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L’intervention en éthique: structurée mais non linéaire 1 Alain Létourneau et André Lacroix, Université de Sherbrooke Résumé De plus en plus de demandes sont formulées par les professionnels en exer- cice et par les organisations et groupes, des acteurs qui souhaitent qu’une intervention rigoureuse soit possible sur des questions d’éthique et qui la requièrent. Dans ce contexte, nous commençons par demander ce qu’il en est de l’intervention, en soutenant la position de sciences humaines appliquées selon laquelle nous devons renoncer à une conception purement linéaire de l’intervention. Tout en présentant certaines caractéristiques que l’intervention sur les questions d’éthique partage avec d’autres types d’intervention, nous présentons ici un modèle et une caractérisation de ce qu’est l’intervention sur ces questions, ce qui permet à notre avis de justifier une intervention typique dans ce domaine. Nous tentons de penser la spécificité de cette inter- vention en termes de non linéarité, bien que toute intervention responsable impliquera toujours une planification et une structuration de l’action. C’est dans le traitement des questions concernant les normes et les valeurs que nous voyons un domaine spécifique d’intervention à propos duquel des personnes formées en éthique pourraient avoir quelque chose à apporter, dans une approche marquée par la philosophie réflexive (le praticien réflexif) et l’ouverture à l’apprentissage pour les groupes et les organisations. Introduction Les travailleurs, professionnels et gestionnaires sont soumis à d’importantes pressions pour augmenter le rythme et la qualité de leur travail sans qu’on leur donne toujours les ressources pour répondre à ces pressions. Il s’en suit une 1 Le présent article s’inscrit dans une recherche portant sur les méthodes d’intervention en éthique. Cette recherche a été rendue possible grâce à une subvention FCAR-FQRSC, 2000-2003, « Méthodes et interventions en éthique appliquée », Alain Létourneau cher- cheur principal, André Lacroix et Yves Boisvert co-chercheurs. Nous tenons à remercier cet organisme pour son soutien.

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L’intervention en éthique:structurée mais non linéaire1

Alain Létourneau et André Lacroix,Université de Sherbrooke

Résumé

De plus en plus de demandes sont formulées par les professionnels en exer-cice et par les organisations et groupes, des acteurs qui souhaitent qu’uneintervention rigoureuse soit possible sur des questions d’éthique et qui larequièrent. Dans ce contexte, nous commençons par demander ce qu’il en estde l’intervention, en soutenant la position de sciences humaines appliquéesselon laquelle nous devons renoncer à une conception purement linéaire del’intervention. Tout en présentant certaines caractéristiques que l’interventionsur les questions d’éthique partage avec d’autres types d’intervention, nousprésentons ici un modèle et une caractérisation de ce qu’est l’interventionsur ces questions, ce qui permet à notre avis de justifier une interventiontypique dans ce domaine. Nous tentons de penser la spécificité de cette inter-vention en termes de non linéarité, bien que toute interventionresponsable impliquera toujours une planification et une structuration del’action. C’est dans le traitement des questions concernant les normes et lesvaleurs que nous voyons un domaine spécifique d’intervention à proposduquel des personnes formées en éthique pourraient avoir quelque chose àapporter, dans une approche marquée par la philosophie réflexive (le praticienréflexif) et l’ouverture à l’apprentissage pour les groupes et les organisations.

Introduction

Les travailleurs, professionnels et gestionnaires sont soumis à d’importantespressions pour augmenter le rythme et la qualité de leur travail sans qu’on leurdonne toujours les ressources pour répondre à ces pressions. Il s’en suit une

1 Le présent article s’inscrit dans une recherche portant sur les méthodes d’interventionen éthique. Cette recherche a été rendue possible grâce à une subvention FCAR-FQRSC,2000-2003, « Méthodes et interventions en éthique appliquée », Alain Létourneau cher-cheur principal, André Lacroix et Yves Boisvert co-chercheurs. Nous tenons à remerciercet organisme pour son soutien.

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hausse des épuisements professionnels, lesquels découlent de l’absence desens des actes professionnels qui sont réduits à de simples applicationstechniques. C’est ainsi que des milieux de travail déstructurés laissent lesprofessionnels à eux-mêmes pour résoudre des situations complexes. Trèssouvent, ces situations renvoient à des conflits de valeurs (priorités non par-tagées) ou des conflits de normes (normes et règles en contradiction les unesavec les autres, avec les finalités ou les valeurs de l’organisation), quand ce nesont pas tout simplement des conflits entre celles-ci et les pratiques. Cessituations relèvent de l’éthique et génèrent une forte demande à cet effet.Les personnes qui reçoivent ce type de demandes ont-elles les outils néces-saires pour y répondre? Ces outils justifient-ils d’une série de compétencesspécifiques?

En tout cas, dans le contexte de cette demande grandissante, de nombreuxconsultants offrent des interventions en éthique sans que ces interventionsne soient soumises à aucune condition professionnelle ou formelle. Dans lamesure où la demande est récente et en l’absence de formation axée surl’intervention, la question qui vient à l’esprit de plusieurs touche la valeur desinterventions en éthique. De fait, une intervention en éthique peut-elle avoirun fondement quelconque, voire une légitimité au niveau méthodologique,tant au point de vue des savoirs qu’au point de vue des procédures d’inter-vention? Car notons-le, plusieurs personnes se présentent comme conseillersou consultants en éthique, se réclamant d’une « intervention en éthique appli-quée », notamment au Québec2 sans qu’aucune institution ne dispense deformation complète à cet égard. Cette intervention désigne-t-elle toutefois desactes particuliers qui en caractériseraient l’approche, en la différenciant desautres types d’interventions? Partage-t-elle bien, comme on pourrait le penser,les caractéristiques de toute intervention? Autant de questions qui furent peutraitées par les chercheurs alors que les réponses à ces questions aurontd’importantes conséquences pour l’avenir des acteurs qui se réclament del’éthique, qu’elle se dise sociale, publique, appliquée, clinique, environne-mentale ou autre3.

2 Il existe ainsi une Association des Praticiens en Éthique du Canada (EPAC-APEC), quiregroupe un membership québécois important. Pour donner une indication, l’Associa-tion (qui ne regroupe d’ailleurs pas nécessairement tous les praticiens en éthique auQuébec) rassemble chaque année environ 300 personnes lors de son congrès québécois.Voir leur site web : http://epac-apec.hypermart.net, où l’on apprend que parmi le mem-bres identifiés sur la liste, 40 sont québécois en date du 23 avril 2003.

3 Voir A. Lacroix et A. Létourneau (dirs), Méthodes et interventions en éthique appliquée.Montréal, Fides, 1999. Cet ouvrage manifeste bien les différentes théories présentes :principlisme, narrativisme, théories procédurales de la décision, etc.

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Dans le présent article, nous nous proposons de préciser le sens du mot« intervenir » en même temps que les lieux et domaines d’intervention dansl’une ou l’autre discipline. Ceci fait, nous réfléchirons sur un problème assezcentral, celui de la non linéarité des interventions et verrons comment uneintervention peut à la fois être structurée et non linéaire. Si, pour la plupart desauteurs, l’éthique appliquée fait partie de la philosophie au sens de la philo-sophie pratique, il reste à voir comment elle peut revendiquer un domaine deproblèmes particuliers qui légitimerait son existence disciplinaire. Nousverrons s’il est justifié de considérer que l’éthique appliquée est une « disci-pline » qui a ses traits propres tout en partageant certains traits avec les autressciences sociales appliquées.

Qu’est-ce qu’intervenir et être intervenant?

Discuter de l’intervention en éthique appliquée commande d’entrée de jeu declarifier nos termes afin de préciser ce que nous entendons par «intervention».Pour ce faire, partons du fait qu’on intervient toujours « sur » ou « en » situation.Ainsi, il arrive que nous voulions intervenir « sur » des relations interper-sonnelles difficiles afin de les faire évoluer dans un sens convenant mieux auxpersonnes impliquées dans la situation ou sur la structure organisationnellecomme telle afin de le bonifier ou de la modifier4. Sans doute peut-on égale-ment intervenir « dans » les organisations ou « en » elles, soit pour régler unproblème immédiat, soit en ayant des visées de changement plus vastes aupoint de souhaiter modifier les « conditions » qui caractériseraient la situation,viser un changement plus profond (chercher un changement structurel). L’in-tervention peut aussi viser un état de fait à changer au plan de la santé. Unmalade consulte un médecin; il lui demande d’intervenir si requis « dans » sasanté. Cela suppose d’abord d’écouter le récit du cas du patient et de porter,après examen suffisant, un diagnostic sur son état, d’où pourra surgir une« prescription », soit d’actions, soit de médicaments ou d’exercices. En cesens, peu importe la nature de l’intervention , on retrouve toujours le mêmetype de cadrage : i) une situation qui pose problème, ii) une problématisationde la situation entendue au sens d’une façon de comprendre le problème,iii) une analyse de la situation et iv) une « intervention » qui suppose inten-tions et actions visant à changer la situation , éventuellement à « ré-

4 Voir J.Nizet et C. Huybrechts, Interventions systémiques dans les organisations. Intégra-tion des apports de Mintzberg et de Palo Alto. Bruxelles, De Boeck Université, 1998.

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gler » le problème. On semble forcément s’inscrire dans un contexte épistémo-logique de type « problem solving », et faire appel à des catégories de naturepraxéologique5 .

Eu égard à ce qui précède, il semble qu’il s’agit toujours 1) de commencerpar étudier la situation à partir d’un constat de difficulté formulé dans unedemande, ce qui suppose l’expression d’une requête d’analyse et/ou d’inter-vention par une personne ou un groupe demandeur. 2) On devrait dès lors,comme intervenant, et avec la participation des demandeurs (participation varia-ble, mais toujours importante) être en mesure de formuler clairement le pro-blème. À partir de là, se dégageront 3) des visées de transformation d’uncertain type de système, qu’il s’agisse d’un vivant singulier ou d’un groupe,d’une situation ou d’un complexe de relations, ce qui suppose toujours desobjectifs à atteindre. On devra forcément, dans un contexte pratique, discuterdes fins et des moyens avec les partenaires, parler aussi bien agenda quefaisabilité; cette discussion prendra le plus souvent la forme d’une ententeplus ou moins formelle. Ceci inclura 3’) une planification afin d’en arriver àcette fin puisque normalement, on s’attend à ce qu’il y ait dans cette planifica-tion des actions. Il peut s’agir de plusieurs types d’actions provenant deplusieurs acteurs, d’actions à entreprendre par l’intervenant ou par une équipe,ou au contraire certains constats ou formulations pourraient conduire…à nepas entreprendre d’action ! Dans ce cas, l’intervention se sera limitée à l’ana-lyse du problème (si par exemple l’intervention possible est estimée tropcoûteuse ou impossible à réaliser). Notons que dans les faits 3) et 3’) sont liées,et doivent être construites ensemble, ce pourquoi nous n’en faisons pas deuxétapes foncièrement différentes. À supposer que des actions aient été plani-fiées, on peut croire que celles-ci peuvent se décomposer en de plus petites. Si,par exemple, l’action cherchait à produire une prise de conscience des mauvai-ses habitudes ayant cours dans une organisation et de leur importance, cetteaction peut supposer une série de moyens : table ronde, discussion, tenue

5 J. G. March, H. A. Simon, Organizations. New York, Wiley, 1958; M. D. Cohen, J. G.March et J. Olsen, «A garbage can model of organizational choice», AdministrativeScience Quarterly , 1972, 17, p. 1-25, sont des bons exemples d’une approche organisa-tionnelle orientée vers la solution de problèmes. Dans le contexte des théories del’action, les praxéologies sont dans la proximité des théories du choix rationnel, voirMario Bunge, Social Science under debate . A philosophical Perspective, Toronto,University of Toronto Press, 1998, chapitre 7, «Action theory», p. 306-353. Nouspouvons sans doute avoir des réserves par rapport aux théories du choix rationnel,surtout dans leurs formes les plus canoniques, sans pour autant avoir à renoncer à touteplanification de l’action. Pour des critiques face à certains postulats habituellementrepris dans les explications de type choix rationnel, en particulier concernant la nonexistence d’un comportement optimal, voir Jon Elster, « Nature and scope of Rational-Choice Explanation », dans Michael Martin et Lee C. Myers (ed.), Readings in thephilosophy of Social Science. Cambridge et Londres, MIT Press, 1995, p. 318-319.

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d’entrevues ou de focus groupes, etc. C’est ce que nous appellerons 4) unesuite d’opérations censées mener à ces transformations visées et censéesdonner corps à ces actions; ce qui implique une durée des opérations. En fin deparcours, cette suite d’opérations donnera lieu à 5) une évaluation des actionsentreprises, un examen du degré de réussite, de l’obtention des visées, desrésultats obtenus. Toutes ces phases contiennent de nombreuses interactionsavec les personnes concernées. En ce sens, l’intervenant ne peut se considérercomme un pur chercheur dépourvu de toutes passions. Il est un chercheur-interve-nant qui intervient dans une série d’interactions étroites avec ses partenaireset les acteurs concernés6.

Ces diagnostics, contrats, opérations et évaluations concernent les personnes,les groupes ou les organisations, les relations, les processus sociaux. Vu sonapparente généralité, la compréhension de l’intervention et, par extension cellede l’intervenant, autorise toutes les interprétations, au point de risquer de setransformer en « fourre-tout ». Il faut pourtant éviter cette banalisation duvocable « intervenant », ce qui a pour effet de jeter un discrédit sur touteintervention. Nous réserverons quant à nous l’expression « intervenant » àune personne susceptible de formuler en séquence le sens de ses actions dansun même dossier. Cette personne poursuit alors une fin particulière. Elle peutévidemment être appelée à offrir une problématisation spécifique de son inter-vention et avoir des outils éprouvés pour mener son intervention.

Les « espèces », « lieux » et « problèmes » de l’intervention

Lorsque nous parlons d’interventions professionnelles, nous désignons touteune classe d’actions ou de suites d’actions menées par des agents professionnelsau sens strict (i.e. comme membres d’une profession identifiée) ou au senslarge (comme groupe d’acteurs ayant un idéal normatif pratique de profession-nalisme). Notons d’abord qu’il y a plusieurs « espèces » d’interventions quenous caractériserons par le genre de professionnels qu’elles concernent. Il y ales praticiens des sciences sociales, orienteurs, thérapeutes, psychologues,psycho-éducateurs, psycho-sociologues, sexologues, éducateurs, pour ne

6 Nous trouvons des orientations de ce type dans les ouvrages suivants: Dean H. Hepworth,Ronald H. Rooney, Jo Ann Larsen, Direct Social Work Practice. Theory and Skills. 6è édition.Pacific Grove (CA), Brooks-Cole publ., 2002; voir aussi Eveline D. Shulman, Interventionin Human Services. A guide to skills and knowledge. The C.V. Mosby co, St-Louis,1982. Voir également Lia Sanicola (dir.), L’intervention de réseaux. Paris, Bayardéditions, 1992, spécialement C. Besson, « Parcours méthodologique », p. 156-274;217-227. Voir également Jean Nizet et Chantal Huybrechts, Interventions systémiquesdans les organisations. Intégration des apports de Mintzberg et Palo Alto. Bruxelles, DeBoeck Université, 1998, p. 15-16; 74-95.

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nommer que ceux-là et, pourquoi pas, aussi les conseillers en éthique: tous cesacteurs sont en mesure de réaliser des interventions. Bien qu’on puisse aussiparler d’interventions, médicale ou chirurgicale, ou d’intervention militaire,nous laisserons ces éléments de côté parce qu’ils sont davantage affaire delieux physiques: une intervention chirurgicale ou militaire, intervenir dans l’éco-nomie du pays par exemple en abaissant les taux d’intérêts si on est habilitépour le faire, intervenir au plan politique en passant une loi. Il y a enfin lapossibilité d’intervenir dans les mass–médias ou sur la scène médiatique, oumême dans une discussion théorique, dans un débat au sens où l’on y survientpar « une intervention ». C’est en ce sens qu’un auteur a pu parler des « inter-ventions in ethics », mais nous ne donnerons pas ici une grande importance àce genre de prise de parole essentiellement théorique7; ce qui n’est pas à direqu’elles n’ont pas leur place, tout au contraire. Nous les ignorerons par soucide clarté pour nous en tenir à l’intervention éthique qui renvoie, comme nousl’avons précisé, à une «expertise» et un type d’action particulier 8. Nousrestreindrons par conséquent notre propos à l’intervention professionnelle,c’est à dire au sens généralement accepté de l’intervention dans les sciencessociales appliquées9. Au sein de ces dernières, les différentes approches ont,

7 D.Z. Philips, Interventions in ethics. New York, State University of New York, 1992.8 Nous devrons revenir plus loin sur cette thématique, très difficile à considérer, de l’ex-

pertise. Si nous parlons d’expertise, ce ne peut pas être en voulant dire que les personnes,en vertu de leur expertise, seraient plus morales ou plus éthiques dans leur comporte-ment. Les approches en éthique appliquée ne s’appuient pas sur l’idée d’un savoir moraldont l’application irait en quelque sorte de soi, dans une approche foncièrement techni-que du mot « expertise ». S’il fallait l’entendre dans ce sens, il faudrait conclure qu’unetelle expertise n’existe pas. Ce qui ne signifie pas que certaines compétences, habiletés etcertains savoirs spécifiques ne caractérisent pas ce métier particulier de l’intervenant enéthique.

9 Prenons ici l’expression « Sciences sociales » comme incluant le travail social, lessciences de la gestion, les sciences du comportement humain comme les psychothéra-pies, mais aussi le design urbain ou autre. Le lien de l’agir professionnel et des théories etpratiques en sciences sociales est bien montré dans G. A. Legault (dir.), L’intervention :analyses et enjeux méthodologiques. Sherbrooke, GGC Éditeur, 1999. Quand Donald A.Schön développe son concept de « praticien réflexif », il traite aussi bien de psychothé-rapie, d’urbanisme, d’art de la gestion que de l’apprentissage organisationnel, sans oublierle design en architecture, ce qui l’amène bien sûr à traiter de recadrage et de réflexion encours d’action. Voir D. A. Schön, Le praticien réflexif. Montréal, Éditions Logiques,1994 (1983). On doit toutefois remarquer que si Mario Bunge (1998) laisse une certaineplace dans ses réflexions aux questions de théorie de l’action (le chapitre qui en traite, p.306-353, dans la partie « Sociotechnology ») et fait mention des philosophies politi-ques « interventionnistes » (p. 169), le collectif dirigé par Jean-Michel Berthelot, Épis-témologie des sciences sociales. Paris, PUF, 2001, n’en fait pas mention, sans douteparce que ce traité ce situe, comme d’autres traités théoriques en sociologie, davantagedu côté de la théorie qui concerne tout acteur social, et pas d’abord certains acteursparticuliers considérés comme « intervenants ».

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pour la plupart, des airs de praxéologie, selon la topique sommaire que nousavons brièvement esquissée : demande formulée, observation et analyse de lasituation, proposition d’intervention, entente contractuelle, séquence d’ac-tions constituant l’intervention, retour critique sur le processus. Nous leverrons toutefois dans le tableau I, cette topique se distribue encore selon unepluralité de coupes transversales qui en définissent plus étroitement les com-posantes.

Tâchons par conséquent d’obtenir plus de précision et de spécificité dans letraitement afin de mieux situer les différents aspects de l’intervention. Nouspouvons ainsi penser à des « lieux» humains spécifiques de l’intervention, enentendant par là un domaine concret de l’intervention, un ordre bien particulierde grandeurs en termes de situations humaines, une « scène » au sens d’uncontexte : la famille, les relations de couple, les relations intra-groupes etinter-groupes, les organisations, la marginalité adolescente10. Nous parlerionsalors des « lieux » de l’intervention pour en déterminer, non pas la nature«géographique», voire géophysique, mais bien la nature intrinsèque. La phasesuivante consiste à identifier la « situation » (marginalité adolescente, relationinter-groupe, etc.) qui nous intéresse sur une même scène de la vie courante.En effet, nous pouvons être confrontés aux difficultés rencontrées par unadolescent pour établir des relations avec d’autres personnes, ce qui peutnous renvoyer à la même base référentielle de l’existence humaine dans descirconstances spécifiques (2e colonne du tableau I). Il est également possiblede descendre au niveau des « problèmes » vécus  dans l’un ou l’autre de ces« lieux » : les problèmes de consommation de drogue, les problèmes de réhabi-litation de l’adolescent ou du jeune après criminalisation, les problèmes derésistance au changement ou à l’apprentissage dans les organisations, lesproblèmes sexuels dans le couple. L’identification du problème est d’autantplus importante qu’elle commandera des approches et des solutions fort diffé-rentes selon les circonstances spécifiées. Le problème devrait alors être compriscomme la manière dont nous formulons la situation dans notre langage et danscelui du «client» (3e colonne du tableau I). Enfin, nous pouvons penser à des« dimensions » spécifiques qu’il s’agirait d’investir dans ces divers lieux : lesmodes de communication, les stratégies cognitives, les habitudes comporte-mentales, tel secteur de ces habitudes, les opinions préconçues, les visions dumonde. Par dimensions, nous désignons une composante de l’action humaineque nous entendons investiguer afin d’apporter une solution au problèmeénoncé dans le cadre disciplinaire évoqué et selon la nature du problèmeformulé. Nous pouvons définir les espèces d’intervention par les champs

10 Sur la notion de « scène », voir les travaux de Kenneth Burke, A grammar of motives.Berkeley (Ca.), University of California Press, 1969, p. 3-20.

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disciplinaires qui leur correspondent. En revanche, les lieux sont à comprendrecomme des domaines de vie sociale ou individuelle. Dans chacun de ces lieuxse vivent des problèmes, qui se déploient dans certaines dimensions et nonnécessairement dans d’autres. Le «socle» épistémologique permettant de cons-truire le tableau renvoie à la théorie et aux pratiques de l’argumentation, vuesnon pas comme de simples « outils » pour « convaincre » mais bien commeayant une valeur épistémique, c’est à dire une valeur de connaissance.11

Tableau I : typologie de l’intervention : quelques exemples

La terminologie créée pour nos besoins et à laquelle renvoie le tableau I permetd’abord de montrer comment différentes sortes d’intervention sont possibles.Ce tableau nous permet ensuite de montrer que ces interventions n’en sont pasmoins toutes des « interventions » au sens des sciences sociales appliquées.Selon ce modèle, il serait par exemple possible d’avoir pour « lieu » d’interven-tion les relations inter-groupes, pour « problème » l’absence de collaboration

11 Comme professeur, Alain Létourneau s’occupe beaucoup d’argumentation, et c’est làpour lui une source importante de repères méthodologiques, y compris et en particulierdans des projets de recherches comme celui de Génome Québec, mené avec BrunoLeclerc dans le cadre du GEDS, ou dans le contexte des travaux du VRQ (PPRN-RRPV)sur le débat des OGMs au Québec. Pour la question de la valeur de l’argumentation pourla connaissance, voir entre autres Stephen E. Toulmin, Les usages de l’argumentation.Paris, PUF, 1998 (1958), et plus récemment Ian Hacking, An Introduction to Probabilityand Inductive Logic. Cambridge, Cambridge University Press, 2001.

Espèces Lieux Problèmes Dimensions(correspondantes (correspondantsaux champs aux domaines)disciplinaires)

Travail social -Marginalité adolescente -Consommation -Habitudes-Autres catégories : de drogues comportementales personnes âgées, etc. -Autres problèmes -Stratégies

cognitives

Conseiller en -Relations inter-groupes Absence de -Modes decommunication -Paliers et espaces de la collaboration, communicationorganisationnelle communication des déformations dans chacun des organisations et rétention groupes -Médias internes

de l’information de communication

Intervenant en -Relations internes Résistances à -Culturechangement aux organisations l’apprentissage et organisationnelleorganisationnel -Structuration des au changement -Stratégies cognitives

procédés et règles -Mécanismes de défense techniques

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entre les groupes d’une même organisation, et pour « dimension » de recher-che et d’intervention les modes de communication entre les groupes. Il seraitaussi possible d’avoir pour « lieu », la marginalité adolescente, pour « pro-blème », la consommation de drogue, et pour « dimension », les habitudescomportementales, les stratégies cognitives, etc. Bien sûr, une pluralité dedimensions pourrait être investie concurremment à l’occasion du traitementd’un problème affectant des personnes dans un lieu quelconque. Bien d’autresproblèmes sont traités par chaque espèce d’intervention. Quant aux « espèces »d’interventions possibles, elles peuvent se classer aisément en termes de tra-vail social ou autre intervenant en toxicomanie pour ne donner que quelquesexemples.

Tableau I.I : le cas de l’éthique appliquée

Ce tableau permet de préciser comment nous comprenons l’intervention enéthique appliquée. À première vue elle apparaît comme très générale… sauf sinous en spécifions suffisamment le champ d’opération. C’est le cas dans letableau qui précède : le domaine d’objets spécifique concerne les conflitsnormatifs et axiologiques. Il est possible de viser plusieurs dimensions, maistel praticien éthique peut se restreindre à l’une ou l’autre d’entre elles. Simple-ment, on ne peut dire a priori quelle dimension devrait d’abord être investiguéepar ce type d’intervenant : cela peut dépendre des contextes et des organisa-tions.12 Notons-le aussi, nous renvoyons ici forcément à une compétenceéthique chez les décideurs et chez les acteurs qui ont formulé la demande

Espèces Lieux Problèmes Dimensions

Éthique appliquée Tout champ de pratique Conflits normatifs L’ensemble desgénérale sociale quel qu’il soit et axiologiques dimensions (cognitive,

habituelle,comportementale,culturelle) dans leurcomposante de« compétence éthique »

Éthique appliquée Les pratiques Les conflits L’ensemble desà la vie interne organisationnelles normatifs et dimensions dans leuraux organisations axiologiques dans composante requérant

les organisations une « compétenceéthique »chez les acteurs

12 Dans un autre texte, il sera possible de pousser plus loin l’analyse en partant des diversesespèces d’éthique appliquées sectorielles (de l’environnement, des communications, desaffaires, professionnelle, de la recherche, clinique) et de ses différentes dimensions.

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d’intervention. Quitte à penser que les opérations menées auprès des « clients »seraient susceptibles d’aider à exprimer et développer celle-ci. Il est clair qu’uneintervention ne pourra suppléer à l’agir des acteurs du système organisé lui-même!

Ce qui soulève la question de savoir comment comprendre les conflitsnormatifs et axiologiques eux-mêmes. Ceux-ci interviennent bien sûr quand lesacteurs sont partagés et divisés entre des normes et des valeurs auxquelles ilssont requis de tenir dans la situation qui est la leur. Il leur semble souventdifficile d’identifier, de nommer correctement le problème, tout comme detrouver une issue. Le praticien réflexif en éthique appliquée serait en mesure deformuler clairement ce conflit et d’aider à le résoudre; ce serait du moins l’objetde son travail.

Nos deux premiers tableaux permettent de mieux comprendre la spécificité etles particularités de l’éthique appliquée. Tentons maintenant d’aller un plusloin dans notre caractérisation de ce type d’intervention.

Souplesse et non linéarité

On parle depuis un certain temps d’interventions « non linéaires », ens’inspirant explicitement de la théorie du chaos13 afin de caractériser des inter-ventions qui obligent à des retours en arrière, des réexamens continuels dessituations. Ainsi entendue, une non linéarité peut s’insérer n’importe où dansles étapes praxéologiques qu’on a dites. Par exemple à l’état du diagnostic :l’intervenant et la personne ou le groupe auprès de qui se fera l’intervention,ou avec qui elle se fera, devraient pouvoir s’entendre pour dire qu’il y a unproblème. Pourront-ils s’entendre pour définir le problème ensemble? Ou bien« l’intervenant » sera-t-il celui qui en fin de compte définira le problème d’unecertaine manière? Si en tout cas la partie consultante (le demandeur) prendconnaissance du diagnostic, du plan d’action et du but visé ainsi que de lasuite d’opérations proposées et n’est pas d’accord avec ces éléments ou aveccertains d’entre eux, et s’il s’agit d’un désaccord avéré, la rupture est probableentre la partie consultante (le client) et la partie consultée (le professionnel« intervenant »)14 . Il faut sans doute préciser quel est le problème, mais cela

13 Voir P. Carle (dir.), Processus non linéaires d’intervention. Montréal, Presses de l’Uni-versité du Québec, 1998 ; et spécialement Paul Carle et Roger Tessier, « Processuslinéaires et non linéaires en intervention », 5-62, p. 19.

14 Pour la notion de désaccord avéré, voir J.-F. Malherbe, L. Rochetti et A.-M. Boire-Lavigne, «Validité et limites du consensus en éthique clinique», Laval théologique etphilosophique, 50, no. 3 (1994), p. 531-543.

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peut être compatible avec une ouverture systématique à la révision de sespositions comme le défend le philosophe Karl Popper qui postulait l’intérêt,pour la connaissance scientifique, d’avoir des théories dont on peut prouver lafausseté15. Il est aussi possible, et souhaitable dirions-nous, qu’un ajustementmutuel intervienne entre demandeur et intervenant16 sans nécessairementsupposer que cette entente procède d’une logique du compromis ou de lanégociation. Certes, une dimension de négociation peut être présente, maiselle n’aura pas nécessairement le dessus dans la relation qui suppose deconstruire ensemble, avec le client, la compréhension du problème ainsi quel’acceptabilité raisonnable des solutions proposées.

Cependant, toute intervention suppose, de la part du client, la reconnaissanced’une certaine expertise chez l’intervenant, même si le client est aussi, en unsens, un éminent « expert » de sa propre situation… En s’aidant au maximumdes acteurs issus du milieu, l’intervenant arrive à un constat de situation et ildevrait y avoir acceptation par la partie consultante de ce qui est proposécomme diagnostic et but à atteindre. C’est dire toute l’importance de la relationde confiance qui doit exister entre le « client » et le professionnel, et combien,en l’absence de celle-ci, ou alors devant l’échec des efforts de convaincre del’intervenant, on assistera à l’échec de l’intervention. À ses talents d’analysteet d’opérateur, l’intervenant doit donc ajouter une capacité communicationnellepour construire et entretenir une relation de confiance17.

Ensuite, à supposer que le plan d’intervention ait été accepté et qu’on se soitentendu sur la liste d’opérations, d’éventuels ajustements sont possibles àtout moment. Il peut encore survenir en cours de route bien des imprévus detous ordres rendant impossible l’application du plan d’action comme il avaitd’abord été construit. L’important sera sans doute pour l’intervenant de savoirs’ajuster et de se réajuster pour poursuivre quand même ses visées et objectifspar des moyens éventuellement légèrement ou beaucoup changés. À sescapacités d’action et de communication, s’ajoutent donc une importante capa-cité d’écoute et une adaptabilité, une réceptivité aussi et une ouverture à lapossibilité de se réajuster : l’intervenant doit être un « apprenant ».

15 Voir Karl R. Popper, Conjectures and Refutations. The Growth of Scientific Knowledge,Londres et New York, Routledge and Kegan Paul, 1963.

16 J. Nizet et C. Huybrechts (op. Cit.), en font état par exemple p. 77 et suivantes.17 À cet effet, déjà Aristote enseignait qu’argumenter, c’est trouver ce qui dans le cas est

convaincant, ou selon la traduction de Médéric Dufour c’est « la faculté de découvrirspéculativement ce qui, dans chaque cas, peut être propre à persuader ». Voir Aristote,Rhétorique, livre 1, 1355b. Paris, Les Belles Lettres, 1960, p. 76.

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Mais la difficulté peut venir de la double contrainte suivante : 1) l’intervenantest censé être un « expert » qui sait quoi faire avec le problème, mais il ne peutrien faire sans la collaboration active, la plus ouverte et la plus franchepossible, avec le destinataire de l’action. Il peut s’avérer dans la pratiqueobligé 2) de remettre en question sa « compétence » spontanée en matière decas, de système ou de traitement, soit en raison d’aspects apportés par leclient, soit en raison de ses propres découvertes sur le terrain ! Le destinatairepeut aussi entourer l’action de l’intervenant de contraintes particulières, luiinterdire telle ou telle action ou limiter le temps dont il dispose ainsi que sesressources, autant d’éléments qui, poussés à bout, peuvent compromettrel’intervention ou à tout le moins la modifier.  Il lui faut une souplesse certainepour réajuster ses interventions et sa planification, mais par hypothèse il auratoujours besoin d’une planification, de visées et d’opérations, puis de faireretour sur son action de manière critique, même si le contenu matériel de cesdiverses étapes est légèrement réajusté en cours de route. On l’imagine éven-tuellement prêt à reformuler son plan d’action, ses opérations et tout le reste.Mais jusqu’où peut-il se permettre de réécrire son plan d’action? N’arrive-t-ilpas un moment où une telle remise en question serait perçue comme unefaiblesse, comme un manque de compétence ou tout simplement comme unpragmatisme frôlant l’opportunisme? Pour cette raison d’ailleurs, l’intervenantdoit, de plus, être très au clair sur ce qui est négociable ou modifiable et ce qui nepeut pas l’être sans compromettre la qualité et la valeur de son intervention !Nous pouvons sans doute éviter cette difficulté si nous voyons l’interventioncomme un processus qui est une co-opération client-intervenant. Mais cepartage effectif des compétences, de l’analyse et des solutions peut dérangerles velléités ou les attentes d’expertise.

L’intervenant ne peut se permettre de prétendre à ce qu’il n’est pas, mais doitau contraire avoir assez confiance en ses ressources, non seulement pour seréajuster, mais au contraire plus encore, pour penser le problème et sa solutionavec le client ! Et ce, non pas seulement au début mais à tout moment,lorsque la situation le requiert, en cours d’action ! Comme intervenant, il est unapprenant qui se doit d’être d’abord expert en écoute et en remises en ques-tion. C’est ici que l’intervention se manifeste aussi sous son aspect de« recherche action ». L’intervenant doit aussi être un expert en maïeutique,permettre au client d’exprimer et de faire évoluer sa compétence éthique, sonjugement. Il doit pouvoir problématiser son propre agir professionnel et savoirdistinguer ce qui est modifiable de ce qui ne peut l’être sans compromettrel’essence de son intervention, dans la mesure où son agir professionnel estréflexif18.

18 Voir les travaux de Shils, Schein, Argyris et Schön, dont Donald A. Schön, Technologyand change. New York, Delacorte Press, 1966 ; Chris Argyris et D. Schön, Theory inPractice, San Francisco, Jossey-Bass, 1974.

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Pour concilier adéquatement les étapes assez classiques que nous avons men-tionnées (diagnostic, visées, projet et contrat, planification et opérations) avecla non linéarité de l’intervention, il faut comprendre que nous n’avons enaucun cas affaire à un enchaînement mécanique, à une suite linéaire d’opéra-tions. Tout au contraire, l’analyse et la planification puis les opérations sontdes moments « herméneutiques » à reprendre et à reformuler dès qu’il estnécessaire de le faire. En fait, l’ensemble de la planification de l’action estconstitué de moments, il s’agit d’un tout et de ses parties dont la compréhen-sion non seulement est réciproque (le tout se comprend par les parties et lesparties par le tout), mais de plus cette compréhension évolue dans le temps.Plusieurs auteurs parlent de dimension « hologrammatique » pour désigner cefait de la présence du tout dans les parties : présence de la finalité globale del’intervention dans chacun de ces moments, et de chaque moment aussi dansla visée19.

Le flou, le vague et le désordre qui caractérisent les situations concrètesn’empêchent pas la planification. Ce flou ne doit surtout pas être oblitéré parune planification trop rigide. Même la meilleure des situations concrètes con-naîtra des phases intermédiaires de durée et d’importance variable, variantesqu’on peut détailler bien davantage que nous le faisons ici. Ces nombreusesreformulations potentielles de l’offre et de la demande posent toutefois unproblème. Comment, en effet, l’intervenant peut-il, après avoir fourni un plan dedépart et une série d’opérations à remplir, se mettre en situation d’apprendrevraiment de ses nouvelles interactions planifiées, quitte à remettre en questionses jugements du début et sa planification, s’il doit maintenir à tout prix sonapparence de professionnalisme auprès de son client? Certes, il ne faudraitpas que l’apparence prenne le dessus, qu’elle se joue au détriment de la« réalité ». Mais l’apparence est tout de même essentielle à un bon agirprofessionnel (notamment l’exigence de crédibilité), et l’intervenant n’a pour« réalité », en face de son client ou demandeur, que le phénomène de sonintervention en sa manifestation concrète.

Non linéarité et requêtes formelles d’un agir professionnel

Cette question portant sur l’apparence et le professionnalisme de l’intervenanttouche la capacité de ce dernier à faire accepter son expertise sans que celle-cine soit «entièrement planifiée». Dit autrement, il semble que la première valeurà faire accepter au destinataire de l’action  soit le fait que l’intervenant est

19 Olivier Amiguet et Claude Julien, L’intervention systémique dans le travail social. Ge-nève, IES-EESP Éditeurs, 42001, p. 34.

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lui-même en processus d’apprentissage face à la situation à propos de laquelleil doit poser un diagnostic et proposer une solution. Partant de ce constat, ilpeut se tromper et devra apprendre « sur le terrain » de l’intervention, dans lamesure où il n’y a pas deux terrains parfaitement identiques ! Il devra se mettreà l’école du client, de sa situation concrète. Certes, son statut d’ « expert »,que souvent il ne voudrait pas avoir mais qu’on lui attribue par la force deschoses20, rend très difficile la remise en question des diverses étapes de sonaction. Une fidélité à son plan de départ peut lui paraître nécessaire en vertu deson professionnalisme même, alors qu’il est censé aussi pouvoir s’adapter encours de route. La chose peut simplement être clairement et posémentexpliquée aux personnes en demande : un vrai professionnel c’est quelqu’unqui peut se tromper, et son professionnalisme consiste justement à pouvoirreconnaître ses erreurs, non seulement cela mais le professionnel réflexif peutchercher activement la contradiction de ses prémisses de départ, et ne pas voirdans celle-ci une catastrophe! Le professionnel authentique souhaiteconstamment apprendre et améliorer sa performance, et non s’asseoir sur une« compétence » non questionnée.

Ce problème peut être supposé être évité si la personne dispose du tempsadéquat pour bien étudier la situation et formuler le problème et ses objectifsde façon réaliste, mais il se peut que ces conditions ne soient pas réunies. Ilserait alors «professionnel» de refuser tout à fait l’intervention…ou d’informerle client de la possibilité plus forte de révision en cours de route. Admettonstoutefois que toute action étant forcément inscrite dans des limites de temps, ilfaut pouvoir livrer la marchandise, et qu’alors celle-ci devra être adéquate. Onconçoit, bien sûr, que la taille, la complexité et l’épaisseur historique (la durée,le nombre d’acteurs ou de groupes impliqués…) des situations de demandesont très variables, et qu’en conséquence le temps requis pour mener à bienune intervention devra l’être aussi.

Avec toute la flexibilité qu’on voudra, il y aura forcément un examen des pro-blèmes du client, avec toute l’attention requise afin de porter un bon jugement,et formuler adéquatement les visées, une planification et des opérations…sansquoi l’intervention serait vouée à ne pas pouvoir décider après coup si on abien étudié la réalité donnée, si les visées ou objectifs ont été bien posés, si les

20 Plusieurs intervenants en éthique appliquée récusent l’étiquette d’expert qu’on a tôt faitde leur attribuer. Il n’en reste pas moins que, dans l’imaginaire populaire et dans celui deleurs clients, ils sont perçus comme tel. Ceci est attesté, comme le montre une étude ducorpus journalistique québécois sur une période de 4 ans. Voir Alain Létourneau, « Ana-lyse du corpus des journaux québécois, de 2000 à 2003: les occurrences et les significa-tions majeures du mot « éthique » dans les articles où ce mot apparaît au titre et au sous-titre », article soumis à la revue Communication, 2005 (texte d’une conférence pronon-cée pour les cinq ans de la Chaire d’éthique appliquée, Longueuil, le 26 avril 2004).

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moyens ont été choisis judicieusement et effectivement exercés, si on a planifiéles actions et si on les a exécutées comme convenu. L’idée même d’interven-tion est impossible sans la structuration de l’action dans une planificationséquentielle. Ce n’est pas à dire qu’une telle planification ne pourra êtrerepensée, que le diagnostic ne pourra être revu et enrichi, etc. La relation avecun groupe ou un client, un patient ou une organisation, avec tout le caractèreformel qu’elle peut avoir dans une société contractuelle et légale, exige unetelle planification et le rend indispensable. Certes, il est possible d’être flexible,de puiser dans une « boîte à outils » et de s’en donner une bonne pour pouvoirrépondre à toutes sortes de situations possibles. Mais si l’on veut réellementintervenir, il faut sans doute faire plus qu’improviser des opérations selon lesgroupes et ses humeurs. C’est l’élément « 5) » de notre série du début qui rendnécessaire les phases précédentes, alors que cette phase d’évaluation estelle-même rendue nécessaire par l’imputabilité, la crédibilité et le sérieuxprofessionnel des buts et des moyens pris pour les atteindre. L’idée mêmed’une intervention « professionnelle » requiert ainsi une clarté des buts, desmoyens et des plans. On l’a vu toutefois, celle-ci devra pouvoir produire unréajustement herméneutique en cours de route, lequel devra simplement pou-voir argumenter qu’il s’est déroulé dans une continuité fondamentale au planet à l’intention, selon la relation de confiance avec le client et le diagnosticporté. À la limite, aucun professionnalisme des interventions, et d’ailleursaucune responsabilité ou imputabilité, ne seraient possible sans ces élémentsqui permettent de revenir sur les actions menées d’un point de vue critique.Parler de professionnalisme et d’imputabilité, c’est évoquer des engagementsformels, qui doivent pouvoir se livrer par écrit, sous forme de plan de ce quisera fait, le fameux « livrable » en forme contractuelle ou quasi-contractuellesouvent attendu dans de telles situations.

Spécificité de l’intervention éthique en termes de non linéarité

Comme nous venons de le faire voir, pour qu’une intervention ait des chancessuffisantes d’être réussie, nous devons considérer les différentes étapes del’intervention au niveau de sa conception et de sa réalisation. Nous devonsensuite prendre en considération ses quatre caractéristiques de base quimoduleront son sens et sa portée comme l’illustre le tableau I. Sur cette doublebase praxéologique et épistémologique nous pourrons déployer une interven-tion éthique, qui a ceci de particulier, qu’elle a pour fonction de dénouer desimpasses liées à l’action humaine en contexte normatif. On ne saurait tropinsister sur l’importance de ce point. Une intervention en effet qui n’aurait riende spécifique ne mériterait pas une existence particulière. Si l’intervention enéthique « n’était que » de la psychologie organisationnelle ou « que » du droit,quel en serait l’intérêt?

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Plus spécifiquement, nous dirons que l’intervention éthique survient dans lecontexte de deux types de préoccupations normatives : ce qui concerne lesnormes, règles et assimilées d’une part, ce qui concerne les valeurs d’autrepart. Ces normes et valeurs remplissent elles-mêmes plusieurs buts liés: rendrepossible l’action, l’encadrer et la diriger, lui donner une  « direction », luiconférer la qualité morale requise, permettre de viser adéquatement les finssouhaitées, lui conférer une légitimité. Elles ont donc un sens et une finalitéessentiellement « pratique » et, à ce titre, elles doivent concerner l’actionconcrète. Il faut prendre en compte les relations entre normes d’une part, entrevaleurs d’autre part, et les contradictions possibles entre normes et valeurstout aussi bien. Ce type d’intervention s’imposerait devant les contradictionsde ce type, lesquelles peuvent découler de la «conscience» aussi bienindividuelle, institutionnelle que sociale. Évidemment, ces conflits normatifsinterviennent toujours en fonction de situations.

Tableau II : Normes, valeurs et situations d’action

1.Normes 2. Valeurs 1.1 Pratiques 2.1 Pratiques couvertes par couvertes par les normes les valeurs

a) Normes A) Très générales aa) Devis de la AA) Énoncés degénérales fondées (valeurs de principe) planification #missionsrationnellement

b) Règles B) Générales bb) Pratiques du BB) Finalitésgénérales fondées (valeurs finales) domaine telles que effectivementrationnellement fondées au point poursuivies dans

de vue professionnel l’agir

c) Règles C) Spécifiques cc) Manières de faire, CC) Attitudesspécifiques d’usage (valeurs comportements et effectivement(rules « of thumb ») instrumentales) habitudes culturelles adoptées dans la

pratique

Posons d’abord que 1 et 2 sont en correspondance réciproquement avec 1.1 et2.1, dont ils sont les corrélats au point de vue pratique. On conçoit facilementque non seulement le contenu de la case a) peut être en contradiction avec b)ou c), mais que des contradictions ou problèmes peuvent intervenir entre A) etB), entre a) et A), entre b) et B)... pour un total de neuf permutations possibles.Et nous n’avons pas encore considéré la troisième et la quatrième colonne, lesensembles aa…), AA…) concernant les pratiques interpersonnelles et/ouorganisationnelles, qui peuvent aussi être en contradiction entre elles ou avecl’un ou l’autre des groupes mentionnés dans les deux premières colonnes!Non seulement elles peuvent être «en contradiction» au sens d’un «écart»

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comme «non fidélité à la norme ou valeur», mais elles peuvent aussi l’être « parinadéquation » de la norme ou de la valeur à la situation pratique, non seule-ment parce que la pratique ne serait pas «à la hauteur», mais tout aussi bienparce que la norme ou la valeur seraient «décalées» par rapport aux pratiques.Ces dernières sont souvent sources de valeurs et de normes qui n’apparaissentpas nécessairement dans les chartes, codes ou énoncés de mission ! Lespratiques sont aussi génératrices de normes et de valeurs, et souvent la formu-lation des normes est en retard sur la pratique. Sans compter d’autres raisonsencore (méconnaissance des complexités de la situation, surcharge normative,absence de formation suffisante du jugement chez les décideurs, etc.)21. Enfin,il est clair que si nous mettons le tableau II en lien avec le tableau I et le tableauI.I, nous pouvons voir que les conflits normatifs soulevés ici peuvent être« relus » en fonction d’espèces, de lieux, de problèmes et de dimensions fortdifférentes les unes des autres. Pour ne donner qu’un exemple, quelles sontles normes et valeurs concernées, dans la pratique de type travail social,concernant la marginalité adolescente, et le décrochage scolaire plus particu-lièrement, en regard des habiletés socio-affectives? Elles sont multiples.Sont-elles en conflit entre elles, avec d’autres requêtes de ce champ ou d’autreslieux, problèmes et dimensions connexes? Définie ainsi, l’éthique appliquée neserait pas tant une forme de régulation (l’éthique appliquée comme « mode derégulation sociale », G.A. Legault) qu’une sorte de médiation des modes derégulation, visant à les rendre non contradictoires. Elle se poserait ainsi à unniveau en un sens « métarégulatoire » - ou métaréflexif, mais dans le but d’aiderla régulation.

En même temps, nous constatons une extrême largeur du champ éthique. Cequi en fait n’est pas surprenant puisque toute action humaine a une compo-sante éthique dans la mesure où elle concerne notre philosophie pratique devie, les orientations de valeurs qui nous structurent. D’ailleurs, toute actionhumaine n’a-t-elle pas aussi une composante morale, dans la mesure où sanscesse elle soulève la question du juste? Dès lors, il n’est pas étonnant que cesquestions se retrouvent potentiellement « partout »…la composante éthico-morale fait partie de la vie comme le langage, la science, l’art, ou la religion,sans se confondre avec ces dernières.

21 Pour les normes distinguées ici, je m’en tiens à des catégories générales, librementinspirées de M. Bunge, op. cit, 331 ss. Pour les valeurs, c’est la distinction classique quel’on retrouve chez bien des auteurs entre valeurs terminales et valeurs instrumentales, lespremières étant des fins visées et les secondes les attitudes ou moyens de les atteindre ;voir par exemple Richard D. Rieke et Malcolm O. Sillars, Argumentation and CriticalDecision Making. New York et Boston, Addison-Wesley, (5è édition) 2001, p. 199.Parmi les valeurs terminales selon ces derniers: vie confortable, vie excitante…parmi lesvaleurs instrumentales, ambition, courage.

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Conclusion

En partant du cadre que nous venons de proposer, l’intervention éthique pourrase développer comme une intervention structurée, mais non linéaire, en cequ’elle implique un retour constant sur les différentes étapes du raisonnementet sur les différentes opérations effectivement menées. L’intervention éthiqueserait ainsi non seulement possible, mais fonctionnelle et efficace dans lamesure où les conditions et démarches évoquées ici seraient respectées. À cesconditions, l’intervention éthique pourra d’ailleurs répondre à la demandesociale actuelle et se poser, non pas comme une nouvelle maïeutique sociale àla remorque de cadres spirituels ou normatifs qui sont parfois tout aussi dom-mageables que les maux auxquels ils prétendent s’attaquer, mais comme unevéritable maïeutique, soit l’art de faire naître les gens et les groupes à leurpropre sagesse pratique.

Toujours à ces mêmes conditions, l’intervention éthique pourra être considé-rée comme une véritable intervention qui diffère des autres types d’interven-tion en sciences sociales appliquées : elle porte sur des valeurs; elle propose,non pas une compréhension de la provenance de ces valeurs, tant sociale quepsychologique, mais une «gestion» de ces valeurs, qui est en fait remise auxmains du client ou demandeur; enfin, la gestion des valeurs passe par leur miseen ordre partiale et temporaire, sur la base de raisons explicables et discutables.Mener ce travail de manière non linéaire implique un retour constant vers le«client» afin de s’assurer de clarifier l’ordre des valeurs plutôt que d’imposersa propre compréhension des enjeux.

Pour ces raisons, la compréhension de l’intervention éthique que nousproposons semble originale et particulière. Elle répond aux standards habituelsdes interventions sans s’y laisser emprisonner puisqu’elle a ceci de particulierqu’elle engendre une prise en charge des personnes sans que ces dernières nese voient proposer aucune hiérarchisation définitive des valeurs, ni une inter-prétation finale de celles-ci. Par sa non linéarité, l’intervention éthique resteouverte au sens poppérien d’une société ouverte.

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