est de savoir … enfin vraiment la question de fond, moi il me semble c’est quand même le bien être de l’enfant. C’est aussi comment les intégrer sans qu’on sache vraiment comment les gérer Le temps de trouver des repaires, des limites qui soient valables pour les différents groupes, mais en plus s’il faut qu’il y ait des cas particuliers ! J’aurai vraiment du mal !
C2b régularité
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C2c capacités intellectuelles et
adaptabilité
Il faut voir le type d’handicap, parce que par exemple s’il ne peut pas du tout suivre à l’école, il risque d’avoir un sentiment de souffrance en fait, de ne pas être, d’être largué, de ne pas comprendre ….
D situation des enseignants
Formation
D1a Formation, information, communciation
Après la question c’est de savoir … d’un point de vue très prosaïque j’aurai tendance à dire que, … manque de temps, … de formation …. oui complètement. Ah oui je ne serai pas du tout … et puis quand même, je pense, ça présupposerait, même en admettant que je ne sois pas formé, si l’on veux accueillir un enfant comme ça , j’espère quand même que je rencontrerai au moins une fois avant, les parents, et qu’ils me disent « bon bah voilà comment ça peut se passer, voilà ce à quoi vous pouvez vous attendre. » . Ça serait vraiment je dirai, le B-A BA
Et puis surtout qu’on me dise ce que je peux exiger de lui. Qu’on me dise un peu, parce que les limites habituelles j’arrive à les trouver, je sais un peu ce que je peux attendre de tel ou tel élève selon son âge et tout, mais il faudrait qu’on me dise « et bien voilà où il est, voilà vers quoi il faut essayer de l’amener » et puis après je m’adapterai. elle sait bien s’y pendre, elle fait bien le lien avec les profs, au début elle se trouvait peut être un peu plus isolée parce qu’on a jamais eu de personne comme ça, mais je pense … elle vient bien nous dire comment ça se passe avec les élèves. On a un retour. Du coup je trouve ça assez … Je pense qu’il faudrait qu’il puisse y avoir des relais, de la consultation du temps
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Formation initiale j’ai rien vu à ce sujet là. Rien du tout. Maintenant je vais enseigner en IUFM à partir de l’année prochaine, je vais quitter cet établissement. Je pense qu’il doit bien y avoir un petit module de prise en charge du handicap parce que c’est quand même dans l’air du temps. Mais ça ne va pas plus loin. Oui moi je pense. Concertation, formation Alors que si on leur dit clairement et bien voilà « au cours du trimestre ça serait bien qu’il est fait ça et ça, qu’il est été une fois en situation de faire de ci … » après ça sera plus facile de distiller ça dans une progression. Enfin je pense.
D1b mise en pratique
D1c accompagnement, personne ressource, partage
La grande nouveauté cette année c’est qu’on a une personne qui est vraiment dévolu au suivi des élèves avec des profils très particuliers, et notamment ceux qui peuvent avoir un … euh … elle a été embauchée cette année. Je ne sais pas trop en fait si c’est …c’est pour à la fois pour les élèves en grandes difficultés ; ou par exemple, on a des élèves qui viennent de l’étranger qui ont des difficultés de langue. Elle gère un peu … tous les profils un peu particuliers de façon individuelle. Elle fait ça Oui il faudrait qu’il y ait un accompagnement au moins déjà but d’année et puis peut-être des bilans assez régulier je pense. Je pense que là, enfin en l’occurrence, on a une personne à l’école. C’est bien quand même cette personne qu’on a. Voilà c’est un peu une intermédiaire, il me semble C’est très compliqué. C’est pour ça que je disais qu’il faut qu’il y ait des référents par exemple. Mais encore une fois ça dépend de la lourdeur du handicap
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A Sion ? Ça serait bien une personne un peu référent. Ça serait bien que ce soit une personne à double casquette, une casquette de prof différente de l’avis uniquement psy qui n’ont pas forcément un pied dans l’école. Du coup je pense qu’il aurait plus de crédit auprès des autres enseignants. Il pourrait nous accompagner dans la démarche finalement. Oui je pense que je pourrai le faire.
D1d reconnaissance
D1e expérience, stage …
on va dire, on a un peu différent type. Moi j’en ai rarement eu qui étaient vraiment très handicapés. Qui avaient un handicap lourd. Là je pensais à un élève que j’avais il y a … bah l’année dernière en fait. Du coup moi j’ai suivi un peu la chose, notamment pour les voyages, les sorties.
Enseignant spécialisé D2a patience
D2b implication
Il y a une histoire de charisme croire réellement à ce qu’ils font. C’est un coordinateur, c’est quelqu’un qui peut transmettre des choses, des méthodes. Ça dépend comment ça se passe, si c’est un enseignant qu’il est formé , qui intervient dans un établissement classique comme ici, qu’il puisse un peu faire bénéficier des gens de son équipe par exemple de ce qu’il sait.
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Oui un référent je le verrai un peu comme ça. Qu’il pense qu’il y a quelque chose à faire, qu’il ne soit pas fataliste. Enfin je veux dire, quelqu’un qui est de l’espoir. Je pense qu’à la base il faut que ce soit quelqu’un qui soit convaincu du projet, en l’occurrence de l’intégration de l’enfant handicapé dans une structure dite classique. Si lui même n’est pas convaincu de ce truc là, il n’arrive pas à convaincre les autres et ça ne va pas marcher. C’est plutôt quelqu’un qui soit dans le projet, et du coup quand on y croit on est moteur, on est porteur, on est convaincant et c’est comme ça que ça marche. Il faut que ça soit une locomotive après ….
D2c détachement Adaptation
D3a préparation supplémentaire D3c investissement différent
D3d adaptation pédagogique
Donc il y a adaptation, et bien je dirai oui et non.
et je crois qu’elle le fait travailler en dehors des cours en fait. Je dirai qu’on s’adapte un petit peu par rapport à ça Mais je pense qu’ailleurs je trouverai ça serait très, très difficile. J’imagine que l’enfant en fait … les cours je les fais intégralement en anglais Je pense que ce serait quelque chose d’inquiétant pour lui. Moi ça ne me gênerait pas qu’il soit dans la classe mais je ne suis pas sure que ... Ou alors faudrait vraiment que j’ai une pédagogie adaptée. Il faudrait que je mette en place une pédagogie différenciée mais en tout cas je ne pourrais pas …. On est obligé de renégocier les rôles. Je veux dire, c’est complètement différent quoi.
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La structure de la journée, de la classe, du groupe classe … enfin ça été conçu pour des enfants qui entraient dans un moule précis. Donc ça remet un peu en question l’accueil de ces enfants qui ont des handicaps. Il y a une réflexion pédagogique et il y a la mise en œuvre quand même, il faut être prêt à changer des choses, dans la classe, dans la vie de la classe. Il faut y penser.
D3e énergie et volonté
Oui, oui s’il doit accueillir un enfant handicapé, oui, il doit y penser. Ce n’est pas simple. Mais je ne peux pas vous dire ; Je n’ai pas un avis très arrêté là dessus, je n’ai pas été assez confronté à. C’est peut-être plus … moins compliqué que ce que j’imagine, mais je pense quand même que c’est assez compliqué. A mon avis, je pense qu’il y est vraiment une volonté …Enfin je pense que ce genre de chose, il ne faut pas que ça se fasse sous la contrainte. Je pense qu’à la base il faut qu’il y ait une volonté, des gens qui soient motivés, qui est envie de, parce que je pense qu’il n’y a rien de pire que d’imposer en fait surtout ce genre de chose.
Si l’enseignant a un manque d’intérêt ou de curiosité, d’envie de s’impliquer ça peut être négatif pour l’enfant. Oui et puis je pense qu’il faut qu’il y ait une envie. Il y a beaucoup de prof que ça peut intéresser. Si on leur donne les moyens de, il y a quand même beaucoup de gens que ça peut intéresser Après je vois bien comment ça se passe, les années comment ça filent. Honnêtement je ne sais pas, j’ai du mal à voir. Il faudrait qu’il y ait un travail individuel.
E situation institutionnelle
Volonté institutionnelle
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E1a projet d'établissement
Après par rapport aux infrastructures bon bah, … Je veux dire, c’est une présence qui est tellement discrète en fait, je ne peux pas vraiment dire qu’on soit vraiment sensibilisé à la question quoi. On n’est pas … dans l’établissement on a un public relativement homogène et par exemple la pédagogie différenciée c’est pas du tout dans nos habitudes. Il y a vraiment la parole unique pour … on peut discuter mais ça reste très très exceptionnel. On n’a pas une très grande culture à ce niveau là et sur le principe A mon avis les chefs d’établissements doivent être plus au courant de ce genre de trucs. Mais les profs … Il y a quand même pas mal d’établissement qui ne doivent pas y tenir … ah oui, dites ou pas dites … Du coup les parents sont contents, ça donne un bonne conscience mais je pense que si c’était plus …Faut voir la proportion, plus de 2 ou 3 enfants dans la classe ça commencerait à tiquer au niveau des parents. C’est évident que ça tiquerait. Je n’ai aucun doute là-dessus. Il y en a mais avec une certaine frilosité quand même.
E1b dimension pastorale
notamment dans l’enseignement catholique. Je trouve que ça apporte encore plus ici quoi. Ça peut se recouper avec les projets pastoraux.
E1c
équipe pédagogique
Donc du coup je pense que ça pourrait être une difficulté parce que pour que ça fonctionne bien, il faut qu’il y ait une bonne consultation des différents acteurs, aussi bien des responsables que du prof principal, que des enseignants, un lien avec les parents ; Il y a quand même une question de moyens
E1d La législation Je ne suis pas sure qu’entre le dispositif législatif et sa mise en œuvre …
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Mais j’ai le sentiment qu’on est très en retard en France dans ce domaine là. On fait des petites choses. Je dirai le truc, les nouveaux équipements sont aux normes, mais la mise à jour, la mise aux normes des équipements est quand même très lente à se faire. Enfin tout ça c’est un peu doublé, si vous voulez, de l’évolution des discours où en fait d’un seul coup … Enfin je veux dire, pendant des décennies, des siècles, en fait, les personnes qui avaient un handicap étaient les rebus de la société, et d’un seul coup … en fait … on se rend compte que, enfin il faut intégrer et du coup c’est comme, je veux dire, l’histoire des minorités visibles etc. enfin je veux dire que ça s’est doublé d’un discours un peu politique, bien pensant, ce qu’on peut dire, pas dire ; faire pas faire.
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ROCROY Catherine L’intégration d’élèves en situation de handicap a-t-elle une incidence sur les représentations des enseignants ? De tout temps les malformations, les mutilations ou encore les déficiences intellectuelles ou comportementales ont nourri l’imagination et intrigué les bien-portants. La Loi du 11 février 2005 constitue une véritable rupture avec une nouvelle conception du handicap et de la personne handicapée. La substitution d’une « obligation de scolarité » à une notion d’intégration scolaire nous amène à nous interroger sur les représentations du handicap des enseignants. Nous nous appuierons pour cette étude sur la théorie des représentations sociales développées par Serge Moscovici et Denise Jodelet. Nous avons recueilli le discours de huit enseignants et analysé leur discours selon qu’ils sont en relation ou non avec des jeunes en situation de handicap. Le traitement des données a été fait par analyse de contenu thématique, par étapes successives en passant au crible chaque retranscription ligne par ligne afin de répertorier les unités sémantiques significatives du discours de chaque enseignant interrogé. Il ressort de ces résultats que, malgré des attitudes positives à l'égard des élèves handicapés, les enseignants ont une représentation du handicap en termes de manques. La solarisation proposée ou recherchée doit donc camoufler ces manques. Beaucoup de résistances sont liées aux conceptions que se forgent les enseignants de leur identité professionnelle, aux représentations qu’ils se font des limites de leur fonction et aux modèles pédagogiques qu’ils privilégient. Toutefois les enseignants le plus en relation avec des jeunes porteurs de handicap semblent « moins embarrassés ». Le principal frein à l’intégration restant pour tous le manque de formation. Mots clés : représentations sociales, handicap, déficience intellectuelle, UPI, intégration.
Date de soutenance : 9 juin 2009 Membres du Jury : Jérôme ENEAU & Yves JEANNE Note attribuée : 17/20